(B2) Le projet Hunger de l'artiste Yona Tukuser vous projette à la figure cette famine du XXe siècle en Ukraine un peu oubliée jusqu'à l'intervention russe de 2022. Des peintures d'une rare symbolique
Durant quatorze ans, l'artiste de nationalités bulgare et ukrainienne a rassemblé des documents historiques sur la famine en Ukraine entre 1921 et 1947, utilisant des informations provenant des archives d'État et des entretiens personnels avec des témoins qui ont survécu à la famine, ainsi que de nouvelles sources vidéo documentaires.
Ces peintures issues de cette matière humaine recréent une atmosphère sombre, agressive, d'un réalisme parfois troublant, où la puissance et le tragique semble égaler l'horreur. Une exposition qui entend commémorer le 90e anniversaire de la tragédie de l'Holodomor de 1932-1933, famine reconnue par le Parlement européen comme un génocide.
Cette exposition résonne avec ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine. S'y adjoint en effet, un film documentaire et une installation d'authentiques grains brûlés résultant d'une attaque de missile russe. sur un entrepôt de céréales dans un port du Danube en 2023, ainsi qu'un fragment d'un drone russe qui a brûlé ces céréales.
(B2) En mer Rouge, les échanges de tirs s'enchaînent entre les Alliés et les rebelles Houthis. La coalition durcit le ton, mais la division affleure. Américains et Britanniques militent pour des frappes préventives. Et passent à l'action. La plupart des Européens sauf les Pays-Bas redoutent une escalade et préfèrent une posture défensive.
Un destroyer américain visé
Un « missile de croisière antinavire a été tiré » depuis les zones houthis du Yémen vers le destroyer « USS Laboon (DDG 58), dans le sud de la mer Rouge », dimanche (14 janvier) vers 16 h 45 (heure de Sanaa), annonce l'US CentCom, le commandement américain responsable pour la zone du Proche-Orient. Le missile a « été abattu à proximité de la côte d'Hodeïda par des avions de combat américains ». « Sans blessé ni dommage » est-il précisé.
Une première frappe sur les bases des Houthis au Yémen
On peut y voir une réplique à une frappe menée par les forces américaines contre un site radar Houthi au Yémen. Une première série de frappes a été faite dans la nuit de jeudi à vendredi (12 janvier). A 2 h 30 (heure de Sanaa), les forces du commandement central américain, en coordination avec le Royaume-Uni ont mené des frappes conjointes sur des cibles houthistes. Objectif : « dégrader » la capacité des Houthis « à poursuivre leurs attaques illégales et imprudentes contre les navires américains et internationaux et la navigation commerciale dans la mer Rouge ». Cible visée : « les systèmes radar, les systèmes de défense aérienne, ainsi que les sites de stockage et de lancement de systèmes aériens sans pilote d’attaque unidirectionnelle, de missiles de croisière et de missiles balistiques ».
Un soutien minimal
Frappes menées « avec le soutien de l'Australie, du Canada, des Pays-Bas et de Bahreïn » est-il précisé. Mais « sans aucun lien et (bien) distinctes de l’opération Prosperity Guardian, une coalition défensive de plus de 20 pays opérant dans la mer Rouge, le détroit de Bab al-Mandeb et le golfe d’Aden » prend bien soin de préciser le communiqué US. Notons qu'un seul pays de l'UE — les Pays-Bas — a été associé à la coalition ad hoc sous direction américaine. « Un soutien non opérationnel » prend bien soin de préciser le gouvernement de La Haye.
Seconde frappe
Une seconde frappe a été menée par l'USS Carney (DDG 64), un destroyer américain de la classe Burleigh Burke, dans la nuit de vendredi à samedi (13 janvier), à 3 h 45 (heure de Sanaa), à l'aide de missiles d'attaques terrestres Tomahawk, visant un « site radar Houthis ». Une sorte « d'action de suivi ». La première n'ayant pas a priori tout à fait atteint sa cible ? Ces frappes « n'ont aucun lien et sont distinctes de l'opération Prosperity Guardian, une coalition défensive de plus de 20 pays opérant dans la mer Rouge, le détroit de Bab al-Mandeb et le golfe d'Aden » prend bien soin de préciser cette fois le commandement américain. Une manière de se dédouaner d'une opposition interne bien présente.
L'attaque de grande ampleur
Ces frappes se veulent une réplique à l'attaque « de grande ampleur » menée par les Houthis mardi (9 janvier). A 21h16 (locales), une salve de 18 drones de type OWA, deux missiles de croisière et un missile balistique sont lancés simultanément depuis des bases yéménites, visant des navires en mer Rouge, indique l'US CentralCom. Tous interceptés par les efforts combinés des avions F18 des quatre navires américains — USS Dwight D. Eisenhower (CVN 69), USS Gravely (DDG 107), USS Laboon (DDG 58), USS Mason (DDG 87) — et le britannique HMS Diamond (D34). Aucun blessé ni dommage n'est signalé (1).
Désapprobation discrète de la plupart des Européens
La plupart des alliés européens des Américains — France, Italie, Espagne notamment de façon visible, Grèce de façon plus discrète— désapprouvent ce type de frappes ou, plutôt, s'ils ne s'y opposent pas, ne veulent pas y être associés. Quelques uns ont ainsi signé la déclaration US du 3 janvier (Danemark, Allemagne, Pays-Bas...) condamnant les attaques houthis. Mais pas la France ni l'Espagne par exemple. Et la liste des soutiens se réduit au fil des évènements. L'Italie (et la Norvège hors UE) ont ainsi marqué le coup refusant de signer la dernière déclaration sur les frappes de rétorsion, ne partageant pas automatiquement la même définition de la légitime défense (cf. Carnet 16.01.2024). Ne parlons pas de la Turquie qui a une autre appréciation du conflit au Proche-Orient que les Américains. De façon autonome, les 27 s'organisent plutôt pour préparer leur propre opération (lire : [Confidentiel] Face aux attaques des Houthis en mer Rouge, une opération européenne se planifie…).
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire à suivre : la tactique houthis à l'épreuve.
(B2) Depuis plus un an, le gouvernement français constitué sous la présidence de Emmanuel Macron joue les équilibristes. Tentant toutes les astuces pour éviter d'adopter un standard européen démocratique
© ngv / B2La tentation française de continuer comme avant
Jusqu'aux élections de 2022, la France faisait un peu figure d'anomalie avec la Hongrie ou la Grèce. En Europe, peu de gouvernements disposent en effet d'une majorité absolue. Partout ailleurs, c'est le principe d'une coalition de partis qui dirige. La tradition démocratique européenne aurait alors voulu qu'une négociation s'engage pour former une coalition de gouvernement.
Le risque du tunnel parlementaire
Tenter le pari que les contraires ne pourront pas s'allier pour faire tomber le gouvernement est risqué. C'est un peu comme rentrer dans un tunnel long et sinueux, phares éteints et yeux fermés, et espérer ne percuter personne. Pourtant, c'est la méthode choisie par le gouvernement Macron avec la course aux soutiens individualisés. Espérer atteindre une majorité en faisant basculer quelques individualités en mal de reconnaissance ministérielle est possible quand il y a un écart de une ou deux voix. Pas quand il y a plus de 30 voix d'écart (1).
La raison du compromis
Face à une absence de majorité à la chambre, il n'y a pas vraiment d'autre méthode que de négocier un contrat de coalition pour faire entrer soit un ou plusieurs partis au gouvernement et s'assurer ainsi une majorité, soit un soutien sans participation en cas de gouvernement minoritaire. C'est une règle de base de la démocratie parlementaire. Y déroger c'est s'exposer à naviguer à vue. Ce qu'aucun gouvernement européen n'a pour l'instant tenter. Préférant souvent passer plusieurs semaines, voire plusieurs mois (comme aux Pays-Bas aujourd'hui) avant de former un gouvernement solide.
La méthode privilégiée : coalition de partis et contrat de gouvernement
L'Allemagne a inauguré depuis longtemps ce système de coalition qui rythme sa vie politique tous les quatre ans. Aucun grand parti n'atteignant la majorité absolue, celui arrivé en tête doit composer avec un ou deux autres partis. Un contrat de gouvernement est rédigé, détaillant par le menu non seulement la répartition des postes, mais aussi les réformes à venir, parfois de façon extrêmement détaillée. C'est ainsi qu'a gouverné la grande coalition, regroupant sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates, à l'œuvre sous Angela Merkel à trois reprises. C'est comme cela qu'a été constituée en décembre 2021 une nouvelle coalition « tricolore » inédite (la coalition Ampel) qui gouverne aujourd'hui, rassemblant Verts, orange (Libéraux) et rouge (Sociaux-démocrates).
En Belgique, former une coalition n'est pas un choix mais une mécanique politique obligatoire. Il s'agit non seulement d'obtenir une majorité de gouvernement à la Chambre des députés, mais aussi d'assumer la légitimité de l'État fédéral au Sud (francophone) comme au Nord du pays (néerlandophone). Contrairement à d'autres pays, ici, aucune alliance n'est prévue d'avance ni exclue. Tout dépend de l'élection et, surtout, de négociations byzantines qui s'engagent ensuite sur le mode « je t'aime, moi non plus ». L'actuel gouvernement, issu d'une négociation de quatre mois — un record de rapidité —, rassemble depuis septembre 2020 moins de sept partis. Une coalition dénommée Vivaldi, en honneur du compositeur des quatre saisons et des emblèmes des partis la composant (bleu, vert, rouge et orange).
En Autriche, c'est l'alliance des contraires. Le parti chrétien-démocrate ÖVP, très à droite, a choisi de gouverner avec les Verts. Un peu par hasard. Les deux partis sont arrivés en tête des élections. Début 2020, après trois mois de négociations, ils tombent d'accord sur un programme. Une sacrée pirouette politique pour le chancelier Sebastian Kurz, qui venait tout juste de clore 16 mois de noces avec l'extrême-droite.
