(B2) « Ces derniers mois ont compté parmi les pires pour de nombreux civils en Syrie » a dénoncé Mark Lowcock, le secrétaire général adjoint des Nations unies aux affaires humanitaires. L’adoption de la résolution 2401 du Conseil de sécurité, le 24 février, qui avait établi un cessez-le-feu immédiat de 30 jours n’y a rien fait. Un mois plus tard… La situation n’a pas évolué d’un pouce.
1700 morts en un mois dans la Ghouta orientale
Les opérations militaires, notamment les frappes aériennes, dans l’enclave rebelle de la Ghouta orientale, en Syrie, ont tué plus de 1.700 personnes, a déclaré mardi (27 mars), le haut responsable onusien, qui intervenait devant le Conseil de sécurité des Nations unies par vidéoconférence depuis Genève. Les rebelles de la Ghouta ne sont pas non plus avares de répliques. « Au moins 78 personnes ont été tuées à Damas et 230 autres blessées par des tirs provenant de la Ghouta orientale. »
Les infrastructures médicales visées
« Des attaques contre des infrastructures civiles continuent d’être signalées, dont au moins 28 installations médicales qui ont été touchées depuis la mi-février. » Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la fréquence des attaques contre les centres et les personnels médicaux durant les deux premiers mois de l’année a triplé, comparé à 2017.
Des populations déplacées en nombre
Dans les trois enclaves assiégées, des centaines de milliers de civils ont été déplacés. Les informations de l’ONU indiquent ainsi que « 80.000 civils ont été transportés vers la ville de Damas et le Damas rural, et 20.000 combattants et civils ont été transportés vers le nord-ouest du pays ».
Dans le district d’Afrin, « environ 183.500 personnes ont été déplacées par les hostilités. Et les villages qui les hébergent, notamment à Tal Refaat, Nubul et Zahraa, sont surpeuplés ».
Dans le gouvernorat d’Idlib, « 400.000 personnes ont été déplacées depuis la mi-décembre, s’ajoutent des milliers de personnes venant de la Ghouta orientale dont la majorité ne parvient pas à trouver un abri ». « La situation demeure catastrophique. »
L’aide humanitaire empêchée
L’ONU se tient « prête à acheminer de quoi nourrir 16.500 personnes à Douma, dans la Ghouta orientale, mais les lettres de facilitation doivent toujours être signées par le gouvernement syrien », a précisé M. Lowcock.
Dans les autres villes assiégées, la situation n’est pas meilleure. Dimanche (25 mars), dans le district d’Afrin, objet d’une offensive de la Turquie, un convoi interagence a pu livrer « une aide pour 50.000 personnes à Tal Refaat, mais d’une manière générale, les partenaires humanitaires peinent à atteindre cette région ».
Le blocage par le gouvernement syrien
De façon générale, l’aide humanitaire a diminué en 2017 par rapport à l’année précédente, avait déjà remarqué Mark Lowcock, fin février. « En moyenne, en 2017, nous avons apporté une aide à 165.000 personnes par mois, ce qui est un niveau totalement insuffisant », a-t-il indiqué. « Nous apportions une aide à 50 fois plus de personnes dans des zones difficiles d’accès et assiégées l’année passée par rapport à cette année-là » La raison principale de la réduction du nombre des convois : « le refus constant du gouvernement syrien de donner son aval ».
(NGV)
Crédit photo : OCHA – Douma dans la Ghouta Orientale
(B2) Quels sont les pays qui sont un peu ou très tendres ou assez ou très durs avec la Russie au sein de l’Union européenne ?
Lorsqu’on discute politique de sanctions, réplique à des décisions russes, les positions des pays européens divergent, en effet, de manière bien réelle, même si cela reste discret. Les conversations sont longues pour aboutir à un accord. Le langage est pesé au millimètre pour obtenir l’accord de chacun. Le dernier Conseil européen l’a montré : près de trois heures de discussions.
