You are here

IRIS

Subscribe to IRIS feed
Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 4 weeks 1 day ago

La crise des réfugiés

Thu, 20/10/2016 - 17:26

Pascal Brice est directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole :
– Quelles sont les causes de la crise des réfugiés ? Le développement extérieur pourrait-il contribuer à la gestion de la crise ?
– L’accord sur les réfugiés conclu avec la Turquie déresponsabilise-t-il l’UE ?
– Comment se positionne la France dans la gestion des réfugiés ? Au-delà de Calais, quels sont les moyens mis en œuvre ?

Cinq ans après la chute de Kadhafi : quel bilan pour la Libye ?

Thu, 20/10/2016 - 17:14

Cinq ans jour pour jour après la chute de Mouammar Kadhafi, quel bilan peut-on tirer de l’intervention de l’OTAN en 2011, France et Etats-Unis en tête ?

Cinq ans après l’intervention de l’OTAN, le pays est totalement fragmenté. La Libye est au bord du gouffre, malmenée par des rivalités entre l’Est et l’Ouest, entre Tripoli et Tobrouk, entre deux gouvernements, deux parlements et par l’implantation d’un acteur non-étatique, Daech. Le bilan est donc mauvais, les Libyens ont déjà assisté à deux guerres civiles, une troisième n’est pas à exclure.

L’enlisement de la crise comporte aussi des risques pour l’Europe, sur le plan sécuritaire, avec la crainte que de nouvelles attaques soient orchestrées sur notre sol, ainsi que sur le plan migratoire car les Libyens figurent également parmi les réfugiés fuyant la guerre.

Les organisateurs de l’intervention militaire de 2011 ont commis une erreur. Ils n’ont pas mis en place de suivi politique pour l’après Kadhafi et se sont simplement contentés d’organiser des élections. La Libye est un pays dans lequel il n’y a jamais eu d’Etat ni d’institutions. La coalition n’a pas tenu compte des caractéristiques sociologiques et anthropologiques du pays. Les Occidentaux prétendaient apporter la démocratie en organisant des élections. Ils se sont trompés.

J’ai tendance à considérer que les interventions occidentales de ces dernières années ont apporté plus de confusion et d’instabilité que de solutions. C’est le cas en Libye, au Mali, en Syrie ou en Irak.

Quel est le contexte actuel en Libye alors que des combats y ont lieu quasi quotidiennement ?

Le pays est aujourd’hui mis en coupe réglée par des milices, par Daech, par la rivalité entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque (Est de la Libye), entre Tobrouk et Tripoli. Le gouvernement d’union nationale qui siège à Tripoli présidé par Fayez Sarraj, est aujourd’hui très contesté. Le retour de Fayez Sarraj, début 2016, était théâtral, arrivant par bateau depuis la Libye, après être resté huit jours dans une base maritime étrangère près de Tripoli. Il laisse le sentiment d’être arrivé dans les bagages d’une puissance étrangère alors que les Libyens supportent de moins en moins les interactions extérieures. Malgré un accord signé entre tous les partis libyens en 2015, l’autorité de Fayez Sarraj a très vite été contestée, critiquée et il n’est jamais parvenu à affirmer sa légitimité.

Une autre source de problèmes est incarnée par Daech. L’organisation terroriste refuse de négocier et aucun compromis avec elle n’est envisageable.

Enfin, après les deux gouvernements et Daech, un quatrième acteur s’ajoute à l’équation et rend plus complexe encore sa résolution. Le général Haftar est soutenu par les Emirats arabes unis et par l’Egypte. Il a très tôt contesté la légitimité du gouvernement de Fayez Sarraj et pris le contrôle des trois importants champs pétrolifères autour de Syrte. Le général Haftar est parvenu à consolider ses positions, il revendique aujourd’hui sa volonté d’être le nouveau leader de la Libye.

Nous sommes donc face à un paysage libyen divisé entre Daech, deux gouvernements rivaux, un général assez aigri qui fait cavalier seul et un gouvernement d’union nationale isolé. Si l’on y ajoute les clans, les tribus, les milices, le jeu d’un certain nombre de pays étrangers comme l’Algérie, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, la somme de tous ses acteurs résultent sur une situation totalement hors de contrôle. Les dynamiques enclenchées, aujourd’hui en Libye, échappent à tous ceux qui les ont lancées.

