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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 month 1 week ago

Paris 2024 : un an après, où en est-on ?

Fri, 02/11/2018 - 15:11

Paris a été élue ville hôte des Jeux olympiques (JO) 2024 le 13 septembre 2017 par le Comité international olympique (CIO), lors de sa 131e session à Lima. L’événement se situe à la croisée de différents objectifs qui lient le sport aux problématiques sociales, économiques, environnementales et culturelles. La décision du CIO est venue confirmer un engagement national de long terme. Un an après, où en est-on ?

La fluidité de la circulation en question

Nous constatons quotidiennement des problèmes dans le fonctionnement des transports en commun à Paris et dans la région parisienne. Le comité Paris 2024 s’est donc fixé pour objectif l’amélioration de la qualité et de l’efficacité des trajets. En 2024, des millions de spectateurs, 15 000 athlètes et 25 000 journalistes, sont attendus dans les enceintes sportives franciliennes. Les infrastructures du Grand Paris[1] qui devaient être prêtes avant 2024 pourraient ne pas être achevées à temps. Certains parlementaires dénoncent le manque de réalisme des délais annoncés : la mise en place des lignes 14 à 17, censés desservir à terme les deux aéroports internationaux et le nord-est de Paris, a notamment pris du retard. Lors des JO, le monde entier aura les yeux rivés sur Paris ; il est primordial que les transports en commun, symbole d’une bonne organisation de la ville, fonctionnent parfaitement. De plus, ceux-ci doivent être écoresponsables : Paris a pour objectif le doublement des pistes cyclables d’ici 2020, afin que 70% des spectateurs utilisent prioritairement le vélo.

Des Jeux durables ?

Une autre ambition des JO est en effet l’écologie, le but étant de construire une société plus durable, plus unie, plus ouverte. La protection environnementale en tant qu’objectif de Paris 2024 est soutenue par de nombreuses organisations partenaires, dont WWF[2]. Le village olympique et paralympique envisage d’être exemplaire en matière de développement durable, notamment à travers une utilisation inégalée de matériaux biosourcés, d’énergie verte, d’alimentation durable et de transports propres. Le comité espère ainsi devenir une référence environnementale, les Jeux de Paris 2024 étant les premiers à s’engager dans le cadre de l’accord de Paris[3], en réduisant de 55 % l’empreinte carbone par rapport aux éditions précédentes. Un an après, il est difficile d’en tirer un bilan significatif.

Des Jeux au service d’un meilleur quotidien

Le comité a également pour objectif d’améliorer la qualité de vie en région parisienne. La construction de 50 nouveaux centres sportifs et d’un campus solidaire en partenariat avec l’association Sport dans la ville pour 25 000 jeunes du territoire a déjà eu lieu. Il espère de plus la création de zones de baignade dans la Seine. Mais, ces objectifs sont parfois entravés, comme l’illustrent deux exemples :

  • La participation de nombreux acteurs au projet du centre aquatique risque de doubler la facture initiale (atteignant la somme de 150 millions d’€).
  • La proximité du village olympique avec une « zone archéologique » peut également s’avérer problématique.

Le comité y voit aussi l’occasion de se saisir des enjeux liés au handicap : d’abord, en conférant aux Jeux paralympiques la même visibilité qu’aux JO, par la mise en lumière d’athlètes handicapés et la multiplication de manifestations sportives et culturelles mixant les publics valides et non valides ; ensuite, en offrant les mêmes opportunités professionnelles aux habitants de région parisienne, qu’ils soient en situation de handicap ou non ; enfin, le premier village paralympique 100 % accessible sera créé à l’occasion des Jeux.

Les JO ont également pour vocation de valoriser le sport en tant qu’outil pédagogique à dimension culturelle et de renforcer les liens entre établissements scolaires et mouvement sportif. Des dispositifs sont mis en place par l’État, comme le Réseau Canopé[4] qui, placé sous la tutelle du ministère de l’Éducation nationale, se fixe comme objectif de « présenter le sport sous un nouvel angle », ou la Semaine olympique et paralympique, qui, chaque début d’année, a pour but de sensibiliser 1 million d’enfants aux valeurs olympiques et paralympiques.

Mobilisation politique et sportive : vers le succès ?

L’ensemble du gouvernement et les 36 000 communes françaises soutiennent le projet. Le budget total est de 6,8 milliards d’€.[5] À l’heure actuelle, le comité a déjà embauché une vingtaine de directeurs et 64 salariés. Il est prévu de créer environ 250 000 emplois dans le cadre des Jeux et de mobiliser au moins 50 000 services civiques durant les sept années pré-JO, afin de développer les actions citoyennes et sociales dans le sport. Le comité Paris 2024 espère que l’engagement des régions et des territoires se prolongera au-delà des Jeux. La baisse actuelle des crédits du CNDS[6] de 50 % et les annonces des coupes dans le budget du ministère des Sports ne sont pas tellement de bon augure…

Pour que la réussite de ce projet soit totale, les athlètes se sont également placés au cœur de l’événement : à Paris 2024, le président, Tony Estanguet (triple champion olympique), et le directeur général, Étienne Thobois (Olympien en badminton), en sont notamment les preuves. Le comité d’athlètes est également un atout mis en avant : coprésidé par Teddy Riner et Marie-Amélie Le Fur (respectivement double-champion olympique et triple-championne paralympique), il est constitué de 24 Olympiens et Paralympiens.

Entre enthousiasme et défiance

L’institut de sondage IFOP a réalisé un sondage auprès des jeunes de 15 à 25 ans (1002 personnes interrogées) : 92% estiment que Paris 2024 est un projet aux retombées positives pour la France, mais seulement 26% s’imaginent aujourd’hui dans un stade. Ainsi, si les jeunes sont enthousiasmés, ils ne se sentent pas encore mis au cœur du projet. Le comité Non aux JO 2024 à Paris s’oppose quant à lui à un projet qu’il déclare inutilement coûteux.

 

________________________________

[1] Grand projet urbain d’intégration en Île-de-France.

[2] Fonds mondial pour la nature.

[3] Accord signé en décembre 2015, dont le but est de limiter le réchauffement climatique d’ici 2100.

[4] Qui édite des ressources pédagogiques transmédias à destination de la communauté éducative.

[5] 3,8 milliards financés par le CIO pour l’organisation, les sponsors et la billetterie et 3 milliards financés en parts égales par l’État et les collectivités, d’un côté, et les investisseurs privés, de l’autre, pour la construction des équipements

[6] Comité national pour le développement du sport.

Vers un monde de plus en plus inégal ?

