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Politique étrangère (IFRI)

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La revue de référence sur les questions internationales
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PE 2-2015 en librairie !

Tue, 02/06/2015 - 18:35

Le numéro d’été 2015 de Politique étrangère, consacré à la Russie, vient de paraître !

Comprendre la Russie d’aujourd’hui, c’est savoir qu’elle se définit d’abord dans l’action extérieure – ce qui peut être dangereux. Qu’elle a les moyens d’agir – énergie, armes… –, mais que ces moyens sont limités. Qu’elle connaît des difficultés économiques bien antérieures aux sanctions, que le régime se refuse à traiter… économiquement. Et que le raidissement du régime poutinien ne saurait garantir sa propre durée.

C’est autour de ces éléments de réflexion que s’organise le dossier de ce numéro de Politique étrangère, éléments fondamentaux pour identifier la nature même d’une Russie qui n’est ni le grand méchant loup, ni la douloureuse incomprise qu’on nous décrit ici ou là.

Cette livraison de Politique étrangère s’attache également aux chances de succès de la prochaine COP 21, ainsi qu’aux multiples abcès d’un Sud en feu : Syrie, Irak, Soudan du Sud, Nigeria – toutes géographies où c’est l’idée même d’État, au sens de la pensée occidentale, qui semble remise en cause.

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Le Ben Laden du Sahara

Mon, 01/06/2015 - 17:54

Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (1/2015). Alain Antil propose une analyse de l’ouvrage de Lemine Ould M. Salem , Le Ben Laden du Sahara. Sur les traces du jihadiste Mokthar Belmokthar  (Paris, Éditions de La Martinière, 2014, 208 pages).

Parmi les différents ouvrages parus ces dernières années sur le terrorisme dans la zone saharo-sahélienne, le livre de Lemine Ould M. Salem est particulièrement stimulant. L’auteur, qui couvre cette zone depuis des années pour plusieurs journaux européens, a été l’un des rares journalistes à s’être rendu dans le nord du Mali en 2012, alors que la région échappait à l’autorité de Bamako et que ses principales villes étaient administrées par trois mouvements islamistes : Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Ansar Dine.

Mokthar Belmokthar, alias Khaled Abou Al-Abbas, alias Laouar (« Le borgne ») est un Algérien né à Ghardaïa en 1972 ; il part très jeune combattre en Afghanistan et s’engage, à son retour, comme des centaines d’autres « Afghans », dans l’islamisme violent. Membre du Groupe islamique armé (GIA) puis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), il en devient l’un des cadres et participe à son internationalisation vers les pays du Sahel. Il est par la suite fondateur des Signataires par le sang, puis des Mourabitoune. L’ouvrage revient sur la ferveur salafiste de celui qui a souvent été décrit comme un terroriste devenu trafiquant – d’où son surnom de « Mister Marlboro ». Il est d’abord un combattant, avec plusieurs faits d’armes à son actif (attaque de la caserne de Lemgheity en Mauritanie en 2005, ou encore attaque d’In Amenas en janvier 2012), qui lui assurent un grand prestige dans la mouvance salafiste-jihadiste. Le livre confirme également que Belmokthar est l’un des principaux artisans de l’affiliation du GSPC à Al-Qaïda, et donc de la naissance d’AQMI, en janvier 2007.

Si la trame de l’ouvrage repose sur le parcours de Belmokthar, l’auteur dresse des portraits d’autres personnages clés du salafisme-jihadisme saharien, comme Younous Al-Mauritani et Abdelhamid Abou Zeid (AQMI), Hamada Ould Mohamed Kheirou (fondateur du MUJAO), Omar Ould Hamaha (AQMI, MUJAO, puis Mourabitoune) et oncle par alliance de Belmokthar. L’ouvrage comporte d’autres morceaux de bravoure. On signalera pêle-mêle : un récit saisissant de l’opération d’In Amenas, l’auteur étant aux premières loges car en liaison téléphonique avec certains des ravisseurs pendant l’action ; une mise en récit très éclairante de la relation entre la Mauritanie et le GSPC, et notamment de la fin de la moutaraka (pacte de non-agression) en 2005, marquée par l’attaque de Lemgheity ; le rôle des combattants mauritaniens dans AQMI, en particulier celui de Khadim Ould Semane, fondateur d’Ansar Allah Al-Mourabitoune Fi Bilad As-Shinguitt, qui rejoint le GSPC et est impliqué dans les premiers actes violents en Mauritanie.

Ould M. Salem présente un ouvrage basé sur des sources de première main, dont de nombreux entretiens, notamment avec certains salafistes-jihadistes qu’il a pu suivre des mois ou des années, comme le gendre mauritanien de Belmokthar. Le fait que le journaliste ait pu enquêter à Tombouctou et Gao pendant l’occupation de ces deux villes par les islamistes donne évidemment un grand relief à son livre.