Plutôt qu’une longue explication, voici en résumé et en couleurs sur une carte, les positions des États membres de l’UE et ceux du proche voisinage (Balkans, Turquie). Une carte oblige à choisir : on ne peut pas nuancer, à loisirs. J’ai choisi de mettre la position telle que ressentie au fil des discussions des dernières années sur la politique de sanctions, une position structurelle sur une durée moyenne, hormis certaines positions très conjoncturelles, liées à tel ou tel ministre.
Sont ajoutées également les mesures prises lundi pour expulser des diplomates russes en réaction à l’attaque chimique de Salisbury où la main de Moscou est présumée comme étant l’auteur (lire : Quinze pays européens décident d’expulser des diplomates russes de manière coordonnée). On constate que les positions récentes sont en adéquation avec la position plus structurelle à une exception près : la Hongrie. Est-ce le signe d’une évolution nationale du dirigeant Viktor Orban ou plutôt d’une position opportuniste, sur fond de rivalité nationale avec le Jobbik d’extrême droite et de future négociation européenne, où on a besoin d’alliés. Je pencherai pour cette dernière interprétation.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Après 30 jours de déploiement en Méditerranée dans le cadre de l’opération européenne anti-trafics (EUNAVFOR MED Sophia), l’aviso français Commandant L’Herminier (F-791) a quitté la force maritime.
Depuis son arrivée dans la zone d’opérations (lire : Le FS L’herminier remplace l’Aconit en mer Méditerranée), le navire français a « apporté une contribution significative à EUNAVFOR MED » explique un communiqué officiel de l’opération, « non seulement en soutenant nos efforts dans la mission principale de lutte contre la traite des êtres humains et les passeurs, mais aussi dans la lutte contre le trafic d’armes ».
Coté bilan, du moins si on se fie aux chiffres officiels, la moisson est faible. Le navire français a effectué 39 vérifications de navires marchands et une approche amicale (friendly approach) sur un navire marchand. Si ce bilan est réel (la communication de l’opération Sophia n’est pas toujours aussi optimale qu’espéré), on peut se poser la question : est-ce que cette opération est vraiment efficace ?
(NGV)
(B2) Après de longues tractations à l’ONU, des instructeurs venus de Russie ont pris possession d’une demeure de l’ex-président Jean-Bedel Bokassa près de Bangui, pour y former des militaires centrafricains à manier des armes russes.
Une présence autorisée par l’ONU
Cet envoi de matériel militaire et d’instructeurs russes dans un pays soumis à un embargo sur les armes depuis 2013 avait provoqué des remous et des interrogations à l’ONU, en particulier de la part des Etats-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Washington, Londres et Paris avaient finalement accepté l’exemption accordée à Moscou en décembre 2017, en lui demandant des mesures renforcées de stockage des armes livrées. « Il n’y a pas encore eu de réelles inspections », selon une source diplomatique.
Deux bataillons formés par les Russes
Le stock d’armement livré à la Centrafrique est conséquent : pistolets, fusils d’assaut, mitrailleuses ou encore lance-roquettes. La Russie a également reçu l’autorisation de l’ONU d’entraîner l’armée centrafricaine en pleine reconstruction – deux bataillons, soit au total 1.300 hommes – à l’utilisation de ces armes.
Dans le palais de Berengo
L’immense palais de Berengo, à 60 km à l’ouest de Bangui, semble à l’abandon: mais depuis fin janvier, cette bâtisse où vivait Jean-Bedel Bokassa, président puis empereur de 1966 à 1979, abrite désormais un camp d’entraînement militaire de 41 hectares, a constaté un journaliste de l’AFP. Plus de 150 instructeurs russes, indique-t-on de source diplomatique, y forment des centaines de soldats des Forces armées centrafricaines (FACA) au maniement des armes livrées.
Un bataillon de soldats, certains formés par les Européens
A première vue, au palais de Berengo, seuls quelques soldats centrafricains montent la garde. Surgit alors une poignée de Russes en tenue militaire. L’un d’eux autorise les journalistes à faire quelques pas jusqu’à la tombe de Bokassa, située dans l’enceinte du palais, mais à une condition, répétée deux fois: « No photo, no video, no interview ». Une dizaine de grandes tentes sont alignées à la droite de la tombe fleurie de l’empereur. Elles abritent un bataillon de soldats des FACA, dont certains ont déjà été entraînés par la mission de formation de l’Union européenne (EUTM) en 2017.
