You are here

IRIS

Subscribe to IRIS feed
Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 month 6 days ago

Guatemala, des résultats contre toute attente

Fri, 30/06/2023 - 17:39

Le 25 juin dernier se sont déroulées au Guatemala les élections présidentielles, législatives, municipales et celles du Parlement centraméricain. A la surprise générale, la victoire écrasante de partis de droite n’a pas eu lieu, et l’arrivée au second tour d’un candidat de centre gauche, Bernardo Arévalo, présente une lueur d’espoir pour un peuple qui est las de ses institutions politiques et d’une corruption endémique. Le grand gagnant de ce premier tour n’est autre que le vote nul, représentant plus de 17 % des suffrages exprimés, après l’éviction de trois des candidats qui ont appelé leurs partisans à ne voter pour aucun des candidats en lice ; ainsi que les votes blancs qui s’élèvent à 7%. L’abstention s’est établie elle à 40% (une proportion qui s’inscrit dans l’histoire d’un pays qui connaît des taux d’abstention massifs). Sandra Torres, placée en tête des sondages durant la campagne, a obtenu 15,7% des voix, devant Bernardo Arévalo, la surprise de premier tour, qui a recueilli 12% des suffrages exprimés (les sondages le pointaient en 8e position avec 3% d’intentions de vote). Manuel Conde, le candidat du parti gouvernemental sortant (Vamos, conservateur), s’est finalement hissé à la 3e place avec 7,8% de voix.

Pour la troisième fois, Sandra Torres, ancienne épouse de l’ancien président Alvaro Colom (2008-2012), sera donc au deuxième tour. S’auto-proclamant de « centre gauche », elle tente de plus en plus de capter les votes conservateurs en accentuant notamment ses propositions sécuritaires et en prenant pour modèle Nayib Bukele, le président d’El Salvador, dont la politique de répression des gangs fait écho dans les pays d’Amérique latine. Opposée au retour de la Cicig (Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, institution onusienne qui a démantelé plusieurs réseaux de corruption et qui a dû cesser ses activités en 2019 sur ordre du président de l’époque), Sandra Torres a été détenue en 2019 à la suite d’un « financement électoral illégal de son parti et association illicite ». Elle a passé 3 mois en prison, puis a été assignée à résidence, pour ensuite être acquittée en 2022. Sandra Torres, malgré sa popularité dans les milieux ruraux et chez les femmes, concentre une grande proportion de « votes de rejet » (« antivoto »), correspondant au fait qu’un grand nombre de citoyens préféreraient allouer leur vote pour n’importe quel autre candidat plutôt qu’elle. Son programme se veut de centre-gauche, incluant le « retour de programmes sociaux » mis en œuvre sous la présidence de son ancien époux Alvaro Colom, l’octroi d’un « demi-salaire minimum » aux mères célibataires, la suppression de la TVA sur les paniers des ménages, ainsi que des projets d’accords bilatéraux avec le gouvernement de Nayib Bukele à visée sécuritaire. Selon la politologue Gabriela Carrera, si Torres venait à gagner, il s’agirait de la continuité du gouvernement d’Alejandro Giammattei, avec la nuance de politiques clientélistes plus liées aux aides sociales.

Arévalo est le fils de l’ancien président Juan José Arévalo, premier président élu démocratiquement après la « révolution d’octobre » de 1944. Son parti, Semillas, (« Graines », centre-gauche) se présente comme social-démocrate et progressiste (malgré le fait qu’Arévalo se positionne contre le mariage pour tous et l’avortement). Il est né à la suite des révoltes de 2015 (contre l’ancien président Pérez Molina jugé pour corruption), pour s’ériger en tant que groupe d’analystes sur ces événements. Le Guatemala étant un pays où dominent les forces conservatrices, il s’agit là d’une vraie surprise qu’un parti de gauche parvienne au deuxième tour. Pourtant, pour certains experts, il ne s’agit pas tant d’un vote en faveur du parti Semillas, mais plus d’un vote de contestation contre un système politique épuisé et qui ne répond plus aux attentes des Guatémaltèques, comme le prouvent les chiffres de l’abstention, des votes nuls, et blancs. Arévalo, pour sa part, est largement soutenu par les jeunes et les mouvements étudiants, notamment au sein des zones urbaines. Son programme se définit avec 10 axes de travail, parmi lesquels se trouvent des politiques de développement social, l’amélioration de l’infrastructure économique, des politiques sécuritaires, l’amélioration de l’assistance et de la sécurité sociales, et des politiques environnementales, entre autres. Il s’est publiquement prononcé contre la criminalisation de journalistes, juges et procureurs qui ont été contraints de s’exiler sous le gouvernement de Giammattei. Il accuse également les derniers gouvernements d’avoir « réduit l’espace démocratique et d’avoir instauré des mesures autoritaires au sein du pays », et déplore le départ de la Cicig. Il déclare vouloir engager des politiques visant la restauration de garanties démocratiques, notamment au travers de la création d’un Système national anticorruption.

Pour le politologue Renzo Rosales, ces résultats sont la preuve qu’il existe une crise de la représentation démocratique au Guatemala. La désaffection des candidats est élevée (notamment envers Sandra Torres), ainsi que celle concernant le système politique actuel. Selon le chercheur, il sera difficile de gouverner pour les deux candidats. Arévalo propose un programme qui semble aller à contre-courant de ce qu’a pu vivre le Guatemala jusqu’à présent, du fait de ses propositions à caractère social et de son orientation à gauche. Torres, quant à elle, aurait plus d’appuis au Congrès et son programme est plus « ductile et se conforme aux attentes [du marché] ». Le caractère inattendu des résultats provient du fait que plusieurs candidats qui partaient favoris ont été exclus par le Tribunal suprême électoral parce que « perçus comme antisystème » (Thelma Cabrera et Carlos Pineda notamment). Le « Pacte de corrompus », un regroupement d’oligarques, d’hommes d’affaires, parfois même de trafiquants de drogues est considéré comme une sorte de « dictature de la mafia corporatiste » qui tient les rênes des réseaux économiques et politiques du pays. Ces élections étaient, selon Renzo Rosales, l’occasion pour ce microcosme élitiste de venir étendre son pouvoir au sein des municipalités, du Congrès et du palais présidentiel, en faisant fi du système de partis politiques, puisque 24 des 30 partis inscrits au début de la campagne électorale répondaient aux attentes du « Pacte des corrompus ».

