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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 month 1 week ago

Le Royaume-Uni dans le flou

Fri, 09/06/2017 - 18:53

Jeudi 8 mai se sont déroulées les élections législatives au Royaume-Uni. Theresa May y a laissé sa crédibilité et sa majorité politique. L’analyse d’Olivier de France, directeur de recherche à l’IRIS.

Comment expliquer la défaite des Tories et le pari manqué de Theresa May d’organiser des élections anticipées ?

L’objectif premier de ces élections anticipées était de donner davantage de légitimité populaire et un mandat politique plus solide à Theresa May, afin qu’elle puisse entrer en négociation avec l’Union européenne (UE) en position de force. Rappelons d’une part qu’elle avait été nommée Première ministre par défaut, sans avoir été élue. D’autre part, qu’elle s’était opposée au Brexit – certes du bout des lèvres – dans le gouvernement de David Cameron. Non seulement l’objectif de ces élections n’a pas été atteint mais il s’est retourné contre elle. C’est donc un pari manqué pour May.

C’est la deuxième fois successive qu’un Premier ministre britannique convoque des élections sans y être contraint, et contre qui le vote populaire se retourne. Pourquoi depuis 2015 les dirigeants britanniques se tirent-ils des balles dans le pied sans y être contraints ? Est-ce dû à un manque de sens politique ? L’hypothèse avancée récemment par The Economist est un manque de qualité du personnel politique britannique. Theresa May a été nommée par défaut, justement parce qu’elle n’avait exprimé aucune opinion forte sur le sujet principal alors à l’ordre du jour, à savoir le Brexit. Jeremy Corbyn n’a certes pas beaucoup de charisme mais il a le mérite d’afficher des principes auxquels il se tient. La Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, est davantage charismatique et s’est proposée d’aider Corbyn à former une alliance progressiste, qui pourrait peut-être construire les prémices d’un Brexit moins dur. Quant au nouveau maire de Londres, il incarne un véritable renouveau et parait posséder un certain sens politique.

Avoir un sens politique signifie deux choses pour un dirigeant. Tout d’abord, être capable de comprendre son pays : notamment le fait qu’aujourd’hui, le Royaume-Uni est un pays parcouru de fractures, y compris aujourd’hui parfois au sein d’une même famille ou d’une même communauté. Deuxièmement, il faut un dirigeant qui ait conscience des enjeux internationaux qui pèsent sur son pays. Or, Theresa May n’a jamais compris Bruxelles et le fonctionnement de l’UE. Elle a mis six mois pour réaliser qu’elle serait contrainte de sortir du Marché unique et elle n’a toujours pas formulé de plan pour le Brexit.

Aujourd’hui, sans leader fort et dans un pays divisé, les dirigeants britanniques n’arrivent pas à sortir le Royaume-Uni de cette situation chaotique. Enfin, rappelons que le chaos politique actuel a été provoqué par les conservateurs puisque c’est David Cameron qui a convoqué le référendum du Brexit. Ce sont donc les conservateurs eux-mêmes qui l’y ont plongé au départ. Sans cette erreur non forcée, le pays n’en serait pas là.

Doit-on interpréter ce résultat comme un rejet des Britanniques de la voie du hard Brexit au profit de celle du soft ?

Pour l’instant, la première certitude est que ces élections vont retarder les choses du point de vue de Londres. Côté européen, Jean-Claude Juncker a déjà dit que l’UE était prête et que l’article 50 avait été activé. Le délai de deux ans est donc déjà en train de s’écouler. Or, avec ces élections, la formulation d’une position britannique est encore retardée. Va-t-elle s’effectuer dans le délai de deux ans ? Rien n’est moins sûr et le calendrier se resserre davantage. Ce scrutin a donc empiré la situation car la position de négociation du Royaume-Uni est maintenant encore plus faible.

La deuxième certitude, c’est que ces élections compliquent encore davantage la situation. Alors que Theresa May voulait raffermir sa position sur le Brexit par ces élections, elles l’ont affaiblie au final.

Comment se profile l’avenir politique du pays ?

Trois hypothèses sont envisageables. La première serait celle d’un gouvernement May construit avec le soutien des unionistes d’Irlande du Nord (DUP), qui sont pro-Brexit et très conservateurs. Dans ce cas, on passerait d’un gouvernement majoritaire à un gouvernement de coalition, ce qui serait un pis-aller par rapport à la situation précédente.

La deuxième option consisterait en un gouvernement travailliste soutenu par le Parti national écossais (SNP). On est loin de savoir si ce cas de figure est possible et quelles en seraient les conséquences. Même dans l’hypothèse où les travaillistes avaient obtenu la majorité absolue, il n’est pas sûr qu’ils aient pu remettre en cause le principe même du Brexit. Ils ont déclaré souhaiter respecter la souveraineté populaire. Au mieux, ils auraient pu adoucir le Brexit, notamment sur les questions d’union douanière, de Cour européenne de justice, etc.

Ces deux options auraient non seulement des conséquences sur le plan européen mais également sur le plan interne au regard de la question écossaise et de la question irlandaise. En effet, si le DUP s’allie avec les Tories, cela aurait des implications sur les questions de réunification entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Si le Labour Party s’allie avec et le SNP, cela aurait un impact sur les négociations pour un second référendum écossais. Les enjeux européens et internationaux sont donc inextricablement liés avec des conséquences à la fois à Bruxelles, à Edimbourg et à Belfast.

La troisième hypothèse serait celle d’un gouvernement conservateur minoritaire faible, qui ne parviendrait pas à gouverner et qui serait donc dans l’obligation de provoquer de nouvelles élections dès cet été.

Au final, alors que ces élections étaient censées clarifier les choses, elles les ont rendues encore plus floues, tant sur les négociations du Brexit, que sur le plan intérieur pour les questions écossaise et irlandaise. Ainsi, l’argument de campagne principal voire exclusif construit par Theresa May, qui se présentait comme la seule à proposer un leadership stable et ferme, est remis en question par ce scrutin de manière possiblement irrévocable.

L’Iran, pièce maîtresse de nombreux enjeux régionaux et internationaux

Fri, 09/06/2017 - 16:29

La République islamique d’Iran est régulièrement sous les feux de l’actualité diplomatique, de par son importance stratégique tant sur le plan régional qu’international. Le point de vue de Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS.

Trump, mise au ban du Qatar… Pourquoi la République islamique iranienne cristallise-t-elle beaucoup de tensions diplomatiques dans la région ?

Depuis plusieurs jours, beaucoup évoquent une crise diplomatique. Il s’agit, en réalité, bien plus d’une crise politique profonde, susceptible d’entraîner des conséquences économiques.

Contrairement à ce que l’on entend régulièrement, la véritable obsession que conçoit l’Arabie saoudite à l’égard de l’Iran ne s’explique pas essentiellement par des raisons confessionnelles, de rivalité sunnite-chiite, mais bien par des raisons politiques et géopolitiques. Si le paramètre religieux est bien sûr à prendre en compte, il s’agit d’un paramètre parmi d’autres. Riyad éprouve une véritable inquiétude, une peur même, à voir Téhéran s’imposer comme la force déterminante des équilibres régionaux dans les années à venir. Il s’agit donc d’une classique question de rapport de puissance.

L’inquiétude des Saoudiens est, en ce sens, compréhensible. L’Iran jouit d’une histoire multiséculaire et c’est probablement l’un des seuls pays de la région à posséder une tradition d’État, contrairement aux monarchies pétrolières arabes du Golfe. L’Iran compte par ailleurs 80 millions d’habitants, une main d’œuvre qualifiée, d’importantes richesses en hydrocarbures (gaz et pétrole), autant d’éléments objectifs de concurrence avec Riyad. Par ailleurs, si l’Iran est bien une république, islamique, une consultation électorale a eu lieu en moyenne tous les ans depuis la Révolution de 1979. S’il ne s’agit certes pas d’une démocratie à l’occidentale, le régime bénéficie d’une légitimité populaire, doublée d’une légitimité théocratique.

L’Iran va probablement s’imposer dans la région dans les 10-15 ans à venir, ce qui n’est évidemment pas du goût des Saoudiens. Raison pour laquelle ces derniers – avec les Israéliens et les néo-conservateurs américains, à l’époque opposés à Barack Obama – n’ont cessé de tenter d’empêcher, sans succès, la signature de l’accord sur le nucléaire en juillet 2015.
Depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump tente de détricoter méthodiquement ce qu’avait réalisé son prédécesseur. Dans cette veine, le président américain a prononcé un tissu de stupidités lors de sa visite officielle en Arabie saoudite, où il a notamment déclaré que l’Iran était le foyer du terrorisme. Depuis, des attentats, revendiqués par l’Etat islamique, ont frappé le Parlement iranien et le mausolée de l’imam Khomeini…

Trump a soutenu de façon inconsidérée la politique de Riyad, alors que nous savons parfaitement que des hommes d’affaires saoudiens – il ne s’agit pas d’accuser le gouvernement sans preuve – ont soutenu, notamment en Syrie, les groupes les plus extrémistes de la rébellion, des djihadistes. Le président américain ne devrait par ailleurs pas non plus oublier que lors des attentats du 11 septembre à New York, sur les 19 kamikazes qui sont allés s’écraser sur les Twin Towers 15 étaient d’origine saoudienne. Aussi, sans verser dans une comptabilité macabre, si des individus ou des groupes d’intérêt ont déjà directement soutenu des groupes terroristes, ils ne sont probablement pas iraniens mais plutôt issus de certaines monarchies arabes du Golfe.

Quelles peuvent être les conséquences de l’isolement de l’Iran entrepris par les États-Unis et par certains pays voisins ? Comment le régime peut-il réagir ?

Contrairement à ce que l’on entend fréquemment ces dernières semaines, l’Iran ne semble pas être un pays isolé, ce pour deux raisons. Premièrement, les tentatives de l’administration Trump, des Saoudiens et des Israéliens n’ont pas encore abouti. L’accord sur le nucléaire iranien en date du 14 juillet 2015 est encore en vigueur ; bien que Trump essaie de le vider de sa substance, cela s’annonce compliqué. Deuxièmement, dire que l’Iran est isolé traduit une vision américano-centrée ou occidentalo-centrée. Téhéran continue d’entretenir des relations importantes avec de grands pays tels que la Russie, la Chine, des pays d’Asie et d’Amérique du Sud. Quant à l’Union européenne, elle a eu un rôle positif – bien que tardif – dans la signature de l’accord du 14 juillet 2015 et elle devrait tenter d’approfondir la mise en œuvre de la réinsertion de l’Iran dans le jeu international. L’Iran est donc tout sauf isolé, même si de fortes pressions s’exercent à son encontre.

Non seulement l’Iran est un pays d’une importance géopolitique déterminante, c’est aussi une puissance potentiellement stabilisatrice. Aujourd’hui, les dirigeants iraniens ont tout intérêt à poursuivre leur réintégration dans le jeu régional et international.

