(B2) Un nouvel incident a opposé un navire d’une ONG aux garde-côtes libyens. Samedi (31 mars), il était 10h30, quand l’Aquarius — le navire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, seul navire d’ONG désormais présent au large des côtes libyennes — reçoit un appel du centre de coordination des secours de Rome (MRCC) signalant la position d’une embarcation en détresse.
Repéré par un avion de patrouille maritime
Le canot pneumatique est repéré par un avion de patrouille maritime de l’opération européenne EUNAVFOR MED, qui signale immédiatement la position des naufragés, au MRCC de Rome, via son QG. L’Aquarius se déroute vers cette position. Après une heure à peine de navigation, il est localisé par les sauveteurs.
Le sauvetage pris en charge par les Libyens
Mais à 11:34, le centre de secours de Rome informe l’Aquarius que les garde-côtes libyens « assument la coordination des opérations » (le dossier SAR 183 selon l’ONG), et donne « instruction » à l’Aquarius de « ne pas interférer et de rester en stand-by ». Les Italiens veulent éviter la répétition du sauvetage accompli par les Espagnoles d’Open Arms (lire : Opération de secours en mer de l’Open Arms. Toutes les règles ont-elles été respectées ? Qui dit vrai ?).
L’Aquarius sur place avant la vedette libyenne
L’Aquarius arrivé sur les lieux avant la vedette des garde- côtes libyens, informe le MRCC Rome de la nécessité de stabiliser la situation en distribuant les gilets de sauvetage à bord de l’embarcation surchargée, qui continue à s’approcher. L’Aquarius reçoit alors un appel téléphonique du centre des opérations des garde-côtes libyens qui se déclare en charge de la coordination. La vedette Al Khifra 206 des garde-côtes libyens, en route vers la position, reçoit la même information simultanément via radio.
Pas d’évacuation possible de tous les migrants
L’ONG informe de l’urgence et lance ses deux canots de sauvetage et commence à distribuer des gilets de sauvetage, après avoir informé les Libyens et obtenu leur autorisation. Les sauveteurs « constatent la présence d’enfants, dont un nouveau-né et de cas médicaux urgents – et obtiennent l’autorisation de la vedette des garde-côtes libyens d’évacuer les cas les plus vulnérables vers l’Aquarius ».En revanche, ils « se voient interdire de secourir les autres passagers du canot ». 39 personnes, dont un nouveau-né, des femmes enceintes et de nombreux enfants avec leurs parents sont ainsi transférés sur l’Aquarius. tandis qu’environ 90 personnes sont interceptées par les garde-côtes Libyens et renvoyées en Libye.
Le renvoi en Libye priorité sur les opérations de secours
« Les conditions actuelles de sauvetage en mer, toujours plus compliquées et avec des transferts de responsabilité confus et périlleux pendant les opérations, sont inacceptables. Les bateaux de sauvetage se retrouvent contraints à négocier au cas par cas, en pleine mer, en situation d’urgence et de tension dangereuse, l’évacuation de personnes en détresse, malades, blessées, épuisées, vers un lieu sûr » tempête Francis Vallat président de SOS Méditerranée France. « Alors que les moyens en mer pour sauver des vies sont de plus en plus insuffisants, […] le renvoi des personnes en détresse vers la Libye est priorisé au lieu de leur mise en sécurité ». L’ONG en appelle aux « autorités européennes et internationales à clarifier d’urgence le cadre d’intervention des garde-côtes libyens dans les eaux internationales ».
Commentaire : Avec raison… Cet incident, ou mésentente entre sauveteurs les uns du gouvernementaux, les autres des ONG, ne tient pas du hasard. Pour nous, il s’agit d’une politique décidée du gouvernement italien, en accord (au moins tacite) des autorités européennes. Lire : Au large de la Libye, l’Europe a-t-elle changé de position ?
(NGV)
Télécharger le communiqué de SOS Méditerranée
(B2) Dans le Berlin d’après guerre, David Bermann et quelques amis juifs n’ont qu’une envie : vivre — Hitler est mort mais nous sommes vivants » dit David à ses amis — ; fuir le pays — Ils veulent d’immigrer en Amérique ; s’enrichir — pour avoir suffisamment d’argent pour vivre outre Atlantique.
