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Updated: 1 week 20 hours ago

Coronavirus: les Vingt-sept en rang d'union

Thu, 03/12/2020 - 20:28

Il aura fallu six semaines, depuis l’apparition officielle du coronavirus en Europe, le 24 janvier, pour que l’Union se mobilise enfin. Ce mardi, à l’initiative de la France, les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement se sont retrouvés de 17 heures à 19h45 par visioconférence afin de coordonner la lutte contre l’épidémie. «Nous voulons une approche commune», a martelé Charles Michel, le président du Conseil européen, à l’issue de la réunion. De fait, «les mesures nationales désordonnées et divergentes ont créé de l’incertitude, de l’inquiétude et de l’angoisse dans les opinions publiques», soulignait un proche du chef de l’Etat français juste avant le début de ce sommet virtuel.

L’Union a d’abord chargé la Commission, jusque-là particulièrement apathique, de centraliser les informations aujourd’hui encore lacunaires : nombre de cas, guérisons, décès, mesures prophylactiques adoptées, état des stocks d’équipements (masques et respirateurs), moyens de production, besoins. Le minimum pour apporter une réponse coordonnée et assurer une solidarité entre les Vingt-Sept.

Ensuite, l’exécutif européen «va lutter contre les pénuries», comme l’a annoncé Charles Michel. Toutes les entraves «non nécessaires» à la libre circulation des produits de protection devront être levées (l’Allemagne et la France sont visées). De même, il va coordonner le lancement d’appels d’offres publics pour pallier les ruptures d’approvisionnement, car les moyens de production ne sont pas les mêmes dans tous les Etats membres. Ce mardi matin, Thierry Breton, le commissaire chargé du marché unique, s’est d’ailleurs déjà entretenu avec les fabricants d’équipements de protection. La recherche va aussi être mieux coordonnée et 140 millions d’euros vont être alloués aux laboratoires pour accélérer la mise au point d’un vaccin européen, un «geste de souveraineté européen», selon l’Elysée.

Les Etats membres sont aussi tombés d’accord pour lâcher la bride budgétaire, ce qui marque une rupture depuis la crise de la zone euro de 2010-2015 qui a vu la règle de l’équilibre des comptes publics devenir le mantra européen, notamment en Allemagne. «Il s’agit d’envoyer un geste de disponibilité afin de ne pas faire comme par le passé, trop peu, trop tard», décrypte un proche d’Emmanuel Macron. La Commission a annoncé de son côté qu’elle allait demander au Parlement européen le déblocage de 7,5 milliards d’euros afin d’alimenter un «fonds d’investissement» destiné à la recherche et aux entreprises qui, par le jeu de l’effet de levier, permettra de lever 25 milliards d’euros. Enfin, l’exécutif européen a accepté d’assouplir la réglementation des aides d’Etat pour que les gouvernements puissent aider plus facilement leurs entreprises mises en difficulté par la crise du Covid-19.

Juste avant le Conseil européen, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a annoncé que son administration allait assouplir les réglementations européennes qui compliquent la tâche des entreprises, en particulier des compagnies aériennes. Ainsi, actuellement, beaucoup d’avions volent à vide (on les appelle les «vols fantômes») afin de ne pas perdre leurs créneaux aéroportuaires, ce qui est un non-sens économique et environnemental. Car, selon le droit européen, une compagnie qui n’utilise pas un «slot» le perd au profit de ses concurrents.

Le prochain Conseil européen des 26 et 27 mars adoptera des mesures complémentaires si nécessaire.

N.B.: article paru dans Libération du 11 mars

Categories: Union européenne

Coronavirus: "Un festival d’égoïsmes nationaux au sein d’une Europe censée être unie"

Thu, 03/12/2020 - 20:17

Pascal Durand, député européen LREM (après avoir été élu écologiste), critique durement l’absence de la Commission européenne dans la gestion de la crise du Covid-19.

Jusqu’à présent, c’est le chacun pour soi qui l’a emporté dans la gestion de la crise du coronavirus…

Effectivement, l’Union n’arrive pas à gérer les crises lorsqu’elles se présentent, qu’elles soient sanitaires, humanitaires ou économiques. L’épidémie de coronavirus en a, hélas, fait une nouvelle fois la démonstration : improvisation totale, absence de coordination, refus de toute solidarité à l’égard des pays atteints, c’est un festival d’égoïsmes nationaux au sein d’une Europe censée être unie. Toutes les institutions communautaires ont gravement failli, la Commission en particulier. Elle est totalement absente de cette crise alors qu’elle est censée incarner le leadership communautaire, celui qui propose, celui qui entraîne les Etats derrière lui.

Qu’aurait dû faire la Commission ?

Ursula von der Leyen, sa présidente, aurait dû immédiatement proposer une stratégie commune afin de lancer une dynamique politique européenne. Par exemple, une mise en commun d’une partie des moyens médicaux afin d’aider les régions les plus touchées, la définition de mesures de prophylaxie pour éviter que chaque pays adopte des solutions différentes, une gestion harmonisée des frontières extérieures et intérieures afin d’éviter une paralysie progressive de Schengen et de la libre circulation, une réflexion sur le trafic aérien, une mise en commun des moyens de recherche pour développer un vaccin européen… Or, la Commission s’est montrée incapable d’articuler la moindre proposition. Elle n’a même pas demandé la convocation d’un Conseil européen afin d’impliquer les chefs d’Etat et de gouvernement. C’est la France qui en a pris l’initiative, ce qui semble démontrer que seule l’Europe intergouvernementale fonctionne. Cette faillite de la Commission explique pourquoi le chacun pour soi l’a emporté, les Etats ayant à cœur la protection de leur population. Qui peut leur donner tort ?

Mais Ursula von der Leyen avait-elle un autre choix ? Car les Etats ont ramené depuis longtemps la Commission au rang d’un simple secrétariat à leur service…

Depuis le départ de Jacques Delors de la présidence de la Commission, fin 1994, les gouvernements ont pris soin de ne nommer que le plus petit dénominateur commun. Et à condition qu’il soit germano-compatible ! Ainsi, ils avaient la certitude que ces présidents faibles ne pèseraient pas politiquement et qu’ils n’auraient pas la capacité de défendre un intérêt général européen qui ne soit pas la somme des intérêts nationaux. On a encore vu le résultat de cette stratégie lors de la négociation du budget européen 2021-2027. Alors que les Etats membres sont en train de réduire la capacité de l’Union à agir au risque de compromettre le pacte vert proposé par Ursula von der Leyen, celle-ci a regardé sans réagir ce détricotage de toute ambition européenne. Ce que l’on paye là, ce sont les conditions politiques dans lesquelles elle a été désignée, c’est-à-dire après un marchandage entre gouvernements.

En clair, l’Union est condamnée à l’impuissance ?

L’Europe ne dispose pas de la souveraineté, c’est-à-dire de la capacité à agir. Elle ne l’a pas en matière sanitaire, bien sûr, mais pas non plus en matière de défense, de diplomatie, de budget, etc. On est en train de donner raison à ceux qui veulent détruire l’Europe parce qu’elle n’est qu’un marché intérieur sans âme. Comme le disait justement Jacques Delors, «on ne tombe pas amoureux d’un marché unique».

N.B.: interview paru dans Libération du 11 mars

Categories: Union européenne

Coronavirus: le chacun pour soi des Etats européens

Thu, 03/12/2020 - 20:13

Alors que le coronavirus, qui a atteint le vieux continent le 24 janvier, se joue des distances et des frontières, l’Union est restée spectatrice de cette spectaculaire crise sanitaire. C’est le chacun pour soi qui l’a jusque-là emporté. L’Italie, l’épicentre européen de l’épidémie, a été abandonnée à elle-même, l’Allemagne et la France allant jusqu’à interdire l’exportation de matériel médical de protection au mépris de toute solidarité, les États, à l’image des institutions communautaires elles-mêmes, ont décidé (ou pas) dans le désordre de mesures visant à freiner la propagation du virus, ce qui a contribué à accroitre la panique des opinions publiques, les populistes font pression pour obtenir la fermeture des frontières nationales... « Le coronavirus a montré tout à la fois une absence de réflexe européen des États et une absence de réaction de l’Union », reconnait un proche du Président de la République française.

Emmanuel Macron souhaite donc que ce chaos prenne fin au plus vite. Il a donc obtenu, lundi, la convocation d’un conseil européen extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement consacré au COVID-19 : les Vingt-sept ne se retrouveront pas en chair et en os, mais discuteront mardi par téléconférence, à la fois en raison de la brièveté des délais, mais aussi pour éviter tous déplacements inutiles. « Il s’agit d’envoyer un signal politique que l’Europe est déterminée à agir uni », explique-t-on à l’Élysée : « on ne peut pas ne pas avoir de leadership européen sur un sujet comme celui-là ».

Le problème est que l’Union est largement dépourvue de moyens d’action, la santé n’étant, pour l’essentiel, qu’une « compétence d’appui » des États. En clair, elle ne peut agir que si les capitales le lui demandent, ce qu’ils n’ont pas fait jusque-là, et seulement pour les aider. Même en cas d’épidémie transfrontalière, elle ne peut absolument pas décider seule de mesures de protection : le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) n’a ni les pouvoirs, ni les moyens du CDC américain. C’est ce qui explique que la Commission soit restée aussi discrète depuis le début de la crise.

« Mais on ne peut réduire la question du COVID-19 à un problème juridique, c’est surtout une question politique », grince-t-on dans l’entourage du chef de l’État français : « personne n’en aurait voulu à Ursula von der Leyen, la présidente de l’exécutif européen, si elle avait proposé il y a une semaine un plan d’action ». L’Union étant aux abonnés absents, les États ont réagi en ordre dispersé pour protéger leurs citoyens. Or le coût de la non-coordination est élevé, puisqu’il pousse les pays à la surenchère. Et « plus ils réagissent dans leur coin, plus la coordination devient difficile », souligne un diplomate européen.

Cette crise a fait prendre conscience aux Vingt-sept que, 70 ans après le début de la construction communautaire, il n’y avait aucune possibilité de pilotage européen et bien sûr aucun stock commun de médicaments ou d’équipements de protection… De même, il a fallu cette crise pour qu’ils se rappellent à quel point ils étaient dépendants des pays tiers. Ainsi, 80% des principes actifs des médicaments vendus en Europe et 40% des médicaments finis proviennent de Chine (pour les deux tiers) et d’Inde (pour un tiers). Ces deux pays produisent même 60% du paracétamol mondial, 90% de la pénicilline, 50% de l’ibuprofène… Et 60% de la production mondiale de vaccins (90% pour le vaccin rougeole) est concentré en Inde. Cette mondialisation de la production s’est même accélérée depuis l’épisode du SRAS en 2003 alors qu’il aurait fallu en tirer les leçons.

La France espère donc que ses partenaires, lors du sommet, accepteront de coordonner leurs mesures de protection, mettront le paquet pour financer la recherche d’un vaccin qualifié de « test de souveraineté européenne » et ouvriront les cordons de la bourse pour aider les régions les plus touchées. Elle souhaite aussi que la « question industrielle » soit traitée : « il faut, pour les prochaines crises, développer les industries européennes afin de ne plus dépendre de la Chine ou de l’Inde », explique-t-on à l’Élysée. « Il ne s’agit pas de lancer un gosplan soviétique, mais on doit être capable de gérer au niveau européen la démondialisation qui s’annonce ».

La crise du COVID-19, après la crise des migrants et le Brexit, va-t-elle réveiller les Européens qui semblent avoir abandonné toute ambition collective comme l’a montré leur échec sur le budget communautaire 2021-2027 ? « Ça peut-être une opportunité de relancer la machine. Les peuples veulent plus d’Europe, car ils voient bien que les réponses nationales sont insuffisantes », conclut-on à l’Elysée.