Enfin, s’agissant des élections législatives, les résultats des votes sont éclatés entre plusieurs partis : le camp présidentiel « Vamos » a obtenu le plus grand nombre de sièges (39 sur 160 au total), le parti « UNE » de Sandra Torres, 28, « Semillas », 23. Aucune formation ne disposera donc d’une majorité. Deux autres partis ont obtenu un résultat supérieur à 10 sièges : « Cabal » (parti de l’ex-candidat de centre-droit Edmond Mulet avec 18) et « Viva » (Armando Castillo et Édgar Grisolia avec 11). Ces résultats font état d’une grande fracture et d’une fragmentation politiques, et ne faciliteront pas la tâche du ou de la prochain.e locataire du palais présidentiel, pour qui le premier chantier doit impérativement être la reconstruction du dialogue démocratique national.

————————

Sources :

https://www.bbc.com/mundo/noticias-america-latina-66016616

https://www.rfi.fr/es/programas/noticias-de-am%C3%A9rica/20230627-guatemala-las-elecciones-dejan-entrever-un-futuro-dif%C3%ADcil-para-le-pr%C3%B3ximo-gobierno

https://www.msn.com/es-cl/noticias/mundo/elecciones-en-guatemala-candidato-sorpresa-disputar%C3%A1-balotaje-tras-primera-vuelta-donde-gan%C3%B3-el-voto-nulo/ar-AA1d5ICb

https://nuso.org/articulo/Guatemala-elecciones/

https://www.nodal.am/2023/06/sandra-torres-y-bernardo-arevalo-iran-al-balotaje-y-el-voto-nulo-quedo-en-primer-lugar/

https://legrandcontinent.eu/fr/2023/06/25/10-points-pour-comprendre-les-elections-de-2023-au-guatemala/

Sahel : de quelles luttes d’influence parle-t-on?

Thu, 29/06/2023 - 11:45


Suite à la condamnation de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko le 1er juin dernier, son parti (Pastef) a appelé à la mobilisation contre le président Macky Sall, faisant craindre une déstabilisation du pays. De nombreux médias ont alors révélé que le parti serait largement financé par le Qatar, interrogeant sur son influence politique et religieuse sur le Sénégal, et plus largement sur la lutte d’influence opérée par des puissances étrangères sur toute la zone sahélienne. En quoi le contexte est-il propice à de telles pressions, et quels sont les intérêts de ces pays dans la région ? La France, qui a dû se retirer du Mali, joue-t-elle encore un rôle dans cette guerre d’influence ? Le point avec Jean-Marc Gravellini, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste des enjeux sécuritaires et de développement dans la zone sahélienne.

Le Sénégal traverse une crise politique majeure depuis la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko le 1er juin 2023. Quel rôle jouent les puissances étrangères dans cette crise ? Quelles sont les « forces occultes » dénoncées par les personnalités proches du président Macky Sall ?

Il est difficile d’être catégorique sur l’interférence de puissances étrangères, mais on a malgré tout plusieurs indices. La presse – et une presse plutôt bien informée, qui n’a pas de parti-pris particulier – assure qu’Ousmane Sonko et son parti bénéficient de financements, notamment en provenance du Qatar. Cela est à restituer dans deux contextes.

On constate aujourd’hui que les mouvements prônant un islam radical proche idéologiquement du Qatar et d’autres émirats, contestent des gouvernements comme celui de l’Ouganda et de la RDC. Or, ces pays, qui subissent ces tentatives de déstabilisation, devraient devenir à l’échelle du continent de grands producteurs d’énergies fossiles.

Le deuxième phénomène, qui est à mon avis beaucoup plus ancien, est celui des tentatives de pénétration d’un islam radical, traditionnel et d’inspiration wahhabite, sur des pays africains notamment sahéliens. On observe toute une stratégie d’implantation de ces réseaux à travers des mosquées, l’enseignement coranique, des rapprochements avec certains leaders religieux. Il y a ainsi une opposition entre un islam sunnite tolérant d’inspiration soufie – qui est la tradition dans ces pays sahéliens, y compris le Sénégal avec ses confréries mourides et tidjanes –, et une tentative de pénétration à l’œuvre depuis plusieurs années d’un islam plus radical, rigoriste et wahhabite.

Dans le contexte rappelé plus haut d’émergence d’enjeux économiques majeurs, aggravé de rivalités entre les différents mouvements de l’islam sunnite, le risque de déstabilisation est grand.

À chaque fois – et c’est vrai pour les mouvements islamistes, mais aussi pour les puissances étrangères comme la Russie –, ces tentatives interviennent à des moments où les pays connaissent des crises et des problèmes de gouvernance.

Aujourd’hui, la contestation par Ousmane Sonko d’un nouveau mandat pour le président Macky Sall et sa poursuite par la justice sénégalaise créent un climat favorable aux mouvements sociaux, portés en particulier par la jeunesse. Tout compte fait, c’est donc le moment idéal pour que des tentatives de déstabilisation en provenance de l’extérieur agissent au Sénégal, dans un contexte où les enjeux économiques, et notamment pétroliers et gaziers, sont très importants.

Plus largement, on observe dans tout le Sahel une lutte d’influence de la part des puissances politiques et religieuses étrangères. Quels en sont les acteurs émergents et les ressorts ?

Le contexte général dans les pays sahéliens (particulièrement au Mali et au Burkina Faso) est caractérisé par des crises multiples aux temporalités différentes qui s’accumulent, se croisent, et créent un environnement propice à l’intervention de puissances extérieures qui saisissent le moment pour s’affirmer.

Il est d’abord le fait d’échec des politiques économiques, mais aussi la crise socio-politique, avec une contestation très forte des pouvoirs centraux par les éléments périphériques de la société, comme les Touaregs, ou encore par la remise en cause de l’autorité traditionnelle des anciens par la jeunesse. Ce sont aussi des crises ethniques ancestrales (la question de la place des Peuls dans la société retrouve toute son acuité, mais aussi la prédominance Mossi contestée au Burkina Faso), auxquels s’ajoutent des conflits sociopolitiques, avec des populations sédentaires et agricoles s’opposant aux populations d’éleveurs nomades. Toutes ces crises constituent aujourd’hui un terreau favorable à la déstabilisation.

La crise climatique impacte également beaucoup plus fortement encore ces pays sahéliens. Si les prévisions se réalisent, l’augmentation de la température sera 1,5 fois supérieure à celle qu’on enregistrera ailleurs dans le monde. On constate déjà une baisse des rendements agricoles d’environ 20% tous les dix ans.

Les crises extérieures compliquent aussi la situation de ces pays. La crise en Algérie dans les années 2000 a par exemple eu pour conséquence l’arrivée de terroristes du GIA (Groupe islamique armé) au Mali. On peut également citer la crise en Libye et la crise migratoire. Chaque année, huit millions de personnes migrent depuis le Sahel, dont sept millions dans la région.

Quant à la situation sécuritaire, elle est dramatique dans plusieurs pays comme au Mali où près de 80% du territoire malien n’est plus contrôlé par l’État central, ou encore au Burkina Faso à plus de 60%.