Dernier exemple en date, la Pologne, les chrétiens-libéraux de la plate-forme civique, les centristes paysans de la Troisième Voie et la Gauche unie ont passé un préaccord de coalition pour pouvoir obtenir la majorité absolue afin d'extirper les conservateurs du PiS (droit et justice) et l'extrême droite du pouvoir (lire : [Actualité] Un nouveau gouvernement polonais aux commandes. Tusk le retour de l’enfant prodigue).
Seconde méthode : le gouvernement minoritaire
Cette méthode de gouvernement prévaut au Danemark. Arrivé premier aux élections en 2019, le parti social-démocrate de Mette Frederiksen n'obtient que 48 sièges sur les 179 du Folketing, le parlement danois. À peine 27%. Sa dirigeante réussit cependant à constituer son gouvernement, composé des seuls socio-démocrates. Mais avec le soutien « sans participation » autour d'un programme négocié avec plusieurs partis de gauche — des libéraux aux socialistes ou de l'extrême-gauche. Et cela tient ! Depuis presque trois ans.
En Espagne, c'est le règne de l'équilibrisme. En 2020, le premier ministre socialiste Pedro Sanchez a formé un gouvernement avec la gauche de Podemos et les socialistes catalans, au terme d'un accord de coalition, prévoyant réformes sociales et fiscales. Mais, à eux trois, il n'ont pas la majorité absolue. Pour obtenir la confiance, le socialiste négocie avec quelques partis régionalistes, basques, catalans, galiciens, leur soutien ou leur abstention. Au cas par cas. Rebelote en 2023, Sumar ayant remplacé Podemos au gouvernement ; les régionalistes restant en soutien extérieur.
Enfin, en République tchèque, c'est une coalition hétéroclite qui est arrivée au pouvoir en novembre dernier. Ensemble (SPOLU en tchèque), qui rassemble les conservateurs eurosceptiques de l'ODS et deux petits partis chrétiens-démocrates, s'entend dès le lendemain des élections, avec une autre coalition, Maires et Pirates, formée du Parti pirate tchèque et des Maires et Indépendants (STAN), à tendance très europhile, plus libérale et écologiste. Détonnant. Mais les deux ont un objectif commun : déloger du pouvoir le milliardaire libéral Andrej Babiš. L'accord est ficelé en quelques semaines. On verra s'il tient...
(Nicolas Gros-Verheyde)
Version longue et complétée d'un article publié dans Sud-Ouest en juin 2022
(B2) Un bateau de pêche yéménite, dénommé Emarat 2, a été détourné à 13 km au nord d'Eyl (Puntland) signalent les autorités maritimes samedi (23 décembre). Le dhow long de 17 mètres avait été vu pour la dernière fois se dirigeant vers le nord, le long de la côte yéménite la veille (22 décembre). Selon les autorités militaires, le navire pourrait être utilisé pour de futures attaques de piraterie. Cette attaque des pirates somaliens s'ajoutent aux nombreuses attaques par drone et missiles, ainsi que plusieurs approches « suspectes » signalées ces derniers jours entre Djibouti et le Yémen, dans le sud de la mer Rouge.
(B2) Face aux attaques désormais quotidiennes des Houthis sur les navires marchands dans le détroit de Bab el Manded, entre Yémen et Djibouti, et dans le sud de la mer Rouge, les Européens et Alliés renforcent leurs moyens dans la zone
Les Américains qui ont le 'lead' dans la zone ont demandé à leurs alliés de renforcer leurs moyens et leur patrouilles dans la zone. Du côté européen, plus que jamais, l'alerte est donnée. L'idée d'une coordination européenne a été lancée, notamment par le président français Emmanuel Macron lors du Conseil européen du 15 décembre (lire : [Actualité] Face à la menace Houthis, une coordination maritime européenne en mer Rouge ?).
Une frégate française en renfort
La frégate FREMM Languedoc rejoint l'opération européenne EUNAVFOR Atalanta. Cela permettra à l'opération « d'accroître la présence en mer Rouge et la capacité de partage d'informations avec nos partenaires de la sécurité maritime, notamment les forces maritimes combinées (CTF) » a confirmé à B2 un responsable de l'opération. Un soutien apprécié au moment de la recrudescence d'actes de piraterie des Somaliens (lire : [Actualité] Nouvelle alerte aux pirates dans le Golfe d’Aden. Un navire malto-bulgare capturé ?) comme des tirs et sommations des Houthis yéménites (cf. ci-dessous).
En soutien associé
La frégate sera en mode « soutien associé ». C'est-à-dire opérant dans le cadre du mandat d'EUNAVFOR, sous son autorité. Mais pas automatiquement de façon permanente. D'autres actions « pourraient ainsi être menées », mais dans le cadre de décisions et sous une chaine de commandement nationales.
Même si un soutien français à l'opération européenne n'est pas exceptionnel, ce n'est plus aussi régulier qu'en 2010 lors des temps critiques de la lutte anti-piraterie (1).
Un destroyer britannique dans la zone
Le gouvernement britannique a décidé de déployer le destroyer HMS Diamond (D34) dans la zone. Parti de Plymouth, fin novembre, il est venu ainsi rejoindre (et relayer) le HMS Lancaster, déployé dans la région l'année dernière pour sécuriser le golfe, et trois chasseurs de mines (le HMS Bangor, le HMS Chiddingfold le HMS Middleton et le navire de soutien auxiliaire de la Royal Fleet RFA Cardigan Bay). Navires déployés dans le cadre de l'opération permanente Kipion et sous le commandement de la composante maritime britannique (UKMCC) à Bahreïn.
Objectif : « renforcer les patrouilles de la Royal Navy » dans la région et « maintenir ouvertes les routes commerciales critiques » comme l'a expliqué le ministre Grant Shapps dans un communiqué. « Il est essentiel que le Royaume-Uni renforce sa présence dans la région, pour protéger la Grande-Bretagne et nos intérêts d’un monde plus instable et plus contesté. »
Les Allemands se tâtent
Les États-Unis ont demandé à la marine allemande si elle serait en mesure de fournir un soutien en mer Rouge. Mais la réponse à Berlin reste pour l'instant très floue, comme l'a noté notre collègue Thomas Wiegold de Augengeradeaus. Interrogé par la presse, vendredi soir (15 décembre), en marge d'une visite à la base aérienne de Wunstorf, le ministre de la Défense Boris Pistorius a été elliptique : « Nous étudions actuellement la demande et les options disponibles. Mais nous ne sommes pas encore au bout », a-t-il répondu à l'agence de presse DPA.
Les attaques continuent
Les attaques via drone ou missile, ou les sommations faites aux navires circulant dans la zone de se détourner de leur route pour aller dans un port yéménite, sont désormais quotidiennes.
Ce lundi (18 décembre), un tanker norvégien — apparemment le MT Swan Atlantic qui faisait route de France vers La Réunion selon son propriétaire— a été l'objet d'une approche agressive par trois petits bateaux avec du personnel armé à bord à 63 nautiques au nord-ouest de Djibouti. Attaque déjouée par un navire de la coalition maritime allié (américain), qui se trouvait à proximité. Un autre navire — apparemment le MSC Clara, un porte-containers battant pavillon panaméen — a aussi l'objet d'une attaque à 24 nautiques au nord-ouest du port yéménite de Mokha, signalant une explosion forte étant survenu à babord. Sans dégât au bateau ni aux hommes. Les Houthis ont revendiqué l'attaque sur ces deux navires.
Vendredi (15 décembre), le porte-conteneurs allemand Al Jasrah de la compagnie Hapag-Lloyd est touché par un missile. Un incendie se déclare à bord. Un coup de semonce en Allemagne au point que les armateurs comme certains responsables politiques demandent à l'Allemagne de s'engager dans la zone avec des navires. Le même jour, le destroyer britannique HMS Diamond abat un drone d'attaque présumé ciblant un navir dans la mer Rouge, détruisant la cible avec un missile Sea Viper (alias Aster), confirme la défense britannique.
La veille, jeudi (14 décembre), le porte containers danois MV Maersk Gibraltar (de la compagnie AP Moller-Maersk), qui navigue sous pavillon de Hong Kong, parti de Jebel Ali (Émirats arabes unis) vers Djeddah (Arabie Saoudite), est visé par un missile en mer Rouge. Le même jour, le porte-conteneurs MSC Palatium 3, naviguant sous pavillon libérien, est aussi touché par un missile, près du port yéménite de Mokha. Tandis qu'un autre navire de la compagnie, le MSC Alanya qui avait aussi pour destination Djeddah, est sommé par les Houthis de changer de cap.
Mercredi (13 décembre), c'était un chimiquier battant pavillon des Iles Marshall, le MV Ardmore Encounter (de la compagnie Ardmore shipping), qui avait subi une attaque combinée humaine et de missile. Les forces yéménites ont « d'abord tenté d'aborder le pétrolier via des skiffs. Cette tentative n’ayant pas abouti, deux missiles ont été tirés depuis les zones du Yémen contrôlées par les Houthis sur le navire. Elles ont tous deux manqué leur cible » raconte la marine US qui est intervenu. Enfin, alors qu'il répondait à l'appel de détresse, l'USS Mason (DDG 87) a « abattu un drone également lancé depuis les zones contrôlées par les Houthis Û qui se dirigeait vers le navire.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : [Actualité] La menace Houthis en mer Rouge continue. Un pétrolier norvégien atteint par un missile
Mis à jour : précisions sur les attaques du 18 décembre et du 13 décembre
(B2) Un navire battant pavillon maltais a été capturé par les pirates en plein Océan indien jeudi (14 décembre)
Le Centre d'opérations conjoint de la force navale de l'Union européenne (EUNAVFOR) a reçu jeudi une alerte sur le détournement possible du MV Ruen, un cargo battant pavillon maltais et géré par une compagnie bulgare. L'incident s'est produit en plein Océan indien, à environ 500 Nautiques à l'Est de l'île de Socotra.