L’entraînement à la dure
« Ces soldats sont à Berengo pour le +marquage+. C’est-à-dire qu’ils apprennent à travailler avec l’équipement spécifique livré par la Russie », explique une source militaire. « L’entraînement est très dur », souffle un militaire centrafricain croisé à l’entrée du camp. Aux alentours du palais, les instructeurs russes sont vus d’un très bon oeil par la population locale.
Sortir le pays du chaos
Ils « vont aider le pays à sortir du chaos, les Sangaris (l’opération militaire française) n’avaient pas fini leur mission », affirme Roger Okoa-Penguia, le maire de Pissa, un village proche du palais. « Ils sont gentils, ils achètent à manger, ça fait marcher le commerce », se réjouit Alexis, un habitant de Pissa. Un autre, Thibault, fait part du même enthousiasme, en critiquant la France: « Vous faites semblant de nous aider, les Français, vous signez des accords et vous ne faites rien alors que les Russes si ! Si vous aviez ramené la sécurité, est-ce qu’on aurait eu besoin des Russes ? ».
(AFP Charles BOUESSEL)
(B2) La mission de l’UE de conseil aux forces de sécurité intérieure ukrainiennes (EUAM Ukraine) a désormais un nouveau bureau régional, à Odessa, le poumon maritime de l’Ukraine, à la fois pour la marine marchande et la marine militaire (1).
Après Lviv et Kharkiv, Odessa
C’est le troisième bureau régional de la mission (Lire : EUAM Ukraine va s’établir dans deux régions). Ouvert officiellement, le 7 mars dernier,il devrait compter à terme environ 20 experts, à la fois locaux et internationaux. L’objectif est d’aider la mission EUAM à s’appuyer sur les partenariats et les projets déjà mis en œuvre dans la région. Le commandant des missions civiles de l’UE, Kenneth Deane, était présent pour l’inauguration accompagné du gouverneur d’Odessa.
Une nouvelle présence régionale, pas si nouvelle
Si ce bureau vient seulement d’ouvrir officiellement, EUAM était en réalité présente à Odessa depuis plusieurs mois déjà. Ainsi, depuis début 2016, ce sont plus de 20 entrainements qui ont été donnés dans cette région par EUAM. Du matériel informatique et d’investigation avait également été fourni aux forces de police. Plus récemment, les 17 et 18 janvier 2018, deux évènements à destination de la société civile et de la police nationale avaient été organisés à Odessa. L’objectif était d’aborder le problème du maintien de l’ordre public par le dialogue et le respect des droits de l’homme.
Une confiance en la police toujours mitigée
En juin 2017, lors d’une interview à B2, Kęstutis Lančinskas, le chef d’EUAM, soulignait le problème de confiance des Ukrainiens dans la police. Cette importance de rétablir cette confiance a à nouveau souligné à Odessa. « Comme tous les Ukrainiens, la population d’Odessa veut voir un avenir plus prospère et plus sûr pour eux et leurs enfants. Cela signifie un futur avec des organismes du secteur de la sécurité civile en qui les gens ont confiance et où l’état de droit prévaut » explique Kenneth Deane.
(CB)
(1) Odessa est aussi le siège de la mission d’assistance aux frontières entre Moldavi et Ukraine (EUBAM Moldova Ukraine)
Lire aussi : La mission de conseil aux forces de sécurité ukrainiennes « EUAM Ukraine »
(B2) Le gouvernement estonien a décidé aujourd’hui (22 mars) de déployer un détachement de 50 militaires aux côtés des Français, à Gao, dans le cadre de l’opération Barkhane. C’est devenu une tradition pour le pays balte le plus au nord de l’Europe, qui n’hésite pas à être solidaire là où d’autres pays, plus grands, mieux dotés préfèrent rester dans leurs pantoufles.
Cette proposition de mandat a été approuvée par le gouvernement ce jeudi. Le Riigikogu (l’assemblée estonienne) doit encore donner son aval.