Ce contexte caractérisé par de nombreuses crises est un terreau fertile pour des puissances étrangères qui tentent de s’implanter et d’influencer ces pays, notamment au plan religieux avec l’opposition entre un islam sunnite soufi tolérant et un islam plus rigoriste.

Sans oublier de mentionner bien évidemment certaines puissances, dont la Russie directement ou via la milice Wagner, qui veulent également positionner leurs pions. Il s’agit ici d’une influence politique, diplomatique, mais aussi économique du fait de l’exploitation de mines d’or et d’usines par exemple.

La France est-elle désormais hors-jeu dans cette lutte d’influence ?

Dans ce contexte – et en particulier dans les pays sahéliens francophones –, il faut trouver un bouc émissaire. Et la France, en tant qu’ancienne puissance coloniale très présente sur les plans militaire et économique, est pointée du doigt. Il y a donc une attention particulière sur l’Hexagone, qui a contrario n’est pas du tout portée de la même manière par les pays anglophones de l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe.

Plus généralement, on peut affirmer qu’il existe une forme de rejet des valeurs de l’Occident, qui s’exprime à l’encontre de la France dans ses anciennes colonies.

Ce rejet de l’Occident a plusieurs sources. Il y a le « deux poids, deux mesures », c’est-à-dire la façon dont les Occidentaux paraissent réagir de manière différenciée en fonction des partenaires et de leur perception des enjeux. Deux exemples : face à la crise sanitaire, l’Occident a su mobiliser des moyens considérables pour préserver avant tout ses intérêts, ou encore la guerre en Ukraine qui a amené les pays occidentaux à dégager des ressources très importantes pour contrer l’expansionnisme russe en Europe, ce qui n’a pas été fait dans de mêmes proportions dans d’autres régions notamment africaines. Cela crée un ressentiment. Il y a aussi la contestation parfois épidermique du modèle politique avec le rejet de la démocratie, mais aussi des valeurs qu’elle porte comme la défense des droits des minorités, notamment LGBT. Dans beaucoup de pays d’Afrique, on assimile parfois la laïcité à la défense des droits des LGBT, ce qui est évidemment un non-sens. Au Sahel et plus généralement en Afrique de l’Ouest et centrale, c’est finalement le rejet global des valeurs de l’Occident qui s’exprime au travers du rejet de la France.

Mais, les évènements en Russie, l’effondrement possible de ce régime mafieux, et la position désormais compliquée de la milice Wagner pourraient peut-être amener quelques remises en cause des alliances passées récemment au Mali voire au Burkina Faso.

On peut aussi s’attendre, selon les déclarations du président Macron en février dernier, à des évolutions de la politique française, notamment sur le plan militaire avec des bases mixtes ouvertes aux contingents africains. Ces évolutions combinées à une présence plus âpre sur les réseaux sociaux pourraient peut-être permettre une redistribution des cartes.

La situation de la France dans ces pays n’est donc pas totalement désespérée, et on peut assister à des revirements, si toutefois trois conditions sont réunies : 1) une coopération davantage partenariale dans les domaines politique, militaire et économique, 2) des dirigeants africains qui assument vis-à-vis de leur opinion publique leur choix et leurs alliances, comme c’est le cas aujourd’hui au Niger, et enfin 3) la prise en compte à sa juste valeur des menaces extérieures qui pèsent sur ces pays du point de vue économique et sur fond de rivalités religieuses et civilisationnelles.

Moyen-Orient : quelles recompositions géopolitiques ?

Wed, 28/06/2023 - 17:25

Depuis quelques semaines désormais, de nouvelles alliances semblent se dessiner au Moyen-Orient et plusieurs États, notamment l’Iran, l’Arabie saoudite et la Turquie, tentent de s’affirmer et de prendre une forme de leadership dans la région. Quelles sont les recompositions géopolitiques à l’œuvre au Moyen-Orient ? Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, vous donne rendez-vous régulièrement pour les chroniques du Moyen-Orient.

 

Le dollar, de l’hégémonie à la remise en question

Wed, 28/06/2023 - 16:37

Lors de sa visite en Chine en avril 2023, le président brésilien Lula Da Silva interrogeait les raisons de l’hégémonie du dollar, suggérant l’utilisation de devises concurrentes pour les échanges internationaux. Il faisait écho aux voix de plus en plus nombreuses à s’élever contre la toute-puissance de la monnaie américaine. Le dollar est perçu comme un instrument de domination dont abusent les États-Unis pour s’endetter et faire appliquer leur droit à l’étranger. Plus encore : avec l’augmentation des sanctions américaines – y compris contre des pays alliés -, l’émergence d’économies concurrentes, et la remise en cause de l’ordre mondial hérité de la fin de la guerre froide, la dédollarisation est un processus déjà bien enclenché.
Alors, comment le dollar s’est-il imposé comme LA monnaie internationale, symbole de la puissance économique des États-Unis ? Conservera-t-il encore longtemps son hégémonie ? Jusqu’où ira le phénomène de dédollarisation de l’économie mondiale ?
Éléments de réponse en vidéo agrémentée de photos, cartes et graphiques.

« L’Arabie saoudite copie le modèle du Qatar »

Tue, 27/06/2023 - 20:12

En quoi l’approche de l’Arabie Saoudite est-elle comparable à celle du Qatar ?

L’Arabie Saoudite copie clairement le modèle du Qatar en faisant à Newcastle ce que QSI a fait au PSG et en se positionnant pour organiser une Coupe du monde de football à l’horizon 2030-2034. Les objectifs sont les mêmes ; à savoir s’acheter une bonne image.

En quoi est-elle différente ?

Au contraire du Qatar, l’Arabie Saoudite attire des joueurs d’envergure internationale dans son propre championnat. D’abord parce qu’il est, à la base, d’un meilleur niveau footballistique, ensuite parce que le PIB du pays est quatre à cinq fois supérieur à celui du Qatar donc lui offre encore davantage de possibilités financières pour diversifier ses investissements.

Enfin, le besoin de redorer son image est bien plus important en Arabie qui a une approche moins moderne de l’Islam et applique une charia plus rigide, pour compenser la répression du régime du Prince MBS (Mohamed ben Salmane) et effacer les traces de la guerre au Yémen et de l’assassinat de Jamal Khashoggi (journaliste saoudien opposant au régime assassiné au sein du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul en octobre 2018, Ndlr).

A terme, est-ce un danger pour le football européen ?

Pour le moment non car ça ne concerne que les joueurs en fin de carrière. Jusqu’à présent, l’Europe a pillé les pays africains et sud-américains, où très peu de joueurs du cru évoluent dans leur équipe nationale. Désormais, nous sommes concurrencés par plus riches que nous. Il va falloir s’y faire.

