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Diplomacy & Crisis News

Matteo Renzi, un certain goût pour la casse

Le Monde Diplomatique - Tue, 22/11/2016 - 11:37

L'homme providentiel d'hier a déçu ? Un autre apparaît, porteur de tous les espoirs. Dernier exemple en date : l'Italien Matteo Renzi, qui a fait des envieux quand son parti est arrivé largement en tête dans la Péninsule lors des élections européennes du 25 mai dernier. Jeune et charismatique, l'homme détiendrait la clé du salut pour une social-démocratie européenne à bout de souffle.

Au soir du 25 mai, lors de l'annonce des derniers résultats des élections européennes, un score enchanta les médias : celui enregistré par M. Matteo Renzi. Le président du conseil italien pouvait en effet se vanter d'être l'un des rares dirigeants du continent à sortir renforcé du scrutin. En obtenant 41 % des suffrages, le Parti démocrate (PD) ne se contentait pas de battre le record établi à gauche par le Parti communiste italien (PCI) d'Enrico Berlinguer aux élections législatives de 1976 (34 %) : il obtenait aussi quinze points de plus que lors du scrutin national de 2013.

En mars 2014, déjà, le banquier d'affaires français Matthieu Pigasse le citait comme une source d'inspiration (1) — le magazine Les Inrockuptibles, dont M.Pigasse est propriétaire, présentait l'ancien maire de Florence comme un dirigeant « jeune, hyperactif, radical et ambitieux », susceptible de « ressusciter l'Italie » (2). Mais, ce soir-là, M. Renzi se hissait au rang de « meilleur espoir de l'Europe réformiste » pour Les Echos (3), et à celui de « leader indiscutable de l'Europe » pour El País (4). Un nouveau « modèle » venait d'apparaître, en mesure de réhabiliter l'idée européenne tout en contrant la montée de l'extrême droite.

Le Monde ne déguisa pas son admiration pour un dirigeant capable de « réveiller son pays en enjambant les fractures idéologiques, en réconciliant l'entreprise et l'Etat, en mariant l'Europe et la fierté nationale (5) ». Le 31 mai, M. Renzi, assis sur le bord d'un fauteuil, en jean, la chemise largement déboutonnée, faisait simultanément la « une » du quotidien français, du Guardian, de La Stampa, de la Süddeutsche Zeitung et d'El País. « Matteo Renzi est-il l'homme qui pourra sauver l'âme de l'Europe ? », interrogeait le journal britannique.

Le triomphe est pourtant moins éclatant qu'il n'y paraît. Si le PD a atteint des sommets, c'est qu'il a profité de la dislocation de la coalition centriste, jadis dirigée par M. Mario Monti, pour absorber ses voix. Le poids de l'alliance de centre-gauche qui gouverne actuellement l'Italie a donc peu varié. De plus, l'effritement du parti Forza Italia de M. Silvio Berlusconi et du Mouvement 5 étoiles (M5S) de M.Giuseppe (« Beppe ») Grillo s'explique moins par le pouvoir d'attraction du PD que par l'abstention (41 %, en hausse de six points depuis 2009), ainsi que par la progression de la Ligue du Nord (proche du Front national) et de la liste de gauche « L'Autre Europe avec Tsipras (6) », toutes deux qualifiées d'« eurosceptiques ». Le résultat de M. Renzi témoigne donc surtout d'un rééquilibrage des forces et d'une simplification interne à la coalition gouvernementale.

Un langage empreint de fanfaronnades

Le portrait de M. Renzi en « rénovateur » mérite lui aussi d'être nuancé. Certes, l'Italie est un pays notoirement gérontocratique, où les principaux postes sont aux mains de sexagénaires. D'après une étude publiée en 2012 par l'université de Calabre, l'âge moyen de la classe dirigeante y était alors le plus élevé d'Europe : 59 ans, avec des pointes à 63 ans pour les professeurs d'université, 64 ans pour les ministres et 67 ans pour les dirigeants de banque (7). Dans ce contexte, le profil du jeune loup à peine quarantenaire a toutes les chances de séduire un électorat lassé par des dirigeants largement délégitimés.

Mais le renouveau proposé par M. Renzi a peu à voir avec la gauche et son histoire. Le président du conseil est d'ailleurs totalement étranger à la tradition de gauche. Il n'est jamais passé par le PCI, ni par son successeur, le Parti démocratique de la gauche (PDS). Fils d'un homme politique démocrate-chrétien de Toscane, il a commencé sa carrière dans une formation d'inspiration catholique et modérée, la Marguerite.

C'est presque fortuitement, en 2007, quand le PDS et la Marguerite fusionnent pour donner naissance au PD, qu'il fait son entrée dans la famille de la gauche italienne. Sa participation aux primaires démocrates pour la mairie de Florence, contre le candidat du secrétariat national du parti, peut ainsi s'interpréter comme une sorte d'OPA sur une formation à laquelle il s'est toujours senti étranger et qui l'a longtemps perçu comme tel. L'opération se concrétise en février 2014 : il s'empare du gouvernement à la faveur d'un coup de force au sein de son parti qui lui permet de destituer son camarade, M. Enrico Letta. Contredisant ainsi ses nombreuses déclarations dans lesquelles il affirmait son refus d'accéder au pouvoir sans passer par l'élection et la légitimation populaire...

Le renouveau tant vanté ne se situe donc pas dans la capacité de M. Renzi à tenir parole, mais repose presque entièrement sur l'image et la communication politique. Il passe par un langage direct, empreint de fanfaronnades, par un usage immodéré de la télévision et des nouveaux médias — en particulier Twitter—, et par un goût irrévérencieux pour la rupture du protocole institutionnel. L'ancien publicitaire renouvelle ainsi la politique italienne... en portant des jeans.