Ils trouvent un moyen rapide pour se faire de l’argent : vendre du linge de maison, le double, le triple, du prix réel (au mieux)… en utilisant toutes les ficelles du commerce à domicile : conviction, séduction, réduction …
Tout va bien jusqu’à ce que les services de renseignement américains mettent la main sur David (Moritz Bleibtreu), le soupçonnant de ne pas avoir vraiment raconté toute la vérité, de ne pas avoir été interné et d’être en fait un agent du régime nazi. L’agente US Sara Simon (Antje Traue) le passe au grill, se pinçant les lèvres pour ne pas céder à la séduction de son client et ne pas rire aux blagues de son « client ».
— Comment êtes-vous arrivés au camp de Sachsausen ?
— Je suis arrivé en limousine avec chauffeur
L’humour, grinçant, marque ce film, de Sam Garbarski, présenté en avant-première au Festival de Berlin 2017, Prix du Public au Festival international du film norvégien de Haugesund. On surfe entre la tragédie de l’horreur des camps nazis et le rire d’une bande de joyeux écumeurs de portefeuilles.
Toute la complexité de l’époque surgit cependant au hasard de cet interrogatoire qui rythme le film. La version de départ se trouve ébranlée par les faits amenés par l’enquêtrice américaine, au point qu’on a quelques doutes sur la version du principal acteur du film.
(NGV)
Sortie : sur les toiles en Belgique, prochainement en France
(B2) L’agence Anadolu, l’agence de presse du gouvernement turc, a révélé vendredi les positions de l’armée française. Une révélation qui survient quelques heures à peine après que le président français Emmanuel Macron ait reçu à l’Élysée des cadres kurdes (lire : Des renforts français au nord de la Syrie. L’Élysée dément du bout des lèvres mais offre sa médiation).
Inutile de chercher trop loin d’où vient cette information classée défense. Tous les regards se tournent vers Ankara, avec qui l’agence Anadolu entretient des rapports étroits. La raison de ce courroux ne doit pas non plus être très difficile à chercher. Le soutien à peine déguisé du président Macron aux FDS n’a pas vraiment plu aux Turcs. Entre alliés de l’OTAN, la révélation de telles informations est pourtant pour le moins étrange.
70 militaires français dans le nord de la Syrie
Selon des sources d’information locales « fiables » de l’agence Anadolu, « plus de 70 militaires membres des forces spéciales françaises sont présents dans le nord de la Syrie », sous l’égide de la Coalition internationale anti-Daech, dans les zones tenues par les Forces démocratiques syriennes, en grande partie composées par les kurdes YPG, considérées par Ankara comme des forces ‘terroristes’ car proches du PKK turc.
Réparties dans cinq bases
Les forces françaises sont réparties dans « cinq bases » : à Ayn el Arab (Kobané), au Mont Mashtnour (Sud) dans le district Sirrin, dans le village d’Ayn Isa, et dans l’usine française de fabrication de ciment, Lafarge, dans le village de Harb Ishq. C’est près de ce village que les Américains ont établi une base aérienne militaire ; une base qui accueille également des soldats français. Ils sont aussi présents « à Raqqa avec 30 militaires ».
COS, CPA et RPIMa
Hormis les membres du commandement des opérations spéciales (COS) présents depuis deux ans sur le terrain et qui coopèrent avec les kurdes de l’YPG, « se trouvent également sur le territoire syrien des troupes françaises issues du 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine (1er RPIMa) » de l’armée de terre, et des éléments « du commando parachutiste de l’air n° 10 (CPA 10) » de l’armée de l’air. Ces forces sont, « selon les rapports » turcs, positionnées en Iraq, il s’avère qu’elles se rendent souvent dans le nord de la Syrie à travers le passage frontalier de Simelka. Les entrées et sorties de ces derniers sur le territoire syrien, en provenance d’Irak, ont augment au cours des trois derniers jours, selon « des sources locales » de Anadolu.