Il faut voir si la greffe va prendre ou si l’évolution va plutôt ressembler à ce qui s’était passé aux Etats-Unis à l’époque du Cosmos de New-York dans les années 80. Même si, à travers CR7, Benzema ou Kanté, avec Messi s’il avait accepté, l’Arabie Saoudite recrute avant tout des millions de followers pour gagner en visibilité internationale.

Pour savoir si leur championnat peut devenir une vraie alternative aux championnats européens, nous aurons une première réponse avec N’Golo Kanté. S’il est toujours appelé en sélection par Didier Deschamps, ça ne peut que le crédibiliser.

 

Propos recueillis par Frédéric Denat pour Le quotidien du sport.

Guatemala : les enjeux d’une élection en Amérique centrale

Wed, 21/06/2023 - 17:29

Le 25 juin prochain, la population guatémaltèque est appelée aux urnes pour élire son ou sa prochain.e chef d’État et vice-président.e, les 160 membres du Congrès, plus de 300 maires, ainsi que 20 élus du Parlement centraméricain. Dans le cas où aucun des candidats pour la présidence n’obtient la majorité absolue au premier tour, un deuxième sera organisé le 20 août. Une conclusion au premier tour reste virtuellement impossible avec plus de vingt candidats en lice. Ces élections au sein du pays le plus peuplé d’Amérique centrale (17,8 millions d’habitants) ont lieu dans un contexte social de défiance envers le régime et les institutions. Cela s’explique notamment par de très nombreux cas de corruption des élites dirigeantes, et par un glissement du pouvoir actuel, incarné par Alejandro Giammattei depuis 2020, vers un régime de plus en plus autoritaire, voire considéré autocratique pour certains. Cette situation se traduit par un sentiment de rejet et de lassitude partagé. En effet, sur un corps électoral de près de 9 millions d’habitants, presque un tiers d’entre eux ne se sont pas inscrits sur les listes électorales.

Malgré le fait que l’économie du Guatemala soit la première de la région (86 milliards de dollars de PIB en 2020), c’est également une des plus inégalitaires avec 60% de la population vivant sous le seuil de pauvreté et 56% concernée par des phénomènes d’insécurité alimentaire. Les populations indigènes, qui représentent près de 45% de la population totale (le taux le plus haut d’Amérique centrale) sont les plus touchées. Les gouvernements successifs ont historiquement toujours rechigné à investir dans des projets d’infrastructures et de développement pourtant indispensables. La crise sanitaire du Covid-19 a fait chuter le PIB d’un point et demi, mais le Guatemala a fait preuve de résilience et l’économie a enregistré une croissance du PIB de respectivement 8% et 4% en 2021 et 2022. Cela s’explique en partie par la stabilité des secteurs exportateurs pendant la crise, notamment de matières premières telles que des produits agricoles (bananes, canne à sucre, café) ; mais aussi produits chimiques et textiles. La reprise de l’économie nord-américaine a également joué un rôle dans la résilience de celle du pays, en favorisant l’augmentation des envois de fonds (remesas) des diasporas à l’étranger, notamment depuis les États-Unis où vivent 3 millions de Guatémaltèques. Ces « remesas » représentent plus de 15% du PIB du pays. De par ses relations historiques et actuelles avec les États-Unis, le Guatemala est un des seuls pays de la région à prendre une position pro-occidentale sur la scène internationale. Il s’agit de l’un des derniers pays centre-américains à reconnaître la souveraineté de Taiwan, et sur la question de la guerre en Ukraine, Alejandro Giammattei est le seul président de toute l’Amérique latine à avoir explicitement soutenu Kiev en se rendant à la rencontre du président Zelensky dans la capitale ukrainienne en 2022.

Les Guatémaltèques auront, lors du premier tour de l’élection présidentielle, le choix parmi plus de 20 candidats. Cependant, le Tribunal suprême électoral a d’ores et déjà écarté trois d’entre eux de la course pour des raisons d’ordre juridique qui ont été contestées avec véhémence par les principaux concernés. La plupart des analystes politiques jugent que ces décisions constituent un « simulacre de démocratie » et s’inquiètent de la dégradation de l’État de droit au Guatemala.

Le premier candidat à avoir vu sa candidature refusée par l’instance électorale est Roberto Arzu, membre du parti politique Podemos (droite). Thelma Cabrera (Movimiento para la Liberación de los Pueblos, gauche), issue des peuples autochtones mayas, s’est également vue dénier la possibilité de joindre la liste de candidats. Son colistier Jordan Rodas, ancien procureur spécialiste des droits humains, fait l’objet d’une enquête suite à une plainte déposée par son successeur. Il dénonce une stratégie d’exclusion politique pour un parti d’opposition qui a une base électorale importante avec l’appui des minorités ethniques indigènes et qui est arrivé en quatrième place lors des élections précédentes. Le troisième candidat à s’être fait écarter de la course présidentielle est l’homme d’affaires Carlos Pineda et son parti Prosperidad Ciudadana (droite), favori dans les sondages avec près de 23% d’intentions de vote. Il a pareillement critiqué la décision du Tribunal suprême électoral, postant sur son compte Twitter : « La corruption a gagné, et le Guatemala a perdu ». Un ancien chef du parquet anticorruption a été arrêté le même jour que l’éviction de Carlos Pineda, remettant en cause l’impartialité des institutions accusées de garder en place un pouvoir autoritaire et corrompu.

Le Guatemala traverse depuis plus de 5 ans une crise socio-politique liée en grande partie aux nombreuses affaires de corruption au sein du gouvernement. L’expression devenue commune de “Pacte de corrompus” regroupe oligarques, hommes d’affaires et parfois même trafiquants de drogue qui s’allient afin de passer outre les institutions publiques et garantir leur immunité. En 2007, a été créée la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), institution onusienne qui a démantelé plusieurs réseaux de corruption et qui a envoyé l’ancien président Otto Pérez Molina en prison en 2015 pour ces mêmes raisons. De grandes manifestations ont alors eu lieu dans tout le pays, donnant voix à une société civile jusqu’alors inexistante. La CICIG a été contrainte d’arrêter ses activités en 2019 sur l’ordre du président de l’époque Jimmy Morales lorsque ce dernier a fait l’objet d’une enquête liée au financement illicite de sa campagne, malgré une grande popularité au sein de la population. Sous la présidence d’Alejandro Giammattei, environ 30 juges et procureurs spécialistes de la lutte contre la corruption ont été contraints de s’exiler. De même, la liberté de la presse est mise à mal, avec nombre de journalistes enquêtant sur des scandales de corruption à répétition qui sont ensuite poursuivis en justice et parfois contraints de s’exiler. En témoigne le sort du quotidien El Periodico, symbole de la presse d’opposition, qui a dû cesser ses publications le mois dernier après de nombreuses tentatives d’intimidation et de procès politiques de la part de l’État. De nombreuses ONG, ainsi que des gouvernements, dénoncent une tentative de « criminalisation » du travail de journaliste au Guatemala. Malgré ces évictions témoignant de la détérioration des mécanismes institutionnels, d’une liberté de la presse bafouée, d’une corruption généralisée à peine dissimulée, la population guatémaltèque ne compte pas se précipiter aux urnes le 25 juin, faisant état d’un désintérêt et d’une lassitude partagée.