L'officier de sécurité de la compagnie affirme n'avoir plus de contact avec l'équipage ; celui-ci aurait perdu le contrôle du navire et aurait mis le cap sur Bossaso en Somalie, dont il se trouve à environ 680 nautiques, selon les dernières indications.
La frégate espagnole Victoria, a reçu l'ordre de mettre les moteurs et « se rapprocher le plus vite possible » du navire marchand. Objectif affiché : « recueillir davantage d'informations » et « évaluer d'autres actions ». Les forces maritimes combinées de la CTF sont également averties.
Le navire qui avait pour destination Gemlik en Turquie aurait
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) L'attaque d'un pétrolier norvégien a failli tourner au drame dans la soirée du lundi (11 décembre) en mer Rouge. Les Houthis donnent réalité à leur volonté de viser tout navire ayant pour destination Israël.
Un pétrolier norvégien visé délibérément
Le pétrolier Strinda, battant pavillon Norvégien, a été victime d’une « attaque aérienne complexe » impliquant un missile et un drone, dans le sud de la mer rouge, selon les informations diffusées par la défense française et américaine. Deux navires l'un de la marine française, Le Languedoc, l'autre de l'US Navy, l'USS Mason, se sont portés au secours du navire marchand.
Un missile qui fait mouche, un drone intercepté
Le pétrolier a en effet été atteint par un missile, provoquant un incendie à bord. Missile de croisière anti-navire (ASCM) lancé depuis une zone contrôlée par les Houthis au Yémen, selon l'US Navy. L'incendie a pu être maitrisé. Aucun blessé n'est à déplorer.
Marines française et US au secours
Le drone, qui « menaçait directement le Strinda », a pu être intercepté et détruit par la frégate française multi-missions FREMM Languedoc (D-653), qui patrouillait dans la zone (1). Le Languedoc s’est ensuite placé en protection du bâtiment touché, « empêchant la tentative de détournement du navire », indique la défense française.
Le destroyer américain USS Mason (DDG-87) a ensuite pris le relais et escorté le Strinda vers le golfe d’Aden hors de la zone de menaces. Tandis que la frégate Languedoc reprenait sa patrouille vers le Nord.
Une attaque revendiquée par les Houthis
Le ciblage du pétrolier a été revendiqué par les forces armées yéménites. « L'équipage du navire [norvégien] a ignoré tous les appels d'avertissement », a affirmé Yahya Sare'e, porte-parole des forces armées, selon al Massirah, la télévision liée au groupe yéménite. Une stratégie affirmée.
Viser tout navire à destination d'Israël
Les Houthis avaient indiqué, samedi (9 décembre), vouloir intercepter les navires se dirigeant vers Israël, « quelle que soit leur nationalité ». « Tout navire en route vers Israël sera considéré comme une cible légitime pour les forces armées yéménites » a ainsi indiqué Yahya Sare'e, porte-parole des forces armées. Une réponse « aux atrocités continues commises par Israël (...) et le blocus imposé à la population de Gaza ».
Le Languedoc visé délibérément
La semaine dernière, samedi (9 décembre), la frégate Languedoc avait abattu deux drones qui se dirigeaient « droit sur elle, en provenance des côtes du Yémen ». L’interception et la destruction de ces deux « menaces caractérisées » ont eu lieu vers 21h30 puis vers 23h30 (heures françaises) à 110 km des côtes du Yémen, à hauteur de Al Hudaydah, indique la défense française.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi :
(B2) Le Conseil européen jeudi et vendredi prochain (14) décembre s'annonce comme une réunion cruciale pour les 27 sur tous les plans. Seront-ils capables de surmonter leurs divisions ? De sortir par le haut de leurs réticences croisées ? L'enjeu est notable.
Au sommet UE-Amérique latine, les sourires et applaudissements sont de sortie... pour la photo de famille (Photo : Conseil de l'UE)Un sommet à grand risque
De la division à l'Union, un rite bien précis
Les rencontres au sommet ne sont jamais un grand moment de convivialité unie. Malgré les apparences, les sourires et les accolades. Elles sont plutôt le lieu où les Chefs se confrontent. Ces batailles sont parfois homériques. Leurs idées, leurs intérêts divergent bien souvent avant la réunion. C'est le jeu et même le rite habituel. Cette rencontre étant souvent le moment de resserrer les rangs et définir quelques orientations communes. Le mot division est ainsi souvent concomitant à celui de sommet comme celui d'unité. La réunion de jeudi n'est donc pas exceptionnelle sur ce point.
Un lot de dossiers non réglés
Ce qui semble exceptionnel, c'est le nombre de dossiers, de première importance, sur lequel les 27 ne sont pas d'accord et profondément. Sur l'avenir de l'Europe, ses règles intérieures, son budget, son rôle dans le monde, derrière les mots généreux et souvent creux, les Chefs n'ont plus d'affectio societatis. Les Européens ne sont d'accord sur rien ni au plan extérieur ni au plan intérieur.
Le soutien à l'Ukraine ne recueille plus le consensus
Au niveau extérieur, ils n'arrivent plus ainsi à s'accorder sur le nécessaire soutien militaire à l'Ukraine. Ce point était depuis février 2022 un facteur de consensus. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Entre ceux qui estiment que le soutien à l'Ukraine commencer à coûter cher et qu'ils préfèrent dépenser en national que via l'Europe (ex. l'Allemagne) et ceux qui estiment qu'aider militairement l'Ukraine est une impasse (Hongrie, Slovaquie, Autriche), une minorité certaine s'est formée pour refuser les dernières propositions du Haut représentant. Même l'ouverture des frontières suscite une levée de bouclier des pays les plus proches (Pologne, Slovaquie, Bulgarie, etc.), pourtant la plupart ardents soutiens de Kiev.
La summa divisio d'Israël et Palestine
L'attaque du 7 octobre du Hamas en terre israélienne a causé un traumatisme, non encore cautérisé, chez les Européens. Elle a fait exploser la ligne de consensus. Au point que l'antique message européen d'une solution à deux États, de peuples vivant pacifiquement côte à côte, avec Jérusalem comme capitale des deux États, le caractère illégal des colonies, etc. semble aujourd'hui impossible à réitérer dans son entier. Pour quelques uns prompts à suivre la stratégie Netanyahu, il faut en finir avec les Palestiniens et réoccuper Gaza. Pour d'autres, la solution à deux États est la seule issue possible. Entre les deux, se meut un marais d'États membres au langage plus flou. Seule l'aide humanitaire aux Palestiniens (et encore !) semble retrouver un semblant d'accord.
Pas d'affectio societatis sur l'avenir européen
Les Européens ne sont pas d'accord sur les questions intérieures vitales. Ni sur le budget futur pour 2024-2027 (dépenser plus ou économiser plus, trouver de nouvelles ressources), ni sur le plan migrations (restreindre encore les règles d'arrivées ou permettre une voie légale limitée pour certains potentiels), ni sur les règles budgétaires (faut-il revenir à une règle plus stricte des déficits et d'endettement et quelle marge laisser aux États membres). Autant de sujets primordiaux
... ni sur les frontières futures
Quant à l'élargissement européen à l'Ukraine, il est devenu aujourd'hui un point crispant. La Hongrie a mis son veto à toute décision du Conseil européen sur ce sujet en décembre. Mais il serait vain de mettre Budapest dans un corner. Plusieurs pays se satisfont en coulisses de ce Nem hongrois de dernière minute, leur permettant d'afficher une position plus généreuse en apparence, et évite d'afficher leurs réticences tout aussi grandes. Bref les Européens ne sont plus d'accord sur le projet européen...
Le nombril du monde
Cette absence de consensus et surtout de décision est dangereuse. Le reste du monde bouge, vite et sans les Européens. La Russie a relevé la tête. La Chine est sûre de son destin de leader mondial, l'Inde s'affirme comme puissance économique. Des puissances régionales, du Brésil à la Turquie en passant par l'Arabie saoudite ou l'Afrique du Sud prennent leurs aises dans ce monde nouveau. Des pays à l'importance plus secondaire — tels le Niger, le Mali, le Burkina Faso — ont déjà jeté par dessus bord l'aide et les "recommandations" européennes, préférant d'autres alliances. D'autres n'hésitent plus à "panacher" leur aide pour ne pas dépendre que des Européens. Et ce mouvement ne semble pas prêt de s'éteindre.
Une Europe en peine de leaders
Face à cette révolution planétaire, l'Europe ne semble pas effet au rendez-vous. Plusieurs Chefs sont sur le départ et non des moindres : le Néerlandais Mark Rutte, le Polonais Morawiecki notamment. D'autres ont de grosses difficultés internes à commencer par le principal d'entre eux, le chancelier allemand Olaf Scholz en proie à des dissensions au sein de sa coalition. Même le Français Emmanuel Macron, vers qui les regards souvent se tournent à la recherche d'une impulsion, est en minorité au Parlement et son gouvernement ne tient qu'à coups d'articles 49-3 (vote bloqué).
Une absence de prise de risques
Le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, ne brille pas par son opiniâtreté. Si sa perspicacité politique, son sens de la manœuvre sont bien connus, ce n'est en effet pas le courage politique qui l'étreint. Il répugne aux confrontations trop fortes et préfère souvent botter en touche, repoussant à plus tard la résolution des problèmes, nous précise un bon connaisseur de la machine européenne. D'où le nombre de dossiers qui sont "non réglés".
Une majorité rognée par les extrêmes
Enfin la campagne pour les élections européennes semble s'annoncer difficile pour la plupart des dirigeants. Les changements qui s'annoncent — faiblesse des centristes libéraux et des verts, montée attendue de l'extrême droite et des conservateurs — menacent l'équilibre politique européen interne. Ce qui ne facilite pas vraiment un engagement trop fort et des concessions.