Fri, 02/11/2018 - 10:14

Manon Aubry est responsable de plaidoyer sur les questions de justice fiscale et d’inégalités pour l’ONG Oxfam France, enseignante à Science Po Paris. Elle répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 28 et 29 septembre 2018 :

– Quelles sont pour vous les principales causes de la montée des inégalités ?

– Quels pourraient-être les leviers à actionner dans la lutte contre les inégalités ?

– Dans un monde capable de produire toujours plus de richesses, pourra-t-il être plus égal demain ?

Comment comprendre la crise des Rohingyas ?

Wed, 31/10/2018 - 12:19


Frédéric Debomy est ancien directeur de l’association Info-Birmanie, auteur de “Aung San Suu Kyi, l’armée et les Rohingyas” (éd. de l’Atelier). Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 28 et 29 septembre 2018 :

– Comment expliquer l’exclusion des Rohingyas dans la société birmane ?
– Aung San Suu Kyi souhaite-t-elle apaiser la crise des Rohingyas ? Quelles sont ses marges de manœuvre ?
– Quels sont les intérêts de la Chine par rapport à la crise des Rohingyas ?

Les Nouvelles routes de la soie

Tue, 30/10/2018 - 16:52


Emmanuel Hache est professeur et directeur de recherche à l’IRIS. Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 28 et 29 septembre 2018 :

– Pour la Chine, à quelles logiques internes et externes répondent les projets de routes de la soie ?

– Ces investissements suscitent-ils des craintes ? Si oui, lesquelles et sont-elles justifiées?

« Une saison à l’ONU » – 3 questions à Karim Lebhour

Tue, 30/10/2018 - 14:08

Karim Lebhour est journaliste et écrivain, ancien reporter auprès des Nations-Unies pour RFI. Depuis 2018, il est responsable de la communication Amérique du Nord de l’International Crisis Group. Entre anecdotes personnelles et explications pédagogiques, il nous emmène en balade illustrée au sein de la « Maison de verre ».

Voulez-vous, par cet ouvrage, réhabiliter l’Organisation des Nations unies (ONU) aux yeux du public ?

L’ONU est une organisation mal comprise, souvent confondue avec une sorte de gouvernement mondial chargé des affaires internationales. Ce n’est pas du tout la réalité. L’ONU en tant qu’institution, navigue une voie étroite entre les intérêts stratégiques de ses États membres, à commencer par les plus puissants d’entre eux. La première chose qui frappe comme correspondant de presse à l’ONU c’est la prépondérance du Conseil de sécurité et la domination exercée par les cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni) qui dictent une grande partie de l’agenda et des résolutions.

Dire que l’ONU est impuissante ou inutile, comme on l’entend souvent, c’est d’abord dire que certains États membres bloquent toute action. La Syrie est un très bon exemple. Dire que l’ONU n’a rien fait est faux. Elle a tenté par tous les moyens d’agir sur la crise syrienne, mais a été, à chaque fois, déboutée par les vetos russe et chinois au Conseil de sécurité. Dix vetos depuis le début de la crise ! C’est énorme. L’ONU ne parvient pas à agir parce que certains États membres ne le veulent pas. C’est le cas de la Russie sur la Syrie ou l’Ukraine, des États-Unis sur Israël ou de la Chine sur le Tibet.

Bien sûr, l’ONU est handicapée par une bureaucratie ubuesque, une gestion des ressources humaines très critiquable et une aversion au risque, ce qui ne l’empêche pas d’être un espace de dialogue essentiel. Le Conseil de sécurité lui-même est un théâtre dans lequel des affrontements verbaux peuvent parfois devenir assez violents, mais cette mise en scène permet aussi d’évacuer des tensions, de faire resurgir certains problèmes qui, sans l’ONU, ne trouveraient aucun espace d’expression et pourrait mener à de dangereuses escalades.

Le format bande dessinée permet d’aborder toutes ces questions avec un peu de légèreté et d’humour et de faire revivre certaines scènes vécues pendant mes quatre ans de correspondance au siège de New York.

Pourquoi en arrivez-vous même à défendre le droit de veto ?

Le droit est veto est injuste, mais c’est aussi la clé de voûte du système onusien. Personne ne conteste qu’il date d’une époque dépassée, ce qui n’empêche pas de lui reconnaître qu’il est l’élément de contrôle qui a permis l’acceptation par les grandes puissances de la création de l’ONU. Il assure, en quelque sorte, la stabilité du système. Sans lui, les États-Unis ou la Russie préféreraient sans doute user de la contrainte plutôt que de la négociation. Par son existence, l’ONU oblige les puissants à composer avec le reste de la planète dans une enceinte internationale. En contrepartie, ces pays demandent la garantie que leurs intérêts stratégiques ne seront pas menacés. Cela veut dire que l’ONU doit se tenir à l’écart de certaines crises comme la Syrie ou le conflit israélo-palestinien, mais il existe des domaines de coopération possible sur bien d’autres dossiers : en Afrique, le climat, les armes légères, etc.

Plus largement se pose la question de la réforme du Conseil de sécurité. L’Allemagne, le Japon, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud peuvent légitimement prétendre à devenir membre permanent du Conseil de sécurité, avec ou sans veto. On peut aussi imaginer limiter l’usage du droit de veto, comme le propose la France. Pour l’heure, la Russie et les États-Unis n’ont aucune envie de réformer quoi que ce soit ; le statu quo leur convient parfaitement.

Vous décrivez une variété de situations, entre le ministre indien qui lit par erreur le discours de son collègue portugais et l’ambassadeur de la République centrafricaine qui tente désespérément d’attirer l’attention du monde sur le drame que vit son pays. N’est-ce pas aussi ce qui caractérise l’ONU ?

Ces deux anecdotes sont très révélatrices des différents visages de l’ONU. D’un côté, il y a une formalité très pesante : le quotidien est fait de discours souvent plus assommants les uns que les autres, à tel point que lors d’une séance à laquelle j’assistais, le ministre indien ne s’aperçut même pas qu’il était en train de lire un autre discours que le sien ! Il a fallu plusieurs minutes pour que ses conseillers se rendent compte de la bévue. C’était incroyable.

Mais l’ONU est aussi un forum d’expression irremplaçable. La rencontre avec l’ambassadeur de Centrafrique a été pour moi très éclairante. Voilà un homme coupé de sa capitale par un coup d’État et qui, sans ressource, prend sur lui de faire le tour des autres ambassadeurs pour les convaincre de soutenir l’envoi de Casques bleus en Centrafrique et qui, finalement, obtint gain de cause.

