(B2) Ne nous illusionnons pas, la mise en place de la Coopération structurée permanente, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, pourrait bien ne pas réaliser le saut qualitatif espéré… si on ne résout pas une question de fond, une seule, avertit Frédéric Mauro.
Pas moins de cinq initiatives lancées
Pour la défense européenne, les temps actuels apparaissent pharamineux tant l’accélération parait évidente… L’année 2017 restera dans les annales comme une année faste, avec pas moins de cinq initiatives conséquentes lancées ou approuvées : le lancement du Fonds Européen de Défense, l’établissement de la coopération structurée permanente (PESCO), les prémisses d’un processus européen de planification de défense, un embryon de quartier général qui ne dit pas encore son nom et enfin la possibilité ouverte d’équiper militairement les forces des pays partenaires formées par les forces européennes.
La quatrième tentative pour l’Europe
Exception faite de la « communauté européenne de défense » largement enjolivée dans l’imaginaire collectif, mais qui avait pour principal objectif de faire admettre le réarmement de l’Allemagne sous commandement américain, c’est la quatrième fois que les Européens tentent de donner corps et vie à la « défense européenne », quelles que soient les ambiguïtés de ce mot-valise dans lequel chacun met le contenu qu’il souhaite.
Le (petit) résultat de Maastricht
La première a eu lieu dans les années 1990-1992 entre les Allemands et les Français. Très ambitieuse dans ses intentions, elle ne nous a laissé que deux mots dans le traité de Maastricht – défense commune – et un outil jamais utilisé ou presque : la brigade franco-allemande.
L’élan (brisé) de Saint-Malo
La seconde a eu lieu à Saint-Malo en 1998 entre les Britanniques et les Français et a fait émerger l’idée que l’Europe devait se doter d’une « capacité autonome » reposant sur des moyens militaires crédibles, afin de gérer les crises qui adviendraient dans son voisinage. De cette période il nous est resté EADS qui est devenu Airbus, une entreprise presque comme les autres, l’Agence européenne de défense qui n’est pas devenue l’Agence européenne de l’armement et de la recherche espérée, cinquante milliards d’euros de programmes d’armement en coopération, gérés au sein de l’OCCAr, qui ont laissé beaucoup de ressentiment, et un chapitre complet de dispositions dans le traité de Lisbonne, sur la politique de sécurité et de défense commune, parmi lesquelles précisément la Coopération structurée permanente.
Une tentative (infructueuse) via le marché
La troisième est celle des années 2007-2010 qui nous a laissé, d’une part, deux directives dites du « paquet défense », tentatives infructueuses de consolider le marché de l’armement en agissant sur l’offre et, d’autre part, la création du commandement européen pour le transport aérien qui est un vrai succès.
Une quatrième voie à recherche d’une authentique
La quatrième tentative, qui s’est ouverte le 23 juin 2016 avec la décision du peuple britannique de quitter l’Union, aura-t-elle plus de réussite que les précédentes ? L’avenir le dira. Mais il est à craindre qu’il faille encore plusieurs tentatives avant l’avènement d’une authentique défense européenne, entendue comme une défense de l’Europe, par l’Europe et pour l’Europe. Et pour preuve, je prendrai l’exemple de la PESCO qui est la somme de toutes les contradictions de la défense européenne.
La Pesco, terrain des contradictions européennes
Telle qu’imaginée dans le traité de Lisbonne, la PESCO est le processus censé permettre la constitution de la capacité autonome européenne précitée. Sa singularité est qu’elle concerne toutes les composantes nécessaires à la construction d’un outil militaire : les financements, la planification, la préparation aux opérations, les capacités proprement dites et les programmes industriels pour les produire. C’est un faisceau d’engagements juridiques pris par tous ceux qui le veulent et le peuvent. Mais comme les rédacteurs des traités ont souhaité rester dans un cadre intergouvernemental, toutes les décisions concernant la constitution de cette capacité restent prises à l’unanimité.
