Le chemin de la démocratie est normalement pavé de bonnes élections. De ce point de vue, la situation africaine s’améliore. Dans son histoire, l’Afrique n’a jamais eu autant de pays pourvus de systèmes politiques issus des élections multipartistes qu’en 2015 et 2016. Seule l’Erythrée, l’Etat-caserne qui pousse sa population à l’émigration, ne s’encombre pas d’élections, tandis que la Somalie n’est pas en mesure d’en organiser depuis l’effondrement du régime de Siyaad Barre en 1991. Il faut cependant se méfier d’une lecture à courte vue sur la relation démocratie/élections et mettre en exergue la diversité des situations.
Les bons élèves
Faut-il chercher la vertu politique du côté de la Côte d’Ivoire qui est parvenue en novembre 2015 à réélire sans heurts son président, Alassane Ouattara, dès le premier tour, avec plus de 80 % des suffrages, mais avec guère plus de la moitié des électeurs qui se sont rendus dans les urnes ? Ou du côté du Nigeria qui a réalisé une tranquille alternance politique avec l’élection de Muhammadu Buhari en mars 2015 ? Ces deux cas illustrent bien une tendance dans la bonne direction. L’histoire retiendra probablement aussi le Burkina Faso, dont la société civile, conduite par une jeunesse déterminée à ne pas céder sur les acquis démocratiques, est parvenue, un an après avoir chassé Blaise Compaoré qui voulait s’accorder un nouveau mandat après vingt-sept ans de pouvoir, à déjouer un coup d’État de putschistes issus du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) et à rétablir les institutions de la transition en charge de préparer les élections. Avec la large élection en mars 2016 de l’homme d’affaires Patrice Talon contre le Franco-Béninois, Lionel Zinsou, soutenu par le précédent chef de l’Etat, le Bénin s’inscrit parmi les quelques rares pays du continent où le principe de l’alternance peut s’installer.
Dans tous ces cas, l’évolution est assurément positive. Les jeux politiques sont plus ouverts, la contestation intérieure plus militante, la surveillance extérieure plus vigilante. La violence d’État s’atténue au fur et à mesure de l’adhésion aux droits politiques et humains et à la liberté d’expression. Les manifestations de résistance sociale devenues plus fréquentes traduisent le renforcement de la société civile. Même si l’idée de citoyenneté demeure souvent embryonnaire, ces pays, auxquels il faut ajouter le Ghana et le Sénégal, laissent s’exprimer les médias sur les affaires publiques. Dans un tel contexte favorable, les acteurs non étatiques jouent un double rôle : ils élargissent les possibilités d’engagement citoyen et font pression pour tenir les gouvernements et institutions publiques responsables de leurs actes.
Des sortants qui contournent les processus électoraux
Ces résultats sont-ils révélateurs d’une tendance vers un enracinement de la démocratie partout en Afrique subsaharienne ? Certes non. D’autres pays montrent que les élections sont surtout faites pour offrir de nouvelles opportunités aux Chefs d’Etat et à leur clan pour se maintenir durablement au pouvoir et pour perpétuer les pratiques prédatrices. Douze chefs d’Etat africains sont au pouvoir depuis plus de vingt ans.
Les élections récentes dans certains pays révèlent des méthodes antidémocratiques destinées à maintenir les pouvoirs en place, dont certains furent dans le passé obtenus par la force (un forme de « blanchiment » des coups d’Etat par le scrutin). Le résultat des élections présidentielles ne faisait guère de doute au Niger (Mahamadou Issoufou réélu avec plus de 90 % des voix), au Tchad (Idriss Déby), à Djibouti (Ismaïl Omar Guelleh) et aux Comores (Azali Assoumani).