Le précipice de l'histoire
Les Européens tout occupés par leur nombril sont-ils en train de perdre pied. Pas encore tout à fait. Mais le précipice n'est pas loin. Si chacun n'y prend pas garde. A force de petite défense des intérêts et de médiocrité, les Européens pourraient passer demain à côté de l'Histoire.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Si vous n'avez pas encore vu l'exposition de l'artiste graphiste français Jean Jullien au Mima, le musée des arts urbains de Bruxelles, situé dans un quartier en pleine reconversion de Molenbeek au bord du Canal de Bruxelles. Courrez-y.
Cette « première exposition muséale personnelle » en Europe joue les prolongations : jusqu'au 7 janvier prochain. Elle mêle des peintures intimistes de l’artiste, des tableaux naturalistes à des commentaires et réflexions peints directement sur les murs. Les représentations de la mer, les plages, les forêts semblent si réalistes qu'on peut s'attendre à tout moment à se faire surprendre par une vague ou oiseau sorti du tableau.
(Crédit : Jean Jullien / MIMA)Au détour des couloirs, tout en haut presque au pigeonnier du musée, vous pourrez découvrir une fresque géante, présentant sur un demi-cercle, un raccourci de l'histoire des guerres récentes, de l'antiquité à l'actualité, en passant par le Moyen-âge. Édifiant
(Crédit : Jean Jullien / MIMA)(Nicolas Gros-Verheyde)
Au Musée MIMA, Quai du Hainaut 41, Molenbeek-Saint-Jean 1080 jusqu'au 31 décembre 2023
Le site de Jean Jullien
(B2) Les Houthis du Yémen mettent leur menace à exécution. Des missiles et drones ont visé, dimanche (3 décembre), plusieurs navires commerciaux naviguant dans le sud de la mer Rouge. Une réplique voulue à l'attaque d'Israël à Gaza.
Un destroyer américain sur zone
Les attaques se sont succédé dimanche matin et après-midi, menés à la fois par des missiles ou des drones, selon l'US CentCom, le commandement américain, compétent sur le Golfe persique, qui a détaillé chacune de ces attaques et la réplique engagée par un destroyer américain qui patrouillait sur zone. A plusieurs reprises, ce sont des navires britanniques qui ont été visés. Propriété d'actionnaires ayant souvent la double nationalité britannique et israélienne.
Une première attaque contre un navire britannique
Vers 9 h 15 (heure locale), l'USS Carney (DDG64), un destroyer de la classe Arleigh Burke normalement basé à La Rota, a « détecté une attaque de missile balistique antinavire tirée depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » indique le CentCom, Direction : un cargo battant pavillon des Bahamas, détenu et exploité au Royaume-Uni, le MV Unity Explorer (1). Le missile a « explosé à proximité du navire ».
Un drone abattu
Un peu plus tard, vers midi l'USS Carney — qui « se trouve alors dans les eaux internationales » selon le commandement US —, détecte un drone « lancé depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » se dirigeant dans sa direction. Le drone est abattu « sans dommage pour le navire américain ni aucun blessé parmi le personnel ». La cible spécifique du drone n'était « pas claire » reconnait cependant le CentCom. « Nous ne pouvons pas évaluer pour le moment si le Carney était une cible des drones. »
Un navire marchand cible d'un missile
Quelques minutes plus tard, vers 12 h 35, un nouveau navire marchand, le MV Unity Explorer lance un appel de détresse avoir « été touché par un missile tiré depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen ». L'USS Carney se dirige vers le navire marchand pour évaluer les dommages. Les dégât semblent « mineurs ». Mais, dans l'intervalle, un autre drone en approche est détecté. Il est abattu « sans dommage ni blessé, sur le Carney comme le Mv Unity Explorer ».
Troisième attaque contre un autre navire britannique
Vers 15h30, c'est au tour du MV Number 9, un porte-containers battant pavillon panaméen et détenu par une société britanique, d'être touché par un missile tiré « depuis les zones contrôlées par les Houthis au Yémen » alors qu'il naviguait dans les eaux internationales de la mer Rouge. « Sans dommages ».
Quatrième attaque
Une heure plus tard, vers 16h30, le MV Sophie 2, un autre vraquier battant pavillon panaméen, envoie un appel de détresse indiquant avoir été touché par un missile. L'USS Carney a de nouveau répondu à l'appel de détresse mais n'a signalé aucun dommage significatif. Alors qu'il était « en route pour apporter son soutien », le navire américain a cependant abattu un drone « se dirigeant dans sa direction ».
Des précédents
Ces attaques surviennent après la capture d'un navire britannique (lire : [Actualité] Les Houthis détournent en mer Rouge un navire « israélien ». Plusieurs marins européens capturés). Le week-end précédent, la marine américaine avait déjà déjoué cette fois, une attaque de pirates somaliens contre un tanker dans le golfe d'Aden près du Yémen (lire : [En bref] L'attaque contre le Central Park déjouée. Les cinq pirates somaliens arrêtés)
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Les Européens jouent avec le feu au Proche-Orient. S'ils n'y prennent garde, ils pourraient se retrouver demain avec la « pire crise » migratoire que l'Union européenne ait connue. A côté la crise des années 2015-2015 pourrait presque paraître contenue.
Le poste frontière de Rafah - point clé pour le passage de Gaza vers l'Égypte - ici lors de la libération des otages (photo : MAE Pays-Bas)La seule porte de sortie : l'Égypte
La volonté israélienne est en effet d'en finir aujourd'hui avec le réduit de Gaza, de pousser ses habitants à fuir... Les derniers bombardements le prouvent. La volonté affichée par certains dirigeants israéliens aussi. L'Égypte est la seule voie de sortie possible. L'issue terrestre Nord comme la voie maritime étant bloquées par Israël. Or le gouvernement égyptien l'a bien fait comprendre au Haut représentant de l'UE comme aux quelque dirigeants européens venus au Caire. Il est hors de question d'accueillir ces Palestiniens. Pour des raisons politiques. Ce serait réduire à néant le processus de paix reposant sur une solution à deux États. Mais aussi pour des raisons internes et de sécurité. Ce serait subir un enkystement de mouvements islamiques aux antipodes du régime de al-Sissi qui a proscrit les Frères musulmans et consorts.
Les pays de la région peu disposés
De solution alternative, il n'y en a pas vraiment. Aucun autre pays de la région n'est disposé aujourd'hui à accueillir ces réfugiés. Pour les mêmes raisons. Auxquelles s'ajoute une autre : ils sont débordés. Si entre 2012 et 2015, ils ont accueilli à bras ouverts des centaines de milliers de Syriens à la recherche d'un asile, ils ne sont pas prêts à renouveler ce geste maintenant (surtout pour les Palestiniens). La Jordanie estime qu'elle a aussi fait le nécessaire. Le Liban est exsangue. La Turquie a fait le maximum en hébergeant déjà plusieurs millions de Syriens sur son sol.
Des bateaux vers l'Europe
Pour Le Caire, la solution est donc toute trouvée. Si l'Égypte se retrouve forcée, malgré elle (car la pression sera trop forte aux frontières de Rafah), de recueillir des Palestiniens de Gaza, ils seront rapidement mis sur des bateaux : direction l'Europe. Or accueillir une telle population, forte d'un peu moins deux millions d'âme, remplie d'une amertume certaine, d'une possible volonté de vengeance, et qui comprend en son sein quelques extrémistes notoires, formés au maniement des armes, à l'intelligentsia terroriste, ne sera pas de tout repos pour les Européens. Tel Aviv, Beyrouth et Le Caire le savent, les Européens sont prévenus. A bon entendeur...
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Les marins de l'opération européenne EUNAVFOR Atalanta ont repéré un navire de pêche capturé par les pirates la semaine dernière au large du Puntland.
Capturé la semaine dernière
Battant pavillon iranien, le Al-Meraj 1, ce boutre de pêche (ou dhow) aurait été capturé par les pirates au large de Eyl (Puntland), mercredi dernier (22 novembre), selon les informations du MSCHOA / MICA Center de Brest (qui assure la veille informationnelle dans la zone de l'Océan indien pour l'opération européenne). A bord de deux skiffs, les pirates avaient — selon une méthode bien rodée à la fin des années 2010 — placé des échelles pour aborder le dhow à la coque bleue et blanche, menaçant l'équipage avec des armes de type AK47 (Kalachnikov) et RPG (lance-grenades). Puis ramenant leur proie sur la côte.
Un suivi à distance durant plusieurs jours
L'opération navale de l'Union européenne a, depuis plusieurs jours, déployé des « moyens dédiés » — notamment l'avion de patrouille maritime de l'opération basé à Djibouti (un Casa Vigma) et ses deux navires la frégate italienne Durand de la Penne et la frégate espagnole Navarra — pour « suivre de près les mouvements du boutre et signaler sa position ». Cette « vaste opération de suivi » a permis de localiser précisément le boutre. Le dhow a ensuite été intercepté au large des côtes du Puntland (Somalie) indique l'opération européenne mardi 28 (novembre).
Un usage possible de bateau-mère
Hors de question en effet pour les marines européennes de laisser un tel navire. Il aurait fort bien pu servir de bateau-mère pour « faciliter de nouvelles attaques de pirates contre des navires marchands ». Mais les Européens ne sont pas intervenus. D'après nos informations, la situation est plutôt « confuse » (1). Et il est difficile de préciser dans quelle mesure l'équipage collabore, ou non, avec les pirates. D'où la terminologie prudente utilisée par EUNAVFOR : le boutre « aurait été enlevé par des pirates ».