N.B.: article paru le 10 mars dans Libération

Categories: Union européenne

Crise des migrants: les Vingt-sept haussent le ton face à Ankara

Tue, 03/10/2020 - 15:27

Les Vingt-sept ne cèderont pas au « chantage », pour reprendre le mot utilisé par plusieurs chefs de gouvernement européens. Dans une déclaration adoptée mercredi soir, les ministres de l’intérieur de l’Union, convoqués à Bruxelles pour une réunion extraordinaire à la suite de la décision du président turc, Recep Erdogan, vendredi, de ne plus retenir migrants et réfugiés sur son territoire, « rejettent fermement l’usage par la Turquie de la pression migratoire à des fins politiques. La situation aux frontières extérieures de l’Union n’est pas acceptable ». Un langage étonnamment ferme pour une Union qui déteste les bras de fer. Mais la crise des migrants de 2015 et la montée des populismes qu’elle a entrainée sont passées par là : les Vingt-sept sont déterminés à ne pas s’en laisser compter.

Malaise allemand

Du moins une majorité de pays, l’Allemagne, la Bulgarie, la Hongrie ou encore l’Espagne n’ayant pas caché leur malaise lors de la réunion préparatoire entre les vingt-sept Représentants permanents (ambassadeurs auprès de l’Union). Il a d’ailleurs fallu plus de cinq heures pour se mettre d’accord sur les termes du communiqué signé par les ministres. « L’argument est toujours le même : il ne faut pas couper la ligne avec Ankara », explique un diplomate européen de haut rang. La chancelière allemande Angela Merkel a été jusqu’à déclarer, mercredi matin devant le Bundestag, qu’elle était favorable à ce que l’aide européenne pour les réfugiés soit, à l’avenir, directement versée à l’État turc et non aux organisations non gouvernementales (ONG) présentes dans les camps qui accueillent 3,5 millions de réfugiés syriens. « C’est évidemment inacceptable, car on perdrait immédiatement le contrôle de l’usage de ces sommes qui pourraient être détournées pour, par exemple, acheter de l’armement », tranche un diplomate français. Finalement, Berlin et les autres pays hésitants ont accepté de soutenir ce « message très robuste » envoyé à Ankara.

Pour les Vingt-sept, il faut donc que la Turquie continue à mettre « totalement en oeuvre les dispositions de l’accord » de 2016 conclu avec l’Union à la suite de la crise migratoire de 2015. Celui-ci prévoit, en échange d’une aide de 6 milliards d’euros (versée en deux tranches constituée pour moitié de fonds européens, pour moitié de contributions nationales), qu’Ankara empêche réfugiés et migrants de quitter son sol, mais aussi que l’Union accueille un réfugié statutaire présent en Turquie pour un migrant renvoyé dans ce pays.

«Guerre hybride»

Afin de décourager réfugiés et migrants de tenter l’aventure européenne, les États membres martèlent qu’ils « sont déterminés à protéger les frontières extérieures de l’Union. Les passages illégaux ne seront pas tolérés et (qu’ils) prendront les mesures nécessaires tout en respectant leurs engagements européens et internationaux ». Ils « encouragent le gouvernement turc et tous les acteurs et organisations présents sur place à relayer ce message et ainsi à lutter contre la diffusion de fausses informations ». « C’est une guerre hybride que mène la Turquie en annonçant que le passage sur l’Europe est libre et en diffusant des fake news sur le nombre de migrants massés à la frontière », explique un diplomate européen : « nous lui répondons sur le même ton ».

Pour l’instant, on constate à Bruxelles qu’il n’y a en réalité que 15.000 personnes qui ont été transportées par bus à la frontière terrestre turco-grecque : « et seule une poignée a pu passer. Par mer, c’est plus compliqué : un millier de personnes a réussi à passer », poursuit ce diplomate. Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes et les États vont donc fournir à la Grèce des moyens de surveillance et l’Union va ajouter une aide financière de 700 millions d’euros.

On se réjouit dans les capitales européennes que les efforts menés depuis 2015 pour assurer un contrôle des frontières aient porté leurs fruits. « Surtout, ajoute un diplomate de haut rang, le gouvernement de Mitsotakis tient sa frontière à la différence du gouvernement Tsipras en 2015». En violation de la Convention de Genève, Athènes a même décidé de ne plus examiner aucune demande d’asile durant un mois, ce que le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU a immédiatement dénoncé. Mais les Européens ne s’embarrasse pas pour l’instant du respect des droits de l’homme : ainsi, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a félicité la Grèce, mardi, d’être le « bouclier » de l’Union… « Nous sommes confrontés à un moment peut-être historique sur notre responsabilité pour garantir aux citoyens européens le respect de nos frontières », a surenchéri Christophe Castaner, le ministre français de l’Intérieur. Une dureté, que ne renierait pas Viktor Orban, le dirigeant hongrois, destinée à montrer à Erdogan que son chantage ne prendra pas comme en 2015.

Soutien politique

Charles Michel, le président du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, et Josep Borrell, le ministre des Affaires étrangères de l’Union, se sont rendu mercredi à Ankara pour porter le message à Erdogan en personne. Une rencontre d’une heure 45 au cours de laquelle les deux responsables européens ont essayé de dissiper les malentendus : « Erdogan a ainsi affirmé que l’Union n’avait pas tenu ses engagements. Nous lui avons démontré que c’était faux, tant en termes d’aide financière que d’accueil des réfugiés. La bonne nouvelle c’est qu’il s’est montré ouvert et que le dialogue est maintenu », raconte un haut fonctionnaire de l’Union.

« Ce que veut le président turc, ce n’est pas une nouvelle aide pour les camps », affirme un responsable européen, mais qu’on le soutienne dans la crise d’Idlib afin d’éviter qu’un million de réfugiés supplémentaires ne s’installe en Turquie. Car ça, son opinion publique n’en veut pas ». « Si les pays européens veulent régler le problème, alors ils doivent apporter leur soutien aux solutions politiques et humanitaires turques en Syrie », a reconnu mercredi Erdogan. « Nous allons donc envoyer un message politique lors de la réunion des ministres étrangères (qui aura lieu à Zagreb en fin de semaine) : les agresseurs sont la Syrie et la Russie, la Turquie est le pays agressé et surtout rien ne justifie le bombardement de civils, civils qui n’ont d’autre choix que de se masser à la frontière turque », explique un diplomate français. Quant à aller au-delà, par exemple en assurant une interdiction de survol d’Idlib, il n’en est pour l’instant pas question d’autant que cela relève de l’OTAN et des pays européens et pas de l’Union.

photo: Reuters

Categories: Union européenne

Les eurodéputés veulent régler le compte des Etats

Wed, 03/04/2020 - 18:57

Les négociations budgétaires qui ont débouché sur un échec lors du sommet européen des 20 et 21 février se sont déroulées entre les seuls chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept. Pourtant, en bonne logique, un vingt-huitième acteur aurait dû être invité : le Parlement européen. En effet, depuis le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, celui-ci doit donner son accord à la majorité absolue de ses membres au «cadre financier pluriannuel» adopté par le Conseil européen. Certes, malgré ses rodomontades, l’Assemblée de Strasbourg s’est jusque-là lamentablement couchée, tant il est vrai qu’il faut du courage pour s’opposer aux Etats, les vrais maîtres de l’Europe.

Mais une révolution copernicienne a eu lieu lors des européennes de mai 2019 : la fin du duopole PPE (conservateurs)-S & D (socialistes), qui dominait l’Assemblée depuis 1989, et l’irruption sur la scène européenne des centristes de «Renew Europe» (RE), le groupe dominé par En marche. Jusqu’ici, il suffisait d’un appel de la chancellerie allemande aux patrons du PPE et du S & D pour que ces deux groupes, majoritaires à eux deux et largement dominés par les Allemands, votent le doigt sur la couture du pantalon ce qu’avaient décidé les Etats. Cette fois, il n’en ira pas de même. La majorité absolue étant de 353 dans un Parlement comptant 704 élus depuis le départ des Britanniques, il manque 19 voix au PPE (187 élus) et au S & D (147) pour l’atteindre. En réalité bien plus, la discipline de vote n’existant pas, les logiques nationales se superposant aux logiques politiques.

Donc, pour être certain d’obtenir une majorité, il faut compter sur les voix non seulement de RE (98), mais aussi des Verts (67). Car là aussi, les déperditions sont fortes… Pis : sur 704 élus, seuls 263 appartiennent à des partis gouvernementaux (dont 175 seulement du même parti que celui du Premier ministre en exercice). Ainsi, pour la première fois, le PPE a plus de députés dans l’opposition que dans la majorité. Enfin, pour ne rien arranger, l’actuel Parlement est au début de son mandat et est composé à 60 % de nouveaux élus qui doivent faire leurs preuves, alors que celui de 2013 était en fin de mandat et composé de députés vieillissants.

Autant dire que les gouvernements n’ont pas de majorité acquise et pas de relais pour en obtenir une : si la chancelière Angela Merkel appelle Manfred Weber, le patron allemand du groupe PPE, celui-ci ne pourra rien lui garantir. En clair, si les Vingt-Sept parviennent péniblement à un compromis sur le budget, il est fort probable qu’il sera rejeté par le Parlement. Car les Etats vont sans doute encore le réduire pour la deuxième fois depuis 2014, alors même qu’il faut financer de nouvelles politiques, dont le «pacte vert». Or le PPE, le S & D, RE et les Verts exigent un budget à 1,3 % du RNB européen alors que les Etats les plus radins (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède) ne veulent même pas le maintenir à son niveau actuel, soit 1,11 % du RNB, mais le diminuer à 1 %… La crise budgétaire ne fait que commencer.

Photo: Vincent Kessler. Reuters

Categories: Union européenne

Migrants: quel message la Turquie adresse-t-elle à l'Union européenne?

Wed, 03/04/2020 - 18:51

Josep Borrell, le ministre des Affaires étrangères de l’Union, l’a annoncé vendredi après-midi sur Twitter : son homologue turc, Mevlüt Çavusoglu, s’est engagé, lors d’une conversation téléphonique, à respecter le pacte migratoire de 2016. Pourtant, un peu plus tôt dans la journée, un « haut responsable turc », probablement le président Recep Erdogan lui-même, avait menacé l’Union de laisser partir les réfugiés syriens qui voudraient trouver refuge sur son territoire, ce qui a déclenché un branle-bas de combat à Bruxelles et dans les capitales européennes.

Car la crise de 2015 a marqué au fer rouge la mémoire européenne : à l’époque, plus d’un million de personnes, essentiellement des réfugiés syriens, ont quitté la Turquie pour se rendre, via la route des Balkans, en Allemagne dans l’espoir d’y obtenir asile. Berlin avait alors, pour éviter une catastrophe humanitaire à ses frontières, accepté de les accueillir. Mais parallèlement, la chancelière Angela Merkel a négocié avec le président turc pour que celui ferme à nouveau ses frontières et accepte de reprendre sur son territoire les étrangers que les Européens refouleraient, le tout en échange d’une aide financière destinée à prendre en charge une partie des coûts engendrés par la présence sur son territoire de 3,5 millions de réfugiés syriens. L’accord a été ensuite endossé par les Vingt-huit de l’époque : la Turquie a reçu depuis 2016 6 milliards d’euros versés en deux tranches.

C’est cet accord que le « haut responsable turc » a menacé de ne pas reconduire. « On est vigilant, mais pour l’instant, il n’y a pas de mouvement notable. Si la Turquie rouvre le robinet, cela ne se fera de toute façon pas du jour au lendemain », note un diplomate européen de haut niveau. Même si les Européens se méfient de l’imprévisibilité d’Erdogan, rares sont ceux qui craignent une réouverture pure et simple des frontières turques.