Des contours très flous
Hélas, la PESCO établie entre vingt cinq États membres, le 11 décembre 2017, n’a plus grand chose à voir avec les intentions initiales des rédacteurs du traité de Lisbonne (lire : Le rêve de la PESCO devenu réalité. Les Européens satisfaits). Je passerai sur les objectifs qui sont devenus flous, les engagements qui n’en sont pas, et la foire aux projets que tout cela est devenu. Après tout, je peux me tromper et parfois les grandes choses n’ont pas de grand commencement. Mais il y a une chose qui a peu de chances de changer et qui restera un facteur bloquant. C’est la gouvernance.
Le dilemme de l’inutile
En effet, la PESCO, n’échappe pas au dilemme général de la construction européenne. Ce dilemme peut être énoncé de la façon suivante : on peut être inclusif, efficace et prendre ses décisions à l’unanimité. Mais on ne peut pas faire les trois à la fois. Et c’était tout l’intérêt de la PESCO : constituer une avant-garde de pays, dans un cadre intergouvernemental certes, mais efficace car restreint. En étant inclusive et intergouvernementale, on peut redouter que la CSP ne produise rien d’utile.
Une autre PESCO : Lancaster House ?
Et au fond, si on y réfléchit bien, la PESCO existe déjà. C’est ce qu’ont essayé de faire les rédacteurs du traité de Lancaster House entre la France et le Royaume-Uni. Jamais la coopération militaire entre deux Etats membres n’a été poussée aussi loin, dans toutes ses facettes, industrielles, opérationnelles et capacitaires, jusque et y compris dans le domaine nucléaire. En y réfléchissant bien est-ce que le ‘Combined Joint Expeditionnary Force’ n’est pas la matérialisation même de l’idée d’une capacité militaire autonome de gestion des crises. C’est la concrétisation du rêve de Saint Malo qu’ont fait les deux pays européens dont les traditions militaires, les cultures stratégiques et la vision diplomatique sont assurément les plus proches.
Et pourtant, à quoi à cela a-t-il servi en Libye où les Britanniques ont insisté pour placer l’intervention sous l’égide de l’OTAN ? A quoi cela a-t-il servi au Mali où l’apport des alliés britanniques à l’opération Serval puis Barkhane a été insignifiant ? A quoi cela a-t-il servi en Syrie, ou avant que la révolte ne dégénère en guerre civile, le Parlement britannique a mis son veto à toute velléité d’opération extérieure.
Se focaliser sur les programmes et capacités, une erreur ?
Tout cela pour dire qu’en se focalisant sur les programmes, les projets, les capacités, les forces opérationnelles, l’on prend la question de la défense européenne par le mauvais bout, car c’est par la gouvernance qu’il faut commencer. La question est simple à formuler et difficile à résoudre : comment se mettre d’accord, pour être toujours d’accord, même quand on n’est pas d’accord ? Surtout quand il s’agit d’envoyer ses fils et ses frères combattre, voire mourir pour des causes qui ne sont pas les nôtres.
Une seule décision à prendre : elle est politique
La défense européenne, la vraie, ne commencera pas avec dix-sept projets, ni même avec trente-six. Elle ne commencera pas en mettant vingt-sept généraux autour de la table et autant d’ingénieurs de l’armement et encore moins en « restructurant » l’industrie de défense, selon l’idée absurde qu’il suffirait de réduire le nombre des industriels de défense pour qu’il n’y ait plus de problèmes. La vraie défense européenne commencera quand les Etats membres se décideront à trancher le nœud gordien de la gouvernance. Pas avant. Je forme le vœu pour 2018 qu’au moins leurs dirigeants en prennent conscience.
(Frédéric Mauro)
Avocat au barreau de Paris, établi à Bruxelles, spécialiste des questions de défense
Crédit : © Crown copyright 2013 (La protection des éléphants fait partie des missions de l’armée britannique au Malawi)
(B2 avec AFP) Dans la nuit du 13 au 14 février 2018, les forces françaises engagées au Sahel ont mené une opération sur trois objectifs de groupes armés terroristes, au nord-est du Mali, entre Boughessa et Tin-Zaouatène, a indiqué jeudi l’état-major des armées. En fait à quelques centaines de mètres de la frontière algérienne.
