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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 month 1 week ago

Paris 2024 face au mouvement olympique

Thu, 09/02/2017 - 09:18

Pourquoi Paris a-t-elle décidé de dévoiler le slogan de sa candidature vendredi 3 février ? Quelles sont les dates clés avant la désignation de la ville qui accueillera les JO 2024 ?

Ces annonces plus précises des trois villes candidates ont eu lieu dans le cadre d’une procédure formalisée par le Comité international olympique (CIO). Dans ce cadre, Paris, Los Angeles et Budapest ont présenté le 3e et dernier volet de leur dossier de candidature dans lequel ils révèlent notamment leur vision des Jeux.

La prochaine étape des candidatures se déroulera en mai avec la visite de la Commission d’évaluation du CIO. La délégation s’intéressera notamment aux infrastructures, à la logistique, aux systèmes de transport qui seront mis en place pour l’accueil des jeux. À la suite de cette visite, un rapport sera publié au cours de l’été. Il répertoriera les points forts et les points faibles de chaque ville candidate, sans qu’il fasse pour autant office de classement. Le rapport ne vise pas à donner un avantage conséquent à un candidat par rapport à un autre.

L’étape finale aura lieu le 13 septembre à Lima. L’ensemble des membres du CIO seront réunis, à l’occasion de sa 130ème session, afin, notamment, de désigner la ville qui accueillera les Jeux olympiques et paralympiques dans le cadre d’un vote à deux tours. Il y aura 87 votants à titre individuel. Leur nombre est inférieur au nombre total des membres du CIO (95) car les représentants français, américains et hongrois sont exclus du vote pour éviter un évident conflit d’intérêts. Qui sont les membres du CIO ? La plupart sont issus du monde sportif, notamment des présidents de fédérations internationales, de comités olympiques nationaux ou encore des anciens athlètes. On retrouve également des personnalités, notamment des têtes couronnées (Emir du Qatar, Prince de Monaco, etc.). Ils voteront de manière anonyme et individuelle.

Quelles faiblesses et quels atouts séparent les trois dossiers ?

Une candidature en bonne et due forme nécessite tout d’abord un engagement conséquent des villes car les exigences du CIO sont élevées. Par exemple, le Comité exige de la ville hôte qu’elle ait 42 000 chambres d’hôtel disponibles pour accueillir les visiteurs. Plus de 1 500 d’entre elles devront être réunies sur un seul et unique site pour accueillir la famille olympique. Les JO, c’est plus de 10 000 athlètes et 25 000 journalistes présents au même moment alors que l’ensemble du monde aura les yeux rivés sur les compétitions et la ville hôte. Plus de 300 compétitions sont organisées pour deux semaines de compétition olympique, puis deux semaines paralympiques. C’est une responsabilité immense.

Les messages envoyés par les villes candidates répondent aux nouveaux critères fixés par le CIO dans le cadre de l’agenda 2020, notamment en termes de développement durable, d’héritage et d’impact sociétal. Aussi bien Budapest, Los Angeles, que Paris bénéficient d’un engagement public et privé important et des garanties financières suffisantes à la tenue des Jeux. Ils promettent que les installations ne se transformeront pas en « éléphant blanc ». Beaucoup d’articles ont récemment fait état de l’abandon des infrastructures ayant servi à la tenue des Jeux olympiques de Rio, comme le fameux stade Maracaña. Celui-ci avait été restauré pour la Coupe du monde 2014 et pour les Jeux de 2016. Il est sous-utilisé aujourd’hui.

Si Budapest, Los Angeles et Paris répondent aux critères objectifs du CIO, leurs candidatures se distinguent sur plusieurs aspects. À Paris, on prône notamment des Jeux olympiques compacts et ouverts à la ville. Car une olympiade ressemble parfois à une bulle déconnectée de la ville hôte et de la population locale. C’était notamment le cas à Londres et Rio où beaucoup d’infrastructures étaient isolées de la ville-même. Dans le cas parisien, une partie des compétitions se déroule au cœur de la ville. Les valeurs d’ouverture et de partage des jeux entre les athlètes et la population locale sont mises en avant. Et Paris peut défendre des Jeux olympiques relativement low-cost pour le contribuable puisque les seules constructions notables sont le village olympique, la piscine olympique et le centre des médias. Autre point positif : l’accessibilité. Paris est en effet l’une des villes les mieux desservies en termes de transports publics. Paris2024 annonce déjà qu’il s’agirait des Jeux les plus écolo de l’histoire.

À la différence de Paris, Los Angeles est une ville où la voiture est privilégiée aux transports publics. Dès lors, pour contrer toute critique, l’équipe de LA2024 promet de mettre à disposition un important réseau de transports en commun pour les visiteurs des Jeux. Les Californiens mettent également en avant l’image estivale et ensoleillée de la ville – leur slogan est « Follow the sun », et soulignent l’absence de risque car les infrastructures sont préexistantes. Ils insistent également sur les nouvelles technologies, issues de la Silicon Valley, qui seront mises à profit pour connecter les athlètes et le public.

Budapest, dont l’envergure est moindre que ses concurrentes, fait figure d’outsider. Elle dispose de moins d’infrastructures déjà construites et doit surtout faire face à un mouvement de contestation populaire qui réclame la tenue d’un référendum. À titre de comparaison, la candidature de Paris semble bénéficier d’un plus large consensus auprès de ses habitants avec entre 65 et 70% d’opinions positives selon les sondages. Rappelons également que tous les principaux candidats à l’élection présidentielle française ont apporté leur soutien à Paris2024.

Les JO ont perdu en popularité ces dernières années. De nombreux Brésiliens s’étaient notamment soulevés contre la tenue des derniers jeux à Rio. Dans quel contexte le CIO devra-t-il nommer le futur hôte des Jeux olympiques ?

Le CIO se trouve dans un contexte de crise et fait face à une double contradiction. La première contradiction est stratégique. D’un côté, le CIO doit faire face à des critiques grandissantes sur le gigantisme et le gaspillage lié aux olympiades. Certains Etats acceptent en effet de financer la venue des Jeux au détriment d’autres investissements publics qui pourraient être plus profitables à la population. C’est le cas, par exemple, des Jeux d’Athènes (2004), de Pékin (2008) ou de Sotchi (2014) où les efforts de financement public se comptent en dizaines de milliards d’euros. Le CIO, qui récupère désormais plus de 5 milliards d’euros de revenus à chaque olympiade, en reverse une partie (autour d’1,4 milliards) au comité d’organisation mais la redistribution reste inégalitaire, surtout que ces revenus ne sont pas imposés . En réponse à ces dérapages financiers, de moins en moins de villes acceptent d’accueillir les Jeux. Le CIO s’est retrouvé avec seulement 2 candidats pour les JO 2022 et 3 pour les JO 2024. Ces dernières années des villes comme Boston, Hambourg, Cracovie, Munich ont retiré leurs candidatures après des mouvements populaires d’opposition. Le CIO est traumatisé par cette tendance et a adopté un ensemble de réformes (l’Agenda 2020) qui répond à une volonté de rationaliser les Jeux. En conséquence, les critères d’héritage et de durabilité sont désormais mis en avant par les villes candidates.

En parallèle de cette volonté d’humaniser les Jeux, le CIO a un intérêt stratégique fondamental qui est l’expansion du mouvement olympique. Cette expansion est en cours depuis sa création en 1894. Le CIO reste une ONG à but non-lucratif qui a constamment besoin de légitimité et de reconnaissance comme l’organe suprême en matière sportive. Ce besoin est lié au fait qu’aucune reconnaissance officielle de la part des autorités publiques n’a été formalisée à ce jour. À l’avenir, d’autres organisations privées pourraient développer leur propre système de compétition sportive international. De plus, les scandales de corruption ou de dopage organisé, les critiques liées à sa politique d’équilibriste dans l’affaire du dopage organisé russe, mettent en cause la légitimité du CIO. Bref, le mouvement olympique a besoin de s’étendre. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui plus de 200 délégations nationales, dont des entités non-reconnues par l’ONU, sont acceptées par le CIO. C’est pourquoi aussi de nouvelles disciplines sont rajoutées au programme olympique pour accroitre la popularité des Jeux. C’est aussi pourquoi le CIO va chercher à atteindre de nouveaux marchés, dont ceux des pays dits « émergents », toujours dans le but d’asseoir la suprématie de l’organisation sur le sport mondial.

Cette expansion de l’olympisme a un effet contradictoire car il rend les Jeux de plus en plus difficiles à organiser. En voulant s’universaliser, le mouvement olympique exclut, de fait, la possibilité à de nombreux pays d’accueillir les Jeux. La contradiction stratégique se trouve ici. Pour prendre un exemple parlant : jamais un pays africain n’a accueilli les Jeux et cette perspective semble s’éloigner, compte tenu des exigences croissantes du CIO.
La seconde contradiction est d’ordre plus politique. Le CIO a un certain nombre d’intérêts et de critères objectifs dans l’accueil des Jeux, et les rapports de la Commission d’évaluation les expriment de façon très claire.

