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Politique étrangère (IFRI)

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La revue de référence sur les questions internationales
Updated: 1 month 2 weeks ago

Afrotopia

Wed, 21/12/2016 - 08:00

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Alain Antil, responsable du programme Afrique subsaharienne de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Felwine Sarr, Afrotopia  (Éditions Philippe Rey, 2016, 160  pages).

Le texte de cet économiste et enseignant sénégalais est une réflexion sur l’avenir de l’Afrique et la nécessité pour le continent de trouver sa propre voie vers la modernité, sans s’enfermer dans des modèles exogènes (celui des colons hier, celui des institutions internationales et des agences d’aide aujourd’hui), conduisant irrémédiablement à une impasse. Pour ce faire, la première étape est de ne plus se laisser définir par d’autres mais de se définir soi-même.

Ainsi, l’Afrique doit-elle fixer ses propres objectifs, puiser dans ses potentialités, renouer avec son passé précolonial sans toutefois l’idéaliser, ni s’extraire de la mondialisation par un afrocentrisme clos sur lui-même. Il faut enfin fonder une utopie : « L’Afrotopos est ce lieu autre de l’Afrique dont il faut hâter la venue, car réalisant ses potentialités heureuses. » Le projet est donc de contribuer à « réparer » un continent meurtri par des siècles de traite, de colonisation et de domination néocoloniale, pour qu’il recouvre sa dignité et son estime de soi. L’auteur va dresser la liste des chantiers à mettre en œuvre, et des atouts sur lesquels s’appuyer.

Pour travailler à un « décentrement épistémique », à une réflexion s’éloignant méthodiquement de la « bibliothèque coloniale », l’auteur s’inscrit dans des parrainages de penseurs incontournables comme Valentin-Yves Mudimbe, Fabien Eboussi Boulaga, Achille Mbembé, ainsi que des figures tutélaires comme Cheikh Anta Diop ou Franz Fanon. Le plus grand mérite de ce livre est d’ouvrir au lecteur une série de débats intellectuels très vifs en cours sur le continent, sur la place des langues africaines dans l’éducation, la nécessaire « décolonisation » des sciences humaines, la refondation de l’université ou encore le refus d’un individualisme forcené… Pourtant, malgré les indéniables qualités de cet ouvrage, et en particulier de son questionnement central, son propos est affaibli par plusieurs travers.

Comme l’écrivain s’accorde la licence poétique, Felwine Sarr s’arroge parfois le droit d’avoir un rapport distancié avec la réalité puisqu’il situe son projet dans les essences et veut contribuer à l’utopie. Du flou de certains de ses propos doit pouvoir sourdre une pensée salutaire. Mais, fatalement, celle-ci se retrouve parfois fâchée avec l’histoire, ou en tout cas une histoire précise et étayée scientifiquement. Ainsi, comment aujourd’hui parler de la traite esclavagiste en évoquant la seule (et évidemment importante) traite atlantique ? Comment peut-on affirmer, sans s’enfermer dans une pensée performative, que toutes les nations « d’Alger au Cap » ont la « même histoire récente » ? La posture de l’ouvrage conduit parfois l’auteur à des raccourcis (« l’Homme africain »), voire à des clichés (« l’énergie ou la vitalité africaine »).

Le deuxième problème se situe au niveau de la relation qu’entretient le continent africain avec le reste du monde, et que l’auteur veut contribuer à refonder. Par « reste du monde », il est quasi exclusivement question de l’Occident, présenté comme le Golem malveillant de l’Afrique. Or, il semble que c’est précisément en échappant à ce tête-à-tête postcolonial que l’auteur pourrait produire une réflexion vraiment décentrée. Enfin, très curieusement, cet ouvrage fait totalement l’impasse d’une réflexion sur le pouvoir, qui pourrait pourtant être utile à la construction d’une utopie. Au final, ces manquements, qui procèdent à l’évidence d’un véritable souci d’édition, nuisent à l’économie d’un texte par ailleurs foisonnant d’idées.

Alain Antil

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Minorités, nationalités, États

Mon, 19/12/2016 - 08:00

Cette semaine, (re)lisez un autre texte marquant de la revue Politique étrangère, écrit par Jean-Christophe Rufin : « Minorités, nationalités, États », publié dans le numéro d’automne 1991  (n°3/1991).

Jean-Christophe Rufin a été administrateur de Médecins sans frontières (1991-1993), puis de la Croix-Rouge française (1994-1996) et président d’Action contre la faim (2002-2006). Il a été ambassadeur de France au Sénégal et en Gambie de 2007 à 2010. En parallèle à ses activités humanitaires et diplomatiques, il a mené une carrière littéraire. Il a obtenu le prix Goncourt en 2001 et a été élu à l’Académie française en 2008.

La civilisation, écrivait l’historien Mommsen, est « la transition nécessaire du particularisme cantonal par où commence l’histoire de tous les peuples à l’unité nationale, par où ils achèvent, ou doivent achever la révolution de leur progrès ».

Dans cette perspective classique, les minorités sont synonymes d’archaïsme ; l’évolution des sociétés va dans le sens de leur fusion en ensembles de degré supérieur. Les sociologues sont venus renforcer les historiens dans cette interprétation. Dans la conception de Max Weber, la société se constitue par l’intégration progressive d’unités restreintes et la mise en circulation de leurs traits culturels.

Ceci explique probablement pourquoi, jusqu’à une date récente, la question des conflits entre minorités et État est restée peu étudiée dans les relations internationales depuis la Seconde Guerre mondiale. La seule circonstance où les conflits locaux, en particulier dans le Tiers-Monde, ont repris quelque intérêt, c’est dans les cas où l’une des parties en présence était soutenue par une grande puissance : Miskitos contre sandinistes, Érythréens contre Éthiopiens prosoviétiques, Khmers contre Vietnamiens. Mais ces conflits étaient moins étudiés pour leur signification locale que du fait de leur situation au sein de l’affrontement planétaire Est-Ouest, constituant ce que Gérard Chaliand appelle « les faubourgs de l’histoire ».

Dans la nouvelle configuration des rapports internationaux, les conflits liés aux minorités sont en train de quitter cette position marginale pour devenir des questions centrales et décisives.

Inversant la perspective classique, nous devons accepter l’idée que les minorités, loin d’être les vestiges du passé, des entités naturelles que le mouvement culturel dépasserait, sont au contraire renforcées et durcies par le processus d’unification, notamment par l’émergence universelle de l’État-nation.

La période de recomposition internationale ouverte par l’effondrement des systèmes communistes s’accompagne d’une forte poussée des mouvements minoritaires et modifie les conditions de leur expression. Quantitativement on note la prééminence actuelle des conflits internes aux États ou « liés à la constitution d’un État » (en 1988 sur 111 conflits recensés, 99 appartiennent à ces catégories). Ces conflits par division ou éclatement de l’état tendent à se multiplier rapidement (Liberia, Somalie, Rwanda, Inde, etc.).

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Cinquante ans de crises financières

Fri, 16/12/2016 - 08:00

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Juan Flores Zendejas propose une analyse de l’ouvrage de Jacques de Larosière, Cinquante ans de crises financières  (Odile Jacob, 2016, 272  pages).

Jacques de Larosière présente un témoignage précieux sur les épisodes les plus dramatiques, et déterminants, concernant l’économie européenne et mondiale des années 1960 aux années 1990. La richesse de son parcours lui a permis d’accumuler de multiples expériences, dans l’administration publique française, certaines organisations internationales et divers conseils d’administration.

