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Diplomacy & Crisis News

Mort de Fidel Castro

Le Monde Diplomatique - Sat, 26/11/2016 - 17:00

Fidel Castro est mort vendredi 25 novembre, à l'âge de 90 ans. Il avait transmis le pouvoir en 2006 à son frère Raúl.

Fidel Castro, Havana, 1978 cc Marcelo Montecino

Lors du deuxième sommet de la Communauté d'États latino-américains et caraïbes (Celac), le 29 janvier 2014, les dirigeants des trente-trois pays de la région ont proclamé Fidel Castro « guide politique et moral d'Amérique », un titre qui illustre la stature singulière du « líder máximo ».

David moderne, l'homme incarne la résistance contre le Goliath nord-américain. Invasion, tentatives d'assassinat, embargo économique, financement de l'opposition : Washington aura tout tenté pour renverser les « barbus » parvenus au pouvoir en 1959 et démontrer le danger de leurs ambitions. De la même façon que la menace soviétique a conduit les élites européennes à quelques concessions au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, Cuba a — un temps — obligé les États-Unis à modifier leur approche de leur « arrière-cour ». Dès le 13 mars 1961, le président John Fitzgerald Kennedy proclame : « Transformons à nouveau le continent américain en un vaste creuset d'idées révolutionnaires (…). Réveillons à nouveau notre révolution américaine jusqu'à ce qu'elle guide les combats des peuples en tout lieu. ». Aurait-il employé un tel vocabulaire si les combattants de la Sierra Maestra n'avaient pas, défiant tous les pronostics, toutes les prudences, défait une dictature corrompue inféodée aux États-Unis ? Il fallut néanmoins attendre plus d'un demi siècle avant que Washington ne lève (en partie) l'embargo qu'il infligea à l'État et au peuple qui avaient introduit le désordre — c'est-à-dire un peu de justice — dans une région longtemps peuplée de dictateurs et de tyrans.

Cuba a presque la population de sa voisine Haïti. Cela donne une idée de ce qu'aurait pu devenir le pays en matière d'éducation, de santé, de fierté nationale, de prestige international sans la révolution. Quel pays aujourd'hui n'est pas représenté à La Havane par des diplomates de talent ? Une telle reconnaissance, nourrie par l'épopée d'une des plus grandes révolutions de l'histoire de l'humanité, a reposé sur des hommes hors du commun. Au départ, ils n'étaient qu'une poignée. Fidel Castro fut du nombre. A l'âge de 13 ans, il organisait sa première insurrection : celle des travailleurs des champs de canne à sucre de son père (1).

En 1960, en visite à Cuba, Jean-Paul Sartre choisit justement de titrer « Ouragan sur le sucre » la série d'articles qu'il consacra à l'île qui venait de rendre sa fierté à l'Amérique latine et qui s'apprêtait à devenir un quartier général des révolutionnaires de la Tricontinentale. Sartre écrivait : « Le plus grand scandale de la révolution cubaine n'est pas d'avoir exproprié les planteurs, mais d'avoir mis les enfants au pouvoir. (…) S'il faut un fil conducteur — et il en faut un — la jeunesse est l'évidence la plus immédiate, la plus indéniable ; (…) ici, sans cesser d'être un âge de la vie, elle est devenue une qualité intérieure de ses chefs. (…) Il faut n'avoir pas trop vécu pour commander ; pour obéir, il suffit d'avoir plus de trente ans. (2»

Mais le philosophe avertissait : « Quand l'homme-orchestre est trop vieux, la révolution grince, elle est raide. » Au fil des décennies, les pénuries, les procès, la répression ont assombri le bilan éclatant de la révolution. Et, depuis des années déjà, Cuba n'appartient plus vraiment à l'homme orchestre qui l'a fait exister dans la conscience des peuples du monde entier.

Retrouvez, ci-dessous, une sélection d'archives.

(1) Cf. Volker Skierka, Fidel Castro : A Biography, Polity Press, Cambridge, 2004.

(2) Jean-Paul Sartre, « Ouragan sur le sucre », reportages publiés dans France-Soir, Paris, du 28 juin au 15 juillet 1960.

Dans « Le Monde diplomatique »

Mort de Fidel Castro

Le Monde Diplomatique - Sat, 26/11/2016 - 16:55
Fidel Castro est mort vendredi 25 novembre, à l'âge de 90 ans. David moderne, l'homme incarnait la résistance contre le Goliath nord-américain. Au fil des décennies, les pénuries, les procès, la répression ont cependant assombri le bilan éclatant de la révolution cubaine. Avec une sélection d'archives. (...) / , , , , , , , - La valise diplomatique

A Cuba, José ne s'est pas levé

Le Monde Diplomatique - Sat, 26/11/2016 - 12:16

Alors que La Havane sort lentement de son isolement tant diplomatique qu'économique, l'évolution du rôle et du fonctionnement des comités de défense de la révolution (CDR), longtemps consacrés à une forme de surveillance de la population, illustre la façon dont les Cubains s'adaptent à la nouvelle donne.

Rubén Alpízar. – De la série « Pequeños vínculos » (Petits liens), 2012 Photo : Ricardo G. Elias - Artempocuba.Com

« Face aux campagnes d'agression de l'impérialisme, nous allons implanter un système de surveillance collective révolutionnaire ; que tout le monde sache qui est qui et qui fait quoi dans le pâté de maisons, et quelle relation il a eue avec la tyrannie… » Le 28 septembre 1960, à la suite d'attentats meurtriers dans l'île, M. Fidel Castro annonce la création des comités de défense de la révolution (CDR), des structures de base organisées à l'échelle d'un immeuble ou, au plus, d'un pâté de maisons. Avec un objectif : protéger et servir la révolution cubaine contre la potentielle invasion des contre-révolutionnaires soutenus et financés par la Central Intelligence Agency (CIA). Moins de deux ans après son « triomphe » de 1959, M. Castro n'en doute pas : le peuple constitue une force militante clé pour défendre la révolution. Les populations ne viennent-elles pas de se soulever aux côtés d'une poignée de barbudos (« barbus ») longtemps isolés dans la Sierra Maestra ?

En 1961, les CDR participent activement à la bataille contre la tentative d'invasion américaine de la baie des Cochons. Organiser la résistance aux agressions étrangères conduit toutefois rapidement à encadrer la vie quotidienne des Cubains : au sein des comités, chacun est chargé d'apprendre à connaître son voisin, de façon à pouvoir dénoncer les individus suspectés de terrorisme ou d'espionnage.

A cette tâche initiale de quadrillage de la population et de vigilance face aux sabotages et aux agressions viennent s'en greffer d'autres, dans l'optique de soutenir les grandes causes de la révolution : campagnes d'alphabétisation, de vaccination, d'aide aux victimes d'un cyclone, élaboration des listes de candidats pour les élections provinciales et législatives, etc. Le CDR prend alors la forme d'une courroie de transmission : il communique les besoins et les consignes de l'Etat aux populations et, inversement, permet de faire remonter des informations aux instances dirigeantes. De l'échelle du pâté de maisons à celle de la nation en passant par la « zone » (équivalent du quartier), le municipio (la commune) et la province (la région), il existe aujourd'hui encore plus de 130 000 noyaux regroupant environ 8 millions de citoyens cubains âgés de plus de 14 ans, soit presque la totalité de la population. La proportion est restée stable depuis leur création.

L'affiliation n'est pourtant pas obligatoire, comme le souligne Eloïna (1), élue à la présidence d'un CDR dans le quartier d'Altahabana, un poste qui ne nécessite pas d'être membre du Parti communiste cubain (PCC). Depuis presque dix ans, elle est annuellement reconduite par le voisinage. Son travail étant apprécié, la charge de président de CDR n'étant pas rémunérée et aucun impératif légal ne l'empêchant de se représenter, il est fort probable qu'elle gardera son poste de nombreuses années encore. Comment explique-t-elle que, dans son bâtiment, l'ensemble des habitants de plus de 14 ans, soit 40 personnes réparties dans 24 appartements, soient membres du CDR ? La question la désarçonne : « Le CDR est là pour protéger les habitants ; pourquoi quelqu'un ne voudrait-il pas s'y affilier ? »

L'adhésion peut toutefois s'expliquer par d'autres motivations. La plupart des Cubains de plus de 30 ans ont connu de près ou de loin une personne dont les études ou la carrière ont été interrompues en raison d'une implication dans leur CDR jugée « trop peu révolutionnaire ». En 2001, Vilma, une jeune femme qui travaillait dans le tourisme et poursuivait des études dans ce secteur, justifiait ainsi sa participation à la traditionnelle manifestation du 1er-Mai. Elle était parfaitement consciente que rien ne l'obligeait à s'y rendre, mais elle savait également que, si elle n'y allait pas, cela pourrait nuire à sa carrière.

Les centres de travail demandent souvent une lettre de recommandation du CDR dans lequel est inscrit un futur employé. Cette lettre, nous explique Eloïna, témoigne du rôle des comités dans la vie quotidienne des Cubains : « En tant que présidente, je connais les gens de mon immeuble, nous sommes une grande famille. » Elle serait donc, dans la logique du système, toute désignée pour porter un jugement sur la moralité, l'honnêteté, le sérieux, bref, les qualités du candidat. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles, lorsque son CDR organise une session de « travail volontaire » (couper l'herbe devant les immeubles, repeindre une façade, monter la garde devant la bodega (2) les jours de livraison des produits électroniques, etc.), José, un adolescent du quartier, s'interroge : « En quoi cela est-il volontaire, puisque c'est obligatoire ? » Et pourtant, audace inconcevable il y a quinze ans, au mois d'août 2015, José ne s'est pas levé pour aller couper l'herbe.