Escorté par une frégate espagnole
Celui-ci « navigue pour l'instant vers les côtes somaliennes sous la surveillance des moyens d'EUNAVFOR », indique le QG de l'opération situé à Rota (Espagne). Plus précisément Les deux skiffs qui entouraient le navire de pêche au début ont décampé sans demander leur reste quand le Navarra s'est rapproché. Il reste des « pirates » à bord apparemment. Dès que le boutre de pêche sera dans les eaux territoriales somaliennes, ce sera aux garde-côtes somaliens de prendre le relais. L'opération européenne n'ayant plus d'autorisation de pénétrer dans ces eaux, la résolution du Conseil de sécurité des nations unies, n'ayant pas été renouvelée.
Une rançon demandée
Les ravisseurs exigeaient, selon le média somalien Garowe Online, du propriétaire du navire le versement d'une rançon de 400.000 $. Les responsables de l'opération Atalanta ont lancé un appel à la vigilance. Recommandant à tous les navires dans la zone de « s'inscrire dans le système d'enregistrement volontaire (VRS) du MSCHOA », le centre de sécurité maritime pour la Corne de l'Afrique, situé à Brest.
Alertes sur le Golfe d'Aden
Plusieurs alertes ont été lancées ces derniers jours par les autorités maritimes (MSCHOA et UKMTO). Mercredi (29 novembre), plusieurs capitaines ont ainsi repéré un petit canot suspect dans les parages du Golfe d'Aden. Lundi (27 novembre), un canot avec trois personnes à bord s'est approché d'un navire marchant à 60 nautiques au sud de Aden au Yémen. Le canot a suivi le navire pendant une heure avant de changer de direction.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Une résurgence ?
La piraterie somalienne n'est plus aussi effective que dans la fin des années 2010. Mais elle surgit de temps à autre. La dernière attaque d'envergure, recensée par B2, avait eu lieu en août 2021 contre un cargo battant pavillon turc, au nord de la capitale somalienne (lire : tentative d'attaque de pirates au large de Mogadiscio).
En avril 2019, un navire militaire espagnol de Atalanta avait intercepté un navire de pêche yémenite utilisé par les pirates (lire : Les pirates repartent à l’attaque. Un bateau-mère stoppé net dans l’Océan indien) ; les ravisseurs arrêtés avaient été transférés aux Seychelles pour jugement (lire : Les cinq pirates arrêtés par les Espagnols transférés aux Seychelles).
En février 2018, c'était un tanker battant pavillon de Singapour mais appartenant à un armateur letton qui avait été attaqué au large des côtes somaliennes (lire : Un chimiquier letton attaqué par les pirates au large de la Somalie). En avril 2017, c'était un dhow indien qui avait capturé par les pirates.
Lire aussi :
Mis à jour et corrigé à 19h35 - le boutre de pêche n'a pas été libéré, mais juste intercepté et suivi à distance. Précisions aussi sur les moyens employés et la situation à bord
(B2) La marine américaine a déjoué dimanche (26 novembre) une attaque de pirates somaliens contre un tanker dans le golfe d'Aden près du Yémen.
L'USS Mason (Photo : US Navy Robert Aylward - Archives B2)Cette attaque classique de pirates prenant le contrôle de navires a été combinée avec des tirs de missiles provenant du Yémen. Pouvant induire à une certaine concertation entre pirates et Houthis.
Une attaque menée par cinq hommes armés
Le tanker battant pavillon libérien a été « abordé par cinq individus armés alors qu'il était en transit dans le golfe d'Aden, près du Yémen » dimanche (26 novembre). Les pirates « ont tenté d'accéder à la cabine de l'équipage » puis « ont tenté alors de prendre le contrôle » du navire, a raconté le général US Pat Ryder lors d'une réunion avec la presse au Pentagone lundi (27 novembre). « L'équipage, pour l'essentiel, a pu s'enfermer dans un lieu sûr » à l'intérieur du navire.
La CTF 151 sur zone
Répondant à l'appel de détresse lancé dans la soirée de dimanche (26 novembre) le navire américain USS Mason, plusieurs navires alliés et avions, parties prenantes de la CTF 151 (la force conjointe initiée par les USA). Les cinq pirates — des Somaliens apparemment — ont alors tenté de s'enfuir à bord d’une petite embarcation. Ils ont été rattrapés et « arrêtés » par l'équipe de visite et d'arraisonnement de l'USS Mason. Celle-ci est montée à bord du tanker, l'a sécurisé et libéré l'équipage. Ils sont détenus à bord du USS Mason a précisé Pat Ryder.
Tir de missiles balistiques
Lundi 27 au matin, deux missiles balistiques ont été tirés depuis des zones contrôlées par les Houthis au Yémen, en direction des zones où évoluaient les deux navires, l'USS Mason et le Central Park. « Les missiles ont atterri dans le golfe d'Aden, à environ 10 milles marins des navires. On ne sait pas encore exactement ce qu'ils visaient » a indiqué Pat Ryder précisant que ni l'USS Mason ni le Central Park n'avaient été endommagés par les missiles. Le Central Park a remis ses moteurs en marche et a repris sa route.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : [Actualité] Un dhow iranien capturé par les pirates au Puntland intercepté et suivi à la trace par les Européens
(B2) Pour la dixième fois consécutive depuis 2004, des avions français seront basés dans les pays baltes. Prêts à faire face à toute alerte. Notamment des avions militaires russes toujours tentés de faire un peu de provoc' aux bordures des pays baltes.
B2 a pu accompagner les pilotes de l'armée de l'air et de l'espace qui se déploient en Lituanie ces jours-ci. Avec une bonne vingtaine de journalistes de différents pays de l'OTAN, nous avons pris ainsi place à bord d'un A300M MRTT (1). Départ au petit matin, sur la base de Istres, dans le sud de la France (la BA 125 pour les intimes de la chose aérienne). Direction Šiauliai en Lituanie, alors que le soleil pointe à peine le bout de son nez sur la Méditerranée.
Dixième participation française
Durant quatre mois, de fin novembre 2023 à fin mars 2024, des avions Mirage 2000-5F assureront la police du ciel au-dessus des pays baltes. Aux côtés des F-16 belges et polonais.
Une présence active des avions alliés sur le ciel balte
C'est la dixième participation à la surveillance du ciel balte (Baltic Air Policy), précise l'état-major des armées, la septième en Lituanie (2), en 20 ans. La présence aérienne alliée a, en effet, été renforcée depuis 2014 et la première intervention militaire russe en Ukraine (Crimée et Donbass). Elle est encore plus actuelle depuis 2022, et la seconde intervention russe en Ukraine (plus massive). Les moyens ont été densifiés.
En relais des Italiens et Espagnols
Les Français viennent s'insérer dans un dispositif rodé depuis des années. Ils seront aux côtés des Belges qui assureront la Baltic air policing classique. Tandis que les Polonais seront à Amari (Estonie) relayant les Espagnols. Ils auront fort à faire. La Quick reaction rapid italienne a réalisé, en quatre mois de présence (1er aout à novembre) 60 alertes. 70% étant liés au survol d'avions russes à destination ou au départ de l'enclave russe de Kaliningrad.
Deux fois deux Mirage
Quatre avions Mirage 2000-5F du groupe de chasse 1/2 « Cigognes » sont déployés pour cette mission. Ils seront basés à Šiauliai, en Lituanie. Les Mirage évoluent, en général, par paire. Ces avions de chasse monoplaces, normalement dédiés à la défense aérienne, sont capables d’interdire toute intrusion aérienne sur un large territoire mais aussi d’assurer la protection de bombardiers ou d’autres aéronefs stratégiques. Ils sont équipés d’un radar multi-cibles performant et peuvent être dotés de missiles air-air de type MICA.
Un détachement d'une centaine de militaires
Le détachement Air français se compose d’une centaine de personnels : six pilotes de chasse, une quarantaine de mécaniciens, une quinzaine de fusiliers et commandos de l’air, des pompiers de l’air (3), ainsi que des soignants du service de santé des armées, des militaires du service de l’énergie ou des spécialistes des systèmes d’information et de communication (CIS). Ce qui est relativement peu en soi. Tout simplement car la plupart de la logistique (fuels, etc.) est assurée sur place, soit par les Lituaniens, soit par d'autres Nations OTAN.
Pleine interopérabilité OTAN
Toutes les actions aériennes des pays alliés sont normalisées dans des procédures de type OTAN, bien intégrées par chacune des forces. Des normes utilisées tant sur le sol national qu'en opérations extérieures. Des procédures de vols, à l'atterrissage ou au ravitaillement en vol, jusqu'aux multiples détails, tels les signaux de parking sur une piste, tous les appareils de l'Alliance opèrent ainsi selon les mêmes modalités, assurant une « complète interopérabilité ». Ce qui « facilite énormément l'interaction entre tous les alliés », témoigne le colonel Gaudillière, porte-parole des opérations de l'armée française, qui parle en connaissance de cause (ancien pilote de Rafale, il a aussi commandé la BA125, la base aérienne d'Istres).
Ravitaillement en vol d'un F-18 finlandais (© NGV / B2)Objectif : Identifier et dissuader
La mission de tous les aéronefs engagés dans le dispositif répond à un mode opératoire assez similaire, assez classique dans la sûreté aérienne : qui répond à quatre missions : identifier, contrôler, surveiller ou intercepter. En premier lieu, il s'agit d'identifier tout aéronef suspect (« douteux » dans le langage aéronautique) pénétrant ou survolant l’espace aérien balte.
Trois critères d'appréciation d'un avion douteux
Un avion est considéré comme suspect, s'il ne répond pas à certains critères : 1° pas de contact radio avec les organismes de contrôle civil, 2° pas de dépôt d’un plan de vol ou non-respect de ce plan de vol, 3° coupure du transpondeur et donc pas de moyen d'identification de l’aéronef. En cas de doute, deux avions décollent pour « prendre liaison, à des fins de vérification » avec l'avion. C'est ce qu'on appelle un « Alpha scramble », pour une alerte réelle (à distinguer d'un « Tango scramble » dédiée aux décollages pour entraînement).