(B2) Voici les dernières nouvelles des missions et opérations déployées au titre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l’Union européenne…
Sikasso (Mali). Fin de la formation de la 8e Région militaire
Pendant cinq semaines, EUTM Mali a organisé une mission à destination de la 8e région militaire des forces armées maliennes (FAMa). Elle s’est déroulée dans la région de Sikasso, près de la frontière avec le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’équipe d’entrainement de la coalition militaire (Coalition military assistance training team ou CM ATT). Une formation qui s’inscrit dans le reformatage de la mission EUTM qui forme surtout les formateurs (officiers et sous-officiers) et dispense des formations spécialisées aux FAMa, comme par exemple les « tactiques de base, la réaction au contact, l’attaque improvisée et point de contrôle ». Parmi les cours dispensés : l’informatique, le sauvetage au combat et les droits de l’Homme. Cette mission, qui s’est achevée le 14 mars, a aussi été une opportunité pour les formateurs européens « d’apprendre des bonnes qualités et de l’expérience des Maliens » selon le communiqué.
Mogadiscio, Hargeisa (Somalie). Visite aux autorités somaliennes
Une délégation, composée de responsables du commandement des missions civiles (CPCC) du SEAE, et de Cristina Stepanescu, chef de la mission EUCAP Somalia, a effectué un séjour en Somalie. Objectif : discuter avec diverses autorités. Au ministère de la sécurité intérieure, le 12 mars, les discussions ont porté sur l’architecture de la sécurité maritime, le futur des gardes-côtes somaliens, la mise en œuvre de projets financés par l’Union européenne, ou encore sur les activités de la mission, selon EUCAP Somalia publié après la réunion. Le lendemain, ce sont des sujets juridiques qui ont été abordés, notamment la législation sur la piraterie et la rédaction de lois, signale-t-on à la mission. Au bureau d’Hargeisa, la capitale de la république semi-indépendante du Somaliland, le 15 mars, ils ont voulu « avoir un aperçu du fonctionnement de la mission dans la région ». Le 16 mars, dernier jour de la visite, les représentants européens se sont rendus à Nairobi (Kenya) pour s’entretenir avec le personnel du bureau de soutien EUCAP Somalie.
NB : à noter qu’une rencontre avait déjà eu lieu entre Stepanescu et les autorités du Somaliland à la fin du mois de février. Lire : Dernières nouvelles des missions/opérations PSDC (mars 2018)
Kiev (Ukraine). Des livrets anti-corruption
EUAM Ukraine a réalisé des brochures sur le thème de l’anti-corruption à destination de la police nationale ukrainienne, apprend-on du QG de la mission de conseil basée à Kiev. Ces livrets devraient permettre « de définir ce qu’est la corruption et comment la signaler » selon EUAM Ukraine. Pour Peter Staidl, conseiller principal de la mission sur la lutte contre la corruption, l’objectif de ce document est double : le premier est de « s’assurer que les officiers de police honnêtes peuvent signaler la corruption » et ne commettent pas d’erreurs eux-mêmes. Le second objectif de la brochure est davantage symbolique puisqu’il vise a faire passer « un message clair que la corruption ne sera pas tolérée » et que « la police nationale d’Ukraine est sérieuse dans la lutte contre la corruption. ». Ce sont ainsi près de 50.000 fascicules qui ont été distribués à la police ukrainienne mardi 20 mars. Commentaire : la lutte contre la corruption vient de franchir un grand pas…
Ramallah (Palestine). Renforcer la police de quartier
La police palestinienne, avec le soutien de la mission civile de formation de l’UE à la police palestinienne (EUPOL COPPS), a renforcé ses services de police communautaire. En un mot : la police de quartier. Ce renforcement se fait via deux actions : la création d’une unité de coordination et l’élaboration d’une stratégie. Un atelier de deux jours a ainsi été organisé à la mi-mars pour mettre en place ce concept stratégique. Une équipe de terrain sera « responsable de la planification, de la conduite et de la coordination de la formation sur la police communautaire ». Selon Veijo Alavaikko, conseiller de la mission européenne, « il ne devrait pas y avoir de différence entre le concept stratégique et la manière dont les policiers de première ligne se comportent et servent le peuple palestinien ». (Communiqué)
Zagreb (Croatie). Formation aux opérations maritimes
L’agence européenne Frontex a organisé le 23 mars sa première formation d’agents de soutien pour les équipes européennes de garde-frontières et de garde-côtes à Zagreb, en Croatie. Y participaient onze États membres de l’UE. Objectif : « faire en sorte que les opérations maritimes Frontex se déroulent en douceur et en toute sécurité ». Un cours similaire avait été organisé il y a un an, le 3 mars 2017, également à Zagreb, afin de renforcer les connaissances des gardes-frontières sur « la gestion des frontières dans le contexte européen ». A l’époque, 13 États membres avaient participé à la formation selon Frontex.
