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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 2 weeks 1 day ago

Catalogne : une solution est-elle possible avec Rajoy ?

Wed, 04/10/2017 - 17:09

Le 1er octobre 2017, s’est tenu un référendum sur l’indépendance de la Catalogne. Jugé illégal par le gouvernement espagnol, il a vu le Oui l’emporter à 90% des voix (taux de participation : 42,3%) dans un contexte de fortes violences.

Il y a presque une vingtaine d’années, j’avais développé le concept de « prolifération étatique », à la suite de l’implosion de l’URSS et de la Yougoslavie. Je mettais en garde contre un phénomène qui me paraissait au moins aussi grave que celui de la prolifération des armes nucléaires : les sécessions d’États, qui n’étaient d’ailleurs pas uniquement animées par une volonté d’indépendance nationale, comme au temps de la décolonisation, mais guidées par l’égoïsme économique de vouloir conserver ses ressources naturelles/richesses, sans les partager avec les membres d’une ancienne fédération. Les Républiques slaves de l’URSS ne voulaient plus payer pour celles d’Asie centrale. La Slovénie, qui représentait 10% de la population et 25% du PIB yougoslave, a été la première à faire sécession. Cela pouvait conduire à un émiettement du monde et surtout des conflits, parce que, mis à part l’expérience tchécoslovaque, les divorces de velours sont plutôt rares. Les sécessions se terminent généralement dans le sang.

Je ne suis pas forcément un adepte du séparatisme et de la sécession. Mais ce qui vient de se passer en Catalogne me paraît être d’un ressort tout à fait différent. Bien sûr, cette dernière représente la partie la plus riche de l’Espagne, et l’aspect économique n’est initialement pas absent des revendications d’autonomie, les droits culturels des Catalans réprimés par Franco étant désormais reconnus. Mais, comment expliquer que, dans la période récente, la volonté indépendantiste se soit autant renforcée ?

La responsabilité du gouvernement espagnol n’y est pas étrangère. Depuis plusieurs années, Mariano Rajoy ne veut pas négocier avec les Catalans et les pousse davantage dans leurs retranchements. Bien sûr, dès le départ, certains souhaitaient l’indépendance. Mais d’autres réclamaient simplement une plus grande autonomie et une redistribution différente. On peut dire que l’intransigeance hermétique de M. Rajoy est venue augmenter le nombre de Catalans désirant l’indépendance.

Rajoy a perdu la « guerre des images ». Peut-on empêcher ainsi par la force, la force brutale et non la force de la loi, des gens qui veulent se rendre aux urnes ? Comment imaginer et accepter, qu’au sein de l’Union européenne (UE), basée sur des règles de démocratie, on puisse charger par la force des gens qui veulent voter ? Même si ce référendum était décrété illégal par Madrid, il y avait certainement d’autres moyens de s’y opposer. Ces violences à l’égard d’une population civile qui souhaite s’exprimer, la répression d’une manifestation par la force… Tout ceci est très grave.

Bien sûr, les gouvernements européens sont très gênés. Ils ne veulent pas critiquer un État membre, auquel ils tiennent, dont ils ont besoin. C’est également une façon de n’être pas critiqué soi-même. Mais, peut-on concevoir que l’UE, qui aime bien faire la leçon au reste du monde, notamment sur les questions du respect des droits de l’homme, de gouvernance, ne dise pas un mot sur une répression si violente ? Quoi qu’on puisse penser du référendum en tant que tel, ce silence pesant est un peu gênant. Il n’est pas du tout normal que l’on puisse s’élever contre des violences policières partout dans le monde, sauf lorsqu’elles ont lieu dans un autre pays membre de l’UE.

De même que David Cameron, par un enfermement politique et psychologique, a précipité le Brexit, on peut dire que M. Rajoy aura accentué le désir d’indépendance de la Catalogne. Il sera très difficile de reprendre le fil d’un débat, d’une négociation, d’un dialogue entre les Catalans et le gouvernement espagnol, tant que ce dernier sera dirigé par M. Rajoy.

Il est loin d’être certain que l’indépendance serait bénéfique à la Catalogne. Cette dernière ne serait plus membre de l’UE. Le fait de maintenir ensemble une fédération, malgré les différences des États membres, y compris sur le plan de la richesse, nécessite souplesse et ouverture. Mais M. Rajoy ne semble disposer ni de l’une, ni de l’autre. Les solutions répressives et autoritaires ne sont que des politiques de Gribouille, qui conduisent à la réalisation ce qu’on disait vouloir combattre.

Catalogne : l’Espagne pourrait se transformer « en État fédéral multinational ou plurinational » pour sortir de la crise

Wed, 04/10/2017 - 12:33

La Catalogne peut-elle déclarer son indépendance ?

Beligh Nabli : C’est possible théoriquement. Rien n’empêche un pouvoir politique de déclarer l’indépendance d’une entité sauf que dans le cas de la Catalogne, elle n’aurait aucune effectivité. Quand vous voulez créer un État, ce qui importe, c’est la manière dont vont réagir les autres États. Est-ce qu’ils vont vous reconnaître ce statut, cette qualité étatique ? Dans le cas de la Catalogne, au regard des réactions diplomatiques de l’ensemble de la communauté internationale, ni les États européens, ni les États de la communauté internationale, ni même les organisations internationales y compris l’Union européenne, n’ont émis un quelconque signe positif en faveur d’une telle reconnaissance.

Que fait-on du principe onusien du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » ?

C’est un principe qui est reconnu par la charte des Nations unies et qui est à l’origine de la naissance d’un certain nombre d’États. Si vous créez ou si vous déclarez une volonté de vous constituer en État en tant que nation, il faut absolument, pour que cette déclaration devienne une réalité effective, qu’elle reçoive l’accord des autres membres de la communauté internationale. Sinon, vous vous retrouvez dans une situation d’État virtuel sans capacité d’avoir des relations avec les autres États.

Comment peut-on sortir de l’impasse politique ?

On est dans un rapport de force politique. Ce n’est pas un problème de droit international, mais un problème interne avant tout qui pourrait avoir une solution. Si on remonte dans l’histoire de ce conflit politique, la censure du tribunal constitutionnel espagnol de la reconnaissance par la loi espagnole de la qualité de nation est un acte fondateur. Cette idée, inscrite dans une loi espagnole, a été censurée. C’est de là qu’il y a eu une crispation politique. Il faudrait contourner cette censure par une révision de la Constitution espagnole qui prévoirait une mutation de l’État espagnol en État fédéral multinational ou plurinational. Il y aurait non seulement une nation espagnole, mais aussi une nation catalane. Cela existe en Belgique.

Crise politico-sécuritaire en Catalogne au lendemain du référendum : un point de non-retour ?

Tue, 03/10/2017 - 16:54

L’escalade rhétorique de ces derniers mois entre l’exécutif espagnol et catalan s’est muée en une crise majeure, qui laisse présager une incapacité à ouvrir un dialogue au vu de l’antagonisme entre Madrid et Barcelone. Pour nous éclairer, le point de vue de Jean-Jacques Kourliandsky chercheur à l’IRIS sur les questions ibériques.

Au lendemain de la tenue du référendum d’autodétermination, l’exécutif catalan a proclamé une large victoire des partisans de l’indépendance, tandis que la réponse sécuritaire de Madrid à la tenue des élections a largement choqué. Comment expliquer ce soudain embrasement ? Au-delà de la suite à donner à ce référendum, Madrid n’a-t-elle pas perdu la bataille des images et entériné de fait un après et un avant 1er octobre 2017 ?

Ce qui s’est passé dimanche était un accident démocratique prévisible compte-tenu des positions antagonistes et antidémocratiques des acteurs en présence. Le gouvernement de la Généralité est passé outre la Constitution qui avait été adoptée en 1978 par 90% des Catalans et le gouvernement espagnol a refusé tout dialogue depuis 2011. Cet autisme réciproque ne pouvait s’achever qu’en accident politique. Avec une interrogation qui portait sur celui qui allait l’emporter médiatiquement. Le gouvernement catalan a joué la provocation pour piéger Madrid qui est tombée dans le panneau en envoyant la police sur les lieux de vote où devaient se prononcer les principaux responsables gouvernementaux catalans.