Contact par tous moyens
De façon concrète, un contact radio est pris, à proximité, par tous les moyens possibles (UHF, canal de détresse, etc.). À défaut, c'est un contact visuel — de cockpit à cockpit — qui est assuré (par le biais de petites affiches que montre le pilote). Au besoin, l'avion est escorté jusqu'au sortir de l'espace aérien balte, et pris en charge par les avions polonais, finlandais ou suédois, selon sa direction (cf. carte).
De la simple perte de contact radio à l'intention volontaire
Parfois, il s'agit d'une simple perte de contact radio avec le sol (panne ou défaillance), il s'agit alors pour les avions de l'OTAN de « porter une assistance en vol » à l'appareil en détresse, de l'escorter et le guider au besoin jusqu'à sa destination ou (en cas d'urgence), le terrain le plus proche. C'est souvent le cas pour les avions civils. Pour les avions russes (militaires et parfois civils), la donne est différente. De façon volontaire, les avions russes coupent leur transpondeur ou transgressent leur plan de vol.
La FIR ou l'espace territorial ?
Précision importante : les avions russes ne violent pas généralement l'espace aérien balte, au sens territorial du terme. Ils évoluent en marge de celui-ci, dans la FIR, la zone de responsabilité du contrôle aérien d'un des pays baltes. Le tout pour provoquer ou « stimuler » le contrôle aérien balte. Ces vols sont parfois à visée très provocatrice, coïncidant avec des évènements particuliers (fête nationale, visite d'une personnalité d'un pays de l'OTAN). Histoire pour Moscou de marquer son empreinte sur la zone.
(Nicolas Gros-Verheyde, à bord d'un MRTT et à Siauliai en Lituanie)
Lire aussi notre [Fiche-Mémo] La surveillance aérienne de l'OTAN au-dessus des pays baltes
(B2) C'est un acte de piraterie « politique » qui vient de se dérouler en mer Rouge. Les Houthis, la force au pouvoir au Yémen, affirment avoir détourné un navire marchand, le Galaxy Leader.
Ayant traversé le canal de Suez en Egypte, ce navire transporteur de voitures qui bat pavillon des Bahamas a été détourné à 14’50 Nord, 4’15 Est à 50 nautiques de Hodeidah alors qu'il se dirigeait vers le port de Pivavav en Inde. L'officier de sécurité de la compagnie a « perdu les communications avec le navire », après que celui-aurait été « abordé par des personnes non autorisés » a confirmé le centre britannique de suivi de la marine marchande (UKMTO) dimanche (19 novembre).
Un avertissement
Les Houthis entendent ainsi donner un « avertissement » à Israël. Tous les navires « appartenant ou traitant avec l'ennemi israélien » deviendront « une cible légitime pour les forces armées ». Ce tant « jusqu'à ce que l'agression contre Gaza cesse et que les actes odieux contre nos frères palestiniens à Gaza et en Cisjordanie cessent ». Ils exhortent aussi « tous les pays dont les citoyens travaillent dans la mer Rouge à éviter tout travail ou activité impliquant des navires israéliens ou appartenant à des Israéliens » Quant à l'équipage du navire, il est traité « conformément aux principes et aux valeurs de notre religion islamique » assure son porte-parole sur XTwitter.
Un navire opéré par des Japonais, propriété britanniques et d'Israéliens
« Il n'y a pas de cargaison à bord » a assuré l'affréteur, la compagnie de transport maritime japonaise NYK Line. Ce navire est exploité la société britannique Galaxy Maritime Ltd., basée dans le paradis fiscal de l'Isle de Man, et propriété de Ray Shipping LTD, basée à Tel Aviv, dont l'actionnaire principal est Rami Ungar, l'un des principaux importateurs de voitures en Israël, comme il l'affirme lui-même.
25 membres d'équipage retenus, dont plusieurs Européens
Parmi les 25 membres d'équipage, retenus en otage, figurent au moins trois citoyens de l'Union européenne : deux Bulgares, le capitaine et son second, selon le secrétaire du ministère de l'Intérieur, Jivko Kotsev, cité par la télévision bulgare ; ainsi qu'un Roumain selon le ministère roumain des Affaires étrangères — et des Ukrainiens. Selon nos informations, une notice — dite IRTB (Industry Releasable Threat Bulletin) — est en cours de préparation pour informer l'industrie du transport maritime de la nouvelle situation causée par le conflit.
(NGV)
Mis à jour à 20h00 avec les détails sur les membres de l'équipage et l'IRTB
(B2) Alors que le conflit au Proche-Orient a fait éclater l'unité des Européens, Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne tient bon la barre du bateau "Europe" à la dérive. Il joue pleinement son rôle de coordinateur, mais aussi d'impulseur alors que le moteur ministériel a des ratés. Dans les limites de ses fonctions, mais en utilisant tous les ressorts possibles.
Une Europe en débandade
La guerre déclenchée entre le Hamas palestinien et Israël a mis à nu les divisions farouches entre les gouvernements européens sur le conflit au Proche-Orient. Avec une explosion en plein vol de l'unité. Des divisions exposées de vive voix, lors des visites en Israël comme en Palestine, et aux yeux de tous les partenaires extérieurs, à l'ONU (1).
Un langage commun dur à exprimer
Qui aurait cru qu'un simple appel à un cessez-le-feu voire à une trêve humanitaire immédiate aurait suscité autant de discussions, comme lors des dernières réunions des Affaires étrangères ou du Conseil européen ? Qui aurait cru que le simple rappel des paramètres habituels (pas d'issue au conflit sans solution politique, deux États vivant côte-à-côte, arrêt de la colonisation, Jérusalem comme capitale des deux États) serait aussi difficile à exprimer ?
Entre jeux personnels et défaitisme
Sous le coup de l'émotion de l'attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre et de la nécessaire solidarité avec le peuple issu de la Shoah, certains responsables européens semble avoir oublier ce langage auparavant si rituel, qu'on n'y prêtait guère attention. Comme s'ils n'y croyaient plus. D'autres préfèrent jouer une musique personnelle (2). Le couple franco-allemand est aux abonnés absents. Encore une fois, comme au début de l'intervention russe en Ukraine, Olaf Scholz et Emmanuel Macron sont allés, chacun de leur côté, en Israël (et Palestine pour le second).
Une révélation dans la crise
Dans cette "chienlit" européenne, un seul personnage semble tenir la barre du radeau européen, Josep Borrell, le Haut représentant de l'UE. L'Espagnol âgé aujourd'hui de 76 ans se révèle au grand jour dans cette crise, tentant de ramener les 27 à la raison. Son âge, comme son caractère, légèrement ombrageux, considérés comme un handicap à sa nomination, se révèlent, ici, un sérieux atout. Tout comme son expérience. L'homme émerge, solide, et respectueux non seulement de la lettre mais de l'esprit des Traités.
Gardien du cap européen
Le Haut représentant remplit ainsi sa fonction, utilisant au maximum les compétences qui lui ont été confiées, forçant parfois le consensus qui peine à émerger. Cela a été le cas lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du 23 octobre à Luxembourg. Réunion harassante, difficile où les 27 montrent alors leurs divisions. Devant la presse, il fixe une position qui gratte le poil de la gorge de quelques ministres (l'Autrichien, le Hongrois, ...) la jugeant pas assez fidèle à leurs pensées. Inlassablement, sur les réseaux sociaux aussi, il fait le rappel à la loi humanitaire, critiquant le siège de Gaza, appelant à une « pause des hostilités urgente » pour acheminer l'aide humanitaire, et à une solution politique. Au prix de vertes critiques (3). Il n'en a cure.
... et forceur de consensus
Pour Borrell, il faut que l'Europe prenne position, sur le juste milieu. Une position d'équilibriste. Les faits lui donnent bientôt raison. La situation sur le terrain est devenue critique. Les positions des principaux alliés d'Israël, tels les États-Unis et l'Allemagne, évoluent. Les critiques se font plus discrètes. Le langage commun rejoint le « consensus » avancé de façon un peu audacieuse, quelques jours auparavant. Le Haut représentant arrive, au forceps, peu à peu, à amener les 27 sur un langage commun plus dynamique. Le 12 novembre, il obtient ainsi une déclaration « au nom de l'Union européenne » (donc à l'unanimité des 27) un peu plus dynamique que les précédentes appelant à des pauses « immédiates ». L'adjectif a tout son sens. Le 13 novembre, il présente des paramètres pour l'après-Gaza que certains membres trouvent trop déséquilibrés (Lire : [Actualité] Les six paramètres de l’après offensive sur Gaza selon les Européens. Face à l’urgence, des ponts flottants à Gaza ?). Mais qui se révèlent fort justes. Quelques jours plus tard, les États-Unis de Joe Biden affichent publiquement une position similaire ; le président américain allant même plus loin en menaçant de sanctions les colons extrémistes israéliens (4).
Une leçon pour l'avenir
Cet épisode justifie, plus jamais, le fait d'avoir un personnage au sein de l'arsenal européen, qui soit chargé d'exprimer la voix de l'Europe, de rappeler la position intangible européenne, qu'elle ne soit pas l'otage des positions nationales. Ce rôle devra être renforcé. Face à l'adversité extérieure, chacun devrait aussi ranger ses ego de côté, cesser de vouloir faire des coups médiatiques sans lendemain. C'est le prix à payer pour que l'Europe puisse exister dans le concert mondial.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi :
(B2) Sous des dehors très actifs, l'Europe de la défense, alias l'Union européenne de défense, n'arrive toujours pas à franchir le cran supplémentaire et nécessaire au niveau stratégique. Malgré des outils aujourd'hui disponibles en nombre, elle peine à faire sa révolution. Se satisfaisant de quelques avancées, elle parait incapable d'accomplir sa mue géopolitique. Inquiétant dans ces temps troublés. Revue de détails.