L’auteur ouvre son récit sur une évocation de ses origines familiales, de son enfance et de sa formation. Il énumère ses postes successifs dans l’administration publique française aux chapitres IV à VI, avant de se pencher dans les chapitres VII à IX sur ses années à la tête du Fonds monétaire international (FMI), puis à la Banque de France et enfin à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Le livre se conclut sur un exposé de ses expériences comme conseiller de banques et d’entreprises, ou encore dans d’autres activités : enseignant à Sciences Po ou participant récurrent à l’Institut de la finance internationale. Dans la dernière partie de l’ouvrage, l’auteur livre ses réflexions sur les crises des années 1990 et celles qui ont affecté plus récemment l’Europe, et en particulier la Grèce en 2010.

Ce livre nous fournit un aperçu utile et complémentaire aux travaux déjà existants sur l’histoire du FMI ou sur la construction monétaire européenne. L’auteur a le mérite de nous faire part de ses impressions personnelles, aidant le lecteur à comprendre les dilemmes ou les conflits des moments de haute tension. Ses analyses sont accompagnées de passages tantôt plaisants, tantôt moins, sur sa vie familiale.

Cet ouvrage propose enfin une vision générale sur les origines des problèmes contemporains de l’économie mondiale. L’auteur insiste sur les effets particulièrement néfastes de l’effondrement du système de Bretton Woods, et sur le déficit de coordination qui s’est ensuivi en matière de politique monétaire dans les pays du G7. Cette problématique revient lorsque la discussion s’ouvre sur la construction de la monnaie européenne, la surveillance bancaire ou les politiques budgétaires. Enfin, l’instabilité monétaire et l’augmentation des dettes publiques ne seraient qu’un symptôme d’un problème plus profond, de nature structurelle, à l’origine de la crise en Europe et surtout en Grèce. Larosière critique ouvertement la gestion de cette tourmente par le FMI. L’institution a eu à son sens le tort de privilégier les bonnes relations avec ses actionnaires plutôt que de suivre les procédures prédéfinies. La seconde option aurait conduit à une restructuration des dettes dès le début de la crise, ce qui eût été de toute évidence préférable.

L’élégante narration des événements et la clarté de l’argumentation emmènent le lecteur dans un passionnant voyage à travers le temps. Comme dans tout récit autobiographique, certaines questions restent cependant sans réponse. Jacques de Larosière revient fréquemment sur la rationalité des décisions prises, mais il n’exprime aucun regret. Ce qui a de quoi surprendre quand on sait qu’il a dû faire face à la pire crise des dettes souveraines de l’après-guerre (en 1982-1985), et s’engager dans des politiques toujours très controversées, qui ont ouvert la voie au célèbre « consensus de Washington ». Cette carence invite implicitement, à partir des expériences de l’histoire récente, à quelque circonspection sur les défis actuels et les réponses qui leur sont apportées.

Juan Flores Zendejas

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Sidérations. Une sociologie des attentats

Thu, 15/12/2016 - 08:00

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Marc Hecker, rédacteur en chef de la revue, propose une analyse de l’ouvrage de Gérôme Truc, Sidérations. Une sociologie des attentats  (Presses universitaires de France, 2016, 344  pages).

Cet ouvrage est tiré d’une thèse de doctorat soutenue à l’École des hautes études en sciences sociales en 2014. Gérôme Truc a cherché à comprendre pourquoi des individus se sentent touchés par des attentats qui ne les ont pourtant pas directement visés. Pour ce faire, il se penche plus spécifiquement sur trois attaques terroristes dont les dates ont marqué le début du xxie siècle : 11 septembre 2001, 11 mars 2004 et 7 juillet 2005. Il analyse les réactions politiques, la couverture médiatique et les témoignages de milliers d’anonymes. L’effet de sidération, explique-t-il, varie en fonction d’un « entrelacs complexe de sentiments impersonnels et personnels ».

On retiendra plus spécifiquement trois points de ce livre. Le premier a trait au poids de la culture politique et historique du pays touché. Les événements du 11 septembre 2001 sont intervenus l’année des commémorations du soixantième anniversaire de Pearl Harbor. Un blockbuster commémoratif était diffusé depuis le mois de mai à travers tous les États-Unis. Ainsi l’effondrement des tours du World Trade Center a-t-il immédiatement été interprété par la population américaine, mais aussi par de nombreux responsables dont George W. Bush, comme un « nouveau Pearl Harbor ». Dès lors, comme en 1941, l’entrée en guerre paraissait inéluctable.

Le deuxième point concerne la résilience des populations face à une attaque. Là encore, la culture nationale a son importance. Au Royaume-Uni, la résistance de la population britannique au moment du Blitz s’est imposée comme une référence après le 7 juillet 2005. Toutefois, la résilience n’est pas seulement affaire de culture et de comparaisons historiques. Elle se travaille et se construit. Depuis l’attentat de Madrid – présenté par de nombreux responsables politiques de pays membres de l’Union européenne comme un « 11 Septembre européen » – les dirigeants britanniques expliquaient que le Royaume-Uni serait visé. Le maire de Londres, notamment, s’évertuait à préparer la population à un attentat perçu comme inéluctable. Et une fois l’attaque survenue, une campagne d’affichage fut entreprise pour tenter de souder les Londoniens dans l’adversité.

Le troisième point relève de la couverture médiatique, qui diffère sensiblement d’une rive à l’autre de l’Atlantique. Cette différence se remarque particulièrement pour ce qui est des images de victimes. Alors que les attentats du 11 septembre 2001 ont été les plus meurtriers de l’histoire, leurs aspects visuels les plus crus ont été occultés. Et pour cause : la police a empêché la presse de circuler librement sur les lieux des attentats, dans les hôpitaux ou les morgues. À l’inverse, les journalistes ont eu accès à la gare d’Atocha après les attentats de Madrid, et des photographies de cadavres – non floutées – ont été publiées en une des principaux journaux espagnols. Occulter par pudeur ou montrer pour dénoncer : le dilemme se pose aux médias au lendemain de chaque attentat.

D’autres passages de cet ouvrage mériteraient d’être évoqués, notamment ceux qui concernent les manifestations post-attentats ou encore les débats suscités par les minutes de silence. Alors que la France est touchée par une vague de terrorisme sans précédent, la lecture de Sidérations se révèle des plus utiles.

Marc Hecker

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Welcome to the Poisoned Chalice

Wed, 14/12/2016 - 12:46

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Vincent Bignon propose une analyse de l’ouvrage de James K. Galbraith, Welcome to the Poisoned Chalice. The Destruction of Greece and the Future of Europe  (Yale University Press, 2016, 232  pages).

Quand en janvier 2015, Yanis Varoufakis accueille James Galbraith dans les locaux du ministère grec des Finances, il lui dit : « Bienvenue au pays du calice empoisonné ! ». Galbraith, professeur à l’université du Texas à Austin, est très actif dans les milieux socio-démocrates européens. Il arrive à Athènes avec quelques banquiers de Lazard pour y conseiller le nouveau ministre. Il y reviendra quelques jours par mois jusqu’en juillet et sera l’un des experts du « plan B », c’est-à-dire des mesures que la Grèce aurait dû prendre si elle était sortie de la zone euro. Galbraith publie dans ce livre ses différentes contributions au débat sur la gestion européenne de la crise grecque. On y trouve les conférences qu’il a données pour des cercles de réflexion européens, des tribunes publiées dans la presse depuis mai 2010, quelques courriels, ainsi que des mémos écrits pour Varoufakis.