Une majorité silencieuse ne s’est pas déplacée ce dimanche. Comment l’interpréter ? Est-ce une manière de renvoyer dos à dos un exécutif régional faisant de l’autodétermination l’alpha et l’oméga de sa politique et un gouvernement central totalement dépassé dans la gestion politique et sécuritaire des événements ?

Le gouvernement central n’est pas dépassé par les événements : il a refusé toute forme de dialogue avec les autorités catalanes depuis 2011 pour deux raisons. La première est idéologique : le parti populaire est un parti nationaliste, dans la tradition de la droite espagnole qui conçoit le pays comme un Etat unifié. L’autre raison est électorale : les partisans du Parti Populaire (PP) considèrent qu’il n’y aucune concession à faire à la Catalogne. Aux dernières élections catalanes, les indépendantistes ont fait 48% des suffrages exprimés. C’est-à-dire que 52% des électeurs préfèrent une autre solution préservant sous une forme ou sous une autre le lien avec le reste de l’Espagne. Interrogés régulièrement depuis 2012, une majorité de Catalans souhaiterait revenir au statut d’autonomie appliqué de 2006 à 2010 et qui a été suspendu par le tribunal constitutionnel sur plainte du PP. Ce statut définissait la Catalogne comme une nation dans la nation espagnole, et lui donnait des droits plus étendus. Le PP n’a jamais répondu depuis son accession au pouvoir en 2011, au vœu d’une majorité des catalans souhaitant rester au sein de la nation espagnole mais avec une reconnaissance de leur particularisme avec des droits plus importants. Pas plus qu’il n’a accepté la demande de Pacte fiscal proposé en échange d’un abandon de la revendication « nationale » par le parti nationaliste de centre-droit, CiU (aujourd’hui PDCat) en 2011.

Cette majorité n’est pas allée voter car le scrutin ne s’est pas déroulé dans des conditions démocratiques : pas de liste électorale, pas de bulletin de vote anonyme, pas d’espace pour une campagne en faveur du Non etc… Les partisans d’une autre voie ne pouvaient pas d’autre part participer à ce référendum car la possibilité d’une autre option que celle de l’indépendance n’était pas présente dans la question posée.

Une sortie de crise suppose que les différents acteurs s’assoient autour d’une table sans aucune condition préalable. Mais on peut s’interroger sur la capacité de M. Puigdemont pour la Catalogne et M. Rajoy pour le gouvernement espagnol à procéder tôt ou tard à ce dialogue.

La perspective la plus raisonnable et démocratique serait une sortie de crise où chacun assumerait les positions prises face aux électeurs. Il y a des voix à Barcelone, mais aussi en Espagne, qui considèrent que le dossier a été très mal géré par le gouvernement Rajoy: Podemos, pourtant partisan d’une Espagne unifiée, refuse les méthodes suivies par la justice et la police, tandis que les socialistes proposent depuis le mois de juin une fédéralisation de l’Espagne et la création d’une commission spéciale du Parlement. Aujourd’hui, des autonomistes qui soutenaient le statut entre 2006 et 2010 sont devenus indépendantistes en raison de l’intransigeance de Madrid.

L’Union européenne communique très peu autour de cette crise d’un de ses Etats membres. Appelée par les indépendantistes à se positionner, la négociation de ce conflit doit-elle nécessairement passer par Bruxelles ?

Les pays de l’Union européenne ainsi que la Commission ont évité de se prononcer depuis le début de cette crise, considérant qu’il s’agissait d’une question relevant d’un débat démocratique interne à l’Espagne. Il a été rappelé, en réponse aux questions posées par le Parlement européen au président de la Commission en 2004, et en 2017, que les fondements de l’UE reposaient sur le respect des textes et donc de la Constitution espagnole.

Implicitement l’UE et ses membres soutiennent juridiquement le gouvernement espagnol. Si une indépendance catalane se faisait dans le respect des règles constitutionnelles, ce nouvel Etat ne serait pas membre de l’UE et devrait se soumettre à un processus d’adhésion. Les nationalistes catalans ont défendu une thèse différente, considérant qu’ils étaient déjà membres de l’UE et qu’il n’y aurait pas de changement de leur statut, ce à quoi l’Union a répondu que cela n’était pas envisageable.

« On voit mal Israël négocier avec un mouvement terroriste »

Tue, 03/10/2017 - 12:38

 » Ce nouvel accord de réconciliation manifeste un volontarisme politique à la fois de la part du Hamas et du Fatah. La crise humanitaire à Gaza a atteint un niveau sans précédent. Les habitants ont accès à l’eau et à l’électricité seulement trois à quatre heures par jour. Et, en juin dernier, l’Autorité palestinienne a décidé de baisser de manière drastique sa contribution financière à Gaza pour l’achat d’électricité et le paiement des fonctionnaires, plongeant encore un peu plus ses habitants dans la précarité. Le Fatah voulait ainsi pousser les habitants de Gaza à demander au Hamas de se réconcilier avec lui.

Lundi, à Gaza, on a pu mesurer le soutien populaire en faveur d’une réconciliation entre le Hamas et le Fatah. Il est indéniable que le Hamas est isolé, notamment depuis la distance prise par son principal bailleur de fonds humanitaire, le Qatar. Il a été obligé de se tourner vers l’Égypte, qui entend revenir dans le jeu politique régional. Ce rapprochement avec Le Caire, qui par ailleurs impose un blocus à Gaza, a éloigné le Hamas des Frères musulmans.

Cette réconciliation entre le Hamas et le Fatah est un processus loin d’être clos. Il faudra gérer l’absorption des forces militaires et civiles du Hamas dans l’Autorité palestinienne. Le principal intérêt pour les Palestiniens de ce rapprochement est l’unicité de la représentation dans des négociations de paix avec Israël.

L’État hébreu ne se montre pas opposé à cette réconciliation entre Palestiniens. Beaucoup en Israël estiment que la situation à Gaza est telle que si l’étau ne se desserre pas, la situation peut exploser et devenir dangereuse pour Israël. Ensuite, le Hamas a révisé sa charte vers une reconnaissance de l’État hébreu et une convergence avec le Fatah sur la vision d’une entité palestinienne correspondant aux frontières de 1967.

Cela dit, le chemin est long. On voit mal Israël accepter de négocier avec une délégation palestinienne incluant un mouvement terroriste, le Hamas. Il y a eu un précédent, puisque, avant les accords d’Oslo, Israël avait entamé des négociations secrètes avec l’OLP, considérée comme terroriste.

Mais les positions sont opposées. La stratégie israélienne est de dire qu’il n’y a pas d’interlocuteur pour négocier et que s’il y en a un les négociations ne doivent pas remettre en cause le processus de colonisation. Côté palestinien, il est impensable de négocier alors que les Israéliens continuent à coloniser. Devant ces deux postures, on sent bien qu’il y a maintenant un alignement américain sur la position israélienne. »

Recueilli par Pierre Cochez

Robert Kennedy : quel héritage pour le frère de JFK ?

Tue, 08/08/2017 - 10:37



Guillaume Gonin est conseiller politique. Il répond à nos questions à l’occasion de la parution de son ouvrage biographique Robert Kennedy (Fayard, 2017) :

– Quel rôle a joué Robert Kennedy dans la vie politique américaine ?
– Robert Kennedy reste assez méconnu en France. Pourquoi avoir choisi de lui consacrer un ouvrage ?
– Quel est l’héritage politique laissé par les deux frères Kennedy ?

Brexit, Trump, Orbán… La revanche du national ?