Au Congo, le président Denis Sassou-Nguesso, qui totalise trente-deux ans de pouvoir, est parvenu à réduire ses adversaires au silence, après avoir fait adopter les amendements constitutionnels (dont la suppression de la limite d’âge fixée à 70 ans pour le chef de l’Etat et la limitation du nombre de mandats à trois contre deux auparavant) nécessaires lors d’un référendum organisé à la hâte pour se maintenir, coûte que coûte, au pouvoir lors d’élections qui se sont tenues tout aussi hâtivement – avec coupure des télécommunications et d’Internet pendant quatre jours, empêchant l’opposition de communiquer sur les résultats –, en mars 2016, avec un score de 60,91 % dès le premier tour. Les dirigeants de l’opposition ne purent répondre à la fraude électorale qu’en appelant à la désobéissance civile et à la grève nationale.
En Ouganda, Yoweri Museveni a été réélu pour un cinquième mandat en février 2016 après trente ans de pouvoir. Après que la commission électorale eut annoncé qu’il avait obtenu près de 60% des voix, le gouvernement continua à harceler et à emprisonner les militants de l’opposition et à faire disparaître toute trace de fraude. Le principal candidat de l’opposition, Besigye, fut arrêté à de nombreuses reprises. Les locaux de son parti furent pris d’assaut par les forces de sécurité qui s’emparèrent des documents qui lui auraient été nécessaires pour contester les résultats du scrutin.
Reste le cas du Rwanda. Les États-Unis se sont dit « profondément déçus » par l’annonce du président Paul Kagamé de son intention de briguer un troisième mandat. Mais ce mécontentement n’aura sans doute aucune traduction en matière de sanctions. En outre, le referendum unanimiste du 18 décembre 2015 a entériné la modification de la Constitution qui raccourcit le mandat présidentiel de sept à cinq ans à compter de 2024, mais autorise Paul Kagamé à briguer deux mandats supplémentaires, ce qui prolongerait en théorie son pouvoir jusqu’en 2034 !
La technologie pour frauder
Dans la majorité des pays, les opposants, convaincus qu’il apporte plus de transparence, plaident pour le recours au vote électronique et à l’usage de la biométrie pour l’établissement des listes électorales. La désillusion est grande. Comme le note Africa Confidential dans son numéro 738 de mai 2016, la technologie peut en réalité aider les fraudeurs à occulter les tripatouillages électoraux : « En général, lorsque deux grands partis sont au coude à coude, comme ils l’étaient au Kenya en 2013 au bout de vingt-quatre heures de dépouillement, et que la commission électorale annonce brusquement une panne générale, il y a anguille sous roche ». Certains systèmes de vote électronique commercialisés en Afrique peuvent servir à manipuler les résultats du scrutin et les chiffres de la participation ainsi qu’à détruire les preuves d’éventuelles malversations. Certains régimes, comme au Congo ou en Ouganda, ferment les réseaux sociaux, coupent l’accès à Internet et aux réseaux mobiles, ou ordonnent aux opérateurs de bloquer les SMS. L’objectif est d’empêcher toute information indépendante sur le déroulement des élections et le décompte des voix.
Les pseudos démocraties
En fin de compte, quelle image de la démocratie donne l’Afrique subsaharienne à l’issue de ces élections ? On se rassure : les pouvoirs autocratiques sont en voie de disparition. Le déclin des dictatures (on pense à celle de M. Oboté, I. Amin Dada, J.-B. Bokassa, J. Mobutu, S. Touré, S. Barré, H. Habré, Ch. Taylor, S. Abacha) est réel mais il reste des despotes (O. El Bechir, I. Afeworki, R. Mugabe, Mswati III, Y. Jammeh) et des régimes avec une fâcheuse tendance dynastique (Gabon, Togo, RD Congo).
On rencontre plutôt des systèmes intermédiaires désignés par divers qualificatifs : « anocraties », « pseudo démocraties », « démocraties molles » « démocraties de faible intensité », « démocraties illibérales », « démocraties par délégation ». Elles ont la forme de la démocratie mais pas sa substance. Elles procèdent à des élections, elles ont des institutions formelles (police, armée, justice) mais faibles, et elles restent vulnérables à la mauvaise gestion des affaires publiques, aux conflits sociaux. La classe dirigeante est composite ; les coalitions entre groupes rivaux sont changeantes et la vie politique est instable. Le désenchantement de la population s’ensuit, mais sans pour autant partout, par peur de la violence qui pourrait suivre, signifier le rejet total du système. Les libertés conquises s’exercent dans un faisceau de contraintes qui fragilisent les acquis démocratiques. Le système politique fait que, même si les élections ont lieu, les citoyens sont totalement coupés des informations sur les activités de ceux qui les gouvernent.