Car, d’une part, la Turquie n’y a pas intérêt. En 2015, débordée par l’afflux de réfugiés syriens, elle avait voulu lancer un avertissement à l’Union en laissant partir une partie d’entre eux. Mais, très rapidement, elle avait perdu le contrôle d’une partie de son territoire et de ses ports, les filières mafieuses se structurant. Irakiens, Afghans, Égyptiens, Tunisiens, Marocains, ressortissant du Sahel avaient alors afflué vers la Turquie, la route grecque étant moins dangereuse que celle de la Méditerranée centrale… « Ankara peut tenter un coup de sonde pour voir, mais elle n’ira pas plus loin si elle ne veut pas recréer le chaos sur son territoire », veut croire ce même diplomate européen.

D’autre part, l’Union est mieux préparée : « la Grèce de Kyriakos Mitsotakis, le Premier ministre conservateur, n’est pas celle d’Alexis Tsipras et elle luttera contre les passages », assure ce même diplomate. Et elle sera aidée par l’Union » qui a depuis créé un corps de garde-côtes et renforcé Frontex, l’agence européenne chargée d’aider au contrôle des frontières extérieures européennes. « On n’est pas otage de la Turquie contrairement à ce que certains font mine de croire », martèle un responsable français.

Pour l’instant, l’Union se demande surtout ce que veut Erdogan : « on doit attendre pour voir où il veut en venir », explique un diplomate d’un grand pays. Cherche-t-il à obtenir un renouvellement de l’aide européenne, la dernière tranche de 3 milliards d’euros parvenant à échéance ? La Turquie, seule, n’a effectivement pas les moyens d’assumer un nouvel afflux de réfugiés. Or, actuellement, plus d’un million de personnes fuyant les combats d’Idlib sont massés à ses frontières, un chiffre qui risque d’être rapidement multiplié par deux. « Si la Turquie n’ouvre pas sa frontière, ce sera un massacre. Même si elle est en partie responsable de la situation, on ne pas la laisser seule », estime le député européen Raphaël Glucksmann (Place publique). « Sinon elle ne pourra que laisser les réfugiés se rendre en Europe pour alléger son fardeau ». L’Allemagne en a conscience et, sans attendre les menaces turques, elle a demandé à ses partenaires de prolonger l’aide financière afin de fixer les réfugiés sur place.

Il est aussi possible qu’Erdogan veuille que l’Union fasse pression sur la Russie pour parvenir à une cessation des combats. « On pourrait par exemple suspendre le financement européen du pipe-line gazier Nordstream II, les Russes étant totalement dépendants de nos achats», propose Raphaël Glucksmann. À Paris, on estime que cette politique des sanctions, « la seule politique russe de l’Union », est un échec : « elle n’a pas empêché les Russes de poursuivre leur politique agressive en Ukraine, en Syrie, en Libye ». La France veut donc maintenir le dialogue avec Moscou, car des sanctions « reviendraient à couper la ligne et les Russes se sentiraient libres de continuer à bombarder Idlib ». Mais personne, à Bruxelles, ne croit à une action européenne : « la Russie est un sujet difficile à Vingt-sept tant les divisions sont profondes », souligne un diplomate français. « C’est un sujet franco-allemand », dit-on à Paris. « Un sommet à quatre (Turquie, Russie, Allemagne et France) pourrait être organisé rapidement à Istanbul si des conditions minimales sont réunies : cessez-le-feu, acheminement de l’aide humanitaire, lancement d’un processus politique. Il faut aussi, via l’OTAN, réintroduire dans le jeu les États-Unis ». « En agitant la menace d’une réouverture de ses frontières, Erdogan va obliger les Européens à agir. Il n’avait pas d’autre choix », regrette Raphaël Glucksmann.

N.B.: article paru dans Libération du 29 février

Photo: Bulent Kilic, AFP

Categories: Union européenne

Le crépuscule de l'aventure européenne

Thu, 02/27/2020 - 20:14

Jean-Louis Bourlanges, vice-président (Modem) de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, ancien député européen (1989-2007), est l’un des plus fins analystes de l’Union européenne. Il ne cache pas son pessimisme sur son avenir.

Comment analysez-vous l’échec du sommet ?

Cela fait plus de deux ans que dure cette mauvaise comédie et l’enjeu du débat est tellement dérisoire que la persistance du blocage ne peut pas ne pas cacher un malentendu très profond. Songez que dans une Europe où les États dépensent en moyenne, sous forme de crédits publics, près de 50%de leur produit intérieur, les Vingt-sept se regardent interminablement en chiens de faïence pour savoir s’ils sont disposés à mettre au pot commun de ce qui devrait être l’entreprise géopolitique du siècle un peu plus ou un peu moins de 1 % de ce même PIB ! C’est vraiment se moquer des peuples de l’Europe que de leur rejouer indéfiniment ce misérable psychodrame.

La crise n’est donc pas budgétaire, mais politique : la volonté de poursuivre l’intégration européenne fait défaut.

La fable, c’est celle de L’Allemagne et des quatre radins, les Pays bas, la Suède, le Danemark et l’Autriche. En apparence ils sont tous d’accord pour ne pas aller plus loin et surtout pour ne pas dépenser plus. L’Union telle qu’elle est convient à des pays qui tirent avantage du marché intérieur - et pour quatre d’entre eux de l’euro - et ne voient pas pourquoi ils devraient payer davantage pour les autres. Trois de ces pays (Autriche, Danemark et Suède) sont issus de la zone de libre-échange créée par les Britanniques à la fin des années cinquante pour faire pièce au marché commun. Ils se méfient depuis toujours d’une Europe intégrée à vocation politique. Les Pays-Bas, quant à eux, ont toujours été sensibles aux sirènes britanniques : ce qu’ils ont préféré en Europe, c’est le parapluie américain !

Les Allemands sont évidemment travaillés par les mêmes pulsions, mais ils ne peuvent oublier qu’ils sont depuis le début au cœur de la construction européenne et que celle-ci est largement leur œuvre. Curieusement, toutefois, cette histoire, celle de cet après-guerre rédempteur, contribue à les paralyser, car elle leur semble trop parfaite pour être dépassée par quelque chose de mieux. Une Allemagne paisible et démocratique, protégée des violences de l’Histoire par une Amérique tutélaire et bienveillante et vivant prospère dans une Europe pacifiée et quasi désarmée, c’est pour eux le Paradis sur terre. Alors quand Emmanuel Macron arrive à cheval pour leur dire avec raison, mais sans ménagement, que ça ne peut pas durer comme ça, que l’Europe, elle-même travaillée par des passions de plus en plus tristes, est désormais seule dans un monde devenu plutôt malveillant et que pour sauver ses valeurs , ses intérêts et ses modes de vie, il va falloir être beaucoup plus solidaire et beaucoup plus politique, les Allemands ont du mal à accepter un discours aussi perturbateur économiquement, politiquement et moralement. Du coup, tout ce monde freine des quatre fers.

Les pays de l’Est ont demandé un budget plus conséquent. Est-ce à dire qu’ils ont pris conscience des avantages de l’intégration?

Sans doute, mais il ne faudrait pas que leur seul lien avec le train de l’Europe, ce soit le wagon-restaurant. Reconnaissons toutefois à leur décharge qu’on ne leur a rien proposé de bien exaltant. Les géopoliticiens ont coutume de dire que le développement de forces centrifuges de dislocation à la périphérie d’un système est toujours la conséquence de la fragilité et de l’incertitude du centre. C’est très exactement ce que nous vivons au sein de l’Union européenne. Contrairement à ce que pensent nombre de nos compatriotes, notre principal problème ne vient pas des pays dits de Visegrad qui sont eux- mêmes profondément divisés, par exemple sur la question des rapports avec la Russie ou sur celle de l’intégration à l’Union. Il vient de l’incapacité des Allemands et des Français à penser en convergence leur avenir et celui de l’Union. Nous avons parfaitement réussi, et ce n’est pas rien quand on songe au passé, à civiliser nos échanges et à pacifier nos relations, mais la tâche qui est la nôtre depuis la fin de la guerre froide est d’un autre ordre : il s’agit d’agir ensemble et de réussir notre révolution copernicienne et là le bilan est très pauvre et la force d’entraînement du couple très faible. Nous avons jusqu’à présent réussi à protéger l’Union, mais pas à la développer. Cette Europe à gaz pauvre ne résistera pas indéfiniment aux vents mauvais de l’histoire.

Au fond, seuls la France, la Belgique, le Luxembourg, l’Espagne et le Portugal veulent poursuivre l’aventure européenne. Ne faudrait-il pas en tirer les conséquences ou se résigner aux années d’eurosclérose qui s’annoncent?

Se résigner, mais à quoi sinon à disparaître ? Nous sommes tous plombés par le triomphe de l’individualisme, du corporatisme, du localisme et du sectarisme, ces trois-là n’étant d’ailleurs que des individualismes à plusieurs. Nous semblons de plus en plus en plus incapables de faire ce que j’appellerai le “détour de solidarité ” dans le temps comme dans l’espace, c’est-à-dire de faire l’effort d’accepter le différé de résultats à attendre d’un investissement ou d’un acte de solidarité. La vraie devise de l’Europe c’était : “Égoïsme bien ordonné commence par les autres”. Avec nos criailleries budgétaires, nous sommes dangereusement loin du compte. L’Europe est une création de l’histoire qui n’a plus la volonté de faire face.

N.B.: version longue de l’entretien paru dans Libération du 24 février

Photo: Photo Busà. Getty Images

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Budget: Les radins ne veulent pas rallonger d'un radis

Thu, 02/27/2020 - 20:10

Angela Merkel, Mark Rutte, Sebastian Kurz

L’échec était prévisible, il a eu lieu. Vendredi, vers 19 heures, après 36 heures de négociations au couteau, les Vingt-sept ont décidé de jeter l’éponge, incapable de trouver l’ombre d’un début de compromis sur le cadre financier pluriannuel (CFP), le budget de l’Union pour les années 2021-2027. « Les différences étaient trop importantes », a sobrement commenté Angela Merkel, la chancelière allemande qui a souligné au passage l’absence de toute « position commune franco-allemande ». « Nous avons besoin de plus de temps », n’a pu que constater le Belge Charles Michel, le président du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement. Si l’Union veut éviter que les programmes européens soient brutalement interrompus en janvier 2021, il faudra organiser un ou plusieurs sommets supplémentaires très rapidement : car adopter un budget est une chose, le mettre en œuvre en est une autre. Une course contre la montre pour éviter le défaut de paiement de l’Union a débuté.

On se demande comment les Européens en sont arrivés là. En effet, la Commission a déposé sa proposition sur la table du Conseil européen en mai 2018, il y a presque deux ans, ce qui laissait du temps pour négocier. Jean-Claude Juncker, l’ancien président de l’exécutif communautaire claironnait même à l’époque qu’un accord était possible avant les élections européennes de mai 2019… On a vu. En fait, le Brexit a pompé les énergies et les Etats, mais aussi le Polonais Donald Tusk, l’ancien président du Conseil européen, se sont littéralement désintéressés de l’affaire. Charles Michel, en poste depuis le mois de décembre, a repris le dossier au vol et a tenté de forcer une décision, après avoir multiplié les voyages dans les capitales européennes, en convoquant un sommet extraordinaire jeudi.