Les CDR n'exercent donc plus ce pouvoir d'intimidation que nous décrivait encore Vilma en 2001. Les lettres de moralité existent toujours, Eloïna en rédige régulièrement, mais l'implication révolutionnaire ne revêt plus la même signification. Ainsi, lorsque José a voulu rejoindre le corps des gardes de l'aéroport, Eloïna et les membres du bureau ont vanté dans leur lettre de recommandation son honnêteté et sa rigueur. Ils n'ont pas mentionné sa faible contribution au CDR. Son attitude ne leur paraît pas « contre-révolutionnaire », comme cela aurait sans doute été le cas il y a quelques années.

« Dimanche, il y a travail volontaire ! »

L'affaiblissement progressif de la menace américaine, que traduit le rapprochement économique et diplomatique avec les Etats-Unis, a permis d'élargir les fonctions des CDR. Une évolution s'observe à travers les choix qu'effectuent les dirigeants à l'échelle locale. Tel président veillera à assurer la sécurité de son pâté de maisons ; il lui faudra alors organiser des tours de garde nocturnes. Tel autre, soucieux d'éducation, mettra en place des aides aux devoirs. Eloïna se dit particulièrement sensible à la protection des plus vulnérables : personnes âgées, diabétiques, femmes enceintes, etc. Elle vérifie également les vaccinations et connaît le groupe sanguin de l'ensemble de ses « cédéristes », afin de pouvoir répondre rapidement à une demande du ministère de la santé en cas de collecte de sang à la suite d'un accident, par exemple.

Les CDR répondent également aux difficultés du quotidien. La question de l'approvisionnement en eau, comme celles du transport et du logement, pose un problème général à La Havane. Dans certains quartiers, elle se transforme en un casse-tête qui génère de la frustration, parfois de la colère. Mais ici, pas de manifestations de rue : la protestation suit une routine bien huilée. Les comités informent les délégués de quartier des difficultés rencontrées. Lors des crises graves touchant l'ensemble de la communauté, par exemple face aux destructions causées par les cyclones, les délégués informent à leur tour le gouvernement municipal afin qu'il résolve le problème. Mais, dans la majorité des cas, les CDR doivent se charger de trouver des solutions eux-mêmes. A Altahabana, l'eau courante fonctionne de façon discontinue. De nombreux édifices se sont dotés de réservoirs qui se remplissent lorsque l'eau arrive. Quand intervient l'inévitable coupure, les habitants actionnent un moteur qui permet de pomper l'eau de ce réservoir et d'alimenter les appartements. Il est en général mis en marche à partir de 17 heures, afin que tout le monde puisse avoir de l'eau en rentrant du travail.

Dans le CDR d'Eloïna, le responsable du moteur a déménagé en août 2015. La présidente a donc rassemblé les membres du comité. En règle générale, les convocations se font par le bouche-à-oreille. On entend par exemple Eloïna crier depuis sa fenêtre à Maricel : « Compañera, dimanche, il y a un travail volontaire, on nettoie les jardins devant l'immeuble. » Plus tard, Maricel, qui discute sur le pas de sa porte avec Ana, la voisine, croise Mercedes et lui transmet l'information, et ainsi de suite. En moins de deux heures, les 40 personnes sont au courant, ce qui ne garantit toutefois pas la présence de tous. On voit rarement plus d'une dizaine de personnes se lever un dimanche matin pour nettoyer, défricher, repeindre… Eloïna explique qu'il ne faut pas compter sur « les jeunes qui sortent le samedi soir, les personnes âgées, les parents de jeunes enfants ». Lorsque la présence de tous est requise, mieux vaut faire le tour des logements pour les convaincre de venir : « Il faut que les gens se sentent impliqués, leur expliquer pourquoi ils doivent se mobiliser. Présidente de CDR, c'est un travail pédagogique. »

Pour discuter de la délicate question de l'eau, 17 personnes sont présentes, soit une par appartement, si l'on excepte ceux qui ne peuvent pas se déplacer ou qui travaillent. La réunion se tient dans le jardin. Il est 18 heures ; tout le monde est arrivé, mais la séance tarde à commencer. Les conversations privées vont bon train. Il fait bon désormais, le soleil est doux et il ne manque plus que l'apéritif pour compléter le tableau d'un repas de quartier. Eloïna rappelle bientôt l'assemblée à l'ordre.

La présidente recommande d'abord à chacun de bien fermer les robinets, surtout lorsque l'eau ne coule pas. Tous ont encore à l'esprit l'inondation causée quelques jours plus tôt par Marcelo, qui avait laissé son robinet ouvert alors que l'eau avait été coupée. Lorsque celle-ci est revenue, Mercedes a vu son balcon transformé en piscine. Les blagues vont bon train ; Marcelo les accepte avec résignation. Puis Eloïna entre enfin dans le vif du sujet. Il s'agit d'élire une personne chargée du moteur d'eau. Seul Mario accepte de se présenter — la charge est fastidieuse. Le vote a lieu à main levée et sa candidature est acceptée à l'unanimité.

Certains CDR continuent toutefois à se concevoir comme essentiellement chargés de réagir aux attaques de l'« impérialisme ». La surveillance des populations reste alors l'un des aspects les plus importants de leur mission. Mais, là encore, la situation évolue.

Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Raúl Castro, être un « bon révolutionnaire » n'implique plus une lutte farouche contre l'impérialisme. Au contraire : la population est invitée à prendre conscience des aspects positifs du rapprochement avec les Etats-Unis (fin de l'embargo, augmentation du tourisme, etc.). Il s'agit de dédiaboliser le vieil ennemi afin de faire accepter la nouvelle politique. Mais ce rapprochement suscite la méfiance d'une partie de la population, comme en témoigne l'attitude de certains présidents de CDR.

Depuis maintenant trois ans, Vladimir, artiste franco-cubain résidant en France, organise un festival d'art urbain dans les rues d'Altahabana. Jusqu'en 2014, il se contentait d'obtenir l'autorisation des présidents de CDR afin de réaliser des fresques murales, d'organiser des ateliers avec les enfants, des concerts, des spectacles… Chaque édition rencontre un vif succès, mobilisant, outre les artistes du quartier, les enfants et la population dans son ensemble.

Bientôt, les esprits s'échauffent et le ton monte

Au mois d'août 2015, Vladimir et Rancel, un autre artiste, ont déjà réalisé plusieurs peintures murales sur divers bâtiments lorsqu'ils décident de peindre un chien fou, accompagné de ces mots : « Que vas-tu faire ? » En quelques minutes, les enfants du quartier se sont regroupés. Chacun y va de son commentaire. Bientôt, comprenant que l'œuvre sera imposante et que sa réalisation prendra un certain temps, le public s'installe. Les bières et les bouteilles de Tukola (le soda made in Cuba) font leur apparition. Mais le chien est à peine esquissé, les lettres à peine tracées que le président du CDR appelle la police et demande aux artistes de partir. Pour lui, le dessin est contre-révolutionnaire : il attaque le processus de normalisation des relations entre les Etats-Unis et Cuba. L'ensemble du public qui assiste à cette discussion surréaliste prend parti pour les artistes et tente de convaincre le président que son analyse est erronée. A son arrivée, la police elle-même se demande pourquoi elle a été appelée. Dans la chaleur de l'après-midi cubain, les esprits commencent à s'échauffer et le ton monte. Vladimir et Rancel décident d'abandonner leur peinture et d'aller en référer à l'autorité supérieure : la déléguée du quartier (3). Sous les quolibets du public, le président s'empresse de son côté de repeindre le mur avec un slogan révolutionnaire bien connu des Cubains : « Siempre en 26 » (« Le 26 [juillet] pour toujours ») (4).

La multiplicité des voies empruntées par les dirigeants de CDR démontre que ces comités ne peuvent plus être pensés comme des entités politiques figées. Au contraire : leurs choix et leur mode de fonctionnement dépendent beaucoup plus qu'hier des personnes qui les composent, et en particulier de leurs présidents. Après avoir symbolisé pendant tant d'années l'aspect le plus répressif du régime cubain, les CDR pourraient-ils devenir le premier laboratoire d'une forme d'expression populaire ?

(1) Les prénoms ont été modifiés.

(2) Nom donné aux boutiques dans lesquelles sont distribués les produits vendus avec le carnet d'alimentation (libreta).

(3) Elu tous les deux ans et demi, le délégué de quartier fait le lien entre la population locale et le gouvernement municipal pour les problèmes touchant toute la communauté, et pas seulement un CDR.

(4) Le 26 juillet est une des fêtes les plus importantes à Cuba. Elle commémore l'attaque du quartier général de la Moncada à Santiago de Cuba par les forces révolutionnaires de M. Fidel Castro en 1953.

Fidel Castro

Le Monde Diplomatique - Sat, 26/11/2016 - 10:15

Fidel Castro Ruz est né le 13 août 1926 à Biran, hameau situé non loin de Santiago de Cuba. Son père, immigré espagnol, est un important propriétaire terrien. Eduqué par une institutrice haïtienne, il fait ses études dans des établissements catholiques (salésiens et jésuites) tenus par des professeurs espagnols, pour la plupart franquistes.