(Informations rassemblées par Claire Boutry)
(B2) Les Français vont-ils s’impliquer davantage diplomatiquement et militairement dans le nord de la Syrie ?
Sur le premier volet, diplomatique, c’est clair. En recevant, jeudi (29 mars), à l’Élysée, une délégation des FDS, les forces arabo-kurdes (ou forces démocratiques syriennes), composée de huit personnes, le président français, Emmanuel Macron, a été particulièrement limpide. Sur le second volet, c’est plus mystérieux. Les Kurdes affirment que ‘oui’, les Français sont plus elliptiques.
Un soutien aux FDS
Emmanuel Macron a, en effet, assuré les « FDS du soutien de la France » afin de « stabilis[er] la zone de sécurité au nord-est de la Syrie ». Un soutien qui a un objectif « prévenir toute résurgence de Daech », et s’inscrit dans deux cadres, celui « d’une gouvernance inclusive et équilibrée », et « dans l’attente d’une solution politique au conflit syrien ». Une phrase qu’on pourrait croire juste destinée à faire beau mais qui prend une autre signification quand on examine ce qu’en disent les Kurdes.
Des soldats français à Minbej
A l’issue de la rencontre, une des représentantes kurdes, Asiya Abdellah, a été plus précise. Elle a ainsi annoncé que la France allait envoyer des soldats à Minbej, prochaine ville que le président Erdogan menace d’attaquer au nord de la Syrie et où des forces américaines sont aussi présentes. « Il y aura l’envoi de nouvelles troupes françaises à Minbej. La coopération va être renforcée », a-t-elle dit lors d’une conférence de presse, selon l’AFP. Un propos confirmé par le représentant du Kurdistan syrien (Rojava) en France. « Dans le cadre de la sécurisation de la reconstruction du nord de la Syrie, il y aura un renforcement du dispositif militaire français et d’autres pays à Minbej, pour la défense de Minbej », a précisé Khaled Issa qui faisait partie de la délégation reçue à l’Élysée.
L’Élysée dément …
« La France ne prévoit pas de nouvelle opération militaire sur le terrain dans le nord de la Syrie en dehors de la coalition internationale anti-Daech (acronyme de l’EI en arabe) », a affirmé l’Elysée, selon l’AFP. Car la lutte n’est pas terminée. « Il faut poursuivre ce combat ensemble ». Car il y a toujours « des risques de résurgence de Daech ».
… un peu
(Commentaire) On peut noter que ce démenti n’est pas complet. Certes n’y a pas de nouvelle « opération militaire », sauf celles menées dans le cadre de la coalition. Ce qui est logique. La France ne va pas s’engager dans une opération ‘solitaire’ en faveur des FDS, c’est-à-dire contre les forces turques. Mais il n’y pas de démenti d’une présence sur place ni d’acheminer de possibles renforts.
Des forces spéciales déjà présentes en Syrie
Des forces spéciales françaises sont, en effet, déjà stationnées en Syrie. Elles participent discrètement, comme d’autres forces spéciales (britanniques, américaines…), dans le cadre de la coalition internationale dirigée par les États-Unis, notamment afin de guider les opérations aériennes contre les positions des forces de l’État islamique ou Al Qaida, de former les FDS ou de servir d’officiers de liaison. Mais la France reste ultra discrète sur cette présence et sur le volume déployé. « Il n’y a jamais de communication sur les mouvements de forces spéciales » répète régulièrement le porte-parole de l’état-major des armées, quand on l’interroge sur un fait précis. Ni démenti ni confirmation… sauf exception.
La France offre sa médiation entre Kurdes syriens et Turcs
La France insiste ainsi pour qu’un « dialogue puisse s’établir entre les FDS et la Turquie avec l’assistance de la France et de la communauté internationale », selon le communiqué officiel publié après la réunion. La France « continuera à tout mettre en œuvre, avec les pays principalement intéressés, pour progresser vers une transition politique inclusive en Syrie, seule à même de ramener la paix en Syrie et d’assurer la sécurité de la région » insiste-t-il.