Faire cesser les combats et désarmer les milices s’avère déjà une mission compliquée. Il faudrait peut-être que tous ceux, de Tripoli à Tobrouk souhaitant participer à la reconstruction de la Libye organisent une grande conférence nationale permettant de trouver un compromis interne à la Libye, sans pression étrangère, qui pourrait déboucher sur l’organisation de nouvelles élections.

Quelles sont les positions de la dite communauté internationale quant à la situation en Libye ? Se préoccupe-t-elle de la dégradation politique, économique et sécuritaire du pays à sa juste mesure ? De quelle manière certains pays interviennent-ils ?

De nombreux acteurs extérieurs s’inquiètent de la situation en Libye. La France et l’Italie, tout d’abord, qui doivent faire face à une succession de vagues d’immigration de personnes fuyant les combats. Les réfugiés arrivent, en premier lieu, sur les côtes italiennes, certains d’entre eux tentent ensuite de se rendre en France.

Globalement, toute l’Europe suit avec attention la situation libyenne car son évolution impacte également leur situation sécuritaire. Daech se trouve à moins de trois heures des côtes italiennes, à cinq heures des côtes françaises. Il existe donc une vraie problématique en termes de sécurité. Les risques sécuritaires et migratoires perdureront tant que le fond de la question n’aura pas été traité : redonner de la stabilité institutionnelle et politique à la Libye.

Sur le terrain, la situation empire. Les Européens se rendent-ils compte que le pays danse sur un volcan ? Si la Libye bascule dans une troisième guerre civile, il n’est pas à exclure que les pays environnants (Tunisie, Algérie, Egypte, Soudan) soient également impactés.

Pour finir, les puissances régionales s’immiscent également dans les affaires libyennes, telles que la Turquie, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, l’Egypte et dans une moindre mesure, l’Algérie. Ces pays ont des inquiétudes, des intérêts, et chacun essaie d’agir localement pour préserver ses intérêts ou couvrir le risque terroriste.

CETA / TTIP : même combat ?

Thu, 20/10/2016 - 11:28

En quoi consiste le CETA, ce traité de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Canada ? Est-il « progressiste », comme le dit Justin Trudeau, et vertueux pour l’Union européenne ? Pourquoi les Wallons s’opposent-ils au Traité ?

Le CETA fait partie des traités de libre-échange à la mode ces dernières années. Il est proche du TTIP, négocié avec les Etats-Unis. Ces traités ne sont pas nouveaux mais leurs négociations ont été relancées à la suite de la crise de 2008 alors que les pays occidentaux commencent à prendre conscience que le monde a changé. En effet, l’une des conséquences de la crise de 2008, a été de mettre en évidence la montée en puissance d’un certain nombre de pays émergents qui, dans les premiers temps de la crise, continuent à croître voire même développent de nouvelles relations Sud/Sud. La volonté de concrétiser des traités de libre-échange peut alors être interpréter à cette époque comme une démarche défensive : se rapprocher pour se renforcer mutuellement face à d’autres partenaires plus offensifs et disposant d’avantages qui sont devenus inaccessibles (salaires faibles, normes moins contraignantes, etc.).

En cela, en effet, les deux traités CETA et TTIP relèvent de combats similaires et c’est aussi pour ces raisons que les négociateurs des deux côtés de l’Atlantique ont du mal à comprendre les réticences qui entourent les négociations qu’ils mènent. Ils pensent œuvrer pour protéger mais n’ont pas compris que dans la période d’après-crise, le concept même d’un libéralisme porteur de paix et de prospérité ne convainc plus, qu’il est plutôt devenu synonyme dans la perception qu’en a le grand public de spéculation et argent mal gagné pour les uns, et chômage et inégalités pour les autres.

Les points principaux du traité sont-ils similaires à ceux du TTIP, actuellement en négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis ? Pourquoi le TTIP suscite-t-il tant d’oppositions alors que le CETA a tranquillement été négocié ?