Grand lecteur des œuvres de José Martí, père intellectuel de l'indépendance de Cuba en 1898, Fidel Castro entreprend des études de droit à La Havane et découvre le marxisme, qui devient pour lui, dira-t-il, une « boussole ». Il commence à militer au sein du Parti orthodoxe, héritier de celui fondé par Martí, qui lutte contre la corruption. Il s'intéresse au reste de l'Amérique latine et s'enrôle dans une expédition — frustrée — de volontaires pour délivrer la République dominicaine de la dictature de Rafael Léonidas Trujillo.

Devenu l'un des principaux leaders étudiants, il se rend, en 1948, à Panamá, puis au Venezuela, et à Bogotá, en Colombie, où il s'entretient avec le dirigeant progressiste Jorge Eliécer Gaitán. Celui-ci sera assassiné quelques jours plus tard, ce qui provoquera une insurrection populaire, le bogotazo, à laquelle Fidel Castro participe.

Après ses études de droit, il devient « avocat des pauvres ». Puis il se présente, en candidat indépendant, aux élections législatives annulées en raison du coup d'Etat du 10 mars 1952 du colonel Fulgencio Batista.

Avec son frère Raúl, Fidel Castro organise un groupe de militants, les initie au marxisme et les entraîne au maniement des armes. Le 26 juillet 1953, c'est le passage à l'acte : avec cent vingt hommes il attaque la Moncada à Santiago de Cuba. La tentative échoue. Déféré devant un tribunal militaire, il se défend seul, et fait de sa plaidoirie — L'histoire m'absoudra — son programme futur de gouvernement. Condamné à une lourde peine, il est grâcié au bout de trois ans, et part en exil à Mexico où il rencontre Ernesto Che Guevara, un révolutionnaire argentin, qui se joint à lui.

Fidel Castro entraîne et met sur pied un groupe expéditionnaire qui, à bord du yacht Granma, débarque à Cuba, au pied de la Sierra Maestra, le 2 décembre 1956. C'est le début de la guerre révolutionnaire qui s'achèvera par la chute de Batista et la victoire des rebelles le 2 janvier 1959.

A partir de là, la vie de Fidel Castro se confond avec celle de la révolution cubaine. Celle-ci suscite aujourd'hui, en particulier en Europe, des réserves et des critiques, parfois fondées, mais elle souleva à l'époque l'enthousiasme de tous les progressistes du monde et demeure, pour les masses déshéritées d'Amérique latine et d'ailleurs, une référence positive majeure.

Fighting Extremism in the Trump Age

Foreign Policy Blogs - Fri, 25/11/2016 - 18:15

On the campaign trail, President-Elect Trump’s virulent rhetoric linked the prospect of terrorism to Muslim immigration. Banning Muslims from entering the country, then compelling American Muslims to register with the government, emerged as campaign policy proposals. Concurrently, the Trump campaign fed a strain of intolerance and extremism domestically that has now been further empowered by his victory and his appointment of advisors known for their own inflammatory views.

Extremism is on the rise in America—in its electorate and potentially in its government. At the same time, combatting extremism abroad remains a policy priority. How do these facts relate?

A November 15 forum at the Center for Strategic and International Studies (CSIS) marked the release of Turning Point, a report commissioned by CSIS to outline “a new comprehensive strategy for combating violent extremism” (CVE).

The word “new” meant that no truly comprehensive strategy had yet been identified and implemented. The word “comprehensive” proposed a marriage between America’s “hard power” capabilities for CVE—its military and intelligence capacity—and the “soft power” of U.S. cultural and economic influence. The CSIS Commission on Countering Violent Extremism is chaired by former Secretary of Defense and CIA Director Leon Panetta and former British Prime Minister Tony Blair, both men of deep experience at the highest levels of government who are familiar both with the use of force and its limits.

Trump’s surprise victory colored the Commission’s presentation of its findings. Hillary Clinton’s tenure as Secretary of State included actions that pointed to some receptivity to soft power. She implemented a Quadrennial Development Review modeled on the Defense Department’s Quadrennial Defense Review and aimed at targeting America’s development funding to unstable regions that might otherwise foster terrorism.

Trump, by contrast, pledged to “bomb the hell out of ISIS” while claiming a secret plan to defeat it—a commitment to hard power that was as bellicose as it was vague.

With a growing global population of Muslims under 30, and martyrdom as a recruitment tool, demographics point to the limitations of a hard power solution to extremism. CSIS Senior Advisor and former Deputy National Security Advisor Juan Zarate put it bluntly: “you can’t kill your way out of this problem”.

Instead, the Commission’s plan would degrade the power that distortions of Islam and other extremist ideologies hold over individuals, particularly youth. It proposes a long-term battle for the hearts and minds of those susceptible to extremist ideologies that will draw on America’s hard power and soft power resources.

So what will this battle look like? And how prepared is America to fight it?

Some recommendations in Turning Point reflect the U.S. government’s proven ability to project hard power. One recommendation would have the U.S. build a new international force capability to “quickly dislodge terrorist groups that control territory, avert and respond to immediate threats, (and) weaken violent extremists’ projection of strength”.

So long as ISIS or groups like to aim to wrest and hold territory from sovereign states, a military-led solution to extremism is vital. Other recommendations—directing $1B in new funding to CVE and appointing a new White House assistant to the president for CVE—speak to government’s ability to direct money and personnel at problems. They are also measurable outcomes.

Recommendations covering the soft power side of the battle express ideals rather than concrete actions. Calling for “Expanding CVE models”, the Commission asks America and partner nations “to enlarge the CVE ecosystem, creating flexible platforms for funding, implementing, and replicating proven efforts to address the ideologies, narratives, and manifestations of violent extremism”. Governments are not expected to create the solutions; rather, government funding should catalyze private sector and philanthropic funding of CVE activities by NGOs.

Embedded here are two realizations: first, we do not really know what successful CVE solutions will look like; second, government is not the forum in which to create them. Commissioners recognize the role that social media plays in changing the CVE landscape—both threat and response. Those most susceptible to extremist ideology are “digital natives”, in the words of Commissioner Farah Pandith. Social media networks are manipulated to foment extremism and should be used as CVE platforms.

Direct government involvement in battles of religious ideology, however, gets tricky. Commissioner Mohamed Magid, Imam of the All Dulles Muslim Society, acknowledged that Muslim communities must communicate the true values of the faith, and maintained that “government should not be active in religion”. That is an American value.

It is also a political reality that free governments can share ideas but they cannot impose them. Think of a strong public library system: a local government can and should build it, but it cannot tell its people when to go and what to read.

Soft power has been denigrated in part because its tools and outcomes are less quantifiable than its hard power counterparts. Then hard power fell on hard times. The Iraq War—America’s most recent exercise in hard power—has not yet produced its promised promotion of democracy in the Middle East. President Obama embraced aspects of hard power – particularly the use of drones – but his overall foreign policy recognized the limits of force as a policy tool.

The biggest obstacle to America’s use of soft power against extremism is the recent emergence of extremism in America. The Commission recommends that “The United States should put human rights at the center of CVE, ensuring that its engagement with domestic and foreign actors advances the rule of law, dignity and accountability”. It certainly should. To do this, however, America must first put human rights front and center at home.

The 2016 election exposed the degree to which racism, sexism, xenophobia and homophobia still plague America. To have any credibility on the issue abroad, America must steadfastly protect the human rights of its own citizens. We must take the plank out of our own eye first. That done, America has power to spare in helping others do so abroad.

“When all you have is a hammer”, the saying goes, “all problems become nails.” The bad news is the CVE represents a complex array of problems. The good news is America has more tools in hand to fight it than it has been using. Time to pick them up.

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Alliance conservatrice à l'ombre de la menace djihadiste

Le Monde Diplomatique - Fri, 25/11/2016 - 15:32
Chris Huby. – « La route du djihad ». Jeune homme s'apprêtant à partir en Syrie, Kasserine, 2013 Haytham Pictures

En dépit de la douceur exceptionnelle de ce début d'hiver, une humeur maussade flotte dans l'air de Tunis. La vie continue, mais la joie des semaines qui suivirent la chute du régime de M. Zine El-Abidine Ben Ali, en janvier 2011, s'est dissipée. La Tunisie a connu une année 2015 éprouvante, durant laquelle elle a subi trois attentats majeurs revendiqués par l'Organisation de l'Etat islamique (OEI) contre des cibles emblématiques du tourisme et de l'Etat (1). Conséquence : la saison touristique s'achève sur un bilan catastrophique. Les entrées de janvier à novembre ont diminué de 26 % et les recettes, de plus de 33 % par rapport à l'année précédente. La croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait être quasiment nulle. Et, pour l'année 2016, rien ne permet d'espérer que la conjoncture offrira des perspectives d'amélioration sociale à des Tunisiens épuisés par l'augmentation des prix et par la persistance d'un chômage massif.

Les plus grosses préoccupations sont directement liées à l'évolution de la crise libyenne. Quelle que soit l'issue du dialogue national entre les deux pouvoirs de Tobrouk et de Tripoli (2), la perspective d'une intervention étrangère contre les bases de l'OEI autour de Syrte semble se préciser, avec ou sans la formation d'un gouvernement libyen d'union pour donner son aval. Les accords entre tribus qui stabilisent plus ou moins le contrôle de la frontière avec la Tunisie seront encore fragilisés, la rendant plus poreuse aux répercussions économiques et politiques d'un conflit ouvert en Libye. L'un des cauchemars des autorités serait de voir s'ajouter à des protestations sociales dans le Sud le surgissement de partisans de l'Etat islamique susceptibles de travailler de concert avec les réseaux de contrebande.