On regrettera cependant l’absence de références et d’explications sur la méthode de recoupement et d’arbitrage entre les différents entretiens que l’auteur a eu à traiter : on ne sait ainsi jamais si les faits que rapporte tel protagoniste ont été, ou non, confirmés. Et lorsque des récits n’étaient pas convergents, comment l’auteur a-t-il tranché ? Quand il relaie les affirmations d’un islamiste algérien qui lui explique le soutien actif du Maroc au GIA et lui parle d’une rencontre avec Driss Basri et le roi du Maroc dans une villa de Rabat, on reste dubitatif…

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Rencontre-débat : La Russie est-elle une puissance faible ?

Tue, 26/05/2015 - 17:38

À l’occasion de la parution prochaine de son numéro d’été 2015, la revue Politique étrangère vous invite à la rencontre-débat organisée autour du thème : « La Russie, une puissance faible ? ».

Avec Tatiana Kastouéva-Jean, responsable du Centre Russie/NEI de l’Ifri où elle dirige la collection électronique trilingue « Russie.NEI.Visions ».

La rencontre sera animée par Marc Hecker, rédacteur en chef de la revue Politique étrangère.

Rendez-vous le jeudi 18 juin à 19h à la librairie La 25e Heure (8 place du général Beuret, Paris 15e).

L’entrée est libre et gratuite dans la limite des places disponibles.

Votez pour choisir l’article gratuit de PE 2/2015 !

Tue, 26/05/2015 - 09:00
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Un partenariat pour l’avenir entre l’Afrique et la France

Wed, 20/05/2015 - 10:23

Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (1/2015). Hélène Quénot-Suarez propose une analyse de l’ouvrage coordonné par Hubert Védrine, Lionel Zinsou, Tidjane Thiam, Jean-Michel Severino et Hakim El Karoui, Un partenariat pour l’avenir. 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre l’Afrique et la France  (Paris, Pluriel, 2014, 352 pages).

Fruit d’un rapport commandé par le ministère de l’Économie et des Finances, cet ouvrage présente un panorama complet des potentialités économiques du continent africain, et les analyse avec un point de vue très « afro-optimiste ». C’est donc un document de référence utile, une compilation rassurante et variée, qui sont proposés dans la première partie de l’ouvrage. La deuxième propose des pistes pour mettre en œuvre un agenda économique propre à développer un « partenariat » renouvelé. La dernière partie, plus stratégique, se concentre sur la position de la France sur le continent.

La thèse soutenue par les auteurs est que Paris n’a pas pris l’entière mesure des changements à l’œuvre en Afrique. La croissance économique très rapide du continent, son urbanisation croissante ou sa forte résilience lors de la crise de 2008 en font pourtant une zone particulièrement adaptée pour saisir de nouvelles opportunités économiques et créer de la richesse, tant en France – les auteurs y annoncent la création possible de plus de 200 000 emplois en lien avec les activités africaines – qu’en Afrique. Mais, faute de se renouveler, la France perd logiquement des parts de marché sur le continent, face aux nouveaux grands acteurs économiques comme la Chine, mais aussi face à des partenaires plus traditionnels comme l’Allemagne.

Si l’état des lieux a le mérite de l’enthousiasme et de la nouveauté, les propositions sont, elles, beaucoup plus classiques, et l’on pourra regretter que la puissance d’analyse habituelle des auteurs ne s’y exprime pas plus largement. Le fait que le rapport ait été commandé par le ministère de l’Économie et des Finances peut être une première limite. En pratique, la diplomatie économique française est portée à la fois par Bercy et par le ministère des Affaires étrangères, qui en a fait un axe majeur de sa politique internationale[1]. Il aurait alors été intéressant de lire une analyse et des propositions sur la rationalisation possible de l’action de ces deux institutions. Les présentes analyses ne mentionnent d’ailleurs que peu les réalisations en place depuis 2012.

Enfin, on pourra regretter que la compilation – utile par ailleurs – de chiffres économiques sur le continent ne soit pas soumise à la critique, quand les difficultés pour y établir des données fiables sont fort bien connues des praticiens.

Les chercheurs et analystes spécialisés sur l’Afrique ne trouveront donc pas d’analyses nouvelles ou critiques dans cet ouvrage. Ce dernier est d’abord un outil utile pour les acteurs économiques privés français qui, au-delà des propositions techniques, pourraient y puiser un enthousiasme nouveau pour un continent jusqu’ici mal perçu. Au-delà des solutions proposées, c’est bien cette perception qui est au cœur de l’évolution des relations économiques avec l’Afrique.

[1]. A. Leboeuf et H. Quénot-Suarez, La Politique africaine de la France sous François Hollande. Renouvellement et impensé stratégique, Paris, Ifri, « Études de l’Ifri », novembre 2014, disponible sur : <www.ifri.org/fr/publications/ouvrages-de-lifri/politique-africaine-de-france-francois-hollande-renouvellement>.

 

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The End of Normal. The Great Crisis and the Future of Growth

Mon, 18/05/2015 - 10:30

Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (1/2015). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de James K. Galbraith, The End of Normal. The Great Crisis and the Future of Growth (New York, NY, Simon & Schuster, 2014, 304 pages) et de celui d’Atif Mian et Amir Sufi, House of Debt (Chicago, IL, The University of Chicago Press, 2014, 228 pages).