La thèse générale de l’ouvrage est (bien) connue. La politique d’austérité budgétaire, imposée par l’Union européenne, et plus particulièrement un certain nombre de pays, était vouée à l’échec au regard de son but, à savoir améliorer la soutenabilité des dettes publiques. En effet, elle a créé une récession qui réduit le PIB beaucoup plus vite qu’elle ne dégage les ressources nécessaires au remboursement de la dette. En fin de compte, le ratio d’endettement augmente, et toute la population s’appauvrit sans que les dettes en soient plus soutenables. Galbraith ajoute que les problèmes budgétaires de la Grèce étaient amplifiés par les inefficacités d’un État défaillant (notamment pour la collecte de l’impôt), et une classe politique incapable de proposer des solutions aux souffrances du pays. C’est sur la base de ce diagnostic que le gouvernement dirigé par Tsipras, dès son entrée en fonction, aurait donné son accord à 70 % des mesures requises par les institutions internationales en charge de négocier une solution à la crise grecque, tout en refusant les 30 % de mesures qui avaient un effet dépressif sur l’activité économique. La suite est connue : l’échec des négociations et le référendum de juillet 2015.

L’ouvrage n’ajoute pas beaucoup d’informations au lecteur attentif de la presse internationale. Il recèle cependant quelques documents intéressants, notamment les courriels envoyés à l’adjointe du secrétaire au Trésor des États-Unis, dans lesquels Galbraith décrit les intentions du gouvernement Tsipras. L’ouvrage contient également quelques notes écrites du « plan B ». Ces notes sont très générales, au point que le lecteur se demande si la sortie de la Grèce a été sérieusement considérée. Les différentes tribunes reflètent incontestablement le goût de Galbraith pour la polémique et présentent des opinions tranchées et parfois discutables. Son approche des processus de décision européens est toutefois particulièrement stimulante. Son diagnostic est que le projet européen échouera sans changement des processus de décision, sans passage d’une organisation confédérale à une organisation fédérale. L’architecture actuelle favoriserait la prise de décision permettant de rejeter la faute sur les autres, plutôt que la fabrication de solutions mutuellement avantageuses. Ce livre peut finalement être lu comme un témoignage polémique sur un sujet crucial pour l’avenir de l’Union.

Vincent Bignon

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Green Parties in Europe

Tue, 13/12/2016 - 11:38

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Florence Faucher propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Émilie van Haute, Green Parties in Europe  (Routledge/Université libre de Bruxelles, 2016, 338  pages).

L’écologie politique et électorale a plus de 40 ans, et les partis qui l’incarnent sont bien installés dans l’espace politique européen. Ils sont entrés au Parlement européen, dans les parlements nationaux, dans les conseils locaux et régionaux avec une grande diversité de labels, de projets et d’alliances. Ils ont également participé à des gouvernements de coalition dans neuf pays de l’Union européenne. Pourtant, la question de l’unité de la famille politique verte demeurait peu expliquée systématiquement, en partie parce que l’on ne disposait pas de données comparatives suffisantes. Émilie van Haute a réuni une équipe d’experts internationaux, familiers pour certains de ces organisations depuis plus de 20 ans, pour proposer un bilan des savoirs sur les partis verts. Leur travail démontre l’existence d’une famille partisane nouvelle à part entière.

Le travail éditorial et de direction est remarquable. Introduction et conclusion encadrent de manière stricte et concise des chapitres eux-mêmes assez courts, qui donnent un panorama synthétique des évolutions, mais aussi réflexif et analytique mettant en lumière les points névralgiques des organisations considérées. L’ouvrage est divisé en deux parties. La première comprend dix études de cas portant sur un seul parti (comme EELV ou Die Grünen), ou comparant deux ou trois partis (les partis belges, scandinaves ou d’Europe du Sud), ou le groupe du Parlement européen. Bruno Villalba analyse ainsi les tensions internes aux Verts français et leurs difficultés à construire l’unité du mouvement politique. Niklas Bolin interroge l’apparent succès des écologistes suédois et finlandais qui partagent des visions très proches mais dont les succès sont étroitement dépendants des contextes institutionnels dans lesquels ils évoluent (le parti suédois est contraint par les résultats du partenaire social démocrate ; les Finnois ont participé à plusieurs gouvernements de coalition et l’élection présidentielle a pu leur servir de vitrine).

Les quatre chapitres de la deuxième partie présentent des précisions précieuses pour qui aspire à une vision d’ensemble de cette famille. Ils analysent par exemple les entrées et sorties des coalitions, mettent en lumière la nécessaire phase d’apprentissage institutionnel qui permet de négocier alliances électorales, portefeuilles ministériels et concessions politiques. Ils soulignent les traits identitaires des écologistes et leurs difficultés à conserver à la fois leur autonomie, leurs différences (y compris en tant qu’organisations résistant à la professionnalisation politique). Benoît Rihoux analyse l’institutionnalisation des rebelles d’autrefois, en s’attachant particulièrement aux effets sur les implications organisationnelles.

Au final, cet ouvrage est un excellent exemple de travail cumulatif et comparatif. Il est plus qu’une collection de chapitres disparates et est à la hauteur de son ambition : passer l’écologie politique européenne au crible de la science politique. On regrettera néanmoins l’absence d’un chapitre sur les effets de ces partis sur les systèmes partisans et sur les programmes électoraux de leurs adversaires et partenaires de coalition. Peut-on attribuer à l’écologie électorale le verdissement (modeste) des partis de gouvernement ? Si cet impact existe, est-il lié aux nécessités de la compétition électorale, ou à la capacité des Verts à négocier des accords de gouvernement ?

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Le Système monétaire européen après cinq ans

Mon, 12/12/2016 - 11:17

Cette semaine, nous vous proposons de (re)découvrir un autre texte marquant de la revue Politique étrangère, écrit par l’ancien Premier ministre Raymond Barre : « Le Système monétaire européen après cinq ans », publié dans le numéro de printemps 1984 (n°1/1984).

Raymond Barre (1924-2007) a occupé le poste de Premier ministre de 1976 à 1981. Il a également été ministre de l’économie, vice-président de la Commission européenne chargé des affaires économiques et financières, député du Rhône et maire de Lyon. Il est parfois présenté comme « le meilleur économiste » de sa génération.

« Le Système monétaire européen fonctionne maintenant depuis cinq ans. C’est un beau succès pour une réalisation communautaire qui suscita au départ beaucoup de scepticisme, sinon d’hostilité. Le SME marquait l’aboutissement d’un long effort pour doter la Communauté d’une organisation monétaire qui lui permette d’affirmer son originalité et de rechercher la stabilité. C’est en février 1969, alors que l’on pouvait déjà pressentir ce que l’on devait appeler plus tard la « crise monétaire internationale », que j’avais présenté au nom de la Commission des Communautés européennes, des propositions en vue d’organiser une coopération économique et monétaire plus étroite entre les Six. Ce fut à l’époque une proposition tenue pour insolite. La réponse fut donnée en termes de surenchère : pourquoi faire preuve de tant de timidité et de prudence alors que la Communauté devrait devenir à terme une Union économique et monétaire ! De sommets en conseils, on discuta avec une imagination plus inhibitrice que créatrice les conditions et les étapes d’une telle Union. Alors naquit le « Serpent dans le tunnel », puis le « Serpent sans tunnel » ; puis le « Serpent » perdit quelques-uns de ses anneaux au beau milieu des vicissitudes monétaires internationales, liées aux difficultés du dollar et au premier choc pétrolier. Un mouvement récurrent de va-et-vient saisit notamment le franc français entre 1974 et 1976. Au lendemain des élections législatives françaises de mars 1978, l’équilibre extérieur français ayant été rétabli, le franc français ayant été stabilisé, les perspectives économiques et politiques françaises paraissant mieux assurées, le président Giscard d’Estaing et le chancelier Schmidt décidèrent de relancer le projet d’organisation monétaire de la Communauté.