Le combat contre le terrorisme n’est pas terminé en Syrie
Le dirigeant français a voulu aussi rendre un « hommage aux sacrifices et au rôle déterminant des FDS dans la lutte contre Daech ». Un hommage appuyé puisque couché noir sur blanc dans la communication élyséenne. Il a voulu aussi « réaffirm[er] la priorité de ce combat alors que la menace terroriste perdure ». NB : une pique sans le dire à la fois aux Turcs qui pilonnent les FDS mais aussi aux Américains qui se retirent de Syrie.
Une évolution du langage diplomatique
(Commentaire) On peut remarquer que le langage français a, légèrement, évolué depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence. Il n’est ainsi pas fait mention une seule fois du régime de Bachar el Assad, ni de son exclusion de la négociation. Le mot « avec les pays intéressés » permet d’éviter tout le jeu du blâme, courant avec François Hollande (notamment par son ministre Laurent Fabius). La France revient ainsi à une position réaliste si elle veut rester au centre du jeu.
Une Europe, brillant par son absence
On peut saluer la nette volonté française de s’impliquer comme médiateur dans le conflit, sans avoir d’a priori. Cette volonté de rentrer dans le jeu est louable. Mais on aurait pu souhaiter, ou espérer, une initiative européenne. Soutenir Staffan di Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, est bien. Mais cela relève plutôt du service minimum (Lire : Syrie. Pour apaiser l’enfer sur terre, le cessez-le-feu doit être « réalisable » (De Mistura). Tout comme la décision d’envoyer de l’aide humanitaire ou d’imposer des sanctions (lire : Les sanctions de l’UE contre la Syrie : à peine un cautère sur un conflit sanglant). En appeler aux signataires d’Astana est assez révélateur de cette impuissance (lire : Sept ans de guerre en Syrie? Les Européens lancent un appel aux garants d’Astana pour mettre fin au conflit).
L’Europe peut rentrer dans le jeu mais le veut-elle ?
Les Européens auraient cependant les moyens de rentrer dans le jeu, autrement qu’en admonestant le régime de Bachar. Ne pas le faire revient à signer dans notre voisinage une abdication de notre politique diplomatique. Et laisser à la fois Moscou, Ankara et Téhéran, d’un côté ; Ryad et Washington, de l’autre, faire le jeu de la future Syrie. Les Européens étant appelés uniquement à la rescousse pour payer les pots cassés : accueillir les réfugiés ou soutenir leur maintien à distance (Turquie, Liban, Jordanie) ou financer l’aide humanitaire et la reconstruction.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) A un an avant la sortie du pays de l’Union européenne, l’organisation britannique pro-UE Best for Britain a lancé mercredi (28 mars) une campagne d’affichage nationale au Royaume-Uni afin de tenter d’obtenir un deuxième référendum sur le Brexit. « Quand saurons-nous ce pour quoi nous avons voté? Nous méritons tous d’avoir le dernier mot sur l’accord sur le Brexit », interrogent ces affiches.
Des pages de pub seront également publiées dans des quotidiens comme The Evening Standard et The Guardian. « La campagne vise à impliquer le public dans la campagne appelant à un nouveau vote sur le Brexit », a indiqué Best for Britain dans un communiqué. Les électeurs sont « profondément et de plus en plus frustrés de ne pas savoir ce que signifie le Brexit », explique Mark Malloch-Brown, le président du groupe qui a obtenu un don d’au moins 400.000 livres sterling du milliardaire américain George Soros.
Plusieurs initiatives pro-UE ont vu le jour récemment au Royaume-Uni en s’appuyant sur les incertitudes du Brexit pour tenter d’inverser le processus de sortie du giron européen, prévu le 29 mars 2019. Début février, les mouvements anti-Brexit avaient lancé une plateforme commune, la Grassroots Coordinating Group (GCG), pour coordonner leurs efforts afin de peser sur les négociations avec Bruxelles, voire tenter d’obtenir un nouveau vote. Andrew Adonis, un membre travailliste de la Chambre des Lords, a lancé sa propre campagne aux côtés d’un groupe de jeunes souhaitant stopper démocratiquement le Brexit, Our Future, Our Choice.