Près de l’Algérie
L’opération s’est déroulée « à proximité de Inaghalawass, un oued distant de 900 mètres de la frontière algérienne, entre 4h40 et 5h20 (GMT et locales) », a précisé à l’AFP une source sécuritaire étrangère présente au Mali. « C’est la base du chef du réseau, Iyad Ag Ghaly, à Tinzaouatène qui a été la cible principale de cette opération ».
Frappes aériennes et assauts héliportés
L’opération a débuté par « des frappes aériennes simultanées sur les objectifs, suivies d’assauts héliportés appuyés par des hélicoptères Tigre et conclues par un engagement au sol ». Le bilan, « provisoire » à ce stade, est d’une « vingtaine de terroristes tués ou capturés, trois véhicules détruits, des armements récupérés, ainsi qu’un grand nombre de documents saisis ». Un proche du chef jihadiste, un ancien colonel de l’armée malienne qui avait fait défection, a été tué dans ce raid, ont indiqué les Forces armées maliennes (FAMa).
Plusieurs opérations de sécurisation dans la zone des trois frontières
En parallèle, plusieurs opérations conjointes de sécurisation(avec les forces maliennes) ont été menées dans la zone des trois frontières (entre Mali, Niger et Algérie) par l’opération Barkhane. Les opérations se sont concentrées principalement autour de Ménaka. Des patrouilles conjointes avec les forces armées maliennes ont également été menées à Ansongo par les militaires français présents au titre du partenariat militaire opérationnel. Dans le nord du Mali, le groupement « terre désert blindé » a été engagé dans des opérations de sécurisation et de contrôle de zone sur l’axe reliant Almoustarat et Tarikent. Des patrouilles conjointes ont été conduites avec les forces armées maliennes.
(NGV et AFP)
(B2) Juste avant son visite officielle à Berlin, ce vendredi (16 février), qui a pour objectif de reconstruire le lien Pologne-Allemagne, légèrement malmené ces dernières années, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki n’a pu s’empêcher, par voie de presse interposée, l’Allemagne comme dépensant pas assez pour sa défense, mettant en cause les « resquilleurs » de la solidarité (1).
Celui qui dépense 1% au budget est un resquilleur
« Qui met en danger la cohésion ? (NB : de l’OTAN ou de l’Europe) Celui qui dit que chacun doit dépenser 2% pour la défense, pour qu’il y ait une solidarité ? Ou bien celui qui resquille en ne dépensant qu’1% mais qui vit sous le bouclier protecteur [commun] ? », s’interroge ainsi le chef du gouvernement polonais dans une interview publiée jeudi par le quotidien allemand Die Welt. « Celui qui resquille met en danger l’unité de l’Occident », a-t-il ajouté (2).
Un antiaméricanisme inapproprié
Morawiecki a aussi tenu à défendre le président américain Donald Trump, accusant les Allemands d’un anti-américanisme inapproprié. « Si les Allemands connaissent mieux la Russie sous Vladimir Poutine que les États-Unis sous Trump, ce serait « le monde à l’envers ». Dans ce cas, « je peux seulement tenir la tête à deux mains et dire : Sauve qui peut ! ».
Une certaine légèreté européenne
Le Polonais a aussi reproché à l’Europe de prendre à « la légère » les questions de défense, en écho aux critiques du président américain (3). « L’Europe a jusqu’ici pris à la légère la défense et vit sous le bouclier de la pax americana », estime Mateusz Morawiecki. L’Europe doit montrer à ses « adversaires que nous sommes sérieux en matière de défense ».