Grâce à la volonté et à la force de persuasion du chancelier de la République fédérale, les réticences allemandes, à de nombreux niveaux, furent surmontées. Le Système monétaire européen fut mis en place, seule la Grande-Bretagne décidant de rester à l’écart du régime de changes stables, mais ajustables, qui est l’un des éléments constituants de ce système. La Grande-Bretagne acceptait cependant le principe du SME et la livre sterling était prise en compte dans la définition de l’unité de compte du système, l’ECU. Ce qui avait été cependant décisif, c’était la volonté commune franco-allemande, reposant sur une plus grande convergence des conceptions économiques et des politiques économiques. Entre mars 1979 et mai 1981, la stabilité du deutschmark et du franc français allaient permettre une évolution ordonnée et satisfaisante du SME. A partir de mai 1981, les fortunes du franc français furent plus changeantes. Le SME fit alors preuve d’une grande souplesse d’adaptation, tandis qu’il apparaissait de plus en plus comme un butoir aux excès de certaines politiques économiques incompatibles avec la logique interne et les disciplines de la Communauté. Mais le SME est devenu en même temps un instrument efficace au service de l’Union des pays de la Communauté : aussi bien par la stabilité économique et monétaire qu’il tend à promouvoir au sein de la Communauté et au sein des relations monétaires internationales, que par le rôle que commence à jouer et que semble devoir de plus en plus jouer l’ECU. […] »

Pour lire l’article en intégralité, cliquez ici.

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Terrorisme et mondialisation

Fri, 09/12/2016 - 11:10

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). François Thuillier propose une analyse de l’ouvrage de Jenny Raflik, Terrorisme et mondialisation. Approches historiques  (Gallimard, 2016, 416  pages).

L’analyse du phénomène terroriste souffre de nombreuses lacunes. Parmi elles, une certaine forme de paresse intellectuelle qui consiste à limiter sa pensée à la visée de son regard. Là où les politistes l’imaginent en complot ou en stratégie, les sociologues y voient le produit de rapports de force collectifs, et les psychologues de trajectoires individuelles disloquées. Les orientalistes essentialisent autour des marges honteuses d’une religion, et tous, finalement, abandonnent les praticiens de la lutte antiterroriste aux thèses souvent les plus bruyantes et les plus simplificatrices. Les anthropologues se taisent encore (s’agissant pourtant d’une violence archaïque, d’une loi du sang clanique). Mais ce n’est plus le cas des historiens, et ils sont les bienvenus tant la mise en perspective d’un événement aide à sa compréhension.

Ne nous ont-ils d’ailleurs pas déjà appris que le premier acte terroriste remontait à la mise en scène de l’assassinat de Cicéron par les hommes de main d’Antoine, ou encore que la première guerre contre le terrorisme fut menée par Pompée le Grand qui, après l’attaque du port d’Ostie par des pirates, se lança dans une campagne militaire pour installer ses comptoirs sur le pourtour méditerranéen et assurer sa carrière politique ? Mais Jenny Raflik fait preuve ici de moins d’audace, prenant par exemple la mondialisation comme une donnée de nature des relations internationales, oubliant ses ressorts politiques, et faisant de même pour la coopération antiterroriste.

Nous sommes pourtant en présence d’un ouvrage ambitieux, alerte, documenté et pédagogique. Il apportera au néophyte une somme ordonnée et sérieuse de connaissances, mais au spécialiste un cas d’école des contraintes académiques qui pèsent sur un tel sujet. Faute d’avoir pertinemment défini celui-ci, d’avoir suffisamment diversifié ses sources (la surreprésentation de notes déclassifiées de la NSA laisse perplexe), et de s’être assez projeté dans le passé – alors que c’est justement les rares fois où il se lance en deçà du xxe siècle qu’il s’avère le plus convaincant –, l’auteur réduit son travail à l’étude du terrorisme anti-occidental depuis une trentaine d’années au travers des yeux américains… D’où d’inévitables raccourcis et stéréotypes.

Alors, certes, l’auteur pose les bonnes questions – pourquoi parle-t-on de terrorisme « global » depuis le 11 septembre 2001 ? – mais sans y voir autre chose qu’une concomitance. Certes, on souligne les difficultés à saisir le profil des terroristes, mais sans renoncer pour autant à leur caractérisation. Et puis, sur un tel sujet, peut-on réellement expédier en 13 pages (sur près de 400) l’influence des médias sur le phénomène terroriste, pourtant constitutive ? Enfin, ce travail a malheureusement été rédigé avant l’acmé de Daech, qui offre aujourd’hui en creux à l’Occident sa face la plus primitive, son masque le plus terrifiant.

Reste que cet ouvrage est parsemé de ces mille petits événements historiques qui viennent encore parfois éclairer notre actualité. Comme le vote de cet Anarchist Exclusion Act de 1903, adopté aux États-Unis après le meurtre du président McKinley afin d’empêcher l’immigration anarchiste, alors que l’assassin était simplement né à Détroit de parents immigrés polonais.

François Thuillier

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Die Ordnung der Welt

Thu, 08/12/2016 - 16:04

Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Hans Stark, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage d’Ulrich Menzel, Die Ordnung der Welt  (Suhrkamp Verlag, 2015, 1232  pages).

L’ouvrage d’Ulrich Menzel (« L’Ordre du monde ») propose une analyse magistrale consacrée à l’architecture de sécurité politique et économique du monde du Moyen Âge à nos jours. Politologue et professeur des universités à Brunswick, l’auteur tente de montrer quels facteurs permettent de structurer l’ordre international dans un monde anarchique dépourvu de structure de pouvoir à l’échelle planétaire. Pour Menzel, l’ordre réside dans l’anarchie et repose sur l’interaction entre les puissances et les empires qui ont politiquement et économiquement dominé le monde à un moment donné. Pour le démontrer, il analyse sur une période de plus de mille ans les structures hiérarchiques, hégémoniques et impérialistes qui ont successivement émergé et contribué à la naissance d’un ordre à la fois régional et mondial.

Les choix effectués par l’auteur peuvent paraître arbitraires, l’analyse étant limitée à :

  • – L’empire de la dynastie Song (960-1204)
  • – L’expansion mongole (1230-1350)
  • – La domination des républiques de Gênes (1261-1350) et de Venise (1381-1503)
  • – La dynastie Ming (1368-1435)
  • – Le temps des découvertes et des conquêtes portugaises (1494-1580) et espagnoles (1515-1919 et 1648-1659)
  • – L’empire ottoman (1453-1571)
  • – L’expansion néerlandaise (1609-1713)
  • – La France absolutiste (1635-1714)
  • – L’empire britannique (1692-1919)
  • – Les États-Unis, superpuissance bienveillante (1919-2035)

Il est intéressant de relever que, dans la liste des puissances hégémoniques analysées ne figurent ni l’Union soviétique, ni le Reich allemand ou l’Allemagne nazie. Pourtant, l’un et l’autre, et surtout l’URSS, ont dominé leurs espaces respectifs pendant des décennies. Certes, la quête allemande d’une hégémonie régionale, voire mondiale, fut plus brève que celle de l’URSS qui a exercé son hégémonie sur l’Europe de l’Est pendant un demi-siècle. Mais ce n’est pas la raison principale qui pousse l’auteur à faire l’impasse sur Moscou ou Berlin. L’argument, qui pour Menzel légitime le rôle hégémonique d’une puissance, est d’abord qu’elle s’inscrit dans un temps long – ce ne fut le cas ni du Reich allemand ni de la Russie soviétique –, et qu’elle contribue à la stabilisation de l’architecture mondiale en fournissant « des services » à l’humanité dans les domaines politique, économique, culturel ou scientifique. Cela n’interdit certes nullement le recours à la force ni l’usage de la force militaire à des fins politiques ; mais dans l’ensemble le bilan de chacune des puissances listées et analysées par l’auteur s’avère « globalement positif ».