Tue, 01/08/2017 - 15:38

Bertrand Badie est professeur de relations internationales à Sciences po Paris. Il répond à nos questions l’occasion de la parution de son ouvrage Vers un monde néo-national ? avec Michel Foucher et en entretien avec Gaïdz Minassian, paru aux CNRS Editions (avril 2017) :

– Vous évoquez l’essor d’un monde “néo-nationaliste”. En quoi consiste-t-il ?
– Dans ce contexte, assiste-t-on plutôt à un retour des frontières ou à leur érosion ?
– Comment guérir cette “pathologie” néo-nationaliste des relations internationales ?

Démission de la ministre de la défense japonaise, Shinzo Abe fragilisé

Tue, 01/08/2017 - 10:40

La ministre de la Défense du Japon, Tomomi Inada, a annoncé vendredi 28 juillet sa démission après une série de faux-pas ayant contribué à faire plonger la popularité du premier ministre Shinzo Abe. Le premier ministre comptabilise moins de 30 % de soutiens dans de récents sondages, sur fond de soupçons de népotismes.

Mme Inada a expliqué « prendre ses responsabilités » après avoir reçu un rapport selon lequel des
responsables militaires avaient illégalement dissimulé des comptes-rendus au jour le jour des soldats japonais, dans le cadre d’une mission onusienne de maintien de la paix (PKO) au Soudan du Sud .

La controverse sur ce rapport remonte à décembre, lorsque le ministère de la défense a refusé une demande de divulgation d’information pour les documents couvrant les activités de la Force d’autodéfense (FAD) au Sud-Soudan en juillet de l’année dernière, indiquant qu’ils avaient été détruits.

Le ministère a ensuite reculé, disant que certaines des données avaient été trouvées sur un ordinateur dans le bureau de l’état-major de la FAD et en divulguaient des sections.
Mais les hauts responsables de la FAD semble-t-il savaient que les FAD terrestres avait effectivement les données.

Le ministère de la Défense a déclaré vendredi qu’une enquête interne sur le scandale a révélé une série de violations de la loi impliquant le ministère et les fonctionnaires, mais a nié que Mme Inada ait joué un rôle dans la dissimulation des données.

Cette avocate de 58 ans, devenue politicienne, a assumé le portefeuille de la défense depuis le remaniement du Cabinet précédent en août de l’année dernière. Sa nomination avait été controversée en raison des ses prises de position nationalistes et révisionnistes. Comme le soulignait Le Monde en août 2016 « élue depuis 2005 du département de Fukui (centre), cette ancienne avocate est connue pour ses prises de position nationalistes, proches de celle de M. Abe. Avant de s’engager en politique, elle a notamment défendu des officiers nippons s’étant sentis diffamés par les écrits de l’écrivain Kenzaburo Oe sur leur comportement pendant la bataille d’Okinawa, en 1945.Depuis son entrée au Parlement, elle multiplie les prises de position révisionnistes, niant le massacre de Nankin par l’armée impériale japonaise en 1937 ou l’existence des femmes dites « de réconfort ». En 2015, année des 70 ans de la fin de la guerre, elle a plusieurs fois appelé à ne pas s’excuser. Membre de l’organisation ultranationaliste Nippon Kaigi, elle a également rejeté l’emploi du mot « invasion » pour qualifier l’action du Japon en Asie et défend les visites au controversé sanctuaire Yasukuni, qui honore les soldats morts pour la patrie, parmi lesquels des criminels de guerre. Mme Inada est également favorable à la révision de la Constitution. »

Mme Inada voyait aussi sa position fragilisée depuis la campagne pour les élections municipales de Tokyo. Le 27 juin 2017, Mme Inada avait déclaré qu’un candidat de son parti bénéficiait de l’appui du ministère de la défense et des forces d’autodéfense. Comme celles-ci sont censées être politiquement neutres, cette déclaration a été très critiquée, et cela a forcé le premier Ministre Abe et Inada à présenter leurs excuses

COUP DUR

Cette démission est un coup dur pour le premier ministre japonais qui doit conduire un remaniement ministériel la semaine prochaine pour justement redresser sa popularité défaillante. C’est le sixième ministre qui doit partir en raison d’un scandale depuis que Shinzo Abe est revenu au pouvoir fin 2012. En avril, Masahiro Imamura a démissionné de son poste de ministre de la reconstruction et des catastrophes pour avoir déclaré que c’était « une bonne chose » qu’en mars 2011 le tremblement de terre et le tsunami avaient frappé la région de Tohoku plutôt que la ville de Tokyo.

Avant le renoncement de Mme Inada, réclamé depuis des semaines par l’opposition, un autre coup dur avait atteint M. Abe : une défaite historique de sa formation aux élections à Tokyo.
Jamais le PLD, qui domine la vie politique nippone depuis 1955, n’y avait connu un tel fiasco : il n’a réussi à conserver que 23 des 127 sièges de l’Assemblée de la métropole, souligne Karyn Nishimura-Poupée, correspondante au Japon de l’Agence France Presse.

Parmi les successeurs potentiels d’Inada, l’agence de presse Kyoto cite le nom d’Itsunori Onodera, qui fut ministre de la défense pendant près de deux ans, à partir de la fin 2012, date du retour de Shinzo Abe au pouvoir. L’affaire des rapports d’activité des Forces d’autodéfense japonaises au Soudan du Sud a conduit le général Toshiya Okabe, chef d’état-major des forces terrestres, à décider de démissionner, ont rapporté des médias japonais.

Cette affaire porte aussi un coup dur à la réforme des forces armées souhaitée par Shinzo Abe. En effet les documents qu’a cachés Mme Inada avaient enregistré la détérioration de la situation sécuritaire au Sud-Soudan et leur divulgation l’an dernier auraient pu entraver la pression du gouvernement pour prolonger la participation des troupes dans la mission de l’ONU et attribuer de nouvelles responsabilités de sécurité éventuellement plus risquées, souligne The Japan Times.

De tels documents sont importants au Japon où la population est fortement sensible aux risques que peuvent prendre les forces armées à l’étranger et à leur éventuelle implication dans un conflit, ce qu’une grande majorité de Japonais ne souhaitent pas. De tels documents ne vont donc pas dans le sens d’un apaisement des tensions autour du rôle des forces armées japonaises en mission à l’étranger et risquent au contraire d’encore renforcer les préventions pour leur donner un rôle accru hors du Japon. C’est donc un nouveau coup porté à Shinzo Abe dont le but ultime, s’agissant la politique de défense et qu’il porte depuis son premier passage raté à la tête du gouvernement en 2006-2007, est de parvenir à réformer la Constitution pacifiste entrée en vigueur en 1947 et jamais réformée depuis.

Récession en vue au Royaume-Uni : la part du Brexit, la part du reste…

Tue, 25/07/2017 - 17:40

L’institut de macro-économie Fathom prévient d’un risque de récession en Grande-Bretagne qui « n’a jamais été aussi grand », pointant du doigt le Brexit combine au recul de la consommation des ménages. Que penser de ce scénario ? N’est-il pas un peu alarmiste selon vous ?

Le Brexit crée évidemment de l’incertitude économique. Par ailleurs, la situation économique britannique connait une certaine dégradation, liée en bonne partie à ses déséquilibres macro-économiques généraux et antérieurs au référendum.

L’opposition à la sortie de l’UE semble nourrir des interprétations assez partiales et emphatiques de la conjoncture. Les économistes britanniques ont quand même l’habitude, in fine, de reconnaître leurs erreurs et nombreux sont ceux qui ont fait leur mea culpa au sujet de ce que les Brexiters ont nommé « Project fear », l’annonce d’une apocalypse économique dès le lendemain du vote. La conjoncture britannique a été préservée par la résilience de la consommation des ménages mais le phénomène connaît des limites liées au niveau déjà très bas de l’épargne. Par ailleurs, la dépréciation de la livre, bien qu’elle accroisse l’inflation et comprime le pouvoir d’achat à court terme, peut aussi permettre un certain rééquilibrage pour cette économie qui connait de larges déséquilibres sur le plan commercial et financier. Notons tout de même que, bien que les salaires stagnent et que la croissance fléchisse, le pays n’est pas loin du plein emploi. Il semble, à certains égards, que nous soyons dans une sorte de bis repetita du « project fear », une version bien plus modérée que la version initiale pré-référendum mais visant tout de même à orienter les faits sans relâche. Toutefois, au Royaume-Uni le jeu interprétatif ne dépasse pas une certaine limite fixée par l’observation des chiffres. L’empirisme britannique reste un garde fou, tout comme ce bon vieux sens de la politesse qui interdit aux débats certes très tendus sur le fond de dégénérer en scènes de transe télévisuelle.

