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La revue de référence sur les questions internationales
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La Colombie et le processus de paix : 3 questions à Guillaume Lasconjarias

Tue, 13/09/2016 - 10:46

Auteur de l’article « Colombie : la longue marche vers la paix ? » paru dans le numéro d’automne 2016 de Politique étrangère (3/2016), Guillaume Lasconjarias, chercheur au collège de Défense de l’OTAN à Rome, répond à trois questions en exclusivité pour politique-etrangere.com.

1) Votre article « Colombie : la longue marche vers la paix ? » était sous presse au moment de l’accord de paix du 24 août. Peut-on désormais retirer le point d’interrogation qui ponctue le titre ?

Oui et non. Le point d’interrogation pose la question du processus de paix et ce dernier est encore en cours. L’annonce de la signature officielle de la paix – le 26 septembre prochain – signifie qu’un accord a été trouvé et validé entre les parties. Est-ce la paix que chacun espérait ? Sans doute pas. Le chef négociateur, Humberto de la Calle, a admis que cet accord n’était pas parfait, mais qu’il s’agissait du meilleur en l’état. De son côté, Ivan Marquez, second des FARC et négociateur pour la rébellion, ne dit pas autre chose lorsqu’il reconnaît des « erreurs » faites au cours d’une si longue période et qu’il espère que « l’emploi des armes contre les citoyens puisse être évité ». Pour paraphraser Churchill, ce n’est peut-être pas le début de la fin, mais bien la fin du début de la marche vers une vraie paix. Et le pays n’en a jamais été aussi proche.

Cependant, la paix ne deviendra réalité qu’après plusieurs étapes importantes que nous devrons scruter dans les semaines et mois à venir : la première tient à l’acception par la guérilla dans son ensemble, et par le peuple colombien – via un plébiscite – de l’accord signé à La Havane. Les FARC devraient ainsi tenir prochainement leur 10e conférence qui sera sans doute un moment de discussion et d’opposition fortes au sein du mouvement, notamment entre les têtes du Secrétariat et les chefs de fronts FARC. Du côté du gouvernement, Santos devra faire le « service après-vente » dans une atmosphère peu facile, tant l’ancien président Uribe et une partie des conservateurs sont résolument hostiles à cette paix. Le choix du référendum est donc risqué, même si les derniers sondages donnent au « oui » une avance confortable (plus de 60 %). Un « non » pourrait avoir des conséquences désastreuses, car le gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il ne chercherait pas à négocier plus avant. Ensuite, le Congrès colombien devra approuver une loi d’amnistie concernant les crimes « politiques » commis par les FARC, et non les crimes de guerre, mais se pose le problème des contingences juridiques et notamment de la classification des actes en relation avec le financement de la guérilla, par exemple trafic de drogue ou enlèvements… Enfin, 60 jours après le résultat du plébiscite, et s’il est positif, les FARC devraient se diriger vers 23 zones de regroupement (Zonas Veredales Transitorias de Normalización) et débuter leur désarmement sous le contrôle des Nations unies, en trois moments étalés sur 180 jours.

Il n’en reste pas moins vrai que de multiples questions demeurent : les principales tiennent au risque de glissement d’anciens guerilleros vers la pure criminalité – à l’instar de ce qui a été observé avec le désarmement des AUC, les paramilitaires –, tandis que la seconde guérilla – l’ELN et ses 2 000 combattants – ne se trouve pas incluse dans ce processus. Bref, la Colombie fait des pas vers la paix mais elle n’y est pas encore tout à fait parvenue.

2) Comment en est-on arrivé à cet accord de paix ?

54 mois de négociations après 52 ans de guerre, cela laisse rêveur. Et optimiste. En effet, ces négociations ont commencé en 2012, soutenues par la Norvège et Cuba (mais aussi le Chili et le Venezuela) dans un état d’esprit différent des autres tentatives. Ce n’est pas la première fois que les FARC et le gouvernement négociaient, et il y a avait potentiellement de quoi ne pas croire en des résultats positifs à l’aune des expériences précédentes. Au début des années 1980, les discussions avec l’administration Betancur avaient certes débouché sur un cessez-le-feu et une amnistie provisoires, mais les FARC n’avaient nullement démobilisé leurs troupes, tandis que le processus de transition vers une voie politique s’achevait dans le sang avec le massacre de milliers de responsables associés à l’Union patriotique, ce groupe censé représenter les rebelles. Depuis, toutes les tentatives se sont placées sous ce cas d’école : au début des années 1990, sous le patronage du Mexique et du Venezuela, une solution est envisagée mais ne conduit à rien. En 1998, le rapprochement avec le gouvernement d’Andrès Pastrana aboutit à la naissance d’une vaste zone démilitarisée qui sert en réalité de base arrière à partir de laquelle les FARC peuvent envisager la reprise des combats et la conquête du pays. On connaît la suite, avec la montée aux extrêmes et la politique d’Uribe qui vise la victoire, et non la négociation.

Finalement, l’accord de 2012 est différent car Santos n’est pas Uribe. Rappelons qu’il était dans l’équipe de Pastrana en 1997-1998 et servait avec ceux qui voulaient faciliter les accords avec les FARC. N’oublions pas le rôle des pays encadrant et même se portant garant de la paix. Je voudrais ainsi faire remarquer le rôle majeur de la Norvège, et de son diplomate Dag Nylander, qui a servi de voix raisonnable à toutes les étapes de la négociation, y compris à des moments où les exigences des uns et les refus des autres menaçaient de tout faire capoter. Enfin, le processus suit trois lignes directrices : les discussions préalables, le cessez-le–feu et la fin du conflit. En 2011-2012, il a fallu une année de rencontres secrètes pour que les parties s’accordent sur un agenda et sur une méthodologie qui ont été révélés en août 2012 lors des accords généraux sur la fin du conflit, donnant le cadre pour les négociations formelles.

3) Le cas colombien permet-il de tirer des leçons générales – peut-être applicables à d’autres guerres – en matière de sortie de conflit ?

La première leçon est justement que les acteurs ont tiré les enseignements des expériences passées et des erreurs commises. Ils ont donc développé un cadre original et des approches innovantes, par exemple en découplant les négociations du processus de paix lui-même. Ensuite, le point central a porté sur les victimes et les populations, comme aux racines du conflit : en mettant en avant les questions sociales et économiques, et en voulant réduire les inégalités, l’angle choisi a permis d’atteindre un accord minimum sur lequel l’idéologie a peut-être moins de prise. Enfin, la réflexion sur la mise en œuvre concrète a débuté bien avant que l’accord ne soit signé, en acceptant que la population colombienne dans son ensemble et la société civile jouent un rôle d’arbitre in fine. Je pense cependant que c’est au niveau local, celui des municipalités, que la paix se construira : le retour de l’État et la garantie du respect de l’accord de paix – et notamment de la redistribution des terres agricoles spoliées – sera l’une des clés de ce processus, tout comme le sera la lutte contre les cultures illicites via un accompagnement des paysans vers des productions légales.

Sur un tout autre plan, le processus de paix colombien montre deux caractéristiques qui me paraissent essentielles. D’abord l’investissement dans la durée de l’ensemble du politique pour mettre fin au conflit. Combattre une guérilla prend du temps et nécessite la concentration d’efforts conséquents sur des années. Entre le début du Plan Colombie et ses différents réorganisations ou réaménagements, il s’est passé 14 ans pendant lesquels le gouvernement colombien n’a jamais relâché la tension, a maintenu les crédits militaires et de développement au même niveau, et a poursuivi une ligne politique sensiblement égale, y compris lors du passage de relais entre présidents (il est vrai que Santos était initialement le dauphin d’Uribe).