[…]

Vu sous cet angle, le monde a connu une structure de domination hégémonique quasi ininterrompue depuis le xe siècle jusqu’à nos jours. Toutefois, pour Menzel, puissance n’égale pas toute-puissance. Les puissances qui s’appuient sur des empires, sur la force militaire pure, sur la conquête sans souci de stabilisation post-conflictuelle sont celles qui disparaissent le plus rapidement. Ce fut le cas des empires des Mongols, des Espagnols ou des Français. En revanche, les puissances, la plupart de temps maritimes par ailleurs, dont l’objectif n’a pas été d’établir un pouvoir impérialiste, mais plutôt une politique hégémonique plus ou moins tolérée par les partenaires, sont aussi celles dont l’action a pu s’inscrire dans la plus longue durée. Les exemples les plus évidents de ce point de vue sont ceux des républiques de Gênes et de Venise, de l’empire portugais et des Pays-Bas – quatre États ou Villes-États dont les ressources propres, à la fois démographiques et économiques, n’étaient pas naturellement destinées à l’expansion. Exceptions à la règle : la Grande-Bretagne et les États-Unis, dont la domination a reposé à la fois sur le soft power et sur le hard power, la première ayant constitué l’empire par excellence. L’affaire est déjà plus complexe pour les États-Unis, super-puissance démocratique qui a su, depuis 1945, livrer un bien public inestimable : la sécurité globale.

Ces quelques commentaires ne suffisent pas à rendre hommage aux plus de 1 200 pages d’un très grand livre d’histoire et de science politique. Superbement écrit et clair, cet ouvrage trouvera vite, espérons-le, un traducteur et un éditeur courageux en France.

Lire l’intégralité de la recension ici.

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Brexit : Que s’est-il passé ? Que va-t-il se passer ?

Wed, 07/12/2016 - 10:35

C’est la saison des cadeaux et Politique étrangère ne se prive pas de vous faire plaisir ! Nous vous offrons à la lecture un second article du nouveau numéro (n°4/2016) : « Brexit : Que s’est-il passé ? Que va-t-il se passer ? », par Jolyon Howorth et Vivien Schmidt.

Le Brexit est à bien des égards l’accident qu’on attendait. Voici des décennies que les Britanniques sont soumis à un régime de fausses vérités eurosceptiques, diffusées par des élites médiatiques et politiques qui n’ont jamais tenté de montrer les aspects positifs du projet européen. La campagne du référendum a opposé ceux qui expliquaient pourquoi le Royaume-Uni devait quitter l’Union européenne, à ceux qui expliquaient pourquoi il ne devait pas la quitter. Les raisons de rester, les traits positifs de l’UE ont été oubliés. Mais le résultat du vote pourrait avoir, pour le Royaume-Uni comme pour l’Union européenne, mais aussi pour les relations transatlantiques – et donc pour l’ordre international libéral lui-même – des conséquences incalculables.

Le poids du passé

Le 11 novembre 1944, Winston Churchill rendait une visite symbolique à Charles de Gaulle pour commémorer l’armistice de 1918. Le général avança alors que si la France et le Royaume-Uni avaient eu de la guerre des expériences très différentes, les deux pays n’en étaient pas moins, à mesure que sa fin approchait, objectivement dans la même situation : d’anciens empires et de solides civilisations, mais des puissances moyennes et ruinées financièrement. Pourquoi, exhortait de Gaulle, ne joindraient-ils pas leurs forces et ne dirigeraient-ils pas ensemble une superpuissance européenne ? Churchill partageait l’analyse de de Gaulle, mais, remarqua-t-il, le Royaume-Uni avait, à la différence de la France, une autre solution : le lien transatlantique. La Grande-Bretagne manqua le coche à cette occasion et continua dès lors de le manquer. Le Brexit est la dernière manifestation – quoique sans doute la plus alarmante – des relations tortueuses, et pour finir ratées, du Royaume-Uni avec l’Europe. […]

La situation politique produite par le Brexit

Une majorité d’électeurs anglais et gallois ont rejeté les arguments du Remain, tandis que l’Écosse et l’Irlande du Nord s’y montraient favorables. La stratégie du gouvernement conservateur a essentiellement consisté à instiller la peur des conséquences délétères pour l’économie d’un vote en faveur d’une rupture avec l’UE. Cette approche négative, impuissante à décrire les bonnes raisons qu’auraient les électeurs britanniques de rester dans l’UE, n’est pas parvenue à convaincre. Si les économistes et les experts jugeaient qu’en quittant l’Union le Royaume-Uni courrait au désastre, on entendit jusque dans la City des voix – et non des moindres – se déclarer en faveur d’un départ de l’UE, en dépit des inquiétudes suscitées par la perte éventuelle des droits liés au « passeport financier », qui pénaliserait les transactions avec le continent. Un argument fut souvent repris : si Cameron pensait vraiment qu’un vote pour la séparation conduirait à la catastrophe, pourquoi avait-il déclaré, durant les négociations avec l’UE, qu’il ferait lui-même campagne pour le Leave s’il n’obtenait pas satisfaction ? Et, poursuivait-on, si tout cela était d’aussi mauvais augure pour la Grande-Bretagne, pourquoi, d’abord, avoir décidé de la tenue d’un référendum ? La réponse était que le référendum ne concernait pas tant l’UE que le Parti conservateur lui-même : en annonçant sa tenue, Cameron cherchait surtout à panser les plaies de son parti, divisé entre des membres de plus en plus eurosceptiques et des europhiles de moins en moins nombreux, mais aussi miné par le glissement des électeurs conservateurs vers le UKIP (United Kingdom Independence Party). Mauvais calcul.

[…]

Se pencher sur les inquiétudes des Brexiters n’implique pas qu’on doive leur céder, pas plus qu’on ne doit laisser la porte ouverte aux appels des populistes qui entendent organiser dans toute l’Europe des référendums de sortie. Cela signifie repenser l’UE, d’une façon qui puisse répondre aux mécontentements par la créativité institutionnelle, par un new deal encourageant la poursuite de l’intégration tout en respectant les citoyens qui souhaitent un meilleur contrôle national et plus de démocratie.

La Grande-Bretagne s’est mise avec le Brexit dans une situation inextricable. Il n’est pas impensable qu’après quelques décennies d’isolement humide au milieu de la mer du Nord, mal-aimé et peu apprécié du reste du monde, le Royaume-Uni – vers le milieu du xxie siècle – décide de re-présenter une demande d’adhésion à l’Union européenne, en accepte toutes les obligations, et devienne le plus discipliné et le plus enthousiaste de ses membres.

Lisez l’article dans son intégralité ici.

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Russie/OTAN : maîtriser la confrontation

Tue, 06/12/2016 - 08:00

Suite au sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir l’article du numéro d’hiver 2016 de Politique étrangère que vous avez choisi : « Russie/OTAN : maîtriser la confrontation », par Dmitri Trenin.

« Le sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Varsovie en juillet 2016 a concrétisé dans le domaine militaire les décisions politiques annoncées au sommet de Newport (pays de Galles) de septembre 2014, en réponse aux actions conduites par Moscou en Ukraine. La confrontation politico-militaire est donc de retour en Europe après un quart de siècle de « grandes vacances » qui a vu, après la fin de la guerre froide, la coopération régner en matière de sécurité. Cette nouvelle confrontation, à l’allure bien connue, est sans doute vouée à durer, et affectera lourdement la sécurité de tous les pays européens, membres de l’OTAN ou non. Il faut prendre la pleine mesure de cette situation pour, dans un premier temps, maîtriser les risques immédiats et très réels qui en découlent et, dans un second temps, trouver les moyens de stabiliser une situation sécuritaire dégradée en Europe.