« Quand le ventre est vide, l’urne sonne creux », dit-on avec réalisme à Kinshasa. La démocratie formelle n’a pas ipso facto annulé la marchandisation du politique dans ces États où règne encore un régime politique de type patrimonial. Dans de nombreux cas, c’est la démocratie élective qui a été adaptée à la logique du clientélisme et non l’inverse. Les positions d’autorité légalisées continuent de permettre à ceux qui les occupent d’extraire et de redistribuer des ressources. L’institutionnalisation « État de droit » est pervertie par la personnalisation du pouvoir et la stratégie d’accumulation-redistribution qui préside à chaque niveau de la hiérarchie, du sommet à la base en passant par les intermédiaires. L’État existe mais il adopte la forme d’un rhizome dont les tiges – les institutions – sont moins importantes que les racines souterraines qui plongent dans la réalité complexe des solidarités et des rivalités. Quand le contexte se révèle de cette sorte, la démocratisation ne peut progresser que si un contrôle de la circulation des richesses s’exerce et permet de limiter les prébendes en forçant les détenteurs du pouvoir à, pour reprendre une formule africaine imagée, « manger moins vite et moins seul ».
Rien n’est écrit d’avance. Des évolutions sont perceptibles sur certains indicateurs. Le Worldwide Governance Indicator (WGI) qui tente de classer les manières avec lesquelles une population est capable de jouir de ses libertés (expression, association) et d’interroger le gouvernement sur ses actes (voice and accountability) donne des résultats plutôt en hausse, particulièrement en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Ghana, Liberia, Nigeria et Sénégal). Au risque de choquer, on peut admettre que les modifications de Constitution, certes à la carte (mais par référendum), sont un progrès par rapport au passé, marqué par les répétitions de coups d’Etat. Des élections mêmes truquées sont un apprentissage pour la société civile qui exercera par la suite mieux sa vigilance. D’un mauvais comportement peut naître un mieux pour le prochain scrutin, ou le suivant.
Less than a year ago, the Greek crisis reached its highest level of tension. After arduous negotiations, the Greek government and its creditors signed the agreement for a third bailout in July 2015,which should provide liquidity to the Greek public sector in return for a severe programme of deficit adjustment and structural reforms. At the time of finalising this edited volume, the spectre of Grexit seems much less likely, although not yet impossible (especially if there is Brexit). After six years of painful austerity and the adoption of a number of structural reforms, the original sins of the Greek economy, the structural governance deficits of the eurozone and the imbalances between the European economies remain almost unchanged. The crisis that dominated the European debate in the summer of 2015 changed the perception of Greece and the EU for good.
The contents of this monograph aim at providing a comprehensive view on the changing landscape of both Greek and European politics as a consequence of the eurozone crisis. It presents the results of a research workshop jointly organised by CIDOB and ELIAMEP on December 18th 2015, which departed from the following hypothesis: If the Greek crisis became the epicentre of the eurozone crisis and Europe’s economic and monetary downturn became an existential threat to the European project, then the consequences of the crisis should have transformed the behaviour of Greek authorities towards Europe and of the European authorities in facing the crisis. In other words, Greece and the EU should have adopted new visions reflecting both the transformation of the Greek political scene and the eurozone’s response to a systemic crisis.
Publication contentINTRODUCTION
Pol Morillas and Thanos Dokos
MISSION IMPOSSIBLE OR AN ABSOLUTE BEGINNER? SYRIZA’S EUROPEAN POLICY CHOICES ON THE WAY TO GREECE’S 3rd BAILOUT PROGRAM
George Pagoulatos and Panagiotis Vlachos
AN OLD CRISIS, A NEW GOVERNMENT AND THE CREDITORS: “PLUS ÇA CHANGE PLUS C’EST LA MÊME CHOSE”?