Or, ce n’est pas le CIO qui attribue les Jeux à telle ou telle ville, mais les membres du CIO, c’est-à-dire une assemblée de 95 individualités, qui ne vont pas forcément suivre les intérêts de l’olympisme. Certains vont plutôt prendre en compte les intérêts des athlètes, d’autres d’une discipline sportive, d’autres d’un pays en particulier, et d’autres d’intérêts d’ordre plus privé. Ces membres, cooptés, votent de façon anonyme et ne représentent qu’eux-mêmes. C’est pourquoi les décisions d’attribution des Jeux peuvent être déconnectées de l’intérêt du sport, ou de l’intérêt général (déjà difficilement définissable). C’est ce qui a conduit à de nombreuses affaires de corruption au CIO ou dans des fédérations sportives comme la FIFA. Face à ce constat, le CIO souhaite répondre notamment en envisageant une nouvelle formule d’attribution des Jeux basé sur des consultations informelles avec des villes potentiellement candidates.

Dans ce contexte de crise, pourquoi Paris devrait-elle accueillir les Jeux de 2024 ?

Être la ville hôte des Jeux olympiques et paralympiques comporte plusieurs aspects positifs. Les JO constituent tout d’abord l’évènement sportif le plus populaire et le plus médiatisé. Environ 200 délégations olympiques sont accueillies pour un moment de convivialité et de fête. La ville hôte attire, durant deux semaines, l’attention du monde entier. Pour elle et pour le pays tout entier, les olympiades constituent une occasion de rayonner. Les JO permettent également un moment de partage au niveau national et de promotion de la pratique sportive. En termes d’image, toutefois, les Jeux procurent un prestige indéniable. Ils peuvent permettre au pays d’améliorer ses relations diplomatiques et de promouvoir l’innovation, l’ouverture, la modernité ou certaines valeurs comme le partage.

En ce qui concerne le volet économique, certaines villes ont profité de l’accueil des Jeux olympiques pour se mettre en avant, signer des contrats et attirer des nouveaux investisseurs. Cependant, les études sur les impacts d’un tel évènement relativisent ses retombées positives. Elles sont d’abord éphémères, et se heurtent à un potentiel coût d’opportunité : si ces investissements étaient consentis pour d’autres occasions, ne seraient-ils pas encore plus bénéfiques ? In fine, l’intérêt purement économique des Jeux reste à démontrer.

Dans certains cas comme Barcelone, Sydney et, dans une moindre mesure, Londres, les ville hôtes ont profité des évènements pour réaménager certains quartiers grâce à la construction de nouvelles infrastructures. À Paris, le village olympique sera en Seine-Saint-Denis. Ce sera l’occasion de créer un nouvel espace urbain et de rendre accessibles de nouveaux logements. Le coût de l’organisation pour Paris et Los Angeles reste important dans l’absolu (environ 6,5 milliards d’euros). Le budget sécurité sera fort et certains dépassements sont à prévoir (comme pour toutes les olympiades récentes). Mais, compte tenu du faible taux de constructions à réaliser, on peut estimer que les dérapages budgétaires resteront limités. À l’instar d’une personne lambda qui organise un évènement ou une soirée, la ville qui organise les JO ne cherche pas à gagner de l’argent, mais plutôt à en retirer du prestige par la tenue d’un évènement planétaire.

Alors qu’une attaque à l’arme blanche s’est récemment produite aux abords du Louvre, la situation sécuritaire ne risque-t-elle pas de sanctionner Paris et de remettre en cause sa capacité à assurer correctement la sécurité pendant les JO ?

La sécurité est peut-être le souci principal pour la communication de Paris 2024 en amont du vote des membres du CIO. Deux arguments vont à l’encontre de cette crainte. D’une part, les risques sécuritaires actuels touchent également les États-Unis et la Hongrie. D’autre part, les services de sécurité français ont une certaine expérience dans la lutte contre le terrorisme. Toutefois, au regard de l’hypermédiatisation des attaques terroristes, la moindre action d’un ou plusieurs individus malintentionnés d’ici septembre aura un impact considérable sur l’image de Paris 2024.

« Devenez un leader » – 3 questions à Pierre Cabane

Wed, 08/02/2017 - 18:11

Pierre Cabane, diplômé de l’EM Lyon, entrepreneur – ancien cadre dirigeant d’une division internationale du groupe L’Oréal et créateur d’une marque cosmétique – est intervenant à l’Université Paris Dauphine et Science Po. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « Devenez un leader : les clés de la réussite », aux éditions Eyrolles.

Être un leader est-il inné ? Peut-on apprendre à le devenir ?

Comme un grand compositeur, le leader est un mélange résultant de certaines prédispositions et de beaucoup de travail !

C’est la perception des autres qui vous positionne comme un leader ou pas : on peut être nommé manager, pas leader. Si l’autorité du manager, désigné par sa hiérarchie, trouve son fondement dans l’organisation de l’entreprise, le leader tire son pouvoir et son influence de la reconnaissance des autres. Comment définir le leader ? On pourrait dire que le leader conduit l’organisation vers l’accomplissement d’objectifs innovants à long terme en alignant les énergies sur une vision prospective. A l’aise dans un environnement changeant, le leader croit dans le futur et l’exprime par un optimisme permanent et affiché : le leader a un devoir de bonne humeur ! Dans l’entreprise, il incite ses collaborateurs à aller durablement au-delà de leurs intérêts personnels, de leurs domaines de compétences et de leurs fonctions.

Oui, Il est possible d’améliorer la capacité de leadership d’un individu en travaillant par exemple sur certaines compétences clés indispensables au leader.

  • Inspirer confiance. Pour suivre un leader, les équipes ont besoin d’avoir un sentiment de fiabilité concernant son intégrité, sa loyauté, ses aptitudes, sa personnalité, sa transparence, son ouverture… C’est en ayant confiance dans le leader que les équipes prendront confiance en elles ;
  • Insuffler énergie et passion. Motiver, c’est donner de l’énergie : il lui faut savoir orchestrer l’énergie de ses collaborateurs pour soutenir leurs efforts dans la durée. Et dépassant le simple engagement, le leader doit montrer sa passion pour le projet stratégique qu’il a construit ;
  • Faire preuve d’anticonformisme. Le leader doit s’autoriser des audaces, des raisonnements à contre-pied, des remises en cause profondes. Il sera à la recherche de nouveaux modèles, d’initiatives inédites. Fréquemment, ces comportements originaux, voire insolites, susciteront la surprise puis l’intérêt et enfin l’adhésion des équipes ;
  • Donner du sens. Au-delà du classique développement d’une vision stratégique, le leader doit donner du sens à l’action de l’entreprise. En traçant des perspectives, il fabrique un véritable ciment aux différents éléments composant l’entreprise : son histoire, sa vision, ses missions, ses chiffres, ses valeurs…

La question du temps est-elle le principal défi pour un dirigeant ?

C’est en effet un vrai problème sur le plan organisationnel ! Sauter de réunion en réunion, agir dans l’urgence, décaler un rendez-vous, faire une note au dernier moment, répondre à toutes les sollicitations, arriver en retard… Après une journée bien remplie, un sentiment confus envahit souvent le dirigeant : mais qu’ai-je donc fait aujourd’hui ? Bien gérer son temps, c’est s’affranchir de ce cercle vicieux pour faire passer le temps de l’état de contrainte à celui de ressource : comme disait Sénèque, « ce n’est pas que nous disposions de très peu de temps, c’est plutôt que nous en perdons beaucoup » !

Quelques règles simples permettent au leader d’être acteur de son temps.

En premier lieu, il faut savoir gérer ses priorités : tout n’est pas urgent, tout n’est pas important ! Pour déterminer l’importance et l’urgence d’un élément, il faut toujours le relier au contexte en se posant deux questions : quel est le degré d’urgence de la tâche ? quelles sont les conséquences si je ne m’en occupe pas ?

Ensuite, le dirigeant devrait pouvoir se ménager des « plages libres » hebdomadaires ou quotidiennes et ce pour trois raisons au moins :

  • S’il faut savoir dépenser son énergie, il faut également savoir se ressourcer ;
  • Certains dossiers nécessitent que le dirigeant puisse s’isoler pour réfléchir et prendre du recul.
  • Et surtout, une journée de dirigeant comporte environ 40% d’imprévus auxquels il va falloir faire face !
Le dirigeant veillera également à maîtriser les sollicitations : les « parasites du temps » viennent aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur de l’entreprise : visite d’un collaborateur, sollicitation téléphonique d’un client, réunion impromptue … Refuser la sollicitation d’une personne n’est pas simple : mais il faut savoir dire « non », en rejetant la demande et non l’interlocuteur qui doit toujours se sentir considéré et respecté.

Mais surtout, le dirigeant n’oubliera pas que l’un des principes de base dans la gestion du temps, c’est l’art de déléguer. Le dirigeant peut penser mieux faire que les autres dans un certain nombre de domaines. Mais quand les mêmes problèmes reviennent régulièrement, le temps qui leur est consacré devient de plus en plus important. Dans la réalité, après une période de rodage et d’apprentissage, les membres d’une équipe de direction bien choisis devraient arriver à résoudre avec succès la plupart de ces problèmes : et sans doute plus rapidement que le dirigeant… Il faudra pour cela apprendre à accepter que quelqu’un va d’abord faire plus lentement et pour ensuite faire mieux et plus vite : le dirigeant pourra alors se dédier pleinement aux enjeux stratégiques.

Comme se définit une vision stratégique ?

La confusion est fréquente entre les différents termes : vision, valeurs, mission, stratégie, etc. Si la stratégie est l’art d’allouer des ressources, la vision stratégique du dirigeant est la représentation mentale d’un état futur possible et souhaitable de l’organisation.