Depuis près de deux ans, il y a eu beaucoup d’illusions côté iranien concernant les suites de l’accord sur le nucléaire, la population espérant que les investissements directs étrangers augmenteraient massivement en Iran. Mais la réalité est plus complexe, car nombre d’entreprises ou de banques françaises et européennes hésitent par exemple encore à investir en Iran par crainte de sanctions américaines. Les Européens devraient aujourd’hui faire preuve de plus de courage car il n’y a aucun intérêt à maintenir une politique d’ostracisme à l’égard de Téhéran, bien au contraire.

La réaction des Iraniens s’est déjà exprimée, le 19 mai dernier, lors des élections présidentielles puisque le président sortant, Hassan Rohani, a été réélu dès le premier tour. Or, sa ligne politique est celle d’une ouverture au reste du monde et d’une volonté de réinsérer le pays au sein de ladite communauté internationale, d’un point de vue économique, politique et diplomatique. Le peuple iranien a ainsi démocratiquement infligé une défaite à ceux qui restent en faveur d’une stratégie de la citadelle assiégée.

Quel rôle peut jouer l’Iran dans la lutte contre le terrorisme ?

L’Iran joue d’ores et déjà un rôle positif dans la lutte contre le terrorisme. En Syrie, Téhéran soutient certes Bachar al-Assad, ce qui marque une réelle divergence politique avec les Européens. Mais la question à poser consiste plutôt à se demander qui aujourd’hui en Syrie, voire en Irak, est notre ennemi principal ? Ce sont bien les groupes djihadistes, en particulier Daech, position qui a été défendue par François Hollande et désormais par Emmanuel Macron. Dès lors, nous sommes dans le même camp que l’Iran pour lutter contre cet ennemi commun ; cela n’exclut pas des divergences politiques concernant le régime d’Assad. En politique, il s’agit de faire preuve de réalisme et de hiérarchiser les défis et les objectifs. Les attentats ayant touché Téhéran indiquent également clairement que l’Iran est un ennemi de Daech, tout comme la France, le Royaume-Uni, etc.

Il est par ailleurs dans notre intérêt de raisonner politiquement avec l’Iran. Sur le dossier anti-terroriste, établir le maximum de contacts permettrait aux services de renseignements d’échanger des informations plus complètes, ce qui rendra la lutte contre le terrorisme plus efficace.

Notre intérêt n’est donc véritablement pas d’isoler l’Iran mais de tout faire pour le réintégrer pleinement sur tous les dossiers au sein de l’échiquier international et, par conséquent, de s’opposer à ceux qui s’opposent à cette vision. Dans le même mouvement il convient aussi, sans ultimatum ni condescendance, d’aider à l’élargissement des droits démocratiques individuels et collectifs dans ce pays.

« Les Torries paient leurs multiples revirements »

Thu, 08/06/2017 - 16:34

La majorité de Theresa May est-elle menacée ?

Quand Theresa May a annoncé la tenue des élections législatives anticipées, on prédisait un score très faible pour les travaillistes qui était placé sous un leadership chaotique. Aujourd’hui, la situation est très différente pour le Labour. Theresa May peut se trouver dans une situation moins avantageuse que prévu ce qui risque de fragiliser sa position notamment dans les négociations du Brexit.

Pourquoi ce revirement dans l’opinion ?

Normalement, le Brexit aurait dû être l’enjeu principal de cette campagne. Si cela avait réellement été le cas, on ne se poserait pas la question de la majorité ou non des conservateurs. Le Brexit n’a au final pas été le seul slogan de ces élections à cause notamment des attentats. Les travaillistes ont habilement pointé les revirements de Theresa May sur le Brexit. Cela leur a permis d’enfoncer un coin dans la crédibilité de Theresa May. En effet, dans l’équipe de David Cameron, elle avait d’abord fait campagne pour le «Remain» c’est-à-dire pour le maintien dans l’Union européenne, contre le Brexit.

La succession des attentats a-t-elle joué un rôle dans la campagne ?

Normalement ce genre de drame profite aux partis forts sur les questions de sécurité. Cette fois-ci, cela n’a pas été le cas pour les Torries à cause notamment de la position personnelle de Theresa May.

Pourquoi ?

Pendant sept ans, elle a été ministre de l’Intérieur et était donc en charge de ces questions. Aujourd’hui, il est difficile pour elle de se dissocier de ce qui a été fait alors qu’elle était aux manettes. On lui reproche des réductions des effectifs dans les forces de police et de sécurité. Tout cela met à mal sa cohérence et sa crédibilité. L’opinion publique se dit que si elle n’est pas cohérente sur des sujets aussi sensibles que la protection des citoyens britanniques, sera-t-elle cohérente lors des négociations sur le Brexit ?

Ce sont ces revirements qui la desservent aujourd’hui ?

Oui en partie. Défendre le maintien dans l’Union européenne puis négocier les modalités de départ est difficilement compréhensible. Par ailleurs, elle a aussi retiré une proposition contestée de contribution des seniors pour le financement de la santé. Autant d’accros qui comptent aujourd’hui.

Ce que les attentats de Téhéran pourraient changer au Moyen Orient en général et entre l’Arabie Saoudite et l’Iran en particulier

Thu, 08/06/2017 - 14:41

L’Iran a été la cible de deux attaques terroristes, ce mercredi, qui ont frappé le Parlement iranien et le mausolée de l’imam Khomeyni à Téhéran. Pour la première fois de son histoire, l’Iran a été la cible de l’Etat Islamique, qui revendique les attentats. Quelles peuvent être les conséquences de ce « djihadisme sunnite » pour le pays?

Cet attentat va sans doute être « utilisé » comme argument de politique intérieure par les « radicaux » qui viennent de subir une lourde défaire aux élections présidentielles avec la victoire de Rohani.

On peut penser qu’ils vont dire que du fait cet « attentat », il faut que l’Iran affirme une ligne « dure » dans la région et ne fasse aucune concession notamment sur les dossiers syrien et irakien. Pour les durs en Iran, Daesh est « manipulé » par les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite. Les radicaux vont donc accroître leur pression sur le président Rohani et tout faire pour qu’il suive une politique plus dure dans la région et vis-à-vis des occidentaux. L’un des principaux objets de discorde entre les modérés et les radicaux est que ces derniers disent qu’il n’est pas question de faire un Barjam (nom en persan de l’accord sur le nucléaire) 2 ou 3 ou 4 à propos d’autres questions (comme éventuellement la Syrie). Ils signifient ainsi qu’il ne faut plus que l’Iran fasse de concessions dans le domaine diplomatique, notamment vis-à-vis des Etats-Unis. Or, lors de la campagne présidentielle, Rohani a promis qu’il ferait lever le reste des sanctions qui pèsent toujours sur l’économie iranienne. Or, ces sanctions viennent des Etats-Unis et y mettre fin impliquerait donc des négociations directes avec les Etats-Unis… On peut noter à ce sujet que Rohani a appelé après ces attentats à plus de coopération internationale pour lutter conter le terrorisme.

Sur le plan intérieur, on peut s’attendre à un affrontement entre deux visions. En effet, l’Etat Islamique à travers ces attentats tente de faire monter les tensions entre les chiites qui représentent 90 % de la population iranienne et les sunnites (près de 9 %). Or, on sait qu’il existe des discriminations et ethniques contre certaines parties de la populations comme les Baloutches (qui sont sunnites). Les « radicaux » vont sans doute appeler à une approche plus « sécuritaire » vis à vis de ces populations. Il est intéressant de noter qu’en Iran du fait de la modernisation des mentalités depuis la révolution (on peut noter à ce sujet qu’il y près de 47 % de filles dans les universités au Sistan-Baluchistan), les minorités ethniques et religieuses en Iran, en dépit de réelles discriminations ne croient pas à l’action violente et privilégient la lutte politique et culturelle. On peut ainsi noter que ces minorités sont allées massivement voter pour Rohani lors des deux dernières élections présidentielles. Ce dernier est plutôt favorable à accroître les droits politiques et culturels de ces minorités (les élèves des collèges et lycées au Kurdistan iranien peuvent ainsi apprendre le kurde depuis 2015). On verra si ce dernier arrivera à répondre aux demandes de ces minorités dans ce nouveau contexte. Les autorités iraniennes venant d’annoncer que les auteurs des attaques terroristes étaient iraniens (probablement sunnites) qui avaient fait allégeance à l’Etat islamique en Iran, on peut penser qu’il va y avoir dans les prochains mois de fortes tensions entre ces deux lignes politiques.

Alors que l’Arabie Saoudite et ses voisins ont annoncé avoir rompu toute relation diplomatique avec le Qatar,et suite aux déclarations offensives de Donald Trump à l’égard de Téhéran, dans quel contexte cet attentat intervient-il ? Quelles sont les tensions profondes qui traversent la région actuellement ?

Très clairement, la région est marqué par deux grands conflits. Il y a d’abord l’action de Daesh et d’Al Qaeda qui menace tous les pays de la région que ce soit Turquie, les pays arabes du Golfe Persique, l’Iran, l’Afghanistan. Parallèlement, il existe une lutte pour la suprématie régionale entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Chacun de ces deux pays est persuadé que l’autre le menace. Le narratif iranien est de de considérer que l’Arabie Saoudite a entraîné et soutenu ces groupes sunnites extrémistes (Etat Islamique, Al Qaeda) dans leur lutte en Syrie et en Irak pour faire « tomber » les gouvernements de ces pays et affaiblir l’Iran.

Et les Iraniens considèrent donc qu’ils sont obligés de soutenir les gouvernements syrien et irakien pour éviter que ces pays tombent aux mains des djihadistes. Du côté saoudien, depuis la chute de Saddam Hussein et plus récemment l’accord sur le nucléaire, le sentiment est que le Moyen-Orient tombe progressivement aux mains de l’Iran. Les autorités saoudiennes sont « obsédées » par la « menace » iranienne dans la région.C’est pour cela notamment qu’ils se sont lancés dans la guerre contre les Houthis au Yémen alors que le soutien iranien à ces derniers est sans doute très limité.

Dans un tel contexte, on peut être assez critique vis-à-vis du voyage récent de Trump dans lé région. Tout d’abord, est-ce qu’il n’est pas risqué de prendre parti aussi violemment pour l’Arabie Saoudite dans son conflit avec l’Iran. Quelles vont être les conséquences à long terme d’un soutien aussi aveugle à l’Arabie Saoudite ? Est-ce que cela ne risque pas d’accroître les tensions entre ces deux pays ? Est-ce qu’une sortie de crise en Syrie ne passe pas au contraire par une amélioration des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran ? Est-ce que la volonté du gouvernement américain de sanctionner encore plus l’Iran pour son rôle soi-disant « déstabilisateur » dans la région ne risque pas de renforcer le camp des plus radicaux en Iran qui se nourrit de l’antiaméricanisme ?