La philosophie générale de ces traités est ainsi de faciliter un rapprochement et d’éliminer définitivement toutes les barrières commerciales, tarifaires et non-tarifaires, qui limitent encore nos échanges, afin de compenser les désavantages dont nous souffrons dans nos relations avec les autres régions, notamment la Chine. En effet, les entreprises du Nord partagent certaines contraintes sociales et environnementales auxquelles la Chine et les pays du Sud ne sont pas confrontés. Ces normes pénalisent les entreprises.

Evidemment, les sujets à négocier sont très spécifiques puisque l’essentiel de nos échanges sont déjà peu règlementés après 70 ans de négociations commerciales au sein du GATT puis de l’OMC. Ils portent sur l’ouverture des marchés publics, les normes ou des secteurs spécifiques jusque-là protégés (agriculture et défense par exemple). Ces sujets, s’ils étaient jusque-là restés hors des négociations multilatérales, c’est aussi parce que ce sont des sujets qui fâchent ! Il était donc évident que la tâche pour lever les derniers obstacles au commerce ne serait pas simple.

La grande différence entre les deux négociations TTIP et CETA est probablement que dans le cas du CETA, les parties prenantes sont parvenues à un traité, donc ont réussi à négocier. Cela peut probablement s’expliquer au moins pour partie par la nature des parties prenantes. Le Canada n’est pas les Etats-Unis. Les négociations sur le CETA ont nourri beaucoup moins de soupçons d’asymétrie que les négociations avec le TTIP. L’on reprochait notamment aux Américains de vouloir imposer leurs lois et contraindre les Européens à ouvrir leur marché quand, eux, tiendraient le leur fermé, etc. Les négociations entre le Canada et l’Europe paraissent, en revanche, plus symétriques. De plus, les négociateurs ont probablement profité du remous et de la mobilisation des ONG et de la société civile suscités par le TTIP pour finaliser et signer le traité de libre-échange avec le Canada dans la discrétion et la quasi-indifférence, alors que les négociations sur le TTIP stagnent.

Des traités et des zones de libre-échange fleurissent partout sur la planète (CETA, TPP, ALENA). Est-ce un moyen pour progressivement aboutir sur un monde sans barrières commerciales, tel que le souhaite l’OMC ? Le risque n’est-il pas, au contraire, d’exclure durablement certains pays des échanges commerciaux ?

Le libre-échange n’a jamais soulevé une unanimité. Il modifie les rapports de force et même s’il crée des opportunités pour certains, il détruit et pénalise d’autres. Déjà en 1805, le grand économiste anglais, pourtant libéral qu’est David Ricardo s’était opposé à l’ouverture des marchés du blé au Royaume-Uni au prétexte que cela allait ruiner les paysans anglais (et par là même les aristocrates alors propriétaires terriens !). Il élaborera par la suite sa théorie des avantages comparatifs (1815) où il expliquera qu’in fine, les gains du libre-échange sont plus importants que les pertes. Les faits sont là toutefois, il y a des perdants et ces perdants sont rarement pris en compte et accompagnés, l’idée étant qu’eux aussi sauront saisir les opportunités et/ou profiteront du bénéfice global d’une manière ou d’une autre !

En 1947, le GATT formalisait le fait que les négociations sur le libre commerce devaient être multilatérales pour être équitable et la nouveauté, de ces accords est de sortir de ce cadre et d’être négociés en dehors de l’OMC. Ils résultent du constat d’un certain échec des négociations multilatérales. Mais les difficultés de l’OMC sont aussi un signe de remise en cause vis-à-vis du libre-échange et de mondialisation. Cette défiance vis-à-vis de la mondialisation a vu le jour en 1999, par le biais de la société civile et des ONG qui organisèrent, en marge de la conférence de Seattle, le premier mouvement de protestation contre l’OMC. Les manifestants revendiquaient une réflexion nouvelle sur le libre-échange et la mondialisation. Il aurait fallu accepter cette idée pour anticiper les difficultés que rencontrent le TTIP ou le CETA. Nous sommes, aujourd’hui, dans un contexte de remise en cause profonde du système économique international. Les détracteurs du libre-échange revendiquent un libre-échange au service de l’amélioration du quotidien des êtres humains et des conditions sociales et environnementales. Les traités de libre-échange négociés en petit comité peinent à répondre à ces exigences parce qu’ils manquent d’originalité et ne se sont pas adaptés au contexte. Le plus inquiétant est que cela commence à peser sur les échanges mondiaux qui ont pourtant incontestablement été sources de progrès économique et social partout dans le monde. On constate en effet, depuis deux ou trois ans, un ralentissement de leur croissance. L’on ne peut affirmer, aujourd’hui, que le commerce mondial ne soit plus à la mode, mais que la manière dont il a été conçu, au sortir de la fin de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement, au début des années 1990, est remis en cause. Il faut alors le repenser. Pourquoi ni le TTIP, ni le CETA n’ont mis au cœur de leurs négociations des dimensions pourtant essentielles comme le changement climatique, le modèle social, les questions agricoles ou énergétiques, etc. ? Ces dossiers échoppent sur des points de vue trop différents entre les pays du Nord et du Sud. Ils auraient pu avancer dans le cadre de comités plus restreints comme les négociations de ces traités !