Ensuite, le rôle donné à l’armée pour appuyer la politique de paix, au travers de l’action intégrale et de ses multiples rameaux. Même si les conflits sont très différents et les considérations ethniques et religieuses varient, je pense que le cas colombien offre de l’espoir à l’Afghanistan, dont souvent, on rapproche quelques facteurs – l’importance du trafic de drogue par exemple.

* * *

Retrouvez toutes les informations sur le dossier « Amérique latine : les espoirs déçus ? », publié dans notre numéro d’automne ici.

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Le Moyen-Orient, encore, toujours

Mon, 12/09/2016 - 12:20

Dans son édition de la semaine dernière, l’hebdomadaire Actualité juive a publié un article sur le numéro d’été de Politique étrangère, n° 2/2016, consacré au Moyen-Orient.

« C’est un numéro à la hauteur des défis de la région qu’a fait paraître cet été Politique étrangère. La revue de l’Institut français des relations internationales s’intéresse au nouveau « grand jeu » qui se déploie au Moyen-Orient. La zone est aujourd’hui « un sujet brillant pour les drames qui s’y étendent sans cesse en nouvelles tragédies » observe l’éditorial. « S’y défient de nouvelles puissances locales ; s’y esquissent de nouvelles affirmations de puissances globales ; s’y interroge la durabilité des États dessinés par la fin des empires coloniaux. À défaut de « grande stratégie », la Russie a ainsi instrumentalisé, avec un certain succès, la crise syrienne pour se replacer comme un « acteur indispensable sur la scène internationale » juge la chercheuse Ekaterina Stepanova. L’Iran et la Turquie étendent une influence que Paris peine à rétablir, faute de choix politiques nourris de « contradictions » (Georges Malbrunot).

À cette aune, l’ambition d’un retrait substantiel américain au profil d’un pivotement stratégique vers l’Asie, espéré par l’administration Obama, pose question. « Mettre en cause cet engagement serait malavisé » prévient John McLaughlin, ancien directeur adjoint de la CIA. »

« Ce qui commence au Moyen-Orient ne reste pas au Moyen-Orient. »

Retrouvez le sommaire complet du numéro d’été, ainsi qu’en libre lecture les articles de Ekaterina Stepanova, « La Russie a-t-elle une grande stratégie au Moyen-Orient ? » et de Georges Mink, « L’Europe centrale à l’épreuve de l’autoritarisme ».

Découvrez également le nouveau numéro de Politique étrangère (n°3/2016) consacré à l’Amérique latine, en librairie depuis le 5 septembre.

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« Politique étrangère » en version numérique

Fri, 09/09/2016 - 10:48

Le nouveau numéro de Politique étrangère, n° 3/2016, est désormais disponible en version ePub !

Achetez dès maintenant la version numérique sur Immatériel.fr.

Brésil : plus dure sera la chute

Tue, 06/09/2016 - 11:06

Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir l’article du numéro d’automne 2016 de Politique étrangère que vous avez choisi : « Brésil : plus dure sera la chute », par Joao Augusto de Castro Neves et Bruno Reis.

Le Brésil subit actuellement l’une des plus graves crises politique et économique de son histoire moderne – et certainement la plus sévère depuis le retour de la démocratie au milieu des années 1980. Enfant chéri de la mondialisation pendant une bonne partie de la dernière décennie, le pays est brutalement tombé de son piédestal. L’accès de pessimisme tient en partie à la tendance des experts en relations internationales et des commentateurs du marché à voir le monde comme inexorablement pris dans un mouvement – toujours plus rapide – de transfert de puissance d’un grand marché à un autre. Hier encore, les BRICS apparaissaient comme la pierre de touche d’un nouvel ordre mondial et un eldorado de l’investissement ; aujourd’hui, les caprices des vents de la finance veulent accorder à un autre acronyme son quart d’heure de célébrité.

Sur le plan économique, le Brésil connaît sa plus sévère dépression depuis de nombreuses décennies. Son produit intérieur brut (PIB) a baissé de près de 10 % en quatre ans, le taux de chômage a explosé et le déficit budgétaire tend à se creuser. Sur le plan politique, le pays est confronté à une procédure de destitution de la présidente, à un gigantesque scandale de corruption touchant la totalité de la classe politique et, dernièrement, à une vague de contestation dans les rues des grandes villes où des millions de citoyens ont dénoncé le manque de réactivité – et parfois de responsabilité – de la classe politique.

Ces événements ont conduit le système politique à une quasi-paralysie et manifesté l’incapacité des dirigeants à répondre aux nombreux défis auxquels le pays doit faire face.

Il y a encore quelques années, le Brésil connaissait une des périodes les plus « dynamiques » de son histoire, avec un taux de croissance « à la chinoise » (7,5 % en 2007), un développement social considérable permettant à des millions d’habitants de sortir de la pauvreté et de rejoindre le marché de la consommation. Luis Inacio « Lula » da Silva était alors le président le plus populaire qu’ait connu le pays, avec un taux d’approbation de 73 % en 2010.

Alors, qu’est-il arrivé au Brésil ? Comment et pourquoi la situation économique et politique s’est-elle détériorée aussi rapidement ? Où va le pays ? Le Brésil a connu plusieurs cycles d’expansion-récession. Pour savoir s’il est affecté aujourd’hui par un nouveau cycle, un examen précis des récents événements politiques et économiques doit être réalisé. La mise au jour de certains des facteurs qui ont influé sur ces événements nous donnera peut-être une vision plus claire de la trajectoire empruntée par le pays. Pour tenter de répondre à nos interrogations, on situera ce qui arrive au Brésil dans le cadre d’un scénario plus large, qu’on pourrait nommer la « grandeur et décadence du supercycle politico-économique de l’Amérique latine ».

[…]

La situation économique du Brésil est incontestablement moins favorable qu’elle ne l’a été, et la croissance devrait y rester faible dans les prochaines années. Pour un pays doté de ressources militaires limitées, et situé dans une région relativement non stratégique (d’un point de vue américain), le niveau de puissance est principalement fonction de l’activité économique de long terme. S’il faut toujours rester prudent lorsqu’on parle de puissances émergentes, on peut raisonnablement penser que le pessimisme actuel concernant le Brésil est excessif. En dépit de tous ses problèmes, ce pays reste une démocratie vivante. Son avenir est prometteur aussi en ce qui concerne les ressources énergétiques – fossiles ou renouvelables. En outre, si la croissance est poussive pour l’instant, la majorité de la population est mieux lotie qu’elle ne l’était il y a une décennie.

Dans les années à venir, les dirigeants brésiliens devront rendre le système politique plus efficace et plus réactif aux attentes de la société. La mise en œuvre de réformes structurelles pour lever les obstacles aux investissements constituera une étape cruciale pour remettre le pays sur la voie d’une croissance économique soutenable. Pour cela, un leadership robuste et une stratégie à long terme seront nécessaires. Une fois ces ingrédients réunis, le futur du Brésil pourrait être rayonnant.

Lire l’article en intégralité sur Cairn.info.

This article is also available in english. Please click here to read it.

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PE 3/2016 en librairie !

Mon, 05/09/2016 - 17:22

Le nouveau numéro de Politique étrangère (3/2016) vient de paraître ! Il consacre un dossier complet à l’Amérique latine, s’attachant à décrypter pour le Brésil, l’Argentine, la Colombie, le Mexique et le Panama, les raisons principales de l’échec – provisoire ? – de leurs régimes démocratiques. Parallèlement, le Contrechamps de ce numéro propose à travers les articles de Guy Verfhostadt et de Dominique Moïsi une réflexion ouverte sur la crise globale de l’Europe. Enfin, comme à chaque numéro, de nombreux articles viennent éclairer l’actualité, notamment sur l’Iran et la question du nucléaire ou encore sur le rapprochement stratégique indo-australien.