À la suite des trois exclusions, il reste donc 22 candidats en lice. Trois dénotent et sont placés en tête, notamment grâce à l’éviction de Carlos Pineda qui leur bénéficie en distribuant ses voix. Sandra Torres, avec son vice-président Romeo Guerra, représente le parti Union Nacional de la Esperanza se revendiquant de « centre gauche », et est considérée favorite avec 23% d’intentions de vote. Ex-première dame, ancienne épouse d’Alvaro Colom, elle a déclaré vouloir mettre en place des mesures sécuritaires similaires à celles de Nayib Bukele, président du Salvador. Le dirigeant populiste-autoritaire est devenu une figure en Amérique latine (avec un taux d’approbation situé dans son pays entre 70% et 90% selon les enquêtes) grâce à sa stratégie de répression agressive des gangs déployée depuis mars 2022. Son gouvernement a fait emprisonner plus de 68 000 personnes affiliées ou non aux réseaux de trafic salvadoriens au travers d’arrestations arbitraires, piétinant l’État de droit, et présageant un tournant vers l’autoritarisme. Sandra Torres n’est pas la seule à s’inspirer largement des méthodes Bukele : c’est également le cas de Zury Rios (Valor, extrême droite, avec comme pour colistier Héctor Cifuentes), en troisième position avec 19% d’intentions de vote, et qui, constitutionnellement, ne devrait pas être en mesure de se présenter à l’élection, étant la fille de l’ancien dictateur Efrain Rios Montt. Zury Rios a exprimé son admiration envers Bukele, promettant qu’elle lancerait au moins trois projets de construction de « méga prisons ». Entre Zury Rios et Sandra Torres se trouve Edmond Mullet avec son vice-président Max Santa Cruz (Cabal, centre droit) qui comptabilise 21% d’intentions de vote.

Il est intéressant de noter que peu d’informations relatives aux programmes des candidats sont accessibles, à la fois dans les médias, mais aussi sur les sites internet, et surtout que peu de choses différencient ces programmes. Ces derniers sont principalement axés autour de propositions sécuritaires et, curieusement, autour de la lutte contre la corruption, sans qu’ils ne parviennent à établir de véritables propositions au profit de la population. En ce qui concerne le parti sortant (Vamos, conservateur), le score du candidat, Manuel Conde, et de son colistier Luis Suarez, montre l’impopularité du gouvernement d’Alejandro Giammattei : les intentions de vote pour eux s’élèvent à peine à 4%.

C’est donc dans un contexte de fermeture de l’espace démocratique et d’atteintes à l’État de droit que vont se dérouler les élections d’ici quelques jours. L’unique possibilité de construire une force d’opposition se situe au sein de l’élection des membres du Congrès, avec une coalition de députés qui puisse être indépendante du pouvoir exécutif.

Visite d’Anthony Blinken à Pékin : une volonté d’apaisement ?

Tue, 20/06/2023 - 14:32

 

Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a effectué une visite officielle de deux jours en Chine au cours de laquelle il s’est entretenu avec le président chinois Xi Jinping le 19 juin 2023, une première depuis la visite de Mike Pompeo il y a cinq ans. Alors que les tensions se cristallisent entre les deux pays, Pékin et Washington semblent vouloir renouer le dialogue. Quels étaient les enjeux de cette rencontre bilatérale ? Comment la relation sino-américaine est-elle susceptible d’évoluer, notamment à l’aune des élections présidentielles américaines ? Le point avec Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l’IRIS, en charge du Programme Asie-Pacifique.

Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken s’est rendu à Pékin pour une visite officielle de deux jours au cours de laquelle il s’est entretenu avec son homologue chinois, Qin Gang, et le président Xi Jinping. Dans quel contexte s’inscrit cette rencontre bilatérale ? Quels en étaient les enjeux ?

Le premier enjeu, qui peut paraitre simple, mais s’avère crucial, concerne la reprise du dialogue. Depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden et, plus encore, la rencontre très tendue entre Anthony Blinken et son homologue de l’époque Wang Yi à Anchorage début 2021, la relation sino-américaine s’est non seulement dégradée, mais elle s’est surtout accompagnée de critiques très vigoureuses exprimées réciproquement et à distance par les deux pays. C’est également la première visite officielle d’un secrétaire d’État américain en Chine depuis celle de Mike Pompeo en octobre 2018, il y a près de cinq ans, avant la pandémie. L’actuel locataire de Foggy Bottom devait se rendre à Pékin en début d’année, mais son déplacement fut reporté sine die en raison de la crise provoquée par l’affaire des ballons « espions » survolant le territoire américain. Pendant cette période de tensions, en particulier au cours des dernières semaines, la Chine a relancé sa diplomatie, multipliant les déplacements et les accueils d’officiels. Il était donc important pour les États-Unis de reprendre le dialogue, et de matérialiser cette visite officielle attendue.

Anthony Blinken et Xi Jinping ont déclaré avoir trouvé des « terrains d’entente ». Le gouvernement chinois a notamment assuré qu’il ne fournirait pas d’armes à la Russie dans le cadre de la guerre en Ukraine, selon les propos rapportés par le secrétaire d’État américain. Néanmoins, de nombreux dossiers, tels que la question taiwanaise ou la rivalité commerciale, continuent de cristalliser les tensions entre les deux puissances. Quelle voie semble emprunter la relation sino-américaine à l’issue de cette rencontre ?

Sur certains sujets, le dialogue est dans l’impasse. C’est notamment le cas de Taiwan ou des droits de l’homme en Chine. En « faisant la leçon » à Pékin lors de la rencontre d’Anchorage, Anthony Blinken avait adopté la stratégie du parler-vrai, voire du rentre-dedans, mais sans aucun espoir de succès. Cette stratégie rompait avec celle de son prédécesseur, soucieux de négocier les relations commerciales, sans évoquer les autres points de divergence. C’est cependant, précisément, sur les questions commerciales que les négociations sont possibles, et le déficit commercial américain très important en 2022, supérieur à 380 milliards de dollars, ne peut laisser insensible la Maison-Blanche. Cela ne veut pas dire que les autres points de divergence sont négligés, mais on entre dans une nouvelle séquence entre les deux pays, notamment quand on voit que Qin Gang, homologue d’Anthony Blinken depuis le début de l’année, a accepté une visite officielle à Washington, à une date qui reste à déterminer. Comme quoi la diplomatie commence, le plus simplement du monde, par la volonté de se parler. Il y a, dans cette visite d’Anthony Blinken, quelque chose de rassurant à l’heure où les apôtres de l’apocalypse sont omniprésents.