De ce point de vue, il est un héritier de M. Berlusconi, qui savait parfaitement manipuler les médias pour apparaître comme l'homme des rêves et des espoirs. Depuis leur première rencontre, en 2010, le « Cavaliere » ne cache d'ailleurs pas son estime pour son jeune successeur : il le trouve « différent des vieilles barbes de la gauche » et lui reconnaît une capacité à « sortir des sentiers battus », au point d'avoir voulu en faire son dauphin à la tête de la coalition italienne de centre-droite (8).

Le talent de M. Renzi réside dans sa faculté à combiner l'influence berlusconienne et les enseignements de M. Grillo et de son M5S (9) : les promesses se vendent d'autant mieux qu'elles s'accompagnent d'une rhétorique antisystème. Ainsi, le président du conseil se présente volontiers comme le rottamatore, l'homme qui « envoie à la casse », qui défie une classe dirigeante — à commencer par celle du PD — avant tout préoccupée de ses propres intérêts.

La preuve ? Son gouvernement compte autant de femmes que d'hommes, pour l'essentiel des personnalités sans poids ni expérience politiques. Sur l'exigence du secrétaire national, chacune des listes présentées par le PD aux européennes était dirigée par une femme, parfois inconnue du grand public. Cette méthode rappelle la manière autoritaire dont M.Grillo « gère » les parlementaires du M5S, promus ou excommuniés selon l'humeur du chef charismatique. Dans les deux cas, les élus apparaissent interchangeables, avec en toile de fond l'idée que le Parlement ne sert à rien.

Dès les premiers mois de son mandat, M. Renzi s'est fixé deux priorités, sur lesquelles se concentre la communication gouvernementale : les « réformes » électorales et institutionnelles et la réduction des privilèges de la classe politique. Pour l'instant, les résultats obtenus sont médiocres. L'offensive contre le train de vie des dirigeants du pays s'est simplement traduite par la vente aux enchères de voitures de fonction (Alfa Romeo, Maserati, etc.). Largement couverte par les médias, cette opération a remporté un succès symbolique : les automobiles sont parties comme des petits pains car, si les Italiens se méfient des hommes de pouvoir, ils aiment leur ressembler...

Quant aux réformes du système électoral et du Sénat, elles constituent, selon le président du Sénat, M. Pietro Grasso, un « risque pour la démocratie ». Le juriste italien Gustavo Zegrebelsky n'est pas seul à estimer que la prime au parti majoritaire — 37 % des voix suffiraient pour occuper trois cent quarante des six cent trente sièges de la Chambre — combinée à l'affaiblissement du rôle du Sénat frôlerait l'inconstitutionnalité (10).

Sur les plans économique et social, en revanche, le gouvernement s'est bien moins agité.

Le bonus de 80 euros mensuels accordé jusqu'à la fin de l'année aux dix millions de travailleurs gagnant moins de 1 500 euros apparaît surtout comme une initiative symbolique qui dissimule mal la continuité entre M. Renzi et ses prédécesseurs. La mesure n'est pas ruineuse, et elle a permis au président du conseil d'apparaître comme un contempteur de l'austérité prônée par Bruxelles, ce dont il a pu se targuer pendant la campagne européenne.

Pourtant, derrière les apparences, le rottamatore se fait le promoteur d'un blairisme vintage étranger à la tradition sociale-démocrate. Ainsi, le récent décret sur le travail — qu'il a rebaptisé « Jobs Act »— accentue la précarisation en allongeant de douze à trente-six mois la durée des contrats à durée déterminée sans motivation, et en autorisant leur renouvellement jusqu'à huit fois. De même, en dépit de son hostilité de façade à la réforme des retraites approuvée par le gouvernement Monti, l'équipe actuelle semble n'avoir nullement l'intention de la modifier. Le ministre de l'économie Pier Carlo Padoan s'est d'ailleurs déclaré « favorable à une augmentation progressive de l'âge de la retraite », car, selon lui, « il est faux de dire que les seniors volent le travail des jeunes » (11).

M. Renzi bénéficie d'un crédit certain, qu'il compte utiliser pour imposer les réformes que ses prédécesseurs ne sont pas parvenus à mettre en œuvre. Il jouit d'une couverture médiatique importante, tant dans la presse italienne qu'internationale ; il a le soutien de personnalités de renom, tels M. Diego Della Valle, le propriétaire de la marque Tod's, ou les hommes d'affaires Flavio Briatore et Carlo De Benedetti. Son dernier supporteur en date n'est autre que l'administrateur délégué de la Fiat, M. Sergio Marchionne : « Le programme Renzi est le seul possible. J'espère qu'ils l'écouteront (12). »

Une fois parvenu au gouvernement, M.Renzi n'a d'ailleurs pas manqué de manifester sa reconnaissance à ses riches soutiens, en soulageant de 23 millions d'euros d'impôts le groupe Sorgenia, propriété de la famille De Benedetti. Celle-ci contrôle entre autres le groupe éditorial L'Espresso, dont fait partie le quotidien La Repubblica — ce qui explique peut-être le traitement particulièrement favorable que lui réserve le journal.

L'image de la « casse » si chère au président du conseil est parfaitement adaptée au renouveau qu'il propose : de même que les primes offertes pour les voitures ou les appareils électroménagers détruits ne font qu'accorder une bouffée d'oxygène aux entreprises, le « renouveau » promis est nécessairement à usage unique, destiné à une rapide érosion. M. Renzi devra mettre en musique une difficile partition politique : apporter des améliorations concrètes au sort des classes les moins favorisées, tout en garantissant les intérêts composites des actionnaires majoritaires de son leadership — la classe politique de droite et de gauche, qui ne veut pas renoncer à ses privilèges, les groupes financiers, le barreau italien... Le tout en évitant de trop s'écarter de l'évangile néolibéral et des exigences de la « troïka » européenne. Et il devra y parvenir rapidement. Car la mise au rebut n'épargne pas forcément ses meilleurs promoteurs...

(1) Christine Lejoux, « “Aucune économie n'a jamais renoué avec la croissance par des politiques d'austérité” », La Tribune, Paris, 29 mars 2014. M.Pigasse est par ailleurs actionnaire du Monde.