En quelques années, l'Union européenne s'est dotée de plusieurs outils majeurs : Coopération structurée permanente (PESCO), Facilité européenne pour la paix (FEP), Fonds européen de défense (FEDef), structure de commandement des missions militaires (MPCC) et renforcement du commandement des missions civiles (CPCC), une direction sur l'industrie de défense (DG DEFI) à la Commission européenne. Le tout doté d'une doctrine (la boussole stratégique) et soutenu par un service diplomatique européen (SEAE), qui a trouvé son rythme de croisière.
Il serait logique d'être satisfait de cette progression. Mais crier victoire serait audacieux. La plupart de ces avancées datent des années 2010 - 2019. Or, dans le même temps, le monde a évolué de façon plus heurtée et plus rapide. Les conflits sont multiples, plus durs, et surtout plus proches de l'Europe (Syrie, Russie-Ukraine, Israël-Palestine). Des États clés peu éloignés sont déliquescents (Libye, Liban, Soudan) sans compter les coups d'États militaires (au Sahel) qui peuvent contribuer à cette instabilité. Et cette phase ne semble pas terminée. Les acteurs de la scène mondiale, et pas uniquement les plus gros, n'hésitent plus à appliquer le jeu de la force plutôt que le rôle du droit, le fait accompli plutôt que la négociation.
Dans ce contexte, la réunion des ministres de la Défense, ce mardi (14 novembre) apparait comme un anachronisme de plus avec un agenda aussi court que possible (un petit déjeuner, deux-trois heure de réunion et un déjeuner) et de faibles résultats à attendre malgré des défis nombreux (lire : [Confidentiel] A l’agenda de la double réunion Affaires étrangères et Défense (13 et 14 novembre).
Une gestion de crise enkylosée par les lourdeurs du passé
La gestion de crises de la PSDC, qui était auparavant le côté opérationnel le plus actif, traverse une mauvaise passe.
Un tiers des missions inactives ou inefficaces
Certaines missions, auparavant au premier plan comme au Sahel (Mali, Niger, Centrafrique...), sont en agonie active. Les missions atones (EUBAM Libya, EUAM Iraq,...) n'arrivent pas à se redynamiser. Cela a été proposé. Mais à chaque fois, les États membres ont une bonne raison pour refuser d'ouvrir le débat et passer à la case : fermeture. Résultat : les missions continuent sans efficacité, mais en consommant de l'argent communautaire. Sur les quelque 330 millions € de budget dédiés aux missions civiles, cela représente près d'un tiers (115 millions €) selon nos estimations, qui peut être économisé ou redéployé.
Entre missions Potemkine
L'exemple de la mission de gestion du point frontière de Rafah (EUBAM Rafah) entre la bande de Gaza et l'Égypte est symbolique de cette dichotomie entre affichage et réalité. Cette mission est au ralenti depuis des années. Aucun rapport, aucun élément public ne permet de savoir ce qu'elle a réalisé. J'ai posé la question et obtenu un espèce de boulgiboulga administratif cachant mal cette inefficacité. Avec l'éclatement du conflit au Proche-Orient, on aurait dû assister à une nouvelle dynamique, en urgence. Car l'UE a en Palestine une de ses plus anciennes missions (EUPOL Copps) qui a une bonne connaissance du terrain. Rien... au contraire.
... et missions de bon voisinage
Les seules missions "efficaces" sont les bonnes vieilles missions-opérations dans les Balkans, ou dans le voisinage Est (formation des Ukrainiens, observation en Géorgie ou en Arménie, État de droit au Kosovo). Tensions obligent. Mais aussi car ses missions-opérations reposent sur des objectifs précis, cadencés, et souvent un cadre opératif "exécutif" ou "semi-exécutif" (1). Malheureusement, la discrétion reste aussi de mise (2). Malgré tout le discours sur l'importance de la communication stratégique, de contrer la désinformation, l'Union européenne reste toujours totalement incapable de tout simplement informer sur ce qu'elle fait.
La réaction rapide de crise atone
Du côté de la réaction rapide aux crises, l'encéphalogramme est plat. Certes un coup de peinture a été donné aux bons vieux battlegroups (jamais utilisés et jamais utilisables) en mettant au point une Capacité de déploiement rapide (RDC en acronyme anglais). Intention louable. Mais rien de révolutionnaire. C'est ni plus ni moins l'effectif théorique des deux battlegroups de permanence. Et celle Capacité ne sera opérationnelle qu'en 2025. Autrement dit un siècle à l'heure les bouleversements mondiaux actuels !
Réétudier des scénarios pour ne pas agir ?
Ce dispositif pourra-t-il un jour être utilisé ? Le doute persiste. Les principaux aléas du passé restent là : unanimité nécessaire de décision, volonté politique aléatoire, coûts financiers globalement à charge des pays intervenants (3). Même sur un sujet consensuel comme l’évacuation des citoyens européens, cette nouvelle Capacité est restée à quai, par exemple lors de l'évacuation du Soudan ou d'Israël tout récemment. Or l'évacuation de citoyens nationaux (ou européens) est un sujet parfaitement connu et balisé des armées européennes, voire même de l'Union européenne. Le premier exercice (sur table) et le premier concept européen - que j'ai en archives - date du printemps 2006 ! Presque 20 ans ! On peut se demander concrètement ce que fait l'état-major de l'UE (dirigé aujourd'hui par un général néerlandais M. Van de Laan) et fort de 200 personnels. (Lire aussi : Force de réaction rapide. Une idée, loin d’être révolutionnaire. Un peu d’audace Svp)
Un financement industriel qui pose question
Des avancées nettes
Du côté de l'industrie de la défense, l'Europe là aussi a connu de nettes avancées. Le fonds européen de défense alias FEDef fonctionne depuis bientôt deux ans, bien doté (1 milliard € par an) pour deux fonctions : recherche & technologie (R&T) et recherche & développement (R&D). Une enveloppe supplémentaire a été mise en place pour développer l'industrie des munitions en Europe et 300 millions € supplémentaires. Mais pour aller plus loin, ça cale.
L'étage supérieur bloqué
La volonté du commissaire européen Thierry Breton de pousser les feux et d'obtenir un fonds pour les acquisitions en commun en Europe, s'est heurtée à un double Niet. Les États membres ne sont en fait pas trop d'accord pour augmenter leur contribution (4). Le message interne peut se résumer à ceci : « Super ton idée, Thierry... mais trouve l'argent dans ton budget. Not in my pocket ». Autrement dit : pas un kopeck de plus pour la défense. Une difficulté qui s'ajoute à un certain sentiment chez les plus europhiles de l'incapacité de réaliser l'objectif stratégique rêvé.
Un objectif stratégique en passe d'être raté
L'espoir de voir se créer une industrie de défense européenne capable de rivaliser avec celles des USA ou de la Chine (l'objectif stratégique du FEDef) est pour le moins "défraichi". Ces fonds sont ainsi devenus le terrain des "chasseurs de subventions". Et cela ressemble parfois davantage à de l'opportunisme financier qu'à un vecteur de changement stratégique. La dynamique de consommation des fonds entraine plutôt une dynamisation du tissu des PME et des "petits" ou "moyens" États qui veulent tous avoir leur projet et leur industrie. Ce qui logique et légitime au niveau national se révèle une erreur stratégique au niveau européen.
Le manque
Malgré quelques renforcements, l'Union européenne n'a toujours pas cette agence de défense, autonome, dotée d'un financement nécessaire, capable de passer des marchés directement, et d'orienter ainsi de façon précise les priorités industrielles. Cette agence prévue au Conseil européen de 2003, a été mise en place il y a 20 ans maintenant. Mais, malgré un certain renforcement — quelques millions d'euros en plus cette année, (lire : [Confidentiel] Budget en augmentation pour l’agence européenne de défense), l'ambition reste trop mesurée face aux défis. Les États membres rechignent encore une fois à déléguer quelques compétences.
La question taboue de l'utilité publique
A cela va s'ajouter une interrogation : quelle est l'utilité de dépenser de l'argent public vers une industrie qui a grosso modo un seul problème — trop de demandes, pas assez de personnel (5) — et engrange des bénéfices notables ? Cette question, taboue aujourd'hui dans les milieux de défense, effleure dans le débat à fleurets mouchetés qui a commencé entre États membres sur la révision du cadre budgétaire pluriannuel (en décembre pour la révision, en 2025-2026 pour le prochain cadre). Elle pourrait être exprimée plus brutalement dans la campagne électorale européenne (d'ici juin 2024) ou à l'occasion d'un rapport de la Cour des comptes. Vraie question.
Une politique de défense encore loin d'être commune
Résultat, que ce soit au niveau opérationnel ou industriel, l'ambition d'avoir une politique de défense commune parait aujourd'hui une étape infranchissable, même dans un contexte de crise intense.
Une boussole qui perd le Nord ?
Au niveau politique, la fameuse boussole stratégique sensée fixer un cap pour les prochaines années se révèle fidèle aux défauts de ses prédécesseurs (stratégie globale de Mogherini, stratégie intégrée de Ashton) : un beau document de réflexion, une mise à plat honnête des problèmes, un foisonnement de priorités mais un fracassage en beauté sur la réalité au moindre incident. Les États continuent d'avoir leur ligne politique, leurs intérêts, et les communautés de vision sur ce sujet restent limitées. Les divisions sur la guerre entre Israël et Palestiniens le prouvent. Les divisions, plus discrètes sur l'Afrique (rester ou ne pas rester au Niger), soulignent des lignes de fractures non résorbées. L'unité forte des Européens face à la guerre russe en Ukraine ne doit pas faire illusion, elle est la conséquence de deux éléments : une sensation de menace immédiate et (surtout) la pression américaine forte exigeant que l'Europe tienne son rang.