Dans quelle mesure les élections présidentielles américaines de 2024 pourraient-elles remettre en cause cette volonté de stabilisation des relations entre Pékin et Washington ?

L’inquiétude américaine liée à l’affirmation de puissance de la Chine est l’un des rares points de convergence entre Démocrates et Républicains, qui partagent depuis maintenant plus d’une décennie une sorte d’obsession chinoise. La méthode dans l’engagement vis-à-vis de Pékin peut cependant différer, comme on a pu l’observer au cours des trois dernières administrations. En d’autres termes, la nature de la rivalité sino-américaine, qui s’inscrit dans la durée, ne changera pas, quel que soit le locataire de la Maison-Blanche. En revanche, un retour des Républicains pourrait se traduire par l’amplification de l’accent mis sur l’intérêt national, et donc les relations commerciales.

MBS à Paris : les enjeux d’une visite

Tue, 20/06/2023 - 10:41

La longue visite que Mohammed Ben Salmane (MBS) – plus de 10 jours – est en train d’effectuer en France suscite des réactions nombreuses et contrastées.

Comme très souvent, on oppose à cette occasion une diplomatie morale, qui conduirait à prendre ses distances avec le prince héritier et homme fort du royaume, et realpolitik qui conduit à lui dérouler le tapis rouge. Reconnaissons au président Macron une réelle constance, il n’a jamais été question pour lui de boycotter MBS, tandis que le président Biden voulait en faire un paria. Joe Biden a bien été contraint de se rendre à Riyad pour demander au prince d’augmenter sa production pétrolière. MBS a fait exactement l’inverse quelque temps après, de surcroît en liaison avec la Russie. Mais il a également accueilli le président Volodymyr Zelensky lors d’un sommet de la ligue des États arabes alors que ce dernier faisait route pour le G7 d’Hiroshima. Et il y a eu une réconciliation historique et la réouverture des relations diplomatiques avec l’Iran sous l’égide de la Chine. Bref, MBS entend n’être plus dans une relation de dépendance unique avec les États-Unis et on peut dire que le Pacte du Quincy, établi en 1945, et selon lequel, en échange de la protection du régime saoudien, Washington obtenait un accès privilégié au pétrole saoudien, est révolu.

Emmanuel Macron estime que l’Arabie saoudite est un pays incontournable, et étant âgé de 38 ans, il est probable que MBS y soit à la tête très longtemps. Le PIB saoudien est 2 fois supérieur à celui des Émirats, 4,5 fois à celui du Qatar et se situe au 21e rang mondial.

Donc le président français clôt le chapitre de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, qui près de cinq ans plus tard, colle toujours à la réputation de MBS. Si l’on se situe sur le terrain des valeurs, on peut d’ailleurs s’étonner que la mort de ce journaliste, certes très bien introduit à Washington, compte plus que les dizaines de milliers de Yéménites qui ont été tués du fait d’opérations militaires saoudiennes.

Le prince héritier veut changer non seulement l’image de son pays, mais son pays lui-même. Il veut l’ouvrir au monde extérieur, permettre le cinéma et plus largement des loisirs autrefois interdits, donner aux femmes le droit de conduire, rendre plus attractive la vie de la jeunesse et faire de son pays une superpuissance des compétitions sportives.

Karim Benzema, Cristiano Ronaldo et bientôt d’autres vont évoluer dans le pays. Il ne s’agit pas seulement d’accueillir des vedettes vieillissantes, mais de constituer un championnat national réellement compétitif. L’Arabie saoudite organise par ailleurs le rallye Dakar et a réunifié sous son égide le golf mondial.

S’il a échoué à faire venir Léo Messi et ses 7 ballons d’or, ce dernier sert quand même d’Ambassadeur pour le développement du tourisme en Arabie saoudite – dont MBS voudrait qu’il se développe en dehors du seul tourisme religieux. Le pays va créer une nouvelle compagnie aérienne qui vise 30 millions de passagers et 100 destinations d’ici 2030.

Riyad est par ailleurs candidate à l’organisation de l’exposition universelle de 2030 et probablement à la Coupe du monde de football après avoir vu l’engouement suscité par l’édition 2022 au Qatar.

Au-delà du sport washing et de la nécessité de corriger l’image du pays, il y a une réelle volonté de préparer l’après-pétrole toujours à l’horizon 2030.

Il s’agit également de mettre au travail une population habituée à la rente. Il est donc à la fois modernisateur et répressif, n’acceptant pas que l’on se mette sur son chemin.

Grâce à l’augmentation des prix de l’énergie, MBS dispose d’importantes réserves financières. De quoi organiser un clientélisme et attirer des soutiens.

Derrière le salon du Bourget, le discret mais impitoyable bras de fer engagé par Emmanuel Macron avec l’Allemagne

Tue, 20/06/2023 - 09:20

Le salon du Bourget, qui débutait ce lundi, a été l’occasion, pour Emmanuel Macron de faire le tour de tout ou partie des stands installés. C’est aussi le cadre d’un évènement plus discret mais pas moins important : un bras de fer, qui oppose la France à l’Allemagne sur la question de la défense européenne. Olaf Scholz milite pour la création d’un plan de défense aérienne ainsi qu’un système anti-missile, projet que la France ne semble pas embrasser. Comment expliquer cette différence d’approche ?

Les Français, en coopération avec d’autres dont les Italiens, ont déjà des systèmes de défense anti-missiles. Ces projets n’ont pas tous abouti, pour certains d’entre eux, ils sont encore en devenir. Les Allemands, pour leur part, veulent un système neuf, dont on ne connaît pas encore les modalités exactes ou les contours. N’oublions pas non plus qu’il existe des systèmes de défense américains qui intéressent de nombreux pays de l’Union européenne.

Il y a, de fait, une compétition entre Allemagne et France en matière de défense aérienne. Les Allemands cherchent à prendre la tête sur ce sujet, comme ils essaient d’ailleurs de le faire sur le projet MGCS, un char de guerre franco-allemand. C’est pourquoi les gouvernants allemands ont décidé de consacrer énormément d’argent, dans les quelques années à venir, pour moderniser leur défense. Concrètement, cela veut dire qu’ils achètent beaucoup de matériel militaire, ce sur quoi ils communiquent très peu.

En Allemagne, l’achat de matériel militaire en collaboration avec l’industrie s’est imposé comme une priorité. Nous sommes donc dans un système où c’est l’industrie qui est privilégiée, ce qui ravive ce genre de compétitions autant que cela ne pousse à oublier les tentatives de travail à échelle européenne.

A quel point les deux pays sont-ils engagés dans un bras de fer sur ce sujet ? Comment cela se traduit-il dans les actes et dans les mots ?