Sur la table, une proposition de compromis représentant 1,074 % du Revenu national brut européen (RNB), soit 1094 milliards d’euros sur 7 ans à 27. Une nette baisse par rapport à la proposition de la Commission (1,114 %) qui a fait le choix de ne pas compenser le manque à gagner du Brexit (10 à 12 milliards par an, en « solde net », c’est-à-dire diminué des sommes dont bénéficiait le Royaume-Uni) par une augmentation des recettes, mais de tailler dans les dépenses… Ce n’est pas la première fois que le budget européen est ainsi en baisse, puisqu’en 2014 il s’est établi à 1,12 % du RNB, loin du CFP 1993-1999 (2,18 %)…

Mais c’était largement insuffisant pour le club des radins, autobaptisé club des « frugaux » : Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède soutenus en sous-main par l’Allemagne. Ils estiment « payer pour les autres » puisqu’ils versent davantage au budget qu’ils n’en reçoivent, passant par pertes et profits tous les avantages dont ces pays très compétitifs bénéficient grâce au marché intérieur et à l’euro. Pour eux, le budget ne doit pas dépasser 1 % du RNB. Pour mesurer leur pingrerie, il faut rappeler que la moyenne des dépenses publiques dans les États membres est de plus de 47 % du RNB…

Tous les contributeurs nets ne sont pas sur cette ligne, à l’image de la France, de l’Irlande ou de l’Italie. En réalité la ligne de fracture est entre ceux qui considèrent que l’Union doit rester une zone de libre-échange, avec un minimum de transfert entre pays riches et pauvres, et ceux qui considèrent que l’Union doit non seulement se doter de politiques souveraines (défense, spatial, contrôle des frontières, numérique, etc.), mais aussi organiser des transferts financiers pour compenser les rentes de situations créées par l’ouverture des frontières au profit des plus riches.

Dès lors, aucune des propositions sur la table ne pouvait agréer à l’un des deux camps. Charles Michel, en proposant, vendredi soir, un compromis à 1,069 % du RNB est allé dans le mur. D’autant que le front des pays « amis de la cohésion » (les aides régionales), rebaptisés, les « amis d’une Europe ambitieuse » s’est alignés sur la position du Parlement européen (qui devra approuver l’accord final) en réclamant un budget à 1,3 %... « Les Européens n’ont pas besoin de la Grande-Bretagne pour faire montre de désunion », a noté désabusé Emmanuel Macron…

La bataille s’est concentrée en bonne partie sur l’une des grandes politiques traditionnelles, la Politique agricole commune (PAC) qui pèse encore 31 % du budget : pour les radins, il faut couper dans cette « politique du passé » et réorienter une partie des crédits vers les « politiques d’avenir ». A priori, le poids de la PAC semble effectivement disproportionné, mais il faut bien voir qu’il s’agit de la seule politique presque totalement intégrée : 70 % des dépenses publiques agricoles des 27 sont communautarisées, dépenses qui en additionnant les parts nationales, ne représentent en réalité que 1,1 % de la dépense publique de l’UE. Autrement dit, la part de la PAC n’est absolument pas exorbitante : elle témoigne simplement de la faiblesse de l’intégration dans les autres domaines. Si par exemple on fédéralisait les dépenses militaires, elles représenteraient 90 % du budget… En s’attaquant à la PAC, les radins mènent en réalité une bataille politique : ils veulent tuer ce qui reste des ambitions fédérales de l’Union, puisque les budgets des « nouvelles politiques » ne viennent qu’en appoint des financements nationaux.

Ce n’est pas un hasard si les pingres se sont opposés à la création de nouvelles « ressources propres », c’est-à-dire de recettes ne dépendant pas des budgets des États comme l’est actuellement la « ressource RNB » calculée sur la richesse nationale de chaque pays (70 % du budget) : outre les droits de douane déjà existants, il était proposé de créer une taxe sur les plastiques non recyclables et qu’une partie des droits d’émission de carbone lui soit affectée tout comme, à l’avenir, la taxe carbone qui devrait frapper les produits d’importation, la taxe sur les activités numériques ou encore la taxe sur les transactions financières. Car accepter un budget indépendant des États, c’est perdre le contrôle et prendre le risque d’une Union forte. Bref, l’Europe à Vingt-sept est entrée en hibernation et sans doute pour longtemps…

N.B.: article paru dans Libération du 24 février

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Budget européen: l'heure des règlements de comptes

Sat, 02/22/2020 - 15:59

Les vingt-sept Etats européens ont offert, jeudi et vendredi, un triste spectacle au monde, une nouvelle fois, celui d’une bataille de chiffonniers autour du budget communautaire. À la manoeuvre, le club des radins (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas et Suède), pourtant grand gagnant de la construction communautaire, qui refuse non seulement de dépenser un euro supplémentaire, mais souhaite même réduire sa contribution.

Pourtant, les sommes en jeu ne sont pas mirobolantes : elles représentent à peine 1 % du Revenu national brut (RNB) européen (1), à comparer aux 47 % du RNB en moyenne des dépenses publiques nationales (43,2 % du PIB pour l’Allemagne, 56,5 % pour la France…). Ceux qui espéraient que le départ du Royaume-Uni, qui a toujours détesté tout ce qui ressemblait à de la solidarité financière entre riches et pauvres, permettrait à l’Union de se montrer enfin ambitieuse en seront pour leurs frais.

Ce sommet, le premier consacré au cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, s’est donc soldé par un échec, comme c’était parfaitement prévisible, tant les positions sont éloignées entre les riches égoïstes et ceux qui veulent que l’Union ait les moyens de se développer pour peser sur le monde. Il faudra sans doute un ou deux sommets supplémentaires pour parvenir à un compromis qui sera de toute façon a minima.

· Un budget européen, pour quoi faire ?

C’est la contrepartie naturelle à l’ouverture totale des frontières intérieures de l’Union et à la création du Marché unique (sans même parler de l’euro) puisque ce sont les pays les plus compétitifs qui en profitent en premier lieu. Les traités européens ont donc prévu un minimum de transferts financiers au profit des plus pauvres pour leur permettre de rattraper leur retard de développement et ainsi éviter qu’ils deviennent de simples colonies absorbant des biens et des services produits ailleurs… Au fur et à mesure du développement de l’Union, ce budget s’est développé a afin de renforcer la convergence économique, mais aussi financer les nouvelles compétences européennes. En clair, le budget européen est un indicateur du degré de solidarité auquel les États sont prêts à consentir, mais aussi de leur vision de ce que doit être l’Europe : un grand marché avec un minimum de solidarité ou une fédération en devenir avec les transferts budgétaires que cela implique…

C’est à partir de la relance de 1985 que le budget européen a connu une très forte expansion : pour faire passer la pilule auprès des Etats, la Commission a veillé à ce que chaque programmation pluriannuelle (d’une durée de 5 ou 7 ans afin de sortir des batailles budgétaires annuelles) s’appuie sur un projet politique : l’achèvement du marché unique (1988-1993 ou paquet Delors I qui a créé les fonds structurels ou aides régionales), l’Union économique et monétaire (1994-1999, Paquet Delors II), l’élargissement (2000-2006) qui sera ensuite combiné à l’agenda de Lisbonne visant à renforcer la compétitivité européenne (2007-2013).

· Quel montant pour le budget communautaire ?

Pour le CFP 2014-2020, le montant des crédits d’engagement s’est élevé à 1033 milliards d’euros (valeur 2011), soit 1,12 % du RNB européen, et les crédits de paiement (effectivement décaissés) à 988 milliards d’euros soit 1,03 % du RNB. Ce CFP a marqué une rupture puisque pour la première fois il était en forte diminution par rapport au CFP précédent, sans doute parce qu’il ne s’appuyait sur aucun projet d’intégration supplémentaire contrairement aux budgets précédents. Pour apprécier le recul, il faut rappeler que le CFP 1993-1999 (Union à 15) a atteint 1,28 % du RNB (en intégrant le Fonds européen de développement)…

Mais même à 1,28 %, on est loin du compte de ce que devrait être un budget conséquent. En 1977, le rapport MacDougall (un groupe d’experts mandatés par la Commission) a recommandé un budget de 2 à 2,5 % du RNB européen partant du constat que l’intégration économique bénéficiait de manière disproportionnée aux régions les plus riches. Toujours selon ce rapport, une union monétaire, un objectif alors lointain, impliquerait même un budget de l’ordre de 5 à 7 %... Ce n’est pas pour rien qu’Emmanuel Macron souhaite un budget se montant à 2 ou 3 % du RNB de l’Union : « une Europe qui a un budget autour de 1 % », soit son niveau actuel, « n’a pas de vraies politiques », a-t-il de nouveau rappelé au début du mois.

· Quelles sont les propositions sur la table ?

L’exercice actuel est rendu difficile par le départ du Royaume-Uni qui fait perdre au budget européen entre 10 et 12 milliards d’euros par an (soit 7 à 8 % de ses recettes). La Commission Juncker, faute d’un projet politique concret à vendre aux États membres pour qu’ils compensent le manque à gagner, a proposé, en mai 2018, de tailler dans les dépenses (la politique agricole commune, PAC, et les aides régionales ne représenteraient plus que 60 % du budget contre 70 %) afin de limiter le budget à sa taille actuelle, soit 1,114 % du RNB en incluant la politique d’aide au développement (2). On est loin des 1,20 % minimum souhaité par la France, mais aussi par l’ancien président de l’exécutif européen, ou des 1,30 % demandé par le Parlement européen.

Mais l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ont aussitôt exigé que le chiffre de 1 % du RNB ne soit pas dépassé, ce qui nécessiterait de couper à la hache dans les politiques traditionnelles (PAC et aides régionales). « L’UE doit moins se concentrer sur les domaines traditionnels, comme l’agriculture et davantage sur les principaux défis de notre époque comme le changement climatique et les migrations » a ainsi déclaré Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais le 14 février.… Ces pays voient dans le Brexit une occasion en or d’en terminer avec la PAC qu’ils souhaitent renationaliser, puisqu’ils en ont les moyens, et de limiter à la portion congrue les transferts financiers vers les pays les plus pauvres.

Le Belge Charles Michel, le président du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, a tenté de couper la poire en deux en proposant un budget limité à 1,074 % du RNB, ce qui représente un niveau de dépense inférieur de 80 milliards d’euros au niveau actuel. Pour plaire à la France et aux pays les moins riches, il a revu légèrement à la hausse les budgets de la PAC et les fonds structurels (61 % du total), mais n’a eu d’autres choix que de procéder à de larges coupes dans les politiques nouvelles (défense, espace, numérique, contrôle des frontières, environnement).

· Pourquoi les discussions budgétaires sont-elles aussi complexes ?

Tout simplement parce que les cordons de la bourse sont tenus par les gouvernements et leur parlement national. L’autonomie budgétaire de l’Union n’existe quasiment pas, faute d’impôts européens, ce qui la rapproche d’une organisation internationale classique, style ONU, alimentée par des contributions des Etats membres. Au départ, pourtant, le budget était uniquement alimenté par des ressources propres ne dépendant pas des États : droit de douane et prélèvements agricoles à l’entrée du territoire européen. Mais le cycle de libéralisation du commerce mondial les a réduites à peau de chagrin. Au lieu de créer de nouvelles ressources qui n’auraient pas dépendu des budgets nationaux, l’Union a inventé, au début des années 80 la ressource TVA qui n’a qu’un rapport lointain avec la TVA perçue par les États et surtout, à partir de 1988, la ressource RNB, une contribution basée sur la richesse nationale des États. Aujourd’hui, le budget européen est donc alimenté par la ressource RNB à hauteur de 71 % et la ressource TVA à hauteur de 12 % qui sont versés par les États.

Surtout, chacun peut calculer ce que lui coûte ou lui rapporte l’Europe en faisant la différence entre les financements dont il bénéficie et sa contribution. Ce calcul des « soldes nets » est une invention du Royaume-Uni qui n’a guère de sens puisqu’il fait l’impasse sur ce que rapporte à un pays sa participation au marché intérieur. Par exemple, les aides régionales permettent de financer la construction d’autoroute construite par des entreprises françaises sur lesquels rouleront des camions allemands transportant des machines à laver suédoises… Mais l’argument porte peu sur les scènes politiques nationales lorsque les budgets sont votés. Certains des pays les plus riches (Autriche, Danemark, Pays-Bas, Suède) ont d’ailleurs exigé et obtenu des rabais à leur contribution RNB afin de faire passer la pilule. Ironie de l’histoire, ces chèques sont principalement payés par … la France à hauteur de 2 milliards par an. Il est intéressant de noter que cette dernière, pourtant second contributeur net derrière l’Allemagne, ne se situe pas dans cette logique budgétaire puisqu’elle souhaite une Union plus intégrée et donc dotée de financements conséquents.