Si la Tunisie, officiellement partenaire stratégique de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) depuis juillet 2015, est mise à contribution, elle se retrouvera en première ligne en cas de représailles. Dans une dramatisation quelque peu maladroite, mais révélatrice de l'inquiétude qui règne dans les cercles du pouvoir, le président Béji Caïd Essebsi avait déclaré au lendemain de l'attentat de Sousse : « Si une troisième attaque survient, l'Etat s'effondrera. » Il a pourtant survécu à l'attentat qui s'est produit le 24 novembre en plein cœur de la capitale. Mais il reste à savoir si le dispositif politique mis en place depuis les élections de fin 2014 (législatives en octobre et présidentielle en novembre et décembre) résistera aux chocs de l'année 2016.

En prévision des turbulences qui s'annonçaient, les partenaires internationaux de la Tunisie avaient encouragé une alliance entre les deux pôles opposés de l'échiquier politique tunisien : Nidaa Tounès, qui se revendique de l'héritage de Habib Bourguiba, cimenté dès sa création en 2012 par la volonté de contrer l'hégémonie des islamistes, et Ennahda, vainqueur de l'élection de 2011, qui a dû quitter le pouvoir après la crise de fin 2013. En février 2015, les deux adversaires d'hier ont formé ensemble une coalition gouvernementale. Un choix sans surprise, convenu probablement dès la rencontre des dirigeants des deux formations, en août 2013. Cette coalition « large et inclusive », pour reprendre les éléments de langage diplomatiques, semblait confortée par l'arithmétique parlementaire : avec 86 sièges pour Nidaa Tounès et 69 pour Ennahda sur un total de 217, les deux partis peuvent en théorie se passer de l'appui de leurs deux alliés, les 16 élus de l'Union patriotique libre (UPL) et les 10 d'Afek Tounes. Elle a été surtout encouragée par les partenaires étrangers de la Tunisie : les Etats-Unis, l'Europe et l'Algérie.

Cet attelage pour temps de crise tient-il ses promesses ? En dépit de la majorité confortable dont il dispose, il semble à la peine. « Le vrai soubassement de ce gouvernement, c'est le compromis entre les partis. Ce n'est pas un projet de réforme démocratique et sociale », déplore le politologue Larbi Chouikha (3). Un an après son arrivée au pouvoir, la coalition s'apprête seulement à proposer un plan d'action quinquennal.

Les bailleurs de fonds internationaux attendaient une réforme du secteur bancaire (votée en juillet 2015), du code de l'investissement, de l'administration, de la fiscalité, et l'introduction du partenariat public-privé (votée en décembre 2015). Mais, entre les injonctions étrangères d'ouvrir les marchés, les impératifs sociaux et les intérêts des clans qui ont investi les circuits de décision économiques, la réforme marque le pas, tandis que, selon une étude récente du ministère des finances, l'économie informelle représente désormais 53 % du PIB.

Dans les milieux économiques, on s'exaspère de l'incapacité de la nouvelle majorité à clarifier l'accumulation des dispositifs issus de la révolution : les quelque 350 dossiers ouverts par la commission d'enquête de 2011 sur la corruption (4), les processus de confiscation au périmètre mal défini lancés eux aussi en 2011, le système d'arbitrage de l'Instance vérité et dignité formée en juin 2014… La présidence n'est pas parvenue à faire passer son projet de « réconciliation économique », politiquement difficile à défendre et juridiquement mal ficelé, dont l'objectif est de permettre aux hommes d'affaires et aux fonctionnaires impliqués dans des affaires de corruption ou de détournement de fonds publics d'être exonérés de toute poursuite moyennant un arbitrage.

Le gouvernement fâche aussi les milieux « modernistes », qui ont fourni la caution intellectuelle à la montée de Nidaa Tounès et qui s'estiment trahis par l'inclusion des islamistes dans la coalition. Le ministre de la justice Mohamed Salah Ben Aïssa, figure de cette mouvance, a en outre été limogé. Seule avancée : la possibilité pour une mère de voyager avec ses enfants sans autorisation paternelle. Mais rien sur la dépénalisation de la consommation de cannabis, promise par le candidat Essebsi. Véritable outil de répression sociale entre les mains de la police à l'encontre des jeunes des quartiers populaires, cette prohibition sacrifie chaque année l'avenir de milliers d'entre eux, condamnés à la prison. Par ailleurs, le 10 décembre dernier, six étudiants de Kairouan ont été condamnés pour homosexualité à trois ans de prison suivis de cinq ans d'interdiction de séjour dans leur ville d'origine. Plus généralement, aucun calendrier n'a été établi pour mettre le code pénal en conformité avec les normes de la nouvelle Constitution en matière de discriminations, de droit à un environnement sain (5)…

Les défaillances sécuritaires révélées par l'attentat de Sousse ont montré que le ministère de l'intérieur, quoique redouté, était une institution faible, divisée en clans rivaux. Il lui manque toujours une procédure de discipline interne susceptible d'empêcher les exactions auxquelles se livrent des agents encore marqués par la mentalité d'un régime policier : mauvais traitements, torture, racket (6). La priorité accordée à la lutte contre le djihadisme a redonné les coudées franches à une institution policière dont une frange non négligeable considère « révolution », « démocratie » et « liberté » comme des synonymes de « terrorisme » et pense tenir sa revanche après des années de discrédit.

Tout cela engendre une série de malaises dont les Tunisiens ne peuvent identifier clairement les responsables. Le fonctionnement même des institutions crée le sentiment d'un pouvoir diffus, sans véritable moteur. Théoriquement, il devrait s'agir d'un régime parlementaire rationalisé, sur lequel pèse néanmoins une tradition présidentialiste, voire autocratique. S'il a du poids, le chef de l'Etat n'est pas aux commandes. Faute d'une majorité construite sur un programme, le premier ministre choisi, M. Habib Essid, a le profil d'un serviteur de l'Etat plutôt que d'un véritable dirigeant politique. Quant à l'Assemblée des représentants du peuple, « elle a aussi peu de moyens qu'un Parlement de dictature », assène Mme Ons Ben Abdelkarim, présidente de l'association Al-Bawsala, qui a mis en place un observatoire de l'activité parlementaire et dont la cofondatrice, Mme Amira Yahiaoui, a reçu en 2014 le prix pour la prévention des conflits de la fondation Jacques-Chirac. « Il n'y a pas assez de salles pour les commissions, aucun appui technique pour les députés. Cette assemblée n'a aucun pouvoir d'initiative. Quand elle a amendé le projet de loi sur l'accès à l'information pour restreindre la portée des exceptions, le gouvernement l'a retiré, avant de le réintroduire dans sa version initiale. »

A ce flou institutionnel s'ajoute une reconfiguration laborieuse des partis sur lesquels repose la coalition. Tous deux ne sont dotés que d'une culture démocratique récente et restent dépositaires d'un héritage qu'il leur faut réactualiser : une vision bourguibienne et dirigiste de l'Etat pour Nidaa Tounès ; une combinaison de la pensée traditionaliste et du projet des Frères musulmans pour Ennahda.

Parti central du pouvoir, Nidaa Tounès se déchire sous les yeux d'une opinion médusée. Le parti s'est construit comme une machine électorale autour d'une référence moderniste sans projet. Il s'est constitué par vagues successives issues de la gauche, du syndicalisme, des milieux d'affaires et des cadres de l'ancien Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) du président Ben Ali. Il se retrouve livré au jeu des ambitions rivales maintenant que son fondateur a été porté au pouvoir, et sans ligne politique depuis que, par réalisme, l'objectif d'écarter Ennahda a été abandonné. Dans cette formation toute jeune, aucune structure ne semble en mesure de gérer les contradictions internes.

Secrétaire général de Nidaa Tounès, un temps considéré comme le dauphin, M. Mohsen Marzouk est tombé en disgrâce au profit du fils du chef de l'Etat, M. Hafedh Caïd Essebsi, qui bénéficie de l'appui des plus proches conseillers du président, des coordinateurs régionaux, des anciens notables du RCD et des poids lourds du gouvernement. Gros bras et contrôles fiscaux : dans cette lutte toujours en cours, tous les coups sont permis. S'y jouent aussi ouvertement les rivalités entre les grandes fortunes et les clans économiques de Tunis, de Sousse et de Sfax. Les partisans de M. Marzouk, soutenu par une trentaine de députés, entendent aussi incarner un projet plus proche de l'esprit initial, comme l'explique Mme Bochra Bel Hadj Hamida, une élue dissidente : « Ils veulent un parti conservateur ; nous voulons un parti progressiste. Ils veulent reproduire le même système de partis qu'avant, avec l'appui d'Ennahda, sur la base d'une réconciliation historique, pour faire main basse sur l'Etat et l'économie. »

Du côté d'Ennahda, on affiche beaucoup plus de sérénité. Les débats internes sont gérés par un appareil rodé, capable d'organiser de larges consultations. La loyauté envers le parti empêche que les éclats de voix ne s'entendent à l'extérieur. La formation se prépare à un dixième congrès, conçu pour être celui du renouvellement doctrinal et stratégique, début 2016. « Ennahda a entamé une mutation profonde, explique M. Abdelhamid Jelassi, président du majlis al-choura, l'instance délibérative. Il nous faut du temps pour transformer un parti de contestation, autrefois clandestin et réprimé, en un parti de gouvernement. Après quarante ans de confrontation avec l'“Etat profond”, la prison, la torture, nos militants ont développé une certaine défiance. Nous sommes maintenant dans un contexte de coopération. Il faut travailler sur ces réflexes et théoriser cette nouvelle réalité. » Les mânes d'Abdelaziz Thaalbi, figure ancestrale du mouvement national écartée par Bourguiba dans les années 1930, sont invoqués pour inscrire le rapprochement entre destouriens et islamo-conservateurs dans une filiation commune, afin de fonder une alliance que certains cadres d'Ennahda voient se prolonger sur dix ou quinze ans.