Pendant l’Assemblée générale de septembre, l’attention se limite généralement aux discours des présidents américains et français. Je m’étais efforcé d’écouter les discours de chefs d’État de petits pays, qui parlent en dernier, en fin de semaine, devant des travées désertées. J’ai été frappé par le cri d’alarme des îles Marshall sur le changement climatique, directement menacées par la montée des eaux ; Haïti parlait du poids de la dette ; Madagascar, des vols de bétails, etc. Dans quelle autre instance internationale, ces pays peuvent-ils exposer au monde les problèmes qui les préoccupent réellement si ce n’est l’ONU ?

« Une saison à l’ONU : au cœur de la diplomatie mondiale », illustré par Aude Massot et préfacé par Gérard Araud, éditions Steinkis.

Nouvelle ère dans les relations Chine-Japon ou politique d’équilibre ?

Tue, 30/10/2018 - 11:55

Les relations sino-japonaises ont été tendues ces dernières années avec notamment des contentieux territoriaux non résolus et un développement marqués des budgets militaires, surtout côté chinois.

Aussi, la visite de trois jours en Chine du Premier ministre japonais Shinzo Abe, achevée vendredi 26 octobre, était attendue et suivie avec intérêt.

« Je veux propulser les relations Chine-Japon dans une nouvelle ère, (passer) de la compétition à la collaboration » a déclaré le Premier ministre japonais à l’ouverture de ses discussions avec le Premier ministre chinois Li Keqiang.

Shinzo Abe a ensuite rencontré le président chinois Xi Jinping. La Chine et le Japon se sont engagés vendredi 26 octobre, à nouer des relations plus étroites alors que les deux pays ont évoqué un « tournant historique » en signant un large éventail d’accords, notamment un pacte d’échange (swap) de devises d’un montant de 30 milliards de dollars, face à la montée des tensions commerciales avec Washington.

Des accords s’élevant à 18 milliards de dollars ont également été conclus entre des entreprises chinoises et japonaises lors de la visite de M. Abe, indique le journal Asahi. Plus de 50 transactions et accords ont été signés.

Shinzo Abe et Li Keqiang ont également convenu que les deux pays travailleraient ensemble pour parvenir à la dénucléarisation de la péninsule coréenne, Tokyo étant particulièrement inquiet du programme nucléaire et balistique de Pyongyang.

Les deux pays voisins et partenaires ne deviendront pas une menace l’un pour l’autre, a déclaré Abe après sa rencontre avec le président Xi Jinping vendredi. A noter, ce sommet sino-japonais est le premier d’une telle importance depuis 2011.

La politique visant à renforcer les liens économiques entre les deuxième et troisième économies de la planète intervient alors que la Chine et les États-Unis se sont mutuellement opposés sur les tarifs douaniers au cours des derniers mois.

Les dirigeants chinois et japonais ont souligné l’importance du libre-échange. Abe et Li ont soutenu l’accélération des négociations sur un accord de libre-échange à trois avec la Corée du Sud, ainsi que sur le partenariat économique global régional (RCEP), observe The Diplomat.

Limites de l’exercice

Alors que le Japon, toujours très soucieux de la montée en puissance de la force navale chinoise, souhaite des liens économiques plus étroits avec la Chine qui est son principal partenaire commercial, il doit gérer ce rapprochement sans inquiéter son principal allié pour la sécurité, les États-Unis, avec lesquels il a ses propres problèmes commerciaux.

Par ailleurs, le porte-parole du gouvernement japonais a indiqué que M. Abe avait déclaré au Premier ministre Li lors de leur entretien, que les relations bilatérales ne seront « réellement améliorées » que si règne la « stabilité de la mer de Chine orientale ». Le différend principal porte sur les îles Senkaku (Diaoyus pour les Chinois). Comme le souligne le journal conservateur Yomiuri Shimbun, les intrusions régulières des navires chinois dans les eaux territoriales japonaises autour des îles Senkaku risquent de se transformer en une crise beaucoup plus grave si ces intrusions dégénéraient. Même lors de ce sommet, Abe et Xi n’ont pas réussi à ouvrir la voie à une résolution des affrontements à propos des Senkaku. S’agissant d’un mécanisme de liaisons aérienne et maritime visant à éviter les collisions accidentelles entre l’armée chinoise et les forces d’autodéfense japonaises, les dirigeants des deux pays se sont contentés de confirmer leur volonté d’établir rapidement un téléphone rouge.

De façon significative, la visite de M. Abe en Chine a été suivie samedi de la visite au Japon de son homologue indien Narendra Modi, montrant qu’Abe veut contrebalancer la puissance chinoise avec le troisième grand asiatique. « Lors des discussions entre Abe et Modi, des responsables indiens ont déclaré que les deux pays envisageaient de renforcer « l’alliance stratégique » entre la marine indienne et la force d’autodéfense maritime. » indique le Japan Times.

Le Japon et l’Inde, ainsi que les États-Unis, ont renforcé leur coopération en matière de défense afin de contrer l’influence croissante de la Chine dans la région, les trois pays organisant régulièrement des exercices navals dans l’océan Indien.

Il n’en reste pas moins que Shinzo Abe a invité le président Xi à se rendre au Japon en cette année qui marque le quarantième anniversaire du traité de paix et d’amitié entre le Japon et la Chine. Shinzo Abe veut donc profiter de l’éclaircie dans les relations sino-japonaises pour avancer vers une relation moins conflictuelle tout en protégeant ses arrières avec ses alliés traditionnels ou plus récents.

Bolsonaro : quelle politique étrangère ?

Mon, 29/10/2018 - 17:34

L’éclairage de Pascal Boniface, directeur de l’RIS

Pourquoi les emplois les plus menacés par la robotisation et l’automatisation ne sont pas ceux qu’on croit

Mon, 29/10/2018 - 15:12

Alors que les défis que représentent la robotisation et l’automatisation des tâches sont généralement perçus comme confinés aux emplois les moins qualifiés, plusieurs études (Brookings Institution Novembre 2017) ont pu mettre en évidence la vulnérabilité des emplois qualifiés. Notre perception de cette situation n’est-elle pas viciée en ce sens ?

L’effondrement des emplois industriels au cours des quatre dernières décennies dans les pays développés a eu tendance à être attribué au progrès technique plus qu’à la mondialisation des chaînes de production.

Sur la base de cette interprétation, qui est désormais remise en question par l’analyse sectorielle de la productivité, on a souvent pensé que l’automation menaçait essentiellement les emplois ouvriers et les emplois peu qualifiés plus généralement.