(2) Olivia Müller, « Mais qui es-tu Matteo Renzi ? », Les Inrockuptibles, Paris, 6 avril 2014.

(3) « Matteo Renzi et le syndrome du “matador” en Europe », Les Echos, Paris, 4 juin 2014.

(4) « “Si hacemos reformas creíbles, el popu- lismo ya no tendrá futuro” », El País, Madrid, 30 mai 2014.

(5) Françoise Fressoz et Philippe Ridet, « Manuel Valls en rêve, Matteo Renzi l'a fait », Le Monde, 11 juin 2014.

(6) M. Alexis Tsipras, dirigeant du parti de gauche grec Syriza et candidat du Parti de la gauche européenne aux élections européennes de mai dernier.

(7) Maurizio Tropeano, « Abbiamo i potenti più vecchi d'Europa. Politici e manager sfiorano i 60 anni », La Stampa, Turin, 17 mai 2012.

(8) Francesco Bei, « Renzi-Berlusconi ad Arcore. Il Cavaliere : “Tu mi somigli” », La Repubblica, Rome, 7 décembre 2010.

(9) Lire « Encore un homme providentiel pour l'Italie », Le Monde diplomatique, septembre 2012.

(10) « Zagrebelsky : “Renzismo ? Maquillage della Casta. E il Colle favorisce la conservazione” », Il Fatto Quotidiano, Rome, 9 mars 2014.

(11) « Pensioni, Pier Carlo Padoan : “Sonofavorevole a un graduale aumento dell'età pensionabile” », Huffington Post, 31 mai 2014.

(12) « Marchionne : “L'agenda Renzi è l'unica possibile, spero lo ascoltino” », La Stampa, 1er juin 2014.

Nausicaä de la vallée du vent

Le Monde Diplomatique - Tue, 22/11/2016 - 10:09

Ravagé par les guerres, ses ressources taries par le gigantisme industriel, le monde est exsangue. Les miasmes toxiques et les insectes mutants de la « mer de décomposition » menacent de le submerger définitivement. Embrigadée dans un nouveau conflit sur ces ruines, Nausicaä, princesse de la vallée du vent, mène une autre quête : elle découvre que la « mer de décomposition » n'est pas la forme finale de la pollution, mais, au contraire, une arme de la nature pour purger la terre. Cette théorie va devenir une philosophie mystique et panthéiste dont Nausicaä sera la figure prophétique.

Miyazaki Hayao, Nausicaä de la vallée du vent, Glénat, 2009.

La Voie ferrée au-dessus des nuages

Le Monde Diplomatique - Tue, 22/11/2016 - 10:09

Dans ce reportage « gonzo », on suit la piste d'une légendaire ligne de chemin de fer construite par des ingénieurs français au début du XXe siècle dans le Yunnan. Largement nourrie des photographies d'époque d'un des maîtres d'œuvre, l'enquête ne s'appesantit pas sur les épisodes les plus sombres, sans toutefois les occulter.

Source : Li Kunwu, La Voie ferrée au-dessus des nuages, Kana, Paris-Bruxelles 2013.

Mars la rouge

Le Monde Diplomatique - Tue, 22/11/2016 - 09:27

En 2026, la colonisation de Mars est en marche : une centaine de scientifiques s'y établissent et entament le processus de « terraformation ». Très vite, des factions apparaissent et se confrontent. En dehors de ces querelles, la Japonaise Hiroko Ai, experte en biologie, agriculture et systèmes écologiques, rallie un nombre croissant de fidèles autour d'une forme de chamanisme martien. Michel Duval, le psychologue de l'équipe, est invité à une étrange cérémonie…

« Ceci est notre corps », dit Hiroko.

Elle passa de l'autre côté du cercle et distribua une poignée de terre à chacun des enfants. L'un après l'autre, ils retournèrent s'asseoir parmi les adultes. Elle prit place en face de Michel et entama une mélopée en japonais. Evgenia se pencha vers Michel et traduisit en chuchotant dans son oreille. Ils célébraient l'aréophanie, une cérémonie qu'ils avaient conçue ensemble, inspirés et guidés par Hiroko. C'était une sorte de religion du paysage, une prise de conscience de Mars en tant qu'espace physique coloré par le kami, qui était l'énergie spirituelle, la force présente dans le sol. Le kami se manifestait avec évidence dans certains objets extraordinaires du paysage : piliers de pierre, déjections isolées, falaises en à-pic, intérieurs de cratères étrangement polis, vastes pics circulaires autour des grands volcans. Ces expressions du kami de Mars avaient un analogue terrestre chez les colons eux-mêmes, la force qu'Hiroko appelait viriditas, cette force verdoyante et fructifère qu'ils portaient en eux, qui savait que le monde sauvage est saint. Kami, viriditas : c'était la combinaison de ces forces sacrées qui permettrait de donner une signification à l'existence des humains ici. Lorsque Michel entendit Evgenia chuchoter le mot combinaison, tous les termes formèrent aussitôt un rectangle sémantique dans son esprit : kami et viriditas, Mars et la Terre, la haine et l'amour, l'absence et le désir. (…)

Bientôt, tous se pressèrent contre Hiroko. Michel sentit le contact de toutes ces peaux tièdes contre la sienne. Ceci est notre corps. Certains s'embrassaient, les yeux clos (…)

Hiroko rejeta la tête en arrière et le regarda. L'air grondait dans ses poumons. En anglais, d'une voix calme et douce, elle lui dit :

« Ceci est ton initiation dans l'aréophanie, la célébration du corps de Mars. Bienvenue. Nous adorons le monde. Nous voulons nous y faire une place pour y vivre, un lieu qui soit beau et martien, tel qu'on ne le connaît pas sur Terre. Nous avons construit un refuge caché dans le sud, et à présent, nous allons partir.