(avec AFP)
(B2) La mise sous séquestre du navire espagnol Open Arms de Proactiva par un procureur italien, au retour d’une mission de secours au large de la Libye (le 15 mars), fait naitre une série de questions et d’informations contradictoires : qui a envoyé sur place le navire ? L’ONG a-t-elle fait le forcing, commis une faute au regard du droit de la mer, de la souveraineté libyenne ? Qui était habilité à intervenir ? B2 a enquêté, à froid. Voici les faits tels que nous avons pu les reconstituer.
Cet article complète nos précédents papiers, rédigés dans l’actualité (1) et contredisent quelque peu la version officielle, qui est assez simple : 1) nous ne sommes pas au courant, 2) nous faisons confiance aux autorités italiennes, 3) l’ONG espagnole a fait ce qu’elle devait faire, mais elle a tort quand même puisqu’une procédure judiciaire est en cours.
Où s’est passé l’incident ?
A 40 miles des côtes selon la Commission européenne (se fondant sur des sources UE et italiennes), à 70 miles des côtes selon l’ONG. Ces deux versions sont exactes mais reflètent des incidents différents. En fait, il y a eu deux interventions de secours, le 15 mars au matin : la première à 35 miles des côtes, qui s’est déroulée sans anicroche et sans intervention des garde-côtes libyens ; la seconde à environ 70 miles des côtes, où le navire des garde-côtes libyens est intervenu. Dans tous les cas, on se trouve largement hors des eaux territoriales (la limite des 12 miles), contrairement à ce qui avait été indiqué au préalable par la Commission européenne. Il n’y a aucune discussion possible. Le navire de l’ONG n’a donc commis aucune atteinte à la souveraineté libyenne.
Qui a envoyé l’ONG sur place ?
Les Espagnols ne se sont pas rendus d’eux-mêmes sur place. Ils ont été appelés… par le MRCC de Rome (le centre de coordination italien). L’Italie a ainsi envoyé une notice de secours, via immarsat. Cela oblige tout navire dans la zone à se déporter de sa route actuelle pour venir au secours de naufragés. Cette notion n’est pas discutable, peu importe la zone de secours. Ensuite, les versions divergent. De source européenne, on reflète le propos que le MRCC de Rome a d’abord envoyé l’ONG, puis confié la tâche de coordination au MRCC de Tripoli. Du côté de l’ONG, on est plus précis. Par téléphone, les Italiens ont dit au navire de Proactiva : les Libyens vont s’en occuper. Mais sans vraiment déléguer expressément la responsabilité. « Ce n’est pas une manière de faire le transfert de responsabilité » estime-t-on du côté de l’ONG. Celle-ci a alors envoyé un mail (pour avoir une trace) leur demandant expressément s’ils confiaient la tâche de secours aux Libyens. Le MRCC de Rome a alors été très flou. En gros : débrouillez-vous…
Qui était le premier navire sur place ?
Cela peut paraître un détail. Mais c’est important. Selon l’usage du droit de la mer, c’est le premier sur place (et avec la capacité de le faire) qui coordonne les secours. Selon tous les éléments en notre possession (y compris les vidéos), c’est bien le navire de l’ONG qui était sur place en premier. Quand le bateau des garde-côtes libyens est arrivé, l’opération de secours était déjà entamée. Et les premiers rescapés (femmes et enfants, selon l’usage) avaient déjà pris bord sur les deux RHIB (bateaux pneumatiques). Des gilets de sauvetage étaient en train d’être distribués aux autres. Selon la règle, c’était donc au navire de Proactiva de coordonner les secours.
Y-a-t-il une intervention de moyens extérieurs ?
Officiellement la réponse est qu’aucun moyen européen n’est intervenu. En fait, l’ONG a bien entendu par deux fois un hélicoptère, non identifié (peut-être le même), venant du nord (autrement dit pas de la côte libyenne). L’un a survolé la zone et est passé rapidement. L’autre a fait plusieurs tours, a contacté par le channel 16 (le canal radio de secours), les garde-côtes libyens, en anglais, avant de quitter le bord. La nature de l’hélicoptère n’est pas connue. Cela peut être des hélicoptères libyens… ou des hélicoptères italiens. Cela peut être aussi des hélicoptères sous mandat européen. Cela peut être enfin un hélicoptère d’une autre nation dont le navire n’était pas loin, et qui a entendu l’appel au secours. Dans tous les cas, il doit bien y avoir des traces.