En réalité, il apparaît que, l’évolution, assez modeste, de la productivité industrielle dans le monde développé, hors secteur informatique, ne permet pas d’expliquer l’ampleur des pertes d’emplois manufacturiers, et indique donc un rôle limité du progrès technique dans ce phénomène.

Les métiers de service qualifiés ont pour leur part résisté à la mondialisation ; ce qui a conduit à une vision sociologiquecentrée sur l’opposition entre une élite urbaine et mobilequi serait durablement gagnante et les milieux populaires des zones périphériques.Cette vision est aujourd’hui dépassée.

En attribuant l’effondrement des emplois industriels au progrès technique, on en a déduit à tort que les emplois qualifiés dans les services n’étaient pas véritablement menacés par les bouleversements technologiques en cours. Les développements techniques et économiquesliés à l’intelligence artificielle vont remettre en cause la stabilité associée à ces emplois ainsi que les constructions sociales et politiques qui reposaient sur cette dichotomie.

Il n’existe certes pas de lien direct ni immédiat entre les développements technologiques et l’évolution du marché du travail, qui est le fruit d’une construction sociale complexe,dépassant souvent les règles simples de la théorie économique. Il faut parfoisune vingtaine d’années pour qu’une technologie, à partir de sacommercialisation, ne se traduise par un bouleversement dans l’organisation du travail, qui plus est dans les services, où la contribution individuelle à la création de valeur est moins directe et moins transparente que dans le secteur manufacturier. De nombreux emplois de service, qualifiés, sont néanmoins en première ligne en ce qui concerne les effets de la digitalisation et de l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle, sous la forme du deeplearning centré sur une tâche, relève moins aujourd’hui de grandes avancées conceptuelles que de l’application de principes développés au cours des quatre dernières décennies, en profitant désormais d’une puissance de calcul adaptée, de données massives et d’un terreau scientifique/entrepreneurial qui appliquent méthodiquement ces techniques à un nombre croissant de tâches et de secteurs. L’heure est donc à une application assez méthodique de l’intelligence artificielle ; ce qui nécessite certes une expertise informatique poussée, mais moins que ce que suggère la vision abstraiteofferte parune partie des médias mondiaux. C’est cet aspect en réalité très incrémental qui fait que la Chine parvient à se positionner efficacement dans l’intelligence artificielle depuis deux ans, comme l’explique judicieusement Kai-Fu Lee dans son dernier ouvrage. Y contribue également une tendance à la collecte systématique des données personnelles qui, en comparaison, pourrait faire passer les GAFA pour des sociétés savantes désintéressées.

Cette application méthodique de l’intelligence artificielle dans le monde va, au cours des prochaines années, remettre en cause l’organisation sociale du travail, qui a eu tendance ces dernières décennies à mettre en avant des fonctions relevant de la comptabilité au sens le plus large et de la gestion administrative. Les tâches qui reposent sur des schémas répétitifs et prévisibles sont appelés à être remplacées en bonne partie, en ce qui concerne un segment important du travail comptable, juridique, notarial, des ressources humaines, etc, pour ne prendre que quelques exemples.

Et là où le remplacement du travail ouvrier nécessite des investissements robotiques certes de moins en moins chers mais tout de même lourds, on risque de s’apercevoir que le remplacement d’emplois administratifs qualifiés consacrés à des tâches répétitives n’aura qu’un coûtrelativement limité en termes d’implémentation de processus algorithmiques.

L’outil informatique a affecté la réalité des organisations au cours des trois dernières décennies. La simplification apportée par l’informatique est cependant encore loin d’avoir produit ses véritables effets de long terme sur le monde du travail. Internet et la révolution informatique des années 1990 plus généralement ne se sont traduits que par des gains de productivité limités dans les services, car dans le fond l’organisation du travail est restée ancrée dans sa forme héritée de la bureaucratisation des années 1950-60.

Dans le secteur financier par exemple, lorsque le volume de crédit s’est effondré pendant la crise mondiale de 2008, la productivité du secteur a chuté de façon durable car il semblait difficile, à l’époque, de réduire autant les postes, pour des raisons techniques et réglementaires notamment. Même dans ce secteur, on a tout de même observé un bouleversement de nombreuses activités, avec la chute, par exemple, du nombre de traders dans les grandes banques, où ceux-ci ont eu tendance à être remplacés par un nombre plus limité d’ingénieurs informatiques. La tendance ne connait aucune limite qualitative, des marchés les plus structurés et codifiés comme celui des actions jusqu’au marché des devises.L’intelligence artificielle apparaît désormais adaptée à de nombreux emplois du secteur financier qui avait été pourtant préservés en 2008, et notamment aux tâches qui relèvent de l’allocation de crédit.

Les barrières réglementaires restentun facteur de poids dans la préservation d’emplois administratifs et comptables qualifiés. Cependant, on peut penser que celles-ci seront progressivement levées au fur et à mesure que sera développée une offre commerciale concrète et éprouvée d’automation au moyen de l’intelligence artificielle, pour un nombre croissant de tâches et de secteurs économiques. Par-delà les constructions sociales complexes qui sous-tendent ces cadres réglementaires, l’évolution technologique fera inéluctablement sentir ces effets sur les emplois de service qualifiés, en dehors des tâches qui nécessitent une interaction humaine particulière.

Quelles sont les implications d’un tel défi concernant les emplois de demain ? Quels seront les moyens dont disposera la population active pour s’extraire d’une situation de vulnérabilité face à la robotisation et à l’automatisation ?

La technologie n’est que ce qu’on en fait, pour le meilleur comme pour le pire. On a vu, au cours des deux dernières décennies, l’organisation du travail évoluer de façon paradoxale avec le développement informatique. Le travail humain, au lieu d’évoluer dans un sens qualitatif et créatif, a plutôt eu tendance à s’orienter vers des tâches répétitives et prévisibles, notamment dans les métiers considérés comme intellectuels. En parallèle, une forme d’hyper-sociabilité, parfois acrimonieuse, s’est développée avec la multiplication de réunions ne remplissant pas nécessairement des objectifs productifs.

L’accompagnement du développement de l’outil numérique s’est traduit par une couche administrative supplémentaire qui aurait pourtant dû être rendue caduque par les moyens offerts par la technologie elle-même. Ces travers du travail humain, qui s’est bureaucratisé et a perdu en substance tout en devant très politique, rendent la structure actuelle du travail particulièrement vulnérable à l’automation.