En dépit de sa loyauté sans tache envers le gouvernement et de ses efforts évidents pour s'adapter à la nouvelle situation, le parti islamiste ne parvient pas à lever la méfiance de ses ennemis politiques. Son projet est-il toujours d'islamiser les normes collectives ? Quelle influence conserveront les militants attachés à la dimension religieuse la plus conservatrice ? Mais le plus embarrassant pour lui demeure la question lancinante de sa responsabilité, quand il était au pouvoir, en 2012 et 2013, dans la progression du salafisme djihadiste. L'aile la plus éradicatrice de la gauche milite pour que les responsables de l'époque soient traduits en justice ; sa figure emblématique est Mme Besma Khalfaoui, veuve du dirigeant politique de gauche Chokri Belaïd, assassiné le 6 février 2013.

L'accord conclu avec le président Essebsi maintient Ennahda à l'abri de ces mises en accusation. Mais plus le crédit du gouvernement s'use, plus les actions terroristes ravivent les passions anti-islamistes et mettent à l'épreuve les bases de la coalition. L'appareil sécuritaire renforce son autonomie dans le traitement du djihadisme. Il revient à ses anciennes méthodes et obtient le rappel de ses anciens cadres.

Une autre force politique peut-elle émerger, disposer d'un réseau national de militants, obtenir des soutiens financiers pour conquérir le pouvoir ? Dans l'état actuel du pays, probablement pas une force de gauche : « Ceux qui étaient marginalisés nous ont libérés, mais, depuis, ils ont été écartés. La gauche a délaissé les quartiers populaires. Nous n'étions pas préparés, et les gens de l'ancien régime l'ont compris : ils ont repris leurs places dans le monde politique, l'administration, les médias… », déplore M. Abderrahman Hedhli, coordinateur du Forum des droits économiques et sociaux — et, à ce titre, l'un des principaux organisateurs des deux éditions du Forum social mondial, à Tunis en 2013 et en 2015. « Notre erreur a été de ne pas chercher un consensus, de la gauche à Ennahda, sur les principales réformes, juste après le 14 janvier. Nous avons laissé passer ce moment. Il n'y aura pas d'autre révolution. »

L'apathie populaire en Tunisie a toujours laissé les chercheurs perplexes : consentement tacite au pacte de sécurité ? désaffiliation à l'égard d'un Etat incapable de fournir les services essentiels et peu respectueux de ses citoyens (lire « Kasserine ou la Tunisie abandonnée ») ? ou bien protestation sourde, prête à se muer à nouveau un jour en émeute ?

En attendant, l'espace politique semble saturé par l'obsession du djihadisme, qui, s'il devait intensifier son activité en Tunisie, créerait des conditions favorables à l'achèvement d'une restauration autoritaire. Seules les initiatives qui ont éclos dans les interstices ouverts par la révolution continuent de porter désormais un espoir de transformation sociale.

(1) Vingt et un touristes ont été tués au musée du Bardo (18 mars), 39 dans un hôtel de Sousse-Al-Kantaoui (26 juin) et 12 agents de la garde présidentielle sont morts dans l'explosion d'un bus à Tunis (24 novembre).

(2) Lire Patrick Haimzadeh, « En Libye, ce n'est pas le chaos, c'est la guerre », Le Monde diplomatique, avril 2015.

(3) Larbi Chouikha et Eric Gobe, Histoire de la Tunisie depuis l'indépendance, La Découverte, coll. « Repères », Paris, 2015.

(4) Le 13 janvier 2011, la veille de son départ, M. Ben Ali avait promis la formation de trois commissions, deux chargées d'enquêter sur la corruption et la répression, et l'autre de préparer une réforme politique.

(5) « Le travail législatif à l'épreuve de la Constitution tunisienne et des conventions internationales » (PDF), Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Tunis, décembre 2015.

(6) « Réforme et stratégie sécuritaire en Tunisie » (PDF), International Crisis Group, rapport Moyen-Orient- Afrique du Nord, no 161, Bruxelles, 23 juillet 2015.

L'austérité est le seul remède à la crise

Le Monde Diplomatique - Thu, 24/11/2016 - 22:32

Dans l'Allemagne du chancelier Brüning, le Chili du général Pinochet ou le Portugal de Salazar, partout où elle fut appliquée, l'austérité a produit l'inverse des effets annoncés : loin de relancer la croissance, elle a fragilisé les populations, déstabilisé les sociétés et affaibli les économies. Mais l'Union européenne n'en démord pas : la rigueur est le remède miracle contre la crise des finances publiques.

Photographie de Stefania Mizara, 2012. 
En Grèce, dans la banlieue d'Athènes, le centre médico-social d'Hellinikon permet à des familles privées de couverture sociale de se faire soigner gratuitement.

« Rien ne pourra se faire de crédible sans une coupe dans les dépenses publiques », écrivait en 2011 un éditorialiste du Figaro. Deux ans plus tard, sur Europe 1, un autre commentateur abondait dans ce sens, prônant « la baisse des dépenses de santé, le recul des crédits aux collectivités locales et, surtout, plus de réformes structurelles pour la compétitivité ». Depuis le début de la « grande récession » (lire Naissance de l'économie de spéculation), nombre de journalistes, dirigeants politiques, économistes s'emploient à présenter l'austérité – c'est-à-dire la diminution des dépenses publiques – comme la condition nécessaire du retour à la croissance. La rengaine est connue : le fardeau que la dette ferait peser sur les générations futures obligerait au sacrifice de tous et à l'effort de chacun.

Pourtant, partout où elle est mise en œuvre, l'austérité produit l'inverse des effets annoncés. Elle perpétue la récession, accroît le niveau de dette publique et creuse les déficits. Entre 2008 et la fin de l'année 2013, le produit intérieur brut (PIB) de l'Italie a chuté de 8,3 % ; celui du Portugal, de 7,8 % ; celui de l'Espagne, de 6,1 %. Quant à la dette publique, depuis 2007, elle est passée de 25 % du PIB à 117 % en Irlande ; de 64 % à 103 % en France ; de 105 % à 175 % en Grèce. Tous ces pays sont des adeptes de la rigueur.

La « troïka » a favorisé la mise en place d'un gouvernement technocratique en Italie.

La baisse des prestations sociales, la diminution (relativement à l'inflation) des salaires et le gel des embauches des fonctionnaires – les trois principales formes de l'austérité – ont également contribué à l'augmentation du chômage. Situé autour de 12 % dans l'Union européenne, le taux de chômage s'élève, en Grèce, à 27,9 % en 2013 contre 10 % en 2007 ; en Espagne, à 26,7 % contre 7,3 % ; au Portugal, à 16 % contre 6,1 % ; et en Irlande, à près de 15 % contre 4,7 %. Conséquence : l'austérité grippe la consommation, l'un des principaux moteurs de l'activité, et affecte jusqu'à la santé des peuples : en Grèce, la baisse de 23,7 % du budget du ministère de la santé entre 2009 et 2011 s'est accompagnée d'une recrudescence de certaines maladies – les cas d'infections au virus de l'immunodéficience humaine (VIH/sida) ont par exemple augmenté de 57 % entre 2010 et 2011. Le nombre des suicides s'est envolé, quant à lui, de 22,7 %.

Photomontage de Boris Séméniako, d'après le tableau de Pérugin « L'Adoration des bergers » (1510).

Les dirigeants ne retiennent pas grand-chose de l'histoire. Dans les années 1930 déjà, les programmes de déflation menés par Pierre Laval en France, Ramsay MacDonald au Royaume-Uni et le chancelier Heinrich Brüning en Allemagne avaient paupérisé les peuples européens. De même, après l'éclatement de l'Union soviétique en 1991, les coupes budgétaires avaient donné lieu à une véritable saignée : l'espérance de vie masculine chuta de 64 à 57 ans entre 1991 et 1994.

D'autres politiques seraient possibles : augmenter les salaires et l'investissement public pour relancer l'investissement (une méthode appliquée, avec un certain succès, dans l'Amérique du New Deal), annuler les « dettes illégitimes », ou encore nationaliser le système bancaire. Mais rares sont les gouvernements qui, en Europe, osent s'aventurer sur ces sentiers inusités : la pression des institutions financières internationales est jugée trop forte.

Jadis imposée par des dictatures, comme dans le Portugal d'António de Oliveira Salazar (1932-1968) ou dans le Chili d'Augusto Pinochet (1973-1990), l'austérité est aujourd'hui orchestrée par le « talon de fer » d'organismes supranationaux non élus. En Grèce et au Portugal, la « troïka » (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international [FMI]) a envoyé ses agents dans chaque ministère pour contrôler les dépenses publiques.

En Italie, elle a favorisé la mise en place du gouvernement technique de Mario Monti (2011-2013). En mars 2014 en Ukraine, dans un contexte de très grande instabilité politique, le FMI impose le gel des retraites et la baisse de 10 % des effectifs de la fonction publique. Enfin, l'entrée en vigueur du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) en 2013 a soumis les Etats membres de l'Union européenne à un contrôle a priori sur leurs budgets. Limitant à 0,5 % du PIB le déficit budgétaire autorisé pour les Etats – contre 3 % précédemment –, cette « règle d'or » interdit toute politique de relance de l'activité.