Selon toute vraisemblance, vu leur contact avec les garde-côtes libyens, il pourrait s’agir d’un hélicoptère italien, opérant sous casquette nationale. NB : C’est une pratique courante pour mener des missions qui ne sont pas strictement dans le mandat européen, ou pour avoir plus de liberté : l’hélicoptère reprend sa nationalité d’origine le temps nécessaire (quelques secondes ou quelques minutes parfois).
Y-a-t-il un MRCC libyen ?
Il y a une structure qui préfigure un MRCC, qui coordonne une partie des secours. Une partie seulement car elle n’a pas autorité sur toute la côte libyenne ni sur tous les garde-côtes libyens. Les Européens (et les Italiens surtout) cherchent à consolider ce MRCC, en le finançant, en l’équipant au besoin, voire en l’assistant directement. En théorie, il y a un officier de EUNAVFOR qui effectue la liaison avec ce MRCC (ou plutôt est en liaison avec eux). Mais ce MRCC n’est pas reconnu légalement au niveau international, puisqu’il n’y a pas de SAR reconnue. Il suffit pour cela de prendre la liste de l’OMI des MRCC actifs. On n’y trouve aucune trace d’un MRCC libyen, ni un téléphone.
Les Libyens ont-ils une zone (SAR) officiellement reconnue ?
Non plus. Lorsqu’un pays effectue ce type de demandes, la procédure veut qu’il soumette les informations correspondantes via le module « plan mondial de recherche et de sauvetage » (SAR) du Système mondial intégré de renseignements maritimes de l’OMI (GISIS). La Libye n’a pour l’heure pas soumis ces informations au GISIS nous a confirmé l’Organisation maritime internationale. Et effectivement, quand on interroge la base GISIS, il n’y a aucune fiche Libye renseignée (ni Tunisie d’ailleurs).
Pourquoi parle-t-on d’une zone SAR libyenne ?
Les Libyens ont bien fait une demande (informelle) à l’été (août) 2017. Mais il ont retiré cette demande. Car ils voyaient bien qu’ils allaient se heurter à un refus. Le dossier n’était pas complet et ils ne remplissaient pas les critères minimaux pour avoir une zone SAR reconnue au plan international.
Y-a-t-il une surveillance des navires des garde-côtes ?
Officiellement oui. « Nous surveillons le travail des garde-côtes libyens. Nous avons des avions, des navires qui les observent et nous avons aussi des réunions périodiques avec les garde-côtes libyens » a affirmé le commandant de l’opération européenne Sophia, jeudi (15 mars) en visite à Tunis. Le contre-amiral italien Enrico Credendino a aussi indiqué avoir « fourni des caméras Go-Pro aux bateaux des gardes-côtes libyens » pour enregistrer leur travail (lire Carnet 19.03.2018). Mais apparemment pas partout… C’est du moins ce qu’a répondu à B2 un diplomate européen. Le pouvoir de surveillance ne joue que pour les garde-côtes formés par les Européens.
En l’espèce, le navire libyen des garde-côtes 648 qui est intervenu ne semblait pas faire partie de cette surveillance. Ce qui assez extraordinaire. Dans tous les cas, cela interpelle. Cela signifie soit que le système de surveillance n’est pas complet et qu’il y a des trous dans la surveillance des garde-côtes libyens (qui figure noir sur blanc cependant dans le plan d’opération de l’opération Sophia), soit qu’il n’a pas vraiment fonctionné, soit que le système de surveillance a fonctionné mais que les militaires (italiens) chargés de la surveillance préfèrent ne pas en assumer la responsabilité.
Les bateaux libyens interviennent-ils hors zone ?
Oui, il y a un ‘gentleman agreement‘ passé entre les Italiens et les Libyens pour que les navires des garde-côtes libyens interviennent hors de leurs eaux territoriales quand l’incident se déroule non loin de la côte.
L’UE a-t-elle changé de position ?