Pour redonner de l’indépendance au budget et sortir de ces batailles épuisantes, la Commission et Charles Michel défendent l’idée de créer deux nouvelles ressources propres : une taxe sur les plastiques non recyclées et l’affectation d’une partie des droits d’émission de carbone. Paris souhaite même que la future sur les géants du numérique ou la taxe carbone qui devrait frapper les produits d’importation à l’entrée de l’Union lui soit aussi destinée.

· Quel est le rapport de force ?

Fort intelligemment, la Commission présidée par Ursula von der Leyen fait désormais valoir que son projet de budget a un but politique clairement identifié, ce qui va compliquer la tâche des radins : il s’agit de financer la transition écologique (25 % des dépenses), mais aussi d’assurer la place de l’Union dans le monde (défense, numérique, espace, etc). Elle peut compter sur l’appui de la France, mais aussi des 17 pays « amis de la cohésion », c’est-à-dire des bénéficiaires du budget européen. Mais il faut réunir l’unanimité des États pour adopter les CFP… Les pays les plus allants peuvent aussi compter sur l’appui du Parlement européen qui devra in fine donner son accord. La partie de poker ne fait que commencer.

(1) Le revenu national brut (RNB) est défini comme le produit intérieur brut (PIB) plus les revenus nets reçus de l’étranger pour la rémunération des salariés, la propriété et les impôts et subventions nets sur la production.

(2) le Brexit a fait mécaniquement augmenter le poids relatif du budget européen, puisque c’est un pays riche qui part.

N.B.: l’article original est paru dans Libération de jeudi. J’ai juste changé: va probablement se solder par un échec, par : s’est soldé par un échec...

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L'Union européenne, un projet du siècle dernier?

Thu, 02/20/2020 - 22:35

Emmanuel Macron n’a pas caché son agacement à l’égard de la Chancelière allemande, samedi, lors de la conférence sur la sécurité de Munich : « je n’ai pas de frustration, j’ai des impatiences ». De fait, depuis deux ans, Angela Merkel a soigneusement tué toutes les propositions du chef de l’État français visant à relancer l’intégration communautaire, de la défense à la zone euro en passant par l’environnement, l’intelligence artificielle ou la réforme des institutions. À l’heure où les États-Unis se désengagent de la marche du monde et où la Chine affirme sa brutale puissance, cette Allemagne vieillissante et conservatrice, affirme que l’Union telle qu’elle est, c’est-à-dire une grande Suisse, lui suffit amplement. Elle lui permet d’accumuler des excédents grâce au marché unique et à l’euro, excédents qu’elle n’entend pas partager avec les pays qui souffrent des déséquilibres qu’elle crée, et les rêves français d’une puissance européenne lui sont totalement étrangers, le parapluie militaire américain, même troué, lui suffisant largement.

À l’Élysée, on le reconnait : l’Allemagne merkelienne est dénuée de toute pensée géostratégique, ce qui rend impossible toute « nouvelle dynamique (pour) l’aventure européenne », notamment en transférant au niveau de l’Union des « éléments de souveraineté », comme le souhaite Emmanuel Macron. On va le voir une nouvelle fois jeudi lors du sommet extraordinaire consacré au cadre financier pluriannuel européen 2021-2027 : non seulement Berlin qui croule sous l’argent n’entend pas lâcher un euro supplémentaire pour compenser le départ du Royaume-Uni, mais elle veut obtenir une nouvelle baisse, après celle de 2012, d’un budget communautaire déjà famélique (un peu plus de 1 % du RNB européen). Si l’argent est la mesure de l’ambition, Berlin va clairement afficher qu’elle n’en a absolument aucune pour l’Union. Cette réalité dissimulée depuis une vingtaine d’années derrière le commode paravent de l’euroscepticisme britannique va être mise en évidence par le Brexit.

Ce refus merkelien de changer quoi que ce soit, alors que le monde évolue à grande vitesse, commence à créer un malaise dans les rangs de la CDU, les démocrates-chrétiens allemands. « C’est le président français qui fait des propositions et c’est nous qui prenons beaucoup de temps pour y répondre », a ainsi reconnu à Munich Armin Laschet, l’un des possibles candidats à la succession de la chancelière. Sous ses airs policés, cette phrase est particulièrement violente, Merkel étant totalement intouchable en Allemagne.

Cela étant, il serait très injuste de faire porter le chapeau de la panne européenne à la seule Merkel : en réalité, en dehors de la France, il n’existe plus aucune volonté politique de bâtir une Europe puissance, voire même de maintenir l’Union telle qu’elle est. Les pays d’Europe de l’Est et du sud sont seulement intéressés par l’argent européen, les pays du nord par les bénéfices du grand marché et de l’euro. Mais le jour où l’on jugera que les inconvénients l’emportent sur les bénéfices, chacun reprendra ses billes. Bref, la question est posée : l’Europe a-t-elle seulement été le projet de la seconde moitié du XXe siècle ? Donald Trump et Xi Xiping le pensent.

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UE: après le Brexit, la fin de l'unilinguisme anglophone?

Sun, 02/16/2020 - 20:42

Il est loin le temps où Umberto Eco pouvait proclamer, sans crainte d’être détrompé, « la langue de l’Europe c’est la traduction ». Désormais, au moins dans les institutions communautaires, c’est « Speak English or die », du nom d’un album du groupe rock Stormtrooper of Death. En quelques années, l’Union a basculé vers une hégémonie anglophone, sans qu’à aucun moment il n’y ait eu le moindre débat démocratique sur cette question pourtant centrale qui touche à l’identité des peuples. Le départ du Royaume-Uni peut-il changer la donne ?

« L’État profond » européen, celui des eurocrates et autres professionnels de l’Europe, ne l’entend pas de cette oreille à la fois parce que les (mauvaises) habitudes se prennent vite, mais aussi par crainte de voir le français reprendre la place qui était la sienne avant le grand élargissement de 2004. Les Allemands, en particulier, qui savent que leur langue ne peut politiquement pas devenir la lingua franca de l’Union, sont parmi les plus farouches défenseurs de l’anglais afin de ne pas faire un cadeau aux Français…

Tout un argumentaire a donc été développé dès lendemain du référendum de 2016 pour bétonner la place de l’anglais. D’abord, les défenseurs du statu quo font valoir que l’anglais n’étant plus la langue d’un grand pays, il devient neutre… Il fallait oser, car cela revient à reconnaitre que jusque-là il ne l’était pas. Surtout, on se demande si, dans ce cas, il ne faudrait pas choisir le chinois comme langue de travail unique avant de ne pas avantager Irlandais, Maltais, Chypriotes, mais aussi les pays nordiques dont c’est la seconde langue maternelle...

Ensuite, affirment-ils, pourquoi modifier ce qui marche ? C’est confondre la cause et la conséquence : l’administration communautaire a imposé l’usage de l’anglais, ce n’est pas l’anglais qui s’est imposé tout seul. Chacun préfèrerait travailler dans sa langue ou du moins dans une langue qu’il maitrise mieux que l’anglais. Beaucoup de fonctionnaires, de députés, de ministres peinent d’ailleurs à comprendre les subtilités juridiques des textes dont ils discutent voire, de plus en plus souvent, renoncent et font confiance à quelques « sachants ». En outre, il ne faut pas se tromper : l’anglais dont il s’agit n’a pas grand-chose à voir avec la langue de Shakespeare. À Bruxelles, c’est le globish qui règne en maitre, une « langue » au vocabulaire et à la grammaire réduite devenu un nid à contresens. À tel point que les « native English speaker » ont le plus grand mal à comprendre leurs interlocuteurs étrangers sans parler des interprètes et traducteurs de l’Union qui préfèreraient que chacun parle sa langue, la seule que l’on maitrise parfaitement. Le règne de ce globish s’est d’ailleurs traduit par un appauvrissement de la pensée européenne et de la qualité des textes juridiques dont beaucoup sont tout simplement intraduisibles dans les langues nationales. On oublie trop souvent que l’Union produit des normes obligatoires pour les citoyens de 27 pays, normes qui doivent être traduites pour être introduites dans les droits nationaux : le moindre contresens, la moindre incertitude peut avoir des conséquences pour la vie des citoyens et si le texte n’est pas compris de la même façon partout, il aboutit à maintenir la fragmentation du marché intérieur.

Enfin, dernière ligne de défense, le fameux règlement communautaire 58-1, le premier texte adopté par la Communauté économique européenne fixant les langues de l’Union. Comme il ne peut être modifié qu’à l’unanimité, les défenseurs de l’anglais pensent pouvoir dormir tranquilles. Le problème est qu’aucun des 27 États membres n’a notifié l’anglais comme langue officielle : pour l’Irlande, c’est le gaélique, pour Malte, le maltais, pour Chypre, le grec… Certes, ces pays pourraient notifier l’anglais comme seconde langue, mais cela risque d’ouvrir des revendications régionales difficilement maitrisables (catalan, basque, corse, breton, etc.). Ce n’est pas un hasard si aucun pays n’a manifesté son intention de le faire.

Dès lors, continuer à utiliser l’anglais qui n’est la langue maternelle que de 7 millions de personnes sur un ensemble de 450 millions d’habitants n’a strictement plus aucun sens.Autant dire que l’usage de l’anglais comme langue unique est à terme condamné, et ce, d’autant plus qu’on n’a jamais vu une langue s’imposer sans un grand État pour la soutenir. Le retour annoncé du multilinguisme et donc de la diversité culturelle, est sans doute l’une des meilleures nouvelles qui soient : contrairement à ce que pensent les eurocrates, on ne dirige pas un ensemble de 27 pays dans une langue que seule une minorité maitrise. Cela s’appelle la démocratie.

Article paru dans L’Echo du 31 janvier 2020 (quotidien économique belge francophone)

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Elargissement: Emmanuel Macron met à jour le logiciel européen

Thu, 02/13/2020 - 18:12

La Commission européenne s’est finalement rendue aux arguments d’Emmanuel Macron : le processus d’élargissement tel qu’il fonctionne depuis la chute du communisme est bel et bien un échec qui a contribué à épuiser le projet européen. Mercredi, le commissaire chargé du dossier, ironiquement un Hongrois, Olivér Várhelyi, a présenté une «communication» le réformant en profondeur : un texte de huit pages qui reprend quasiment mot pour mot un non paper français daté de la mi-novembre.

Le président de la République avait sauté à pieds joints dans la mare des bons sentiments européistes en bloquant, en octobre, le lancement de négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Il n’était pas seul : plusieurs pays étaient défavorables à l’ouverture des pourparlers avec Tirana, en général pour des raisons de sécurité. Mais pour Emmanuel Macron, il s’agissait avant tout d’une question de principe : d’une part, l’UE doit se réformer avant toute nouvelle adhésion, de l’autre, sa politique de voisinage ne doit pas se réduire à l’élargissement à tout prix.

Le chef de l’Etat a eu droit à son lot de reproches : il a été taxé d’égoïsme, voire de nourrir le noir dessein de vouloir précipiter les Balkans dans les bras russes et chinois… Pourtant, il ne s’agissait pas d’un niet définitif, mais simplement d’exiger un changement de logiciel pour que l’adhésion ne soit plus automatique. Ce que vient d’accepter la Commission.

Le point clé de cette réforme est de rendre le processus réversible : même lorsque la négociation, non plus sur une série de «chapitres», mais sur six «groupes thématiques» de politiques, sera terminée, elle pourra être rouverte si l’Union constate un recul ou une mauvaise application des réformes. Les négociations pourront même être suspendues dans les cas les plus graves. En contrepartie, l’Etat candidat pourra entrer progressivement dans l’Union en participant à certaines politiques et à leurs financements. Les Etats membres seront désormais associés au processus afin de contrôler la réalité des progrès accomplis. L’idée est d’éviter qu’en bout de course, les Etats membres soient obligés de ratifier un élargissement mal préparé, sauf à déclencher une crise politique.