 

Si le risque de récession au sens technique est évidemment présent, ne s’explique-t-il pas en grande partie par les faiblesses sous-jacentes (structurelles ?) de l’économie britannique ?

Les incertitudes du Brexit ajoutent une dimension à l’affaiblissement de la conjoncture britannique. Mais lorsque l’on regarde justement les chiffres d’épargne présentés par Fathom, on constate une dynamique cyclique qui accompagne les régimes de croissance. La baisse continue du taux d’épargne vient nourrir la demande pendant les périodes d’expansion économique. Le cycle des années 2000 s’est fracassé sur la crise financière de 2008, avec une remontée brutale du taux d’épargne à environ 12% des revenus, qui est ensuite repartie à la baisse tout au long de la période de reprise. Nous sommes aujourd’hui à un niveau particulièrement bas de l’ordre de 2%. Alors que l’économie britannique a pu résister à l’incertitude du Brexit par la stabilité de la consommation, on voit qu’il n’y a plus beaucoup de marge de manœuvre sur ce plan là, dans un contexte de stagnation des salaires. Le Royaume-Uni connait des déséquilibres importants, en particulier avec son déficit courant à de plus de 4% du PIB ces dernières années. Le modèle est assez clair : consommation forte, faible épargne et larges déficits. Notons que, comme souvent, les politiques d’austérité mises en place par David Cameron, n’ont guère permis de rééquilibrer cette situation, en se focalisant sur la seule question budgétaire plutôt que sur les déficits de l’économie en général. La plupart des économistes ont passé les quatre dernières décennies à nier l’importance des déséquilibres commerciaux (et leur pendant financier de ce fait). Où que l’on porte son regard dans l’économie mondiale, on ne peut que constater la gravité de cette erreur, sur le plan économique mais aussi politique.

 

Quelles difficultés ajoute alors le Brexit à ce contexte ?

D’un côté la dépréciation de la livre permet un certain rééquilibrage commercial au bout d’un certain temps. De l’autre, à court terme, elle sonne la fin du mélange instable de surconsommation, d’afflux massif d’investissements étrangers et de délitement productif. Ces périodes de sevrage sont toujours compliquées à gérer. La question de la réindustrialisation vise la question des inégalités et du redéveloppement du territoire, mais aussi l’équilibre financier du pays. On a vu réapparaître le spectre de Tony Blair dans les médias depuis le référendum, mais le vent a néanmoins tourné de façon résolu dans ce pays chez les Brexiters comme chez la majorité des Remainers.

On fait poliment dérouler à l’ancien premier ministre ses arguments en faveur de l’annulation du vote du Brexit, car il reste un bon communicant, mais même les journalistes les plus défavorables à la sortie de l’UE ne manquent pas, la plupart du temps, de concéder qu’il n’a plus guère de crédibilité dans le pays.

Le rééquilibrage de l’économie britannique peut être rendu particulièrement difficile dans un contexte d’incertitude politique, comme celui des négociations du Brexit. On parle énormément de la hausse de l’inflation à court terme, qui a atteint 2.9% avant de refluer vers 2.6% le mois dernier. La dépréciation de la livre a certes alimenté l’inflation ; mais sauf à parier sur un effondrement continu du taux de change, le pays ne se trouve pas dans une spirale inflationniste, d’autant plus que les salaires stagnent, comme les mêmes analystes ne cessent de le rappeler. Ce qui menace davantage l’économie britannique sur le long terme c’est le spectre d’une incertitude juridique et commerciale dans ses relations avec l’Europe. La City risque de devoir évoluer vers un modèle encore plus résolument offshore, en perdant une partie de ses revenus entretemps. Plus généralement, la situation est asymétrique car le Royaume-Uni serait bien plus affecté que le reste de l’Europe par le rétablissement de barrières douanières dans le cadre régi l’OMC et surtout par le surplus de paperasse. Notons toutefois que de plus petits pays comme l’Irlande mais aussi les Pays-Bas et la Belgique serait presque autant affectés que le Royaume-Uni par ce scénario. Par ailleurs, une telle rupture serait politiquement, économiquement et juridiquement aberrent pour gérer les relations entre l’UE et un ancien membre qui continuera d’appliquer la quasi-totalité des normes de l’union, ne serait-ce que par souci de continuité.

Taxe carbone et divisions sociopolitiques au Canada

Tue, 25/07/2017 - 12:15

En mai dernier, le gouvernement fédéral canadien a annoncé une série de mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le prolongement de l’Accord de Paris. Le plan n’est pas sans réveiller les tensions intestines de la société canadienne, largement engagée dans un modèle de développement productiviste depuis plusieurs décennies.

La politique environnementale du gouvernement Trudeau se pare des atours communicationnels les plus brillants pour s’afficher comme le bon élève de la classe mondiale concernant les dispositifs de lutte contre le changement climatique. En mai dernier, la ministre de l’Environnement dévoilait un plan de réduction des émissions de méthane, un gaz qui représente le quart des émissions de gaz à effet de serre du pays. S’y agrège une mesure bien connue outre-Atlantique : la taxe carbone, qui s’élèverait à dix dollars la tonne dès 2018, pour augmenter graduellement de dix dollars chaque année et atteindre 50 $ en 2022. Une taxe qui ne devrait s’appliquer que pour les provinces de la Saskatchewan et du Manitoba.

Ces mesures sont cependant loin de faire consensus. La concorde sociopolitique, durement bâtie durant de longues décennies autour d’une économie politique néolibérale et productiviste, est en train de se fissurer. Le gouvernement Trudeau a perdu la confiance de la majorité des Canadiens et seuls 19 % d’entre eux soutiennent le projet. Leurs craintes ? La hausse de leur facture énergétique et la délocalisation des entreprises canadiennes, notamment les plus polluantes. Cela explique la forte opposition des provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta (autour de 70 % d’avis négatifs), deux provinces productrices de pétrole ; l’extraction pétrolière représente un quart du PIB de l’Alberta. Le risque serait de voir partir les entreprises et les investisseurs, alors même que les Etats-Unis de Donald Trump tournent le dos aux engagements de l’administration Obama lors de la COP 21, tenue à Paris en décembre 2015.

La contestation du projet met en exergue le paradoxe axiologique qui traverse le gouvernement canadien : d’une part, la force d’inertie d’une orthopraxie néolibérale, héritière directe du libéralisme d’un Pierre Eliott Trudeau (le père de l’actuel Premier ministre), fondée sur le productivisme et l’action de l’État pour décloisonner le marché, au mépris des considérations écologistes ; et d’autre part, la montée en puissance symbolique ces dernières années d’une construction diégétique autour de politiques de protection de l’environnement. Cette communication politique autour de mesures écologistes est d’autant plus efficace qu’elle frappe les esprits en s’opposant diamétralement au climato-scepticisme de l’ancien Premier ministre conservateur, Stephen Harper, lequel en son temps avait rejeté le protocole de Kyoto, défendu l’exploitation des sables bitumineux et tenté d’écarter les militants écologistes de l’espace public.