L’Amérique latine incarnait hier une démocratisation politique irrépressible, une tension des sociétés vers la réduction de violentes inégalités, l’insertion croissante dans une économie mondialisée. Le rêve se défait. Au Brésil, l’expérience du Parti des Travailleurs butte sur des inégalités persistantes, une croissance qui marque le pas, un système politique décrédibilisé. L’Argentine a, elle, fait l’expérience de deux mandats « kirchnéristes », difficiles à analyser, et dont la postérité apparaît incertaine. Quant à la Colombie ou au Mexique, les logiques de sortie des violences des rébellions ou du narcotrafic y apparaissent toujours aussi complexes, voire dangereuses. L’Amérique latine témoigne-t-elle désormais d’autre chose que de sa diversité, de son échec provisoire à consolider ses propres choix démocratiques ?

Crise de l’Europe comme continent, crise du processus de construction européenne, crise des institutions de l’Union européenne : l’espérance européenne lutte pour sa survie. Guy Verhofstadt et Dominique Moïsi réfléchissent dans ce numéro sur les chemins qui restent ouverts : faut-il aux Européens un saut fédéraliste, ou un renforcement des Nations ? Faut-il aller de l’avant au risque d’une rupture entre opinions et institutions ? Faut-il écouter plus les Nations au risque des dérapages nationalistes ? Les mois qui viennent et la négociation sur le Brexit nous en diront plus, mais l’heure est sans nul doute aux débats décisifs.

* * *

Découvrez la présentation vidéo de Dominique David :

Découvrez le sommaire complet ici.

Téléchargez le dossier de presse ici.

Lisez gratuitement l’article de Guy Verhofstadt, « Europe : Back to the Future », ici.

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« L’Europe au défi des populismes »

Wed, 31/08/2016 - 09:55

Le blog Reflets du Temps, qui consacre une large place aux questions internationales et des recensions de qualité, a publié le 27 août dernier un article mettant à l’honneur le Contrechamps du numéro d’été (2/2016) de Politique étrangère : L’Europe au défi des populismes.

« Le dossier principal de la Revue, cet été, s’annonçait de toute première importance, et fera du reste l’objet d’un prochain article (Moyen Orient, le nouveau « Grand Jeu »), mais notre propre Une de fin d’été, par sa composition et ses préoccupations se devait de cibler le sujet de Contrechamps : L’Europe au défi des populismes.

Deux forts articles dressent remarquablement l’état des lieux en ce domaine charriant les peurs de tout démocrate. Jean-Dominique Giuliani examine l’Union face à ces menaces, tandis que Georges Mink s’arrête sur le cas de l’Europe centrale, particulièrement la Hongrie et la Pologne.

[…]

« Extrémismes, populismes et nationalismes à l’assaut de l’Europe » : Leçon en tous points limpide et brillante, de Jean-Dominique Giuliani, président de l’institut Robert Schuman et Européen convaincu, à l’optimisme non moins ardent. Le paradoxe est posé d’emblée : « L’Europe reste un modèle pour le reste du monde… et les sociétés européennes sont en proie à des doutes profonds ». C’est par ces failles, à l’œuvre depuis longtemps, que s’infiltrent les menaces actuellement affichées des populismes (opposant systématiquement le peuple aux élites, aux dirigeants et aux partis de gouvernement) et autres nationalismes (subordonnant tous les problèmes à la domination hégémonique de la nation). […] Giuliani semble penser que ce ciel noir des populismes – la renaissance des nationalismes paraissant l’inquiéter davantage à long terme – pourrait garder un côté conjoncturel à régler au coup par coup, par des états qui conservent des défenses ; la résilience de l’UE lui semblant bien réelle, appuyée sur une image forte dans le monde… Puisse-t-il avoir raison.

[…]

Georges Mink est spécialiste de l’Europe centrale, notamment polonaise, de ces endroits de l’UE, où le ciel se couvre… « L’Europe centrale à l’épreuve de l’autoritarisme » met l’accent sur la Hongrie – notamment celle d’Orbán et la Pologne actuelle. Deux pays, sortis du Communisme en mettant en place des démocraties à l’occidentale, dont on a oublié la phrase prophétique de Geremek en 1990 : « la voie de la liberté est ouverte, celle de la démocratie reste incertaine ». Démocraties pourtant retravaillées et non simples copiés-collés, entraînant par exemple un communisme de libertés dans leur sillage. Échecs et déceptions, pour autant, accélérés par le monde ouvert des déplacements et du Net. Aussi, un Orbán en Hongrie se fit-il dès les années 2010 le propagandiste de cette « démocratie illibérale », qui fit émules en Europe centrale.

[…]

La conclusion de Georges Mink – alarmante au bon niveau – vaut pour l’ensemble du dossier : « L’épuisement idéologique des acteurs politiques traditionnels, mettant en avant la valeur absolutisée de la démocratie (joue à l’avantage de ce genre d’expérience), face à une jeunesse tentée par des idéologies d’apparence nouvelle, installant en leur centre la violence et la xénophobie ».

Valable seulement pour l’Europe centrale ? Croyez-vous… »

Pour lire l’article dans son intégralité, cliquez ici.

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Politique étrangère n°3/2016 : votez pour (é)lire votre article préféré !

Mon, 29/08/2016 - 09:00

 

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« Politique étrangère » à l’honneur sur les blogs

Wed, 24/08/2016 - 17:07

Le blog Les Clés du Moyen-Orient, qui décrypte l’actualité au Moyen-Orient depuis 2010, a publié le 22 août dernier un long compte rendu du dossier « Moyen-Orient, le nouveau « Grand Jeu » » publié dans le numéro d’été de Politique étrangère (n°2/2016).

Analysant chacun des six articles qui constituent ce dossier, l’auteur en fait une recension élogieuse et insiste sur son caractère fondamental et indispensable pour comprendre les enjeux de la crise moyen-orientale actuelle :

« Ce numéro d’été de Politique étrangère apparaît fondamental pour comprendre les enjeux dans lesquels se trouvent impliqués les principales forces en présence : l’Iran, l’Arabie saoudite, la Turquie, mais aussi, en tout état de cause, les États-Unis ou encore la France. Avec un riche panel d’analyses approfondissant la question d’un « nouveau ‘Grand jeu’ » qui se déploierait dans la région, cet ouvrage nous offre des clés indispensable pour mieux comprendre ce qui est survenu depuis : le coup d’État manqué en Turquie et la répression qui s’en est suivie, le siège d’Alep et les bombardements russes, les attentats perpétrés ou désamorcés au Liban, dans la région de la Békaa. »

Pour lire le compte rendu en intégralité, cliquez ici.

Pour lire intégralement l’un des articles du dossier, « La Russie a-t-elle une grande stratégie au Moyen-Orient ? » de Ekaterina Stepanova, cliquez ici.

 

Atatürk

Mon, 22/08/2016 - 10:16

Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (2/2016). Aurélien Denizeau propose une analyse de l’ouvrage de M. Sükrü Hanioglu, Atatürk (Paris, Fayard, 2016, 288 pages).

Père fondateur de la république de Turquie, Mustafa Kemal Atatürk a inspiré d’innombrables biographes plus ou moins talentueux, et l’on est tenté au premier abord de se demander s’il était nécessaire de lui consacrer un nouvel ouvrage. Tout n’a-t-il pas déjà été dit sur l’homme, de sa jeunesse d’officier idéaliste à ses multiples réformes, en passant par son rôle crucial dans la bataille des Dardanelles ?