La Commission espère que les Etats membres adopteront sa proposition avant le sommet Union européenne-Balkans occidentaux, les 6 et 7 mai à Zagreb, afin de pouvoir lancer dans la foulée les négociations avec Tirana et Skopje, ce qui ne devrait pas poser de problème, Paris ayant montré sa détermination de ne pas s’en laisser conter. Mais tout n’est pas encore gagné pour l’Albanie et la Macédoine du Nord, puisque Paris exige aussi avant tout futur élargissement une réforme de l’Union. Et cela est une autre paire de manches, vu l’absence de toute appétence politique de ses partenaires dans ce domaine.

Photo: Robert Atanasovski. AFP

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Charles Michel force l'unité européenne sur Israël

Wed, 02/05/2020 - 16:40

La sidération qui a accueilli le «deal du siècle» proposé par Donald Trump pour «résoudre» le conflit israélo-palestinien a occulté une petite révolution : les Européens sont restés unis et ont réagi d’une seule voix ! Le 28 janvier à 20h35, quelques heures après l’annonce du président américain, le ministre des Affaires étrangères de l’Union, Josep Borrell, a publié un bref communiqué au nom des Vingt-Huit, tout en délicatesse diplomatique. D’abord, pour ne pas effaroucher les pro-américains, un apparent satisfecit : «L’initiative prise aujourd’hui par les Etats-Unis est l’occasion de relancer les efforts nécessaires et urgents en vue d’une solution viable.»

Sonnerie de réveil

Bref, si cela relance le processus de paix totalement enlisé, tant mieux, mais il ne s’agit que d’une sonnerie de réveil. Ensuite, le désagréable : l’UE rappelle son «engagement ferme et unanime en faveur d’une solution négociée et viable prévoyant deux Etats qui tiennent compte des aspirations légitimes tant des Palestiniens que des Israéliens, en respectant toutes les résolutions pertinentes» de l’ONU. En clair, il s’agit d’un rejet pur et simple du «deal du siècle», puisque les Européens, en proclamant leur attachement aux résolutions de l’ONU, rejettent tout simplement le dépeçage de la Cisjordanie.

«D’habitude, dès qu’il est question des Etats-Unis ou du Moyen-Orient, c’est un feu d’artifice, chacun réagit dans son coin sans consulter personne», rappelle un diplomate européen. Ce qui offre le triste spectacle d’une «Europe divisée incapable de parler d’une seule voix». Pour l’éviter, Charles Michel, le nouveau président du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, a pris l’initiative, dès l’annonce du président américain, d’appeler directement les capitales les plus susceptibles de s’aligner immédiatement sur Washington (en un mot, les pays d’Europe centrale et orientale). Il a demandé à Josep Borrell, le ministre des affaires étrangères de l’Union, de l’épauler dans cette tournée téléphonique des capitales.

«Il fallait faire vite»

Contrairement à ses prédécesseurs, l’ancien Premier ministre belge n’a pas hésité à contourner les ambassadeurs (représentants permanents) des Vingt-Huit à Bruxelles, car il sait que certains sont tellement pro-américains qu’ils sont susceptibles de ne pas transmettre le bon message à leur capitale. Charles Michel s’est notamment réservé le gros morceau, le Hongrois Viktor Orbán. Son message : «Laissez-nous jusqu’à 20 heures avant de réagir, qu’on essaye d’élaborer une position commune.» A sa grande surprise, le Premier ministre hongrois a accepté sans aucune difficulté de donner quelques heures à la diplomatie.

«Il fallait vraiment faire vite, car Jared Kushner, le gendre du président et son conseiller spécial, s’activait auprès des capitales européennes pour qu’elles approuvent le plan de son beau-père», raconte un diplomate de l’Union. «Et on a réussi, on lui a brûlé la politesse», se réjouit-on dans l’entourage de Charles Michel. Ce répit de quelques heures a suffi pour calmer les esprits et accoucher d’une position commune pour le moins ferme, puisque personne ne s’est officiellement rallié à Trump. Charles Michel vient de réussir son premier test de politique étrangère européenne.

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Dans les institutions européennes, les Britanniques seuls en leur "remain"

Wed, 02/05/2020 - 16:29

Un accablement infini. « Je ne sais pas ce que je vais faire le soir du 31 janvier, me terrer chez moi ou noyer mon chagrin au pub », tente d’ironiser David (1), fonctionnaire au Parlement européen depuis plus de vingt ans. « Comme tous mes collègues britanniques, je suis partagé entre tristesse et colère. Tristesse de voir mon pays m’abandonner. Colère de le voir quitter l’Union à la suite d’une campagne mensongère. C’est une tragédie », poursuit-il. « Je n’ai pas les mots pour décrire ce que j’ai ressenti la nuit du référendum du 23 juin 2016 », renchérit Roger qui travaille pour la Commission : « tous les Britanniques de Bruxelles en ont perdu leur sommeil : comment une telle chose a-t-elle pu arriver ? Cela reste encore incompréhensible quatre ans après ».

«Blessure profonde»

« J’étais effondré le soir du référendum et la blessure reste profonde », raconte Jonathan Faull, ancien directeur général de la Commission qui a décidé de prendre sa retraite en 2016 par dépit, trois ans avant la date prévue. « Je savais que cette consultation pouvait déboucher sur le Brexit, mais jusqu’au bout j’ai espéré une autre issue. En revanche, ce qui m’a surpris, c’est l’épopée qui a suivi et le spectacle que le Royaume-Uni a offert au monde ». Andrew, haut fonctionnaire, qui travaille pour l’exécutif européen depuis 1998, a lui aussi vu son univers s’effondrer. « Je pensais que cela arriverait. Je suis toujours dans une colère noire contre les conservateurs qui ont balancé une bombe dans le système ». « Surtout que nous, les expatriés, on n’a pas pu voter lors du référendum et, alors qu’il était simplement consultatif, il est devenu comme par magie obligatoire », martèle David : « c’est d’autant plus incroyable que seuls 35 % de la population a voté pour partir ». « C’est un échec total de la classe politique britannique, une faillite du système », se désole Andrew.

« Bon, c’est vrai que les Britanniques de Bruxelles ne sont pas les Britanniques moyens », tempère Roger : « on habite à l’étranger souvent depuis notre plus jeune âge, on y a fondé nos familles, on parle des langues. Dès qu’on rentre en Angleterre, on a des problèmes avec la famille, surtout lorsqu’on découvre que des jeunes cousins ont voté « leave ». Dès lors, on évite le sujet du Brexit. Mieux vaut parler de religion, c’est dire ». Autant dire que ces Britanniques d’outre-Manche ont l’impression de vivre sur une autre planète. Beaucoup regrettent de ne pas s’être engagés davantage dans leur pays pour combattre les infoxs sur l’Union, notamment au moment du référendum : « même les plus européens ne se sont pas engagés », regrette David : « on n’arrivait pas à prendre au sérieux ces bobards sur l’Union. Pour nous Farage était un clown ». Surtout, Jean-Claude Juncker, l’ancien président de la Commission européenne, « nous a interdit d’interférer avec la campagne », rappelle Roger. Une erreur reconnait aujourd’hui le Luxembourgeois.

2000 eurocrates britanniques

Seule consolation pour ces abandonnés du Brexit : ils garderont leur poste, l’Union se contentant de ne plus recruter de nouveaux ressortissants britanniques. Les eurocrates britanniques sont peu nombreux, la carrière européenne n’ayant jamais attiré outre-Manche : ils ne sont que 2000 fonctionnaires, contractuels et temporaires sur 56000 personnes toutes institutions et agences confondues, soit 3,5 % du total. Loin derrière les Français, par exemple, qui pèsent près de 10 % du total. « En interne, tout le monde s’est montré empathique, on a été soutenu », raconte Roger : « les gens évitent même de parler du Brexit devant moi, sachant à quel point cela me fait mal ».

Maintenir en poste les fonctionnaires, temporaires et les contractuels n’allait pourtant absolument pas de soi. En effet, l’article 49 du statut de la fonction publique européenne prévoit qu’un eurocrate est réputé « démissionnaire d’office » s’il n’a plus la nationalité d’un État membre, ce qui sera précisément le cas des Britanniques. Qu’à cela ne tienne : la Commission Juncker a discrètement décidé, le 28 mars 2018, de ne pas l’appliquer « sauf s’il a conflit d’intérêts ou en vertu d’obligations internationales », suivie deux mois plus tard par le Parlement et les autres institutions. Des décisions à la légalité plus que douteuse, mais que personne n’a contestées, ni les États membres, ni les syndicats, ni bien sûr les intéressés eux-mêmes…

«On est entré comme Européen, on le reste»

Il faut dire que le départ d’un État membre est une première et que l’article 49 n’a absolument pas été pensé pour un tel cas : il était destiné à parer une déchéance ou une perte de nationalité d’un fonctionnaire, mais pas d’un groupe national… « L’appliquer à l’ensemble des fonctionnaires britanniques aurait été injuste, car ils ne sont pas responsables du Brexit », justifie-t-on à la Commission. « Dès le lendemain du référendum de 2016, le président Juncker a annoncé qu’il appliquerait notre statut dans un esprit européen afin de faire montre à nos collègues britanniques du même esprit de loyauté qu’eux-mêmes ont toujours montré à l’égard de l’Union », poursuit une porte-parole de l’exécutif communautaire. Il faut dire que les Britanniques qui travaillent pour les institutions ont souvent sacrifié, par convictions, une carrière nationale qui aurait été autrement plus rémunératrice… « On est entré en tant qu’Européen, on le reste », se réjouit Andrew. Mais, souligne-t-il, « ça ne lie pas les institutions pour l’éternité. On ne sait pas ce que nous réserve l’avenir si le Royaume-Uni ne joue pas le jeu de l’égalité des droits pour les citoyens européens présents chez eux ». Le précédent norvégien devrait le rassurer: il y a encore dans les murs de la Commission quelques eurocrates norvégiens qui avaient été embauchés en 1971 et en 1994 avant que leur pays ne renonce finalement à adhérer...

Mais tout n’est pas rose pour autant pour ces eurocrates. Même si nombre d’entre eux ont été promus depuis le référendum, ils savent que leur carrière risque de s’arrêter net au lendemain du Brexit : pourquoi promouvoir un fonctionnaire ressortissant d’un pays tiers alors que les postes dans la hiérarchie sont rares et qu’il est déjà difficile d’assurer un équilibre satisfaisant entre les nationalités ? Un directeur général adjoint le reconnait : « je sais que je ne serais jamais directeur général. Je quitterais un jour la Commission, mais lorsque je le déciderais, c’est déjà ça ». « Il n’y a pas de pression sur les fonctionnaires britanniques pour qu’ils quittent leur poste », tempère Neil : « mais ça risque d’être différent sur les postes sensibles, notamment au Conseil des ministres », l’organe législatif représentant les États.

Mercenaires

C’est pourquoi nombre de fonctionnaires ont décidé de prendre la nationalité d’un État membre de l’Union pour sécuriser leur carrière : « la plupart des gens que je connais ont trouvé des solutions de nationalité » affirme Roger. Beaucoup ont opté pour la nationalité irlandaise, assez facile à obtenir pour eux. Cela ne fait pas les affaires de Dublin puisque son poids dans la machine communautaire va brusquement s’accroitre, ce qui va ralentir le recrutement de nouveaux Irlandais « pur jus ». D’autres ont pris la nationalité de leur partenaire quand c’était possible : « ma femme est Allemande, mais comme on n’est pas résidents et qu’on ne paye pas d’impôt dans ce pays, cette option m’est fermée », raconte Edward, fonctionnaire à la Commission. « C’est la même chose en Espagne. Et devenir Autrichien ou Néerlandais n’est psychologiquement pas simple, car il faut renoncer à la nationalité britannique », poursuit-il. Jonathan Faull, lui, a pris la nationalité de sa femme française dès le lendemain du référendum.