Commentaire : le dirigeant polonais dit ainsi tout haut ceux que d’autres, plus discrètement, dans différentes capitales européennes. Mais il semble surtout mettre dans un même équation budget de défense, solidarité transatlantique et vigueur des armées, ce qui est un non-sens stratégique et politique. L’Allemagne n’a cependant pas mégoté sa solidarité prenant la tête d’un bataillon de l’Alliance en Lituanie dans le cadre de la présence renforcée avancée (EFP). Au-delà de la critique sur le 1% du budget, on peut donc plutôt lire aussi dans cette diatribe, une critique contre une éventuelle volonté d’autonomie européenne, dans la même veine que celle que les Américains ont récemment exprimé, encore plus crûment à l’OTAN (lire : Les USA tancent l’Europe. Quand le cow-boy tire son flingue, faut-il avoir peur ?). Ce que critique en sous-main Morawiecki est le nouveau positionnement de la Chancelière allemande Angela Merkel sur la question de la défense : Le soutien américain ne sera pas éternel, l’Europe doit accroitre sa coopération de défense.
(Nicolas Gros-Verheyde, avec AFP)
(1) La visite a pour objet de renforcer « la coopération économique comme politique », a indiqué M. Morawiecki à l’agence de presse polonaise PAP, une coopération « florissante » selon lui au plan commercial (sans doute moins au niveau politique). Au menu de la rencontre également quelques dossiers plus délicats comme la situation de l’État de droit en Pologne, le refus d’accepter des quotas de réfugiés, ou le gazoduc Nordstream 2 reliant la Russie à l’Allemagne, mais aussi sûrement l’avenir des financements européens où la Pologne est un des pays les plus concernés par la baisse des dotations régionales ou agricoles à venir.
(2) Berlin investit actuellement tout juste un peu plus de 1% de son PIB dans la défense, tandis que Varsovie a déjà atteint le seuil de 2%. Le programme de la coalition CDU-SPD ne prévoit pas renverser cette tendance de façon majeure (lire : La Grosse Koalition définit son programme. La Bundeswehr doit devenir une « armée des Européens »).
(3) Les Américains, régulièrement, ont appelé les membres de l’OTAN à augmenter leurs dépenses militaires à 2% du PIB. Donald Trump a simplement fait passer le message de manière plus vigoureuse, visant en particulier l’Allemagne. Lire aussi : L’OTAN obsolète, l’UE trop allemande, le Brexit une bonne chose… Le festival Trump continue
(B2 avec AFP) Un navire italien (le Saipem 12000), venu faire de l’exploration gazière au large de Chypre, est bloqué depuis maintenant six jours. Ce qui suscite un nouvel incident entre les Européens et Ankara.
L’Italie s’en mêle
Le navire, une foreuse flottante, avait pour destination la cible de Suepi dans le bloc 3. ENI détient en effet des licences d’exploration dans cette zone économique exclusive (ZEE) chypriote ‘giboyeuse’ en pétrole et en gaz. Mais la marine turque a bloqué le navire vendredi dernier (9 février), au prétexte d’activités militaires dans la région. Blocage qui perdurait encore ce jeudi matin (15 février). Un navire de la marine italienne, le Zeffiro (F-577), une frégate de la classe Maestrale, a reçu l’ordre du gouvernement d’arriver dans le bloc 3, afin d’observer ce que fait la marine turque.
Des tractations diplomatiques en coulisses
Chypre a indiqué mercredi (14 février) qu’il comptait sur la diplomatie européenne pour résoudre rapidement le problème du blocage par la marine turque. « Il y a des tractations diplomatiques en coulisses, menées par des Etats européens, et nous attendons des résultats prochainement », a indiqué le porte-parole du gouvernement Nicos Christoulides à la radio publique, selon l’AFP. « Les actions entreprises ne peuvent être rendues publiques. Ces efforts portent sur plusieurs niveaux, pas seulement diplomatique ». Nicosie assure qu’Ankara a violé « le droit international » en bloquant au large de l’île le navire.
Les canaux diplomatiques italiens ouverts
« L’Italie a ouvert tous les canaux diplomatiques avec la Turquie pour parvenir à une solution partagée que nous espérons rapide. Nous avons même rencontré (mardi) le ministre turc (de la Défense) à Rome », a de son côté expliqué la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, à en marge de la réunion ministérielle de l’Otan à Bruxelles mercredi. Une nouvelle « Nous attendons. Mais clairement, nous ne pouvons pas attendre éternellement », avait déclaré lundi le patron d’Eni Claudio Descalzi à Rai News 24.