La crise économique que les pays industrialisés traversent depuis 2007 continue de susciter de nombreuses réflexions. Dans son dernier ouvrage, James Galbraith estime que cette Grande Récession est d’une nature radicalement différente des crises précédentes. Selon lui, quatre facteurs semblent indiquer que l’Amérique entre dans une période de stagnation durable qui ne serait autre que l’état normal du capitalisme, comme le défendaient dès 1966 les deux économistes néomarxistes Paul Baran et Paul Sweezy, que Galbraith cite abondamment. D’abord, la hausse du prix de l’énergie et l’inévitable adaptation aux changements climatiques pèsent négativement sur les stratégies des entreprises et les habitudes de consommation. Ensuite, la capacité des États-Unis à imposer des évolutions politiques par la force militaire ou les sanctions financières est de plus en plus limitée. Enfin, il y a ce que l’auteur nomme la « tempête digitale », génératrice de chômage, et les conséquences de la crise immobilière qui se feront sentir encore longtemps.

Face à ces quatre défis, l’auteur considère que les raisons diversement invoquées pour expliquer la crise – telles que le poids du big government, la faillite des régulateurs ou le surendettement privé – sont insuffisantes. Il en va de même des remèdes avancés par la plupart des économistes, à l’instar de ceux qui, classés à gauche comme Galbraith, en appellent à une relance de la demande. Celui-ci préconise en fait un nouveau New Deal dans un cadre capitaliste complètement régulé et rénové. Son analyse est brillante, mais son pessimisme est exagéré quand on connaît le potentiel de croissance et de développement qui existe en Afrique et en Asie du Sud – soit plus de 40 % de la population mondiale – et qui pourrait dynamiser durablement les économies occidentales.

Pour Atif Mian et Amir Sufi, la Grande Récession est le produit d’un système financier qui a poussé les ménages à s’endetter massivement. Leur démonstration est impressionnante et implacable. L’explosion des prêts immobiliers jusqu’à 2007 a créé un effet de richesse fictif, qui a conduit les propriétaires américains à poursuivre leur politique d’endettement. En réalité, la dette s’apparente à une « anti-assurance » appauvrissant les ménages au moment où ils sont vulnérables – en période de perte d’emploi ou de récession. D’ailleurs, selon les auteurs, la chute de la consommation très marquée dans les foyers fortement endettés constitue bien la preuve que la crise immobilière et le fort endettement privé sont à l’origine des difficultés. Dès lors que la récession est installée et se propage, il devient stérile de condamner moralement les ménages surendettés. Que faire alors ?

Les solutions classiques consistant à baisser les salaires et à pousser les travailleurs à migrer ne sont pas réalistes. Les politiques d’austérité visant à rééquilibrer les comptes publics sont dangereuses. Les politiques monétaires accommodantes sont quant à elle inadaptées. D’une part, la baisse des taux d’intérêt est inopérante car les individus ayant la plus forte propension à consommer sont déjà très endettés. D’autre part, les quantitative easings ne sont d’aucune utilité aux grandes entreprises, et ne font qu’alimenter le gonflement de bulles sur les marchés actions. Mian et Sufi en arrivent à la conclusion qu’il serait nettement plus efficace de restructurer la dette des ménages. Cette initiative permettrait d’accroître la demande globale et de prévenir de futures bulles, qui sont le plus souvent le résultat d’une expansion excessive de l’offre de crédit.

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La France du Djihad

Fri, 15/05/2015 - 11:30

Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (1/2015). Marc Hecker propose une analyse croisée de deux ouvrages : celui de François Vignolle et Azzeddine Ahmed-Chaouch, La France du Djihad (Paris, Éditions du Moment, 2014, 208 pages) et celui de Dounia Bouzar, Ils cherchent le paradis, ils ont trouvé l’enfer  (Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, 2014, 176 pages).

Depuis 2012 et la prise de contrôle par les rebelles de plusieurs postes-frontières, l’afflux de combattants étrangers n’a cessé d’augmenter en Syrie. À la fin 2014, près de 15 000 personnes ont ainsi rejoint les rangs de l’opposition à Bachar Al-Assad, dont environ 3 000 Occidentaux. Parmi ces derniers, les Français sont les plus nombreux. D’après les chiffres communiqués par le ministère de l’Intérieur en novembre 2014, plus de 1 000 ressortissants français étaient alors impliqués dans les filières syriennes.

Les deux ouvrages présentés ici apportent des éclairages complémentaires sur ce phénomène inquiétant. Le premier est l’œuvre de deux journalistes d’investigation, François Vignolle et Azzedine Ahmed-Chaouch. Il met l’accent sur la dimension sécuritaire du djihad syrien : on nous y présente les « nouveaux Merah » et autres « petits soldats d’Allah » qui, radicalisés très rapidement par le biais des réseaux sociaux, ont quitté précipitamment la France pour combattre aux côtés de l’État islamique. Certains d’entre eux rêvent de revenir en Europe pour y commettre des attentats.