Mais je pense que l’erreur stratégique la plus grave du président américain est de mettre sur le même plan en tant que risque pour la région l’Iran et l’Etat islamique. C’est une erreur d’analyse fondamentale car elle met sur le même plan un pays où existe une société civile moderne qui rejette le fondamentalisme religieux et un groupe comme l’Etat Islamique. C’est également une erreur grave car cela revient à se priver de toute collaboration de l’Iran dans la lutte contre l’Etat islamique. C’est également une erreur potentiellement dangereuse à long terme car elle dénote une absence totale de réflexion quant à l’origine de l’extrémisme religieux dont se nourrit l’Etat islamique. Dans un article récent, un sociologue (1) établit un lien entre le fondamentalisme religieux et le monopole en matière d’offre de religions allié à une absence de démocratie (comme en Arabie Saoudite). Il est donc dangereux d’encourager comme le fait Donald Trump des pays qui refusent la tolérance religieuse ainsi que l’ouverture politique. Cela peut favoriser à terme des groupes d’opposants qui choisissent pour leur lutte politique une vision encore plus extrême du modèle religieux déjà imposé dans ces pays.

Le soutien aveugle de Trump à tous les régimes autoritaires de la région ne peut pas conduire à l’émergence de sociétés ouvertes qui refusent l’extrémisme religieux ou la violence. On peut rappeler également que quelques jours après le séjour de Trump en Arabie saoudite le gouvernement du Bahrain a tué 5 manifestants lors d’une manifestation pacifique d’opposants chiites. A quoi va ressembler la région à terme si les régimes autoritaires locaux pensent qu’ils ont un blanc-seing américain pour réprimer toute opposition comme bon leur semble ?

Engagé contre l’Etat Islamique en Irak comme en Syrie, comment peut on anticiper la réaction de Téhéran à l’égard de l’Etat Islamique, mais également en rapport aux différentes rivalités existantes dans la région ?

Je pense que cet attentat va de toute façon renforcer la volonté de l’Iran de lutter dans la région contre l’Etat islamique. Par contre, comme je l’ai dit plus haut, deux options vont s’affronter en Iran. Les radicaux qui estiment que ces attentats sont bien, le preuve que l’Iran ne doit jamais baisser la garde face aux Etats-Unis et à l’Arabie Saoudite. Les modérés avec Rohani comme chef de file qui estiment que, si c’est dans l’intérêt de l’Iran, il faut être prêt à négocier, même avec les ennemis d’hier …

Brésil, Amérique latine : la démocratie en danger ?

Thu, 08/06/2017 - 12:34

Les années 1990, celles du rétablissement de la démocratie en Amérique latine, auraient-elles épuisé leurs vertus civiques et morales ? Du Brésil au Venezuela, en passant par le Mexique et le Nicaragua, la démocratie cuvée 2017 est bousculée. Il est vrai qu’un 11 septembre en 2001 aux États-Unis a effacé le précédent celui de 1973, au Chili. Il est tout aussi vrai que le Mexique et le Venezuela n’ont pas eu d’expérience dictatoriale « pure et dure » à la chilienne. La page des alternances électorales et de la tolérance mutuelle est-elle pour autant tournée ?

À en croire un président des États-Unis expert en pratiques démocratiquement discutables, Richard Nixon, la voie brésilienne a vocation continentale : « Nous savons » avait-il dit à son homologue, le général-dictateur Emilio Garrastazu Médici, le 7 décembre 1971, « que la route tracée par le Brésil, est suivie par tôt ou tard par l’Amérique latine ».

Le Brésil a donné en 2016 un signal de détresse démocratique. La présidente élue en 2014, Dilma Rousseff, a été destituée par députés et sénateurs au prix de contorsions anticonstitutionnelles, bénéficiant d’un aval médiatique massif. Un Parlement aux abois, dont une part importante était convaincue de corruption, a légitimé la violation de l’article 85 de la Loi fondamentale pour chasser un chef de l’État jugé coupable de perpétuer en période de crise la politique économique keynésienne de Lula da Silva, son prédécesseur. Le Brésil étant un pays présidentialiste, face à l’impossibilité de sanctionner politiquement le chef de l’État, les élus ont sans état d’âme choisi de l’accuser de corruption constitutionnelle pour l’écarter du pouvoir. Le 17 avril 2016, aucun n’a d’ailleurs fondé « le dégagement » de Dilma Rousseff sur l’article 85 de la Constitution de 1988, qui définit les conditions de suspension d’un mandat présidentiel. Les plus rationnels ont évoqué la nécessité de changer de politique économique. Les autres ont justifié leur vote en référence à l’un ou l’autre des membres de leur famille, voire à Dieu, comme le président de la Chambre, Eduardo Cunha, depuis condamné à 15 ans d’emprisonnement pour fraude fiscale.

Ce signal de détresse démocratique, loin de s’estomper, s’est au fil des mois perpétué. Aecio Neves, chef du parti social-démocrate brésilien (PSDB), formation partisane au titre trompeur, a perdu les présidentielles de 2014. Il en a contesté la validité devant le Tribunal suprême électoral, qui a engagé une procédure en cours d’examen. Aecio Neves n’est plus président du PSDB, a été suspendu de toute responsabilité parlementaire et mis en examen par le procureur général de la République. Ses principaux collaborateurs, sa sœur Andrea, son cousin, Frederico Pacheco et le collaborateur de l’un de ses collègues PSDB, Mendherson Souza Lima, ont été emprisonnés : tous sont soupçonnés de crimes de corruption et d’obstruction à l’action de la justice. Le président intérimaire de la République, Michel Temer, fait l’objet d’une enquête pour faits de corruption depuis les révélations faites par le responsable de l’entreprise agro-alimentaire JBS-Friboi, Joesley Batista. L’un des amis politiques du chef d’État intérimaire et député du PMDB, Rodrigo Rocha Loures, a été filmé avec une valise de billets remis par l’entreprise citée. Il est actuellement sous les verrous, tout comme José Yunes, avocat et conseiller de Michel Temer, Tadeu Filippelli, autre conseiller présidentiel, Sandro Mabel, Henrique Eduardo Alves, ancien ministre, ex-président de la Chambre des députés, etc.

La « grande presse », les médias du groupe Globo et l’hebdomadaire Veja, réservent pour autant l’essentiel de leur couverture à l’ex-président Lula et au Parti des travailleurs (le PT). Les dénonciations les plus spectaculaires se succèdent avec pour objet de criminaliser le PT et de façon plus générale la vie politique. Les journaux télévisés et la presse écrite font l’impasse sur les propositions des partis et leurs programmes ; seules sont traitées les « affaires » et les scandales, réels ou supposés. Le 6ème congrès du PT qui a été organisé à Brasilia les premiers jours de juin a ainsi été passé sous silence par les medias : le 3 juin en plein congrès des travaillistes brésiliens, le principal quotidien de Brasilia a traité de façon préférentielle – illustré d’une photo couvrant une demi-page du journal – l’élection de Miss Brésil-Globo 2017, qui se tenait dans l’un des hôtels de la capitale. Dans le discours de clôture au 6ème congrès du PT, l’ex-président Lula a rappelé qu’il avait fait la « une », des « unes » critiques, de l’hebdomadaire Veja une cinquantaine de fois ; et qu’il était régulièrement convoqué par des juges, qui, sans preuves, estiment par conviction qu’il pourrait être ou devrait être coupable de quelque chose. Tout cela, a-t-il conclu, a été entrepris pour l’écarter de toute activité politique avant les présidentielles de 2018.

Cette combinaison du pouvoir judiciaire et des grands médias butte pour l’instant sur les réalités sociales, désastreuses, et la capacité du PT et de la CUT (le principal syndicat) à résister à ce qu’il faut bien appeler par son nom : un coup d’État à la sauce du XXIème siècle, sophistiqué et sans victimes mortelles. Mais le vœu signalé par Richard Nixon a paradoxalement pris corps par des chemins multiples qui tous en Amérique latine convergent vers une interprétation restrictive, unilatérale et donc tendancieuse des principes démocratiques. Les grands groupes de presse donnent le « la » politique d’Argentine avec Clarin, au Chili avec El Mercurio, au Pérou avec El Comercio. La judiciarisation de la politique et des élections, en vue d’écarter les présidents jugés trop à l’écoute des plus pauvres en ces temps de crise économique, a forcé le départ du président Manuel Zelaya au Honduras en 2009 et de Fernando Lugo au Paraguay en 2012. Mais le plus inattendu a été la réponse anticipée inventée par des présidents se considérant progressistes et démocrates au Nicaragua et au Venezuela. Le Nicaraguayen Daniel Ortega et le Vénézuélien Nicolas Maduro ont suivi, à leur bénéfice, la voie ouverte par les forces conservatrices du Brésil, du Honduras et du Paraguay. Le principal candidat d’opposition nicaraguayen a été interdit avant les élections générales du 6 novembre 2016, auxquelles il n’a donc pas pu participer. Au Venezuela, les autorités au nom d’un supposé complot impérialiste empêchent toute expression libre du suffrage universel. L’Assemblée nationale, où l’opposition est majoritaire, a été privée de toute capacité législative effective. Le recours constitutionnel au référendum révocatoire a été empêché par des juges nommés par le pouvoir exécutif et les élections régionales de 2016 ont été suspendues. Le pouvoir a annoncé l’élection d’une Constituante, dont un tiers des membres seront « élus » par des corporations jugées plus représentatives que le suffrage universel.

La morale de l’histoire n’est pas encore écrite mais elle préoccupe de toute évidence. Le sénateur Ronaldo Caiado (parti DEM, droite brésilienne) s’en inquiétait le 3 juin dans la Folha de São Paulo : « … la destitution de Dilma Rousseff paraissait enfin avoir éliminé le PT de notre histoire (… mais) la permanence de Temer au gouvernement (donne) de l’oxygène au PT ». Tout comme celle de Maduro au Venezuela donne de l’air aux opposants les plus à droite.

Le retrait des Accords de Paris sur le climat et les « trumperies »

Wed, 07/06/2017 - 18:37

Le 1er juin 2017, Donald Trump a dénoncé l’Accord de Paris sur le climat conclu fin 2015 par 195 signataires et ratifié par 147, à commencer par les États -Unis contrairement au protocole de Kyoto non ratifié. Les États-Unis se sont engagés, alors, à réduire de 26 à 28% leur émission de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2025 par rapport à 2005. Ce retrait repose sur l’article 28 de l’Accord de Paris permettant aux signataires d’en sortir et la sortie officielle des Américains se fera à l’horizon 2020. Donald Trump a dénoncé un accord qu’il juge injuste pour son pays, déclarant que « l’heure est venue de quitter l’accord de Paris… J’ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburg pas de Paris ».