Deux exercices de tir, les Turcs s’en moquent
Afin de répliquer à cette emprise turque dans sa zone économique, le gouvernement chypriote a émis deux NAVTEX, annonçant des exercices de tir dans différentes zones dont le bloc 3 (cf. encadré). C’est-à-dire, où les navires de la marine turque sont déjà en place. Ceux-ci n’en ont cure et ont exclu la zone pour leur propre exercice militaire jusqu’au 22 février, comme l’indique le quotidien Kathimerini.
La Turquie s’éloigne de l’UE
Le président du Parlement européen, l’Italien Antonio Tajani (Forza Italia), en campagne électorale en Italie, est venu en renfort des Chypriotes. Il a assuré mardi (14 février) le président chypriote de son « plein soutien » et a appelé « la Turquie à respecter le droit international et à s’abstenir de toute provocation dangereuse dans les eaux territoriales chypriotes ». « La Turquie doit s’engager dans des relations de bon voisinage en commençant par une désescalade immédiate de la zone. » a-t-il ajouté sur son fil twitter. « Ce n’est pas comme ça qu’on se rapproche de l’UE, mais plutôt qu’on s’en éloigne ».
La découverte d’importantes réserves de gaz au cœur du bras de fer
Ce blocage intervient après l’annonce la semaine dernière par Nicosie de la découverte d’importantes réserves de gaz dans un des blocs de sa ZEE exploré conjointement par Eni et le Français Total. Les explorations gazières off-shore entamées il y a plus de sept ans par la République de Chypre ont entraîné des tensions avec la Turquie, qui réclame leur suspension dans l’attente d’une solution sur la situation politique de l’île. Pour les Turcs, cette exploitation « unilatérale » par le gouvernement de Nicosie viole les droits des Chypriotes turcs et leurs accès aux ressources naturelles de Chypre
Une mise en garde turque
Mardi, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait mis en garde les compagnies internationales comptant prospecter des hydrocarbures dans les eaux chypriotes, alors qu’Ankara affirme défendre les « droits inaliénables » de la communauté chypriote-turque sur les ressources naturelles de l’île contre les« actions unilatérales » de Nicosie.
Les industriels continuent de forer
Selon Nicos Christoulides (le futur ministre des Affaires étrangères à partir du 1er mars), les sociétés disposant d’une licence ont assuré le gouvernement chypriote que les évènements actuels ne remettaient pas en cause leurs projets. L’Américain ExxonMobil a prévu de forer deux puits d’exploration dans la ZEE chypriote cette année.
(NGV avec AFP)
La marine russe en manoeuvre
On apprend que Chypre a « satisfait à la demande de la marine russe » de mener des exercices militaires à l’est de l’île (dans les blocs 13 et 14) et au nord du bloc trois de la zone économique exclusive chypriote. Ce, jusqu’au 16 février, selon le site de la radio Alphanews. Ce n’est pas extraordinaire, la marine russe est régulièrement en exercice dans cette zone proche de la Syrie où elle intervient régulièrement.
(B2 avec AFP) L’Assemblée nationale a voté mardi soir (13 février) la mesure phare du projet de loi sur « l’élection des représentants au Parlement européen » : le retour à une seule circonscription, nationale. Ce malgré l’opposition de la droite Les Républicains (LR) qui a dénoncé une « déconnexion des territoires ».
Les députés ont validé l’article 1er du texte, qui indique que « la République forme une circonscription unique », l’ensemble du projet devant faire l’objet d’un vote en première lecture mardi prochain. Une série d’amendements, défendus principalement par des élus LR, visant à supprimer cette disposition (rejetés par 100 voix contre 40). Idem pour les amendements LR visant à créer des circonscriptions correspondant aux 13 régions actuelles, plutôt qu’une circonscription unique.