Officiellement, non. En fait, oui. Nous avons posé la question au briefing de midi du mardi 20 mars. Ce qui a suscité un ‘blanc’ assez long. Puis une longue concertation entre les différents porte-paroles concernés pour aboutir à une absence de prise de position officielle. De fait, la position européenne est celle… de l’Italie. Dans plusieurs réunions officielles, les Européens ont salué la position italienne, notamment dans ses accords avec la Libye, et l’ont soutenu. Et cela figure même dans les conclusions du Conseil européen (1).
Que dit le code de conduite italien ?
Les Européens mettent en avant le code de conduite, imposé cet été 2017 par les Italiens aux ONG pour continuer à être autorisées à sauver des migrants en Méditerranée. Proactiva Open Arms a fait partie des premières ONG à accepter de signer ce code. Il stipule l’interdiction d’entrer dans les eaux territoriales libyennes, de ne pas couper les transbordeurs ni faire de signaux lumineux, ne pas faire de transbordements sauf en situation d’urgence, ne pas faire obstruction aux opérations des garde-côtes libyens, recevoir à bord des officiers de police judiciaire, déclarer ses sources de financement, etc. (lire : Le code de conduite pour les secours en mer Méditerranée)
Qui a décidé la mise sous séquestre ? Qui est-il réellement ?
La mise sous séquestre du bateau a été décidée par le procureur de Catane (Sicile), Carmelo Zuccaro, qui avait été à l’origine d’accusations de complicité de trafic de migrants visant les ONG en 2017. Ce qui avait provoqué, notamment, des commissions d’enquête parlementaire. Elles avaient alors conclu qu’il n’y avait pas de preuves. En revanche, dans une ambiance politique tendue en Italie, cela avait débouché sur l’élaboration d’un code de conduite, sorte d’écran vertueux vis-à-vis de l’opinion publique. (lire : Les ONG complices des passeurs en Méditerranée : le dossier qui a fait pschitt ?)
Conclusion : un changement tactique et politique
Les autorités européennes surfent quelque peu avec la vérité. Elles ne disent pas tout à fait tout pour une raison simple.
Un outil opérationnel muet
Même si l’Union européenne a deux opérations, qui lui sont hiérarchiquement, rattachées sur zone : l’opération EUNAVFOR Med (Sophia) et l’opération Thémis (alias Triton) de Frontex, elle n’a pas vraiment la main sur la situation opérationnelle. D’autre part, et surtout, elle partage, plus ou moins explicitement, l’idée italienne de contenir les migrants. L’objectif est, à la fois, de maintenir les migrants en Libye à terre, de les empêcher de prendre la mer, si possible, et sinon de les récupérer aussi vite que possible.
La fin du principe du rapatriement automatique en Italie
Les Italiens qui avaient depuis 2015 étendu, de façon tacite, leur zone de secours et la coordination des secours jusqu’à la limite des eaux territoriales libyennes, n’ont plus envie de le faire, et n’ont pas plus envie que d’autres le fassent. Le rapatriement vers l’Italie des naufragés récupérés dans la zone de secours italienne (ou au large de celle-ci) qui était le principe jusqu’ici n’est désormais plus la règle. Le rapatriement obéira aux règles en vigueur au niveau international : c’est-à-dire le port le plus proche, le plus sûr (en termes d’accueil de naufragés) ou le port de l’état du pavillon ou un autre port d’un pays prêt à accueillir les réfugiés.
L’accueil des réfugiés n’est plus souhaité
Le principe même de l’accueil du droit d’asile est discrètement, battu en brèche. L’Italie, faute de solidarité européenne plus expressive, ne voulant plus assumer seule l’accueil des réfugiés et des migrants. C’est le sens aussi de la modification du plan d’opération (OpPlan) de l’opération de Frontex sur zone, — l’opération Triton étant renommée pour l’occasion Thémis. Selon les informations qui nous sont revenues, la zone a été redéfinie, plus au nord (donc moins proche des côtes libyennes), et plus à l’est (vers l’Albanie). C’est toute l’opération de secours qui est ainsi annihilée.
(Nicolas Gros-Verheyde, avec Emmanuelle Stroesser)(1) Lire sur cet incident :
(2) notamment le 19 octobre 2017 où l’UE « rappelle qu’il importe de coopérer avec les autorités libyennes et tous les voisins de la Libye afin de renforcer les capacités en matière de gestion des frontières ». Lire : Migrations : les 28 veulent mettre la priorité sur l’Afrique
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