« Nous te connaissons et nous t'aimons. Nous savons que ton aide pourra nous être utile. Nous savons que tu pourras avoir besoin de la nôtre. Nous voulons construire ce que tu appelles de tout ton désir, ce que tu n'as pas trouvé ici. Mais sous des formes nouvelles. Car nous ne pouvons jamais revenir en arrière. Nous ne devons aller que de l'avant. Trouver notre propre chemin. Nous commençons cette nuit. Nous voulons que tu viennes avec nous. »

Et Michel dit :

« Je viens. »

Red Mars, 1992. Traduction de Michel Demuth.

« Jobs Act », le grand bluff de Matteo Renzi

Le Monde Diplomatique - Tue, 22/11/2016 - 08:32

Défait à Rome et à Turin par le Mouvement 5 étoiles — une formation qui se revendique « antisystème » —, le Parti démocrate du président du conseil italien Matteo Renzi sort affaibli des élections municipales du 19 juin. À croire que sa réforme du marché du travail, le fameux « Jobs Act », a davantage séduit les médias, les milieux patronaux et les sociaux-libéraux européens que les électeurs italiens…

Gianmaria Giannetti. – « Senza titolo anni '80 - Foto di amicizia » (Sans titre années 1980 - Photo d'amitié), 2015 Galleria Monteoliveto, Naples, Nice

Le président du conseil italien Matteo Renzi aime à se présenter comme un dirigeant politique moderne et innovant. Ainsi, sa réforme du marché du travail aurait libéré le pays de ses archaïsmes et fait baisser le chômage. Connues sous le nom de « Jobs Act », les mesures adoptées par son gouvernement pour relancer l'emploi n'ont pourtant fait que pousser plus loin encore la logique des vieilles recettes libérales.

La flexibilisation du marché du travail italien a débuté en 1983, quand les partenaires sociaux (fédérations syndicales, patronat et ministère du travail) ont signé l'accord Scotti (1). En plus de limiter l'indexation des salaires sur les prix, ce texte introduisit le premier contrat atypique, à durée déterminée et destiné aux jeunes : le « contrat de formation et de travail ». Depuis, de nombreuses lois ont élargi l'éventail des contrats disponibles, si bien qu'il en existe aujourd'hui près de quarante. En 1997, la loi Treu a légalisé le travail temporaire ; en 2003, la réforme Biagi-Maroni a inventé le contrat de sous-traitance. En 2008 a été mis en place le système des vouchers, ces « bons de travail » d'une valeur de 10 euros brut de l'heure surtout utilisés dans les secteurs peu ou pas qualifiés. La diversification des types de contrat s'est accompagnée de mesures visant à accroître le pouvoir des employeurs. Parmi les plus récentes, la loi dite du « travail lié » (collegato lavoro), votée en 2010, limite les possibilités pour les salariés de recourir à la justice en cas d'abus patronal ; et la loi Fornero (2012) facilite les licenciements individuels pour raisons économiques.

Les réformes mises en œuvre par M. Renzi en 2014 et 2015 s'inscrivent dans la continuité de cette histoire, et peut-être l'achèveront-elles, tant elles ont institutionnalisé la précarité. Ainsi, le contrat à durée indéterminée (CDI) « à protection croissante », entré en vigueur en 2015, n'a pas grand-chose de pérenne ni de protecteur. Au cours des trois premières années, les employeurs peuvent y mettre fin à tout moment et sans motivation. Leur seule obligation est de verser au salarié licencié une indemnité proportionnelle à son ancienneté. L'emblématique article 18 du statut des travailleurs (2), qui oblige à motiver tout licenciement individuel par une « juste cause » (faute grave, vol, absentéisme…), se retrouve ainsi mis entre parenthèses pendant trente-six mois. La formule rappelle le contrat première embauche (CPE) imaginé par le premier ministre français Dominique de Villepin en 2006, sauf que le dispositif italien ne se limite pas aux moins de 26 ans, mais concerne l'ensemble de la main-d'œuvre.

Le gouvernement Renzi a également déréglementé l'usage des contrats à durée déterminée (CDD). Depuis mars 2014, la loi Poletti — du nom du ministre du travail Giuliano Poletti — permet aux employeurs d'y recourir sans avoir à se justifier et de les renouveler jusqu'à cinq fois sans période de carence. Cette limitation est de surcroît théorique : elle ne s'applique pas aux personnes, mais aux postes de travail. Il suffit donc de modifier sur le papier une fiche de poste pour condamner un salarié au travail instable à vie.

Dans ces conditions, pourquoi des entreprises choisiraient-elles des CDI à « protection croissante » plutôt qu'une succession de CDD ? La réponse est simple : par intérêt financier. Le gouvernement Renzi a en effet mis en place des incitations fiscales qui permettaient, pour tous les CDI signés en 2015, d'économiser jusqu'à 8 000 euros par an. Austérité oblige, ce dispositif très coûteux pour l'État a été revu à la baisse par la loi de stabilité 2016, et les gains possibles pour les employeurs s'établissent désormais à 3 300 euros. Le Jobs Act a donc créé un effet d'aubaine : faire signer un contrat « à protection croissante », puis licencier son salarié sans justification, devient plus rentable que de recourir à un CDD. Grossière entourloupe statistique, le basculement des CDD vers les CDI permet de gonfler artificiellement les chiffres de l'emploi dit « stable », alors même que la précarité continue d'augmenter.

Les réformes de M. Renzi n'ont pas déclenché de grèves ou de manifestations comparables au mouvement contre la loi El Khomri en France. Contrairement à sa voisine, l'Italie n'a pas de salaire minimum, sauf pour les professions couvertes par des conventions collectives, qui protègent un nombre toujours plus faible de travailleurs (moins de 50 % aujourd'hui). Par ailleurs, le « principe de faveur » n'y existe pas : rien n'oblige les accords d'entreprise à proposer des conditions plus avantageuses pour les salariés que les accords de branche, qui, eux-mêmes, ne sont pas nécessairement plus favorables que le code du travail (3). Les employés sont ainsi très vulnérables au chantage de leur patron. Le pays n'a pas non plus d'équivalent du revenu de solidarité active (RSA), même sous condition de réinsertion professionnelle. Les amortisseurs sociaux sont surtout pensés pour le salarié en CDI ; la masse des nouveaux précaires s'en trouve exclue. Conjuguée à la crise économique, à la faiblesse des syndicats, à la stagnation des revenus et au renforcement du contrôle patronal — le Jobs Act autorise certaines techniques de contrôle à distance des salariés, au risque de porter atteinte à leur vie privée —, cette situation explique la faible résistance rencontrée par les récentes mesures.