Dit d’une autre manière, Justin Trudeau est tiraillé entre un néolibéralisme débridé, écologiquement néfaste par essence mais idéologiquement puissant, et le capital politique que procure la mise en place d’une politique de protection de l’environnement, tant sur la scène politique intérieure que dans le jeu des relations internationales. Alors que Donald Trump apparaît comme un dirigeant imprévisible à tous égards et fait montre de mépris vis-à-vis des valeurs partagées par les démocraties libérales, le Canada a une carte à jouer : faire entendre sa voix et accroître son autorité politique dans le concert des nations, au moment où les sociétés occidentales sont travaillées par des courants anti-libéraux, de droite comme de gauche.

Seulement, le Canada n’est pas épargné par la montée de courants de pensée illibéraux dans sa société. Le printemps érable de 2012 n’en est qu’un exemple. Certains militants de gauche, alliés circonstanciels ou plus durables des séparatistes, gardent un poids politique notable au Québec. Le modèle multiculturaliste, qui s’est imposé au Canada comme une valeur dominante et identificatoire de la société, est lui-même attaqué ; en particulier par des courants islamophobes qui, sous prétexte de défendre la laïcité, aspirent tacitement au retour d’une société blanche mythifiée de tradition chrétienne. Ces courants contestataires mettent en lumière les contradictions qui parcourent la société canadienne jusqu’au sommet de l’État et irriguent l’ensemble des démocraties libérales. Des contradictions qui se résument à une alternative : abandonner ou maintenir les « frontières ».

Lutte contre le VIH : des progrès malgré des situations alarmantes dans certaines régions

Mon, 24/07/2017 - 14:06

ONU Sida a publié un rapport jeudi 20 juillet sur l’état des lieux de l’épidémie du VIH dans le monde[1] .

Le point de vue du Dr Anne Sénéquier, chercheuse associée à l’IRIS.

Globalement, ce rapport apporte-t-il de bonnes nouvelles dans la lutte contre le VIH ?

Ce rapport marque le mi-parcours du défi 90-90-90 lancé il y a 3 ans de ça, avec pour objectif d’atteindre 73% de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH ayant une charge virale indétectable en 2020. Ce chiffre revient à obtenir 90% des personnes vivant avec le VIH connaissant leur statut, 90% de ces personnes ayant accès au traitement et enfin 90% d’entre elles ayant une charge virale indétectable. Sept pays ont déjà atteint ces objectifs, dont des pays à revenus faibles et intermédiaires (Botswana, Cambodge). cCela signifie que l’écart – jusqu’à présent important – entre les pays à hauts revenus et ceux à faibles revenus commence à se réduire, et que l’objectif de mettre fin à l’épidémie du Sida pour 2030 n’est plus une utopie. C’est la vraie bonne nouvelle.

Ce n’est pas la seule. Le taux de mortalité lié au Sida a été divisé par deux depuis 2005. On assiste également à une accélération du dépistage et du traitement avec davantage de pays et villes qui proposent un traitement dès le diagnostic, comme le préconise l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On a une approche plus globale de la maladie, ce qui a permis une baisse mondiale de 48% des décès liés au Sida entre 2010 et 2016, ainsi qu’une baisse de 16% des nouvelles infections. Pour la première fois, la moitié des personnes vivant avec le VIH dans le monde ont accès à un traitement antirétroviral, ce qui est clef dans les nouvelles politiques de lutte contre le Sida.

L’approche globale a permis l’émergence de divers partenariats. Ceux avec la société civile permettent de mener des projets innovants pour atteindre des populations – notamment jeunes, masculines et rurales – que l’on n’arrive pas à cibler avec des programmes nationaux. Par exemple, le projet « Sustainable East Africa Research in Community Health » (SEARCH) en Ouganda et au Kenya qui a obtenu de vraies victoires. Des partenariats avec l’industrie pharmaceutique ont également permis l’encadrement du prix de test de dépistage des charges virales. Enfin, l’initiative « Ville Fast-Track » initiée à Paris et qui compte aujourd’hui plus de 200 villes à travers le monde où l’on réfléchit a des approches novatrices, et accès universels aux soins.

Selon le rapport, la situation reste alarmante en Afrique de l’Ouest et centrale, Moyen-Orient/Afrique du Nord et surtout en Europe de l’Est et en Asie centrale. Comment expliquer la vulnérabilité de ces zones ?

Les raisons sont certes différentes selon les régions, mais certains facteurs sont convergents. Parmi eux figurent ceux liés aux systèmes de santé : problème d’accès aux soins, lacunes dans la chaîne d’approvisionnement de médicaments, manque de financement, manque de professionnel de santé qualifié/sensibilisé au VIH… La discrimination et la stigmatisation des patients séropositifs peuvent encore être très présentes et sont toujours des obstacles majeurs à l’accès aux soins. Il est alors compliqué pour certains patients d’avoir confiance en un système de soins qui les marginalise, ce qui retarde encore le diagnostic/le traitement/la prévention secondaire… un cercle vicieux dont il est difficile de sortir.

Au niveau de la trithérapie, on pose deux problématiques. La disponibilité et le prix. Même si le traitement est disponible, la question reste épineuse quand il est question de faire un choix entre la trithérapie ou la nourriture pour la famille.

Le manque de sensibilisation des populations aux problématiques sanitaire et du VIH en particulier reste un problème majeur de ces régions. Notamment chez les jeunes, avec une mauvaise compréhension du VIH et de son mode de transmission. Les fausses croyances et la peur du virus sont également impliquées dans l’augmentation des nouveaux cas et un retard dans leur prise en charge.

Concernant l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale en particulier, le rapport met en avant une faible utilisation de la trithérapie, puisque 28% seulement des patients VIH sont sous traitement et seulement 22% des patients sous traitement ont une charge virale indétectable.
Le test de dépistage VIH est encore confidentiel (12% en Azerbaijan, 26% en Georgie ) parmi les patients toxicomanies, c’est aussi le cas dans une moindre mesure dans la communauté homosexuelle et chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes : 57% en Ukraine.
Dans certains pays, les lois pénalisant l’homosexualité, la possession de drogue découragent les populations clef dans leurs recherches de soins autant préventif que curatif. Enfin il est important que noter qu’en 2016, 81% des nouvelles infections au VIH sont dévolus au seul pays de la Russie.

Quelles sont les perspectives futures dans la lutte contre le VIH ?

Il est primordial d’avoir une approche plurisectorielle. La prévention primaire fait le focus sur la limitation des cas de nouvelles infections : Éducation à la santé, notamment les jeunes de 15 à 24 ans (qui ont parfois à tort banalisé le Sida en maladie chronique) et les hommes, message de prévention, sensibilisation dans les populations clefs…

Ensuite, la prévention secondaire met l’accent sur la suppression de la charge virale chez les personnes vivant avec le VIH. Les études ont effectivement montré qu’avoir une charge virale indétectable protège le patient, mais aussi ses partenaires sexuels, ce qui limite donc la transmission du virus. C’est pourquoi on recommande aujourd’hui de commencer le traitement dès le diagnostic.

Il est également nécessaire de faire tomber les obstacles. Et c’est l’affaire de tout le monde. Il est question de normes de genre, inégalités sociales, difficulté accès aux soins, entrave à l’éducation, discrimination du séropositif, homophobie… À travers les divers partenariats et programmes évoqués, il s’agit d’harmoniser les politiques de santé et les législations au niveau mondial afin d’améliorer l’accès aux soins pour tous les patients. Il est en effet utopique de penser que l’on puisse éradiquer le VIH sans que tous les pays et continents n’avancent main dans la main, car l’épidémiologie nous a prouvé maintes fois qu’elle n’a que faire de la géographie.

Enfin, le quatrième pilier concerne l’aspect recherche et développement afin d’améliorer la tolérance et l’efficacité de la trithérapie. Aujourd’hui, de nombreuses résistances émergent (à l’image des résistances aux ATB) et cela risque de devenir un enjeu de demain. La recherche continue de travailler également sur un vaccin que l’on rêve aussi bien thérapeutique que préventif.