Pour le moment, il y a d’un côté un ensemble qui veut poursuivre ce qui a déjà été initié (et qui est d’ailleurs basé sur le système français) et de l’autre il y a l’Allemagne qui souhaite un système nouveau, dont elle pourrait prendre le leadership.

Il n’est pas exagéré de parler parler de bras de fer entre la France et l’Allemagne sur ces questions. Chacun des projets, il faut bien l’avouer, présente des avantages : celui envisagé par l’Allemagne est plus moderne. Celui prôné par la France a fait montre de ses capacités et peut s’enorgueillir d’une certaine expérience.

Emmanuel Macron, sans critiquer trop durement le projet (intitulé Sky Shield), n’a pas manqué de pointer du doigt sa dépendance prononcée sur des armes et des équipements manufacturés en dehors de l’Union européenne. Est-ce réellement un problème, selon vous ? 

On parle beaucoup, ces derniers temps, de “défense européenne” mais aussi d’armée européenne ou d’équipement européen.

Hélas, nombreux sont ceux qui ont visiblement oublié qu’avant d’en arriver là, il faut déjà mettre en place une politique étrangère commune. Or, cette dernière est tout à fait absente des discours : c’est la grande oubliée du moment. Dès lors, quiconque parle d’armée européenne sans aborder ce sujet montre qu’il ignore les bases et c’est relativement grave.

Ceci étant dit, on peut s’interroger sur les raisons qui poussent à ce désaccord. La France prône une certaine souveraineté européenne, notamment parce qu’elle bénéficie de quelques pépites qui lui permettent pratiquement de se développer seule. Certaines études, menées il y a quelques années, montrent bien que l’Hexagone est en mesure de produire un successeur au Rafale à l’aide de la Grande-Bretagne et de la Suède. Ce serait alors un projet très indépendant, sur le plan européen.

Mais nous sommes sortis de cette vision-là aujourd’hui ; en témoigne le récent accord signé concernant un potentiel nouvel avion de combat européen. La principale préoccupation d’un partenaire comme l’Allemagne ne porte pas sur les performances de la machine mais bien sur le pourcentage qu’elle touchera du budget total. Les vrais problèmes de maîtrise d’ouvrage, de compétences… tout ça n’est évoqué que de manière très anecdotique. C’est un schéma assez catastrophique.

Dans quelle mesure cela pourrait-il influencer le degré d’efficacité du projet ? Particulièrement si l’on se repose essentiellement sur des armes étrangères ?

Pour le moment, il n’est à priori pas question de se reposer sur des armes étrangères. Quel que soit le système proposé, il est supposé s’appuyer sur de l’équipement européen. Il est évident que, pour un certain nombre d’entre nous, il est difficile d’admettre que l’autonomie complète de pays relativement petits (comme la France ou l’Allemagne, en l’occurrence) est impossible dans le domaine de l’armement. Si l’on souhaite être exportateurs, il faut aussi importer.

Dès lors, il est évident qu’il y aura partages et coopérations à réaliser. Ces dernières, quand elles sont bien faites, peuvent donner naissance à des produits assez efficaces, comme c’est le cas du Jaguar ou de l’Alpha Jet. En revanche, les coopérations qui sont dirigées par des financiers et des industriels ; lesquels n’écoutent pas les militaires… C’est l’assurance d’un projet comparable à l’A400M : coûteux et pas nécessairement plus efficace.

La question de la défense est-elle une question industrielle ? Ou relève-t-elle d’autres considérations ?

Selon moi, la défense c’est avant tout l’outil de la souveraineté nationale (ou fédérale, c’est selon). Dans le cadre de l’Europe, cela implique une gouvernance et une politique étrangère commune, rappelons-le. Ensuite, il y a un outil militaire à qui on donne suffisamment de moyens. Commencer par discuter des moyens et ensuite, éventuellement, de l’outil militaire, en oubliant la politique étrangère commune… c’est mettre le char avant les bœufs.

Quand l’OTAN prend le contrôle, les choses se passent correctement. Quand il s’agit de coalitions temporaires ou des alliances de circonstances comme au Sahel, on se retrouve généralement avec une incohérence totale.

Qui de la France ou de l’Allemagne semble retirer le plus de gains de ce bras de fer, selon vous ?

Pour le moment, c’est difficile à dire. Il faudra attendre de savoir quel sera le projet finalement retenu. Aboutira-t-on à un seul système utilisé par tous les Européens ou y en aura-t-il plusieurs qui fonctionnent en parallèle, comme cela a longtemps été le cas ? Nous sommes capables de faire chacun de notre côté, au détriment de la cohérence, ou au contraire trouver un commun accord sur le domaine de la défense aérienne, par exemple.

Propos recueillis par Atlantico.

Donald Trump et Kim Jong-un : 5 ans après la rencontre, quel bilan ?

Mon, 19/06/2023 - 12:35

Il y a 5 ans, le 12 juin 2018, Donald Trump et Kim Jong-un se sont réunis sur l’île de Sentosa pour signer la déclaration de Singapour visant à établir une pacification de la péninsule coréenne et une dénucléarisation de la Corée du Nord. Un événement qualifié d’historique à cette période puisqu’il s’agissait de la première rencontre entre un président états-uniens et son homologue nord-coréen. Que reste-t-il de cette rencontre ? Quelles en étaient les conditions ? En quoi constitue-t-elle un échec ? Directeur de recherche à l’IRIS et responsable du Programme Asie-Pacifique, Barthélémy Courmont vous donne régulièrement rendez-vous pour ses « Chroniques asiatiques ».

J’ai lu… « L’humiliation », ouvrage d’Étienne de Gail

Mon, 19/06/2023 - 12:13

Du conflit russo-ukrainien à la relation franco-allemande, en passant par les tensions au Moyen-Orient, les relations internationales sont marquées par l’humiliation, « passion de la revanche », selon Étienne de Gail. Cette dernière peut passer par la violence, le sentiment d’influence, ou encore la sublimation. Pour comprendre la géopolitique sous le prisme des passions, Pascal Boniface échange avec Étienne de Gail autour de son ouvrage « L’humiliation » publié aux éditions Bouquin. Étienne de Gail est analyste en géopolitique et chef de cabinet d’Hubert Védrine.

« Le mal algérien » – 4 questions à Jean-Louis Levet et Paul Tolila

Mon, 19/06/2023 - 10:58

Spécialistes de la société et du pouvoir algériens, Jean-Louis Levet et Paul Tolila répondent à mes questions à l’occasion de la parution de leur ouvrage « Le mal algérien » aux éditions Bouquins.

1/ Le Hirak est-il en fin de course ?