Plus de 40 % des jeunes au chômage

Afin de défendre leurs réformes, M. Renzi et ses ministres se sont retranchés derrière les mêmes arguments que leurs prédécesseurs à Rome et que leurs homologues conservateurs en Allemagne ou socialistes en France : l'« assouplissement » du code du travail serait une condition nécessaire (et suffisante) pour construire une économie moderne et faire baisser le chômage, en particulier celui des jeunes. « L'article 18 date des années 1970, et la gauche ne l'avait alors même pas voté. Nous sommes en 2014 ; cela revient à prendre un iPhone et à demander : “Où faut-il mettre le jeton ?”, ou à prendre un appareil photo numérique et à essayer d'y mettre une pellicule », a estimé le président du conseil (4).

Le gouvernement et beaucoup de médias présentent le Jobs Act comme un succès indiscutable. « Un demi-million d'emplois en CDI créés en 2015. [L'Institut national de la statistique] démontre l'absurdité des polémiques sur le Jobs Act », claironnait M. Renzi sur Twitter le 19 janvier 2016. « Avec nous, les impôts diminuent et l'emploi augmente », écrivait-il encore le 2 mars. Il est vrai qu'en 2015, pour la première fois depuis le début de la crise économique, qui a détruit environ un million d'emplois, la courbe du chômage a été (légèrement) inversée : — 1,8 %… Cependant, cette diminution modeste s'explique surtout par le coup de pouce fiscal qui a accompagné la création du CDI « à protection croissante ». La période probatoire étant de trois ans, il faudra attendre 2018 pour dresser un bilan de ces nouveaux contrats ; mais on peut d'ores et déjà constater que la baisse des incitations financières a entraîné une contraction immédiate des créations d'emplois. Le nombre de CDI signés au premier trimestre 2016 a chuté de 77 % par rapport aux mêmes mois de l'année précédente (5).

Par ailleurs, la diminution du chômage en 2015 masque le recours exponentiel au système des vouchers, en particulier dans les secteurs peu qualifiés où les employés sont considérés comme interchangeables. En 2015, 1,38 million de personnes étaient concernées (contre 25 000 en 2008), et 115 millions de « bons » ont été vendus (contre 10 millions en 2010) (6). Logiquement, le taux de précarité a lui aussi suivi une courbe ascendante : d'après les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2011, 43 % des jeunes Italiens se trouvaient dans une situation professionnelle instable ; en 2015, ils étaient 55 %. Dans le même temps, le taux de chômage des 15-24 ans s'est accru de dix points, pour dépasser la barre des 40 %.

L'Italie n'a pourtant pas ménagé ses efforts pour se conformer aux normes de l'économie moderne : le « degré de protection de l'emploi » — un indice imaginé par l'OCDE pour mesurer la « rigidité » du marché du travail — y a baissé d'un tiers en dix ans…

Depuis son arrivée à la présidence du conseil, M. Renzi a tout misé sur une politique de l'offre. Outre le Jobs Act, les lois de stabilité 2015 et 2016 ont planifié des baisses d'impôts pour les entreprises, une réduction des taxes sur le patrimoine, une diminution des dépenses des collectivités locales, la privatisation de certains services publics (dans le secteur des transports, de l'énergie ou des postes). Selon la philosophie qui guide ces mesures (7), l'augmentation des profits et la baisse des coûts entraîneraient automatiquement une hausse des investissements, donc de la production et de l'emploi.

Ce raisonnement est largement faux. Le chômage en Italie ne s'explique pas par les structures internes du marché du travail : il résulte avant tout de la faiblesse de la demande, car aucun entrepreneur ne se risque à augmenter sa production s'il redoute que ses marchandises ou services ne trouvent pas preneurs. Or le gouvernement Renzi n'a rien fait pour relancer la demande de manière structurelle : ni salaire minimum, ni réforme de la protection sociale en faveur des bas salaires, ni revenu garanti.

Résultat, depuis 2014, le produit intérieur brut (PIB) stagne, et le ratio dette/PIB n'est pas prêt de se réduire, puisque le dénominateur du rapport n'augmente pas.

Le Jobs Act a divisé le marché du travail en trois segments principaux, et chacun d'eux voit l'instabilité érigée en norme. Le premier regroupe les jeunes sans diplôme universitaire, qui entrent généralement dans la vie active avec des contrats d'apprentissage (peu protecteurs) et, de plus en plus, des vouchers (encore moins protecteurs). Dans le deuxième, on trouve les jeunes disposant d'un niveau de qualification moyen ou élevé (niveau licence ou master). Pour favoriser leur insertion, le gouvernement s'appuie sur le plan « Garantie jeunes ». Financé par l'Union européenne et destiné aux pays affichant un taux de chômage élevé, ce plan vise officiellement à améliorer l'« employabilité » des jeunes en leur proposant, à travers des plates-formes régionales rassemblant des entreprises privées et publiques, des « parcours d'insertion » adaptés aux besoins de ces mêmes entreprises : le service civique (gratuit), le stage (presque gratuit) et le travail bénévole. D'abord expérimenté en 2013 pour l'embauche de 700 personnes en vue de l'Exposition universelle de Milan (en plus des milliers de bénévoles), ce modèle a ensuite été transposé au niveau national (8). Il a déjà permis d'occuper 600 000 jeunes et de les faire sortir, à moindres frais, des statistiques du chômage. Enfin, pour le reste des travailleurs — c'est-à-dire les actifs de 30 ans et plus — , le CDD indéfiniment renouvelé et le CDI « à protection croissante » sont destinés à devenir les contrats standards jusqu'à l'âge de la retraite. Seuls les employés jugés efficaces, indispensables au cœur de métier de l'entreprise, seraient embauchés de manière stable et fidélisés.