La diversité des profils de ces « djihadistes made in France » est frappante. La proportion de convertis est élevée, probablement supérieure à 20 %. Celle des femmes avoisine également les 20 %. La part des individus connus des services de police avant leur départ est significative, mais ils ne sont pas majoritaires : parmi les Français qui sont morts en Syrie, les deux tiers avaient un casier judiciaire vierge. Et parmi ces derniers, certains avaient fait de bonnes études. La dernière phrase de l’ouvrage – citation d’un avocat – résume la teneur générale du livre : « Lorsqu’on commence à avoir peur de ses enfants, on peut craindre pour l’avenir de son pays. »

L’ouvrage de Dounia Bouzar est très différent : il se focalise sur des parents qui n’avaient pas peur de leurs enfants, ont été confrontés à un processus d’endoctrinement brutal, et déploient des efforts incommensurables pour les ramener à la raison (et à la maison). Beaucoup de ces enfants sont des adolescentes qui, dans une période de faiblesse consécutive à un deuil, ont été séduites par la rhétorique des djihadistes. À force de conversations sur Facebook, elles ont décidé de partir en Syrie où certaines d’entre elles ont épousé des combattants.

Le désarroi et l’abnégation des parents sont émouvants. Des termes très forts sont employés : « mères orphelines », « kidnapping moral », « anesthésie affective », etc. Pour l’auteur, le processus qui a conduit les enfants à se séparer de leurs parents s’apparente à une emprise sectaire. En l’occurrence, le principal gourou serait le chef de la branche francophone de Jabhat Al-Nosra. Pour désendoctriner ces adolescentes, il faudrait se situer non dans le registre de la rationalité ou dans celui de la théologie, mais dans celui des émotions.

On comprend à la lecture de ces deux ouvrages la complexité de la situation pour les autorités françaises. Les adolescentes décrites par Bouzar ressemblent plus à des victimes qu’à de dangereux terroristes. D’autres individus ayant rejoint le djihad syrien sont, en revanche, une menace réelle pour l’Europe, comme l’illustre le cas de Mehdi Nemmouche. En l’absence de méthode scientifique séparant le bon grain de l’ivraie, il appartient aux juges de trancher, au cas par cas.

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Fragilités et résilience. Les nouvelles frontières de la mondialisation

Wed, 13/05/2015 - 16:33

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Yannick Prost propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Jean-Marc Châtaigner, Fragilités et résilience. Les nouvelles frontières de la mondialisation  (Paris, Karthala, 2014, 482 pages).

Le sous-titre indique une ambition qui dépasse le contenu de l’ouvrage, lequel porte en fait sur l’évolution de la réflexion concernant l’aide au développement. À l’origine, les limites de l’efficacité de cette aide ont suscité les travaux de think tanks anglo-saxons, dont les conclusions ne sont pas toujours partagées par les chercheurs et praticiens français. Les contributions à cet ouvrage dirigé par un haut fonctionnaire du Quai d’Orsay, connu pour ses travaux notamment sur les États fragiles, mêlent les regards d’auteurs du Nord et du Sud, afin d’éviter un point de vue ethnocentriste. Elles présentent de longs développements sur la pertinence et les limites du concept de résilience, pour lequel, parmi les nombreuses définitions citées, on choisira celle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : « la capacité des individus, des communautés, des États et de leurs institutions à absorber les chocs et à s’en remettre, tout en adaptant et en transformant de façon positive leurs structures et leurs moyens de subsistance face à des changements de long terme et à l’incertitude  ».

Cette résilience s’analyse donc à plusieurs niveaux : elle caractérise les ménages ou les individus qui parviennent à reconstituer leurs « capabilités » – au sens d’Amartya Sen – après un événement traumatique. Elle peut s’étudier pour des groupes sociaux – voir le chapitre sur les nomades pasteurs – ou des territoires – un chapitre définit les conditions de la ville résiliente, qui saurait allier de saines politiques publiques sociales à un plan d’aménagement urbain et des pratiques de développement durable. Elle caractérise surtout les États. Si le nombre des guerres a diminué, la violence et les troubles sociaux demeurent importants. Pire, il semble que les accidents climatiques voient leur fréquence et leur intensité augmenter. Dès lors, il faut préparer ces entités à subir le choc et à rebondir par des politiques ex ante et ex post, qui dépassent la simple intervention d’urgence. C’est bien la conclusion principale qui se dégage des diverses contributions : il faut mieux coordonner l’action de développement à long terme et l’aide humanitaire. Cette mise en cohérence doit se décliner selon les différents secteurs de l’action publique, et viser à maintenir les capacités des individus et des États.