Après la COP 21 et Climate Chance à Nantes, comment passer des négociations à l’action ?

Wed, 19/10/2016 - 18:07

Simon Roger est journaliste au service Planète du Monde. Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole:
– L’Accord de Paris a-t-il été ratifié trop rapidement ?
– Quel a été le rôle de l’Afrique du Sud dans la signature de l’accord ?
– Comment le climatosceptiscisme peut-il se traduire dans la position de certains Etats ?

Quelles solutions pour la résolution des contentieux en mer de Chine ?

Wed, 19/10/2016 - 16:39

Les 11 et 12 octobre, l’association VAMEN (Vietnam Association of Maritime Environment and Nature) et l’Union des Associations des Sciences et Technologies de la ville de Hai Phong ont organisé un séminaire sur les problématiques relatives à l’environnement et à la sécurité en mer de Chine du Sud. Objectif de la réunion : examiner les implications dans ces domaines du jugement rendu à La Haye le 12 juillet 2016 par le tribunal mis en place par la Cour permanente d’arbitrage de La Haye dans le contentieux opposant les Philippines et la Chine.

Le grand intérêt de ce séminaire est de s’être focalisé sur des aspects plutôt pratiques et, sans les occulter, de ne pas s’attarder sur les considérations politiques. Les intervenants provenaient d’horizons très divers, à l’exception très notable des Chinois. Il leur était aussi demandé de faire des propositions pratiques pour limiter les risques de conflits dans la zone.

La destruction de l’environnement

La mer de Chine du Sud, tout particulièrement dans les zones des récifs et îlots, objets des plus importants contentieux, est une richesse environnementale à plusieurs titres. Ses eaux très poissonneuses font vivre 40 millions de pêcheurs sur son pourtour et fournissent une bonne part de leurs protéines animales à quelques centaines de millions de personnes. Mais les récifs sont aussi des lieux de ponte et d’éclosion qui fournissent en larves de plancton et en alevins une zone qui, grâce aux courants, s’étend largement au-delà de la mer de Chine proprement dite. A l’exception de quelques rares zones protégées, on est déjà dans une situation de surpêche irréversible dans le court et le moyen terme. Cette situation est même en voie d’aggravation car les gouvernements des pays riverains tendent, pour diverses raisons, à subventionner les pêcheurs ce qui conduit à une course à la production et souvent à l’emploi de méthodes (raclage ou turbinage des fonds, explosifs, empoisonnements) particulièrement dévastatrices.

Les problèmes de biodiversité sont aussi graves, alors que la zone est la plus riche du monde dans certains domaines (coraux et plancton en particulier). Certaines espèces sont recherchées pour leur rareté (clams géants, coraux) et sont exploitées bien au-delà des capacités de reproduction et en utilisant des méthodes qui détruisent d’autres espèces ou même l’ensemble d’un environnement. Au moins aussi grave, les agences gouvernementales chinoises construisent dans les Spratleys et Scarborough Shoal, en toute illégalité, des extensions sur certains récifs. Cela se traduit par l’utilisation de dragues qui raclent les bas-fonds coralliens pour les broyer et les transformer en sable de construction. Près de 200 km² de récifs ont déjà été ainsi stérilisés. Par ailleurs, la très forte augmentation de l’activité humaine conduit au rejet en mer de polluants divers.