Dans leur état actuel, les relations américano-russes et les relations Russie/OTAN sont souvent comparées à ce qu’elles furent durant la guerre froide – ce qui est trompeur. La confrontation d’aujourd’hui est très éloignée du conflit qui a opposé l’Union soviétique aux États-Unis des années 1940 aux années 1980, marqué par un affrontement idéologique fondamental, la réalité infranchissable du Rideau de fer, un isolement économique quasi-total, et la menace permanente d’une apocalypse nucléaire. La situation présente est très différente, mais elle peut s’avérer tout aussi dangereuse. À recourir à l’analogie de la guerre froide, on s’incite à redouter des dangers qui ne reviendront pas – en s’interdisant de voir ceux qui menacent réellement.

Une nouvelle division de l’Europe

Aux yeux de Moscou, l’OTAN est de nouveau l’instrument principal de la présence militaire et de la domination politique américaines en Europe. Le Kremlin rejette farouchement les jugements occidentaux sur la politique russe en Crimée et en Ukraine, qui serait la cause centrale du renouveau de l’OTAN. Pour Moscou, c’est bien au processus d’élargissement de l’OTAN vers l’est, ouvert voici 20 ans, qu’il faut attribuer la rupture de la coopération de sécurité entre la Russie et l’Occident dans les années 1990 et 2000. Le président Poutine a explicitement identifié l’usage de la force militaire en Crimée en 2014 comme une action préventive contre une éventuelle accession à l’OTAN de l’Ukraine post-Maïdan.

Les décisions prises à Varsovie en 2016 avaient été publiquement discutées et n’ont pas surpris Moscou, qui a eu tout loisir de les analyser calmement ; elles n’ont donc pas, en elles-mêmes, ouvert de nouvelle crise. Le total des quatre bataillons nouvellement déployés par l’OTAN dans les trois États baltes et en Pologne, en plus d’une brigade multinationale déployée en Roumanie, sont très loin du contingent d’un million d’hommes qui a longtemps stationné en Allemagne de l’Ouest. La Force de réaction de l’OTAN, avec six nouveaux postes de commandement installés dans les États de l’est de l’Alliance, ne constitue pas une menace immédiate pour la Russie. Moscou suit de près les exercices plus fréquents conduits par l’OTAN près des frontières russes, mais ne peut les interpréter comme la préparation secrète d’une invasion imminente… »

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Le système mondial : réalité et crise

Mon, 05/12/2016 - 11:31

Découvrez cette semaine un autre texte marquant de la revue Politique étrangère, reflet de l’exposé présenté lors du colloque franco-iranien du 4 et 5 juillet 1978 au Centre d’études de Politique étrangère : Marcel Merle, « Le système mondial : réalité et crise », publié dans le numéro d’hiver 1978 (n°5/1978).

Marcel Merle (1923-2003) a été un des pionniers de l’étude des relations internationales en France.  Agrégé de droit public en 1950, il s’engage dans une carrière universitaire. Il a notamment été directeur de l’Institut d’études politiques de Bordeaux et professeur à l’Université Paris 1. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence dont Sociologie des relations internationales (1974) et La Politique étrangère (1984).

« Ce bref exposé introductif n’a pas d’autre objet que de planter le décor qui doit servir de toile de fond à nos débats. Il ne prétend nullement présenter un tableau exhaustif ni, surtout, définitif de la situation mondiale. Mais il permettra peut-être, par les réactions qu’il provoquera, de dégager le minimum d’accord nécessaire à l’interprétation correcte des problèmes locaux ou régionaux qui intéressent plus directement les participants au Colloque.

Les réactions à prévoir sont d’autant plus normales que le point de vue présenté en guise d’introduction sera forcément empreint de subjectivité. Contrairement à une opinion assez répandue, le point de vue de Sirius n’existe pas. Existerait-il, qu’il serait d’ailleurs partiel et falsifié puisqu’il ne pourrait prendre en compte ce qui se passe du côté de la « face cachée de la terre ». Tout observateur est situé, topographiquement, politiquement et idéologiquement, quels que soient ses efforts en vue d’atteindre à l’objectivité. Le seul point commun entre tous les participants réside dans la simultanéité des points de vue. Mais la coïncidence dans le temps ne suffira certainement pas à abolir la diversité des appréciations. Cette diversité constituant une richesse, il importe que les propos émis au début du Colloque ne soient pas traités comme des conclusions mais comme des propositions à débattre.

Pourquoi placer ces réflexions sous le vocable de « système » ? La question n’est pas indifférente. Pour qualifier le même exercice, on se serait contenté, autrefois, de parler d’analyse de situation. Dans une certaine mesure, il est vrai que l’utilisation du terme de système constitue une certaine concession à la mode : chacun sait que la théorie des systèmes connaît actuellement une grande vogue, et certains croient pouvoir, en se parant de ce vocable, donner plus de poids à leurs opinions. S’il ne s’agissait que de cela, mieux vaudrait renoncer à l’usage d’un terme qui n’aurait pas d’autre valeur que celle d’une étiquette ou d’une couche de peinture. Dans mon esprit, le terme de système est un outil de travail qui a déjà le mérite de nous dispenser d’utiliser d’autres concepts beaucoup trop ambitieux (comme celui de « société internationale ») ou beaucoup trop vagues (comme celui de « relations internationales »). En dehors de cette vertu négative, le temps de système a l’avantage de nous astreindre à rechercher, dans la confusion que nous offre le spectacle de la réalité, un minimum de cohérence dans la configuration des forces et dans le mode de fonctionnement des relations entre ces forces.

À partir de cette incitation, il est possible d’établir rapidement l’existence d’un système international pour mieux analyser ensuite la nature et la signification de la crise qui affecte actuellement la vie de ce système. […] »

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Politique étrangère vous offre un cadeau !

Fri, 02/12/2016 - 10:53

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PE 4/2016 en librairie !

Thu, 01/12/2016 - 08:30

Le nouveau numéro de Politique étrangère (4/2016) vient de paraître ! Il consacre un dossier complet à la Méditerranée, tandis que le « Contrechamps » propose à travers les articles de Dmitri Trenin et de Jean-Paul Palomeros un état des lieux de l’après-sommet de Varsovie, en examinant notamment le discours de la Russie. Enfin, comme à chaque numéro, de nombreux articles viennent éclairer l’actualité, comme le Brexit et ses conséquences ou encore le bilan de la politique étrangère d’Obama.

Au croisement des secousses et des crises : la Méditerranée. Déstabilisations sur la rive sud, flux migratoires incontrôlés, rivalités larvées à l’est pour l’exploitation des ressources énergétiques, présence militaire simultanée de toutes les grandes puissances (de Washington à Pékin sans oublier Moscou…), affirmation croissante des puissances régionales… Mare nostrum est plus que jamais agitée, éclatée. D’ailleurs, fut-elle jamais le bassin uni dont rêvèrent trente années de politiques européennes – des politiques de bonne volonté, mais dont l’échec en dit beaucoup sur ses complexités. Comment penser cette Méditerranée-là, qui reste le centre de tous les dangers ?

La crise ukrainienne semble rabattre l’Alliance atlantique sur un métier initial quelque peu oublié : la défense des États membres. Le sommet de Varsovie de juillet 2016 a voulu exprimer très officiellement une remobilisation de l’OTAN. Plus limité et raisonnable qu’on ne le dit, le nouvel effort de défense occidental sur le Vieux Continent fera-t-il sa place au dialogue avec Moscou ? Ce dialogue est, en tout cas, ouvert largement dans ce numéro de Politique étrangère.

Coincés entre le Brexit et l’élection de Donald Trump, les Européens pourraient bien devoir rapidement, au-delà des décisions de l’OTAN, se poser la question de leur propre dispositif de défense. Un article du Secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale s’interroge sur les pistes possibles et réalistes. Tandis qu’une autre contribution explore l’avenir du Brexit : fin d’une Europe, commencement d’une autre ?

* * *

Découvrez la présentation vidéo de Dominique David :

Découvrez le sommaire complet ici.