La dénonciation de l’Accord de Paris sur le climat est une illustration du populisme, du nationalisme étroit et ignorant, de la planète « America first ». Les règles et les accords sont perçus comme des contraintes nuisibles aux intérêts nationaux et non comme des opportunités pour prévenir les conflits, favoriser des jeux coopératifs et inciter à faire les transitions écologiques nécessaires. Ce retrait renvoie à nouveau aux « trumperies », mélange de mensonges, de certitudes énoncées sans preuves, de fausses informations (fake news) et de raisonnement primaire.

Les effets de ce retrait se situent au niveau national des États-Unis et international par la perte du leadership américain dans la diplomatie climatique. Elle isole Washington et peut avoir des effets boule de neige.

Des effets nationaux qui risquent d’être fortement négatifs.

Le choix de Trump conduit à privilégier la vieille économie carbonée aux dépens de la nouvelle et donc d’obérer fortement le futur. Le retrait des Accords de Paris, mondialement condamné, fait l’objet d’un débat violent aux États-Unis et accroît les fractures politiques et territoriales internes. Il exprime, comme sur la plupart des autres sujets, la volonté de rompre avec l’héritage de Barack Obama. Le chef du Sénat, Mitchell McConnell, de même que Paulo Ryan, président de la Chambre des Représentants, ont applaudi cette mesure qui « défend les classes moyennes et les ouvriers du charbon ». Ce retrait est considéré comme positif par un peu plus d’un quart des Américains. On estime que 46% des électeurs de Donald Trump (sondage de mai 2017) étaient favorables à ce retrait et 22% sans opinion. En revanche, les électeurs de Hillary Clinton étaient pour 92% favorables au maintien. De nombreux leaders républicains, à commencer par Mitt Romney, candidat républicain à la Maison blanche en 2012, étaient par contre favorables au maintien. Les démocrates se sont mobilisés mais également les responsables des entreprises innovantes de la nouvelle économie. Le retrait a été condamné notamment par Elan Musk, le patron de Tesla, Llyod Blankfein, le PDG de la banque d’affaires Goldman Sachs, ainsi que par les leaders de la Silicon Valley. Les gouverneurs des États de New-York, de Washington et de Californie ont décidé de maintenir les objectifs de réduction des GES.

Les « trumperies » ont un certain écho auprès de l’électorat républicain car elles annoncent la baisse du coût économique pour les Américains que représenterait cet accord. Les arguments mensongers concernant ces intérêts résultent de rapports biaisés et d’absence de consultations des acteurs concernés. Ils portent sur :

– Les coûts économiques des accords en termes de pertes de 3 milliards de dollars et de 6,6 millions d’emplois industriels. Ces chiffres issus d’une seule source, NERA, très controversée (cf. World Ressources Institute) reposent sur un scénario extrême qui ne prend pas en compte les gains liés aux nouvelles sources d’énergie, aux transitions écologiques ou aux effets liés aux mesures des autres États signataires. Les engagements de 100 milliards par an d’ici 2030 pour favoriser l’adaptation des pays en développement et avoir un effet préventif sur les catastrophes, soit 3 milliards de dollars pour les États-Unis, n’a conduit jusqu’à présent qu’à un déboursement de 1 milliard de dollars. Celui-ci n’a pas, à l’encontre des déclarations de Trump, été prélevé sur les budgets de lutte contre le terrorisme.

– Les contraintes liées aux Accords de Paris : ceux-ci ne sont pas contraignants, n’intègrent pas la question du charbon et n’engagent pas la responsabilité légale des partenaires. Les États sont libres de choisir leur mix énergétique. Or, les spécialistes de l’énergie américaine considèrent que l’avenir ne se trouve pas dans le charbon. La question est celle de la reconversion des travailleurs sinistrés dans d’autres activités. La demande de charbon risque de se réduire dans l’avenir et les emplois liés à une énergie du XIXe siècle risquent de ne pas croître (cf. les propos de Murray, le leader du géant américain). Les emplois liés au charbon transférés à l’étranger renvoient plus à un fantasme qu’à une réalité prouvée.

– Les avantages donnés à la Chine qui va continuer de construire des centrales à charbon. En réalité, la Chine est en train, sous la pression de la population, de changer de modèle énergétique. Elle a annulé la construction de milliers de centrales à charbon et a promis de réduire de 60 à 65% d’ici 2030 la place du charbon dans son activité économique par rapport au taux de 2005, ainsi que d’augmenter la part des énergies non fossiles d’environ 20%. Un boulevard est donné à la Chine pour qu’elle domine les énergies renouvelables à l’échelle mondiale.

– Le faible poids du retrait des États-Unis vis-à-vis des GES et des effets sur le climat. Le non-respect des Accords de Paris par Washington ferait, selon le MIT, croître seulement (!) de 2/10 de degrés la température d’ici 2020. La hausse de 3 milliards tonnes équivalant CO2 d’ici 2030 serait responsable de 0,1 ° à 0,2°, soit un effet minime.  En réalité, les États-Unis sont le deuxième émetteur de GES après la Chine. Leur croissance économique énergivore et carbonée fera croître fortement les GES et ralentira la transition énergétique favorable à un nouveau modèle de croissance.

Des effets internationaux considérables.

Le retrait américain a une portée symbolique et le fait que la première puissance mondiale dénonce un accord signé et ratifié est une première. Cela peut avoir des effets boule de neige vis-à-vis des pays qui avaient été réticents lors de la signature de l’Accord de Paris comme l’Arabie saoudite, le Japon, l’Australie, la Russie (qui n’a pas ratifié l’accord), voire le Canada. Les risques de détricotage sont attendus par les États -Unis.

Le comportement nationaliste de free rider s’opposant aux jeux coopératifs est le signe d’une absence de prise en compte des interdépendances planétaires et des effets de représailles des autres États. La planète est menacée de l’avis de la quasi-totalité des scientifiques (sauf ceux payés par les lobbies, la liste est connue). Comme l’a déclaré Emmanuel Macron en paraphrasant Donald Trump : « Make our planet great again ».  La dette environnementale est intergénérationnelle car elle résulte des pratiques antérieures et se répercutera sur les nouvelles générations.

Cette décision unilatérale fait fi de toutes les prévisions concernant le devenir de la planète et les catastrophes naturelles ou anthropiques possibles. Le réchauffement climatique, lié aux difficultés de répondre aux effets en termes de stress hydrique et de désertification, est un des facteurs premier des tensions et des conflits armés, des réfugiés et des déplacés. Refuser une politique préventive et de précaution, au nom d’intérêts mercantiles, conduit à favoriser le terrorisme et les coûts des conflits. Cette politique peut répondre à des marchés obtenus avec des États qui soutiennent l’intégrisme islamique ; elle peut aussi répondre aux intérêts des lobbies énergétiques et militaro-industriels américains. Elle n’aura pas d’effets sur les baisses de dépenses publiques américaines que Trump fait miroiter aux contribuables.

S’en prendre au multilatéralisme et aux accords internationaux de la part de la première puissance du monde ne peut que renforcer les compétitions commerciales, les mesures de représailles et de rétorsions, ainsi qu’appliquer la loi du plus fort sans règles. La politique unilatérale de protectionnisme ou bilatérale d’accords commerciaux entre États répond certes à une attente des perdants de la mondialisation et exprime des rapports de force qui peuvent à court terme favoriser la puissance dominante ; mais elle est en totale contradiction avec les enseignements de la théorie économique, de l’économie de l’environnement, du contexte de mondialisation et de l’acceptation des règles internationales. Elle repose sur une vision mercantiliste du monde des affaires où « nul ne gagne que l’autre ne perd ». Elle répond certes à des intérêts de territoires ou de catégories victimes de l’innovation destructrice, correspondant à la vieille économie ; mais elle ne prend pas en compte les coûts et avantages au niveau macro-économique, les activités innovantes et les interdépendances existant au niveau transnational.

Les mesures prises par les États-Unis de Trump (grosses cylindrées, oléoducs, etc.) ont pour conséquence de renforcer le modèle énergivore, carboné et générateur d’externalités négatives. Elles contribueront vraisemblablement à accroître les catastrophes naturelles aux États-Unis et donc les coûts pour les sociétés d’assurance, ainsi qu’à donner le leadership technologique aux pays investissant dans les nouvelles énergies, à commencer par la Chine.

Le modèle proposé par Trump fait abstraction de toutes les interrogations du monde scientifique sur la faible durabilité de l’American way of life et sur les limites de l’American first. La politique est un art de compromis. La paix durable suppose que les forts n’humilient pas les faibles (Carl von Clausewitz). Le monde des affaires, mesuré à l’aune du dollar et des milliardaires, n’est pas un modèle de gestion d’un pays dans un monde complexe. Les « trumperies » sont des opportunités pour se ressaisir. Le devenir du monde dépendra des politiques des grandes puissances émergentes et de l’Union européenne en relation avec les pays en développement.

European defence: can Macron apply the touch?

Wed, 07/06/2017 - 14:57

You know that something is afoot when the French start forgetting to be grumpy. Irrespective of one’s politics, it would be stating the obvious to say that Emmanuel Macron pulled off a master tactical coup in beating all the country’s seasoned politicians to the presidential post. In the process he uncommonly remembered to give assurances outside of his domestic audience: he gave Berlin its due and he was not shy to speak with Anglo-Saxon newspapers, thus laying the ground for his current European charm offensive.

Macron is now riding the wave: he introduced himself to the world by swaggering into the NATO-leaders meeting on 25 May last, and endeared himself to it by mischievously tapping into the global anti-Trump backlash on the Paris Climate Accord. In doing so, he has been hitting all the French « feel-good » buttons: standing up to what has been perceived as Donald Trump’s bullying, short-sighted, transactional, zero-sum and interest-driven politics. He now has some tricky parliamentary elections around the corner, but all goes to show that the French have surprised themselves into being proud of their new president, and are prepared to give him a real mandate to reform in June.

Giraffe theory

As a political strategist recently put it, Macron has unveiled his plans for France like the spots of the giraffe, but without the giraffe. He has proceeded in small impressionist touches which have built trust and confidence, and which have laid the ground for further action. But the bigger plan itself is only slowly becoming clear. During the previous presidency François Hollande similarly proceeded in small impressionist touches, but the giraffe itself never appeared. You saw the spots, yet the bigger picture never became clear, and so his mandate ultimately ended in a blur. It appears that Macron did actually have a plan for France. Once the hurdle of the June elections is over the EU will be asking whether Macron, unlike his predecessor Hollande, has a plan for Europe too.

Emmanuel Macron has much of what Europe needs. It does not lack treaties, laws, regulations, institutional expertise and technical know-how – but it lacks youth, hope, energy, belief, trust, solidarity, and a connection to its peoples.