La sécurité de navigation maritime et aérienne

Par la mer de Chine du Sud transitent 40% du commerce mondial de marchandises, pour un volume annuel en valeur de 5.300 milliards de dollars. On estime qu’un conflit qui imposerait d’utiliser des routes alternatives coûterait des centaines de milliards de dollars. Le trafic aérien tient une part relative moins importante au niveau mondial mais il est surtout beaucoup plus immédiatement vulnérable car ce sont des vies de passagers qui sont concernées.

Les menaces pesant sur la sécurité de navigation sont principalement liées à des risques de collision quand se mêlent des cargos qui naviguent au plus court, des bâtiments d’Etat (militaires, garde-côtes, agences diverses et milices) qui représentent une autorité contestée par d’autres nations et pêcheurs préoccupés uniquement de production et ne respectant ni normes ni mesures de sécurité. Les affrontements entre bâtiments d’Etat interdisant l’accès d’une zone et pêcheurs ont déjà conduit à des collisions ayant fait des morts. Le refus chinois d’accepter le jugement de la Haye conduit Pékin à refuser le « passage innocent » dans les espaces qu’il veut transformer en zones de souveraineté. Un incident grave impliquant un navire de guerre d’une Marine d’un grand pays non riverain (même la France s’est engagée à envoyer des patrouilles dans la zone) aurait sans doute de graves conséquences.

La gamme des restrictions potentielles à la liberté de navigation aérienne est plus étendue, allant de l’obligation de transmission « pour information » des plans de vols à la création unilatérale de zones interdites dans des espaces aujourd’hui considérés comme internationaux. La Chine avait ainsi créé, en mer de Chine orientale et dans le cadre d’un conflit avec le Japon, une ADIZ (Air Defense Interdiction Zone), qui ne peut théoriquement être pénétrée par un avion n’ayant pas reçu une autorisation, sous peine d’interception par les moyens de la défense aérienne. Les pays riverains craignent actuellement la création d’une telle zone en mer de Chine du Sud, qui impacterait des centaines de vols commerciaux par jour, y compris des vols directs entre le Vietnam et les Philippines ou la Malaisie. Toute aggravation des tensions aura un impact direct sur la sécurité des vols dans la région, allant des rétentions d’informations de tous ordres à l’absence de coordination d’éventuelles opérations de recherche et de sauvetage. On pourrait même assister à des actions pouvant conduire à la destruction volontaire ou non, d’un aéronef. L’implantation récente par la Chine de missiles antiaériens et la construction de bases pouvant accueillir des avions de chasse n’est pas faite pour rassurer.

Les solutions suggérées

Chacun des intervenants était prié de proposer des mesures visant à améliorer la protection de l’environnement et la sécurité. Les suggestions faites, dont très peu sont nouvelles, sont de deux ordres.

Les premières, les plus nombreuses, partent d’une hypothèse selon laquelle la Chine accepterait de participer à un dialogue. Elles concernent avant tout les problèmes maritimes et supposent d’être précédées par un moratoire sur toutes les revendications et toutes les activités relevant de ces revendications. Elles viseraient à la création, dans un premier temps, d’un « Grand Parc de la Paix des Spratleys », puis par la création d’une ou plusieurs agences réunissant chacune tous les riverains et ayant pour objet la gestion commune des ressources.

Les secondes, beaucoup plus limitées et pratiques, tendent à créer, très rapidement et sans préjuger de l’avenir, de petites structures multilatérales ad-hoc visant à régler, entre pays de bonne volonté, des problèmes ponctuels. L’accès à ces structures devrait être proposé dès leur création à la Chine. Cela peut concerner, par exemple, la création de zones maritimes empiétant sur les eaux de plusieurs Etats et protégées contre une menace particulière (protection d’une espèce, taille des prises…). Il a été aussi proposé la création d’une immatriculation et d’un enregistrement de tous les bateaux de pêche. J’ai, pour ma part, proposé la création d’une agence, bâtie sur les concepts ayant conduit à la création d’EUROCONTROL, qui centraliserait l’information sur tous les vols commerciaux dans la zone. Toutes ces agences ayant, naturellement, vocation à prendre de l’ampleur et sachant communiquer de telle façon que la Chine puisse difficilement refuser d’y participer.