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Lisez gratuitement l’article de Jolyon Howorth et Vivien Schmidt, « Brexit : Que s’est-il passé ? Que va-t-il se passer ? », ici.

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L’Algérie ou les faux dilemmes

Mon, 28/11/2016 - 08:00

Découvrez cette semaine un autre texte marquant de la revue Politique étrangère, qui éclaire rétrospectivement les dilemmes et contradictions de la guerre d’Algérie : Jacques Berque, « L’Algérie ou les faux dilemmes », publié dans le numéro d’hiver 1956 (n°6/1956).

La crise algérienne divise là France entre partisans de la violence ou de la négociation. On nous propose de combattre sans nous dire en vue de quoi, ou de traiter sans dire sur quoi. Sans doute, ces incertitudes traduisent-elles une juste émotion. Vous optez pour l’une ou pour l’autre attitude, selon qu’en vous prévaut l’horreur de l’attentat ou celle de la répression. Vous optez aussi entre deux raisons, mais ce ne sont que deux instincts : celui de préserver, sur cette terre algérienne, ce que nous y avons mis de notre être, ou celui d’approuver, dans l’adversaire du moment, l’élan vers cette liberté qui nous tient, en quelque sorte, par obligation de famille. De façon plus calculée, les uns pensent que la force, les autres que la concession sera plus propre à « sauver ce qui peut être sauvé ». Ces attitudes sont toutes deux légitimes. Je ne leur reproche pas d’être contradictoires, de se laisser dominer à l’excès par la tendance ou l’événement. Je ne veux les juger et, partant, décider entre elles que sur l’argument de leur adhérence au réel, donc de leur valeur constructive.

L’Algérie, vue de près, est chose vivante et vivace. Une chose sans commune mesure avec l’expérience coloniale s’y consomme. Une synthèse y est en marche. On ne sait ce qui viendrait s’y substituer si l’ordre français venait à disparaître. Le spectacle de certains autres pays n’est pas, il faut le dire, rassurant à cet égard. Voilà ce que ressentent, d’emblée, le jeune soldat, convié à des risques sans panache ; le fonctionnaire, syndicaliste d’origine, socialiste et antimilitariste de jadis. Ils se laissent, au bout de peu de temps, convertir par Alger à ce qu’ils y constatent : à tout le moins une existence qui a le mérite d’exister. Dans la lutte, un vieil esprit de conquête se réveille. Au mieux, on se dit qu’en toute hypothèse il faut défendre la jeune fille sur le pas des portes, le consommateur des petits bars ; qu’il faut que les trains arrivent et que les écoles fonctionnent. La « présence » de l’Algérie est assez puissante pour former (ou déformer) en quelques mois l’intellectuel métropolitain. Cette « présence » est un fait, qu’une rapide association d’idées identifie à la prépondérance française. Et voilà comment on passe à la répression. On ne cherchera plus qu’à prolonger ce siècle de prépondérance, mais sans savoir vers quoi, ni comment. Et de justes sensations vous mènent à l’absurde. L’un se réclame, paradoxalement, du collège unique qui submergera les non-musulmans ; l’autre promet le rétablissement de la démocratie après la répression. Démocratie dont le premier geste serait d’exiger cette indépendance que vous voulez exclure.

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Politique étrangère n° 4/2016 : votez pour (é)lire votre article préféré !

Wed, 23/11/2016 - 11:45

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Défense de la culture française par la culture européenne

Mon, 21/11/2016 - 11:20

Découvrez cette semaine un nouveau texte marquant de la revue Politique étrangère : l’article de Jean-Paul Sartre, «Défense de la culture française par la culture européenne», publié dans le numéro d’été 1949 (n°3/1949).

Philosophe et écrivain, Jean-Paul Sartre (1905-1980), est un intellectuel engagé, figure de proue de l’existentialisme et fondateur de la revue Les Temps Modernes (1945). Après la Seconde Guerre mondiale, il se rapproche du Parti communiste français (PCF) et participe à la fondation du Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR) dont il démissionne à l’automne 1949. En 1964, il refuse le prix Nobel de la littérature.

« La culture française, nous dit-on de tous côtés, est aujourd’hui menacée. On constate, un peu partout à l’étranger, une moindre influence de cette culture française et, au contraire, on se plaint, chaque jour, de l’importation d’idéologies étrangères en France qui, dit-on, risquent de faire craquer le cadre culturel traditionnel.

Notre culture est-elle menacée ? Peut-on la sauver, et comment ? Et tout d’abord, qu’est-ce, en général, que la culture ? Il n’est pas question, pour moi, de la définir et je voudrais seulement présenter quelques observations utiles à notre propos.

Si nous considérons une communauté à une époque quelconque (par exemple le milieu du XVIIIe siècle ou les années d’aujourd’hui), nous remarquons que, trop souvent, des époques de ce genre sont regardées comme un présent et, à la rigueur, comme un passé. On ne voit pas qu’elles sont aussi un avenir et un avenir à deux faces très différentes.

Actuellement, nous pouvons dire qu’il y a un avenir de notre présent constitué par un certain nombre de possibilités, de problèmes en cours, de recherches qui sont faites sur notre sol ou dans notre communauté par des groupes et des individus. Tel problème scientifique est en voie de solution. Telles réformes ou telles séries de réformes sont entreprises, tel roman fleuve, comme celui des Thibauld, est en voie d’achèvement, etc. En d’autres termes, nous avons là une sorte d’avenir qui fait partie de notre présent, qui revient sur lui pour lui donner un sens. En même temps, cette communauté se trouve engagée dans un avenir plus large qui peut être européen ou mondial et dans lequel, très souvent, l’avenir vient à elle sans qu’elle veuille ou qu’elle puisse facilement l’éviter. Dans ce cas-là, c’est l’action de l’avenir des autres sur elle-même qui s’exerce, car, en même temps que se poursuivent ces inventions, ces ouvrages ou cette peinture, existe, par exemple, la menace d’une guerre dans laquelle notre communauté risque d’être entraînée.

De sorte que nous sommes en face d’un double avenir : un avenir-destin qui est celui dans lequel nous sommes engagés avec plus ou moins de possibilités de l’éviter et un avenir libre qui est proprement le produit de cette communauté, son sens actuel et l’explication de son présent. […] »

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Extrémismes, populismes et nationalismes à l’assaut de l’Europe

Thu, 17/11/2016 - 11:56

La victoire du candidat populiste Donald Trump aux États-Unis nous pousse à nous interroger sur l’avenir de l’Europe. L’article de Jean-Dominique Giuliani, « Extrémismes, populismes et nationalismes à l’assaut de l’Europe », publié dans le numéro d’été de Politique étrangère (n°2/2016) offre à ce titre une analyse édifiante.

« Vue de l’extérieur, l’Europe reste un modèle d’état de droit, de libertés, d’un développement économique et social rarement atteint dans les sociétés modernes. De l’intérieur, les sociétés européennes sont traversées de doutes profonds. Ils montent à l’assaut de la construction politique qu’elles ont consenti à bâtir peu à peu après un XXe siècle suicidaire, qui aurait dû les chasser pour longtemps de l’histoire contemporaine.

De la fin du monde bipolaire, l’Europe ne s’est vraiment jamais remise. Pensée pour ramener la paix sur le continent des guerres, l’unification européenne, qui anticipait pourtant brillamment un mouvement fulgurant de globalisation et d’innovations technologiques, semble dépassée par ses propres espérances. Son inachèvement est la cause principale de ses difficultés. Son refus de la puissance la met à mal dans les rapports de force internationaux. Elle est l’objet de toutes les critiques, et focalise de puissants mouvements de gauche comme de droite, tenant à l’extrémisme, au populisme et à un réel retour du nationalisme. Si le premier pousse à l’adoption d’opinions et de conduites extrêmes, le populisme oppose en permanence et systématiquement le peuple aux élites, aux dirigeants et aux partis de gouvernement, cependant que renaît de ses cendres un nationalisme qui subordonne tous les problèmes à la domination hégémonique de la nation.