Much of the Union’s internal debates are symptomatic of these ills. It has become clear, for example, that waiting for everybody to agree around the table to make progress on European defence is not working. To break the deadlock, one logical conclusion was to let a core group of member states make progress in the field, unhindered by those who were less keen. But when this very sensible idea was digested by the EU’s machine and came out the other side, it had become indigestible.

The recent discussion on flexible integration in defence, which is what the Lisbon Treaty calls “permanent structured cooperation”, has once more divided EU capitals instead of driving them forward. It got caught in legal turf wars before it was even clear what it was actually for, and has since been beset by bad tempered, small-minded politics and institutional infighting. It needs perspective, vision and good politics. Can Macron deliver this?

A Macron Plan for Europe?

There is a window of opportunity casted wide open by the new American president. It is much easier today to make the case that it is time for Europe to take its fate into its own hands, as the German Chancellor put it in the wake of the NATO meeting in May. After the June parliamentary race and in the run-up to the German elections in September, Emmanuel Macron can set about capitalising on the good will and political credit he has garnered. True, he may soon find out that making concrete progress on common EU defence is the external equivalent of trying to reform the French labour market. The level of inertia and reticence in national defence establishments across Europe is similar to French attachment to the status quo in labour reform.

The new French president’s path is therefore a narrow one. To give himself a fighting chance, he will need to steer clear of the institutional entrenchments, technical discussions and bad politics of EU defence, and inject some good sentiment, trust, and energy. EU defence discussions are often too political, but in a bad way: they divide more than they bring Europeans closer. Macron needs to be hyper-political, but in a good way. He will have to strike a grand political bargain in the autumn with the new German Chancellor, which covers not just security but also economic and social reforms. It might helpfully include some form of division of labour in defence (support vs. first entry, high intensity vs. low or mid intensity) with 3 or 4 big flagship projects.

In the run-up to the 2017 December Council, this Franco-German plan should strive to be as inclusive as possible, and rope in all EU capitals that show good will and wish to move forward in good faith. The European Commission announced this week its bold new plan to support EU defence cooperation. European capitals should take a leaf out of the Commission’s book: they need to be daring, lead the agenda, and then just do it.

La crise diplomatique entre le Qatar et des pays arabes, expression de vieilles rivalités

Wed, 07/06/2017 - 10:12

Lundi 5 juin, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Yémen et l’Égypte ont déclaré rompre leurs liens diplomatiques avec le Qatar, l’accusant de soutenir le terrorisme. L’analyse de Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS.

L’accusation portée par les Saoudiens et leurs alliés est-elle justifiée ou cache-t-elle d’autres motifs profonds de rivalité avec Doha ? S’agit-il d’une crise diplomatique inédite ?

On croit assister à l’histoire du pompier pyromane car c’est à la fois le Qatar et l’Arabie saoudite – et probablement davantage de la part de cette dernière – qui ont apporté leur aide à des groupes de rebelles et islamistes, voire djihadistes, sur le terrain syrien. Dénoncer unilatéralement le Qatar d’être à la fois complice des Frères musulmans, de Daech et d’Al-Qaïda est pour le moins simplificateur et, si l’on considère que l’accusation est fondée, elle doit être alors aussi appliquée à l’Arabie saoudite elle-même.

Cette accusation est en réalité l’expression d’une rivalité ancienne entre Riyad et Doha. Sur les trois organisations dont l’Arabie saoudite accuse le Qatar d’être le soutien, seule la relation entre Doha et les Frères musulmans est avérée et d’ailleurs clairement assumée. Depuis 2011 et les débuts de l’onde de choc politique qui a traversé le monde arabe, le Qatar a systématiquement tenté d’élargir son influence dans la région en soutenant la mouvance des Frères musulmans. Or, ces derniers développent depuis longtemps une orientation très critique à l’égard de la monarchie saoudienne. Cela signifie que Riyad et Doha s’opposent donc frontalement et développent des politiques radicalement divergentes à l’égard des Frères musulmans. Pour mémoire, en Égypte, Doha a par exemple apporté un actif soutien au président élu Mohamed Morsi jusqu’au coup d’État fomenté à son encontre en 2013 qui fut approuvé par Riyad.

Quant à Daech et Al-Qaïda – dont l’origine de la création n’est pas étrangère à la politique des Saoudiens, probablement bien plus que celle des Qataris -, la complaisance à leur égard est partagée à la fois par l’Arabie saoudite et par le Qatar. Enfin, mettre dans la même catégorie Frères musulmans, Daech et Al-Qaïda ne résiste guère à l’analyse.

On assiste donc à une instrumentalisation par les Saoudiens des raisons invoquées pour justifier la rupture des relations diplomatiques avec le Qatar et, de facto, la mise en œuvre d’une politique de sanctions économiques extrêmement brutale, puisqu’elle prend la forme de ce qui s’apparente à un embargo.

Cette crise est inédite par son ampleur. Le Conseil de coopération du Golfe (CCG, comprenant tous les États arabes du Golfe à l’exception du Yémen), fondé en 1981, a connu des divergences et des différences d’appréciation, notamment concernant la relation avec l’Iran. Pour autant jusqu’alors, ces crises étaient sous contrôle et n’ont jamais atteint l’intensité actuelle. Notons au passage que les États membres du CCG sont dans une situation d’asymétrie à l’égard de l’Arabie saoudite qui, de par sa taille et sa puissance économique, les surplombe. Enfin, n’oublions pas qu’il n’existe pas d’homogénéité politique entre ces États puisqu’Oman et le Koweït ne sont pas d’accord avec l’Arabie saoudite, notamment quant à la politique à l’égard de l’Iran et, pour le coup, du Qatar ; alors que Bahreïn est de facto une sorte de protectorat saoudien…

La première crise sérieuse s’est produite en 2014 lorsque les Saoudiens ont fait pression envers Doha – demandant aux États membres de retirer leurs ambassadeurs du Qatar, ce qui fut le cas durant quelques mois -, déjà à propos de la politique de Doha à l’égard des Frères musulmans et de l’Iran, mais plus généralement pour faire « rentrer Doha dans le rang ». Finalement, le Qatar semblait avoir accepté les injonctions de Riyad et la crise avait été close.

Déjà à l’époque, l’Arabie saoudite ne semblait plus supporter la montée en puissance du Qatar et la prétention de ce dernier à s’imposer sur la scène régionale, voire internationale. Riyad cherchait ainsi à s’affirmer comme le leader incontestable de la région et de la sous-région, obsédé à la fois par les risques de contestation révolutionnaire se développant dans le monde arabe et par la puissance grandissante de l’Iran.

Aujourd’hui, la configuration est différente. Non seulement la rupture est diplomatique mais il y a de plus un jeu de sanctions économiques puisque la frontière terrestre entre l’Arabie saoudite et le Qatar – pourtant vitale pour ce dernier – a notamment été fermée. Les lignes aériennes entre le Qatar et les États arabes qui soutiennent l’Arabie saoudite sont également désormais coupées. La situation est donc préoccupante et il est difficile de savoir comment la crise se dénouera. La tension atteint aujourd’hui un niveau jamais connu par les pays membres du CCG depuis sa création.

Quel impact pour l’émirat qatari cette crise peut-elle avoir sur le plan diplomatique, politique et économique ? A qui profite cette crise ?

Il est encore difficile de mesurer les impacts. Au niveau diplomatique, le Qatar se retrouve relativement isolé. Ceci étant, un certain nombre d’États de la région, parmi lesquels la Turquie – qui considère que ces sanctions ne « sont pas bonnes » selon l’expression utilisée par R. T. Erdogan -, ont exhorté les parties à trouver un terrain de négociation. Aussi, si l’isolement est réel de par l’importance des pays ayant rompu leur relation avec Doha, il ne s’agit ni de la totalité du monde arabe, ni bien sûr de la totalité de la région – loin de là -, qui ont rompu avec Doha.

D’un point de vue niveau économique, le Qatar reste une importante puissance financière de par ses richesses en hydrocarbures et de par l’ampleur de ses investissements à l’étranger. Cependant, les cours du pétrole et du gaz sont à la baisse, ce qui peut causer une difficulté au pays, bien qu’il ait encore de la réserve. La Coupe du monde de football de 2022 nécessitant plus de 200 milliards d’investissements, ces sanctions économiques arrivent au plus mauvais moment car même si le pays est très solvable, il aura besoin de beaucoup de liquidités pour cet évènement.

Au niveau des équilibres politiques intérieurs, il n’y a aucun risque dans le court terme. Le PIB/habitant au Qatar est le plus élevé au monde. La plupart des sujets de l’émir sont largement pourvus en termes de richesse et de couverture sociale donc dans, l’immédiat, ces sanctions ne vont pas susciter un mouvement de contestation. Quant à la partie de la population qatarie immigrée qui est surexploitée et ne dispose d’aucun droit, elle n’est pas en situation de se révolter. La seule difficulté, qu’on ne doit d’ailleurs pas sous-estimer, c’est la faiblesse des stocks alimentaires du Qatar, qui correspondent à environ seulement trois semaines de consommation.

La visite de Donald Trump deux semaines auparavant a-t-elle joué un rôle dans cette crise diplomatique ? Le président états-unien peut-il contribuer à déstabiliser la région ?

Donald Trump a effectivement joué un rôle de déstabilisation indéniable. Toute la politique intelligemment menée par Barack Obama dans la région, consistant à réinsérer l’Iran comme puissance normalisée et potentiellement stabilisatrice, est mise à dure épreuve depuis que Trump est arrivé à la Maison blanche. De façon caricaturale et grossière – mais respectant ses promesses électorales -, le président américain a violemment pris parti contre l’Iran, l’accusant d’être un soutien du terrorisme.

Il a clairement réinstallé l’Arabie saoudite au centre du jeu régional lors de son voyage officiel dans ce pays. Il ne s’agit pas de dire que Trump a demandé aux Saoudiens de rompre avec le Qatar – ce serait manichéen et complotiste – mais il est clair que les Saoudiens se sont sentis confortés par ce soutien actif public de Washington. Cela leur a permis de lancer l’offensive politique actuelle, dont l’arrière fond est évidemment la rivalité avec l’Iran, qui représente le nœud du problème.

Le Qatar ne partage en effet pas les mêmes positions que l’Arabie saoudite à l’égard de la République islamique d’Iran. Tout d’abord parce que le Qatar a des intérêts économiques à ne pas se brouiller avec Téhéran. Notamment, une énorme poche de gaz est exploitée à la fois par les Qataris et par les Iraniens, d’où l’intérêt d’un modus vivendi entre ces deux pays pour une exploitation raisonnable et, si possible, raisonnée. Deuxièmement, les Qataris ont parfaitement conscience de l’asymétrie qui existe avec l’Iran, de par leur différence en termes de superficie, de démographie, de puissance militaire… Les Qataris ont donc eu l’intelligence de comprendre qu’il valait mieux négocier et considérer l’Iran comme partenaire plutôt que comme ennemi.