Les emplois centrés sur l’implémentation de l’intelligence artificielle sont naturellement mis en valeur et nécessitent des compétences particulières, mais on constate également une certaine simplification de l’accès à la compréhension informatique. La prépondérance d’un langage comme Python, qui est d’une simplicité syntaxique sans précédent, en est un exemple. L’accès à l’informatique, en se simplifiant et en se prêtant à diverses strates de compréhension technique, pourrait permettre une réappropriation de l’automation par des milieux beaucoup plus larges.L’hyperactivité entrepreneuriale autour de ces outils, suivant des compétences très variées et qui échappent aux catégories bureaucratiques habituelles, en est une étape intéressante.

La maîtrise de l’intelligence artificielle relèvera notamment d’une capacité de conceptualisation algorithmique, qui peut à terme être accessible à une large partie de la population et prendre des formes variées. A l’opposé du schéma apocalyptique que semblent indiquer certains développements actuels, en particulier sur le marché des données, il serait possible d’adapter notre modèle économique et éducatif dans un sens qui permette de partager l’accès aux possibilités qu’ouvrent ces évolutions technologiques en termes de participation aux processus productifs et créatifs. La perspective d’une intelligence artificielle qui aurait un caractère général reste pour le moins lointaine, et l’intelligence humaine n’est pas la simple somme de compétences particulières. Combinée à l’évolution de la compréhension scientifique, qu’elle soit physique, médicale, ou autre,et aux autres innovations de la révolution industrielle en cours (dont la robotique et l’impression 3D notamment) la place de l’intelligence humaine reste à peu près illimitée pour orienter ce qui reste un outil informatique.

Quelles sont les implications et les conséquences politiques d’une telle situation de vulnérabilité des emplois qualifiés ?

On a vu monter, ces dernières années, en particulier depuis la crise mondiale, une prise de conscience de la fragilité des normes relatives au monde du travail, dans le contexte des évolutions technologiques, de l’instabilité du système financier et de la mondialisation. Une crise de croyance dans le monde du travail et le marché de l’emploi se développe et donne lieu à un certain nombre de prises de position et d’ouvrages intéressants sur ces sujets.

En parallèle, l’organisation politique des pays développés repose plus que jamais sur l’hypothèse d’une distinction durable entre des élites bénéficiant à la fois de la mondialisation et des évolutions technologiques d’un côté et les classes populaires reléguées de l’autre. Cette opposition, qui nourrit la rengaine du dépassement de la démocratie par une avant-garde administrative habitée par l’esprit de la gouvernance mondiale, est en réalité déjà caduque au vu de la relégation des jeunes générations éduquées dans un certain nombre de pays développés.L’idée selon laquelle les emplois administratifs qualifiés seraient pérennes sous-tend ce schéma binaire. Mais, plus en profondeur, le début de compréhension, semi-consciente, de la vulnérabilité de cette dichotomie existentielle par les couches concernées nourrit une angoisse qui accentue pour l’heure la crispationdu débat et les aspirations démiurgiques.

Budget italien : l’escalade que personne ne peut se permettre

Tue, 23/10/2018 - 16:34

La coalition populiste au pouvoir en Italie est actuellement mise à mal par des rivalités de pouvoir et une lutte interne notamment à propos du budget italien prévisionnel de 2019. Pour ne rien arranger, l’agence de notation Moody’s vient d’abaisser d’un cran la note de la dette italienne. Qu’est-ce que cela augure pour le gouvernement italien et le budget prévisionnel du pays ? Qu’entrainerait le rejet du budget italien par la Commission européenne ? L’UE s’est également adressée à cinq autres pays concernant leur projection budgétaire. Quels sont les autres pays européens qui inquiètent les instances européennes ? L’analyse de Rémi Bourgeot, économiste, chercheur associé à l’IRIS.

Une lutte interne à la coalition au pouvoir, entre La Ligue de Matteo Salvini et le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio, semble avoir lieu, notamment sur le programme budgétaire d’amnistie fiscale. De quoi s’agit-il ? Quelles sont les grandes lignes de ce programme budgétaire ? Présente-t-il des enjeux et risques particuliers ? 

Derrière cette coalition de partis populistes et leur volonté commune de mettre en œuvre une sorte de plan de relance persistent naturellement des visions et des intérêts différents. Sur la question budgétaire, le Mouvement 5 Étoiles, qui séduit plutôt au sud du pays les populations paupérisées, défend une augmentation de la dépense publique au moyen notamment d’une garantie de revenu générale. La Ligue, pour sa part, défend davantage les baisses d’impôts, et son approche parle notamment aux patrons des petites entreprises du Nord. Si les deux partis s’unissent dans une volonté de relance budgétaire, avec un budget prévu à 2,4% du PIB (au lieu des 0,8% prévus par le gouvernement précédent), c’est donc en réalité de façon assez différente au départ. Et chacun entend sans grande surprise faire aboutir ses propres promesses électorales, qui se sont concentrées sur des sujets différents, si ce n’est leur insistance commune à revenir sur la réforme des retraites de 2011.

Pour la Ligue, en plus des baisses d’impôts, cela passe notamment par un programme d’amnistie fiscale, qui n’est guère populaire auprès des électeurs du M5S. Luigi Di Maio a ainsi accusé Matteo Salvini d’avoir modifié le texte sur l’amnistie fiscale, qui doit normalement s’appliquer aux dossiers allant jusqu’à 100 000 euros en tout, pour inclure, de façon bien plus généreuse, les dossiers qui comprennent un ensemble de sommes allant chacune jusqu’à ce montant. Di Maio a dénoncé cette tension de façon spectaculaire dans les médias, laissant penser au passage qu’il voit la Ligue et Salvini davantage comme des compagnons de circonstance que comme des alliés historiques. Bien que les deux soient unis dans la défense de leur programme budgétaire commun, Di Maio perçoit avec anxiété la prédominance de Salvini dans les débats nationaux et ses avancées sur la scène européenne, alors que le M5S peine à combler son déficit de compétence politique.

En plus du bras de fer sur le budget italien prévisionnel de 2019, entre d’un côté Luigi Di Maio et Matteo Salvini, et de l’autre les instances européennes, l’agence de notation Moody’s a abaissé d’un cran, à « Baa3 », la note de la dette italienne ce 19 octobre. Qu’est-ce que cela augure pour le gouvernement italien et leur budget prévisionnel ? Qu’entrainerait le rejet du budget italien par la Commission européenne ? 

Les attaques de Jean-Claude Juncker et de Pierre Moscovici à l’encontre du budget italien devraient se traduire par des demandes de modification et par le lancement d’une procédure pour déficit excessif, mais sans que la lointaine menace de sanctions financières ne se concrétise. Une dégradation encore plus marquée des relations entre le gouvernement italien et les institutions européennes risquerait de se traduire par une envolée supplémentaire des taux d’intérêt, accroissant dès lors le risque d’une nouvelle crise de l’Euro, alors que la BCE retire irrémédiablement son soutien monétaire aux gouvernements et aux marchés de dette.