Manuel scolaire italien

A l'unisson des principaux médias et commentateurs du pays, ce manuel italien publié en 2008 ne voit d'autre solution que l'austérité pour sortir de la crise.

En réalité, la cure d'austérité financière imposée par le traité de Maastricht n'a fait que révéler (contribuant ainsi à les corriger) quelques caractéristiques qui pénalisent les économies du Vieux Continent depuis longtemps (…) et le rendent peu compétitif par rapport aux marchés asiatiques et nord-américains : l'excès de dépenses publiques (…) ; le caractère non durable, sur le plan financier, des systèmes de sécurité sociale (…) ; la rigidité du marché du travail, davantage guidé par la préservation des acquis que par la volonté de créer de nouvelles possibilités pour les jeunes et les chômeurs.

Today’s thoughts: Losing my religion

Foreign Policy - Thu, 24/11/2016 - 16:52
It seems like a natural war story even a mundane one: young, idealistic soldier, full of vigor and faith goes to war and loses that faith because war is hell … blah, blah, blah. But it’s not something we discuss often.

Le parti des misogynes

Le Monde Diplomatique - Thu, 24/11/2016 - 12:50
Soyez ménagères Dans La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes, Pierre-Joseph Proudhon écrit : « Je regarde comme funestes et stupides toutes nos rêveries d'émancipation de la femme. Je lui refuse toute espèce de droit et d'initiative politique. Je crois que, pour la femme, la liberté et le bien-être consistent uniquement dans le mariage, la maternité, les soins domestiques, la fidélité de l'époux, la chasteté et la retraite. » (…) « L'égalité politique des deux sexes, c'est-à-dire l'assimilation de la femme à l'homme dans les fonctions publiques, est un de ces sophismes que repoussent non pas seulement la logique, mais encore la conscience humaine et la nature des choses. » Il conseille aux femmes : « Soyez donc ce qu'on demande de vous : douce, réservée, renfermée, dévouée, laborieuse, chaste, tempérante, vigilante, docile, modeste, et nous ne discuterons pas vos mérites. Et que l'énumération de tant de vertus ne vous effraie pas : c'est toujours la même au fond qui vous revient : soyez ménagères, le mot dit tout. »

Pierre-Joseph Proudhon, La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes 1875, cité par Béatrice Bottet, dans Le p'tit dico de la misogynie Multitudes, Paris, 2002.

Témérité Dans le chapitre 3 du livre III des Essais (1588), Montaigne écrit : « Le monde n'a rien de plus beau ; c'est à elles d'honorer les arts et de farder le fard. (…) Quand je les voy attachées à la rhétorique, à la judiciaire, à la logique et semblables drogueries si vaines et inutiles à leur besoing, j'entre en crainte que les hommes qui le leur conseillent, le facent pour avoir loy de les regenter soubs ce tiltre. Car quelle autre excuse leur trouverois-je ? Baste qu'elles peuvent, sans nous, renger la grace de leurs yeux à la gaieté, à la severité et à la douceur, assaisonner un nenny de rudesse, de doubte et de faveur, et qu'elles ne cherchent point d'interprete aux discours qu'on faict pour leur service. Avec cette science, elles commandent à baguette et regentent les regens et l'eschole. Si toutesfois il leur fâche de nous ceder en quoy que ce soit, et veulent par curiosité avoir part aux livres, la poësie est un amusement propre à leur besoing ; c'est un art follastre et subtil, desguisé, parlier, tout en plaisir, tout en montre, comme elles. Elles tireront aussi diverses commoditez de l'histoire. »

Francis Jeanson, Montaigne par lui-même Seuil, 1954.

Névrosée A la fin de sa vie, dans La Féminité, Sigmund Freud écrit : « Peut-être la femme parviendra-t-elle à gagner sa vie comme les hommes. Je crois que toutes les réformes législatives et éducatives échoueraient du fait que, bien avant l'âge où un homme peut s'assurer une situation sociale, la nature a déterminé sa destinée en terme de beauté, de charme et de douceur (…). Le destin de la femme doit rester ce qu'il est : dans sa jeunesse, celui d'une délicieuse et adorable chose ; dans l'âge mûr, celui d'une épouse aimée... L'envie de réussir chez une femme est une névrose, le résultat d'un complexe de castration dont elle ne guérira que par une totale acceptation de son destin passif. (…) L'œuvre de civilisation est devenue, de manière croissante, l'affaire des hommes ; elle les a confrontés à des tâches plus difficiles et les a conduits à mener à bien les sublimations intellectuelles dont les femmes sont peu capables. »

Sigmund Freud, La Féminité 1932, livre non réédité. Cité par Benoîte Groult, dans Cette mâle assurance Albin Michel, Paris, 1993.

Pas de loge féminine Le journal La République maçonnique écrit le 23 octobre 1881 : « Depuis quelque temps déjà, quelques maçons de différentes obédiences font une campagne dont l'initiation de la femme est le but. Cette campagne part d'un principe erroné, d'une idée fausse : l'égalité de l'homme et de la femme. Non, la femme n'est pas égale de l'homme, non, il n'y a égalité ni morale ni physique entre ces deux êtres. Peut-on dire que l'Océan soit égal de l'Himalaya ? Peut-on dire que le noir soit égal au blanc ? Peut-on établir une égalité entre deux quantités non comparables ? Bien entendu nous ne sommes pas de ceux qui pensent que la femme est un être inférieur que la nature a fait pour l'esclavage ou pour le servage, et il y a longtemps que l'humanité a rompu avec ces théologiens qui se demandaient sérieusement si la femme avait une âme. (…) Chacun a un rôle distinct et spécial. A l'homme l'action extérieure, à lui les luttes de la vie et de la tribune ; à lui le côté actif et brillant et peut-être un peu superficiel. A la femme l'action lente, douce et persévérante du foyer. A elle d'être le conseiller avant la bataille, la consolatrice après la défaite, la récompense après la victoire… »

Cité dans La Démocratie « à la française » ou les femmes indésirables (sous la direction d'Eliane Viennot), Publication de l'université Paris-VII, coll. « Cahiers du Cedref », Paris, 2002.

Misogynie ouvrière En septembre 1917, le comité fédéral CGT des métaux adopte à l'unanimité la motion suivante : « Le comité déclare que l'introduction systématique des femmes dans l'atelier est en opposition absolue avec la création et l'existence du foyer et de la famille. Il estime en principe que l'homme doit obtenir de son travail la possibilité d'assurer la subsistance de son foyer et d'élever dignement ses enfants. (…) Il affirme donc que l'absorption de plus en plus généralisée de la femme par toutes les industries est en contradiction flagrante avec l'incitation à la procréation. Le comité fédéral décide cependant de faire toute la propagande nécessaire pour organiser syndicalement la femme et qu'il ne serait pas de bonne tactique de les grouper à part des organisations formées par des hommes. » En 1919, le bureau national de la CGT estime que « la place naturelle de la femme est au foyer, et vouloir l'astreindre aux travaux de l'atelier, c'est courir à la destruction de la famille ». La CFTC et les nombreuses associations catholiques sociales partent à la reconquête de la classe ouvrière en insistant sur ce thème.

Françoise Thébaud et Christine Bard, dans Un siècle d'antiféminisme, op. cit.

Royalistes et papistes « Tous les philosophes affirment que la faculté dominante de nos compagnes, c'est l'assimilation. Presque toujours la femme d'un homme éminent semble supérieure. Dans tous les cas, elle s'imprègne de lui d'une étrange façon. Elle prend ses idées, ses théories, ses opinions. La femme n'a ni rang, ni caste, ni classe : elle sait devenir ce qu'il faut qu'elle soit selon le milieu où elle se trouve. Il existe aujourd'hui des femmes athées, des femmes libres penseuses. Elles le sont avec violence comme elles seraient dévotes. Celles-là ont épousé des libres-penseurs. La femme devient ce que l'homme la fait. (…) Si les femmes votent, disait-on, rien ne sera changé dans le résultat final des suffrages, chaque femme devant fatalement représenter l'opinion de son maître, ou, si elle n'est pas mariée, celle de son père ou de ses frères. Ce raisonnement cependant ne semble pas tout à fait juste. La femme, sensiblement inférieure à son mari, le subit devient son reflet. Mais quand elle lui est égale, ce qui est fréquent, elle échappe totalement à son influence (…). Donc, donnez aux femmes les droits politiques ; et c'est le plus sûr moyen de rétablir chez nous la monarchie, avec le pape comme souverain temporel. »

Guy de Maupassant, « Gil Blas, 16 août 1882 », dans Chroniques 2 UGE 10/18, Paris, 1993.

Anatomie Selon le dramaturge suédois August Strindberg « le cerveau de la femme présente moins de circonvolutions que celui de l'homme et chez elle la substance grise est plus légère que chez l'homme. Au contraire, ses nerfs sont plus forts, ainsi qu'on le remarque chez l'enfant. D'où sa faculté de pouvoir supporter plus facilement certaines douleurs physiques, en quoi elle ressemble au sauvage et cela prouve aussi qu'elle a un système nerveux plus grossier. (...) Des anthropologues ont trouvé - ce qui a été confirmé par des explorateurs africains - que le crâne de la femme blanche se rapproche de celui du nègre et que le crâne d'une négresse est inférieur à celui d'un Noir. La conclusion serait donc que le crâne de la femme blanche se rapproche d'un type de crâne qui rappelle une race inférieure ».