La décision des Saoudiens, encouragée par la posture binaire de Donald Trump, est donc négative et radicalement contre-productive mais elle doit aussi se comprendre par le fait que Riyad est aussi dans une situation problématique. Son intervention militaire au Yémen est un échec absolu et l’économie du pays est en proie à un relatif affaiblissement. Si l’Arabie saoudite veut affirmer son leadership sur la région pour parer à tout mouvement révolutionnaire et contrer l’Iran, elle n’est en réalité pas capable de le faire et se croit obligée de prendre ce type de sanctions à l’encontre des États qui affirment des divergences.

Paris 2024 : ode à l’universel olympique

Tue, 06/06/2017 - 17:25

Le point de vue de Pascal Boniface

Rescue at Sea & the Humanitarian Imperative

Tue, 06/06/2017 - 15:40

At the end of 2015, 63.5 million people were displaced.[1] Just 12 months earlier that figure was at 59.5 million, meaning that the number jumped by 4 million people in a year[2]. Every minute, 24 people were forced to flee in 2015[3]. The crises from which they flee are becoming more complex and protracted with displacement lasting an average of 26 years[4].

In 2015, over 1 million refugees and migrants arrived on the shores of Europe – over 4000 were feared drowned[5] – and 1,000 more people were lost at sea in 2016[6]. Despite these shocking statistics, the burden of the global refugee crisis on Europe is marginal. 86% of all refugees are hosted in developing countries, and the top ten host countries are all in the ‘Global South’, often countries neighbouring crises. Indeed, the ‘European Migrant Crisis’ is more reflective of the public reaction to the phenomenon than its scale.

In this climate, organisations such as SOS Méditerranée, have made it their mandate in the last few years to rescue migrants and refugees at sea. In this article, we ask what can humanitarians operating on terra firma learn from rescuers at sea? What are the particularities of the maritime environment, that allow for the adoption of new practices and ideas? How can NGOs learn from each other to pre-empt changes in the humanitarian sector and thus, remain relevant in a rapidly changing world?

Maritime Law

The laws on rescuing migrants and refugees at sea are specific and helpfully practical.[7]

National waters stretch 12 nautical miles[8] beyond the coastline of a given country. Beyond those 12 miles is the Exclusive Economic Zone (EEZ) of 200 nautical miles, and further beyond the EZZ are international waters. Maritime law stipulates that a vessel must aid another in distress regardless of these delineations.

The obligation to rescue another vessel in distress is a long-standing tradition among sea-farers, which has been enshrined in law over the course of the last century. Three pieces of legislation are most relevant to rescue at sea:

    1. 1974 SOLAS convention: The international convention for the Safety of Life at Sea obliges the ‘master of a ship at sea, on receiving information from any source that persons are in distress at sea, … to proceed with all speed to their assistance”
    2. 1979 SAR convention: The international convention on Maritime Search and Rescue ensures that assistance [is] provided to any person in distress at sea … regardless of the nationality or status of such a person or the circumstances in which that person is found’ (Chapter 2.1.10) and to ‘… provide for their initial medical or other needs, and deliver them to a place of safety’ (Chapter 1.3.2).
    3. 1982 UN convention on the Laws of the Sea (UNCLOS) details points of the two conventions above, and imposes every coastal state party to set up and maintain effective Search and Rescue operations at sea and to cooperate with neighbouring states for this purpose.

The Simplicities of Maritime Rescue

The conventions cited above mean that rescue at sea is generally more straightforward than terrestrial humanitarianism.

‘Entraide’[9]: All of the laws mentioned above rest on the assumption that humans are equal, and in a hostile environment (that is the sea, rather than our natural habitat that is on land) – especially in a situation of distress -, humans are tied together in the struggle against the elements.

Search and Rescue: On finding out that a vessel is in distress, a master of a ship has to search and rescue the passengers aboard. The importance of this is paramount, as it means that legally once a master has been alerted to distress, he/she must go out of his or her way to find, and once found, rescue those aboard that vessel. The imperative to help those in distress eliminates any choice on the part of the humanitarian at sea.

Impartiality: Passengers in distress should be helped regardless of nationality or status [10] and the master of a ship is actively (and legally) deterred from taking any statements and making any decisions on the status of those rescued[11]. The application of humanitarian principles, particularly that of impartiality[12], is therefore less contentious on sea than it is on land. It is once disembarking the passengers, that things become more difficult for sea-rescuers.

Protection of vulnerable peoples: The SAR convention refers to ‘a place of safety’ as a “location where rescue operations are considered to terminate, and where: the rescued persons’ safety of life is no longer threatened; basic human needs (such as food, shelter and medical needs) can be met; and transportation arrangements can be made for the rescued persons’ next or final destination[13].” Parallels can be made with securitised refugee camps on land.

Embracing Change at Sea

Humanitarian operations on land are different to rescues at sea and can often be much more complex in execution. Maritime rescues are often discrete and time-limited interventions – a rarity in a time of protracted humanitarian crises. Complications on land arise because operations are rarely quick in and out interventions. Maritime rescuers have a difficult task, but once passengers are disembarked on land they are no longer the ship’s responsibility and arguably, it is at this point that things get complicated in the humanitarian chain.

That being said, the simplicities of humanitarian aid at sea allow us to see how change is taking place in the sector as a whole and how organisations can be better prepared to adapt to these changes (both on land and at sea). The following aspects of SOS Méditerranée’s experience are encapsulated in the innovations below, and demonstrate what humanitarians on land can do to remain relevant in the years to come:

Innovative Financing & citizens’ movements: In the space of 6 weeks, SOS Méditerranée crowdfunded €275,000 to acquire and equip a rescue ship (The Aquarius) for migrants/refugees making the perilous crossing across the Mediterranean. Crowdfunding is drastically changing the humanitarian financing landscape and the refugee crisis has been a rife testing ground for this innovative financing tool (campaigns like #HelpCalais spring to mind). The citizen movements behind this operation remind us of the voluntary mobilizations that lie at the heart of humanitarian work. Crowdfunding also allows for specific and time-bound projects to be put forward, developed and implemented by the public.

Local competencies: Rescues at sea base themselves on who is present and able to respond and find another vessel in distress. Those who end up doing the rescuing are those with the most knowledge of the sea, those who have enough space on board, and in some cases those with the right medical equipment. On land, humanitarians are often criticised for flying in external resources (human and material) and not using local contextual knowledge enough. At sea being at the right place at the right time is the main decisive factor in who responds and where.

Cooperation: Humanitarians at sea must and do cooperate with other vessels (rescue, commercial, and national), other NGOs, and with the governments of various nations to ensure the search, rescue, and disembarkation of those in distress. SOS Méditerranée estimates that in 2016, there were up to 12 rescue boats in the Mediterranean (though they were the only ones operating throughout the low season). To avoid the dangerous duplication of efforts, rescue boats must cooperate and play to their strengths – even the most gentle of approaches could capsize an overloaded dingy, let alone the approach of too many boats. The boats themselves may also be determinants of who is best placed for a rescue operation – passenger capacities, rescue equipment, medical facilities, food and water provisions, psychological services (those rescued are often traumatised). The humanitarian concept of ‘filling the gap’ – often an intention that is not realised on land – seems to be unusually well-applied at sea.

Access: Finally, combined with the other factors mentioned above, access to affected populations at sea is easier than on land. On land, environmental (e.g.: landslides) or human barriers (political, military, or socio-economic) stand in humanitarians’ way, whereas at sea, barriers (apart from occasional rough seas) do not indefinitely impede access to populations in need of assistance.

Conclusion

The legal and environmental simplicity of rescue at sea creates the space for new approaches and tools to be tested. Land-based humanitarians could adopt these in order to pre-empt the changes that are likely to shape the sector in years to come – e.g.: innovative financing, increased partnership building, and a shift towards localisation. As operations get ever more complex for humanitarians the world over, organisations that learn from others, pre-empt change and adapt accordingly, will be the ones that survive

[1] This article is based on an event run by La Foundation Maison des Sciences de l’Homme, organised by the Chair of « Exil et migrations », directed by Alexis Nuselovici of the Collège d’études mondiales, with panellists from Action Against Hunger, IRIS and SOS Méditerranée.
[2] Edwards, Adrian, 2016, UNHCR, Accessed here in June 2017.
[3] Edwards, Adrian, 2016, UNHCR, Accessed here in June 2017.
[4] UNHCR, 2015, Global Trends, Edwards, Adrian, 2016, UNHCR, Accessed here in June 2017.
[5] http://www.unhcr.org/afr/news/latest/2015/12/5683d0b56/million-sea-arrivals-reach-europe-2015.html
[6] Euronews, 2016, Record 5000 migrants drown in the Mediterranean in 2016, Accessed here in June 2017.
[7] Note we mainly refer to non-state ships in this article – such as the vessels of SOS Méditerranée and other non-governmental vessels. This is because the law that applied to state vessels is particular, especially regarding the treatment of refugees and migrants.
[8] 22.2 km or 13.8 miles.
[9] Entraide is a French word which translates literally into English as ‘inter-aid’ and is defined as mutual aid, or mutual assistance.
[10] This law builds on the 1951 refugee convention, which prohibits the return of refugees/asylum seekers to the “frontiers of territories where [their] life or freedom would be threatened on account of [their] race, religion, nationality, membership of a particular social group or political opinion” ((Article 33(1)). In the case of the Mediterranean rescues done by organisations like SOS Méditerranée, this means they cannot return the majority of those rescued to the Libyan coastline (where many embarked).
[11] “If rescued persons appear to indicate that they are asylum-seekers or refugees or that they fear persecution or ill-treatment if disembarked at a particular place, the Master should inform the rescued persons concerned that the Master has no authority to hear, consider or determine an asylum request” Note: as stated in an earlier footnote, state vessels have different rules regarding asylum claimants on board
[12] “Humanitarian action must be carried out on the basis of need alone, giving priority to the most urgent cases of distress and making no judgement no distinctions on the basis of nationality, race, gender, religious belief, class or political opinions.” OCHA on Message: Humanitarian Principles. Accessed here in June 2017.
[13] IMO, UNHCR & the International Chamber of Shipping, January 2015, Rescue at Sea. Accessed here in June 2017.

La diplomatie de Macron : pour l’instant tout va bien

Thu, 01/06/2017 - 17:42

Une séquence diplomatique d’une semaine vient de s’achever avec respectivement les sommets de l’OTAN, du G7 et la visite de Vladimir Poutine en France.

Les premiers pas d’Emmanuel Macron étaient très attendus sur la scène internationale. D’une part, parce que c’est un nouveau venu ; d’autre part parce qu’il est très jeune – 39 ans – et que, hormis ses deux années en tant que sherpa de François Hollande, il n’a que peu d’expérience internationale. Cette curiosité s’explique également par le statut de la France, considérée comme un pays à part. Elle n’est bien sûr pas une superpuissance mais elle compte toujours de façon autonome et importante sur la scène internationale. Ainsi, un nouveau président français est davantage suivi que ses homologues étrangers. De l’avis général, aussi bien de la presse française – généralement favorable à E. Macron – mais également de la presse internationale – plutôt critique envers les responsables français -, ses premiers pas ont été une réussite.