Le moyen d’intéresser les Français
A l’ouverture des débats, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, avait défendu la circonscription nationale comme un moyen « d’intéresser » les Français à ce scrutin et de relancer la participation au printemps 2019. Le rapporteur Alain Tourret (LREM) a, lui aussi défendu cet article « essentiel », et souligné à l’attention de LR qu’il n’y avait « pas eu un rapprochement extraordinaire de l’électeur et de son député » avec le système fondé sur huit circonscriptions interrégionales mis en oeuvre en 2003.
La droite opposée au texte
Nombre d’élus LR sont montés au créneau, leur chef de file Christian Jacob déplorant notamment qu' »au moment où on a besoin de rapprocher les parlementaires du terrain, on les éloigne ». Il a dénoncé « des motifs purement électoraux » derrière ce changement, la majorité ayant, selon lui, « une difficulté à trouver des têtes de liste régionales qui aient un ancrage territorial ». Il a fait un lien avec les récentes élections partielles qui ont vu les candidats LREM battus, lançant à l’adresse du gouvernement, qu’elles se sont jouées « sur l’ancrage territorial que vous n’aviez pas ». « Votre projet, c’est l’association du jacobinisme parisien et de la technocratie bruxelloise, c’est pour cela que nous n’en voulons pas« , a lancé Marc Le Fur, tandis que Thibault Bazin a dénoncé un risque de « déconnexion des territoires ».
Un soutien à gauche
La circonscription unique a en revanche eu le soutien notamment des communistes et des Insoumis, Loïc Prud’homme (La France Insoumise) y voyant une « mesure de bon sens » même si c’est « sans doute la seule » du texte. Les élus Nouvelle Gauche, pour qui ce retour devrait « inciter à une plus grande participation », ont tenté en vain d’ajouter une circonscription dédiée pour l’Outre-mer, la ministre s’y opposant en invoquant notamment « un risque de censure » du Conseil constitutionnel.
Une réforme du temps de parole dans la campagne
Dans la foulée, les députés ont entamé l’examen de l’article qui met en place de nouvelles règles controversées de répartition du temps de parole pour la campagne audiovisuelle officielle. Le dispositif a été légèrement retouché pour porter notamment de deux à trois minutes le temps alloué à chaque liste. S’y ajouteront deux heures d’émission mises à disposition des présidents des groupes à l’Assemblée et au Sénat, au prorata du nombre d’élus, « qui seront libres de les répartir entre les différentes listes ». Une heure supplémentaire sera répartie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour « garantir le pluralisme ». Un dispositif critiqué par des députés de divers bords, notamment Danièle Obono (La France insoumise) qui a jugé que cela allait permettre la confiscation par la majorité de « plus de 50% du temps de propagande télévisuelle ».
Commentaire : cette réforme n’est pas que technique. Elle a un effet politique. Tout d’abord, on donne plus d’effet à la notion de proportionnelle. Il lisse les résultats. Les partis qui se situent autour de 10% des voix peuvent ainsi être assurés d’avoir un certain nombre de députés, qu’ils ne sont pas toujours pas assurés d’avoir avec une circonscription régional. Ensuite, il facilite la représentation féminine en permettant à la parité de réellement s’exercer. Enfin, et surtout, il revalorise le sens de la campagne en lui donnant, encore plus qu’hier, la notion de « test » du gouvernement, de réelle consultation nationale. Ce faisant, le choix de la tête de liste, ou le duo de liste, aura une importance primordiale.
(AFP et NGV)
En savoir plus : le dossier de l’Assemblée nationale et la vidéo des débats (articles 1 et 2)
(B2) En matière de défense européenne, les Américains ont une vision totalement contradictoire et frustre. Du moins en apparence…
Un double jeu permanent
D’un côté, ils souhaitent que les Européens se prennent en main, s’autonomisent, prennent en charge leur propre défense, s’impliquent davantage dans l’OTAN ainsi que dans les opérations et actions de l’Alliance atlantique de par le monde. Ils le répètent depuis des années : il faut un partage du fardeau. A juste titre…
De l’autre, dès qu’il y un frémissement, que les Européens tentent de mettre en place quelques instruments, ils font les gros yeux, admonestent l’Europe de ne pas faire de doublon avec l’OTAN, d’éviter toute duplication, de garder à l’esprit l’interopérabilité nécessaire, et… surtout, de ne pas développer d’industrie européenne.