Ceux qui n’ont pas cette possibilité ont donc tenté d’obtenir la nationalité de leur pays de résidence, la Belgique. Mais ils se sont heurtés aux nouvelles règles instituées lorsque les indépendantistes flamands de droite radicale de la N-VA étaient au pouvoir : pour être naturalisé, il ne faut pas seulement être résident, mais il faut aussi posséder une carte de résident. Or, elle n’est pas obligatoire pour les eurocrates. Il a fallu de nombreux recours judiciaires et finalement une intervention de Didier Reynders, alors ministre libéral des affaires étrangères, pour que les autorités locales se montrent plus accommodantes. Résultat : depuis 2016, 3902 Britanniques sont devenus Belges, soit trois fois plus qu’au cours des 10 années précédent le référendum, avec une accélération en 2018 (+88 %).

Fin de partie

Mais même ce sésame n’est pas une garantie, loin de là : aucun Etat ne poussera la candidature de l’un de ces naturalisés de fraiche date à un poste hiérarchique au détriment de l’un des siens. « Je peux prendre la nationalité italienne de ma femme, mais jamais l’Italie ne me considèrera comme l’un des siens », soupire Andrew. Autant dire que leur avenir ne s’annonce pas glorieux…

Les députés européens britanniques, eux, ont définitivement quitté Bruxelles hier soir, après la clôture de la mini-session plénière de janvier, sans espoir de retour. Si les 26 élus du Brexit party de Nigel Farage sont partis contents et fiers de leur succès, ce n’est pas le cas de leurs 46 collègues : conservateurs, travaillistes, libéraux-démocrates, écologistes ou élus régionaux ne voient aucun motif de se réjouir de ce divorce. Tout comme le corps diplomatique britannique qui sait que leur pays n’aura désormais plus son mot à dire sur la marche de l’Union alors qu’il risque de devoir appliquer des normes qu’ils n’auront pas influencées s’ils veulent commercer avec cet ensemble de 27 pays et de 450 millions d’habitants, qui restera pour longtemps son premier marché.

(1) Tous les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.

Photo: Yves Herman, Reuters

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L'indépendantisme catalan sème le trouble chez les Verts européens

Thu, 01/23/2020 - 15:56

Les indépendantistes catalans sont-ils radioactifs ? Si l’on en juge par l’embarras du groupe écologiste au Parlement européen, tel est bien le cas : son coprésident, le Belge francophone Philippe Lamberts, s’oppose à ce que les eurodéputés Carles Puigdemont, ex-président du gouvernement régional (generalitat) de Catalogne, et Toni Comín, son ancien «ministre», rejoignent son groupe, ce qui n’est pas du goût de sa composante régionaliste, l’Alliance libre européenne (ALE). Au point qu’une réunion de conciliation a été convoquée hier, mercredi, pour essayer de mettre tout ce petit monde d’accord. En vain pour l’instant. En cas de désaccord persistant, la décision reviendra à l’ensemble du groupe, ce qui pourrait le faire exploser en plein vol…

«Les Verts n’ont pas vocation à accueillir toute la galaxie des partis catalans, tranche Philippe Lamberts. Je n’ai pas envie d’importer au sein du groupe les querelles intracatalanes.» Une déclaration curieuse puisque le groupe ne compte qu’un seul eurodéputé catalan, en la personne d’Ernest Urtasun qui, de fait, n’est pas favorable à l’indépendance (tout en estimant qu’un référendum doit trancher la question). Le seul autre parti catalan présent dans le groupe Vert est l’ERC (gauche catalane), mais il est rattaché à l’ALE, la composante du groupe qui justement veut accueillir les deux indépendantistes catalans… Autre argument avancé par l’élu belge : Puigdemont (membre du Parti démocrate européen catalan, PDeCAT) et Comín (membre du Parti des socialistes de Catalogne, PSC) «ne partagent pas les valeurs du groupe», car ils ont été soutenus par la N-VA, le parti indépendantiste flamand, majoritaire en Flandre, qui «a dérivé vers l’extrême-droite».

Le patron de l’ALE, François Alfonsi (Femu a Corsica), ne l’entend pas de cette oreille : «Nous en faisons une question de principe»,tonne-t-il. L’élu rappelle que «la N-VA a fait partie du groupe jusqu’en 2014» et qu'«on ne nous a pas consultés lorsque les Verts ont décidé d’accueillir en leur sein le parti Pirate tchèque, ce qui n’allait pas de soi». Position de principe, certes, mais aussi réaliste puisque le Brexit va réduire à presque rien l’ALE : sur sept élus, elle va perdre trois Ecossais et une Galloise… Elle espère bien que le remplaçant d’Oriol Junqueras, ancien vice-président de lu gouvernement régional catalan, condamné à treize ans de prison et déchu de son mandat de député européen par la Cour suprême espagnole début janvier, ainsi que l’indépendantiste catalane Clara Ponsatí, élue de la coalition Junts pel Sí («ensemble pour le oui»), l’une des députées supplémentaires accordées à l’Espagne après le Brexit, les rejoindront. Ce qui, avec Puigdemont et Comín, lui permettra de maintenir son poids actuel…

L’attitude de Lamberts suscite aussi un réel malaise parmi les Verts, en particulier chez les Français, surtout à l’heure où le départ du Royaume-Uni va faire passer le groupe de 74 élus à 67, le renvoyant derrière l’extrême droite. D’abord, si Puigdemont et Comín affichent une certaine proximité avec la N-VA, c’est parce qu’elle leur a accordé l’asile au nom de la solidarité régionaliste lorsqu’elle était le parti dominant du gouvernement belge. Tout le reste les sépare, tant sur l’immigration que sur l’écologie. Ensuite, beaucoup soupçonnent Lamberts d’importer les querelles belges au sein de son groupe, les écolos francophones étant les plus farouches opposants de la N-VA. Enfin, ne pas accueillir les indépendantistes catalans serait un signal désastreux, les Verts semblant soutenir la vendetta menée par des juges largement inféodés à la droite dure espagnole. A l’heure où le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sánchez, soutenu par l’ERC, a fait du règlement politique de la question catalane l’une de ses priorités.

Photo: Frederick Florin. AFP

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La longue marche du salaire minimum européen

Sun, 01/19/2020 - 19:52

La saga s’annonce au moins aussi longue et pleine de rebondissements que celle du Brexit : la Commission lance ce mardi 14 janvier un premier round de consultations des partenaires sociaux pour leur demander s’ils sont favorables à l’instauration d’un salaire minimum européen. Un sujet explosif, d’autant que juridiquement la question des salaires est explicitement exclue du champ de compétence de l’Union. L’exécutif européen compte donc avancer à pas comptés afin d’éviter des crispations nationales qui seraient fatales à la volonté de la présidente de l’exécutif européen, la démocrate-chrétienne allemande Ursula von der Leyen, de limiter le dumping social au sein de l’Union.

Les entreprises et les syndicats ont six semaines pour dire s’ils souhaitent une action au niveau européen dans ce domaine et, dans l’affirmative, s’ils souhaitent négocier entre eux le cadre de ce salaire minimum. Ensuite, la Commission résumera les propositions reçues avant de lancer une seconde consultation qui devrait se terminer en avril. C’est seulement ensuite qu’elle décidera si elle proposera ou pas un texte européen qui devrait être adopté, selon la Commission, à la majorité qualifiée.

L’exécutif européen précise d’emblée, pour cadrer le débat, qu’il n’est absolument pas question d’instaurer un «salaire minimum universel» dans les 27 États membres puisque leur niveau de vie est très différent. Il s’agit simplement d’en prévoir le principe. A priori, cela ne devrait pas être très difficile, puisque 21 pays ont déjà institué un salaire minimal légal, l’Italie, Chypre, l’Autriche, le Danemark, la Finlande et la Suède laissant leurs partenaires sociaux le fixer branche par branche via des conventions collectives.

«Equitables et adéquats»

La Commission n’entend d’ailleurs pas remettre en cause les différents modèles existants : «Toute proposition tiendra compte des traditions nationales, que celles-ci prennent la forme de conventions collectives ou de dispositions légales. Certains États membres ont déjà mis en place des systèmes excellents.» Mais, et c’est là où cela risque de coincer, Bruxelles souhaite que ces salaires minimums soient «équitables». Autrement dit, elle veut «s’assurer que tous les systèmes soient adéquats, offrent une couverture suffisante, prévoient une consultation approfondie des partenaires sociaux et soient assortis d’un mécanisme de mise à jour approprié».

Comme l’a expliqué le Luxembourgeois Nicolas Schmit, le commissaire chargé des Affaires sociales, dans un entretien au quotidien Ouest France ce mardi, «nous voulons une convergence sociale vers le haut : rétablir la valeur du travail avec des salaires justes, tout l’enjeu étant de faire en sorte que les gens qui travaillent ne connaissent pas en même temps la pauvreté». Pour Schmit, s’il y a en Europe «un écart de productivité globale de 1 à 3», il se situe, pour les salaires minimums, «de 1 à 5 voire 6. C’est ce fossé que nous voulons combler».

Actuellement, le Smic brut va de 260 euros en Bulgarie à 2 000 euros au Luxembourg. Mais si l’on tient compte du «salaire médian», c’est en France qu’il est le plus élevé (il se monte à 60% du salaire médian). Pour la Commission, il faudrait à tout le moins que les salaires minimums atteignent ce seuil dans tous les pays pour limiter le dumping social. Autant dire que les résistances seront fortes, notamment du côté des entreprises, chacun voulant garder son avantage compétitif.

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De l'argent pour le climat

Sun, 01/19/2020 - 19:48

La «neutralité carbone» que l’Union veut atteindre en 2050 va avoir un coût faramineux pour les économies fortement dépendantes du charbon, en particulier les pays d’Europe de l’Est qui accusent un fort retard de développement. Ce n’est pas un hasard si la Pologne a refusé, lors du sommet européen de décembre dernier, de souscrire à cet objectif en attendant d’en savoir plus sur les aides financières promises par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, dans le cadre de son «Pacte vert».

Le «mécanisme de transition juste», dévoilé ce mardi 14 janvier par l’exécutif européen, destiné à mobiliser 100 milliards d’euros sur sept ans, suffira-t-il à convaincre Varsovie de rejoindre ses partenaires ? Présenté comme «notre serment de solidarité et d’équité pour ceux qui font face aux défis les plus graves, afin qu’ils fassent ce chemin avec nous» par le vice-président exécutif de la Commission, le social-démocrate néerlandais Frans Timmermans, ce mécanisme est en tous les cas loin, très loin, des 1 000 milliards d’euros d’investissements publics (européens, mais surtout nationaux) et privés que nécessitera la transition écologique au cours des dix prochaines années…

Sachant que les Etats sont plus avares que jamais, la Commission propose de ne rajouter que 10,8 milliards d’argent frais dans le projet de cadre financier pluriannuel 2021-2027 en cours de négociation (sachant que le budget européen se monte à environ 150 milliards par an). 7,5 milliards seront affectés à un nouveau «fonds pour une transition juste» qui permettra de lever, par la magie de l’effet de levier, entre 30 et 50 milliards d’euros destinés à financer des projets approuvés par Bruxelles.

Ensuite, 1,8 milliard d’euros seront affectés au programme InvestUE – le successeur du «plan Juncker» – qui a levé 390 milliards d’euros d’argent privé destinés à relancer l’investissement : la Commission estime que cette somme permettra de garantir des prêts à hauteur de 45 milliards d’euros. Enfin, 1,5 milliard d’euros seront confiés à la Banque européenne d’investissement (BEI), future Banque européenne du climat (BEC), qui va ainsi pouvoir lever entre 25 et 30 milliards d’euros de prêts destinés aux collectivités locales.