Pouvoir imaginer ce que sera l’avenir de l’entreprise est une qualité essentielle du dirigeant. C’est la construction de la vision stratégique qui permettra de fixer le cap, de définir une stratégie pertinente, de mobiliser les énergies, de créer de la valeur. C’est une vision stratégique claire qui donnera du sens à l’entreprise. C’est son existence qui fera la différence entre le manager et le leader : outre les décisions opérationnelles quotidiennes, le dirigeant devra mener une réflexion stratégique sur un horizon plus long tout en intégrant les problématiques de changement de l’environnement.

La vision stratégique :

  • s’inscrit toujours dans un horizon de long terme ;
  • découle de l’ADN de l’entreprise ;
  • est fondée sur la faculté d’anticipation du ou des dirigeants ;
  • est le fruit d’une recherche, d’une intuition, d’un travail…
  • est généralement issue d’une seule personne ou d’un petit nombre de personnes ;
  • intègre une dimension émotionnelle ;
  • renforce le sentiment d’appartenance ;
  • présente un caractère idéal.

Pour être comprise par les collaborateurs, acceptée par les clients et les autres parties prenantes, la vision stratégique doit découler fortement de l’identité de l’entreprise. C’est l’identité, puissant facteur potentiel de différenciation concurrentielle, qui constitue le socle de la vision stratégique : le dirigeant prendra garde à ne pas s’en éloigner.

La politique environnementale et climatique de Donald Trump. Flou général ou vrai retour en arrière ?

Wed, 08/02/2017 - 10:52

Dans un tweet célèbre daté du 6 novembre 2012, le futur président américain déclarait : « Le changement climatique est un concept créé par et pour les Chinois pour atteindre la compétitivité des entreprises américaines. » Quatre ans plus tard, alors fraîchement élu, il accordait une interview au New York Times dans laquelle il reconnaissait l’existence de « connexions » entre le changement climatique et les activités humaines. Difficile de connaître, si tant est qu’il en ait de véritables, ses convictions profondes sur le sujet, bien que son entourage ait également pu apparaître ouvertement climato-sceptique. Certaines analyses justifient cette posture de Donald Trump par sa volonté d’être perçu comme une personnalité anti-système, opposée aux élites traditionnelles corrompues[1]. De ce fait, se déclarer ouvertement sceptique face à une réalité partagée par le système peut sembler obligatoire. Au-delà des postures du président, se pose la question de la politique qu’il va mener, sachant que, durant sa campagne, il s’était montré hostile à l’ensemble de l’héritage réglementaire laissé par son prédécesseur.

Un retour en arrière des Etats-Unis sur le plan environnemental

Le nouveau président peut effectivement remettre en cause nombre de politiques décidées par l’Administration Obama et minimiser le rôle de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA). Plusieurs illustrations à cela :

> L’annonce de la relance des oléoducs Keystone XL et Dakota Access. Le premier vise à transporter depuis l’Alberta le pétrole tiré des sables bitumineux jusqu’au complexe de raffineries du golfe du Mexique, sachant que l’oléoduc existant s’arrête à Cushing dans l’Oklahoma. Le second relierait le Dakota du Nord à l’Illinois. La reprise de ces projets a été annoncée le mardi 24 janvier lors de la signature de presidential memoranda qui n’ont pas la même valeur juridique que les executive orders. La reprise des projets a toutefois été assortie de conditions (négociations en cours avec Transcanada pour Keystone XL pour avoir de meilleures retombées économiques). Des contreparties sont donc attendues mais les projets pourraient reprendre.

> La législation minière s’était durcie sous Obama avec le gel de nouveaux prêts pour des terrains miniers et l’interdiction d’utilisation d’explosifs pour les mines situées sur des sommets. Cette dernière va sans doute sauter rapidement car elle tombe sous le coup d’une procédure spécifique : ayant été prise le 19 janvier soit la veille de l’investiture de Donald Trump, la disposition peut être annulée par un simple vote à la majorité au Sénat dans les soixante jours qui suivent son édiction. Le chef de file des sénateurs républicains, Mitch McConnell (Kentucky), a déjà fait part de son intention de mener à bien cette possibilité. Une autre règle portant sur les fuites de méthane dans les infrastructures de forage pourrait être annulée de la même manière.

> La législation sur les automobiles de 2011 qui demande aux constructeurs de concevoir des moteurs moins énergivores d’ici 2025 et de développer les voitures électriques pourrait aussi être battue en brèche à cause d’une faille juridique. Les constructeurs pouvaient en effet, en 2017, choisir de ne pas appliquer la disposition si elle se révélait trop coûteuse. L’EPA a déclaré que ce n’était pas le cas mais il faut aussi la confirmation du ministère des Transports, inexistante jusqu’alors. L’annulation pourrait toutefois se déroulait sur plusieurs années.

> La régulation Clean Power Plant, important héritage des années Obama prévoit de faire passer de 39% en 2014 à 27% en 2030 la part du charbon dans la génération d’électricité, entre autres via le recours aux renouvelables. L’annulation de cette réglementation, au programme de Donald Trump nécessiterait le concours de la Cour suprême ce qui pourrait allonger la procédure au-delà d’un délai de quatre ans, soit celle du mandat présidentiel.

> Des dispositions prises par l’EPA limite également fortement la pollution des eaux des fleuves et rencontrent la franche opposition des lobbys agricoles qui ont le soutien du président dans cette affaire.

Si le président ne peut tout faire, certaines possibilités existent et devraient être exploitées dans les semaines qui viennent.

Cet ensemble de mesure suscite à la fois des inquiétudes mais soulève également un certain scepticisme. Des inquiétudes tout d’abord, de la société civile, en partie opposée à la direction que souhaite prendre le nouveau président américain en bouleversant le travail effectué par les précédentes administrations en matière de protection de l’environnement, mais aussi des scientifiques qui craignent que les bases de données de la NASA ou de l’EPA soient tout simplement effacées. La mention des régulations existantes en matière climatique a, selon différentes sources, disparu du site de l’agence américaine mais aussi de celui de la Maison-Blanche.

Un certain scepticisme, ensuite, car plusieurs verrous existent au niveau national, outre la pression de l’opinion publique. Les politiques environnementales se décident également au niveau des Etats fédérés et le président ne pourra pas tout bloquer, la Californie ayant par exemple une politique avancée en matière climatique et environnementale. Les décisions qu’elle prend, de par son poids économique (6e PIB mondial) et ses 40 millions d’habitants ont des répercussions sur l’ensemble du territoire national, mais aussi du monde. De même, le poids des lobbys de l’énergie renouvelable pourrait – bien qu’inférieur à celui des hydrocarbures – jouer un rôle, dans une volonté de ne pas abandonner cet important champ d’investissement à la Chine qui a pris une avance significative ces dernières années.

Enfin, c’est un autre acteur majeur, le Department of Defence, qui s’est saisi des enjeux liés au changement climatique depuis une dizaine d’année. Tous les documents stratégiques, du Joint Operating Environment Report de 2010 à la Climate Change Adaptation Roadmap de 2014, intègrent les risques et menaces liés au phénomène et notamment la vulnérabilité des installations militaires. Le changement climatique est considéré comme un multiplicateur de menace par le DoD et il n’est pas certain que Trump souhaite bouleverser cet état de fait. Le nouveau président s’inscrit en effet plutôt dans une tradition républicaine de soutien à une armée forte, tendance qui a dû composer ces dernières années avec cette mise en avant du changement climatique comme un problème stratégique par les militaires.

Vers une sortie de l’Accord de Paris ?

La question se pose depuis la campagne durant laquelle le candidat Trump avait effectivement fait cette annonce de sortie de l’Accord de Paris. Le peut-il réellement ? Difficile à affirmer car la procédure est longue : il faudrait que la décision d’annuler la signature de l’accord soit notifiée au secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ce qui ne serait possible qu’un an après sa ratification, donc en novembre 2017, auquel s’ajouterait un délai de trois ans, portant le tout hors mandat de Donald Trump. La possibilité existe toutefois à travers une subtilité de l’accord de Paris, dans le cadre de l’article 28. Ce dernier stipule que tout pays sortant de la CCNUCC sortirait également de l’accord de Paris, ce qui ne prendrait qu’un an au lieu des trois pour l’accord de Paris car la CCNUCC a été signée en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio.

Néanmoins cette décision serait lourde de conséquence et n’a d’ailleurs jamais été expérimentée par aucun autre pays (seuls certains sont sortis du Protocole de Kyoto comme la Russie, le Canada, le Japon, etc.). Rex Tillerson, le fraîchement nommé Secrétaire d’Etat a, au cours de son audition devant le Sénat, exprimé son soutien au processus, déclarant qu’il valait mieux rester à la table des négociations car « aucun pays ne pourrait résoudre le problème seul ». Une position nuancée par Myron Ebell, qui assurait la transition à la tête de l’EPA et qui avait lui déclaré que cela pouvait se faire, la question étant plutôt de savoir « quand ? ». Rappelons que le statut de promesse de campagne n’est pas une assurance vie. Donald Trump avait par exemple pris violemment position contre l’accord du 14 juillet 2015 passé entre le P5+1 et l’Iran au sujet de son programme nucléaire, affirmant qu’il souhaitait le déchirer. Il a fait volteface il y a quelques jours, soutenant publiquement, avec le Roi Salman d’Arabie Saoudite, une application rigoureuse de l’accord.