Or c’est bien des récits stéréotypés aux limites de l’hagiographie que Sükrü Hanioglu, professeur d’histoire ottomane à l’université de Princeton, s’éloigne résolument. Le mythe kémaliste, encore très vivace en Turquie, a tendance à présenter Atatürk comme un visionnaire isolé, en avance sur son époque et ses contemporains. À travers sa « biographie intellectuelle », l’auteur entend tout d’abord nuancer cette approche. Il montre que les idées d’Atatürk étaient au contraire partagées, certes pas par la majorité des Ottomans mais par une frange non négligeable de sa génération, avide de sciences et de modernité. La vision kémaliste n’est pas une exception sortie de quelque intuition géniale, mais plutôt le prolongement des idées nouvelles apparues dans l’Empire ottoman à la fin du XIXe siècle, idées que l’auteur présente en détail.

Suivant un plan vaguement chronologique, l’ouvrage s’intéresse largement aux penseurs ottomans et européens qui ont influencé le jeune Mustafa Kemal, et guidé ses actions ultérieures. Il éclaire en particulier l’éclectisme de ces sources, qui vont de l’obscur naturaliste allemand Ludwig Büchner à Ziya Gökalp, figure majeure du turquisme. Il replace ainsi l’œuvre kémaliste dans le contexte intellectuel et idéologique de son époque, marquée tout à la fois par le scientisme, l’émergence des nationalismes, et une fascination grandissante pour la modernité européenne. Pour Sükrü Hanioglu, le vrai mérite d’Atatürk est d’avoir su faire de cet ensemble disparate un corpus intellectuel relativement cohérent pour jeter les bases d’un régime nouveau.

On s’intéressera particulièrement au chapitre consacré au « communisme musulman », car il éclaire un pan relativement méconnu de la pensée kémaliste : son rapport à l’idéologie communiste, et à la Russie bolchévique qui en était alors le fer de lance. On y découvre un dirigeant pragmatique et réaliste, qui s’autorise quelques contorsions idéologiques en échange d’un soutien russe fort utile en pleine guerre d’indépendance. Ce réalisme – ou ce cynisme – géopolitique perdurera tout au long de l’ère kémaliste. Par certains aspects, il préfigure les hésitations ultérieures d’une Turquie qui, tout en tournant son regard vers l’Ouest, aura régulièrement la tentation de se trouver des appuis à l’Est.

Publiée aux États-Unis dès 2011, Atatürk: An Intellectual Biography méritait bien d’être enfin traduite en français. Riche en enseignement sur l’histoire intellectuelle de l’Empire ottoman, elle permet de comprendre les influences idéologiques qui ont accouché de la Turquie contemporaine. Démythifié, Atatürk y apparaît davantage comme un dirigeant audacieux marqué par ce foisonnement d’idées nouvelles que comme leur inspirateur. Ce qui, du reste, ne diminue guère son mérite mais permet de rappeler que les grandes entreprises politiques ne peuvent être dissociées d’un contexte idéologique donné.

Aurélien Denizeau

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Atlas du Moyen-Orient. Aux racines de la violence

Tue, 16/08/2016 - 10:00

Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage de Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud, Atlas du Moyen-Orient. Aux racines de la violence (Paris, Autrement, 2016, 96 pages).

Cet ouvrage, court mais dense, répond à un besoin évident. Au moment où le Moyen-Orient est devenu « l’épicentre des violences », cet atlas propose une grille de lecture des « raisons du malheur », de même qu’il aborde de façon thématique tous les grands dossiers du moment. Les co-auteurs, tous deux universitaires, connaisseurs reconnus de cette région, nous aident à comprendre à travers cartes, graphiques et documents, la complexité d’un Moyen-Orient où les idées simples sont insuffisantes pour décrypter les turbulences actuelles.

Cet atlas rappelle tout d’abord, dans une partie historique, comment cette violence « s’est largement dessinée il y a un siècle avec la dislocation de l’Empire ottoman », dont la responsabilité revient essentiellement à la Grande-Bretagne et à la France. Sur la base des accords Sykes-Picot et de la déclaration Balfour, un nouvel ordre a été imposé, provoquant contestations et frustrations. Une deuxième partie évoque les « dérives idéologiques et politiques » qui affectent cette région, et qui contribuent à expliquer les violences actuelles. Dans une troisième partie sont décrites ses ressources, où l’abondance dans le domaine des hydrocarbures côtoie la pénurie dans d’autres, en particulier pour l’eau. La dernière partie sur « les figures de la guerre » dresse un tableau sans concession des champs de bataille actuels, latents ou ouverts, de même que du rôle des différents acteurs régionaux ou extérieurs.

Certains graphiques illustrent de façon frappante les textes. Il en est ainsi de celui qui retrace la dérive islamiste. À partir de 1967, on peut constater une décrue des partis nationalistes au profit de mouvements qui mettent l’accent sur l’islam et propagent, devant l’échec des gouvernements, un slogan simple et efficace : « L’Islam est la solution. » Certes, certains de ces mouvements sont relativement anciens, comme les Frères musulmans fondé en Égypte en 1928, mais leur idéologie connaît un essor récent qui dépasse largement les frontières de l’Égypte et plusieurs d’entre eux prennent le pouvoir. De même les mouvements salafistes, dont la promotion est assurée sur le plan idéologique et financier par les pays du Golfe, s’affirment partout et rayonnent dans l’ensemble du monde arabo-musulman. La naissance d’Al-Qaïda en 1988, puis de l’État islamique, témoigne du passage d’une frange de ces mouvements, peu nombreuse mais active et déterminée, vers la radicalité.

Plusieurs tableaux sont consacrés à la tragédie syrienne. L’un d’entre eux montre clairement la place des différents acteurs locaux – le régime, les opposants anti-Assad, les forces kurdes et l’État islamique – mais également le jeu des acteurs extérieurs, dont les objectifs et les priorités sont très divers, voire contradictoires. D’autres évoquent l’ampleur du nombre des réfugiés et des déplacés, et les destructions patrimoniales.

La conclusion des auteurs n’est guère optimiste, constatant que les événements en cours depuis 2010 « ne sont pas une crise de plus, mais certainement un basculement historique, une forme de rupture avec le passé ». Quelques pistes de réflexion sont esquissées, mais « le chemin à parcourir est considérable pour construire un Moyen-Orient stable et en paix avec lui-même ».

Denis Bauchard

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The China Boom: Why China Will Not Rule the World

Mon, 08/08/2016 - 10:00

Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). John Seaman, chercheur au Centre Asie de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Ho-fung Hung, The China Boom: Why China Will Not Rule the World (New York, Columbia University Press, 2016, 264 pages).

La Chine a bien passé un cap depuis la crise financière mondiale de 2008, et notamment depuis l’arrivée du président Xi Jinping à la tête du pays en 2013. Pékin a abandonné une stratégie de profil bas et est entrée dans une phase d’activisme sur la scène internationale. Mais avec cette nouvelle approche, la Chine peut-elle – ou veut-elle – transformer de manière fondamentale l’ordre libéral international ?

Nombreux sont ceux qui prévoient un nouveau monde sous tutelle chinoise, comme Martin Jacques, qui annonce, dans son livre When China Rules the World (Allen Lane, 2009) la fin d’un monde occidentalisé et la restauration d’une ère chinoise. D’autres, comme Michael Pillsbury dans The Hundred-Year Marathon (Macmillan, 2015), affirme l’ambition du leadership chinois pour supplanter la puissance américaine. Mais dans The China Boom, Ho-fung Hung, associate professor de sociologie à l’université Johns Hopkins aux États-Unis et originaire de Hong Kong, défend de manière sérieuse l’argument que la Chine ne se montrera pas puissance révisionniste. En dépit de sa quête de suprématie, le pays s’est déjà intégré à l’ordre international néolibéral et ne fera, au final, que préserver le statu quo général.