Dimitris Katsikas
THE POLITICS OF SYRIZA IN EUROPE: FROM LEFT-WING RADICALISM TO POST-LEFT MANAGERIALISM
Filippa Chatzistavrou
THE GEOPOLITICAL DIMENSION OF THE GREEK CRISIS
Thanos Dokos
GREECE AND THE CRISIS: A HISTORICAL PERSPECTIVE
Effie G. H. Pedaliu
EUROZONE GOVERNANCE AFTER GREECE: LESSONS LEARNED, LESSONS TO LEARN
Eleni Panagiotarea
EMU GOVERNANCE AND THE MEMBER STATES: LESSONS FROM FEDERATIONS AND OTHER COUNTRIES
Cinzia Alcidi
You can read here the article on the new prime minister of Turkey written by Research Fellow of ELIAMEP and Assistant Professor at the Department of Political Science, Bilkent University, Dr. Ioannis N. Grigoriadis. This commentary was published in Kathimerini on 24 May 2016.
ELIAMEP Policy Paper 26/2016 deals with the Eastern Mediterranean in 2020. It is edited by Director General of the Foundation Dr Thanos Dokos. The policy paper employs scenarios and includes policy recommendations. Findings are based on a conference organised by ELIAMEP and Konrad Adenauer Stiftung (KAS) in Athens on “The Eastern Mediterranean in 2020: Possible Scenarios and Policy Recommendations” . The conference was organised in cooperation with the EU Institute for Security Studies (EU-ISS) and with the support of NATO’s Public Diplomacy Division.
Sous réserve des ratifications par ses membres de l’accord signé le 19 mai, le Monténégro devrait officiellement devenir le 29e membre de l’OTAN, à peine dix ans après son indépendance. Bien qu’un contingent monténégrin participe de façon volontaire à la mission de l’OTAN en Afghanistan, l’invitation faite au petit Etat balkanique (650.000 habitants) n’a pas vraiment de rapport avec les capacités militaires d’une armée comptant au total 2000 hommes. Elle prend en revanche tout son sens du point de vue de l’OTAN à trois niveaux.
D’abord, à l’échelle du Monténégro, on s’attend à ce que cette intégration, comprise en parallèle du processus d’intégration européenne, pousse le pays à se réformer non seulement militairement mais aussi au niveau de l’Etat de droit. La petite taille du Monténégro lui permet de passer à travers les gouttes malgré des dirigeants politiques (le Premier ministre Milo Djukanovic est au pouvoir depuis 25 ans) notoirement impliqués dans des affaires très obscures.
Ensuite, on estime que l’intégration des pays des Balkans au sein de l’OTAN réduit d’autant la possibilité d’un nouveau conflit dans la région. C’est tout le sens des appels du pied de l’organisation en direction de la Serbie, qui participe au programme de partenariat pour la paix mais n’envisage pas d’intégrer l’OTAN, moins de 20 ans après avoir été la cible de ses bombardements. Bien qu’un conflit soit aujourd’hui très improbable, on regarde avec inquiétude la Croatie se réarmer sous l’égide de l’OTAN pendant que la Serbie se fournit en armements du côté de la Russie afin de maintenir un équilibre des forces.
Enfin, cette intégration permet à l’OTAN de faire savoir qu’elle est toujours active et utile, un message à peine voilé envoyé à la Russie. Dans le contexte post-Ukraine dans lequel la Russie a eu recours à la force comme en Géorgie pour geler son étranger proche, chaque camp est pris dans un dilemme de sécurité. La Russie voit tout élargissement de l’OTAN comme une menace directe d’autant plus insupportable qu’elle méconnaît les promesses qui lui avaient été faites en 1991. De son côté, les membres de l’OTAN de l’Est de l’Europe comme la Pologne, la Roumanie et les pays baltes, sont de plus en plus inquiets de l’attitude belliqueuse de Moscou. L’activation récente d’une base de lancement de missiles en Roumanie doit se comprendre dans ce contexte.