Même si cela pourra paraître étonnant à certains, plusieurs intervenants vietnamiens appartenant à des organismes officiels ont clairement et publiquement indiqué que, dès maintenant, il était nécessaire de solliciter une présence plus forte des Etats-Unis dans la zone, ultime rempart aux « ingérences » chinoises.

En marge du séminaire, l’impact de la décision de la Haye a mis en lumière quelques implications de la jurisprudence qui ne manquera pas d’être utilisée… En effet, elle pourrait remettre en cause le statut actuel de quelques possessions maritimes d’autres nations. On cite entre autres :
• Guam et Hawaï pour les Etats-Unis
• La Polynésie pour la France
• Les Malouines pour le Royaume-Uni
• Les Antilles pour les Pays Bas, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France.

La menace djihadiste

Tue, 18/10/2016 - 19:14

Entretien avec Gérard Chaliand, spécialiste des conflits irréguliers, lauréat du Prix du livre des Géopolitiques de Nantes 2016 pour “Pourquoi perd-t-on la guerre ? Un nouvel art occidental” (Odile Jacob). Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole :

-Le djihadisme est-il la principale menace sécuritaire ?
– Comment lutter contre la menace djihadiste ?
– Quel rôle exercent les puissances régionales dans la prolifération du terrorisme islamiste ?

António Guterres : un nouveau souffle à l’ONU ?

Tue, 18/10/2016 - 17:16

La nomination d’Antonio Guterres au poste de Secrétaire général de l’Organisation des nations unies (ONU) est une très bonne nouvelle pour l’organisation mondiale.

Antonio Guterres a fait preuve de ses capacités par le passé : comme Premier ministre du Portugal, dans un premier temps, puis en tant que Haut-commissaire aux réfugiés où, pendant dix ans, il a dû faire face, avec efficacité et courage, à de très graves crises. Il est donc aussi bien au fait des responsabilités nationales que des responsabilités internationales et multilatérales.

Mais, Antonio Guterres, homme charismatique et de caractère, se distingue surtout par son tempérament. Les Secrétaires généraux sont souvent confrontés au risque d’être étouffés par des membres permanents qui lui dictent la politique à suivre. Certes, Antonio Guterres n’est pas le président de l’ONU et n’aura pas la capacité d’ordonner aux cinq membres permanents leur mode de conduite. On peut néanmoins penser qu’il sera plus actif que son prédécesseur, Ban Ki Moon, parfois trop respectueux des convenances et surtout trop soumis aux volontés de Washington. En conséquence, bien que sa marge de manœuvre ne soit pas totale, on peut penser qu’il donnera plus d’impulsion à la fonction. D’ailleurs, les membres permanents ne pensaient pas d’emblée à lui pour exercer le poste de Secrétaire général, craignant précisément son indépendance. Son rôle est important ; il a la capacité d’initier. On a vu, par le passé, des personnalités comme Boutros Boutros-Ghali ou Kofi Annan œuvrer avec plus d’indépendance que Ban Ki-Moon vis-à-vis des autres membres permanents.

Certes, l’ONU n’empêche pas les guerres, et d’aucuns avancent qu’elle s’est davantage illustrée par ses échecs que ses succès,comme le prouve actuellement son inanité et impuissance face à la situation syrienne. Ce genre d’allégation est fondée. Il existe, en effet, des divergences entre les membres permanents qui peuvent bloquer l’ONU et l’empêcher de jouer son rôle. Mais ce n’est pas le droit de veto qui est mis en cause car, sans ce droit, les Nations unies n’existeraient pas. Il constitue donc un mal nécessaire. Si l’ONU n’empêche évidemment pas la totalité des guerres, il convient également de prendre en compte l’ensemble de son œuvre : d’une part, par ses institutions spécialisées (de l’Organisation mondiale de la santé au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés) ; d’autre part, par son travail de prévention et de prise de contact. Car la diplomatie se veut aussi discrète dans le but d’aboutir à la conclusion d’une guerre ou empêcher son déclenchement. Les critiques à l’égard de l’ONU sont souvent excessives et son bilan doit-être considéré sous un angle plus global. L’ONU, en tant que telle, n’est pas responsable des profondes divisions de la communauté internationale. Elle n’en est pas la cause, mais le simple reflet.