Hung développe d’abord une analyse historique de la lutte chinoise avec la modernisation (et en particulier le capitalisme) depuis la dynastie des Qing en 1650. Pendant au moins deux siècles elle rejette le capitalisme via un contrôle minutieux des marchés par l’État. À partir des années 1850, la résistance commence à s’éroder selon l’auteur, et c’est ironiquement pendant la période de Mao Zedong que la Chine se dote d’une masse de capital (un stock massif de main-d’œuvre rurale, bien éduquée et efficace, et un réseau important de capitaux et d’infrastructures détenus par l’État) nécessaire pour permettre, une fois libéralisé, l’essor économique spectaculaire que l’on sait. Plutôt que d’émerger en opposition à l’ordre international existant, la Chine en profite pleinement et s’intègre au circuit financier et commercial à tel point que, pour elle, s’opposer au système libéral serait autodestructeur.

Et pourtant la Chine conteste clairement l’hégémonie et le leadership américains. Néanmoins, pour l’auteur, si la Chine est la première puissance « capitaliste » à s’opposer aussi fermement à la domination militaire des États-Unis, elle soutient malgré elle l’hégémonie économique de ces derniers via l’addiction de son économie à l’export, et son énorme rachat de la dette américaine via des bonds de trésors émis en dollars US. Autre problème pour la Chine, pourtant bien étudié par ailleurs : les déséquilibres persistants de son économie – la dépendance à l’export, mais aussi vis-à-vis des investissements publics et de la dette – risquent de nuire sérieusement à la croissance et au développement. Pour retrouver une croissance durable et s’opposer à l’hégémonie économique américaine, les prescriptions de l’auteur sont claires (et constituent déjà un mantra pour les autorités chinoises) : rééquilibrer l’économie chinoise en dopant le revenu des ménages et en renforçant la part de leur consommation dans l’économie. Mais même si la Chine retrouve son souffle, explique Hung, elle sera au mieux « une nouvelle puissance au sein d’un vieil ordre mondial ».

John Seaman

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Surveillance After Snowden

Mon, 01/08/2016 - 09:00

Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Martin Untersinger, journaliste au Monde, propose une analyse de l’ouvrage de David Lyon, Surveillance After Snowden (Cambridge, Polity Press, 2015, 120 pages).

Voici maintenant trois ans qu’Edward Snowden a commencé à transmettre à des journalistes des documents secrets issus de la National Security Agency (NSA), leur permettant de mettre au jour le tentaculaire appareil de surveillance mis en place par les États-Unis. Dans ce court livre, le sociologue David Lyon offre une perspective bienvenue sur l’avalanche des informations parues depuis 2013, et un utile panorama des nombreux travaux universitaires sur la surveillance menés aux quatre coins du monde.

Il dégage ici avec succès les caractéristiques principales de la surveillance technologique de masse contemporaine. Elle est d’abord automatique, puisque les moyens techniques font souvent l’économie de l’intervention humaine. Il s’agit davantage, écrit-il d’une « procédure de management routinière » que d’une « sombre conspiration étatique ». La surveillance électronique massive a également, rappelle-t-il, été justifiée par la lutte contre le terrorisme, si bien que les deux termes sont, dans le discours étatique, quasiment devenus synonymes. Lyon note logiquement le glissement des moyens techniques de la surveillance de cette lutte contre le terrorisme vers des secteurs plus traditionnels de la puissance publique, comme la lutte contre la criminalité. Favorisant de fait le rapprochement, dangereux, entre renseignement et law enforcement.

Cette focalisation de façade sur le terrorisme, couplée à une volonté compréhensible d’anticipation de la menace, et à une croyance naïve dans la toute-puissance du big data et de l’analyse des données collectées explique de nombreuses dérives de l’appareil de surveillance. L’auteur explique qu’à l’heure des algorithmes et de l’expansion des moyens techniques de surveillance, le pouvoir réside davantage dans la manière dont les données sont analysées, dont elles produisent du renseignement, que dans leur simple collecte.

Lyon insiste également sur la proximité croissante entre entreprises privées et puissance publique. Cette tendance, particulièrement prégnante aux États-Unis, s’incarne dans le passage des personnels de l’un à l’autre secteur, tout comme des moyens techniques utilisés, voire de la surveillance elle-même. Les révélations de Snowden ont montré que l’État américain puisait dans des données collectées par les entreprises, notamment les géants du numérique, sans parler du fait que les pratiques marketing de certaines entreprises sont très proches, voire vont au-delà, de ce que peuvent se permettre les États.

L’auteur consacre également de nombreuses pages au concept de vie privée. Il partage et défend l’idée, à première vue passée de mode, qu’elle est en réalité le socle des droits fondamentaux que sont la liberté d’expression ou d’association. Il rappelle aussi qu’à une époque où une large part de nos vies se déroule en ligne, la question de la captation des données personnelles est un enjeu hautement politique et une question de pouvoir sur les citoyens.

Le livre de David Lyon est un livre militant, et l’auteur s’attache au fil des pages à persuader son lecteur des effets néfastes de la surveillance de masse. Il tente enfin – trop brièvement – de donner des clés pour combattre cette dernière, en prônant pour ce faire un mélange de solutions légales, politiques et technologiques. Il rejette l’hypothèse selon laquelle ces dernières seules suffiraient, et appelle aussi à des réformes légales des appareils de surveillance, ainsi qu’à une mobilisation accrue des citoyens contre la collecte des données.

Martin Untersinger

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Économie des matières premières

Mon, 25/07/2016 - 09:46

Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Aurélie Faure-Schyuer propose une analyse de l’ouvrage de Pierre-Noël Giraud et Timothée Ollivier, Économie des matières premières (Paris, La Découverte, 2015, 128 pages).

L’esprit des pionniers de la géologie, qui anima André Giraud et les fondateurs de l’économie des matières premières en France, inspire cet ouvrage. Après avoir rappelé la définition des « commodités » (commodities) et relaté les grandes étapes du développement des marchés de matières premières depuis la révolution industrielle, les auteurs retracent les fondements théoriques des sciences économiques appliquées au secteur des matières premières (principalement pétrole, cuivre, charbon et matières premières agricoles). Ils présentent les structures théoriques de formation de l’offre, comme celle de la demande, pour l’ensemble de ces matières puisées dans les ressources naturelles. Nombre d’éléments importants sont ici fournis, qui permettent de comprendre la sensibilité, ou l’élasticité, qui peut amener à des variations de l’offre ou de la demande, jusqu’à des « chocs » provoquant un effondrement ou une accélération haussière des prix (illustrés lors des chocs et contre-chocs pétroliers de 1973, 1987, 2007).

À travers la rareté des ressources, les contraintes techniques liées à la géologie, ou la possibilité de substitution future d’une matière première à une autre, se trouvent évoquées les inter­actions entre le monde de la géologie et celui du marché financier, principal apporteur de capitaux. Au début des années 2000, une association de géologues à l’origine de la théorie du peak oil, assurait que le rythme d’exploitation des ressources pétrolières nous amènerait à un « pic » de production pétrolière. Giraud et Ollivier pensent quant à eux que cette théorie de la rareté ne permet pas de prédire un horizon d’épuisement des réserves connues à un moment donné, compte tenu des facteurs à venir de substitution sur l’offre et des évolutions de la demande.