Les crises alimentaires ont mis en exergue les carences des États concernés, mais aussi des interventions humanitaires traditionnelles. Les chapitres portant sur le Sahel et la Corne de l’Afrique montrent ainsi que les nouveaux dispositifs découlant du Linking Relief, Reconstruction and Development – démarche adoptée par la Commission européenne –, ou du « redressement rapide » – prôné par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) – ont eu des effets positifs : l’Alliance globale pour l’Initiative résilience au Sahel (AGIR), l’Initiative sur les moyens de subsistance pastoraux, ou encore le Programme de filet de sécurité productif (Éthiopie), etc.

Il demeure que le succès de ces programmes dépend des équilibres locaux : le chapitre sur la Colombie rappelle que la sortie d’un conflit exige que soit traitée la question de fond : celle de l’injustice sociale. Plus généralement, l’exigence de résilience entraîne un impératif de bonne gouvernance effective, qui exige davantage que les simples apparences de démocratie mises en place dans certains États. Une problématique classique de l’aide au développement, en quelque sorte.

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Les fins d’internet

Mon, 11/05/2015 - 11:30

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Camille Vaziaga propose une analyse de l’ouvrage de Boris Beaude, Les fins d’internet  (Limoges, FYP Éditions, 2014, 96 pages).

Dans l’ouvrage de Boris Beaude, chercheur au laboratoire Chôros de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, « les fins d’internet » désignent aussi bien les finalités qui ont conduit à la naissance de l’internet comme réseau ouvert et décentralisé, que la mise à mort de ses fondements sous la pression de sa commercialisation, des failles sécuritaires et de la régulation étatique.

À sa création, l’internet porte en lui les attentes de chercheurs qui perçoivent la Seconde Guerre mondiale comme le résultat, pour partie, d’un système de communication inefficient. Le nouveau réseau devait alors dépasser la territorialité des nationalismes, garantir la transparence des échanges et établir la liberté d’expression comme valeur commune dans le monde. La participation, l’indépendance et la transparence sont trois conditions nécessaires à la constitution de l’internet comme espace de liberté d’expression et de contribution à l’intelligence collective. Or ces conditions ne peuvent être remplies à l’heure où le réseau se privatise, où les collaborations répondent davantage à des enjeux professionnels qu’individuels et où des algorithmes aux formules mathématiques tenues secrètes organisent l’espace informationnel.

Les organisations privées ne sont pas les seules à mettre à mal la liberté d’expression sur le web, entendue ici dans une acception héritée des Lumières. Le discours libertaire porté par les pionniers de l’internet est, par nature, incompatible avec la notion d’État-nation et les enjeux sécuritaires de ces derniers. De ce fait, le réseau est devenu un espace régulé et surveillé sous des formes variant en fonction des cultures nationales. L’Iran construit son intranet tandis que la National Security Agency (NSA) américaine généralise au monde entier ses pratiques de surveillance. Pour Beaude, qui travaille depuis plusieurs décennies sur les relations de causalité entre espace et politique, cette hétérogénéité trouve une traduction dans la géographie même de l’espace internet. Conçu à l’origine comme décentralisé, celui-ci subit aujourd’hui une « hypercentralité ». Là encore, celle-ci est le résultat tant des organisations privées que des États.

D’une part les entreprises ont su détourner la gratuité favorisée par le fonctionnement même de l’internet : contre le service gratuit, l’internaute accepte de livrer ses informations personnelles et devient lui-même le produit vendu aux annonceurs. Les firmes du secteur cherchent désormais à monopoliser le plus grand espace, en imposant à l’utilisateur le choix par défaut d’un logiciel ou d’une application, en limitant l’interopérabilité des services, ou encore en diversifiant leurs activités pour capter tous les segments de la chaîne de valeur et de nouveaux créneaux commerciaux. L’utopie de déterritorialisation et de décentralisation portée par l’internet se heurte également au repli des États qui constatent la vulnérabilité de leurs données en ligne et la domination américaine. Pour l’auteur, ces deux facteurs conduisent au retour d’une certaine forme d’impérialisme et génèrent donc une méfiance des États entre eux, en contradiction même avec l’universalité à laquelle aspirait le réseau.

En conclusion, Beaude évoque la dérive d’un internet neutre vers un internet neutralisé, et invite les États-nations et les organisations privées, soit tous les acteurs qui se sont emparés du réseau, à initier un grand débat autour des enjeux politiques de « ce seul lien que l’humanité ait en commun ».

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70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale

Thu, 07/05/2015 - 14:43

Alors que nous célèbrerons demain, 8 mai 2015, le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est l’occasion d’examiner comment, l’Allemagne d’aujourd’hui continue à faire face aux fantômes du passé.

Nous vous invitons pour cela à lire l’éditorial spécialement écrit par le Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l’Ifri : “70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale : Changement dans la culture de mémoire allemande ?”

“Le 8 mai 2015, pour la première fois, un historien et non pas un représentant politique interviendra devant le Bundestag pour commémorer le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Depuis 1964, le président fédéral et le chancelier se sont relayés pour assumer cette tâche clé pour la nouvelle identité démocratique de la RFA. La politique se retire-t-elle alors du cycle mémoriel comme le constatent plusieurs observateurs et connaisseurs de l’Allemagne ?”