Le déficit budgétaire prévu par le gouvernement populiste reste en deçà de la limite symbolique de 3% du PIB prévu par le cadre européen, mais c’est surtout l’idée même d’une relance budgétaire reposant sur des mesures de dépense structurelle, qui suscite l’ire de la Commission. L’Italie est pénalisée par le poids de sa dette publique, à plus de 130% du PIB et la faiblesse structurelle de sa croissance, contrainte par de faibles gains de productivité. S’y ajoute la fragilité du système bancaire, dont la montagne de créances douteuses résulte en grande partie de l’atonie économique des vingt dernières années. Le PIB par habitant du pays dépasse à peine le niveau de 1999, année d’entrée en vigueur de l’euro. L’envolée de la dette a notamment été encouragée par le cadre monétaire. Au cours des années 1980, l’endettement public a crû de façon exponentielle du fait de la politique de taux d’intérêt particulièrement élevés pratiquée par la Banca d’Italia, qui visaient à stabiliser le taux de change de la Lire vis-à-vis du Deutschemark, ce qui a propulsé le taux d’endettement public vers le seuil des 100% du PIB. Les années 1990 ont été une décennie assez intéressante sur le plan de la dynamique industrielle, à la suite de la dépréciation de la Lire, consécutive à l’explosion du Système monétaire européen en 1993 ; ce qui a par ailleurs permis de mettre en œuvre des réformes substantielles sur fond de renforcement de la conjoncture. À partir de 1999, le pays a vu sa compétitivité s’éroder continuellement pour des raisons essentiellement liées aux différences d’inflation qui persistaient avec l’Allemagne, à taux de change nominal désormais fixe, et à la stagnation de la productivité. Puis la crise de l’Euro, en plus d’affaiblir considérablement la base économique du pays, a remis la dette sur une voie incontrôlable, sous le coup de taux d’intérêt exorbitants et de mesures d’austérité contreproductives.

Ce que l’on peut reprocher au programme budgétaire de la coalition, c’est de faire assez largement l’impasse sur la question du redéploiement industriel du pays. Plutôt que de mettre en œuvre des mesures qui doivent profiter directement à leurs électorats respectifs et se traduire notamment par une hausse des importations (qui s’élèvent déjà à 28% du PIB), des mesures bien plus ambitieuses sur l’investissement dans les infrastructures et les technologies productives auraient à la fois eu un effet de relance macroéconomique bénéfique à l’emploi et auraient contribué à améliorer la productivité du pays. Il aurait par ailleurs été bien plus aisé de contrer ainsi les critiques de Pierre Moscovici, en invoquant la modernisation économique du pays.

Le pays conserve une base industrielle intéressante, et affiche aujourd’hui un excédent commercial substantiel. Par ailleurs, sa position extérieure nette est à peu près équilibrée ; ce qui signifie que, malgré son haut niveau d’endettement public, l’Italie dans son ensemble n’est pas franchement débitrice vis-à-vis du reste du monde en termes de dette et d’investissement, que ce soit du point de vue des stocks (position extérieure nette) ou des flux (balance courante). C’est notamment cette autonomie financière qui vaut au pays de conserver une note correcte auprès des grandes agences de notation, malgré la récente dégradation par Moody’s, qui s’accompagne toutefois d’une perspective stable. Malgré la sensibilité mécanique de la dette publique au niveau des taux d’intérêt de marché (qui ont crû avec la polémique européenne en cours) et la vulnérabilité du système bancaire, on ne peut comparer la position de l’Italie sur les marchés à celle des autres pays du sud de la zone euro au début de la crise, qui était alors marquée par des déficits extérieurs considérables.

Après celle envoyée au gouvernement italien, Jean-Claude Juncker s’apprête à publier à nouveau plusieurs « lettres d’information » à cinq ou six autres pays européens. Quels sont ces pays ? Existe-t-il d’autres pays européens ayant des prévisions budgétaires inquiétant les instances européennes ?

Ces pays sont ceux auxquels la Commission reproche de ne pas réduire le déficit structurel au rythme prévu, à savoir environ 0.2 point de PIB au lieu de 0.6 point. Il s’agit de la France, de l’Espagne, du Portugal, de la Belgique et de la Slovénie. Dans l’ensemble, les pays touchés par la crise de l’Euro ont (hors Grèce) renoncé aux mesures d’austérité les plus strictes autour de 2012, lorsque les experts du FMI se sont désolidarisés de la Commission, en critiquant son interprétation du lien entre comptes publics, croissance économique et désendettement. On assiste depuis à la mise en place de politiques relativement ambiguës.

Le Portugal est un exemple intéressant, car il a été mis en avant comme bon élève des réformes structurelles dans le contexte de son programme d’aide, au contraire de la Grèce. Finalement, quand un gouvernement populiste de gauche a été élu en annonçant mettre fin à la politique d’austérité des gouvernements précédents, les autorités européennes ont préféré trouver une sorte de modus vivendi. Dans un contexte certes plus tendu, le gouvernement italien et les institutions européennes ont un intérêt commun à une désescalade. La coalition populiste cherche à tout prix à éviter une crise de la dette qui serait provoquée par une aggravation des tensions sur les marchés, tout comme la Commission et les gouvernements allemand et français qui tentent de ne pas pousser l’Italie vers la sortie de la zone euro ; qui signifierait le début de la fin de l’union monétaire. Bien que le sujet soit rejeté par les dirigeants populistes italiens qui redoutent d’avoir à gérer une nouvelle crise financière, ce spectre continue de hanter les débats européens et force pour l’heure les divers acteurs à s’entendre. Alors que l’essentiel des projets de renforcement institutionnel de la zone euro a été rejeté par le gouvernement allemand, confronté au virage identitaire en cours sur sa scène politique nationale, l’idée de solidarité financière et de cohésion au sein de cette zone ne cesse de reculer.

Derrière le mélange de défiance et de recherche de modus vivendi qui domine actuellement le paysage européen, on voit autant en Italie qu’en Allemagne monter très discrètement une réflexion monétaire alternative au consensus des deux dernières décennies.

Fake News, complotisme et désinformation

Tue, 23/10/2018 - 14:26

Olivier Ravanello est journaliste, présidente et directeur de la publication « Explicite.info ». Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 28 et 29 septembre 2018 :
– Comment le modèle des médias indépendants permet-il de lutter contre les fake news ?
– Quel est le rôle des pouvoirs publics dans la lutte contre les fake news ?
– Quels sont les travers du journalisme d’aujourd’hui selon vous ?