L’ambassadrice américaine à l’OTAN, Kay Bailey Hutchison, aujourd’hui l’a indiqué lors d’un briefing à la presse. « Nous ne voulons pas que cela devienne un outil protectionniste pour l’UE », a-t-elle déclaré en référence au projet de coopération structurée permanente ou PESCO (lire : Les États-Unis plombent l’autonomie stratégique de l’Europe avec un slogan : pas sans nous !) demandant, comme dans le passé, qu’il y ait un « processus équitable » (1).
Cette ambiguïté (au mieux), ce double jeu (en fait) doit être regardée en gardant la tête froide. Autrement dit quand le cow-boy sort son flingue, ne regardons pas où se dirige son flingue mais où se dirigent ses yeux…
Une double vision qui traverse l’Amérique comme l’Europe
Il y a toujours eu aux États-Unis plusieurs tendances en matière de politique étrangère et de défense qui traversent ses diverses institutions (présidence, Congrès, ministères…), l’une encourageant l’Europe à l’autonomie, à devenir un pilier fort aux côtés des Américains, l’autre encourageant l’Europe à rester servile et sous l’autorité américaine. Ces deux tendances coexistent parfois au sein du Département d’Etat et de la défense.
Cette dichotomie n’est pas spécifique aux États-Unis. Elle traverse également nos différents pays. Il est de notoriété publique qu’en France, le Quai d’Orsay est davantage plus enthousiaste sur l’Europe de la défense que certains chefs d’armée qui ne révèrent que le partenariat avec les « gens sérieux » (Américains, Britanniques, etc.), voire l’OTAN, mais pas l’Union européenne, un être « informe ». Il n’en est pas vraiment différent en Allemagne, pour d’autres raisons : la défense voit généralement dans l’OTAN une carrière et les Américains une référence là où elle se sent perdue dans les structures européennes, et les diplomates, au contraire, sont à l’aise. Etc.
La dialectique de la duplication
Ensuite, il ne faut pas tomber dans le piège dialectique que tendent les Américains. Il n’y a pas de duplication et il ne peut pas y avoir de duplication entre l’OTAN et l’UE, chacun a son rôle et ses différences finalement assez marquées.
A l’OTAN les tâches du hard power et la défense territoriale. A l’UE, la fonction du mix power, des interventions complexes, mêlant civil et militaire, financement extérieur et action opérationnelle. Quoi qu’en disent certains, leurs membres sont totalement différents. Ne font pas partie de l’UE une nette majorité de l’Alliance, du moins dans son expression militaire (Etats-Unis, Turquie, Canada, Norvège…), cela pèse. Quant à l’efficacité opérationnelle, permettez-moi d’être très dubitatif. Si l’Europe ne brille pas toujours de mille lustres, ses interventions extérieures ne sont pas toutes des échecs, loin de là. Pour l’Alliance, les deux dernières grandes opérations militaires — Afghanistan et Libye – n’ont pas vraiment été un succès retentissant : l’une est un solide bourbier sans victoire certaine, l’autre un cuisant échec (2). Dans la réalité, les champ de friction réels des deux organisations sont, en fait, assez faibles : il n’y a pas de duplication possible des QG européen et otanien, il n’y a pas de divergence dans l’analyse des menaces ni des capacités manquantes, contrairement à ce qui est affirmé officiellement, etc. Certes il y a bien des chamailleries d’appareils, des querelles d’ego et, surtout le conflit gelé chyprio-turque, qui est loin d’être un détail et empoisonne toute l’atmosphère. Mais ce n’est pas ce qui provoque aujourd’hui ce courroux américain. La réalité, en fait, est ailleurs…
Une guerre économique qui ne dit pas son nom
Ce que craignent réellement les Américains, c’est que les Européens les prennent au mot, s’autonomisent un peu, développent un peu leur industrie de défense et achètent (un peu) plus européens et, donc, un peu moins Américains. Il faut bien le voir qu’il y a là, non pas une divergence sur les options sécuritaires, mais une bataille économique concrète, précise, importante. La course aux 2% du produit intérieur brut consacré à la défense avait deux objectifs : régénérer les forces mais aussi et surtout permettre à l’industrie américaine de bénéficier d’un marché, captif, en croissance. En donnant un délai court (10 ans) à la remontée en puissance, on dégage des marges budgétaires, importantes. En imposant un réarmement rapide, on offre une prime aux matériels existants, testés, amortis, interopérables, en un mot : le matériel américain.