Lisez la suite de l’article sur le site de l’Ifri.

En parallèle à cet éditorial et pour approfondir le sujet, nous vous invitons à relire l’article “L’Allemagne : le passé qui ne passe pas” publié dans le numéro de printemps de Politique étrangère (1/2014).

Retrouvez l’intégralité de cet article sur Cairn.info.

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Historical Experience : Burden or Bonus in Today’s Wars ?

Wed, 06/05/2015 - 10:08

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Stéphane Taillat propose une analyse de l’ouvrage d’Eric Sangar, Historical Experience. Burden or Bonus in Today’s Wars? The British Army and the Bundeswehr in Afghanistan  (Freiburg im Breisgau, Rombach, 2014, 280 pages).

La littérature sur l’adaptation militaire a connu un renouveau avec les conflits d’Irak et d’Afghanistan. Conçue comme un processus de changements organisationnels, doctrinaux et opérationnels en temps de guerre, l’adaptation a été analysée selon différentes échelles (institutions et unités sur le terrain) ou à partir de plusieurs variables (matérielles, culturelles, sociales, politiques). Eric Sangar s’intéresse ici au rôle de l’histoire dans ce processus. Amplement discutée dans les cercles militaires – notamment anglo-saxons –, la recherche d’enseignements par l’observation du passé demeure sous-théorisée. D’un côté domine une conception positiviste de l’histoire comme réservoir d’expériences dont il suffirait d’identifier les plus pertinentes. De l’autre, se retrouve une vision critique insistant sur le danger des métaphores et analogies. Sangar s’interroge plutôt sur la manière dont les expériences sont analysées et diffusées dans les organisations militaires. Son approche pragmatique de l’usage de l’histoire voit cette dernière comme une source d’arguments rhétoriques permettant de débattre et d’évaluer les stratégies possibles. Dans cette optique, une organisation possédant un riche répertoire d’expériences sera plus capable de développer une stratégie fondée sur une compréhension correcte du présent. À condition qu’elle réussisse à transformer cette expérience en enseignements nourrissant les débats et en une interprétation partagée du présent. Ainsi le passé joue-t-il un rôle essentiel dans la formulation des stratégies contemporaines ; mais il n’est ni une structure déterminant les agents, ni le produit de leurs seules actions.

L’expérience historique est une ressource qui doit être mobilisée et exploitée, et qui peut l’être par d’autres organisations, selon les traditions de ces dernières. Tirer des enseignements du passé est primordial pour orienter l’action opérationnelle : l’auteur compare ainsi l’utilisation de l’histoire par la British Army et par la Bundeswehr confrontées au conflit d’Afghanistan.

La riche expérience en contre-insurrection de la première n’a pas produit d’adaptation initiale en Irak ou dans le Helmand. L’absence de débats sur les enseignements de la Malaisie et de l’Irlande du Nord, couplée à la croyance en un lien mécanique entre expérience et expertise explique cette inertie. La perception d’un échec en Irak en 2007 a pourtant affecté la manière dont l’histoire était incorporée dans le processus d’adaptation. D’une part, les Britanniques ont effectué une analyse comparative de plusieurs cas historiques. D’autre part, le débat doctrinal a souligné la validité continue des principes de contre-insurrection définis par Robert Thompson après la Malaisie, tout en reconnaissant la singularité de chaque contexte opérationnel.

Le cas de la Bundeswehr illustre la combinaison d’une absence d’expériences et de débats doctrinaux. Ainsi, le mandat dans la province de Kunduz est-il tout d’abord interprété à l’aune des opérations de l’armée allemande dans les Balkans. D’où une posture essentiellement réactive du fait de l’écart entre ce modèle et les dynamiques de violence en Afghanistan. L’escalade de ces dernières à partir de 2009 produit donc une réorientation vers le combat classique interarmes hérité de la guerre froide.

L’ouvrage de Sangar apporte une ouverture bienvenue sur les mécanismes par lesquels l’histoire est incorporée dans la compréhension des contraintes opérationnelles. Son étude pourrait être utilement poursuivie en comparant les cas d’organisations articulant différemment répertoire d’expériences et propension aux débats doctrinaux.

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Europa. La dernière chance de l’Europe

Mon, 04/05/2015 - 14:44

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Marion Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Valéry Giscard d’Estaing, Europa. La dernière chance de l’Europe  (XO Éditions, 2014, 188 pages).

À l’heure où l’Union européenne (UE) traverse une crise multiforme, Valéry Giscard d’Estaing propose aux dirigeants européens actuels et à venir un nouvel horizon pour leur continent. Son objectif est aussi de répondre au problème, crucial selon lui, de l’obésité de l’UE élargie et de faire de l’Europe une puissance dans le monde.

L’idée est de créer une nouvelle entité, Europa, « Union monétaire, budgétaire et fiscale, à l’espace homogène, dotée à terme d’un Trésor public et d’un mécanisme de solidarité financière ». L’auteur précise d’ailleurs que l’union monétaire existe déjà, tout comme l’union budgétaire grâce au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) de mars 2012.