La Russie a qualifié l’intégration du Monténégro dans l’OTAN de « provocation ». Le Monténégro et la Russie entretiennent en effet des relations très étroites tant les capitaux russes ont inondé la sublime côte monténégrine. Un tiers des sociétés enregistrées au Monténégro sont détenues par des capitaux russes, en particulier dans l’immobilier et le tourisme. Toutefois, il est fort probable que la réaction russe se contente d’être verbale puisque le Monténégro ne représente pas un enjeu vital pour Moscou, ni politiquement, ni économiquement, ni géographiquement. Au surplus, son principal atout dans les Balkans n’est pas tant le Monténégro que la Serbie.
Pour finir, du côté du Monténégro, l’intégration dans l’OTAN ne va pas de soi auprès de l’opinion publique. Les partis serbes pro-russes ont mené une intense campagne à la fois contre ce rapprochement, puis pour l’organisation d’un référendum sur la question, alors que les sondages montrent une opinion très divisée. L’inamovible Premier ministre Milo Djukanovic n’entend pas céder à cette requête et considère que les élections générales d’octobre prochain feront office de référendum. A condition qu’elles soient libres et sincères, ce qui est loin d’être garanti.
Deux livres viennent de paraître sur les réseaux d’influence de Poutine en France : le premier est écrit par une universitaire, Cécile Vaissié, et le second par un journaliste, Nicolas Hénin. Les deux mettent en avant les tentatives de séduction et d’influence que Moscou tente de bâtir en France mais ils sont très différents : le livre du journaliste est une enquête fouillée et sérieuse ; celui écrit par l’universitaire est un pamphlet excessif et peu rigoureux.
Cécile Vaissié argue de son statut d’universitaire pour dénier à tout autre, et surtout ceux qui ne partagent pas son point de vue, le droit de s’exprimer sur la Russie. Elle va même jusqu’à estimer que Jean-Pierre Chevènement n’aurait aucune légitimité à le faire (!). Ce livre ne respecte en rien les codes universitaires de mise en perspective, de contextualisation et de refus de l’extrapolation. Le livre de Nicolas Hénin n’est pas du même tonneau. Il ne contient pas d’erreurs, démonte les réseaux mis en place par Moscou et l’influence que Poutine peut exercer en France, notamment auprès de l’extrême droite.
On peut néanmoins s’interroger, non sur la pertinence du sujet, mais sur l’importance qui lui en est donnée. Nicolas Hénin reconnaît lui-même que, malgré tous leurs relais, les réseaux russes ont leurs limites. Il admet que, malgré les investissements réalisés par la Russie en France, Moscou n’est pas parvenue à mettre à profit la conjonction extrêmement profitable du duo Sarkozy/Fillon à la tête de l’exécutif.
La Russie, comme d’autres pays avec du retard, s’est également mis au soft power. C’est une réalité indéniable, et plutôt une nouveauté. Il est donc normal de s’y intéresser mais il faut également la relativiser, eu égard au poids sans commune mesure des autres puissances qui exercent une influence beaucoup plus forte sur les élites politiques médiatiques françaises.
Entre le russia bashing et la soumission au Kremlin, ces deux livres oublient également qu’il peut y avoir des politiques ou experts qui estiment qu’il convient de prendre en compte le poids de la Russie par réalisme, si on veut parvenir à un résultat. Prôner une confrontation directe avec elle ne leur paraît pas toujours judicieux, la France pouvant avoir intérêt, pour sa propre politique étrangère, d’établir des partenariats au coup par coup avec elle. Cela n’en fait n’en fait ni des stipendiés de Poutine ni des idiots utiles.
En France, ces responsables politiques et/ou experts, qui plaident pour la levée des sanctions imposées à la Russie et pour un rapprochement avec Moscou, ne forment pas un camp unique. Si, en effet, il peut y avoir quelques agents d’influence, ils sont en réalité peu nombreux et leur influence est plutôt fluette. Leur crédibilité faible et leur rhétorique excessive ne leur permettent pas de réellement peser sur le débat public. On les voit venir de loin et les services français les surveillent de près. À l’inverse, ceux qui prônent la confrontation avec Moscou ont également des inspirations diverses. Le poids et le rôle des milieux néoconservateurs et/ou atlantistes ne peuvent être niés.