Enfin, cette décision questionne son rapport au multilatéralisme, à ses partenaires des pays occidentaux mais aussi la relation qu’il souhaite avoir avec la Chine. Nous le disions plus haut, la Chine se positionne de plus en plus comme un leader mondial sur le dossier climatique qui était sous Obama un axe important de la coopération bilatérale, illustré par l’accord de novembre 2014 où les deux premiers émetteurs mondiaux (40% des émissions de gaz à effet de serre à eux deux) avaient annoncé des objectifs de réduction. Pékin, qui est le premier investisseur mondial dans le secteur des renouvelables, principalement éolien et solaire, dépense 2,5 fois plus que les Etats-Unis (plus de 100 milliards en 2015) et prévoit d’investir 360 milliards de dollars dans le cadre du plan quinquennal 2016-2020. Les nombreuses provocations du milliardaire envers Pékin interrogent, comme sa volonté d’abandonner ce leadership à la Chine qui n’en demande pas tant. Lors du sommet de Davos, Xi Jinping a rappelé aux Etats-Unis leurs engagements, qualifiant l’accord de Paris de « victoire remportée avec difficultés », invitant « tous les signataires à s’y tenir » tout en invoquant la « responsabilité pour les générations futures ». Céder du terrain face à la Chine dans cette lutte d’influence n’est sans doute pas de bon augure pour les intérêts américains dont le président s’est pourtant fait l’ardent défenseur.

Surtout, ces éléments ne font qu’accroître le sentiment d’une absence totale de ligne politique, d’une colonne vertébrale, d’un projet, si ce n’est celui de plaire à un électorat désabusé car négligé en partie par les prédécesseurs de Donald Trump. Les slogans sur Twitter ne font pas une politique, comme les insultes ne font pas une diplomatie. La nouvelle administration pourrait en faire rapidement une expérience douloureuse, si cela n’est déjà pas en cours.

[1] K. Möhler, G. Piet, E. Zaccai, « Changements climatiques et familles politiques en Europe. Entre soutien et résistance aux politiques climatiques », Courrier du CRISP, 2015.

Les programmes “Désarmement Désengagement et Réinsertion” : l’exemple ivoirien

Mon, 06/02/2017 - 16:54

Général Bruno Clément-Bollée est vice-président de Sovereign Global France. Il répond à nos questions à l’occasion du séminaire “Trafic d’armes en situation post-conflits : Etude de cas et enjeux”, organisé par l’IRIS et le GRIP, avec le soutien de la DGRIS, le mardi 24 janvier 2017 :
– En quoi constitue un programme DDR (Désarmement – Démobilisation – Réintégration) ?
– Est-il facile de réintégrer des combattants dans la société civile ?
– Vous étiez en Côte d’Ivoire entre 2013 et 2016. Comment le processus DDR a dû s’adapter aux particularités du tissu social et communautaire du pays ?

La mondialisation donne un autre sens aux frontières

Mon, 06/02/2017 - 14:47

N’y a-t-il jamais eu autant de migrations et de murs ?
Proportionnellement, la part des populations migrantes était plus importante au début du XXe siècle. Mais à l’époque, il y avait moins d’images, d’informations, également moins de problèmes économiques et sociaux, de chômage. La situation n’est donc pas comparable. Ce qui est certain, c’est qu’après une période d’optimisme, sur la fin des frontières, la liberté de circuler, après la chute du mur de Berlin et le démantèlement du Rideau de fer, on revient à une époque où un peu partout dans le monde se dressent des murs.

À quoi sert un mur aujourd’hui ?
Pendant longtemps, les frontières ont servi à retenir les citoyens, à l’image de l’Union soviétique. Aujourd’hui, on cherche plutôt à éviter que les autres rentrent. La mondialisation donne un autre sens aux frontières, alors, on en recrée. Mis à part le cas israélo-palestinien qui est un problème géopolitique, les riches se protègent des pays pauvres. Les États-Unis se protègent du Mexique et, au-delà, de toute l’immigration d’Amérique centrale et même latino-américaine. À Ceuta et Melilla, deux enclaves espagnoles en terre marocaine, des murs très hauts empêchent une immigration maghrébine et africaine au sens large.

Pourquoi nos sociétés ont-elles aussi peur de l’immigrant ?
Les murs sont à la fois physiques et dans les têtes. Plusieurs inquiétudes se rejoignent, socio-économiques, géopolitiques, sur l’avenir. Il est de plus en plus facile de se déplacer et de savoir ce qu’il se passe dans les pays riches. La première chose que fait un réfugié quand il arrive à un hotspot (un centre d’accueil européen des migrants), c’est de demander, peut-être à boire et à manger, mais surtout de recharger son téléphone portable.

On revient à un défi Nord – Sud…
Charles Aznavour chantait “emmenez-moi car la misère est plus supportable au soleil”. Les gens au soleil ne pensent pas ça et vont où il y a de la richesse. Mais les ouvertures sont unilatérales. Si on veut aller dans un pays africain, on paiera quelques centaines d’euros mais la plupart des Africains paient des milliers d’euros pour avancer avec des passeurs et mettent beaucoup plus de temps. Le Nord ferme ses frontières. C’est un signe d’absence de confiance en soi, dans l’avenir et l’humanité.

Les murs sont-ils efficaces ?
La nature humaine s’adapte toujours et trouvera d’autres moyens. Dans un monde globalisé, est-il possible de vivre dans une bulle entièrement protégée de l’extérieur ? Trump dit que la suspension des visas envers sept pays musulmans, sert à lutterc ontre le terrorisme, est-ce que ça ne va pas développer, au contraire, un sentiment antiaméricain ? Les derniers attentats commis aux États-Unis n’ont pas été commis par des gens venant de l’extérieur mais par des gens nés sur le sol américain. L’amalgame fait entre terroristes et réfugiés fuyant les persécutions risque de faire grossir l’opposition. À une autre époque, la guerre entre les États-Unis et le Japon à la fin des années 30 a débuté avec l’arrêt de l’immigration japonaise et chinoise. Ces mesures impersonnelles ne vont pas servir dans la lutte contre le terrorisme.

Pourquoi Donald Trump s’engage-t-il sur cette ligne dure, notamment avec le Mexique et la Chine ?
Il n’a pas des convictions idéologiques très affirmées puisqu’il est passé avant par les démocrates et les indépendants. Là, il a fait sa religion sur les questions d’islam et de murs, par une sorte de pragmatisme à lui. Il nous promet que ça va marcher et que ça marche déjà. On risque de voir très rapidement que cela pose plus de problèmes que cela n’apporte de solutions. Dans sa politique spectacle, le Mexique est une bonne cible. Mais insulter une nation n’apporte jamais de fruits positifs sur le long terme. Il montre qu’il est en charge, qu’il est le boss et applique son programme. Mais on peut penser que le mur le plus haut qui va se dresser contre Donald Trump sera le mur des réalités.

Embargo sur les armes : Efficacité et risques liés à la levée des sanctions

Thu, 02/02/2017 - 19:02

Nicolas Florquin est coordinateur de recherches au Small Arms Survey. Il répond à nos questions à l’occasion du séminaire “Trafic d’armes en situation post-conflits : Etude de cas et enjeux”, organisé par l’IRIS et le Grip, avec le soutien de la DGRIS, le mardi 24 janvier 2017.
– A quoi servent les embargos sur les armes ?
– Quels sont les risques liés à une levée prématurée des sanctions sur les armes ?
– Comment effectuer une levée d’embargo efficace ?

Retour du Maroc au sein de l’Union africaine : quels enjeux ?

Thu, 02/02/2017 - 18:53

Le Maroc a réintégré, le 30 janvier, l’Union africaine. Quel est l’intérêt stratégique de cette réintégration pour le Maroc et pour les membres de l’UA ?

Après trente ans d’absence, les Marocains ont pris conscience de l’importance de réintégrer l’institution panafricaine. Bien qu’elle pèse peu sur la vie des peuples africains, elle a une véritable influence sur le plan diplomatique et politique. En restant en dehors de l’Union africaine, le Maroc ne participait ni au débat ni au vote.

Pour le Maroc, cette réintégration constitue donc un succès diplomatique. Cela fait cinq ans que ses dirigeants œuvrent pour un retour. Ils ont mis en place une stratégie diplomatique en se réappropriant son espace stratégique. Le Maroc a notamment renforcé ses liens avec l’Afrique de l’Ouest et avec des pays dont les relations sont anciennes comme le Gabon. La mise en place de cette stratégie a nécessité le déploiement des secteurs clés comme les banques, les assurances ou les entreprises de téléphonie mobile. De nombreux contrats ont été signés avec des entreprises africaines. Le roi a lui-même multiplié ses déplacements. Aujourd’hui, le Maroc voit ses efforts récompensés.

La réintégration du Maroc n’est pas également dépourvue d’intérêts du côté de l’Union africaine. Le Royaume est un pays qui compte dans les relations internationales notamment grâce à sa proximité avec le monde occidental et l’Europe.

La question essentielle du débat pour l’entrée du Maroc dans l’Union africaine tourne autour de sa position sur le Sahara occidental. Il risque d’y avoir, dans les prochains mois, une redéfinition de la doctrine marocaine sur cette question. Il serait intéressant d’observer quelle stratégie adoptera le Maroc qui vise, in fine, à l’exclusion du Sahara occidental de l’UA.

Le refus marocain de reconnaitre l’indépendance du Sahara occidental a longtemps motivé les réserves de l’Algérie, de l’Afrique du Sud et de l’Angola à son retour dans l’UA. Pourquoi ont-ils changé de position ?