Deux enjeux liés au développement des marchés de matières premières sont finalement discutés. Le premier est le développement de la spéculation, dont les causes sont souvent attribuées aux acteurs intervenant sur les marchés de matières premières. On se souviendra des manipulations sur le cuivre ou l’électricité (Sumitomo en 1996 ou Enron en 2001), bien qu’elles ne soient pas évoquées dans l’ouvrage. Le second enjeu tient à la rareté des matières premières, à son impact sur les prix des denrées alimentaires et le développement économique, ainsi qu’aux limites des politiques climatiques visant à atténuer la production d’énergies fossiles émettrices de gaz à effets de serre.

Cet ouvrage a pour intérêt de définir les frontières des marchés de matières premières, et de rappeler les prérogatives essentielles de ces marchés, qui constituent un facteur d’ajustement des cycles économiques, un élément anticipatif et une source d’informations. Autant de connections à l’économie physique sous-jacente des matières premières.

Aurélie Faure-Schuyer

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Des hommes vraiment ordinaires? Les bourreaux génocidaires

Mon, 18/07/2016 - 09:38

Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Yaël Hirsch propose une analyse de l’ouvrage de Didier Epelbaum, Des hommes vraiment ordinaires ? Les bourreaux génocidaires (Paris, Stock, 2015, 304 pages).

Journaliste, ancien directeur de France 2 et ancien correspondant de la chaîne en Israël, Didier Epelbaum est également historien, docteur de l’EHESS et maître de conférences à Sciences Po. Spécialiste de la Solution finale (il a écrit sur l’adjoint d’Adolf Eichmann, Brunner, et sur les juifs polonais immigrés en France), avec son nouvel essai il élargit le champ de ses recherches et choisit pour terrain quatre génocides : arménien, juif, khmer et rwandais.

Il s’inscrit donc dans un champ polémique, à la suite des historiens Christopher Browning et Daniel Goldhagen. Il le fait avec humanité, connaissance et élégance. Sa question est celle de savoir si, réellement, les bourreaux sont des hommes ordinaires, et si les historiens ont pu prouver que, une fois soumis à des conditions politiques très particulières, tout un chacun peut se mettre à massacrer en masse des êtres humains. À cette question, l’historien répond par une thèse qu’il va démontrer méthodiquement : la nature humaine ne verse pas nécessairement vers un mal si « banal », et les bourreaux sont une minorité très spécifique. Forgeant le terme de « cidocratie » pour définir les régimes politiques où, à un moment donné, les bourreaux prennent le pouvoir, il avance l’idée que les meurtres de masse sont préparés par une lente idéologie et inspirés par un climat de peur. Si l’historien a du mal à déterminer quel pourcentage de la population se transforme en bourreaux (cela oscillerait entre 2 et 8 %), il avance que nombreux sont ceux qui se contentent de laisser faire et de piller, tandis qu’une autre minorité est constituée de sauveurs. Se concentrant sur les bourreaux, Epelbaum décrit leur action comme un mélange d’obéissance bureaucratique et de « capacités d’improvisation convaincue ». Il nous démontre alors que ces derniers sont recrutés par des idéologues selon des critères précis : « Des hommes qui adhèrent à l’idéologie, volontaires, jeunes, vigoureux et endurants, loyaux et obéissants, ne reculant pas devant la violence extrême.»

Le but de l’essai n’est pas de dévoiler de nouvelles sources mais de s’appuyer sur de nombreux textes existants pour faire un point. À l’heure où les témoignages « précieux et infiniment respectables » des survivants s’accumulent, Epelbaum termine les remerciements de son livre là où il aurait pu le commencer, en soulignant que « les synthèses deviennent de plus en plus nécessaires ».

La deuxième qualité du livre est de donner autant de place à chacun des quatre génocides. Venu de l’étude des bourreaux nazis, Epelbaum fait une place aussi grande à l’Arménie, au Cambodge et au Rwanda. Il maîtrise l’art de la comparaison, dessinant des modes opératoires sans jamais oublier de préciser les différences.

Enfin, Des hommes vraiment ordinaires est un magnifique plaidoyer pour l’histoire. Si Epelbaum n’hésite pas à dialoguer avec d’autres disciplines – notamment avec le sociologue Zygmunt Bauman sur la question de la « modernité » des génocides –, il évacue assez rapidement la psychologie et la philosophie pour rendre hommage aux historiens « qui font consciencieusement leur travail ». Ainsi, si le livre est une réponse à Christopher Browning, Epelbaum souligne que son étude du bataillon 307 a nuancé les propos des Hommes ordinaires du bataillon 101, trouvant « consternant » que « sa révision partielle ultérieure n’ait trouvé aucun écho dans la presse ».

Yaël Hirsch

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Making Sense of the Central African Republic

Mon, 11/07/2016 - 09:31

Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Tatiana Carayannis et Louisa Lombard, Making Sense of the Central African Republic (Londres, Zed Books, 2015, 384 pages).

Peu d’ouvrages traitent de la République Centrafricaine (RCA), particulièrement en anglais. Making Sense of the Central African Republic est important car il rassemble quelques-uns des meilleurs spécialistes de la crise centrafricaine et propose une approche véritablement pluridisciplinaire. Il permet en cela de mieux comprendre ce pays d’environ quatre millions d’habitants vivant aux marges de la communauté internationale.

On ne peut revenir ici sur les douze contributions qui composent le livre. Elles apportent toutes un éclairage essentiel sur la situation actuelle du pays. Cela commence d’ailleurs par une excellente introduction à l’histoire de la RCA, rédigée par Stephen W. Smith, qui nous fait prendre conscience du tourbillon négatif dans lequel est engagé le pays depuis la colonisation. Les contributions suivantes alternent entre des problématiques assez générales comme la question de la richesse et de la pauvreté par Roland Marchal, ou les « pathologies » du maintien de la paix en RCA par Enrico Picco, et d’autres plus spécifiques, tels l’analyse des dynamiques locales du PK5 par Faouzi Kilembe ou un chapitre sur l’Armée de résistance du seigneur en Centrafrique par Ledio Cakaj.

Malgré cet apparent foisonnement, il est possible, à la lecture de cet ouvrage, de dégager quatre lignes de forces pouvant servir de guide pour appréhender la complexité de la RCA. Premièrement, il convient de prendre en compte l’histoire violente du pays depuis sa colonisation, car elle laisse des marques profondes, notamment en ce qui concerne sa structure sociale. Deuxièmement, il faut bien se rendre compte des faiblesses récurrentes de la structure étatique centrafricaine. L’État n’a jamais fourni les services de base et n’a pas étendu son autorité à l’ensemble du pays. L’utilisation de biens publics à des fins privées y est devenue chose commune. Ainsi l’État centrafricain est, pour la plupart de ses citoyens « une douloureuse absence et une présence blessante ». Troisièmement, l’insérer dans son environnement régional est crucial pour une analyse sérieuse. Le nord de la Centrafrique est par exemple beaucoup plus intégré avec les pays frontaliers qu’avec le reste de la RCA, et les crises régionales ont de fortes répercussions sur le pays. Enfin, les très nombreuses interventions extérieures visant à rétablir la paix ont toutes échoué car elles ont cherché à remplir à « faible coût » des objectifs de court terme. Les dynamiques profondes de la crise n’ont donc pas été traitées.