 

[1] http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/Global_AIDS_update_2017_en.pdf

Changement climatique et terrorisme : pour éviter le simplisme

Mon, 24/07/2017 - 10:32

« On ne peut pas prétendre lutter efficacement contre le terrorisme si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement climatique ». La déclaration récente d’Emmanuel Macron, maladroite car insuffisamment justifiée, en clôture du sommet du G20 à Hambourg le 8 juillet dernier a déclenché un tollé.

La facilité de la formule a, comme souvent, eu pour effet d’encourager le simplisme des réactions. A cela s’ajoute que le changement climatique et le terrorisme sont deux thèmes sur lesquels se projettent un certain nombre de clivages participant ainsi à l’hystérisation du débat. Parmi les détracteurs les plus visibles a figuré l’ancien ministre de l’Education nationale, Luc Ferry. Ce dernier a en effet publié deux tweets rageurs (« La déclaration d’Emmanuel Macron sur l’impossibilité de lutter contre le terrorisme sans action contre le climat franchit le mur du çon… », le 8 juillet ; puis « La ritournelle écolodélirante selon laquelle Daech serait lié au réchauffement plus qu’à l’islamisme est un insensé déni de réalité », le 10 juillet). L’avantage de cette nouvelle polémique reste qu’elle fournit l’occasion d’une nouvelle clarification concernant les corrélations existantes entre le changement climatique et d’autres défis sécuritaires comme le terrorisme.

Le changement climatique n’est évidemment pas une cause directe du terrorisme, ce que personne n’a jamais sérieusement avancé. Il agit en revanche comme un amplificateur de risques ; c’est-à-dire qu’il contribue, par ses manifestations géophysiques, à accentuer certains risques existants et connus, comme le risque inondations par exemple, l’érosion côtière ou les sècheresses. Il ne les crée pas mais il en renforce l’intensité et la fréquence. Ce sont notamment les conclusions des modélisations des différents spécialistes (climatologues, glaciologues, hydrologues, météorologues, océanographes, etc.) travaillant sur l’évolution du climat et dont les travaux sont regroupés dans les rapports du GIEC.

A long terme, les différents impacts du changement climatique peuvent conduire à d’importantes dégradations des milieux naturels dont l’état est vital pour certaines populations. C’est par exemple le cas du Sahel où l’agriculture vivrière et l’élevage sont indispensables à la survie des communautés rurales. Confrontées à la lente détérioration des conditions de leur subsistance et à l’absence de perspectives économiques autres que la migration, l’alternative pour certaines parties de la population peut revêtir le visage de la criminalité organisée, voire de la filière terroriste, tout simplement parce qu’il s’agit en dernier recours d’une manière de subvenir financièrement au besoin du foyer[1]. La misère est en effet un facteur à prendre en compte dans les processus de radicalisation, même si ceux-ci ne s’y résument pas.

Personne n’a jamais affirmé que l’apparition et l’expansion de Daech étaient liés au seul réchauffement climatique, ou, comme on a pu le lire sur de nombreux sites, que les auteurs des attentats en France en avait subi l’influence directe. Entrevoir la possibilité d’un lien à long terme entre impacts du changement climatique, dégradations d’un environnement, misère et radicalisation revient simplement à reconnaitre qu’un phénomène a bien souvent plusieurs causes.

Le risque incendie est une autre illustration de cette relation, que l’on peut observer dans l’actualité du moment. Le changement climatique intervient ici en effet en favorisant les sècheresses (plus longues et/ou plus fréquentes) et contribuant à l’augmentation de la température, qui conduit à terme à un allongement de la période de risque (de juin à septembre actuellement). S’il ne cause pas directement les incendies, il compte parmi les facteurs renforçant leur pouvoir de destruction et leur dangerosité car le feu se propagera plus facilement, plus loin et durera plus longtemps. Les dégâts seront plus importants, les victimes également, comme les risques pris par les pompiers. On observe d’ailleurs d’importants incendies estivaux dans l’ensemble des régions de moyenne et haute latitude, de la Californie au Portugal en passant par l’Australie, l’Italie, la Russie ou encore la France. Evidemment, les incendies sont généralement d’origine humaine, accidentelle ou criminelle. Alors certes, le changement climatique ne favorise pas l’apparition des pyromanes ou les comportements irresponsables chez les fumeurs jetant leur mégot dans les broussailles mais offre aux premiers un terrain de jeu plus important et aux seconds un environnement plus sensible à leur négligence.

Il ne faut donc évidemment pas faire du changement climatique l’alpha et l’oméga de toutes les questions de sécurité mais nier sa contribution au renforcement de certains risques ou au développement de certaines menaces, par idéologie ou opportunisme, est tout aussi absurde[2].

 

[1] Voir Katharina Nett, Lukas Rüttinger, Insurgency, Terrorism and Organised Crime in a Warming Climate, Adelphi, octobre 2016  et IRIS,

[2] Bastien Alex, Alice Baillat, François Gemenne, Rapport d’étude n°1 – Retrospective et typologie de crise, Observatoire des enjeux des changements climatiques en termes de sécurité et de défense, février 2017.

Macron, le gaullo-mitterandisme et sa limite

Fri, 21/07/2017 - 17:30

Considéré comme novice sur le plan diplomatique, Emmanuel Macron a plutôt réussi ses premiers pas sur la scène internationale.

Victorieux de Marine Le Pen, il rassurait les capitales étrangères sur la poursuite d’une politique française pro-Europe et pro-mondialisation, et d’une société apaisée. Peu connu et donc suscitant la curiosité optimiste, souriant et captant la lumière, il fut au centre des attentions au sommet du G7 et de l’OTAN.

Les propos dithyrambiques tenus par Donald Trump de retour de Paris à l’égard d’Emmanuel Macron semblent justifier son invitation, contestée par certains, au défilé du 14 juillet. Et également la stratégie choisie de ne pas le prendre frontalement et de jouer sur son ego.

Emmanuel Macron s’était montré ferme auparavant, tout d’abord en résistant au bras de fer physique imposé par le président américain en marge du sommet de l’OTAN mais surtout en enregistrant une vidéo en français et en anglais pour critiquer sa décision de sortir de l’accord de Paris. Ce choix était d’ailleurs l’un des arguments mis en avant pour ne pas inviter Donald Trump. D’autres raisons existent, liées tout simplement au caractère catastrophique et très réactionnaire de la politique du président américain. Mais le fait d’avoir de nombreux différends ne doit pas empêcher de se voir, ni effacer le rôle historique des États-Unis à nos côtés dans la première guerre mondiale. On peut trouver Donald Trump très désagréable, il n’empêche qu’il est impossible d’ignorer les États-Unis. Faire preuve d’ouverture et de bonne volonté à l’égard de ce pays peut éventuellement renforcer notre position lorsqu’il s’agira d’être plus ferme. Ce qu’il faudra sans doute faire à un moment ou à un autre.

L’invitation faite à Vladimir Poutine de venir à Versailles, à l’occasion du 300ème anniversaire de l’ouverture des relations diplomatiques entre la France et la Russie, fut un autre moment clé.

En invitant le président russe, Emmanuel Macron n’a pas tenu compte des rancœurs personnelles qu’il pouvait avoir du fait des interférences russes pendant la campagne électorale française. Surtout, il n’a pas craint d’affronter l’opprobre médiatique que suscite en France toute relation avec Vladimir Poutine. Cela ne l’a pas empêché d’avoir une relation ouvertement calée sur les rapports de force que ce dernier pratique et apprécie.

Dans les deux cas, Emmanuel Macron s’est bien inscrit dans une ligne gaullo-mitterrandienne qu’il revendique. Allié mais non-aligné sur les Etats-Unis, ouvert et décomplexé face à Moscou, il s’est de surcroit adapté au tempérament de chacun de ses deux interlocuteurs : câlinothérapie pour Trump, franchise brutale avec Poutine.
La rencontre avec Benyamin Netanyahou est d’un autre ordre.