L’Angola, l’Algérie et l’Afrique du Sud, sans jamais s’opposer à un retour du Maroc, ont exprimé leurs réserves. Ils considèrent l’autodétermination des peuples comme le principe fondateur de l’Union africaine. Ce territoire est contesté par les Marocains et les Sahraouis. En revenant dans l’Union africaine, le Maroc devra accepter le principe de la négociation. Si l’on ne sait pas quelle stratégie sera adoptée, il y a au moins une certitude : le Maroc ne renoncera pas à ses visées sur le Sahara qu’il considère comme partie intégrante de son territoire.

Le Maroc avait quitté l’UA en 1984 pour protester contre la reconnaissance de l’Institution de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Quelles sont les origines du conflit ?

Le conflit date de 1975. Le territoire était occupé par l’Espagne. Cette dernière s’est retirée sans préparer de décolonisation. Ce territoire se trouvant dans le prolongement du Maroc et étant donné les liens historiques importants entre les Marocains et les tribus qui y vivent, le roi Hassan II, père de l’actuel monarque, a lancé la « marche verte », le 6 novembre 1975, afin de récupérer ces territoires contestés. Des affrontements armés s’en sont suivis. Ils ont cessé en 1992 et laissé place à une longue bataille juridique devant les tribunaux internationaux. Aujourd’hui c’est le statu quo et l’armée marocaine est présente dans le Sahara occidental.

Le Polisario était d’abord soutenu par la Libye, puis par l’Algérie qui apporte l’essentiel du soutien logistique aux indépendantistes. Ce différend entre l’Algérie et le Maroc a lieu sur fond de rivalités autour du leadership du Maghreb. Il fait obstacle à l’intégration régionale.

Le Maghreb est l’une des rares régions au monde qui a une unité linguistique, culturelle, religieuse et géographique. Elle ne parvient pourtant pas à créer un ensemble régional cohérent qui lui permettrait d’être beaucoup plus fort et cohérent sur la scène internationale. Dans un monde instable, une solution doit être trouvée au Polisario. Il permettrait peut-être d’amorcer l’intégration du Maghreb.

Interdire les financements étrangers : une arme contre les ONG ?

Thu, 02/02/2017 - 12:07

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.

Balkans : quels liens entre trafic d’armes et terrorisme ?

Wed, 01/02/2017 - 14:54

Nils Duquet est chercheur senior à l’Institut flamand pour la paix. Il répond à nos questions à l’occasion de son intervention dans le cadre du séminaire “Trafic d’armes en situation post-conflits : Etude de cas et enjeux”, organisé par l’IRIS et le GRIP avec le soutien de la DGRIS, le mardi 24 janvier 2017.
– Pourquoi la question du trafic d’armes devient-elle de plus en plus préoccupante pour la France ?
– Quels liens existent-ils entre les trafiquants d’armes aux Balkans et le terrorisme en France ?
– Comment lutter contre la prolifération des armes ?

Les incohérences économiques des « trumperies » à l’heure de la mondialisation et du multi-partenariat

Wed, 01/02/2017 - 14:37

Les mesures prises par décret – et les responsables choisis aux postes stratégiques – sont en phase avec les annonces de la campagne et les « trumperies » ou les « faits alternatifs » de Donald Trump. Elles occupent les médias en poursuivant sa victoire en termes de communication. Elles détricotent les politiques que son prédécesseur avait difficilement mises en place du fait de l’opposition du Congrès. Elles font penser à un enfant qui cherche à détruire sur la plage le château de sable de son rival qui l’aurait humilié. Les textes qui avaient mis des années à être élaborés sont effacés par une signature dont la taille est à la mesure de l’ego du personnage.

Sur le plan géopolitique, les décrets traduisent une grande incohérence. Donald Trump s’oppose à la Chine mais la favorise en supprimant l’accord de partenariat transpacifique (TPP). Il sanctionne les victimes du terrorisme, victimes également des politiques américaines mais refuse de s’en prendre au terreau du djihadisme ou aux Etats qui le favorisent (notamment l’Arabie saoudite). Les mesures prises dans le domaine du climat attestent également de cette incohérence. Les décrets contre les réfugiés, les propos en faveur du Brexit, ceux contre les Européens, les Mexicains ou les musulmans engendrent des manifestations populaires et des réponses des Etats humiliés. Les mesures très conservatrices au niveau de la société sont durablement assurées compte tenu du basculement stratégique de la Cour suprême. Les réactions s’effectuent aussi bien sur le plan politique, éthique que juridique. Les trumperies n’ont pas, jusqu’à présent, conduit à des positions fortes de l’Union européenne ou des organisations internationales. Les diplomates sont désarçonnés par la communication immédiate et le langage des tweets.

La voix des économistes se fait en revanche peu entendre, du moins en Europe, alors que les « prix Nobel » Paul Krugman ou Joseph Stiglitz sont présents dans le débat. La critique du libre-échange, le « patriotisme » économique et le primat donné au politique sur l’économie sont en phase avec les économistes critiques mettant l’accent sur les fractures liées à la mondialisation libérale et prônant un retour à la souveraineté nationale. Les experts sont souvent considérés par les opinions et les partis « populistes » comme faisant partie du « système » et des élites et des défenseurs de la mondialisation libérale. Le minimum de consensus sur des raisonnements de base de l’économie est souvent absent chez les économistes qui, de plus, parlent une langue peu compréhensible. Les informations vérifiées ont fait faillite dans un monde de « post-truth » et de « fake news ». Or, les économistes ont, depuis leurs origines, cherché à comprendre le monde non pas comme un gâteau que l’on partage et dont les parts des uns se font aux dépens des autres. Ils ont plutôt cherché à démontrer que la taille du gâteau peut évoluer en fonction d’un certain nombre de facteurs. Les parts de chacun peuvent croître même si elles sont asymétriques. Sous certaines conditions, « nul ne gagne que l’autre ne gagne ». Il importe de dissocier les représentations simplistes immédiates des fausses évidences des analyses distanciées prenant en compte la complexité. Lier la production, le commerce, la monnaie et la finance, implique d’intégrer les rapports de force, les représentations et la confiance, les effets d’interdépendance et les incertitudes liées à des effets de système. Les interdépendances conduisent à des résultats contre-intuitifs.

L’objet de ce papier est ainsi de mettre l’accent sur les incohérences économiques des déclarations et des décrets du nouveau président américain, au regard de la complexité de la globalisation, des enseignements consensuels du raisonnement économique et de certains faits vérifiés et non pas « alternatifs ».

Les coups de menton, les mesures unilatérales d’une puissance, les liens avec les lobbies financiers, pétroliers et militaro-industriels, peuvent doper à court terme l’économie des Etats-Unis et dynamiser sa bourse (le Dow Jones est à plus de 20.000 points). La confiance, le volontarisme, la dérèglementation, le non-respect des accords internationaux peuvent évidemment libérer des énergies, réduire des carcans et favoriser à court terme la croissance et l’emploi. Le FMI a, ainsi, réévalué les prévisions de croissance des Etats-Unis du fait de l’effet Trump. Ce pays incarne une puissance hégémonique. Les mesures prises par ses dirigeants, par définition, ne sont pas applicables à l’échelle planétaire (émissions de gaz à effets de serre, financement de la dette, importance du marché intérieur, protectionnisme, rôle du dollar, etc.). Mais, la représentation nationaliste, raciste, affairiste, « tweeteriste » de M. Trump n’est pas en phase avec le monde économique, les relations multilatérales et le multi-partenariat géopolitique même s’il exprime certaines failles de ce monde. Celui-ci est devenu interdépendant, tout en étant asymétrique et caractérisé par des fractures sociales et territoriales du fait notamment de la puissance du monde de la finance, des multinationales, de la militarisation des puissances, notamment émergentes, mais également des nouvelles technologies. La vision manichéenne du monde et le regard dans le rétroviseur, privilégiant la « vieille économie » aux dépens de la nouvelle économie liée aux révolutions technologiques, conduisent à des incohérences, à des effets de retour non intégrés, à une incertitude et à une imprévisibilité à moyen et long terme. Nous privilégierons quelques dossiers.

Le plan de relance et la dette américaine

Les annonces de baisse des impôts et de plans de relance par des investissements d’infrastructures supposent un accord de la Chambre des représentants alors que les Républicains avaient contraint Barack Obama à réduire le déficit budgétaire. La dette fédérale a dépassé 100% du PIB américain et se rapproche, en janvier 2017, des 20.000 milliards de dollars. Les Etats-Unis en tant que puissance économique dominante ont des atouts qui ont peu à voir avec ce que seraient des politiques de relance des Etats européens souverains et l’explosion de leur dette en dollars s’ils sortaient de la zone euro. Le dollar est une monnaie de réserve, de transaction et de valeur refuge. Les « non-résidents » ont joué un rôle important dans le financement de la dette, notamment par les achats des bons du Trésor. L’épargne mondiale est aujourd’hui mobilisable à des taux d’intérêt limité. Les effets d’annonce de Trump et les soutiens des lobbies pétroliers, financiers et militaro-industriels ont fait exploser Wall Street. Ils peuvent attirer les capitaux extérieurs et participer à des financements privés-publics.

Il importe toutefois de prendre en compte certaines tendances structurelles. Les réserves des pays émergents pétroliers et asiatiques se réduisent. La tendance prévisible est celle de la hausse des taux d’intérêt. Le secteur privé tend à se substituer au secteur officiel et les résidents l’emportent sur les non-résidents dans le financement de la dette fédérale (investisseurs institutionnels mutual funds, fonds de pension, assurance). Les détentions de la dette américaine sont de plus en plus volatiles avec motif de spéculation (différentiel de rendements) se faisant aux dépens des motifs de précaution (réserves de change). L’attractivité des capitaux extérieurs est fonction également d’un climat de confiance que les tweets et les décrets racistes peuvent limiter.