Pour le reste, la Commission propose de réorienter vers la transition écologique une partie des aides régionales (fonds structurels et fonds de cohésion) destinées au développement des régions et des Etats les plus pauvres ou encore d’assouplir ses règles en matière d’aides d’Etat dès lors qu’elles ont pour objectif d’aider une entreprise à se décarboner.

Même si tous les Etats devraient avoir accès à ces sources de financement, il est clair qu’une grande partie bénéficiera d’abord aux pays d’Europe de l’Est, un pays comme l’Allemagne, en fort excédent budgétaire, n’ayant pas les mêmes besoins que la Pologne ou la République tchèque. Reste qu’il ne s’agit pour l’instant que de propositions qui devront être adoptées à l’unanimité des Vingt-Sept…

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Vers une guerre des juges autour des députés européens catalans?

Thu, 01/16/2020 - 19:34

Le feuilleton des eurodéputés catalans se poursuit, pour le plus grand embarras de l’Union européenne. Vendredi, la Cour suprême espagnole a jugé qu’Oriol Junqueras, ancien vice-président du gouvernement de Catalogne, condamné en octobre à treize ans de prison pour «sédition» et «détournement de fonds», n’était plus député européen, confirmant ainsi la décision de la Commission électorale centrale espagnole du 3 janvier.

Dans la foulée, et alors que, le 6 janvier, le Parlement européen avait reconnu à Junqueras, ainsi qu’à Carles Puigdemont (ancien président de l’exécutif catalan) et Toni Comín (ancien ministre régional), tous deux réfugiés en Belgique, leur qualité d’eurodéputé, son président, le socialiste italien David Sassoli, a décidé de se plier au jugement de la Cour suprême espagnole. Et de mettre fin au mandat de Junqueras. Il faut dire qu’il n’avait guère d’autre choix, sauf à entrer en confrontation directe avec l’Etat espagnol. Une situation baroque, Junqueras ayant été élu, mardi, président de l’Alliance libre européenne (ALE), qui siège avec les Verts.

L’affaire est préoccupante car la justice espagnole s’est assise sur l’arrêt de principe de la Cour de justice européenne du 19 décembre décidant que Junqueras était bien député et disposait de l’immunité parlementaire dès la proclamation des résultats des européennes de mai (qui a eu lieu le 13 juin en Espagne). Pour la Cour suprême espagnole, dès lors que le procès contre cet indépendantiste catalan avait commencé avant les élections, il ne pouvait plus se prévaloir de son immunité, comme cela est le cas pour les députés nationaux espagnols. Cet argument avait pourtant été écarté par les juges européens dans leur arrêt. Une décision d’autant plus étrange que le président de la Cour suprême, Manuel Marchena, avait écrit à la Cour de justice de l’UE le 14 octobre pour l’assurer que «la question [de l’immunité parlementaire] continu[ait] de présenter un intérêt et une pertinence pour cette Cour suprême, puisque la réponse de la Cour de justice ser[ait] effective, quelle que soit la situation de la détention préventive ou de la procédure pénale touchant Junqueras»… Manifestement, il ne s’attendait pas à une telle décision des juges de Luxembourg.

Pire, le juge chargé de poursuivre les dirigeants indépendantistes catalans a annoncé qu’il ne respecterait pas l’immunité parlementaire de Puigdemont et de Comín s’ils se rendaient en Espagne, ce qui est une violation directe des engagements européens de l’Espagne. Plus raisonnablement, la Cour suprême a demandé au Parlement de Strasbourg la levée de l’immunité parlementaire des deux hommes afin que la justice belge puisse statuer sur le nouveau mandat d’arrêt européen lancé contre eux par Madrid.

Cet acharnement judiciaire va obliger les institutions communautaires à enfin s’intéresser à la situation catalane, alors qu’elles regardent ailleurs depuis le référendum illégal de 2017. En effet, les députés vont se prononcer à la majorité simple sur la levée de l’immunité parlementaire de Puigdemont et de Comín, un vote dont le résultat est loin d’être acquis. Déjà, les Verts, la gauche radicale et une partie des eurosceptiques du groupe des CRE sont montés au créneau pour dénoncer la décision de la Cour espagnole : «L’arrêt récent de la Cour de justice européenne, l’Etat de droit et la démocratie sont piétinés dans un silence embarrassé», a ainsi fustigé sur Twitter l’élue de La France insoumise Manon Aubry.

Le seul groupe à se réjouir de la décision de la Cour suprême espagnole est le PPE (conservateurs), les socialistes et les centristes n’ayant fait aucun commentaire. Surtout, la Commission, qui doit veiller à ce que les arrêts de la Cour de justice soient respectés par les Etats, va devoir décider si oui ou non l’Espagne a respecté le droit européen, et, si elle estime que ce n’est pas le cas, ouvrir une procédure d’infraction. Si elle ne le fait pas, Junqueras pourra saisir lui-même la Cour de justice, mais aussi la Cour européenne des droits de l’homme. Le jusqu’au-boutisme des juges espagnols risque donc de déboucher sur une guerre des juges sans précédent dans l’histoire européenne.

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A Bruxelles, c'est speak english or die !

Mon, 01/13/2020 - 17:21

«Irène Tolleret, une élue LREM, s’est exprimée en anglais lors d’une réunion de commission qui était pourtant interprétée. On n’a rien compris à ce qu’elle disait et on n’a pas pu traduire», se désole une interprète du Parlement européen. Une partie des nouveaux eurodéputés macronistes a d’ailleurs vite acquis une mauvaise réputation au sein de l’Assemblée, celle de vouloir à tout prix parler – ou plutôt massacrer – la langue de Shakespeare au grand désespoir des interprètes traducteurs.

Il suffit de regarder les comptes Twitter de certains de ces députés pour voir bios et messages en anglais – Pascal Canfin, le président de la commission environnement, décrochant haut la main le pompon de cette anglophonie de soumission –, comme si leurs électeurs étaient anglophones… Or, si même les Français se plient désormais au globish (pour «global English»), la version abâtardie de l’anglais, qui va encore défendre le multilinguisme, l’une des pierres angulaires de la construction communautaire, s’inquiètent les interprètes ?

Il faut dire que la pression est forte. «Lors d’une réunion sans interprétation, je me suis exprimée en français», raconte Chrysoula Zacharopoulou, une Grecque élue sur la liste En marche. «Dacian Ciolos, le président du groupe Renew Europe [où siègent les élus En marche, ndlr], m’a alors intimé de parler en anglais, ce que j’ai refusé. C’est incroyable. Je parle anglais, mais il n’y a aucune raison que je ne puisse pas parler français.» Emmanuel Maurel, ex-PS passé à LFI, raconte que l’administration du Parlement traduit de moins en moins les textes législatifs, imposant aux députés de travailler bon gré mal gré en anglais : «Or, c’est très compliqué si on n’est pas parfaitement bilingue. Les subtilités nous échappent et on vote à l’aveuglette.» Une dérive inquiétante, car elle revient à imposer de facto aux élus européens une nouvelle condition à leur élection, celle d’être parfaitement anglophone, alors même qu’aucune décision démocratique n’a été prise par une instance représentative. N’est-ce pas une négation du multilinguisme pourtant consacré par les traités européens ?

Cette dérive vers le tout-anglais concerne l’ensemble des institutions. Ainsi, 85% des textes émanant de la Commission, l’instance qui détient le monopole de l’initiative législative, sont en anglais, moins de 3% en français, 2% en allemand. A la fin du XXe siècle, 40% des textes étaient encore en français. Au Conseil européen, le secrétaire général, le Danois Jeppe Tranholm-Mikkelsen, a donné instruction de n’envoyer au nouveau président, le Belge francophone Charles Michel, que des notes en anglais. En salle de presse, où il y a officiellement deux langues de travail, le français et l’anglais, 90% des textes sont uniquement en anglais. Et ne parlons même pas de la Banque centrale européenne ou des agences de l’Union qui ne se donnent même plus la peine de publier dans une autre langue que l’anglais.

Lassés, des fonctionnaires européens de toutes nationalités ont envoyé, début octobre, à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, une pétition réclamant le droit «d’utiliser le français sans nous cacher et sans nous excuser», «le monolinguisme anglais nous [bridant] dans nos moyens d’expression». A l’heure du Brexit, seront-ils entendus ?

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Catalogne: crise de nerfs espagnole à Bruxelles

Sat, 12/28/2019 - 21:46

Jeudi midi, les députés européens réunis à Strasbourg attendent patiemment que le président du Parlement, le socialiste David Sassoli, prenne place pour pouvoir reprendre le cours de la séance plénière. Mais la tribune reste vide. Finalement, avec une trentaine de minutes de retard, l’Italien, un peu plus livide que d’habitude, apparait enfin en tenant entre les mains un texte qu’il lit immédiatement. Rien d’extraordinaire : il s’agit d’un compte rendu factuel de l’arrêt rendu deux heures plus tôt par la Cour de justice européenne de Luxembourg disant pour droit que l’Espagne ne peut pas exiger des élus européens qu’ils prêtent d’abord serment de fidélité à la Constitution espagnole pour être reconnu députés, mais qu’ils le sont dès la proclamation des résultats de l’élection (Libération du 20 décembre). Il termine son discours en enjoignant à l’État espagnol de « se conformer » à l’arrêt, ce qui est bien la moindre des choses.

Pourtant, en coulisse, l’Espagne a tout fait pour empêcher Sassoli de rendre compte de cet arrêt, car il s’agit d’un cauchemar : trois indépendantistes catalans honnis, dont Carles Puigdemont, ancien président de la Généralité réfugié en Belgique, vont devenir députés européens et surtout jouir de l’immunité parlementaire qui les rendra intouchables. Pis : la condamnation d’Oriol Junqueras à 13 ans de prison pour « sédition » est illégale puisque prononcée après son élection… L’Espagne veut donc gagner du temps pour se retourner. Une partie de l’administration du Parlement, noyautée par des fonctionnaires espagnols aux ordres de Madrid, tout comme celle de la Commission, plaide pour que l’arrêt soit d’abord longuement, très longuement, étudié par le service juridique avant de prendre position et donc de l’appliquer. Ce n’est pas pour rien que le Parlement et la Commission ont soutenu l’Espagne devant la Cour de Justice…

Sassoli, qui n’est pourtant pas réputé pour la rigidité de sa moelle épinière, ne l’entend pas de cette oreille et il le dit lors de la réunion des présidents de groupes politiques : la Cour est claire et c’est une bonne nouvelle pour le Parlement puisque les députés se voient reconnaitre un statut propre. L’Espagnole Iratxe Garcia, présidente du groupe socialiste, exige alors de le rencontrer avant la reprise de la séance plénière. La rencontre a lieu dans un salon privé de l’Hémicycle de Strasbourg en présence d’une ribambelle d’eurocrates. Quand elle comprend que Sassoli ne changera pas d’avis, Garcia perd le contrôle de ses nerfs et se met à hurler : « tu ne peux pas faire ça à l’Espagne, tu te rends compte de ce que tu vas faire ? ». De rage, elle jette ses dossiers au sol. Sassoli, un rien secoué par la violence de l’Espagnole, ne cède pas.

Mais les Espagnols n’ont pas dit leur dernier mot. Carles Puigdemont et Toni Comin ont décidé de se rendre dès le lendemain au Parlement pour retirer leur accréditation ? Qu’à cela ne tienne, il faut tuer cet évènement médiatique pour qu’ils ne puissent pas brandir leur carte d’eurodéputé devant les caméras. L’administration, celle-là même qui s’est opposée, en juin, sur instruction de Madrid, à ce que les deux hommes puissent obtenir leur accréditation provisoire décide de ne leur accorder qu’un badge d’une journée, toujours afin d’étudier l’arrêt. Mais dans l’affolement général, au milieu de la cohue médiatique, l’administration se trompe et leur accorde un badge pour un an…

Photo: JQ

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