Trump enterre “l’Arms Control”

Mon, 22/10/2018 - 18:38

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS.

Trump reprend sa bombe

Mon, 22/10/2018 - 18:27

« La caste » – 4 questions à Laurent Mauduit

Mon, 22/10/2018 - 12:37

Écrivain et journaliste, Laurent Mauduit est cofondateur du journal Mediapart. Il répond à mes questions à l’occasion de la parution de l’ouvrage : « La caste : enquête sur cette haute fonction publique qui a pris le pouvoir », aux éditions La Découverte.

Pourquoi, selon vous, une caste a-t-elle réussi à effectuer un hold-up, non seulement économique, mais aussi politique, sur la France ?

L’histoire du premier hold-up est assez simple à retracer. Au fil des privatisations des trente dernières années, des inspecteurs des finances, souvent responsables de leurs mises en œuvre, les ont réalisées à leur propre profit, en prenant les commandes des groupes concernés. Puis, quand l’heure de la retraite a sonné pour certains d’entre eux, l’esprit de corps les a conduits à choisir comme successeurs d’autres inspecteurs des finances. Et le résultat, vous l’avez sous les yeux : plus de la moitié des groupes du CAC 40 ont pour PDG des dignitaires de cette caste. C’est le cas, par exemple du secteur de la banque : de BNP Paribas jusqu’à BPCE en passant par la Société générale (et bien d’autres), tous les banquiers de la place sont issus de l’Inspection des finances. Tous, sans exception.

Mais c’est tout aussi vrai dans d’innombrables autres secteurs. Regardez par exemple la grande distribution. Inspecteur des finances proche de Sarkozy, Alexandre Bompard est le PDG de Carrefour ; inspecteur des finances et ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy, Jean-Charles Naouri, préside, lui, aux destinées de Casino. Et quand tous deux envisagent de marier leurs deux groupes, où se réunissent-ils « secrètement », pour engager des pourparlers ? Dans les bureaux d’un troisième inspecteur des finances, qui est l’entremetteur du capitalisme parisien : Alain Minc ! La caste est donc tentaculaire dans la vie des affaires.

Le second hold-up, celui sur la vie publique, a été perpétré dans le prolongement du premier. Car après les pantouflages, la France a connu les rétropantouflages ! D’anciens inspecteurs des finances, partis dans le privé, sont revenus vers le public, et on a assisté à une sorte de privatisation des postes clefs de la République. D’où vient ainsi le gouvernement de la Banque de France ? De BNP Paribas ! Et le directeur général de la Caisse des Dépôts ? De l’assureur Générali ! Et le directeur de cabinet de l’actuel ministre des Finances ? De la banque Mediobanca ! Et le directeur adjoint de ce même cabinet ? De la banque HSBC ! Et la liste serait incomplète, si on ne citait pas aussi le « pantoufleur en chef », Emmanuel Macron lui-même, qui, après l’Inspection des finances, a été pantoufler chez Rothschild, avant de revenir vers la sphère publique. On a assisté, en quelque sorte, à une véritable colonisation de l’État par d’anciens hauts fonctionnaires liés aux puissances d’argent. Une colonisation victorieuse puisque cette caste est même parvenue à porter l’un des siens jusqu’au sommet de l’État.

Encore faut-il préciser que si cette colonisation a été victorieuse, c’est aussi parce que les grands partis, de gauche (PS) comme de droite (LR), rythmant la vie publique française, se sont montrés de plus en plus impuissants face aux avancées d’un capitalisme d’actionnaires de plus en plus intransigeant, et se sont progressivement soumis au détestable diktat « Tina » (« There is no alternative »), au point de conduire des politiques économiques de plus en plus voisines. On a alors assisté à un implacable mouvement de balancier : plus les politiques sont devenus faibles, plus la technocratie est devenue forte. Jusqu’à cette élection présidentielle de 2017. Spectaculaire coup de force : c’est comme si les fermiers généraux, trouvant le Roi trop mou, s’étaient résolus à le renverser et à porter l’un des leurs sur le trône.

La lignée des grands serviteurs de l’État ayant lancé de grands projets pour la France dans les années 1960 est-elle morte ? Si oui, l’attrait du privé et de ses avantages, notamment financiers, en est-il la raison ?

Assurément, cette lignée des grands serviteurs de l’État – sur le modèle de François Bloch-Lainé et de tant d’autres…- est morte. Il est même saisissant de constater à quel point les mutations ont été rapides. S’il était toujours vivant, pensez-vous honnêtement que Pierre Bourdieu réécrirait son célèbre essai sur « La noblesse d’État », qui date de 1989 ? Une partie de la démonstration est toujours d’actualité, notamment celle qui établit les phénomènes de reproduction sociale au terme desquels les enfants des classes favorisées sont toujours ceux qui accèdent le plus facilement à l’École nationale d’administration et aux grands corps de l’État. Mais convenez que ce dernier terme est désormais totalement inapproprié. Comme, avec cette valse incessante des pantouflages et des rétropantouflages, la frontière ancienne entre l’intérêt général et les appétits privés s’est en grande partie effondrée, laissant la place à une porosité généralisée. Mieux vaudrait parler d’une « noblesse privatisée » – ou d’une noblesse public-privé – à l’image de ces partenariats éponymes souvent si sulfureux…

Et cette noblesse privatisée a en horreur les grands projets. Dans ce Nouveau Monde, les comptables dominent, et penser le monde au-delà de six à douze mois est interdit – c’est la doctrine de la direction du Trésor, qui s’est malheureusement propagée. Observez bien que tous les anciens outils de l’État pour penser l’avenir ont été remis en cause. Le Plan ? Supprimé ! La direction de la prévision ? Avalée par la direction du Trésor. Tout un symbole : la prospective mangée par la finance !

Pourquoi en concluez-vous que les intérêts de la France ne constituent plus pour beaucoup une priorité ?

Si par cette question, vous me demandez si cette caste rêve encore de promouvoir la grandeur industrielle de la France, ou de mettre en chantier de grands projets collectifs, la réponse est évidemment non. Ce qui prime pour cette oligarchie de hauts fonctionnaires, c’est d’abord l’intérêt de la finance. Observez bien le comportement d’Emmanuel Macron : derrière les traits du chef de l’État, on devine souvent celui de l’ancien banquier d’affaires.