Chargé de la protection de la base de Gao
Dans l’opération Barkhane, le contingent estonien sera chargé, sous commandement français, d’assurer la sécurité de la base et de ses environs immédiats. Y participeront, selon nos informations une unité d’infanterie, une unité de transport et l’élément de support. La durée de la mission sera de un an.
Un exemple de solidarité réciproque
Pour le Premier ministre Jüri Ratas, cette décision de contribuer à une opération terroriste est un « autre » exemple de la « très bonne coopération » entre l’Estonie et la France. « Les pays ne prennent pas à la légère les décisions d’envoyer leurs troupes. Le fait que la France et l’Estonie, à plusieurs reprises, au cours des dernières années, ont trouvé des façons d’avoir une coopération pratique entre les deux pays est sans aucun doute un signe d’une relation très proche », a-t-il déclaré.
Affirmer l’image d’une Estonie réactive
Pour le ministre de la Défense, Juri Luik, il y a deux raisons supplémentaires à cette participation. Un objectif stratégique tout d’abord. « En participant à une opération visant à créer une stabilité pour la zone Sud et l’Union européenne, nous soutenons notre puissant allié en Europe ». Deuxièmement, il s’agit « d’affirmer l’image de l’Estonie en tant que pays prêt à contribuer à assurer la sécurité partout où il existe des menaces sécuritaires majeures pour l’Europe ».
Les Estoniens, partisans de l’entrée en premier
L’Estonie est un des premiers pays partenaires invités par la France à participer à l’opération Barkhane. Cette participation répond, en effet, à une invitation française. La ministre français de la Défense, Florence Parly, avait invité l’Estonie à participer en janvier. Le gouvernement malien a donné ensuite son approbation formelle.
En plus de l’Estonie, le Royaume-Uni a également annoncé sa contribution prévue à l’opération. Et l’Espagne participe déjà, en soutien logistique aérien, à partir du Sénégal.
Les Estoniens sont cependant le premier pays européen à avoir des hommes engagés au sol, dans une région — Gao — qui n’est pas tout à fait la plus calme… Le risque est certain. Les Estoniens le connaissent (1), le mesurent et sont prêts à l’assumer. Cet engagement, important pour un pays de cette taille, doit, donc, être salué à sa juste mesure.
Une tradition bien établie …
On peut préciser aussi que le petit pays balte a été un des premiers à répondre ‘présent’ pour mettre en place la coopération structurée permanente (PESCO), dans un esprit sans doute plus proche de l’ambition française que certains pays.
… faite de solidarité réciproque
En 2014, l’Estonie avait participé avec une unité d’infanterie de 50 membres à l’opération de stabilisation de l’UE en République centrafricaine (EUFOR RCA). Une opération largement initiée par la France. Tallinn avait même été un des premiers pays à officialiser cette participation (2), suivi ensuite par son voisin, la Lettonie (lire : L’Estonie confirme une participation notable à EUFOR Rca Bangui).
En 2017, la réciprocité avait joué, la France avait décidé d’envoyer à Tapa (Estonie) un détachement de 300 hommes et blindés (véhicules de combat d’infanterie et chars) dans le groupement tactique de l’OTAN présent en Estonie dans le cadre de la présence renforcée de l’Alliance aux frontières russes (lire : Tapa : réassurer l’Estonie… et un excellent lieu d’entraînement). Une présence qui sera renouvelé en 2019.
Commentaire : On peut ajouter à tous les arguments indiqués par Tallin à ce déploiement un autre, sans doute plus local. En montrant qu’ils sont capables de se déployer dans une zone ardue, où le risque est avéré, et le combat probable, les Estoniens montrent à leur grand voisin russe, qu’ils sont prêts à combattre. Cela vaut sans doute toutes les belles déclarations de robustesse. C’est stratégique … et intelligent.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Les Estoniens ont déjà quelques soldats au Mali, quatre dans le cadre de la mission de formation de l’armée malienne (EUTM Mali) et trois dans le cadre de la Minusma.
(2) Une participation qui n’était sans doute pas tout à fait étrangère au soutien apporté par la France à la libération d’otages estoniens au Liban