Comme en témoigne le plan « Garantie jeunes », le travail gratuit, alimenté par l'« économie de la promesse (9) » qui remet toujours à plus tard l'obtention d'un emploi rémunéré et stable, devient la nouvelle frontière de la déréglementation du marché du travail italien. Les réformes de M. Renzi ont consacré le statut de précaire, lui conférant une nature à la fois structurelle et généralisée. Or le développement de la précarité figure justement parmi les premières causes de la stagnation économique de l'Italie, laquelle sert à justifier les mesures visant à accroître la précarité du travail…

(1) Accord du 22 janvier 1983 porté par M. Vincenzo Scotti, ministre du travail démocrate-chrétien. Il introduisait également l'annualisation du temps de travail.

(2) Adopté le 20 mai 1970, le statut des travailleurs fixe certaines normes du droit du travail italien.

(3) Lire Sophie Béroud, « Imposture de la démocratie d'entreprise », Le Monde diplomatique, avril 2016.

(4) Discours lors de la « Leopolda », réunion annuelle publique du Parti démocrate, 26 octobre 2014.

(5) « Lavoro, INPS : “Nei primi tre mesi nuovi posti stabili giù del 77 % dopo il dimezzamento degli sgravi” », Il Fatto Quotidiano, Rome, 18 mai 2016.

(6) Valentina Conte, « Boom di voucher : 277 milioni di ticket venduti in 8 anni », La Repubblica, Rome, 16 mai 2016.

(7) Selon le « théorème de Helmut Schmidt » (ancien chancelier ouest-allemand, 1918-2015), « les profits d'aujourd'hui sont les investissement de demain et les emplois d'après-demain ». Lire Frédéric Lordon, « Le paradoxe de la part salariale », Les blogs du Diplo, 25 février 2009.

(8) Lorenzo Bagnoli et Lorenzo Bodrero, « Expo, i contratti di lavoro nell'occhio del ciclone », Wired.it, 27 avril 2015.

(9) Marco Bascetta (sous la dir. de), Economica politica della promessa, Manifestolibri, Rome, 2015.

In the Wake of the War

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Tue, 22/11/2016 - 00:00
(Own report) - In the wake of the war against IS (Daesh), the Kurdistan Regional Government in northern Iraq, which is supported by Berlin, is forcibly displacing the Arabic-speaking inhabitants, aimed at a consolidation of the Kurdish dominated territory, as was reported by Human Rights Watch (HRW). According to HRW's investigation, the Kurdish Peshmerga has deliberately destroyed the homes of Arabic-speaking Sunnis in at least 21 villages and towns in northern Iraq, while leaving intact the Kurdish-owned houses. The Kurdistan Regional Government under President Masoud Barzani is striving to incorporate as many areas as possible - particularly the oil rich region Kirkuk - into the Kurdish autonomous region before seceding from Iraq. For decades, Barzani and his clan have been cooperating closely with politicians from the Federal Republic of Germany. Berlin was also promised access to the large oil reserves in the autonomous region. In return, Germany, above all, has been supporting the Peshmerga in its war against Daesh, while refusing similar aid to the Baghdad government. The German government is also ignoring the eviction of the Arabic-speaking inhabitants of the predominantly Kurdish region.

Vu de… droite ?

Le Monde Diplomatique - Mon, 21/11/2016 - 14:25
« Nous avons changé. Par notre pratique d'abord. Dans nos textes ensuite. Notre déclaration de principe hier, notre projet aujourd'hui théorisent cette évolution que nous devons pleinement assumer. Oui, nous pensons que l'économie de marché constitue le moyen de production et d'échange le plus efficace. Non, nous ne croyons plus à une rupture avec le capitalisme. (…) Nous sommes conscients que le capitalisme borne notre horizon, pour la décennie à venir et sans doute pour bien longtemps encore. Mais nous sommes également décidés à en corriger les excès. »

Pierre Mauroy, premier secrétaire du Parti socialiste, préface à Un nouvel horizon. Projet socialiste pour la France, Gallimard, Paris, 1992.

« Concernant Maggie Thatcher, soyons honnêtes avec nous-mêmes : la gauche a eu tort de s'opposer à certaines des choses faites par la droite dans les années 1980. »

Anthony Blair, Libération, Paris, 22 novembre 1999.

« Auparavant, le socialisme était plus dur et étatiste, mais le socialisme démocratique a toujours accepté le marché qui, de fait, va de pair avec la démocratie. »

Felipe González, congrès de l'Internationale socialiste, Buenos Aires, 25 juin 1999.

« Il ne faut pas attendre tout de l'Etat ou du gouvernement. »

Lionel Jospin, France 2, 13 septembre 1999.

« Le point le plus vulnérable de la gauche — le plus fondamental — c'est qu'elle n'est pas de gauche ! Ce constat critique, secrètement partagé par de nombreux électeurs et sympathisants de gauche, exacerbe et désoriente la majorité [socialiste] en place. Seule la vérité fait mal. La gauche gouvernementale a mauvaise conscience. Elle sait pertinemment que sa gestion économique est sous la coupe de l'économie de marché et du capitalisme globalisé ; elle sait pertinemment qu'elle est dans l'incapacité d'offrir une alternative sérieuse. (…) Plus le nombre des privatisations augmente (France Télécom, Crédit lyonnais, Thomson, CIC, GAN, Aérospatiale, Air France…), plus la Bourse grimpe (près de 100 % en trois ans), plus les champs de la concurrence s'élargissent (télécommunications, énergie, secteurs bancaires, assurances), plus on nous explique que tout cela s'inscrit dans une dimension socialiste et humaniste. »

François Fillon, Libération, 7 mars 2000, à propos du gouvernement dirigé par M. Jospin.