Ce sont bien ces phénomènes que l’on observe aujourd’hui sur le continent européen. Ils prennent la forme de contestations internes aux États, d’un discrédit des classes politiques et d’une critique violente et europhobe des institutions politiques de l’Union européenne. Tenter de les cerner exige de bien identifier leurs sources, de décrire précisément le tableau qu’ils nous offrent et d’en évaluer les limites, pour mesurer leurs chances d’accéder aux affaires. […]

Ce sont près d’une trentaine de partis populistes, extrémistes ou nationalistes qui pèsent aujourd’hui sur la vie politique en Europe. Leur classification entre ces trois catégories est évidemment sujette à caution, et s’il peut y avoir débat sur leur appartenance à l’une ou l’autre d’entre elles, il n’y aucun doute sur leur qualification dans cet ensemble global. Cinq d’entre eux appartiennent à un gouvernement ou le dirigent. Tous ont une réelle influence sur les discours politiques. Le tableau politique de l’Europe est donc particulièrement inquiétant. […]

L’interpellation populiste n’est pas une spécificité européenne. Elle est commune à tous les ensembles démocratiques et constitue pour eux un défi bien réel. Les mutations technologiques, économiques, culturelles et sociales, qui transforment sous nos yeux l’ordre mondial, imposent à l’évidence des changements majeurs dans l’exercice de la démocratie représentative. Dans ce maelström, la construction européenne est particulièrement interpellée du fait de son caractère original, inédit et inachevé. Son passé l’expose par ailleurs tout particulièrement au retour d’un nationalisme frileux, complètement dépassé par les réalités du monde. Les ressentiments ethniques, les frustrations historiques, les peurs ancestrales et les réflexes conditionnés des Européens, sédiments de l’histoire sur lesquels l’Union européenne s’est bâtie, constituent autant de risques susceptibles de peser sur l’évolution politique de l’Europe.

Les crises récentes nous montrent que les fondations en sont pourtant plus solides qu’il n’y paraît. Elles sont faits d’intérêts souvent partagés à défaut d’être acceptés comme communs, mais aussi d’engagements légitimes, de traités signés et appliqués, d’un droit très avancé, vraisemblablement assez souple pour supporter de vraies attaques, et suffisamment solide pour les contenir. Les mois et les années qui viennent vont les mettre à l’épreuve et apporter une confirmation ou un démenti à cette affirmation – il est vrai, optimiste. »

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L’évolution de la doctrine stratégique aux États-Unis

Mon, 14/11/2016 - 08:00

Pour continuer à célébrer le 80e anniversaire de Politique étrangère, nous restons cette semaine à l’heure américaine et vous proposons de découvrir un autre texte marquant de la revue : l’article de Henry Kissinger, « L’évolution de la doctrine stratégique aux États-Unis », publié dans le numéro de printemps 1962 (n°2/1962).

Henry Kissinger a été conseiller pour la sécurité nationale des États-Unis et Secrétaire d’État dans les administrations Nixon et Ford. Il a obtenu le prix Nobel de la paix en 1973 pour son rôle dans la négociation d’un armistice dans la guerre du Vietnam. En 1962, date de parution de son article dans Politique étrangère, Kissinger dirige les études de Défense à l’université Harvard.

« Depuis que je suis à Paris, après cinq semaines passées en Orient, j’ai eu de nombreuses conversations avec des amis français et je dois avouer que je suis frappé par l’étendue du désaccord et de l’incompréhension qui se sont développés entre nos deux pays. Je ne prétends pas fixer les responsabilités de cet état de choses. Je crois cependant qu’étant donné le temps que nous vivons, on ne peut concevoir d’avenir pour l’Occident sans la plus étroite collaboration entre les États-Unis et la France. Je ne puis concevoir que l’un ou l’autre de nos deux pays puisse se développer sans l’autre. Je crois que ni l’un ni l’autre de nos deux pays ne pourra éviter la destruction, si l’autre est détruit Je pense que les dangers auxquels nous aurons à faire face ne seront pas seulement le fait de l’Union soviétique ou de la Chine communiste. Je crois qu’au cours des dix ou quinze années qui sont devant nous, toutes les nations occidentales devront tenir compte d’une menace très sérieuse de la part de nouvelles nations, menace qui doit être étudiée avec le plus grand sérieux. Dans ces conditions, nous ne disposons pas de tant de ressources que nous puissions nous permettre de mener entre nous de guerre civile intellectuelle.

Telle est ma conviction personnelle et en conséquence tout ce que je dis doit être interprété comme venant de quelqu’un qui aimerait voir une France forte et la plus étroite relation entre nos deux pays.

Considérons maintenant les problèmes stratégiques qui ont suscité entre nous un certain malentendu. J’exposerai d’abord comment j’interprète la pensée américaine sur l’OTAN et comment la doctrine américaine envisage les divers efforts pour créer des forces nucléaires nationales. La doctrine stratégique américaine et en vérité la situation stratégique à laquelle elle s’appliquait, ont passé par trois ou quatre phases distinctes. La première est la période pendant laquelle les États-Unis possédaient le monopole de l’arme atomique et le monopole des moyens de transport de l’arme. Dans la seconde période, les États-Unis ne possédaient plus le monopole de l’arme nucléaire mais continuaient pratiquement à posséder le monopole des
moyens de transport de l’arme. Dans cette seconde période, les États-Unis auraient probablement pu remporter la victoire dans une guerre générale, soit en frappant les premiers avec les armes nucléaires (first strike), soit en frappant les seconds (second strike). Les forces de représailles des États-Unis étaient techniquement parlant invulnérables alors que les forces de représailles soviétiques étaient techniquement parlant vulnérables. […] »

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La Grande Guerre et le monde de demain

Fri, 11/11/2016 - 09:00

À l’occasion de la date-anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918, n’hésitez pas à relire le numéro spécial de Politique étrangère publié en 2014 pour le centenaire de la Grande Guerre : « 1914-2014. La Grande Guerre et le monde de demain » (Politique étrangère, n°1/2014).

« Nous avons vécu avec elle 100 ans durant. Qu’en faire maintenant ? La Première Guerre mondiale a créé son siècle, et elle nous parle toujours : de ce que nous sommes, de ce que nous serons.

Fondatrice d’un siècle : l’affaire est claire. Le débat sur les causes de la guerre reste ouvert aux polémiques et les publications récentes n’échappent pas au choc des arguments : facteurs politiques internes, dialectiques des alliances et des appareils militaires, affrontements de géopolitiques organicistes voyant la vie des États comme expansion de puissance continue, etc. Mais l’analyse de la mécanique du passage de la paix au conflit armé est vite dépassé. Le premier conflit industriel et total du champ international a modelé notre vision de la guerre, de la mobilisation intégrale des sociétés, de la dynamique technique au service de la guerre. Il a crée un « système de guerre » nouveau, des formes opérationnelles et tactiques, des appareils armés qui fonctionnent jusqu’à nos jours. Il a ouvert une réflexion de long terme sur les rapports entre le politique et le militaire, non seulement en termes d’autorité, mais dans la définition même de la stratégie : est-elle manière de gagner la guerre ou de gérer un affrontement global – politique – qui la dépasse de beaucoup ?  […] »

Lisez la suite de l’éditorial de ce numéro spécial en cliquant ici, et découvrez également en libre accès les articles de Jean-Pierre Chevènement, « La place de l’Europe dans le monde : d’hier à demain », et de Dorothée Schmid, « Turquie : le syndrome de Sèvres, ou la guerre qui n’en finit pas ».

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