Les médias sont majoritairement anti-Poutine et les sondages d’opinion montrent un rejet assez fort de sa personnalité, ce qui prouve la limite des politiques d’influence en faveur de la Russie. Critiquer Poutine en France n’a jamais constitué un motif de sanction ou de pénalités professionnelles. Il n’en va pas de même de tous les pays étrangers.
Ce que ces deux livres ne font pas c’est se placer dans une perspective plus large en interrogeant la réelle influence des lobbys prorusses, en matière de politique étrangère. Dans le domaine stratégique, les cercles d’influence atlantistes, à travers leurs financements, la reconnaissance qu’ils accordent, les tremplins qu’ils peuvent constituer, les stimulants – aussi bien moraux que matériels – qu’ils peuvent accorder, sont sans commune mesure avec ce que peut faire le Kremlin.
HÉNIN (Nicolas), La France russe, Fayard, 2016, 322 pp.
VAISSIÉ (Cécile), Les réseaux du Kremlin en France, Les petits matins, 2016, 390 pp.
Le 23 mai 2016, Dominique Reynié était l’invité du « Club de la presse » de Europe 1, avec Maël de Calan, pour commenter les résultats du second tour de la présidentielle autrichienne, marqués par la percée de l’extrême droite et de son candidat Norbert Höfer (FPÖ).
Cet article 23/05/2016 : Dominique Reynié invité au « Club de la presse » de Europe 1 est apparu en premier sur Fondapol.
Le prix annuel Pierre Schwed, créé en 2015 en hommage au fondateur de l’Union-IHEDN née en 1975, est destiné à récompenser l’auteur (ou les auteurs) d’une étude ...
Der Ausbau chinesischer Außenposten im Südchinesischen Meer hat in Art, Umfang und Geschwindigkeit neue Maßstäbe gesetzt. Zwar haben auch Anrainerstaaten wie Vietnam in der Vergangenheit ihre Stützpunkte auf kleinen Inseln und Riffen erweitert, allerdings über viele Jahre und nicht binnen weniger Monate. China hat eine Gesamtfläche geschaffen, die der Kommandeur der US-Pazifikflotte ironisch als »Große Sandmauer« bezeichnete. Allen gegenteiligen Beteuerungen aus Beijing zum Trotz zeichnet sich eine Militarisierung in diesem Meer ab, dessen reiche Ressourcen und Energielagerstätten schon früher als potentielle Konfliktursachen galten.
Da das Südchinesische Meer eine wichtige Transitstrecke für internationale Handels- und Rohstofftransporte ist, wären der Welthandel sowie Japan und Südkorea unmittelbar von einer Beeinträchtigung des Schiffsverkehrs betroffen. Die Lage in Ostasien droht sich zu verschärfen, obwohl alle Staaten der Region auf stabile und sichere Seeverbindungen angewiesen sind. Im Kern handelt es sich um einen Regionalkonflikt um Seewege und Ressourcen, an dem maßgeblich Staaten der ASEAN und China beteiligt sind, der aber auch globale Auswirkungen hat: Erstens betrifft er einen »Superhighway der Meere«, auf dem fast ein Drittel des weltweiten Seehandels abgewickelt wird. Zweitens ist er eng mit der sino-amerikanischen Großmachtrivalität verknüpft. Drittens beinhaltet er einen seerechtlichen Ordnungskonflikt, der ein Grundprinzip der liberalen Weltordnung in Frage stellt – »Freiheit der See« versus exklusive Seeräume. Untersucht werden Hauptursachen, Verlauf und Implikationen dieses Konflikts sowie Wege zu dessen Einhegung im regionalen und internationalen Rahmen.
» La France est un des États qui, sur le dossier israélo-palestinien, a encore des titres à faire valoir, une continuité dans l’histoire, des positions qui jusqu’à une période récente étaient assez équilibrées, s’inscrivaient systématiquement dans le code du droit international. Je pense que l’on peut se prévaloir d’une ancienneté de participation aux résolutions de ce type de dossier. La question est de savoir si le gouvernement actuel, qui porte ce projet, aura suffisamment de courage. Je n’en suis pas persuadé.