Cet ouvrage, indispensable à tous ceux qui s’intéressent à la RCA mais aussi à la question générale du peace building, démontre bien que l’explosion de violence dans ce pays depuis 2012 est le fruit de la convergence de dynamiques de long terme complexes. Le livre remplit l’objectif affiché par les auteurs : analyser pour la première fois en un seul volume l’économie politique, le rôle des conflits et l’influence des acteurs régionaux en RCA. Enfin, on ne peut qu’être d’accord avec le constat fait par les auteurs de la nécessité de traiter les racines profondes de la crise en redéfinissant les rôles de la société et de l’État centrafricains. Reste à espérer que l’engagement actuel de l’ONU en RCA – le plus important que le pays ait jamais connu – puisse répondre à ces exigences.

Rémy Hémez

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Un Silence religieux. La Gauche face au djihadisme

Wed, 06/07/2016 - 09:30

Cette recension est issue de Politique étrangère (2/2016). Marc Hecker propose une analyse de l’ouvrage de Jean Birnbaum, Un Silence religieux. La Gauche face au djihadisme (Paris, Seuil, 2016, 240 pages).

Jean Birnbaum signe ici un essai stimulant. Un Silence religieux part d’un constat : la gauche ne parvient pas à saisir le phénomène djihadiste et refuse d’en admettre la dimension religieuse. Ce refus se traduit notamment par un raisonnement répété par nombre d’élus socialistes : l’État islamique n’est pas islamique et le djihadisme n’a rien à voir avec l’islam. Ce raisonnement, que Birnbaum qualifie de « rien-à-voirisme », est considéré par l’auteur comme contre-productif. Au lieu d’affirmer que le djihadisme est étranger à la religion, mieux vaudrait « admettre qu’il constitue la manifestation la plus récente, la plus spectaculaire et la plus sanglante de la guerre intime qui déchire l’islam. Car l’islam est en guerre avec lui-même ». En essayant maladroitement de combattre l’amalgame entre musulmans et terroristes, les responsables politiques contribueraient au contraire à « alimenter l’ignorance dont se nourrit l’islamisme », et abandonneraient les « esprits critiques qui tentent, parfois au péril de leur vie, de soustraire l’islam aux fanatiques ». Birnbaum rend un vibrant hommage à ces esprits critiques – Arkoun, Meddeb, Benzine, Djaït, Bidar, Sedik ou encore Benslama –, qui analysent les liens entre islam, islamisme et djihadisme.

La difficulté de la gauche à comprendre le djihadisme serait le reflet d’une incapacité plus profonde à saisir les phénomènes religieux. À l’appui de sa démonstration, l’auteur invoque l’histoire. Il consacre par exemple un chapitre éloquent à la guerre d’Algérie, dont la dimension religieuse a été largement éludée par les militants anticolonialistes. Au pire ne s’en apercevaient-ils pas, au mieux considéraient-ils la religiosité comme un résidu du passé, voué à disparaître après l’indépendance. La religion était au contraire, dit Birnbaum, « le cœur battant de la révolte ».

L’auteur ne s’appuie pas seulement sur l’histoire, mais aussi sur la philosophie politique. Il estime ainsi que la célèbre formule de Marx – « la religion est l’opium du peuple » – est souvent mal comprise, notamment par des responsables politiques de gauche. Loin de considérer la religion comme accessoire, l’auteur du Capital la tenait pour centrale : « La religion fut le grand sujet de Marx, le questionnement inaugural à partir duquel toute son œuvre s’est bâtie », affirme Birnbaum. Si la gauche faisait l’effort de relire Marx attentivement, elle comprendrait la puissance de la religion et serait peut-être plus apte à saisir la force de l’islamisme.

Certains politiciens d’extrême gauche – comme Chris Harman au Royaume-Uni – ont toutefois bien perçu la montée en puissance de l’intégrisme religieux, et prôné des alliances de circonstance avec les islamistes. Les masses opprimées du monde musulman ne constitueraient-elles pas un nouveau prolétariat, pouvant être détourné à terme de l’islamisme pour donner un second souffle au mouvement ouvrier ? Ce pari risqué a été perdu. L’islamisme continue de progresser, tandis que les mouvements d’extrême gauche ont été laminés. Et Birnbaum de constater : « L’islam constitue aujourd’hui l’unique idéal au nom duquel des masses d’hommes et de femmes sont capables de défier l’ordre mondial à travers les cinq continents. Mieux, ou pire : l’islam politique apparaît désormais comme la seule cause pour laquelle des milliers de jeunes sont prêts à braver la mort. » L’attrait du djihad en Syrie en est l’illustration la plus préoccupante.

Marc Hecker

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Les conséquences du Brexit : trois questions à Vivien Pertusot

Mon, 27/06/2016 - 16:38

Auteur de l’article « Brexit : les risques du référendum » paru dans le numéro de printemps 2016 de Politique étrangère (1/2016), Vivien Pertusot, responsable du bureau de l’Ifri à Bruxelles, répond à trois questions en exclusivité pour politique-etrangere.com.

1) Comment expliquer ce vote en faveur du Brexit ?

Le Brexit s’est joué autour de deux questions : le vote anglais et le vote des jeunes. L’Angleterre a largement voté en faveur du Brexit : 15,1 millions d’Anglais ont voté « Leave », tandis que 16,2 millions de Britanniques ont voté « Remain ». Le vote « Remain » doit beaucoup aux votes écossais et londoniens. Toutefois, l’élément déterminant concerne le taux de participation. Celui-ci s’est avéré insuffisant dans les régions pro-maintien. Ainsi, il était inférieur à la participation nationale (72,2 %) dans 23 des 33 circonscriptions londoniennes et a été cinq points inférieurs en Écosse. À l’inverse, le Sud-Est et le Sud-Ouest, majoritairement favorables au « Brexit », ont voté à plus de 76 %.

Le vote des jeunes a également été décisif. Au Royaume-Uni, comme ailleurs, la propension à aller voter évolue avec l’âge. De manière proportionnellement inverse, la tendance au maintien dans l’UE diminue avec l’âge. L’argument selon lequel ce référendum concerne l’avenir des jeunes, aussi rationnel soit-il, a eu l’effet d’un prêche dans le désert. Certaines données sont alarmantes : seuls 38 % des 18-24 ans (pourtant favorables à plus de 70 % au maintien) auraient voté.

2) Quelles crises politiques se dessinent au Royaume-Uni ?

Les partis politiques sont divisés. Les Tories sans surprise, même s’il est possible que la démission de David Cameron d’ici le mois d’octobre permette d’éviter des luttes intestines trop violentes. Cela n’empêchera pas le parti de traverser d’incroyables turbulences. Le prochain leader, et Premier ministre, aura une tâche ardue. Comme précisé dans mon article paru dans Politique étrangère, il ne faut pas négliger l’impact sur les Travaillistes. Le leadership de Jeremy Corbin n’était pas absolu et les démissions en cascade depuis les résultats le confirment : le parti va traverser une période de déchirures internes. Il sort plus affaibli par ce résultat que le parti conservateur.

Reste l’intégrité du Royaume-Uni. La First Minister écossaise Nicola Sturgeon brandit déjà l’hypothèse d’un nouveau référendum sur l’indépendance. Il n’est toutefois pas certain que Londres donne son accord immédiatement à un nouveau référendum : le contexte économique est très défavorable à une indépendance écossaise (la livre et le prix du pétrole sont faibles) et ce serait un vrai risque pour les indépendantistes de précipiter l’affaire. Une réunification de l’Irlande revient à l’ordre du jour, mais le débat est marginal et loin d’être mûr.

 3) Quelles conséquences pour l’Union européenne ?