La discrimination identitaire et les multinationales américaines

Les décrets reposant sur des identités communautaires vis-à-vis des immigrés mexicains ou des réfugiés venant de pays musulmans, à l’exception des minorités chrétiennes, sont évidemment en contradiction avec les valeurs historiques d’une terre d’immigration, avec la Constitution et les conventions internationales. Ils peuvent scandaliser les consciences morales. Ils soulèvent un tollé général des Démocrates et de Barack Obama, ont conduit au limogeage de la ministre de la Justice par intérim et ont obligé à changer la règle concernant, non pas le territoire de naissance, mais la nationalité des réfugiés. Du point de vue de la realpolitik, ils sont en contradiction avec les pratiques des multinationales qui sont multiculturelles et qui visent à utiliser les compétences mondiales. Les multinationales correspondent à plus de 2/3 du commerce mondial. Elles se positionnent sur les nouvelles technologies. Aux Etats-Unis, elles se trouvent au cœur du dynamisme de la Silicon Valley, des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) et de la nouvelle économie en compétition avec les oligopoles mondiaux. Les discriminations et humiliations de certains pays conduisent à réduire leur marché pour les multinationales américaines (cf. l’Iran). La double protection contre les marchandises et les travailleurs étrangers, outre leur côté contradictoire, ne peut que toucher à la fois les secteurs innovants à la recherche de compétences mondiales, les multinationales dans des secteurs basiques (cf.la riposte de Starbucks disant embaucher 10.000 réfugiés) et les petits métiers générateurs d’activités de base, disposant d’une main d’œuvre étrangère à bas coût.

L’unilatéralisme versus le régionalisme et le multilatéralisme

Les crises du multilatéralisme commercial au sein de l’OMC avaient conduit à une généralisation des accords régionaux. Le protectionnisme de Trump est en rupture avec la position de la majorité des Républicains. Le raisonnement en termes de droits de douane et de balance commerciale ignore que la protection est aujourd’hui essentiellement non-tarifaire et que les effets de la protection supposent une analyse fine par segments productifs des chaînes de valeur régionales ou mondiales. En s’en prenant au multilatéralisme et aux accords régionaux, la première puissance mondiale ne peut que renforcer les compétitions commerciales, les mesures de représailles et de rétorsions, ainsi que l’application d’une loi du plus fort sans règles. La politique unilatérale de protectionnisme, ou bilatérale d’accords commerciaux entre Etats, répond à une attente des perdants américains de la mondialisation, exprime des rapports de force qui peuvent, à court terme, favoriser la puissance dominante. Elle est cependant en totale contradiction avec les enseignements de la théorie économique, le contexte de mondialisation et les acceptations des règles internationales. Elle repose sur une vision mercantiliste de l’économie en termes de balance commerciale et du monde concurrentiel des affaires où « nul ne gagne que l’autre ne perd ». Elle répond à des intérêts de territoires ou à des catégories de personnes dépendantes de la vieille économie et victimes de l’innovation destructrice et – mais elle ne prend pas en compte les coûts et avantages au niveau macro-économique – les activités innovantes et les interdépendances existant au niveau transnational. Le partenariat trans-pacifique (TPP) visait à isoler la Chine et l’Inde au sein du monde pacifique. Sa remise en question offre un boulevard, notamment à la Chine et en partie à l’Inde, pour dominer cette zone pacifique. L’accord de l’Alena avait été signé pour freiner la pression migratoire venant du Mexique, en contrepartie d’investissements des firmes américaines dans les zones frontalières, les maquidalloras. A défaut de l’avoir supprimé, l’accord a réduit le flux migratoire. Il a également permis une réduction des prix des produits importés et d’accroître le marché américain et donc, globalement, la création d’emplois. La remise en question de l’Alena, en dehors du fait qu’elle implique des délais, menace la division du travail bénéfique aux Etats-Unis et interdit toute prévisibilité pour les décideurs économiques. Elle favorise donc des comportements opportunistes à court terme de la part des acteurs économiques.

Le protectionnisme commercial, la FED et le cours du dollar

Dans une vision nationaliste et mercantiliste de guerre commerciale, de protectionnisme inflationniste et de confusion entre la balance commerciale et la balance des paiements, Donald Trump veut un dollar faible assurant la compétitivité des entreprises localisées aux Etats-Unis. Or, les mesures prévues pour financer les investissements d’infrastructure, l’attractivité des capitaux, la protection commerciale, comme la création d’emplois dans un quasi plein emploi (chômage de 4,7%), ne peuvent que favoriser une hausse des prix, des salaires et des taux d’intérêt. La Fed risque de favoriser une hausse des taux pour freiner l’inflation et donc de dollar fort. Celui-ci risque de conduire à une crise de la dette des pays émergents et européens qui peuvent l’emporter sur les effets de compétitivité.

La dérégulation financière et les menaces d’une crise systémique

Il faut être prudent sur les mesures effectives de dérégulation financière que prendra Donald Trump malgré – voire à cause – de ses liens avec Goldman Sachs et Wall Street. L’histoire ne repasse pas toujours les plats. La question de la régulation est mondiale et les Etats-Unis ont une place centrale du fait du rôle du dollar dans le système financier international et de la part prépondérante des bons du Trésor américain dans les réserves internationales du reste du monde. Les déclarations de Trump en faveur de la dérégulation financière, de la fin du carcan limitant la croissance et l’emploi, ainsi que les prévisions de hausse du taux d’intérêt, ont évidemment dopé les actions des banques. Après les mesures enclenchées par Reagan en 1981, remettant en question la régulation financière mise en place par Roosevelt lors de la grande crise, les Démocrates (Bill Clinton) comme les Républicains (George W. Bush) avaient contribué à cette dérégulation jusqu’à la crise des subprimes et la banqueroute de Lehman Brothers en 2007-2008. L’explosion de la dette publique avait permis de sauver le système financier. Le Dodd-Frank Act d’Obama avait alors visé à éviter une crise systémique, elle s’accompagnait de la règle Volcker, limitant la spéculation des banques en se délestant des placements financiers spéculatifs.

La « relocalisation » des « vieilles » industries et le mythe de la création d’emplois

La politique d’Obama avait conduit à un quasi plein-emploi même si, bien entendu, il existait des zones sinistrées par la désindustrialisation. Les mesures prises vont raréfier le travail et augmenter les coûts salariaux dans un contexte inflationniste, tout en favorisant certaines vieilles industries. Les mesures d’attractivité par la baisse des impôts conduisent à des recréations d’emplois dans des secteurs menacés mais elles ont globalement des effets négatifs au niveau national. Le monde économique est celui des chaînes de valeur et non des importations et exportations nationales. Certains segments productifs d’industries « relocalisées » comme l’automobile peuvent être créateurs d’emplois mais les industries légères bénéficiant de faibles coûts de transport, ou les industries innovantes liées aux nouvelles technologies, sont insérées dans des chaînes de valeur. Les droits de douane ont pour effet de taxer la valeur ajoutée.

Les mesures pro-réchauffement climatique et l’accord sur le climat

Les déclarations, les choix des responsables et les mesures prises (grosses cylindrées, oléoducs, etc.), ont évidemment pour conséquence de renforcer le modèle énergivore, carboné, générateur d’externalités très négatives. Ils constituent un contre-exemple par rapport aux avancées des pays réticents (Canada, Russie, pays pétroliers). Ils contribueront vraisemblablement à accroître les catastrophes naturelles aux Etats-Unis et donc les coûts pour les sociétés d’assurance. Les décisions favorables au réchauffement climatique contribueront également à donner le leadership technologique aux pays investissant dans les nouvelles énergies, à commencer par la Chine.

Beaucoup d’inconnues demeurent. Le modèle proposé par Trump fait abstraction de toutes les interrogations du monde scientifique sur la durabilité de l’American way of life et les limites de l’American first. La politique est un art de compromis. La paix durable suppose que les forts n’humilient pas les faibles (Clausewitz). Le monde des affaires, mesuré à l’aune du dollar et des milliardaires, n’est pas un modèle de gestion d’un pays dans un monde complexe. La division devient profonde au sein des citoyens américains. Le devenir du monde dépendra des politiques des grandes puissances émergentes et de l’Union européenne. Les « trumperies » sont des opportunités notamment pour l’Europe pour se ressaisir, si la régulation de la mondialisation génératrice de fractures progresse mais également si les nationalismes étroits et les populismes ne l’emportent pas.

« Réinventer le progrès » – 3 questions à Pascal Canfin

Wed, 01/02/2017 - 10:39

Pascal Canfin, ancien ministre délégué au Développement et ancien député européen, est directeur général du WWF France. Il répond à mes questions à l’occasion de son ouvrage, « Réinventer le progrès : entretiens avec Philippe Frémeaux », co-écrit avec Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, et paru aux éditions Les Petits matins.

Vous écrivez qu’il n’y a pour le moment aucun pays qui ait à la fois un indice de développement humain satisfaisant et une empreinte écologique soutenable. Le développement durable serait-il une fiction ?