Une Facilité à bout de souffle
La seule avancée palpable de l'Union européenne est au plan financier : avec la Facilité européenne pour la paix. C'est indéniable. Pour financer les opérations et la fourniture d'équipements militaires, la Facilité tourne à tour de bras. Mais le dispositif atteint ses limites. Ou plutôt, le succès est tel (avec la guerre en Ukraine) que son plafond financier a déjà dû être augmenté à deux reprises (+ 3,5 milliards € sur la période). Et qu'une nouvelle augmentation (+ 5 milliards par an et + 20 milliards sur la période 2024-2027) a été mise sur la table. Sauf que les États membres, en particulier ceux qui financent le plus (Allemagne, France, etc.) commencent à tousser. En particulier leurs ministères des Finances qui n'avaient pas prévu de trouver autour d'un milliard d'euros de plus pour la défense ! (lire : [Décryptage] Une facilité militaire à 20 milliards pour l’Ukraine. C’est compliqué !).
La PESCO entre deux eaux
La coopération structurée permanente qui était sensée être le niveau politique de la défense européenne, 'arrive pas à percer. Six ans après sa mise en place, elle s'est installée dans une certaine monotonie, habituelle à l'Union européenne, avec une multiplication de projets (un véritable arbre de Noël), une ligne stratégique faible, des résultats hasardeux (lire [Confidentiel] Dopée par le guerre russe en Ukraine, la PESCO présente encore bien des faiblesses). Mais c'est surtout le niveau politique qui est le grand absent. En toute logique, la seconde guerre russe en Ukraine (2022), le Haut Karabagh ou la guerre entre Israël auraient dû déclencher une réunion d'urgence, une réaction... Rien.
L'UE à la remorque de l'OTAN
Au final, alors que l'OTAN, malgré ses lourdeurs initiales, a su s'adapter finalement assez vite à la nouvelle donne du conflit de haute intensité en Ukraine - elle y a même retrouvé une seconde jeunesse, déployant des forces à l'Est de ses frontières, refondant ses processus, ses concepts, de façon plutôt rapide, l'Union européenne est restée à la traine. Elle n'a pas osé révolutionner ses processus, sa structure, son mode de pensée, à la hauteur des évolutions en cours (6). Aujourd'hui concrètement, le partage des tâches (rêvé par certains, refusé par d'autres) entre une OTAN militaire sur les gros engagements et une UE civile chargée des questions de souveraineté économique ou de "petites" missions de gestion de crises, est clairement la norme.
Commentaire : L'Union européenne de la défense est morte ?
L'Union européenne de la défense verra-t-elle le jour, un jour ? Pas sûr. Si des évènements comme le 24 février 2022 (l'offensive russe sur l'Ukraine), le 19 septembre 2023 (l'offensive azéri sur le Haut Karabagh), le 7 octobre 2023 (l'offensive du Hamas en Israël et sa réplique israélienne sur Gaza) ne suscitent pas de révolution, quel évènement pourra le susciter ? L'Union européenne sa cantonne, volontairement, dans sa position favorite : être un financeur (la politique du carnet de chèques), un législateur (sur l'aspect industriel et économique, mais pas militaire) et un pourvoyeur d'aide humanitaire. Globalement le tryptique des années 1990-2000. Mais elle n'arrive pas à franchir l'échelon supérieur, stratégique et géopolitique. Malgré tous les mots et réels engagements de Paris, Bruxelles ou Berlin. Chacun semble avoir oublié l'épisode Trump (qui n'est pas une parenthèse de l'histoire) et a enfouir la tête dans le sable. De façon assez paradoxale, on pourrait même dire que l'Europe de la défense (tout comme le pilier européen de l'Alliance) a été gravement atteinte le 24 février 2022.
(Nicolas Gros-Verheyde)
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(B2) Un film aux couleurs merveilleuses, des mets choisis et un script ciselé. En cuisine, le couple Juliette Binoche et Benoit Magimel aidée de la jeune Galatéa Bellugi concocte les mets plus délicieux les uns que les autres.
Dans une casserole fricasse la viande, dans une autre les oignons, tandis que les légumes tous plus frais que les autres se découpent, pour rejoindre les premiers. Le beurre vient se faufiler à travers les interstices, tandis que les épices viennent relever le tout. Et ainsi de suite, de recette en recette, de préparation en sortie du four, nos papilles frétillent. On se surprend à tenter de retenir les secrets de ces délices. Les amis réunis à table qui dégustent ensuite chacun des plats, dans des dialogues tout aussi savoureux, sont aussi un régal.
Mais c'est tout. Le film s'étire en longueur, sans nervosité, on reste observateur de scènes sans cesse renouvelées, mais finalement répétitives. Au point que au bout de 45 minutes de film (celui-ci dure 2h15), l'ennui guette. On se prend même à regarder la montre.
(NGV)
De Tran Anh Hung. Production : Curiosa Films, avec UMedia & France 2. Casting
(B2) Malgré tous les discours officiels, la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne n'a pas connu avec Maastricht le saut espéré. 30 ans après l'entrée en vigueur du Traité sur l'Union européenne, l'Europe ne marche toujours pas sur deux pattes. L'une économique, l'autre politique.
À l'origine, l'ambition était grande. Il ne s'agissait ni plus ni moins que de poser les bases d'une politique étrangère vraiment commune. Dans les propositions faites par la Commission Delors, en 1990, le cadre est posé : lieu de décision unique au Conseil, majorité qualifiée pour les décisions de politique étrangère, compétence des ambassadeurs du Coreper pour préparer les décisions, consultation ou information du Parlement européen, mise en place d'un embryon de service diplomatique au sein du Conseil, une clause de solidarité, etc.
De tout çà, il ne restera quasiment rien. Bien sûr, la politique étrangère est incluse dans le Traité. On prévoit une discussion entre les États membres au sein du Conseil. On met en place un mécanisme de décision, l'action commune. Mais on est bien loin de l'ambition de départ. Les ajouts de Maastricht consistent surtout à faire un peu de toilettage à la coopération politique qui préexistait, sans lui donner cependant les outils, les processus ni les moyens pour aboutir à ce que l'Europe parle d'une seule voix. « La machinerie mise en place ne marchera pas » lâche Jacques Delors, un rien amer en décembre 1991. « C'est là un des plus grands sujets de déception pour la Commission (européenne). »
Les réticences des uns — Allemagne notamment, France aussi mais aussi certains "petits" pays inquiets de la communautarisation de certains sujets — auront raison de l'ambition. L'éclatement du conflit en Yougoslavie, achèvera la réflexion. L'accord des Douze se fera finalement sur la monnaie unique, la Grande réalisation du Traité de Maastricht. Mais le saut en matière étrangère sera reporté à plus tard.
Une partie de ces propositions se retrouve un quart de siècle plus tard dans le Traité de Lisbonne, mais pas en totalité. Et sans avoir l'efficacité des propositions de 1990. Les autres propositions (majorité qualifiée par exemple, lieu de décision unique...) sont encore dans l'impasse. Et cela pèse aujorudh'ui sur la « voix de l'Europe » qui peine à rester unique. La division des Européens sur le conflit actuel entre Israël et Gaza le montre (lire : [Actualité] L’Unité européenne sur Gaza se fracasse à l’ONU).
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) La Turquie a refusé hier (mardi 31 octobre) de donner son autorisation à l'inspection d'un navire marchand battant son pavillon par les militaires européens, chargés de veiller à l'embargo international sur les armes vers la Libye.
Un porte-containers à destination de Misrata
Les militaires de l'opération maritime de l'UE en Méditerranée (EUNAVFOR MED IRINI) voulaient inspecter le MV Kosovak, battant pavillon turc. Un porte-containers parti d'Ambarli dans la nuit du 30 au 31 vers Misrata (où il doit arriver le 2 novembre selon les trackers maritimes). Il est soupçonné par les Européens de transporter des matériels prohibés par la résolution 2292 du Conseil de sécurité des Nations unies (cf. encadré).
Le 11e refus
Ce n'est pas une surprise. La Turquie refuse couramment, en cas de soupçon avéré, son consentement. C'est même « la onzième fois que la Turquie refuse son consentement » précise-t-on au QG de l'opération européenne à Rome !
L'opération — commandée par le contre-amiral italien Stefano Turchetto et en mer par le commodore grec Konstantinos Bakalakos — dispose actuellement de trois navires : la frégate italienne ITS Frecale (F-571), la frégate française FS Commandant Ducuing (F-795) et la frégate grecque HS Aegean (F-460) qui sert de navire amiral. Elle bénéficie aussi de la contribution d'une demi-douzaine d'avions de surveillance (Embraer 145 grec, Antonov 28B1 Bryza polonais, P3C Orion allemand, Atlantique 2 ou Falcon 50 français et Beechcraft King Air 350 de CAE Aviation affrété par le Luxembourg), ainsi que de drones Predator italiens, qui se relaient en l'air.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Des inspections pas totalement dues au hasard
Contrairement aux demandes d'information qui sont régulières sur les navires en Méditerranée, faites au hasard, en général par radio, les inspections sont plus rares et déclenchées sur la foi d'informations. Des renseignements obtenus par différents moyens, notamment via les surveillances effectuées par les avions de patrouille maritime de EUNAVFOR ou l'analyse des images satellitaires.
En septembre 2023, l’opération EUNAVFOR Med Irini a ainsi fait des demandes d'information (hailings) sur 338 navires marchands (11863 au total depuis le début de l'opération) mais effectué 8 visites "amicales" (friendly approaches) sur des navires avec l’accord des capitaines ou de l'État du pavillon (563 au total depuis le début de l'opération). Au total, seulement 26 abordages (boarding) ont eu lieu.
Notons aussi que pas moins de 2426 images satellitaires ont été analysées pour le compte de l'opération par le SatCen (le centre satellitaire de l'UE). Et que sur les 26 abordages (boarding) de navires, seulement trois ont été déroutés pour saisir les marchandises prohibées (1 avec du pétrole militaire, 2 avec des équipements militaires).