Il est bien difficile de savoir à ce jour comment le reste des 27 États membres va appréhender le « Brexit ». Le résultat a provoqué un torrent de déclarations et de gesticulations politiques. Relance pour les uns, exemple à suivre pour les autres, temps de réflexion pour d’autres encore… Le risque est de vouloir se précipiter vers une solution qui semble toute prête : intégrer davantage dans certains domaines, quitte à le faire dans un petit groupe. Il est évident qu’il faut réagir, mais la portée du Brexit est telle qu’il pourrait être contreproductif de mettre hâtivement en œuvre des décisions mal pensées et mal expliquées. Le temps des grands projets viendra, mais il doit être préparé. Toute crise ne doit pas automatiquement et immédiatement conduire à plus d’intégration. Seule une vraie réflexion, probablement longue et pénible, peut amener à cette conclusion.

Brexit : finally out !

Fri, 24/06/2016 - 17:05

Suite aux résultats du référendum britannique, nous vous proposons de relire l’article de Vivien Pertusot, « Brexit : les risques du référendum » publié dans Politique étrangère (n°1/2016), ainsi que le dossier « Le Royaume-Uni et l’Europe : in or out ? » publié dans Politique étrangère (n°1/2015).

« À l’évocation de la relation entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, le titre de l’ouvrage de Stephen George Awkward partner (« partenaire embarrassant ») vient à l’esprit. Cette relation est le fruit d’une incompréhension entretenue, désormais bien ancrée et jamais réellement combattue au Royaume-Uni. Pourtant, elle recouvre une complexité que l’on ne peut occulter. Les Britanniques restent moteurs sur certains dossiers européens, dont le marché intérieur et le développement. Ils sont un utile mouton noir derrière lequel se cacher. Par ailleurs, la marginalisation croissante du pays n’est pas imputable à Londres seul. Ses partenaires européens se sont progressivement désintéressés du Royaume-Uni et se sont accordés sur une série de mécanismes intégrationnistes dont il ne fait pas partie.

C’est dans ce contexte peu lisible de l’étranger que va se tenir le référendum. Le Premier ministre britannique David Cameron a promis de le tenir avant la fin de l’année 2017. À l’heure où ces lignes sont écrites, les contours d’un accord se dessinent dans les négociations menées entre les 27 états membres et Londres ainsi donc que la tenue prochaine du vote.

Le débat britannique sur le Brexit et le référendum à venir incitent à s’interroger sur quatre risques. Le premier est la possibilité bien réelle d’une une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Le deuxième est lié au fait que le résultat du référendum ne marquera pas la fin du débat outre-Manche sur l’UE, et pourrait même engendrer un climat politique chaotique. Le troisième renvoie à la cohésion de plus en plus fragile du Royaume-Uni. Enfin, le quatrième risque touche à l’attitude du reste de l’Union qui, trop pressée d’en finir avec cet épisode, pourrait ne pas justement mesurer les conséquences du maintien, ou la sortie, du Royaume-Uni.

Le Brexit est possible

La réélection de David Cameron, et surtout la majorité absolue obtenue par le parti conservateur aux Communes, ont rendu inévitable la tenue d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. La question posée est désormais connue : Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? »

Lire la suite de l’article en intégralité sur Cairn.info.

* * *

Lire également les articles du dossier « Le Royaume-Uni et l’Europe : in or out ? » :

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« En Europe, les opinions publiques ont peur du saut dans l’inconnu »

Wed, 22/06/2016 - 11:15

Dans son édition du 20 juin 2016, La Fabrique de l’Opinion analyse les bouleversements politiques et les revendications nationalistes et extrémistes auxquels est confrontée l’Union européenne. Il s’appuie pour cela sur l’article du président de la Fondation Robert Schuman Jean-Dominique Giuliani, « Extrémismes, populismes et nationalismes à l’assaut de l’Europe » publié dans le numéro d’été de Politique étrangère (n°2/2016).

Le référendum sur le Brexit le montre une nouvelle fois : le « bouc émissaire européen » fonctionne à plein. Pourtant les fondations de l’Union européenne sont plus solides qu’il n’y paraît, notamment parce que les opinions publiques ont peur du saut dans l’inconnu.

Ce bouc émissaire est utilisé à peu près partout en Europe. L’arme préférée des extrémistes, dont le caractère populiste est ainsi confirmé, est le référendum. Depuis les débuts de la Communauté européenne, 56 référendums ont été organisés au sein de l’Union. Bien que seuls 16 d’entre eux ont été négatifs, les partis populistes continuent à les réclamer, en faisant ainsi l’arme suprême contre l’intégration européenne démontrant les réticences des peuples.

[…]

L’interpellation populiste n’est pas une spécificité européenne. Elle est bien commune à tous les ensembles démocratiques et constitue pour eux un défi bien réel. Les mutations technologiques, économiques, culturelles et sociales, qui transforment sous nos yeux l’ordre mondial, imposent à l’évidence des changements majeurs dans l’exercice de la Démocratie représentative. Dans ce maelstrôm, la construction européenne est particulièrement interpellée du fait de son caractère original, inédit et inachevé. Son passé l’expose par ailleurs tout particulièrement au retour d’un nationalisme frileux complètement dépassé par les réalités du monde. Les ressentiments ethniques, les frustrations historiques, les peurs ancestrales et les réflexes conditionnés des Européens, sédiments
de l’histoire sur lesquels l’Union européenne s’est bâtie, constituent autant de risques
susceptibles de peser sur révolution politique de l’Europe.

Les crises récentes nous montrent que les fondations en sont pourtant plus solides qu’il n’y paraît. Elles sont faites d’intérêts souvent partagés, à défaut d’être acceptés comme communs, mais aussi d’engagements légitimes, de traités signés et appliques, d’un droit très avancé, vraisemblablement suffisamment souple pour supporter de vraies attaques et suffisamment solide pour les contenir. Les mois et les années qui viennent vont les mettre à l’épreuve et apporter une confirmation ou un démenti à cette affirmation – il est vrai – optimiste.

Lisez cet article dans son intégralité sur Cairn.info.

Retrouvez l’article de La Fabrique de l’Opinion ici.

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Nous sommes tous de futurs vieux !

Mon, 20/06/2016 - 09:00

Dans l’édition des Échos du 17 juin, Jacques Hubert-Rodier étudie le phénomène de vieillissement de la population mondiale et son impact sur la géopolitique. Il s’appuie pour cela sur l’article de Gérard-François Dumont , « Vieillissement de la population et géopolitique », paru dans le n°2/2016 de Politique étrangère.

« Le monde est confronté à un processus inédit : le vieillissement de la population. Dans son article de Politique étrangère, Gérard-François Dumont, professeur à Paris-Sorbonne, distingue trois éléments : le vieillissement stricto sensu, la « gérontocroissance », selon le néologisme qu’il a créé pour comprendre notamment la hausse de l’espérance de vie, et enfin la féminisation du vieillissement grâce, entre autres, à la réduction de la mortalité maternelle. Ce phénomène touchera toutes les régions, y compris l’Afrique ou encore l’Inde et le Pakistan. Mais il restera extrêmement contrasté d’une région à l’autre.

L’auteur ne se contente pas de dresser un constat. Il tire de l’évolution démographique un certain nombre de conséquences politiques différenciant pays jeunes et « pays vieillis ». Ainsi, pour certains pays européens, ce vieillissement contribue indirectement à une réallocation des ressources, aux dépens, par exemple, de la défense et en faveur des systèmes de retraite. Mais c’est loin d’être le seul facteur. Car il y a une évolution politique dans les cartes. Le vieillissement touche le corps électoral, souligne Gérard-François Dumont, avec même la possibilité de l’apparition de lobbies gérontocratiques. Sans oublier le poids de ces transformations dans les tensions internationales. Emmanuel Todd n’avait-il pas vu, à travers l’évolution de la population soviétique, les prémices d’un effondrement de l’URSS ? »

Retrouvez l’article sur les Échos.fr.

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