Le grain de sable européen
La stratégie européenne amorcée sous l’égide de la Commission européenne et du couple franco-allemand (avec les Italiens et les Espagnols) vient s’intercaler dans cette stratégie de puissance. En mettant en place un financement européen, une prime à la coopération européenne, une certaine préférence européenne, elle tente de rééquilibrer le jeu. Ce qui n’est pas du goût des Américains qui sont en position dominante sur ce terrain et jouent tous les arguments, comme ils l’avaient fait dans le passé : dans le litige entre Airbus et Boeing, quand l’Euro est né face au Dollar ou quand Galileo a été pensé comme une alternative au GPS (3). A chaque fois, le processus est semblable, on tente d’étouffer dans l’oeuf la convergence européenne, et à défaut, de l’affaiblir. Les Américains manquent aujourd’hui d’un sérieux atout dans leur manche : les Britanniques qui ont, déjà, perdu de leur influence, pour miner le dispositif de l’intérieur.
Commentaire : les Européens doivent rester stoïques, mais ils ne peuvent rester sans réagir face à une telle mauvaise foi. L’Europe doit avoir sa défense. Celle-ci n’est pas dirigée contre les Américains. Chacun le sait. Mais elle ne peut se reposer entièrement sur l’OTAN. L’épisode Trump l’a montré, les errements de Erdogan le démontrent, la réaction russe le prouvent. C’est avec deux jambes, également dotées, que le couple euro-atlantique marche, pas sur une seule.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Ce qui va faire pleurer dans les chaumières mais ne leurrera pas ceux qui lisent les statistiques. Dans les dix plus grosses entreprises de défense au monde, on compte sept entreprises US et seulement deux ou trois entreprises européennes : Airbus (consortium européen basé aux Pays-Bas), Leonardo (Italie) ainsi que BAE systems (britannique mais liée au système industriel américain). Les Etats-Unis dispose à l’export d’un redoutable instrument — le FMS (Foreign Military Sales) — qui prouve régulièrement son efficacité. Les ventes de l’agence de coopération pour la sécurité de défense (DSCA) ont ainsi atteint pour l’année fiscale 2017 42 milliards $ (dont 32 milliards au titre du seul FMS) (lire ici). Enfin, si on se réfère aux contrats signés, il n’est que de regarder les derniers contrats signés par les Américains sur les Patriot en Suède, Roumanie ; pour le nouveau F-35 comme pour l’ancien F-16, Washington n’a pas à rougir de sa position.
(2) En Afghanistan, les gains sont si peu limités que les talibans toujours présents mènent l’offensive à Kaboul contre les cibles diplomatiques et civiles. En Libye, la défaite politique est si violente qu’elle a effacé en quelques mois les quelques succès militaires obtenus sur le terrain durant des semaines. Le vacuum sécuritaire et étatique créé aux frontières européennes est une formidable leçon d’échec. Tous les experts, tous les diplomates en conviennent… du moins à mots couverts.
(3) D’où l’insistance à garder Galileo comme un instrument civil et ne pas lui dénier un rôle sécuritaire possible, apanage du seul GPS américain (du moins officiellement).
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