« Quand j'entends Gerhard Schröder en Allemagne me parler de son projet de mettre fin aux indemnités des chômeurs de plus d'un an et Tony Blair me parler de la privatisation des hôpitaux, je ne me sens pas le moins à gauche des trois. »

Jean-Pierre Raffarin, cité par Le Monde, 27 février 2004.

« La social-démocratie, c'est l'acceptation du libéralisme échevelé avec, pour faire bonne mesure, quelques mots de regret. »

Philippe Séguin, Acteurs de l'économie, no 49, Lyon, novembre 2004.

« Après tout, ce que les socialistes anglais ont fait il y a dix ans, peut-être que la droite française peut le faire maintenant. »

Nicolas Sarkozy, université d'été du Mouvement des entreprises de France (Medef), 30 août 2007.

Défense de la culture française par la culture européenne

Politique étrangère (IFRI) - Mon, 21/11/2016 - 11:20

Découvrez cette semaine un nouveau texte marquant de la revue Politique étrangère : l’article de Jean-Paul Sartre, «Défense de la culture française par la culture européenne», publié dans le numéro d’été 1949 (n°3/1949).

Philosophe et écrivain, Jean-Paul Sartre (1905-1980), est un intellectuel engagé, figure de proue de l’existentialisme et fondateur de la revue Les Temps Modernes (1945). Après la Seconde Guerre mondiale, il se rapproche du Parti communiste français (PCF) et participe à la fondation du Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR) dont il démissionne à l’automne 1949. En 1964, il refuse le prix Nobel de la littérature.

« La culture française, nous dit-on de tous côtés, est aujourd’hui menacée. On constate, un peu partout à l’étranger, une moindre influence de cette culture française et, au contraire, on se plaint, chaque jour, de l’importation d’idéologies étrangères en France qui, dit-on, risquent de faire craquer le cadre culturel traditionnel.

Notre culture est-elle menacée ? Peut-on la sauver, et comment ? Et tout d’abord, qu’est-ce, en général, que la culture ? Il n’est pas question, pour moi, de la définir et je voudrais seulement présenter quelques observations utiles à notre propos.

Si nous considérons une communauté à une époque quelconque (par exemple le milieu du XVIIIe siècle ou les années d’aujourd’hui), nous remarquons que, trop souvent, des époques de ce genre sont regardées comme un présent et, à la rigueur, comme un passé. On ne voit pas qu’elles sont aussi un avenir et un avenir à deux faces très différentes.

Actuellement, nous pouvons dire qu’il y a un avenir de notre présent constitué par un certain nombre de possibilités, de problèmes en cours, de recherches qui sont faites sur notre sol ou dans notre communauté par des groupes et des individus. Tel problème scientifique est en voie de solution. Telles réformes ou telles séries de réformes sont entreprises, tel roman fleuve, comme celui des Thibauld, est en voie d’achèvement, etc. En d’autres termes, nous avons là une sorte d’avenir qui fait partie de notre présent, qui revient sur lui pour lui donner un sens. En même temps, cette communauté se trouve engagée dans un avenir plus large qui peut être européen ou mondial et dans lequel, très souvent, l’avenir vient à elle sans qu’elle veuille ou qu’elle puisse facilement l’éviter. Dans ce cas-là, c’est l’action de l’avenir des autres sur elle-même qui s’exerce, car, en même temps que se poursuivent ces inventions, ces ouvrages ou cette peinture, existe, par exemple, la menace d’une guerre dans laquelle notre communauté risque d’être entraînée.

De sorte que nous sommes en face d’un double avenir : un avenir-destin qui est celui dans lequel nous sommes engagés avec plus ou moins de possibilités de l’éviter et un avenir libre qui est proprement le produit de cette communauté, son sens actuel et l’explication de son présent. […] »

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Make Europe Great Again

German Foreign Policy (DE/FR/EN) - Mon, 21/11/2016 - 00:00
(Own report) - Foreign policy experts are calling for the EU's concerted effort in opposition to a future USA governed by Donald Trump. According to the European Council on Foreign Relations (ECFR), a unified European stance is necessary to increase "leverage" over Washington. If the US President-elect ignores Europe's interests, Europe should consider going its own way in global policies, writes a German author in the leading US foreign policy periodical. It may be necessary "to consider whether to develop a European nuclear umbrella." These demands began to be heard after liberal Western media and members of the foreign policy establishment had declared Merkel the new "leader of the free world," and characterized outgoing US President Barack Obama's visit to Germany as "passing the baton" to Berlin. The Federal Republic of Germany is setting out to take on "America's status as torchbearer of liberal democracy." "It is befitting for Merkel to speak in the name of what we have been calling the West, for the past seven decades," according to the business press. Journalists describe the predominant attitude in Berlin already as being "the guardians of the international post-war order."

Fool Nigeria Once, Shame on You. Fool Nigeria Twice …

Foreign Policy - Sun, 20/11/2016 - 23:03
Muhammadu Buhari promised to embrace democracy as president, but turned out to be the same autocrat who failed the country 30 years ago.

Une mine connue de longue date

Le Monde Diplomatique - Sat, 19/11/2016 - 18:07

Le gisement de Bakouma apparaît pour la première fois dans les archives de ce qui s'appelle encore la Cogema en 1969. Mais, dès 1949, les géologues français du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) survolent la région et la cartographient avec précision. Il s'agissait de répertorier et de sécuriser au plus vite les gisements uranifères disponibles dans les colonies françaises pour permettre à la métropole d'obtenir la bombe atomique et de retrouver ainsi son rang dans le monde.

Il a pourtant fallu attendre vingt ans de plus, et le développement du nucléaire civil, pour qu'aient lieu les premiers forages. Des télégrammes diplomatiques datant de 1968 montrent que le village de Bakouma fait déjà l'objet d'échanges serrés entre Michel Debré, alors ministre des affaires étrangères, et Jean-Bedel Bokassa, qui n'est pas encore « empereur » de son pays et qui apparaît déjà pour le Quai d'Orsay comme « le problème le plus important » dans ses relations avec l'État africain. La France promet des chemins de fer.