En effet, aucun pays ne parvient à concilier production soutenable et développement humain satisfaisant (IDH > 0,8). Ce constat peut provoquer deux réactions. La première consisterait à percevoir le développement durable comme une utopie impossible à concrétiser, une « fiction », tandis que la seconde (la mienne) envisage ce problème comme le défi de notre génération. Nous devons inventer l’économie neutre en carbone, celle qui respecte les ressources naturelles et assure le développement humain. Au fond le XXe siècle a été celui de l’explosion de la productivité du travail permettant un progrès social inégal dans l’histoire. Le XXIe siècle devra être celui de l’augmentation considérable de la productivité des ressources. Aujourd’hui, nous les gaspillons, nous utilisons pour des usages jetables des ressources rares et nous transformons la planète en une gigantesque poubelle.  La révolution de la productivité des ressources est un ressort de création d’emplois majeur et la condition pour ne pas subir les conséquences d’un dérèglement climatique incontrôlé.

Un appel d’offres émis par la ville de Budapest en 2015 pour des bus électriques a été emporté par un constructeur chinois. La Chine a également entamé un plan massif d’investissements dans les énergies renouvelables. Ira-t-elle jusqu’à prendre le leadership sur ce sujet ?

Si le continent européen est le plus pauvre en richesses naturelles, il est le plus riche en capital humain. Dès lors, le défi de l’économie européenne réside dans sa capacité à mobiliser cet avantage comparatif dans la mondialisation. Des industriels commencent à se projeter dans l’avenir d’une économie neutre en carbone mais ils sont encore trop peu nombreux. Alors qu’une partie des industriels européens avaient pris une longueur d’avance sur leurs concurrents mondiaux, votre exemple, comme beaucoup d’autres, illustre la diminution rapide de l’avance européenne au profit de la Chine, qui investit massivement dans la transition énergétique. La Chine a réalisé des investissements records dans les énergies renouvelables en 2015 avec plus de 100 milliards de dollars, soit 36 % des financements mondiaux. Cette tendance fait peser le risque que nous soyons devancés, à terme, dans des secteurs où nous étions précurseurs. C’est pour cela qu’un grand plan d’investissements dans l’économie verte, coordonné en Europe, serait à la fois bon pour l’emploi et pour notre compétitivité. Et bien sûr bon pour la planète !

En quoi le réchauffement climatique a-t-il des répercussions sur la conflictualité [Syrie, État islamique en Afrique de l’Ouest (ex-Boko Haram), etc.] ?

De nombreuses études théoriques et empiriques montrent les liens importants entre environnement et sécurité, car le changement climatique est à l’origine de nombreux phénomènes : il accroît la fréquence des sécheresses, des inondations, des tempêtes etc. et ces catastrophes provoquent une baisse des rendements agricoles qui se répercute sur les prix. Le New England complex systems institute a mis en évidence[1] la hausse du prix des aliments comme élément déclencheur principal des révoltes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Lorsque les habitants ne peuvent plus cultiver leurs terres ou s’alimenter, ils sont contraints de se déplacer pour survivre, et se rendent souvent sur des territoires où les ressources sont déjà pleinement exploitées. À ce titre, les exemples que vous évoquez sont révélateurs. La sécheresse historique qui a frappé la Syrie entre 2007 et 2010 a aggravé la lutte pour les ressources au sein d’une région déjà marquée par des rivalités politico-religieuses. En Afrique de l’Ouest, la réduction de 80% de la superficie du lac Tchad en quelques décennies a créé des tensions entre éleveurs et agriculteurs et a obligé certains hommes, qui se retrouvaient sans ressources, à travailler avec Boko Haram.

Les répercussions du changement climatique sur la conflictualité sont plus ou moins directes et parler de « multiplicateur de menaces », comme le fait le département d’État américain, est la meilleure façon de montrer que, s’il n’explique pas les conflits à lui seul, le changement climatique amplifie les tensions au sein des régions fragilisées. Pour résumer cette situation, on peut dire qu’un système insoutenable sur le plan environnemental provoque de l’instabilité, qui, ajoutée à d’autres facteurs de vulnérabilité (affrontements religieux, ethniques, politiques), augmente l’insécurité et multiplie le risque de conflits. Les migrations actuelles et à venir sont à la fois le témoin et le ferment de cette insécurité croissante. C’est pourquoi, s’engager dans la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement participe d’un travail de paix. D’ailleurs, le Comité Nobel norvégien l’a symboliquement reconnu dès 2007, en accordant au GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), le prix Nobel de la paix. La nécessité d’une approche 3S « soutenabilité-stabilité-sécurité » est désormais saisie par de nombreux spécialistes français et internationaux des questions environnementales, géostratégiques ou militaires, mais insuffisamment par les représentants politiques qui devront s’en emparer lors de l’élection présidentielle.

[1] https://arxiv.org/PS_cache/arxiv/pdf/1108/1108.2455v1.pdf

Mexique : réactions et alternatives aux menaces de Donald Trump

Tue, 31/01/2017 - 18:06

Comment les Mexicains réagissent-ils aux déclarations d’intention de Donald Trump de leur faire payer un mur à la frontière américano-mexicaine ?

Les annonces de Donald Trump, nouveau président des Etats-Unis, concernant la construction et le financement d’un mur frontalier par le Mexique s’inscrivent dans une série de déclarations hostiles aux Mexicains entamée bien avant son élection. Durant la campagne des présidentielles, Donald Trump avait en effet plusieurs fois tenu des propos à caractère xénophobe en associant notamment immigration mexicaine, à maladie, viol et criminalité. Ces multiples déclarations l’ont rendu très impopulaire au Mexique. Aujourd’hui, 83 % des Mexicains ont une vision négative de Donald Trump, d’après un sondage du quotidien El Financiero.

Le nouveau président américain a confirmé après sa prise de fonction cette hostilité à l’égard du Mexique alors même que le gouvernement mexicain a dans un premier temps essayé d’établir des bonnes relations avec son administration. Durant la campagne présidentielle, Enrique Peña Nieto, le chef d’Etat aztèque, avait reçu Donald Trump, s’attirant, les jours qui suivirent, les critiques de l’opinion et des partis politiques mexicains. La visite avait été perçue comme une humiliation par les Mexicains. Donald Trump, une fois rentré en territoire américain, avait non seulement réitéré son intention de construire le mur mais il avait ajouté qu’il le ferait payer aux Mexicains.

Une fois Donald Trump installé à la Maison Blanche, Enrique Peña Nieto lui a tendu une nouvelle fois la main. Il a nommé un ministre des Affaires étrangères Luis Videgaray. Il est considéré comme compatible avec Donald Trump dont il avait organisé la visite à Mexico durant la campagne présidentielle. Il a également extradé le narcotrafiquant mexicain « El Chapo Guzman », répondant à une demande de la justice étatsunienne restée en attente. Luis Videgaray et son collègue chargé de l’économie Ildefonso Guajardo avaient été envoyés à Washington pour préparer l’entretien entre les présidents américain et mexicain, censé avoir lieu le 31 janvier 2017. Mais en marge des pourparlers, Donald Trump a déclaré que les Mexicains financeraient le mur, d’une manière ou d’une autre, ajoutant que les Mexicains ont largement profité de l’Aléna et que l’accord devait être renégocié. Propos, ayant contraint Enrique Peña Nieto, sous la pression de l’opinion, des médias et des acteurs politiques mexicains, à annuler sa venue.

Donald Trump menace l’imposition d’une taxe aux importations en provenance du Mexique pour financer le mur. L’existence de l’Aléna est remise en cause. Quelles seraient les conséquences de l’annulation de la zone de libre-échange en Amérique du Nord pour le Mexique ?

C’est une décision inattendue pour le Mexique et pour un bon nombre d’Américains du Nord. Personne ne s’attendait à une remise en cause aussi rapide et brutale de l’Aléna, d’autant plus qu’il n’existe, pour l’heure, au Mexique, aucune option alternative sérieuse à la zone de libre-échange Aléna. Le gouvernement mexicain considère encore qu’un terrain d’entente peut être trouvé. Les deux économies sont en effet intégrées. Le Mexique a bénéficié, grâce à l’Aléna de multiples implantations nord-américaines, asiatiques, européennes.

Mais tenant compte de la conjoncture créée par D. Trump, les autorités mexicaines sont mises à la recherche d’alternatives. Elles essayent de bonifier les accords commerciaux signés avec les voisins latino-américains, et en particulier, ceux de l’Alliance du Pacifique : la Colombie, le Pérou, le Chili. Le Mexique surmontant sa rivalité historique avec le Brésil, explore la faisabilité de complémentarités, notamment dans le domaine agricole. Les exportations brésiliennes, dans ce domaine, mais aussi argentines, pourraient se substituer à celles des Etats-Unis. L’Union européenne, avec qui l’accord de libre-échange a été actualisé, pourrait également être approchée.

Une alternative plus effective pourrait être trouvée dans la zone pacifique. Le Mexique est signataire le Traité transpacifique (TPP) que Donald Trump refuse de ratifier. La Chine propose désormais aux pays de la zone pacifique de se substituer aux Nord-Américains comme partenaire commercial de référence. Par ailleurs, les dirigeants chinois ont également fait part de leur volonté d’intensifier leurs relations commerciales bilatérales avec les Mexicains.

Des alternatives existent donc à l’affaiblissement des liens commerciaux avec les Etats-Unis. Pour l’historien Lorenzo Meyer, après une première indépendance à l’égard de l’Espagne, l’action de Donald Trump ouvre peut-être la voie à une seconde indépendance, cette fois-ci sur le plan économique et vis-à-vis des Etats-Unis[1].