L’épilogue de la guerre du Golfe, de 1990 à 1991, porta l’espoir que l’ONU retrouve son rôle initialement prévu par les rédacteurs de la charte. Mikhaïl Gorbatchev, à la tête de l’URSS à l’époque, avait accepté de lâcher son allié irakien, car ce dernier avait très lourdement violé le droit international, en envahissant le Koweït. Pour la première fois, un membre du Conseil de sécurité n’opposait pas un veto à une résolution demandant des sanctions à l’encontre de l’un de ses alliés. On avait célébré un nouvel ordre mondial. Pour la première fois, la charte de l’ONU avait été utilisée telle qu’elle avait été prévue, dans une action de sécurité collective. Les clivages et blocages avaient ensuite repris le dessus ; il n’existe plus de guerre idéologique entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, mais des rivalités nationales. C’est sur ce point que la communauté internationale a loupé une étape, en laissant Gorbatchev quitter le pouvoir, faute d’avoir été soutenu, à la fin de la Perestroïka.

António Guterres ne fera donc pas de miracle, mais il pourra redynamiser la maison et offrir un nouveau souffle à l’ONU, qui en a bien besoin.

Antonio Guterres à l’ONU : une bonne nouvelle ?

Fri, 14/10/2016 - 17:19

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, sur la nomination d’Antonio Guterres à la tête de l’ONU, et sur le rôle essentiel de l’organisation.

Bob Dylan, antidote pour une Amérique en manque de rêve

Fri, 14/10/2016 - 12:07

L’attribution du prix Nobel de Littérature à Bob Dylan met fin à vingt-trois ans de disette – et la récompense de Toni Morrison en 1993 – pour les écrivains américains. Si Dylan est le premier auteur-compositeur récompensé par l’académie de Stockholm, il ne s’agit pas pour autant d’une surprise. Depuis des décennies, des universitaires américains réclament cette récompense pour l’auteur de textes aux accents puissants, comme Blowin’ in the Wind, The times they are a-Changin’, Masters of War, Like a Rolling Stone, Subterranean Homesick Blues ou Hurricane. La carrière de Bob Dylan, c’est plus de 500 chansons, des dizaines d’albums, des dizaines de reprises par des artistes du monde entier… Peu d’artistes de la pop culture peuvent revendiquer un tel parcours, et s’il en fallait un reconnu à ce niveau, ce devait sans doute être lui. Récompenser Dylan, c’est rendre hommage à une nouvelle forme d’expression littéraire, et en ce sens son prix n’est ni usurpé, ni surprenant, quoi qu’en disent ses détracteurs. Mais des détracteurs, il y en a toujours, quels que soient les prix, et quels que soient les lauréats.

Plus surprenant, en revanche, est la volonté du comité Nobel de s’inviter dans la campagne présidentielle américaine. Dylan aurait pu être récompensé depuis des années, et il aurait pu également l’être dans un ou deux ans. Mais en choisissant (après un délai supplémentaire d’une semaine) de se prononcer en faveur de celui qui était présenté comme le champion de la génération beatnik (son amitié avec Allan Ginsberg en porte le témoignage) et le porte-parole de sa génération dans les années 1960 (contre son gré d’ailleurs), le comité envoie un message aux Américains qui désigneront, le 8 novembre prochain, leur prochain président. Ce message est celui d’une Amérique éprise de liberté et de justice, anticonformiste, en rébellion mais porteuse d’espoir, qui dénonce un quotidien parfois difficile et prône pour un rêve américain dénué de cynisme et de course à la croissance. Une Amérique qui dénonce la violence des armes à feu, les guerres illégitimes, la dérive des élites politiques, les inégalités sociales, les discriminations raciales, un monde des affaires déconnecté des réalités… Une Amérique que ni Hillary Clinton, ni Donald Trump, ne semblent pouvoir incarner.