Le Hirak s’est arrêté sous les menaces conjuguées de la Covid et de la répression d’État ; sa propre logique protestataire (méfiance des leaders, rejet de l’organisation partisane) constituait son talon d’Achille face à un pouvoir prétorien souligné par l’omniprésence médiatique du chef de l’État-Major de l’époque, Gaïd Salah. On peut risquer ici une analyse en termes structurels et conjoncturels : dans les profondeurs socio-politiques de l’Algérie, toutes les causes structurelles du Hirak demeurent actives, mais la conjoncture qui a provoqué son déclenchement (pouvoir « bouteflikien » affaibli, désordre des clans au pouvoir face à la nécessaire transition, invraisemblable projet de 5e mandat) a, elle, disparu. Comme le mouvement des Gilets jaunes en France, le Hirak ne reviendra sans doute pas sous sa forme connue. Mais il a été un moment d’apprentissage des deux côtés dans l’affrontement « gouvernants/gouvernés » : les pouvoirs ont eu des sueurs froides dans cette alerte et les revendications populaires ont fait l’expérience de leur force, mais aussi de l’absence d’un horizon politique organisé.

Une situation qui ne sera pas sans conséquences sur la prudence et les pratiques répressives des gouvernants algériens ni, on peut le penser, sur l’évolution future des contestations. Dans un pays sans État de droit ni tradition démocratique, toute capitalisation politique est utile : « l’ancien Hirak » est peut-être en fin de course, mais celui à venir pourrait emprunter des chemins aujourd’hui insoupçonnés.

2/ Quelles perspectives pour la jeunesse algérienne ?

Si la jeunesse est l’avenir de toute nation, celle d’Algérie ne bénéficie d’aucune perspective prometteuse. Rien pour elle dans un État où les libertés fondamentales reculent et où l’économie et le marché du travail sont atones. Diplômés ou non diplômés, les jeunes vivent une situation difficile faite de débrouille, de petits boulots et, souvent, de marginalisation. Quitter le pays devient pour beaucoup une obsession que les gouvernements ne font pas grand-chose pour contredire.

De la fin des années 1970 à aujourd’hui, l’Algérie a fait exactement le chemin inverse de celui effectué par les pays émergents. Le pays cumule à la fois une montée vertigineuse de l’économie clandestine (34% du PIB en 2000, entre 50 et 70% aujourd’hui selon les estimations) au sein de laquelle une contrefaçon de masse (30% de la totalité des produits vendus dans le pays dont 70% sont importés de Chine) empêche les entreprises de se développer, de créer des emplois de qualité et favorise les trafics en tout genre pour le plus grand profit des importateurs en osmose avec le pouvoir ;  une désindustrialisation massive (de 35% du PIB à la fin des années 80 à moins de 5% depuis 2015) entraînant un recentrage encore plus marqué sur les hydrocarbures et les produits miniers, au lieu de la diversification tant prônée par tous les gouvernements successifs ; enfin, une dé-agriculturisation continue : la production agricole assurait 93% des besoins nationaux dans les années 1970 ; aujourd’hui le pays importe 50% de ses besoins alimentaires.

Un pareil contexte ne favorise ni l’entrepreneuriat des jeunes, ni leur formation utile, ni même un emploi peu qualifié dans le secteur du bâtiment où les travailleurs – corruption oblige – sont massivement « importés ».

3/ Les femmes peuvent faire bouger les choses ?

Avec les jeunes, les femmes sont à la fois les victimes de cette situation et les atouts de demain du pays.

Victimes, car elles sont confrontées à une discrimination tant sociale (17,7% seulement des femmes en 2011 dans la population active[1]) que légale avec un code de la famille qui établit en 1984 (et modifié à la marge en 2005) la supériorité des hommes en plaçant les femmes sous la tutelle du père ou du mari.

Atout, car dans leur ensemble elles mènent un long combat pour leur émancipation. À commencer dans leurs études et à l’université où elles trustent les premières places des promotions successives. Nous y avons constaté une soif d’apprendre, une curiosité intellectuelle forte et une envie de progresser incroyable. Elles font d’autant plus preuve de courage que dans cette société de plus en plus fragile, l’islamisme ne fait que progresser, avec l’appui tacite des autorités. En tant que système de normes conservatrices, il a pénétré en profondeur la société algérienne. Comme nous le glissait à l’oreille une jeune professeure à la fin d’une conférence-débat, « derrière une femme voilée, il y a toujours un homme ». Nombreuses aussi sont les initiatives prises par les femmes pour affirmer leur existence par rapport à la domination masculine qui instrumentalise la culture traditionnelle et la religion. En témoigne la création de nombreuses associations dans les domaines culturel, social et économique. Enfin dans le Hirak leur engagement a été d’autant plus fort qu’il rassemblait toutes les générations : les filles connaissant les combats de leurs aînées, leurs déceptions, leurs frustrations. Comme dans tout le Maghreb, les femmes sont un atout formidable pour l’Algérie de demain.

Une condition : un régime politique moins étouffant.

4/ France/Algérie, éternelles querelles et réconciliations ?

Oui, la relation France/Algérie ressemble à un cercle vicieux. Les deux pays tournent en rond dans un étrange ballet d’accusations et d’embrassades qui pourrait sembler drôle si, à la fin, il n’en devenait pas ridicule, voire sinistre. Il est ridicule de voir deux pays qui ont tout pour s’entendre et se comprendre, jouer ce jeu pernicieux de la dispute récurrente et il est sinistre de voir à quel point les deux États se sont annexés les questions d’histoire et de mémoire pour des motifs peu respectables. Ici et là-bas cette situation répond à des impératifs politiques intérieurs dissymétriques, mais convergents : marketing politique en France, fuite en avant nationaliste en Algérie. Or la France peut difficilement ignorer les hydrocarbures algériens, et surtout un ensoleillement exceptionnel pour l’énergie solaire (3500 heures par an contre 1500 en France) ni la situation géostratégique de l’Algérie en Afrique ; de son côté l’Algérie ne peut se passer des flux économiques avec l’Europe et la France ni des travailleurs expatriés qui réduisent son taux de chômage et transfèrent leurs salaires. Même dans une pure logique d’intérêts bien compris, il faudrait arrêter le cercle vicieux. Le problème le plus sensible est, bien sûr, l’instrumentalisation des mémoires et, là, il faut reconnaître que c’est du côté algérien que le bât blesse. L’Algérie est allée très loin en accusant la France de génocide, en l’assimilant aux pratiques nazies ; on enseigne cela à l’école et les islamistes font leur miel de ces contre-vérités. Tant que les deux États ne réfrèneront pas leurs appétits pour la manipulation historique, on risque de croupir dans cette pantalonnade d’indignations surjouées et de réconciliations factices. Le peuvent-ils ? Les deux peuples l’attendent. On ne peut qu’espérer…

 

[1] Étude de l’OIT, « Algérie, la fierté des femmes qui travaillent », 16 janvier 2014.

Pages