Quel est le bilan de l’actuel gouvernement mexicain ? Cette crise peut-elle affaiblir la position d’Enrique Peña Nieto ?

Le bilan d’Enrique Peña Nieto était un bilan en demi-teinte, à la fin 2016. La chute des prix du pétrole au moment où le Mexique cherchait des investisseurs étrangers dans le domaine des hydrocarbures, libéralisé à cet effet, a déstabilisé le budget national. L’état actuel du marché n’est pas suffisamment attractif pour inciter à ce genre d’investissements. La baisse des prix du baril, dont dépend fortement l’économie mexicaine, a engendré une baisse de ses revenus.

Après les hydrocarbures, le second pilier de l’économie mexicaine est lié à l’Aléna, à ses relations économiques avec les Etats-Unis. La dégradation des rapports américano-mexicains, cumulée à la chute des prix du baril ont contraint Enrique Peña Nieto, début janvier 2017, à augmenter les taxes sur l’essence. Impopulaire, la mesure a provoqué des émeutes et des pillages dans le pays.

Avec un bilan mitigé et des tensions avec son voisin nord-américain, la fin du mandat d’Enrique Peña Nieto s’annonce difficile. Cependant, il pourrait profiter de l’indignation générale des Mexicains à l’égard de Donald Trump pour s’assurer du soutien de son peuple face aux Etats-Unis, gage de cohésion nationale.

[1] Entretien in El Financiero, 29 janvier 2017

Trafic d’armes en situation post-conflit : quels enjeux ?

Tue, 31/01/2017 - 09:47

Jean-Pierre Maulny est directeur adjoint de l’IRIS. Il répond à nos questions à l’occasion du séminaire “Trafic d’armes en situation post-conflits : Etude de cas et enjeux”, organisé par l’IRIS et le GRIP, avec le soutien de la DGRIS, le mardi 24 janvier 2017 :
– Pourquoi avoir organisé un séminaire sur le trafic d’armes en situation post-conflit ?
– Quels sont les principaux enseignements du séminaire quant aux risques présentés par les trafics d’armes ?
– Comment s’organise la coopération internationale pour lutter contre le trafic d’armes ?

Les premiers pas diplomatiques (?) de Trump

Mon, 30/01/2017 - 18:42

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS

« Le droit au bonheur » – 3 questions à Pierre Haski

Mon, 30/01/2017 - 11:13

Pierre Haski, journaliste, a cofondé le site d’informations Rue89. Ancien correspondant en Afrique du Sud, au Moyen-Orient et en Chine, il est aujourd’hui chroniqueur de politique internationale à L’Obs. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage « Le droit au bonheur : la France à l’épreuve du monde », aux Éditions Stock.

Vous dîtes que la France se découvre « puissance moyenne dans une Europe malade ». Est-ce dû au fait que nos dirigeants aient perdu le sens du long terme ?

Il y a plusieurs raisons. D’abord, pendant longtemps, sous les présidences du général de Gaulle et de François Mitterrand surtout, la France a « boxé au-dessus de sa catégorie », pour employer une métaphore sportive. Leur posture pendant la guerre froide et le statut particulier de la France ont permis de donner à notre pays un surcroit d’influence dans un contexte de division du monde en blocs. La dernière manifestation de ce statut particulier a été, bien après la fin de la guerre froide, le refus français de participer à l’invasion de l’Irak décidée par l’administration Bush en 2003. Mais, loin d’annoncer un sursaut de l’esprit d’indépendance, ce fut le chant du cygne avant une période de reflux.

Depuis, le réel a rattrapé la France et l’Europe : dans la nouvelle recomposition du monde, nous avons manqué une marche, fait les mauvais choix, et le monde multipolaire que nous appelions de nos vœux dans les années 90 se construit au sein du pôle européen, et même contre lui (cf : Trump et Poutine). La France a tout intérêt à cesser de se gargariser de mots, comme le font souvent les candidats à la présidentielle, et à accepter son statut de puissance moyenne, au lieu d’adopter des postures pseudo-gaulliennes vides de sens. Il ne s’agit pas ici de plaider le renoncement, mais le réalisme : je dis et répète dans mon livre que la France ne manque pas d’atouts, à condition d’être lucide sur elle-même et sur le monde, et de comprendre les mécanismes de l’influence et de la puissance dans le contexte actuel.

Nos dirigeants politiques ont effectivement perdu le sens du long terme, à la fois en raison du « court-termisme » du système politique, suspendu à l’élection suivante, mais aussi de leurs propres parcours, de leurs formations intellectuelles, et de leur ignorance du vaste monde et de ses enjeux géopolitiques au moment de leur accession au pouvoir. Comment peut-on encore élire des dirigeants qui n’ont pas mis les pieds en Asie ou en Afrique et ne découvriront ces mondes émergents qu’à travers des visites officielles ou des relations d’État à État ? Ce n’est pas un sophisme, mais une condition sine qua non de la redéfinition d’une stratégie viable pour la France au XXI° siècle. Je plaide, de ce point de vue, pour revisiter d’urgence notre politique africaine, la débarrasser des restes de Françafrique et surtout de toute approche néocoloniale. À ce prix, nous « rentrerons dans l’Histoire », pour reprendre une phrase (tristement) célèbre.

La diplomatie française est-elle devenue occidentaliste ?

Lorsque Nicolas Sarkozy a décidé du retour de la France dans les structures militaires de l’Otan, il a dit vouloir supprimer une hypocrisie qui consistait à être « dedans et dehors à la fois ». Mais en réalité il a fait plus que ça : il a fait rentrer la France dans le rang, et même si la France ne s’est pas toujours alignée (avec l’Allemagne elle s’est ainsi opposée, à juste titre, à l’entrée de la Géorgie et de l’Ukraine dans l’Otan), elle a perdu sa singularité au profit d’un positionnement ouvertement atlantiste, ou, selon un mot plus contemporain, occidentaliste. Et la remarquable continuité, de fait, entre les quinquennats Sarkozy et Hollande n’en est pas le moindre paradoxe.

Dix ans plus tard, le tournant amorcé par Nicolas Sarkozy apparait d’autant plus comme une erreur qu’il est survenu à la fin de l’ère néo-conservatrice de George W. Bush, et au début de celle de Barack Obama qui, s’il a rendu une certaine dignité à la présidence des États-Unis, a amorcé un désengagement de la première puissance mondiale dont la Syrie a fait les frais, avec la diplomatie française en victime collatérale lors de l’épisode des « lignes rouges » de l’été 2013.

Aujourd’hui, tout est à reconstruire dans la doctrine diplomatique française, alors que démarre avec fracas l’ère Trump, ouvertement hostile à l’Europe et aux valeurs que défend la France. Je plaide dans mon livre pour un débat posé et informé sur la politique étrangère à la faveur de cette campagne électorale, qui se déroule dans un contexte de bouleversements stratégiques mondiaux. Quelle place pour la France en Europe et dans le monde ? Avec quelles alliances, quels objectifs, quels moyens ? C’est un débat-clé qui conditionne tout simplement le fait de savoir si nous allons subir le nouvel ordre mondial qui se dessine, ou en être les acteurs.

Vous déplorez l’importation en France du conflit au Proche-Orient. Que faudrait-il faire pour en limiter les effets négatifs ?

C’est un fait que la France, qui compte en son sein la plus grande communauté musulmane et la plus grande communauté juive d’Europe, est particulièrement sensible aux soubresauts du Proche-Orient, et en particulier du conflit israélo-palestinien. C’est le cas depuis très longtemps – sans remonter à la quatrième République, on rappellera que la guerre de juin 1967, il y a un demi-siècle cette année, avait eu un profond retentissement en France -, mais le facteur nouveau est l’émergence, dans les années 80, d’une génération de jeunes Français issus de l’immigration arabo-musulmane qui s’est mobilisée pour la cause palestinienne à partir de la première intifada dans les territoires occupés. Pouvait-on éviter qu’une partie des communautés juive et musulmane en France se retrouvent en opposition frontale sur ce sujet ? C’est sans doute naïf de le penser, en raison, d’une part, de la place centrale de la question palestinienne dans les inconscients collectifs juif et arabo-musulman, et, d’autre part, de l’évolution des relations intercommunautaires en France, marquées par la concurrence des mémoires, de la victimisation, des fantasmes et des réalités de l’influence et du statut social.

Pour autant, il me semble qu’on pourrait grandement limiter les effets négatifs de l’impact du conflit israélo-palestinien en France en construisant des passerelles au lieu de murs entre les communautés, comme on l’a fait ces dernières années. L’alignement total et inconditionnel des instances communautaires juives françaises – qui ne représentent pas l’ensemble des juifs de France mais sont les seules à s’exprimer en leur nom – sur la politique israélienne quelle qu’elle soit, a beaucoup contribué à cette opposition, tout comme la poussée de la composante religieuse dans la construction identitaire des Français musulmans. Là où, dans les années 80, les combats sociaux pour l’égalité permettaient à des juifs et des musulmans de se retrouver côte à côte, la radicalisation des positions rend désormais ce rapprochement difficile et rare.

Il manque aujourd’hui des voix courageuses, de part et d’autre, pour aller à contre-courant des forces qui poussent à l’affrontement, ou au moins à l’hostilité et l’éloignement. Des voix légitimes qui diraient que l’intérêt de tous, dans le contexte d’une société française fragilisée et divisée, et dans un monde redevenu dangereux et incertain, est de travailler à ce qui nous rassemble, pas à ce qui nous divise. Où sont-elles ?

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