Les dernières séquences, notamment celle du ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, qui s’est confondu quasiment en excuses parce que Benyamin Netanyahou avait fait un froncement de sourcils, sont assez déplorables. Il n’y a pas à s’excuser à propos de la résolution de l’Unesco. Il n’y a rien d’anti-israélien dans cette résolution, rien de répréhensible dans le code du droit international. Je suis choqué que François Hollande lui-même dise que ce vote est fâcheux. Parce qu’on dit qu’il s’agit des territoires occupés ? Oui, de fait ce sont des territoires occupés.
Si c’est là notre attitude, alors non, on n’aboutira pas à un quelconque résultat. Nous n’aurons aucun moyen pour tenter de faire avancer ce dossier. Si on porte un dossier aussi compliqué, il faut faire preuve de fermeté, de courage, de résolution. Je ne suis pas sûr que le gouvernement actuel ait ces trois qualités.
La France, bien qu’elle soit aujourd’hui une puissance moyenne, a encore, ou devrait encore avoir une forme de singularité dans les relations internationales et sa parole peut encore porter si elle fait preuve de courage. Quelles que soient les pressions israéliennes – et dans les 48 heures à venir, elles seront nombreuses sur Manuel Valls – son rôle est de dire : on continue, on monte la conférence début juin. Après on verra, à l’automne, à partir des paramètres mis noir sur blanc à la conférence du 3 juin. On passera alors à la phase suivante, en invitant les Israéliens et les Palestiniens et en continuant sur une ligne intransigeante de l’application du droit international.
En termes de timing, avec l’élection présidentielle aux États-Unis, on peut estimer que l’initiative française – une idée de Laurent Fabius –, n’est peut-être pas très appropriée. Mais on peut renverser l’argument et considérer que, puisque c’est la dernière ligne droite de Barack Obama, on peut escompter un soutien de sa part.
Ce dernier n’a plus rien à perdre. Il avait fait de belles promesses lors de sa première élection en 2008, il n’a rien fait ensuite. Il a capitulé devant l’Aipac (lobby américain pro-Israël, NDLR) pr aux États-Unis. Il s’est fait maltraiter par le gouvernement israélien. Jusqu’en janvier, date de sa passation de pouvoir, le président américain, s’il en a la volonté et le courage, est en mesure de s’émanciper de ces pressions et de s’impliquer davantage. »
Propos recueillis par Agnès Rotivel
L’Institut des hautes études de défense nationale organise le mardi 28 juin 2016 une journée thématique à Paris, sur le site de l’École militaire, sur le thème suivant : « Crises à l’international : quelle place pour les acteurs humanitaires dans la gestion des crises aujourd’hui ? ».
Été 1918. Le Japon est en pleine activité économique du fait de la Première Guerre mondiale. Tandis que les nouveaux riches se multiplient, le peuple subit l’inflation et a du mal à se nourrir. La hausse des prix du riz, accentué par la décision du cabinet de Masatake Terauchi d’envoyer des troupes en Sibérie, met le feu aux poudres. La révolte est déclenchée par les ménagères du département de Toyama, qui s’en prennent aux forces de l’ordre et attaquent les vendeurs de riz et autres hommes fortunés. Les troubles se propagent bientôt dans tout le pays. Près de 2 % de la population y participe. Le cabinet censure la presse, qui agiterait les masses avec sa couverture des « émeutes du riz ». Après Osaka, c’est à Tokyo que les manifestants se rassemblent contre l’envoi des forces armées en Sibérie et contre la cherté du riz, appelant le pouvoir politique à prendre ses responsabilités. Le Premier ministre Terauchi n’a d’autre choix que de décider d’une démission collective.