Benyamin Netanyahou avait en effet grossièrement séché la conférence internationale pour la paix au Proche-Orient organisée par la France en janvier 2016. Le chef du gouvernement israélien s’oppose nettement à tout accord de paix et intensifie la colonisation israélienne en Palestine. Il est à la tête d’un gouvernement de droite et d’extrême droite. On pourrait ajouter les attaques qu’il avait lancé à l’encontre de Yitzhak Rabin avant son assassinat et qui avaient conduit Léa Rabin à toujours refuser de lui serrer la main après. Là encore, quelle que soit l’ampleur des divergences que les autorités françaises peuvent avoir avec le premier ministre israélien, il est tout simplement impossible de l’ignorer. Le principe de réalité doit prévaloir : on parle avec tous ceux qui comptent.

Mais parler ne signifie pas passer sous silence les divergences aussi bien avec Poutine, Trump et, également, Netanyahou. Et si le président français a rappelé son opposition à la colonisation israélienne, il ne semble tirer aucune conséquence du fait que le gouvernement israélien la poursuive allègrement. On peut recevoir Netanyahou mais, face à tout ce qui devrait nous séparer, faut-il lui donner du « Cher Bibi » ?

L’autre point gênant concerne le moment choisi. Recevoir Netanyahou, certes. Le faire au moment de la commémoration de la rafle du Vél d’Hiv est plus discutable. Cela contribue à assimiler juifs français et Israéliens. Emmanuel Macron a bien fait de rappeler la responsabilité de la France dans la déportation des juifs. De Gaulle et Mitterrand affirmaient que la France n’était pas responsable parce que Vichy ne représentait pas la France. Dans un discours habile, Emmanuel Macron n’a pas critiqué leur position, peut-être nécessaire à l’époque, pour reconstruire un récit national. Mais la vérité, c’est que ce sont bien des fonctionnaires français obéissant à des autorités françaises qui ont déporté les juifs. Ce n’est pas là qu’Emmanuel Macron se distingue fondamentalement de Mitterrand et de De Gaulle. Il s’en écarte en prenant sur le conflit israélo-palestinien et ses conséquences en France, les positions du Crif, également pour plaire à cette institution, en invitant Netanyahou à la commémoration du Vél d’Hiv qui, contrairement à la fin de la première guerre mondiale, devrait être une affaire franco-française.

De même, l’assimilation entre antisémitisme et antisionisme, thèse qui ne résiste ni à l’histoire ni aux réalités contemporaines, semble être reprise avant tout pour faire plaisir au Crif.

Pour des raisons de politique intérieure, sur le conflit du Proche-Orient, Emmanuel Macron s’est écarté de la ligne du gaullo-mitterrandisme qu’il revendique – et incarne – par ailleurs.

Lula à la rue : Brésil, de coup d’État parlementaire à coups d’État judiciaires

Fri, 21/07/2017 - 10:03

La résidence principale ainsi que tous les biens de l’ex-président brésilien Lula ont été saisis le 18 juillet 2017 sur décision du juge fédéral Sergio Moro. Curieusement, cette décision a été prise le 14 mais a été révélée à l’intéressé par voie de presse. Condamné le 12 juillet 2017 à neuf ans et demi de prison par le même magistrat, Lula avait décidé de faire appel et avait annoncé dans la foulée sa candidature aux élections présidentielles de l’année prochaine.

Ce n’est pas la première fois que le juge Sergio Moro agit de la sorte par répliques judicaires violentes. Le 4 mars 2016, passant outre aux règles de droit, il avait sans convocation préalable envoyé la police au domicile de Lula à 6h du matin pour procéder à un interrogatoire dans les locaux d’un commissariat d’aéroport. La presse avait été informée et était sur place pour rapporter et filmer cette descente politico-judiciaire. Quelques jours plus tard, le 16 mars, dès l’annonce de l’éventuelle entrée de Lula dans le gouvernement de la présidente Dilma Rousseff, le juge Moro avait fait diffuser par les médias une conversation téléphonique de la présidente enregistrée à son insu. Cela avait provoqué un rappel au droit par les juges du Tribunal supérieur de justice (STF). Le 12 juillet 2017, Sergio Moro a fondé les neuf années et demie d’incarcération infligées à l’ex-président sur une présomption de corruption ; la condamnation ne s’appuyait donc pas sur des faits vérifiés. L’entreprise de travaux publics OAS aurait, selon le juge, fait cadeau au président Lula d’un appartement en échange de contrats avec Petrobras sans appel d’offre. L’appartement existe bel et bien et appartient à l’entreprise OAS mais les avocats de l’ex-président ont communiqué au juge les actes de propriété. Le 14 juillet 2017, le juge a donc durci a posteriori la condamnation prononcée deux jours plus tôt en l’assortissant d’une saisie des biens de l’ex-président ; ceci afin d’assurer la réparation minimale des dommages causés à Petrobras, est-il signalé dans l’exposé des motifs de la décision. Ont donc à cet effet été saisis la résidence principale de l’ex-président, deux appartements situés à proximité, un terrain, deux véhicules, ses quatre comptes en banque crédités d’environ 200 000 euros, ainsi que son plan de retraite.

De toute évidence, un certain nombre de juges ont rejoint les élus et les patrons qui ont décidé d’écarter de façon durable l’alternative sociale et politique que représente le Parti des travailleurs et de son leader historique Lula da Silva ; et ce quelles qu’en soient les conséquences institutionnelles. L’acharnement judiciaire de Sergio Moro, au prix du droit, est parallèle à celui des députés et sénateurs qui ont destitué la présidente Dilma Rousseff en détournant l’article 85 de la Constitution. La grande presse, le groupe multimédia Globo et l’hebdomadaire Veja, accompagnent cette curée politique. Le soi-disant quatrième pouvoir a donc mis sous le boisseau la déontologie de l’information et se comporte en acteur de l’offensive politique anti-Lula, fabricant un récit reflétant les intérêts de ses actionnaires. Cette offensive judicaire, parlementaire et médiatique sous couvert de chasse à la corruption a permis l’adoption de mesures budgétaires faisant porter le poids des ajustements sur les catégories les plus démunies.   Depuis un an, le pouvoir intérimaire a écrêté les budgets sociaux, gelé les dépenses publiques pour une durée de 20 ans et modifié le code du travail au détriment du droit des travailleurs.

Accessoirement – mais cela l’est-il vraiment l’esprit des lois ? – de la morale collective, la déontologie de l’information a été gravement remise en question avec la complicité active de juges, de journalistes et d’élus, ainsi que de députés et sénateurs. Lula donc est revenu à la case départ. Il y a une soixantaine d’années, il avait migré un baluchon sur le dos du Nord-Est du Brésil à Sao Paulo. Ses biens modestes (voir supra) lui ont été retirés par une justice de classe. Un juge du Tribunal suprême ou de Cour fédérale gagne en effet plus de 13000 dollars par mois, comme les députés et sénateurs. Quant aux magistrats de rang inférieur, ils peuvent gagner jusqu’à dix fois plus selon l’enquête publiée par Michael Reid, ancien correspondant au Brésil de l’hebdomadaire britannique The Economist [1].  Lula est ainsi victime d’un juge ayant un comportement d’accusateur partisan au nom de la vérité de la « casa grande » (l’habitation du maître à l’époque esclavagiste), comme on dit au Brésil. L’Eglise catholique ne s’y est pas trompée : la Commission justice et paix de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), a rendu public un message appelant les fidèles à défendre la démocratie et l’ex-président Lula. « Le pouvoir judiciaire », signale le document, « sur un certain nombre de sentences s’est laissé influencer par des intérêts qui n’ont rien de républicain ». Le message est manifestement passé puisque 17 grandes villes brésiliennes avaient programmé le 20 juillet des manifestations de soutien à Lula, à la démocratie et contre la modification du code du travail.

 

[1] Michael Reid, « Brasil a esperança e a deceçao », Lisbonne, Presencia, 2016

« Rien ne justifie la crise d’autoritarisme du président »

Thu, 20/07/2017 - 12:41

Quels sentiments vous inspire la crise qu’on vient de traverser ?