Dès lors, quels sont les aspects novateurs de la proposition de l’ancien président ? Il s’agirait pour lui d’aller plus loin dans l’unité de cette zone monétaire en l’accompagnant d’une union fiscale. Il suggère qu’Europa constitue un espace neutre fiscalement – à l’exception de la fiscalité locale – au sein duquel les entreprises et les citoyens acquitteraient les mêmes impôts sur les bénéfices, les revenus ou le patrimoine, quel que soit leur lieu d’activité et de résidence. Par ailleurs, alors qu’il récuse l’idée jugée « prématurée, et donc absurde » d’une mutualisation des dettes, l’auteur propose la création, à terme, d’un Trésor public afin d’émettre des emprunts communs au sein de la zone.

Ce nouveau projet, qui a le mérite de faire une proposition concrète pour l’avenir de l’UE, présente néanmoins des limites. D’une part, il demeure flou sur les contours de cette Europa, qui n’est en fait qu’une nouvelle version des différentes réflexions autour de la création d’un noyau dur. L’auteur évoque en effet à plusieurs reprises la zone euro comme base de cette union mais, lorsqu’il en détaille la composition, on y trouve les six pays fondateurs de la Communauté européenne, auxquels s’ajoutent l’Espagne, le Portugal, l’Autriche, l’Irlande si elle accepte l’égalité fiscale, la Finlande si elle le souhaite, et la Pologne « le moment venu », c’est-à-dire une fois qu’elle aura intégré l’euro. Cette liste est loin d’inclure tous les membres actuels de la zone euro, y manquent notamment la Grèce et les « nouveaux » États membres qui ont rejoint l’union monétaire. Dès lors, au cas où Europa et la zone euro seraient deux entités distinctes, se poserait la question de leur articulation, qui peut sembler problématique.

D’autre part, le projet de l’ancien président français se révèle relativement intergouvernemental puisqu’il dépouillerait la Commission européenne de son droit de demander des ajustements budgétaires aux États, droit qui serait conféré au Conseil de la zone euro, lequel deviendrait ensuite le directoire d’Europa, composé des chefs d’État et de gouvernement. L’auteur en profite d’ailleurs pour fustiger les dérives de la Commission dans les années 1960 et pour glorifier la création, à son initiative, du Conseil européen en 1974.

On peut à cet égard regretter que l’ouvrage, présenté comme une proposition pour l’avenir de l’Europe, ne consacre finalement qu’une trentaine de pages à celle-ci et préfère revenir sur les grandes lignes de l’histoire de sa construction ainsi que sur l’action conjointe de l’auteur et de son préfacier Helmut Schmidt en faveur de son unification voici 40 ans.

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The Euro Trap: On Bursting Bubbles, Budgets and Beliefs

Thu, 30/04/2015 - 12:00

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Vincent Bignon propose une analyse de l’ouvrage de Hans-Werner Sinn, The Euro Trap: On Bursting Bubbles, Budgets and Beliefs  (Oxford University Press, 2014, 380 pages).

Hans-Werner Sinn, président de l’institut de recherche en économie (IFO) à Munich, analyse ici comment l’architecture économique et monétaire de la zone euro a modelé la crise des dettes souveraines. Le titre du livre fait donc référence à la croyance de l’auteur, pour qui la zone euro fut un piège pour ses pays membres. Dans cet ouvrage polémique et partial, Sinn argumente que la crise vient des excès d’endettement accumulés par des États peu vertueux et permis par les bas taux d’intérêt causés par leur entrée dans la zone. La raison en est une gouvernance publique défaillante. Pour Sinn, la crise a touché des pays dotés de gouvernements ayant choisi d’utiliser les marges de manœuvre créées par l’adoption de l’euro dans des dépenses publiques improductives ou de réductions d’impôts. Il estime que les efforts de compétitivité n’y ont pas été faits – contrairement à l’Allemagne – si bien que, comme dans la fable, ces pays furent fort dépourvus quand la crise fut venue. Les calculs de Sinn lui font penser que leur compétitivité est trop dégradée, et requiert des ajustements majeurs. Il plaide donc pour l’adoption de réformes structurelles et critique la politique de l’eurosystème, qui retarderait leur mise en place.

Sinn est un économiste international, d’où les défauts et qualités du livre. Il apporte un éclairage informé quant à l’impact potentiellement déstabilisant des afflux de capitaux, leur effet délétère sur la compétitivité et la dissection de l’efficacité potentielle des solutions à la crise. L’auteur plaide pour un possible défaut des gouvernements, afin de ne pas contrevenir aux traités européens interdisant les transferts inter-pays. Il pense également que l’architecture de la zone euro doit être réformée pour permettre aux pays de dévaluer dans le but de retrouver leur compétitivité. Cette solution implique la possibilité d’une sortie – temporaire selon Sinn – de la zone euro. Solution hautement irréaliste d’un point de vue pratique. En effet, s’il y eut quelques précédents historiques, toute sortie fut définitive. La lourdeur des procédures légales, les délais de mise en œuvre des réformes monétaires et leurs coûts économiques rendent très improbable la possibilité d’entrer et de sortir régulièrement de la zone. La négligence affichée pour ces questions pourrait avoir pour cause la fougue et la passion de l’auteur.