August Strindberg, De l'infériorité de la femme 1893, cité par Béatrice Bottet, dans Le p'tit dico de la misogynie Multitudes, Paris, 2002.

Florilège « La femme est à l'homme ce que l'Africain est à l'Européen et le singe à l'humain » écrit l'anthropologue Paul Topinard (1830-1911). Et Gustave Le Bon (1841-1931), initiateur de la psychologie des foules : « On ne saurait nier, sans doute, qu 'il existe des femmes très distinguées, très supérieures à la moyenne des hommes, mais ce sont là des cas aussi exceptionnels que la naissance d'une monstruosité quelconque. » Baudelaire (1821-1867) s'inquiète de «  l'invasion » des femmes aux Salons de peinture, tandis que Gustave Moreau (1826-1898) s'esclaffe devant les toiles de Marie Bashkirtseff (1858-1884), « pauvre idiote enflammée, pauvre concierge exaltée ». Le socialiste révolutionnaire Gustave Hervé (1871-1944) récuse le vote des femmes ; certes, « il est juste, démocratique (…), mais le geste est laid. Et nous n'en voulons pas. » Léon Daudet (1867-1924) accepte certaines avancées des femmes, à condition qu'elles gardent leur féminité : « La femme ne doit pas se faire le singe de l'homme. La masculinisation de la femme serait un fléau pour toute la civilisation et pour elle-même. Car elle y perdrait son ascendant et son prestige. Qu 'elle se fasse doctoresse, avocate, suffragette, ministresse, tout ce qu 'elle voudra ; mais qu'elle reste femme. »

Michelle Perrot, dans Un siècle d'antiféminisme sous la direction de Christine Bard, Fayard, Paris, 1999.

Féministe et anti-suffragette « Etes-vous féministe ? » demande [à Colette un journaliste de] Paris-Théâtre le 22 janvier 1910. - Moi, féministe ? - Oui… au point de vue… social, naturellement. - Ah ! non ! Les suffragettes me dégoûtent. Et si quelques femmes en France s'avisent de les imiter, j'espère qu'on leur fera comprendre que ces mœurs-là n'ont pas cours en France. Savez-vous ce qu'elles méritent les suffragettes ? Le fouet et le harem… » On tolère mieux ces propos dégoûtés si l'on sait qu'ils sont équilibrés, chez Colette, par un rejet tout aussi violent de l'image conventionnelle de la femme (…) : « Il me semble que je vois, dans quelque dix ans, une vieille Colette raisonneuse, sèche, avec des cheveux d'étudiante russe, une robe réformiste, prônant l'union libre, l'orgueilleux isolement, et patiapatia, et un tas de fariboles ! Brr… ! Mais quel démon me montre, plus terrible encore, l'image d'une Colette quadragénaire, enflammée d'un amour neuf, mûre et molle sous le fard, combative et désespérée ! De mes deux bras étendus, je repousse les deux fantômes. »

Julia Kristeva, Le Génie féminin, Colette tome III, Fayard, Paris, 2002.

Droit de vote Depuis la Déclaration des droits de la femme rédigée par Olympe de Gouges en 1791, qui lui valut d'être guillotinée, jusqu'à la loi sur la parité en 2001, les déclarations machistes n'ont pas manqué. Georges Clemenceau : « Nous avons déjà le suffrage universel [masculin]. Inutile d'aggraver une bêtise. » (Cité par Louise Weiss, Ce que femme veut 1946, Gallimard.) Julien Duplantier, sénateur radical, dans un discours au Sénat, le 3 mars 1932 : « Lorsque la notairesse aura signé avec les parties (sourires), lorsqu 'elle aura apposé au bas de l'acte ses seing (rires) et sceau… (…) Messieurs, comme il arrive souvent qu 'il y a des clients insolents, grossiers ou brutaux, vous allez exposer, de leur part, ces malheureuses femmes à des outrages qui ne seront pas toujours les derniers (rires). » (Cité par Christine Bard dans Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes 1914-1940 Paris, Fayard, 1995.) Raoul Bayou, député socialiste, 5e circonscription de l'Hérault : « Je n'ai rien contre les femmes ministres, mais elles ont le devoir de rester gracieuses, de ne rien perdre de leurs charmes, vous comprenez ce que je veux dire, n 'est-ce pas ? (...) En tant que socialiste, je défends les opprimés, mais je reste un homme avant tout. Alors si les femmes veulent militer, qu 'elles militent mais en restant gracieuses, surtout, c'est important. »

(Cité dans Choisir n° 62, avril-mai 1984.)

Aux féministes Dans son dernier livre, Alain Mine classe les féministes parmi les « nouveaux maîtres » et écrit : « Mesdames - avons-nous encore le droit d'employer ce mot empreint de déférente galanterie et suspect ? Mesdames, donc. Derrière cette formule, ce n'est pas l'ensemble des femmes que j'ai l'outrecuidance d'interpeller. (...) C'est à vous, militantes féministes, que je prends la liberté de m'adresser. (...) Votre combat était légitime. Votre victoire est éclatante. (...) Tout à son féminisme militant, Lionel Jospin n'hésitait pas à affirmer (...) que « la parité a sa place dans la langue ». Vous n'avez rien demandé, me répondrez-vous ? Sans doute n'imaginiez-vous pas que le « politiquement correct » frapperait aussi fort. Mais vous vous êtes bien gardées de refuser ce geste. (...) Nous n'avons certes pas encore entendu réclamer la parité entre saints et saintes sur les frontons des églises, la réécriture de l'Histoire afin de réévaluer le rôle des femmes, le réexamen des manuels de littérature afin de hisser George Sand au niveau de Victor Hugo, Louise de Vilmorin à celui de Paul Morand, Elsa Triolet au rang d'Aragon ou Marguerite Yourcenar à la hauteur de Julien Gracq. »

Alain Minc, Epître à nos nouveaux maîtres Grasset, Paris, 2003.

Progressistes et machistes Elle était particulièrement réussie, la manifestation des électriciens et gaziers le 3 octobre 2002, à Paris, contre la privatisation d'EDF et la défense des services publics ! Pourtant, elle laisse un goût amer à Malika Zediri, une des responsables de l'association de chômeurs Apeis, et à la trentaine de personnes qui l'accompagnaient : « Nous étions beaucoup de femmes, de jeunes filles maghrébines, nous étions gaies, puis la manifestation est passée » écrit-elle aux syndicats. « Avec la CFDT, peu de contacts ou des contacts « franchement hostiles ». » Puis vint FO. « Cela a été méprisant du début jusqu 'à la fin » : un militant lui déclare : « Le boulot, cela se mérite, apprends donc à te lever à 4 heures du matin » ; un autre : « Avec la paire de nibards que tu as, tu devrais quand même trouver des gosses à garder ». Quand la CGT est arrivée, et « après être passées pour des glandues, des fainéantes et des incapables, nous sommes devenues des objets : « Je t'achète ton canard si tu suces » ou encore : « Je te le prends si tu couches » ». « Quelle différence poursuit-elle, entre ce que nous avons entendu pendant cette manif et le jeune qui entreprend dans les mêmes termes les nanas au bas de sa cage d'escalier ? » A ce jour, aucun syndicat n'a répondu.

Malika Zediri, « Tou(te)s ensemble… », Existence ! novembre 2002.

Fines critiques A propos de Vestiges, paru aux éditions du Seuil en 1978, Claude Michel Cluny écrit : « Viviane Forrester, quant à elle, écrit volontiers, à défaut de testicules, avec les pieds (un anglais, un français). Mais l'astuce consiste à ajouter selon la mode quelques pénis, sécrétions, moiteurs et à saupoudrer avec un peu d'épices qui mettront la poularde plein-deuil et la casserole à gauche... Il y a des naïvetés dans ce petit bol de soupe, qui comme le poisson commence à sentir par la tête. Le reste n'est rien » (Magazine littéraire, n° 142, novembre 1978). Passion simple d'Annie Ernaux et La Mise à l'écart de Marie Didier suscitent le commentaire suivant de Pierre-Marc de Biaisi, universitaire et spécialiste de Flaubert : « Les Emma victorieuses sont de retour : ce sont de véritables petites bombes sexuelles à retardement, qui parlent à la première personne, et qui vous ressemblent comme dans une histoire vraie en direct à la télévision » (Magazine littéraire, n° 301, juillet 1992). Bien avant, Jean de Bonnefon signalait en conclusion de son livre La Corbeille aux roses ou les Dames de lettres (1909) : « La femme de lettres sera la première devant le mur où se briseront la famille et le mariage, les vieilles institutions qui firent la femme socialement différente de l'homme. »

Venezuela’s Struggles Continue as Government and Opposition Clash

Foreign Policy Blogs - Thu, 24/11/2016 - 11:26

Frustrated anti-government protesters flooded the streets of Caracas, Venezuela in October 2016. (Rodrigo Abd/AP)

This summer I wrote about the economic and political struggles in Venezuela. Unfortunately the country’s situation has not greatly improved since, and recent events have shown the frustration and discontent with President Nicolas Maduro’s leadership. Nevertheless, each side has made some recent concessions which offer hope.

Opposition parties began a petition in May asking for a recall election which could remove Maduro from power. Yet such an action would only take place with the approval of Venezuela’s supreme court, which is controlled by Maduro.

In the last few weeks this dispute reached a boiling point. In late October, the country’s supreme court suspended the recall election petition, a move derided by the U.S. State Department and the Organization of American States. Venezuelan lawmakers announced that this decision amounted to Maduro staging a coup. Outraged, they vowed to put the president on trial themselves.