Été 1960. Le pays est dirigé par les conservateurs depuis cinq ans. Le Parti libéral démocrate au pouvoir, créé en 1955, s’oppose au Parti socialiste, représentant les forces progressistes. Le point culminant de leur désaccord se matérialise sur le traité de sécurité : la droite veut le renégocier ; la gauche l’abolir. Le projet de loi, soutenu par le gouvernement de Nobusuke Kishi, incarnation d’un passé militariste et d’une droite dure, suscite une vive opposition. Comme Masatake Terauchi, il souhaite museler la presse avec un projet de lois, qui ne verra toutefois jamais le jour. « C’est la pire tyrannie depuis Jinmu ! », indique une banderole le 6 juin. Autrement dit, du jamais vu depuis la fondation du Japon. Les confrontations avec les nationalistes et les forces de l’ordre, usant de gaz lacrymogène et de canons à eau, sont violentes. Les manifestants sont réprimés à coup de matraque. Les journalistes à l’antenne ne sont pas épargnés. Le 15 juin, une étudiante de 22 ans de l’université de Tokyo y perd même la vie. Là encore, les femmes, accompagnées de leurs enfants, sont nombreuses à défendre les principes de la paix et de la démocratie. La présence de 330 000 manifestants autour de la Diète dans la nuit du 18 au 19 juin est vaine : le traité est ratifié à minuit. En revanche, le Premier ministre Kishi, très impopulaire, y laisse ses plumes : son gouvernement démissionne collectivement.
Été 2015. Shinzo Abe, qui n’est autre que le petit-fils de Nobusuke Kishi, est de retour aux manettes depuis presque trois ans. Nouveau mouvement antigouvernemental massif. La protestation s’organise cette fois autour de la réinterprétation de l’article 9 de la Constitution. Les manifestations atteignent un sommet le 30 août, dans tout le pays : d’après les organisateurs, ils sont 120 000 à Tokyo, 25 000 à Osaka. De nombreuses personnes âgées, qui ont vécu la guerre, sont présentes. Les femmes aussi répondent une nouvelle fois à l’appel. Le 4 juillet a été créée l’Association des mères contre le projet de lois sur la sécurité (ou Mothers against war) avec pour slogan : « Ne faites pas tuer les enfants ! » Le 16 septembre, l’Association des conseillères en colère, comme l’indique le bandeau rose qui ceint leur tête, fait entrer les voix de la manifestation dans le Parlement. Le texte sur la sécurité et la défense nationale, validé par la Chambre des députés le 16 juillet, est finalement adopté comme loi par le Sénat, en plénière, dans la nuit du 18 au 19 septembre. Désormais, le Japon pourrait user de sa force armée, en cas de vote favorable au Parlement, si un pays allié subit une attaque, si la nation est mise en péril ou si les droits des citoyens nippons sont menacés.
Face à ce mouvement et même si une modeste majorité de Japonais sont contre cette législation au lendemain de l’adoption (51-58 % contre, 30-33 % pour selon les sondages de trois principaux quotidiens nippons), Abe n’envisage pas la démission, contrairement à Terauchi et Kishi. Le premier ne trouvait pas de solution de sortie de crise ; le second déplaisait largement au peuple. Or, à la différence de son grand-père, la cote de popularité de Shinzo Abe, comme celle de son parti, n’est pas si mauvaise : elle est en tout cas bien meilleure que celle des chefs de l’opposition. Son gouvernement remonte même dans certains sondages en septembre : selon la NHK, 43 % des Japonais sont satisfaits de son action, redevenant majoritaires. Ils étaient 41 % en juillet, quand le nombre de mécontents était devenu plus important pour la première fois depuis la reprise de fonction de Shinzo Abe en 2012. Si le sujet a sensibilisé l’opinion, attachée à la paix, les préoccupations semblent être ailleurs. Les principes d’un recours à l’autodéfense collective était connus lorsqu’Abe a été confirmé à son poste en décembre 2014 : son parti a largement remporté les législatives anticipées, certes marquées par un taux de participation très bas (52,66 %), cinq mois après la décision du Conseil des ministres de modifier l’interprétation de l’article 9. C’est que l’action du Premier ministre en direction de l’économie, de la sécurité sociale et de l’éducation des enfants rendrait certains sujets sensibles presque insignifiants – nucléaire civil compris. Si ses fléchettes sécuritaires sont prises pour cible, les flèches Abenomics (dénomination de sa politique économique) font pour l’instant mouche.