Le livre choque par son traitement de la politique monétaire en période de crise. Adepte du vieil adage selon lequel tout ce qui ne tue pas rend plus fort, Sinn pense que toute politique monétaire permettant d’étaler les conséquences négatives des chocs macroéconomiques et financiers est un transfert indu et contre-productif, car conduisant à repousser la restauration de la compétitivité. Ce faisant, Sinn fait de la politique monétaire une affaire de moralité. Or en période de crise, celle-ci a surtout pour but d’ajuster le lien entre monnaie et crédit quand la confiance – littéralement le crédit – s’évanouit.

Cet ouvrage sera utile à ceux qui cherchent à comprendre la radicalité parfois affichée outre-Rhin vis-à-vis des autres pays. Sinn est un observateur attentif de la politique européenne, et son livre donne le point de vue, informé mais pas toujours juste, des eurosceptiques allemands. Ses nombreux jugements à l’emporte-pièce, son interprétation trop unilatérale et l’imprécision dans les détails institutionnels empêchent de le considérer comme un ouvrage de référence.

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Les Afriques au défi du XXIe siècle

Tue, 28/04/2015 - 09:49

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2015). Yves Gounin propose une analyse de l’ouvrage de Georges Courade, Les Afriques au défi du XXIe siècle. Géopolitiques subsahariennes (Éditions Belin, 2014, 318 pages).

En 2006, Georges Courade dirigeait un ouvrage collectif remarquable dans lequel étaient battus en brèche les poncifs circulant sur l’Afrique (L’Afrique des idées reçues, Belin, 2006). Tout y passait, depuis les mécanismes du développement (« L’accumulation est impossible parce que la redistribution est sans limite ») jusqu’à la mémoire controversée de l’esclavage (« La traite négrière est le seul fait des Européens »), en passant par le rôle du groupe (« Le contrôle social est si fort qu’il décourage les initiatives ») et la place des femmes (« Les Africaines sont soumises »).

Dans la même collection dirigée par Rémy Knafou, ce géographe désormais retraité liste les défis à relever et les trajectoires pour le faire. Les premiers sont bien connus. Courade fait la part belle aux défis physiques et humains : l’épuisement des sols, le réchauffement climatique, les pandémies débilitantes, la transition démographique, l’urbanisation anarchique, etc. Il évoque aussi les défis politiques : la constante réinvention des traditions, la difficile acculturation de l’État, la trop lente constitution d’unions régionales, l’ouverture toujours déséquilibrée au monde extérieur, etc. Il trace ensuite les trajectoires qui permettraient à l’Afrique d’accéder à sa « deuxième indépendance » : l’élaboration d’une « citadinité sans infarctus urbain », la sécurisation des titres de propriété, la mise en œuvre d’une authentique politique de décentralisation, l’insertion harmonieuse dans le commerce international, etc.

En 10 ans, l’Afrique a changé. Alors que le reste du monde peine à se rétablir de la crise financière de 2008, elle affiche des taux de croissance insolents : + 5 % en moyenne par an pour le produit intérieur brut (PIB), + 16 % pour les échanges commerciaux. La pauvreté y recule, les conflits s’y font plus rares, une classe moyenne s’y enracine, qui épargne et consomme. Les faits semblent avoir donné raison à l’« afro-optimisme » revendiqué par Georges Courade et son équipe en 2006.

Si l’Afrique va mieux, va-t-elle bien pour autant ? À trop combattre l’« afro-pessimisme » qui a longtemps prévalu, les tenants de l’afro-optimisme courent le risque symétrique de gommer les réalités les moins agréables. Ainsi des défis posés par l’urbanisation. L’Afrique comptait une seule ville atteignant le million d’habitants à l’époque des indépendances (Ibadan) ; il y en a aujourd’hui une trentaine. Et le taux d’urbanisation ne dépasse pas encore les 40 %. Pour qui connaît les embouteillages dantesques de Nairobi ou de Dakar – avant la construction de la « Senac » –, sans parler des conditions de vie effroyables dans les bidonvilles de Kibera ou de Makoko, il est clair que l’Afrique est encore loin des niveaux économiques du monde développé. Pour qui investit ou commerce sur le continent, sous la menace incessante d’une inspection ou d’un redressement, pour une règle que l’on a sciemment violée ou involontairement ignorée, l’Afrique mérite encore sa place aux derniers rangs des classements de Doing Business ou de Transparency international. Pour qui souhaite se déplacer dans le Sahara ou dans le nord du Cameroun, sous la menace des coupeurs de route, des djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ou de Boko Haram, l’Afrique n’est pas encore le Danemark.

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