La première image que l’on retiendra du sommet de l’OTAN est celle de la poignée de main entre Donald Trump et E. Macron, qui s’apparentait plutôt à un véritable bras de fer. Le président des États-Unis a semblé vouloir s’imposer, à la façon d’un vieux mâle dominant face à son jeune congénère. E. Macron a relevé le défi. Cette poignée de main n’est donc pas anodine mais symbolise la relation à venir entre la France et les États-Unis : la première est prête à coopérer avec les seconds, sans devenir pour autant un vassal. Finalement, E. Macron qui s’est longtemps et souvent référé au gaullo-mitterrandisme au cours de la campagne électorale, l’a « incarné » à ce moment précis. Des explications sont certainement à venir avec le président américain, notamment sur la question du climat et/ou de l’avenir de l’accord sur le nucléaire iranien. E. Macron a semblé envoyer un signal aux Américains : il sera peut-être davantage tranchant que ses prédécesseurs, sans pour autant remettre en cause le caractère fondamental de l’alliance avec Washington. Un allié non aligné, autrement dit.

Le sommet du G7 a accueilli plusieurs nouveaux venus : outre D. Trump et E. Macron, il y avait la Première ministre, Theresa May, et le président du Conseil italien, Paolo Gentiloni. Néanmoins, on peut dire que ce sommet était davantage un sommet 6+1 qu’un véritable G7. D. Trump y a en effet été isolé. Tout d’abord isolé physiquement puisqu’il n’a pas voulu – ou ses services de sécurité – dormir dans le même palace que ses six collègues et a donc séjourné au large des côtes de la Sicile. Ensuite, isolé par ses positions politiques sur la totalité des sujets, hormis le terrorisme. On a d’ailleurs remarqué qu’il n’avait même pas pris la peine d’écouter la traduction lorsque le président du Conseil italien concluait la séance. E. Macron, lui, a plutôt été l’objet de l’attention de tous les médias.

Ces réunions de l’OTAN et du G7 étaient des « figures imposées », rendues obligatoires par le calendrier. La visite de Vladimir Poutine en France était au contraire une « figure libre ». E. Macron aurait pu ne pas saisir l’opportunité offerte par l’inauguration de l’exposition sur Pierre le Grand et le 300e anniversaire de sa visite en France qui marque l’établissement de relations diplomatiques entre cette dernière et la Russie. Cette exposition était prévue de longue date, à une époque où personne n’imaginait E. Macron président. La rencontre avait de plus pour avantage de se tenir dans un lieu moins officiel que l’Élysée : au château de Versailles. Bien sûr, comme toujours dès qu’il est question de la Russie de Poutine, les médias et de nombreux intellectuels ont protesté contre la venue d’un « dictateur » sur le sol français. Là encore E. Macron s’est inscrit dans une ligne gaullo-mitterrandiste : lorsque le général de Gaulle réclamait la création d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, l’Union soviétique de l’époque n’était pas une démocratie et était tenue d’une main encore plus ferme qu’aujourd’hui. Mais de Gaulle estimait, et Mitterrand l’a suivi, que la Russie était un intérêt stratégique pour la France. Cependant, qui dit diplomatie ne veut pas dire absence de fermeté. E. Macron, aussi bien sur le sort des homosexuels en Tchétchénie, que sur les médias russes Russia Today et Sputnik, ou encore sur la Syrie – où il a menacé de frappes en cas d’une nouvelle utilisation d’armes chimiques par Bachar Al-Assad – l’a prouvé.

Ainsi, autant avec D. Trump qu’avec V. Poutine, E. Macron s’est inscrit dans une politique gaullo-mitterrandiste. Ce sera néanmoins peut-être plus difficile pour lui lorsque le Proche-Orient sera en jeu, puisqu’il a annoncé qu’il ne reconnaîtrait pas la Palestine de façon unilatérale. Il reprend ainsi le point de vue israélien en refusant de couper le lien franco-israélien pour pouvoir avancer sur le dossier. En réalité, en agissant de la sorte, il confère à Israël un levier sur la politique française, ce qu’ont toujours refusé le général de Gaulle et François Mitterrand.

Attentat à Kaboul : l’Afghanistan paralysée et impuissante

Thu, 01/06/2017 - 15:05

Ce nouvel attentat témoigne-t-il d’une situation sécuritaire critique en Afghanistan ?

La situation sécuritaire ne cesse de se dégrader en Afghanistan depuis deux ans et le retrait de troupes de l’OTAN fin 2014. L’année 2016 a été la plus meurtrière pour les civils avec 11500 victimes, dont 3500 tuées ; sans compter les morts dans les rangs de l’armée s’élevant à plusieurs milliers par an. Le 25 avril 2017, dans une attaque contre une base militaire au Nord de l’Afghanistan – région supposée plus calme -, les Talibans ont tué 136 soldats et officiers et en ont blessé plusieurs dizaines. Les Talibans, les insurgés et Daech ont eu l’occasion de prendre l’initiative sur le plan militaire au point où aujourd’hui, le gouvernement de Kaboul ne contrôle que 57 % du territoire afghan et 62 % des habitants du pays selon l’OTAN et les généraux américains, tandis que les Talibans contrôlent 43% du territoire. Presque la moitié du territoire national échappe donc au contrôle de l’État et cette avancée des Talibans accentue l’insécurité partout. Parfois, ils réussissent même à occuper de grandes métropoles sans toutefois parvenir à en garder durablement le contrôle face à l’armée afghane appuyée par les forces américaines.

Les Talibans et Daech frappent n’importe où et, depuis un an, Kaboul fait régulièrement l’objet d’attentats suicides extrêmement meurtriers, à la fois contre des édifices étatiques et des ambassades étrangères mais aussi contre la population civile. Les Talibans attribuent les attentats contre des civils à Daech mais en réalité, ils ont en eux aussi déjà commis : il y a trois jours, ils ont revendiqué un attentat commis contre la population dans l’Est du pays.

Aujourd’hui, la situation sécuritaire dans le pays est donc extrêmement préoccupante. À Kaboul, une personnalité – qu’elle soit politique, commerciale ou étrangère – ne peut circuler qu’en étant accompagnée par des gens armés et dans des véhiculés protégés. Et au-delà des attentats, des crimes et des meurtres sont commis tous les jours dans la capitale afghane.

Dans ce contexte, quelle est la situation politique du pays ? L’État ne dispose-t-il d’aucune crédibilité ?

L’une des raisons de l’aggravation de la situation sécuritaire en Afghanistan est la faiblesse politique du gouvernement et son manque d’homogénéité. Le gouvernement est certes issu des élections présidentielles de 2014 mais il ne jouit d’aucune légitimité car, lors de ce scrutin, l’actuel chef de l’État, Ashraf Ghani, et son opposant, Abdullah Abdullah, ont tous les deux revendiqué la victoire. Face à cette situation, John Kerry, secrétaire d’État américain de l’époque, s’était rendu plusieurs fois à Kaboul et avait fini par trouver comme solution la mise en place d’un gouvernement d’union nationale avec un partage à 50/50 pour chacun des hommes. La présidence a ainsi été donnée à Ghani, tandis que le poste de président du pouvoir exécutif a été créé sans que la Constitution afghane le prévoie. Cet état des choses n’est ni légal, ni légitime, mais il perdure. Dans l’accord signé par les deux hommes, il était prévu qu’au bout d’un an et demi, une assemblée afghane devait être appelée pour modifier la Constitution et provoquer des élections anticipées, afin de conférer légalité et légitimité au régime. Or, Ashraf Ghani a accepté cette condition sans jamais l’appliquer. Aujourd’hui, on est donc en face de deux pouvoirs qui se contredisent souvent l’un et l’autre, parfois publiquement. Par exemple, Abdullah déclare parfois qu’il n’est pas au courant d’une décision de Ghani. Le pouvoir politique n’est donc ni efficace, ni légal. L’Assemblée nationale aurait notamment dû être renouvelée deux ans auparavant mais le président s’arrange avec des décrets, de sorte que les députés actuels sont en place depuis maintenant six ans, au lieu de quatre. Le pays est donc dans une situation politique anormale, dont profitent les Talibans.

Par ailleurs, Ashraf Ghani a signé un accord de paix avec le parti islamique de Gulbuddin Hekmatyar, ancien membre de l’opposition armée à l’origine d’attentats, recherché par les Américains et sur la liste des terroristes élaborée par l’ONU. En signant l’accord de paix avec le chef du parti islamique et pour qu’il puisse entrer à Kaboul, le gouvernement demande aux Nations unies de supprimer Hekmatyar de la liste des terroristes recherchés. Cet accord est toutefois très contesté en Afghanistan car Hekmatyar a la réputation d’un véritable criminel de guerre.

Les pays étrangers fournisseurs de l’aide internationale (États-Unis, Europe, Japon…) – sans laquelle le pays ne pourrait survivre puisqu’elle constitue plus de la moitié du budget de l’État afghan – font pression sur Ghani pour arriver à un résultat. Malheureusement, il n’y arrivera pas et la communauté internationale soutiendra le gouvernement afghan quoiqu’il arrive, sous peine de laisser le pays aux mains de Daech. Il n’y a donc aucun moyen de pression efficace sur Kaboul pouvant mettre fin à la corruption. Avec la Somalie et la Corée du Nord, l’Afghanistan est en effet le pays le plus corrompu du monde ; de telle sorte qu’une grande partie de l’aide internationale a été détournée.

Quel est l’état des lieux des forces étrangères dans le pays ? La réflexion de Donald Trump quant à l’envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan ne risque-t-elle pas d’envenimer la situation ?

Après le retrait de l’OTAN fin 2014, les États-Unis ont gardé un peu plus de 8 000 soldats en Afghanistan, officiellement pour fournir de l’aide, du soutien et des formations à l’armée afghane. En parallèle, quelques soldats allemands et britanniques, australiens, turcs…, sont aussi présents. Au total, environ 14 000 soldats étrangers se trouvent toujours en Afghanistan. Leur mission a toutefois changé de nature après le retrait de l’OTAN : il ne s’agit plus d’une mission de combat mais de formation et de soutien. Cela étant, dans la pratique, il arrive parfois – dans le Nord ou récemment à Farâh et Hilmand dans le Sud – que devant les difficultés de l’armée afghane, les Américains interviennent dans le combat.

Ce qui fait débat aujourd’hui, c’est que depuis l’élection de Donald Trump et l’arrivée massive dans son entourage de généraux ayant servi en Afghanistan, il y a une demande de plus en plus pressante d’envoyer davantage de forces dans le pays. Or, cela rappelle fortement les années 2002-2003 quand, face aux difficultés des 3 000 soldats américains à combattre les Talibans, Washington avait décidé d’augmenter les forces en présence.