Il s’est passé des choses différentes : la réduction budgétaire -une habitude chez les politiques- ; la gestion d’une déclaration avec la faillite de l’éthique d’un député qui sort de la commission les propos du général de Villiers ; un président qui fait des reproches au chef d’état-major des armées (CEMA).

Est-elle inédite ? 

À ce point-là, c’est du jamais vu. En 2015, il y avait eu un bras de fer entre le président Hollande et quatre chefs d’état-major… Là, ça intervient dans un contexte particulier : deux mois après son arrivée au pouvoir, Macron a réussi à virer quatre de ses ministres, à reclasser son directeur de campagne, et à virer le CEMA. Ça se serait passé chez Erdogan, on hurlerait à l’autoritarisme ! Personne ni rien ne peut justifier la crise d’autoritarisme du président : ça ressemble plus à celle d’un enfant gâté qu’à celle d’un chef d’État responsable.

Les militaires, dans leur ensemble, soutenaient-ils de Villiers ?

Le sentiment était d’autant plus partagé qu’il y avait des promesses de campagne extrêmement claires, pro-militaires. Il y a même eu de la communication très poussée : Emmanuel Macron a rendu visite aux blessés à l’hôpital de Percy, puis au Mali. Et lorsqu’il s’agit d’une première opération concrète, on en arrive là ! Ce n’est pas admissible par les militaires : il y a une telle distorsion entre les promesses et les actes. Il a réussi à se mettre à dos en une seule fois tous les militaires. C’est d’autant plus difficile quand on combat au Mali, avec des véhicules hors d’âge ou d’usage. Comment 3 000 hommes peuvent-ils sécuriser 5 millions de km² au Sahel ? Les politiques sont totalement déconnectés de la réalité sur ces questions-là. La France n’a plus les moyens des ambitions clientélistes et communicationnelles de ses présidents.

Israël/Palestine : quelle situation 50 ans après la guerre de juin 1967 ?

Thu, 20/07/2017 - 11:26

Jean-Paul Chagnollaud est le président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) et de la revue Confluences Méditerranée. Il répond à nos questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « Israël/Palestine, la défaite du vainqueur » (Actes Sud, mai 2017) :
– Comment expliquer qu’aujourd’hui, la violence du conflit israélo-palestinien soit devenue moins ‘visible’ ?
– Comment analysez-vous la politique d’Israël envers les territoires palestiniens ?
– Quelles sont les solutions envisageables pour sortir de l’impasse et trouver une paix juste ?

Fleuve Congo : où en est Inga, le projet du plus grand barrage du monde ?

Thu, 20/07/2017 - 10:05

Sur le fleuve Congo, le projet de Grande Inga – équivalent de 24 centrales nucléaires – pourrait satisfaire 40% des besoins énergétiques du continent africain. Sa réalisation est prévue à 250 km de Kinshasa sur le fleuve. Sa réalisation, qui devra suivre plusieurs phases, se heurte toutefois à de nombreuses difficultés dans un pays – la RD Congo – caractérisé par son instabilité politique quasi endémique.

L’idée d’exploiter les capacités hydroélectriques du fleuve Congo est ancienne. En 1925, le Colonel Pierre Van Deuren publia un rapport sur la mise en valeur intégrale du fleuve dans la région des cataractes par la construction des barrages de régulation. Il prévoyait en plus de barrages, des centrales hydroélectriques et une industrie lourde centrée sur l’électrométallurgie et l’électrochimie. On lui doit aussi la création du Syndicat d’études du Bas-Congo (SYNEBA) qui estima en 1931, dans son rapport au ministre des Colonies, qu’il était possible de construire à Inga des installations de production d’énergie électrique satisfaisant tous les besoins de la colonie belge, « même dans un avenir très éloigné ».

S’il venait à être réalisé, avec un coût voisin de 50 à 80 milliards de dollars, ce gigantesque projet de six barrages – installé sur le site exceptionnel des chutes d’Inga qui débitent selon les saisons entre 30 000 et 60 000 m3 d’eau par seconde – pourrait produire jusqu’à 40 gigawatts d’électricité, soit deux fois plus d’énergie que le barrage des Trois Gorges en Chine, ou l’équivalent de plus de 24 réacteurs nucléaires de troisième génération. De quoi bouleverser la donne énergétique régionale puisque l’énergie serait exportée jusqu’en Afrique du Sud mais aussi vers le Nigeria, voire plus au Nord vers l’Egypte, pour, en théorie, satisfaire 40% des besoins du continent.

Le projet est ainsi présenté comme le moyen d’« illuminer l’Afrique ». Grand Inga figure parmi les projets prioritaires de la Communauté de développement d’Afrique Australe (SADC), du New Partnership for African Development (NEPAD) et du Conseil mondial de l’énergie (CME).
Projet inscrit dans le très long terme, « Grand Inga » prévoit plusieurs phases d’extension des capacités de production électrique. En un premier temps, 22 000 hectares de terres seront submergés par la rivière Bundi, un affluent du fleuve Congo, pour alimenter les onze turbines du futur mégabarrage « Inga III » et produire 4 800 mégawatts, puis dans un second temps, 7 800 MW. Et ce ne serait qu’un début. Cinq autres barrages sont ensuite prévus pour achever le rêve du « Grand Inga » et ainsi produire les 40 000 MW escomptés.

En gestation depuis plus de dix ans, Inga III – d’un coût total estimé à 12 milliards de dollars – a été ressuscité en 2013 par la promesse faite par l’Afrique du Sud d’acheter plus de la moitié de la production d’électricité du futur barrage, garantissant de la sorte une viabilité financière au projet. Deux consortiums étrangers ont été sélectionnés pour faire une offre unique : China Three Gorges Corporation et SinoHydro (Chine) et ACS et Eurofinsa (Espagne). Le contrat de concession qui sera signé chargera le concessionnaire de trouver les financements, de construire, d’exploiter et de commercialiser l’électricité produite.

Néanmoins, le mauvais entretien ainsi que les problèmes financiers qu’ont connus les barrages existants Inga I et Inga II, de même que le coût des réseaux de distribution, soulèvent des nombreuses questions sur les risques de rentabilité d’Inga III et a fortiori de Grand Inga. Dans un rapport de juin 2017, l’ONG californienne International Rivers porte une sévère estocade au projet : « Inga va enfoncer la RDC plus profondément dans la dette, tandis que d’autres pays et les investisseurs internationaux vont récolter les bénéfices ». Le meilleur scénario, qui prévoit des revenus annuels de 749 millions de dollars, est jugé irréaliste car basé sur l’absence de dépassement de budget, sur des prix élevés pour l’électricité générée et des pertes faibles de transmission. La contribution de l’Etat congolais de 3 milliards de dollars porterait la dette publique actuelle de 6,5 à au moins 9,5 milliards.

Pour l’heure, moins de 9 % des Congolais ont accès à l’électricité. La production d’Inga I et II, d’une capacité totale de 1 775 MW, stagne à moins de 500 MW. Ils tournent au ralenti, obérés par la mauvaise gestion et le déficit de la maintenance. Un plan de réhabilitation entrepris en 2003 a absorbé 200 millions de dollars d’aide de la Banque mondiale. Il en faudrait désormais 900 millions pour permettre à ces deux barrages l’exploit jamais atteint de fonctionner à plein régime.

La géopolitique va jouer un rôle dans ce projet. La Banque africaine de développement s’est imposée comme chef de file du côté des bailleurs de fonds, avec une attitude pour le moins flexible envers un Etat jugé fragile et donc à fort risque. De son côté, la Banque mondiale a décidé fin 2016 d’interrompre ses financements à l’assistance technique de tous les projets d’Inga. Elle est en effet insatisfaite par le montage institutionnel et opérationnel du projet, et s’interroge également sur la faisabilité de la construction du « plus grand barrage du monde dans un des pays les plus instables du monde ».

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