Suivant l'exemple du général de Gaulle, dont Bokassa avait été le dernier visiteur présidentiel, M. Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981) réserve à l'ancienne colonie son premier déplacement, avant d'en faire un véritable camp de vacances, où il chasse l'éléphant plusieurs fois par an et jouit des plus grands égards. Le président François Mitterrand et ses successeurs prendront leurs distances, échaudés par la fameuse affaire des diamants, qui plomba la réélection de M. Giscard d'Estaing. Mais, depuis, aucun chef d'État centrafricain n'a été intronisé ou destitué sans l'intervention de l'ancienne métropole, qui maintient une présence militaire ininterrompue. Depuis l'intervention du 5 décembre 2013, près de 15 000 militaires français se sont succédé au sein de la force « Sangaris », dont la mission devait s'achever fin octobre.

L'agriculture oubliée des élections

Le Monde Diplomatique - Sat, 19/11/2016 - 17:31

Le 10 mars 2010, M. William Clinton a formulé — fait rare — une autocritique. Elle concernait la dérégulation du marché du riz mise en place en Haïti sous la pression des États-Unis en 1994, alors qu'il siégeait à la Maison Blanche. Les tarifs douaniers du riz passèrent de 35 % à 3 %. Plutôt que de produire laborieusement leur propre alimentation sur des parcelles toujours plus petites, ne valait-il pas mieux, pour les paysans haïtiens, travailler dans les zones franches ? Grâce à leur salaire, ils pourraient ainsi acheter le riz en provenance du géant agricole américain. Une opération « gagnant-gagnant », selon l'ancien président. Mais la prophétie ne s'est que partiellement réalisée. Les Haïtiens achètent bien du riz importé, abondant sur le marché. Mais les emplois se sont volatilisés, l'insécurité alimentaire s'est accrue, et le pays s'est enfoncé dans la dépendance. Ce que M. Clinton a reconnu : « Ce fut une erreur (1).  » L'opération a surtout profité aux agriculteurs nord-américains.

En dépit de cette épiphanie, les mêmes politiques se poursuivent. Le bourgeonnement des zones franches illustre le mépris dans lequel est tenue l'agriculture. Il s'agit moins de créer des emplois que de convertir une masse rurale surnuméraire en une main-d'œuvre bon marché et disciplinée. D'où le paradoxe d'une situation de pauvreté, de stress et de crise alimentaires des populations autour de ces zones franches (2).

Première zone franche agricole, juste en face du « village La Différence » (lire « Haïti, l'imposture humanitaire »), Agritrans consacre cette logique. Son ancien président-directeur général n'est autre que M. Jovenel Moïse, dauphin désigné du président Michel Martelly, arrivé en tête aux élections de 2015 — une « farce électorale » pour l'ensemble des organisations haïtiennes, mais soutenue jusqu'au bout par les pays occidentaux. Sous la pression de la rue, une commission indépendante a confirmé les irrégularités et les fraudes. L'annulation du scrutin devait mener à une nouvelle élection prévue en octobre dernier, mais elle a été repoussée de quelques semaines après le passage de l'ouragan Matthew.

En mars 2016, les États-Unis ont fait un don de cinq cents tonnes de cacahuètes. Ce type de geste n'a rien de généreux : il permet de se débarrasser à bon compte d'une surproduction favorisée par des subventions publiques (3), tout en détruisant l'économie locale. Soutenir l'agriculture paysanne qui fait vivre la moitié de la population supposerait trop de bouleversements et, surtout, impliquerait d'aller à contre-courant des intérêts dominants. Il est plus facile de déposséder la paysannerie et de saboter son économie pour, ensuite, constater sa non-compétitivité et son caractère improductif, assurant ainsi un débouché aux surplus américains, ce qui entérine la faillite des paysans haïtiens.

(1) « Bill Clinton apologizes for past rice policies », Center for Economic and Policy Research, 22 mars 2010.

(2) « Perspectives sur la sécurité alimentaire », Commission nationale de la sécurité alimentaire (CNSA), Port-au-Prince, février-septembre 2016.

(3) « Polémique autour de l'envoi de cacahuètes des États-Unis vers Haïti », Radio France Internationale, 25 avril 2016.

Trump’s Team Could Bring 9/11 Mindset Back to the White House

Foreign Policy - Sat, 19/11/2016 - 01:36
From restoring torture to expanding surveillance, the president-elect’s picks for national security advisor, CIA director, and attorney general favor a no-holds-barred approach to Islamist extremists at home and abroad.

15 Questions Malik Obama Has Posed on Twitter This November

Foreign Policy - Fri, 18/11/2016 - 22:58
Obama's half-brother wants the answers.

Newt Gingrich Carves Out Powerful New Position Under Trump: ‘Chief Planner’

Foreign Policy - Fri, 18/11/2016 - 22:03
The former House speaker won’t serve in the cabinet — and says the president elect shouldn’t tap other Washington insiders, either. (Too late.)

Zimbabwe Kidnaps and Tortures Activists Amid Protests Over Currency Reforms

Foreign Policy - Fri, 18/11/2016 - 21:39
The specter of hyperinflation is driving demonstrations against Mugabe, and security forces are responding with brutality.

Facebooking Ourselves to Death

Foreign Policy - Fri, 18/11/2016 - 20:53
Americans are awash in a sea of disinformation. We've got to fight back.

A Chance for Change in the New Thailand

Foreign Policy - Fri, 18/11/2016 - 20:13
Now that the king is gone, can Thailand’s opposition come together to challenge the ruling military junta?

Oh, So Now You Want to Go to Ireland?

Foreign Policy - Fri, 18/11/2016 - 19:58
It's becoming increasingly difficult to move away from the rising far-right.

East Asia Will Take Trump’s Nuclear Talk Literally and Seriously

Foreign Policy - Fri, 18/11/2016 - 19:39
Washington has always managed to keep Tokyo and Seoul from pursuing nuclear ambitions, but a blustering U.S. president could change that in months.

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