Pourquoi les généraux demandent-ils à Trump de ne pas se désengager de l’Afghanistan ? Parce que le pays est redevenu, comme il y a plus d’un siècle, un champ de rivalité entre les grandes puissances régionales. Depuis le retrait des troupes américaines et de l’OTAN, depuis que les négociations entre Kaboul et les Talibans ont échoué et depuis l’apparition de Daech dans le pays, la menace pèse sur tous les pays voisins : Iran, Pakistan, Tadjikistan, Chine, etc. Depuis quelques mois, la Russie et la Chine ont pris contact avec les Talibans et les ont invités à plusieurs reprises pour négocier. Les Talibans qui étaient auparavant des terroristes sont devenus des interlocuteurs pour Moscou et Pékin car les deux s’inquiètent de la présence de Daech à leurs frontières. De plus, compte-tenu de la situation syrienne, la Russie ne veut pas abandonner l’Afghanistan aux États-Unis. La Chine a la même politique et ne souhaite pas que les Américains mettent la main sur l’Afghanistan et sur sa frontière de 78 km avec le Xinjiang.

Ce contexte pousse donc les États-Unis à défendre davantage – et ce quoiqu’il arrive- le gouvernement de Kaboul. Aujourd’hui, l’Afghanistan représente donc un enjeu géopolitique majeur sur la scène régionale et internationale.

La diplomatie de Macron : pour l’instant tout va bien

Wed, 31/05/2017 - 18:23

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.

Refonder, réformer, relancer l’Europe ?

Wed, 31/05/2017 - 16:24

Thomas Guénolé, politologue, essayiste et chercheur associé à l’IRIS, répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux 9e Entretiens européens d’Enghien organisés par l’IRIS et la Ville d’Enghien-les-Bains le 20 mai 2017 :
– Qu’entendez-vous par l’idée qu’un « projet économique de la mondialisation malheureuse » se développe ?
– Comment analyser la montée en puissance de deux votes anti-système ?
– Comment l’Union européenne peut-elle se réconcilier avec ses citoyens ?

Rencontre Macron-Poutine : un « reset » de la relation diplomatique franco-russe ?

Wed, 31/05/2017 - 10:35

Cette rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine marque-t-elle un reset de la relation franco-russe ?

Incontestablement, cette rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine marque un reset qui remet le jeu à zéro entre les deux pays. En effet, depuis un peu plus d’un an, les diplomaties française et russe ne se parlaient plus ou seulement pour ne rien dire. Cela pouvait s’expliquer par la perspective des élections, les Russes ayant toujours tendance à vouloir attendre le prochain président pour parler. Cela s’expliquait aussi par les accusations portées concernant le bombardement d’Alep, ainsi que la référence à la Cour pénale internationale.

Cette visite de Vladimir Poutine est un très beau coup diplomatique pour Emmanuel Macron. Elle intervient dans un contexte particulièrement favorable dans la mesure où les Russes constatent qu’ils ne peuvent plus se fonder sur Donald Trump pour faire bouger les choses ; que leur relation avec Angela Merkel est mauvaise ; et que les relations entre Berlin et Washington se sont elles-mêmes détériorées.

Dès lors, la France, sa diplomatie et son président apparaissent pour Moscou comme un pôle autour duquel on peut bâtir quelque chose. Il faut attendre de voir ce que cela va donner mais ce qui est sûr, c’est que ce reset entre la France et la Russie était nécessaire et qu’à partir de maintenant, beaucoup de possibilités s’ouvrent.

La lutte contre le terrorisme constitue-t-elle la pierre angulaire d’une coopération entre Moscou et Paris ? La « ligne rouge » évoquée par Macron à propos de la Syrie sera-t-elle partagée par Poutine ?

Le terrorisme est un problème vital pour la France et la Russie. Cet enjeu représente aussi la base à partir de laquelle on peut bâtir quelque chose car sur l’Ukraine, tout le monde sait que les négociations vont être difficiles ; tandis que sur la Syrie, les approches restent encore très différentes. La lutte contre le terrorisme représente donc le point de rencontre et figure dans l’ordre du jour comme le point positif sur lequel Paris et Moscou peuvent dès à présent commencer à travailler.

À ce sujet, la France avait déjà raté quelques occasions dans le passé puisque François Hollande avait déclaré qu’il fallait se concerter avec la Russie, sans que cela n’aboutisse. Jusqu’à présent, la « déconfliction » – mesures pour faire en sorte que les avions français allant bombarder Daech ne soient pas interceptés par des avions ou fusées russes ou d’autres pays – par la France se faisait indirectement via les États-Unis, qui présentent, eux, un vrai processus de déconfliction avec Moscou. Dans la lutte contre le terrorisme, la France n’a donc pas su utiliser cette fonction pour se rapprocher des Russes.

La ligne rouge a été concertée au sein du G7 et sans doute de l’OTAN. Elle symbolise une approche punitive consistant à dire qu’il est inhumain d’utiliser les armes chimiques et donc qu’il faut y réagir. Ce rappel de Macron est une référence, voire une critique, implicite envers François Hollande qui avait annoncé qu’il ne laisserait pas passer sans réagir des bombardements chimiques, alors que finalement il n’a rien fait à partir du moment où les États-Unis ont décidé de ne pas réagir. Emmanuel Macron, au contraire, affirme que la France réagira, y compris toute seule. Il est plutôt symbolique, à la fois dans l’annonce et dans la réaction, de dire que Paris ne dépendra pas des autres pays pour réagir.

Comment se profile l’évolution du dossier ukrainien ? Macron peut-il apporter une désescalade des tensions ?

Cela fait maintenant plus d’un an que plus rien ne bouge sur le dossier ukrainien. Beaucoup de raisons peuvent l’expliquer. La première est l’inversion des termes des accords de Minsk par les Ukrainiens, qui subordonnent les mesures politiques qu’ils doivent prendre à des mesures de sécurité – celles-ci figurent certes dans les accords de Minsk mais seulement dans les derniers points de la séquence temporelle prévue.

Deuxièmement, les Russes n’ont absolument pas eu l’intention de faire le moindre effort en attendant l’arrivée des nouveaux pouvoirs aux États-Unis et en France. Moscou a notamment fait peu d’efforts en ce qui concerne les propositions allemandes et françaises de créer une feuille de route mettant ensemble les concessions à faire par les Ukrainiens et par le Donbass, en jouant sur des simultanéités partielles pour essayer de faire avancer le dossier. Maintenant, les relations russo-américaines sont sujettes à beaucoup d’interrogations.

Le format Normandie et les accords de Minsk deviennent donc le seul point d’ancrage pour une solution éventuelle au problème de l’Ukraine. L’Europe, et la France en particulier, retrouvent leur rôle, ce qui est plutôt positif pour l’avenir.

La Russie de Poutine : partenaire ou adversaire ?

Tue, 30/05/2017 - 18:22

Nicolas Tenzer, président du Centre d’étude et de réflexion pour l’action politique et professeur à Sciences Po, répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux 9e Entretiens européens d’Enghien organisés par l’IRIS et la Ville d’Enghien-les-Bains le 20 mai 2017 :
– L’opposition de Poutine aux valeurs libérales marque-t-elle un retour à la guerre froide ?
– L’Union européenne devrait-elle collaborer avec la Russie sur certains dossiers, notamment la lutte contre le terrorisme ?
– Que pensez-vous de l’idée d’une conférence de la sécurité en Europe impliquant la Russie ?

Trump, meilleur allié de la construction européenne ?

Tue, 30/05/2017 - 16:35

La semaine de déplacement de Donald Trump, qui s’est achevée par la réunion de l’OTAN – on ne peut parler de sommet même si les chefs d’État étaient présents – et par la réunion du G7, va peut-être changer durablement la relation transatlantique mais surtout le cours de la construction européenne. Si on regarde le bilan brut de la partie européenne du déplacement du président américain, il a obtenu que l’OTAN s’engage directement dans la lutte contre Daech, décision dont la portée opérationnelle est limitée mais qui symboliquement est importante. Donald Trump a par ailleurs sermonné les Européens sur la faiblesse de leurs dépenses de défense, une situation non acceptable pour le contribuable américain, dans un discours qui n’eut comme seul mérite que celui de la concision : 9 minutes montre en main. Le rappel de la garantie de sécurité que représente la clause d’assistance mutuelle en cas d’agression a été oublié, tandis que le maintien de l’engagement des États-Unis dans l’accord climat lors de la réunion du G7 ne semble pas d’actualité. En un mot, ce fut un échange à sens unique avec une concession, certes limitée, accordée par les Européens au nouveau président américain. Bénéfice obtenu de la part des Européens : zéro.

Le seul mérite de la semaine européenne de Donald Trump est qu’elle a sans doute achevé de convaincre les Européens qu’ils vont devoir désormais se « débrouiller tout seuls ». La chancelière allemande a résumé d’une phrase limpide la situation : « Nous les Européens, devront prendre en main notre propre destin ». Quant au nouveau président français Emmanuel Macron, il restera de lui cette image de son arrivée à l’OTAN où, se détournant ostensiblement du président américain, il alla saluer en premier lieu la chancelière allemande, puis le premier secrétaire de l’OTAN, le premier ministre belge et enfin, le président américain. Des images valent parfois autant que de grands discours.

Au final, on peut même se demander s’il ne faut pas remercier le nouveau président américain.

Après le Brexit, l’Union européenne était en danger. Or, grâce à son attitude, Donald Trump oblige les Européens à se ressouder. En refusant de faire référence à l’article 5 de l’OTAN, il peut même conduire les pays du Nord et d’Europe centrale à regarder avec plus de bienveillance toutes les initiatives européennes en matière de défense. Quitte à avoir une assurance, autant en avoir une deuxième si par malheur le premier assureur devait s’avérer défaillant. Quant à la question des 2% du PIB affecté à la défense, elle devient une question européenne et non plus transatlantique. Aux Européens de s’en emparer et surtout de définir par eux-mêmes ce qu’ils veulent faire. Comme le dit Sven Biscop, l’important pour les Européens n’est peut-être pas de dépenser plus mais de dépenser mieux, c’est-à-dire plus collectivement[1]. Reste qu’il faut bouger et le faire vite. La France et l’Allemagne se retrouvent désormais en première ligne après la défection britannique. Et, pour une fois, les calendriers électoraux nous aident avec un nouveau président français bien élu et des élections allemandes très proches, le 24 septembre 2017. Il ne reste plus qu’aux équipes à travailler à la fois sereinement et vite, afin que naisse une initiative forte en faveur d’une Union de défense avant la fin d’année.

[1] Sven Biscop, “Trump first”, Egmont Institute 29 mai 2017.

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