Despite growing opposition, some protests rose up in support of the government. Days after the court decision a legislative session was disrupted by hundreds of pro-government protesters who muscled their way onto the floor yelling “Congress will fall!”

Though symbolic, this action was easily dwarfed by the tens of thousands of Venezuelans who subsequently took to the streets of Caracas and other cities demanding Maduro’s removal from power. Opposition leaders termed the demonstrations of outrage “the takeover of Venezuela.”

Polls indicate as much as 80% of Venezuelans want him removed from office, tired of the stagnating economy, food shortages, and significant health care deficiencies. Victoria Rodriguez of Caracas, a recent high school graduate, told the Associated Press she hoped to vote to cast her first vote to support recalling Maduro. Rodriguez further lamented her “emptying country,” noting that 15 of her 25 classmates have left Venezuela since graduation, which is just one reflection of the country’s hardships.

After the court decision to suspend the recall intensified the political crisis, various interests have attempted to broker a resolution. Representatives of Vatican City tried to organize talks between Maduro’s government and the opposition but with limited success. Some common ground was reached by Nov. 14, 2016, as both sides agreed to cooperate to address the food and medicine shortages. However some anti-government activists characterized these developments as a ploy by Maduro to divert attention from the main issue: reinstating the recall referendum. Opposition protests were called off when the Vatican-backed talks began with the understanding that a recall vote would be on the table.

Despite the mistrust, both sides have made some concessions. On Nov. 15 the opposition consented to the resignation of 3 legislators the government accused of committing fraud. Maduro commended the move, stating “The process begins for the National Assembly to respect the Supreme Court, respect the Constitution.”

As reconciliation talks continued, three days later the government released Rosmit Mantilla, a politician who had been imprisoned on suspicion of fomenting violent protests against Maduro in 2014. Mantilla had been a key figure in the opposition-controlled congress. While encouraged by the government releasing Mantilla as a first step, Amnesty International expressed the opinion of many opposition supporters in saying, “He should have never been made to spend a second behind bars. The Venezuelan authorities must now build on this positive step and release all imprisoned activists and political leaders whose only ‘crime’ was to disagree with the government.”

As long as Maduro controls Venezuela’s court system, it seems unlikely the government will agree to a recall election. Therefore the opposition may be better served focusing on ensuring that the government provides the resources and support services needed by so many Venezuelans. With the support of outside groups, they should demand that the government provide these services. If it fails or refuses, anti-government groups will be in a better position to demand political change. They have shown a willingness to reconcile, now it is the government’s turn. Presently, this is the best chance for the country’s recovery.

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Singapore vs. Global Times: Analysis of Two Logics

Foreign Policy Blogs - Thu, 24/11/2016 - 11:16

(Associated Press)

Not long ago, a war of words between the Singaporean Ambassador to China, Stanley Loh, and the chief editor of Global Times, Hu Xijin, broke out. The incident provided a rare opportunity to observe the characteristics of the two countries’ thinking and logic in recent years.

The fuse of the polemic was a relatively small, technical issue with limited relation with international pattern, yet the story must begin from here. Earlier this year in July, Laos, as the rotating presidency of ASEAN, submitted a request to Iran, the rotating presidency of the 17th Non-Aligned Movement Summit. It hoped to revise the ‘Southeast Asia’ paragraph of the draft Final Outcome Document, stating the increasingly serious concern of some leaders and ministers to the South China Sea situation.

However, the new rotating presidency and China’s ally Venezuela rejected the amendment. Thus, ASEAN wrote to the Foreign Affairs Minister of Venezuela, stating ‘ASEAN expressed reservations about the existing paragraph on the South China Sea issue and said that it could not reflect the ASEAN position and hoped that the General Assembly would record the attitude of ASEAN and the earlier request for revision of that paragraph by way of an annex.’.

Nevertheless, Global Times published a report on the summit with a title ‘the Non-Aligned Movement summit closed, Singapore highlighted the South China Sea arbitration regardless of opposition’. Singaporean ambassador to China accused that the report was not true, yet the editor of Global Times, Hu Xijin insisted that the report was true, and expressed dissatisfaction with Singapore’s foreign policies.

To break down the debate, Global Times’ reported that Singapore has made a request on the Non-Aligned Movement summit for the strengthening of the South China Sea paragraph on the Outcome Document for its own interests when ‘many countries’ expressed opposition, reflecting that the South China Sea arbitration was ‘not popular’ in the international community.

Secondly, Singapore has challenged the authority of the rotating presidency Venezuela, delaying the progress of conference, making many member states feeling uneasy, hence showing a disrespect for international rules. It is particularly noteworthy that Hu Xijin said that the Global Times has made these reports based on the information provided by the ‘informed sources’ who attended the summit, insisting that the report was not fabricated. This position was confirmed by the spokesman of the Chinese Ministry of Foreign Affairs (who said ‘the truth is very clear’). It seems that these reports are not without official involvement.

Of course, the biggest message behind the report is not within these details. In fact, the main reason behind China’s discontent is how Singapore openly sided with the United States to put pressure on China over the South China Sea issue. Aside from Global Times’ usual style of writing which includes all kinds of negative, subjective and emotional words, it seems that it also decontextualized the details into a large framework of established view, and the main audience for the polemic is not international readers but the Chinese domestic readers.

Although Singapore is also a Chinese-majority country, its official routine is the opposite of China. Singaporean Ambassador to China, Stanley Loh, made his counterargument based on the following points. Firstly, he pointed out that ‘Emphasizing the South China Sea issue’ is not Singapore’s claim but the consensus of the ASEAN Summit. It is reckless for China to specifically single out Singapore for the collective decision of ASEAN. Besides, there were only a few non-Southeast Asian countries that opposed this on the summit, quite the opposite with what Global Times described.

Singapore also stressed that is its common practice for countries of the relevant region to make their own decisions on the amendments to the draft outcome document of the Non-Aligned Movement Summit. Thus, the request of Singapore on behalf of ASEAN countries was not unusual. Yet it was rare this time that Venezuela rejected the collective request of the ASEAN due to the pressure of a few ‘extraterritorial countries’, hinting that the Global Times report is an accusation made by the offender itself.

Thirdly, Singapore stressed that its ‘consistent position’ on the South China Sea issue had not changed. That was, it hoped to enhance mutual understanding with China on this matter and jointly promote China-Singapore relations development, etc. It also made a sarcastic statement that Global Times’ “escalation of issues” is simply a misread of Singapore’s response.

From this, we could see that Singapore is mechanically describing facts, emphasizing the fact on documents and legal details, and to avoid making any political statements in order to win the moral high ground of reason. The target audience is domestic readers, the ASEAN member states, and the international community.

However, Singapore has indeed avoided answering Beijing’s most concerned question: Singapore does hold certain attitude on the controversial South China Sea issue and actively support the United States in keeping its force in this region. Diplomatic issues like the South China Dispute is simply impossible to be solved by a game of word. We can expect that similar cases would come one after another in the coming days.

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The EU Moves to Counter Russian Disinformation Campaign

Foreign Policy - Thu, 24/11/2016 - 01:31
The links between anti-establishment voices and the Kremlin are far from clear, but many Europeans want the EU to be more aggressive against Russian spin.

我 ‘回到中国’ —而从未如此感到自己如此美国化

Foreign Policy - Wed, 23/11/2016 - 22:55
在香港度过的六年时间让我看到这亚洲国际都会深刻的种族主义。

Countries at UN forum in Dubai encouraged to make ‘Space for Women’

UN News Centre - Wed, 23/11/2016 - 22:37
At a high-level United Nations forum under way in the United Arab Emirates aimed at exploring the role of space in socio-economic and sustainable development, a senior UN official is urging the global space community to “make Space for Women” within the next two years.

Will Foreign Aid Get Cut on Trump’s Chopping Block?

Foreign Policy - Wed, 23/11/2016 - 22:36
USAID is in the dark on Trump's plans, but Republicans in Congress could be the main defenders of foreign assistance.

The Wait Is Finally Over: Chechen Leader Picks New Protege in ‘The Apprentice’-style Reality TV Show Finale

Foreign Policy - Wed, 23/11/2016 - 22:10
Ignore the corruption or human rights abuse allegations. Chechen leader Ramzan Kadyrov wants you to know he’s a really great guy, and he’s got a reality show to prove it.

Inaction has ‘cost measured in human lives,’ Security Council told in Middle East debate

UN News Centre - Wed, 23/11/2016 - 22:10
Briefing the Security Council on the Middle East peace process, two senior United Nations officials – the UN relief chief and the UN coordinator for the Middle East peace process – called for action to prevent further deterioration of the region plagued by humanitarian crises and to save lives and alleviate human suffering.

Secretive Push Underway to Audit Key 2016 Swing-State Vote Totals

Foreign Policy - Wed, 23/11/2016 - 21:54
Wisconsin, Pennsylvania, and Michigan are the targets of a recount effort amid allegations of Russian hacking.

Cambodia: UN-backed court upholds life sentences for former Khmer Rouge leaders

UN News Centre - Wed, 23/11/2016 - 19:31
The United Nations-backed court set up to bring to trial those most responsible for crimes committed during Cambodia’s brutal Khmer Rouge regime today upheld life sentences for two top former Khmer Rouge leaders on Wednesday for crimes against humanity.

Charges Dropped Against British Woman for Reporting Her Rape in the UAE

Foreign Policy - Wed, 23/11/2016 - 19:06
International condemnation, not proper investigation, prompted Dubai to drop the charges, experts say.

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