Était-il de l’intérêt de la France qu’Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, privatise l’aéroport de Toulouse, outil économique et d’aménagement du territoire, au profit d’un oligarque chinois corrompu ? Est-il de l’intérêt du pays qu’Aéroport de Paris soit aussi bientôt vendu à l’encan ? En multipliant ce genre de questions à l’infini, on se prend à chaque fois à se demander qui, dans ce monde consanguin, est réellement aux commandes : l’intérêt général ou de féroces convoitises privées ?

Le « populisme », dénoncé par une partie des élites, ne se nourrit-il pas de ce type de comportements ?

La réponse coule de source. La consanguinité qui s’est installée, tout comme la porosité généralisée, génère des situations préoccupantes de conflit d’intérêts, voire des prises illégales d’intérêt. Mais le propre de l’oligarchie, c’est d’être insubmersible, de survivre à toutes les alternances et de jouir ainsi d’une situation d’impunité. Et dans le cas de la fonction publique (pour ne citer qu’elle), l’effet de cette impunité est ravageur. La commission de déontologie de la fonction publique se montrera très sévère à l’encontre d’une infirmière qui quitte un hôpital public pour s’installer en libérale non loin de là ; mais elle sera très accommodante envers le principal collaborateur du chef de l’État qui donne l’ordre à deux banquiers de fusionner leurs établissements tout en prenant la tête du groupe fusionné.

J’ai même envie de dire les choses de manière plus brutale. Vu de France, on dit parfois, à juste titre, de l’Italie qu’elle dispose d’un capitalisme mafieux ou néo-mafieux. Mais nous n’avons pas la lucidité de dire que notre propre capitalisme a des poches mafieuses ou néo-mafieuses. Même si ces deux systèmes ne sont pas identiques : la mafia italienne est une mafia du « bas », liée à la misère et à la criminalité ; tandis que notre mafia est une mafia du « haut », de caractère oligarchique. Et de cela, le pays n’est pas dupe. Ces passe-droits, ce système de caste, cette capacité à surnager à toutes les alternances, nourrissent évidemment le populisme. Mais quand je parle de « caste », ce n’est pas du tout pour alimenter davantage cette colère malsaine. C’est, tout au contraire, pour inviter à débattre d’une question qui va à rebours du populisme et qui me semble d’une importance considérable : la République a-t-elle une haute fonction publique qui corresponde à ses valeurs ?

 

 

Brésil : l’autre enjeu majeur d’une victoire de Jair Bolsonaro, l’avenir de la forêt

Sun, 21/10/2018 - 18:30

Dans le programme de Jair Bolsonaro sont affirmées des positions très franchement pro-déforestation. Quels sont les rapports de force économique et politique sous-jacents à ces choix ?

Jair Bolsonaro a un programme très clair par rapport à la question de la déforestation et entretient une relation étroite avec le lobby de l’agro négoce très puissant au Brésil.

Lobby qui pèse de tout son poids dans l’économie puisqu’il s’agit du secteur de l’exportation des matières agricoles, en particulier de viandes et de soja qui sont l’enjeu spécifique de la question amazonienne en termes de déforestation.

En effet, Bolsonaro propose de relayer les exigences de ce lobby qui est d’ores et déjà fortement représenté au Congrès avec un groupe parlementaire transpartis qui ne défend pas des intérêts partisans mais directement les intérêts de l’industrie agroalimentaire. Or, Bolsonaro s’est fait leur porte-parole et leur promet plusieurs choses.

La première, c’est qu’il leur promet d’enlever toute entrave à l’exploitation des sols de l’Amazonie afin de les utiliser pour la culture de soja et aussi pour la viande. Il promet également de mettre de côté toutes les réglementations environnementales qui ont été durement acquises au cours de ces dernières années au Brésil. Il propose encore de supprimer le ministère de l’Environnement pour l’intégrer au ministère de l’Agriculture qui représente les intérêts du groupe ruraliste.

Si M. Bolsonaro mettait effectivement en acte ce qu’il promet, le Brésil, qui portait jusqu’à présent dans les cercles multilatéraux une grande attention à la question climatique, pourrait-il porter le coup fatal aux objectifs internationaux de réduction d’émissions fixés par les accords de Paris ?

La menace est réelle. Le Brésil est le sixième émetteur, au niveau mondial, de carbone, bien qu’il reste loin derrière la Chine ou les Etats-Unis en matière d’émissions. Il est clair que le projet de Bolsonaro de sortir de l’Accord de Paris a un objectif : permettre de déforester l’Amazonie pour augmenter les rendements et les profits du secteur de l’agro business. Bolsonaro va également chercher de nouvelles alliances géopolitiques pour complaire à Donald Trump.

Bolsonaro estime que les droits environnementaux et les droits humains qui ont été renforcés en faveur des populations indigènes sont une entrave au potentiel économique brésilien et donc selon lui au bien être de la population brésilienne.

En tant que tel, le programme environnemental de Bolsonaro n’est pas une véritable rupture. Il y a toujours eu un choix à faire pour les gouvernements : favoriser l’agroalimentaire pour relancer croissance économique en vue de créer des richesses ou s’y opposer totalement.

Sous le PT, il y a eu beaucoup de conflits mais également des compromis pour limiter l’avancée du lobby agroalimentaire sans le remettre en question. Bolsonaro, lui, veut aller bien plus loin en exploitant pleinement les ressources sans tenir comptes des protestations.

Au cœur de la question de la déforestation figurait jusqu’à présent une interrogation constante sur le sort réservé aux indigènes amazoniens. Peut-on imaginer que la brutalité que promet Bolsonaro à leur égard en vienne à faire de la protection et de l’accaparement de la forêt amazonienne un sujet explosif dans un pays déjà marqué par la violence ?

Il faudra voir ce que Bolsonaro fait s’il est élu, mais il aura face à lui une importante résistance émanant de la société civile, d’associations… Groupes qui ne se laisseront pas faire, il faudra donc voir qui prend le dessus dans cet « affrontement ».

Mais le risque c’est évidemment de voir l’Amazonie perdre toujours un peu plus vite ses capacités respiratoires et d’accélérer la machine du réchauffement climatique.

A l’ère Trump, l’avenir de la lutte contre le changement climatique se joue-t-il hors des COP ?

Fri, 19/10/2018 - 17:25

François Gemenne est spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement, chercheur à l’université de Liège et à Sciences-Po Paris. Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 28 et 29 septembre 2018 :
– Quelles sont les implications de la dépolitisation de processus de lutte contre le changement climatique ?
– La lutte contre le changement climatique peut-elle se poser passer des Etats-Unis ?
– L’action des villes américaines permet-elle de dépasser le retrait décidé par l’administration ?

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