Car c’est bien le manque de rêve qui, depuis des mois, caractérise cette sinistre campagne. Entre une candidate démocrate sans programme et qui peine à écarter le doute sur ses différences de vue avec Barack Obama, dont elle revendique pourtant le bilan, et un candidat républicain qui accumule mensonges et imprécisions sur fond d’insultes et de provocations, les électeurs sont désespérés. Seule la polarisation poussée à son paroxysme de la vie politique américaine maintient, pour l’un comme pour l’autre, une base électorale par défaut. Au point que de nombreux Américains ne voteront pas pour un candidat, mais contre l’autre.

Manque de rêve, perte du rêve américain. Le temps de la victoire de Barack Obama en 2008 semble loin, et si cette campagne ne passionne pas au-delà des polémiques, c’est parce que les candidats sont incapables de faire rêver. Les jeux politiques ont pris le dessus sur la capacité à rassembler les foules et à susciter l’espoir, et la sagesse s’efface derrière les coups bas, écrasée sans pouvoir combattre. « We live in a political world, wisdom is thrown in jail » (Political World, 1989).

Bob Dylan ne s’est pas contenté de critiquer l’action des politiques, il a parfois exprimé de façon prophétique les problèmes auxquels ils peuvent être confrontés. Comme ces lignes dans It’s Alright Ma (I’m only Bleeding) en 1965, quand il écrit “But even the President of the United States sometimes must have to stand naked”. Le président de l’époque est un certain Lyndon Johnson, engagé au Vietnam (auquel la chanson fait référence) et son successeur sera Richard Nixon, poussé à la démission en 1974 suite au scandale du Watergate deux ans plus tôt. Comme un appel à la révolte face à des responsables politiques qui ne tiennent pas compte de leur électorat, et moins encore des lois. Voilà un message que devraient entendre Trump et Clinton à qui Dylan pourrait chanter : « You better start swimmin’ or you’ll sink like a stone, for the time they are a changin’ ». Le comité Nobel s’en charge à sa place, comme s’il voulait rappeler que l’Amérique a été capable de produire des antidotes à ses dérives, des Bob Dylan dénonçant le Vietnam, et derrière lui des générations d’artistes engagés.

Le prix Nobel de Littérature n’apporte rien de plus à la carrière de Bob Dylan, qui n’a jamais été particulièrement avide de récompenses de toute façon, et traine sa nonchalance depuis plus de cinquante ans de succès. En revanche, qu’apporte Bob Dylan au prix Nobel de littérature ? Une petite dose de modernité, la promesse d’une ouverture à d’autres formes d’expression littéraire, et l’espoir que ce symbole rappelle aux Américains, et au reste du monde, que l’Amérique peut encore faire rêver. Cela sera-t-il suffisant, tant cette campagne pourra laisser des cicatrices ? The answer, my friend, is blowin in the wind

Thaïlande : le « pays du sourire » entre douleur et incertitude

Fri, 14/10/2016 - 11:51

Au lendemain du décès de son vénéré souverain Rama IX (Bhumibol Adulyadej), la nation thaïlandaise s’est réveillée ce vendredi matin avec des sentiments partagés, lestés principalement par la douleur d’une disparition redoutée ; mais pas seulement. Si l’émotion et le respect dû au défunt prévalent chez une majorité de sujets de l’ancien Siam, si la retenue de circonstance et la gravité du moment imposent mécaniquement, pour un temps, de repousser sine die les diverses contingences politiques ou partisanes pour se consacrer tout entier au souvenir du disparu, il n’empêche : les 67 millions de résidents du royaume peinent malgré tout en ce 14 octobre à ne pas se projeter sur le moyen-terme et, ce faisant, se retrouvent confrontés à quelques légitimes appréhensions. S’il est en cette période de deuil débutant malvenu d’en faire état – la rigide administration civilo-militaire du Premier ministre (ex-général) Prayut Chan-ocha n’en fait guère mystère… -, doute, préoccupations et projections pessimistes sont à l’esprit de tout un chacun ou presque. A commencer par la résilience de la monarchie (constitutionnelle), de son futur représentant (pour le moins sujet à controverse) ou encore des contours politico-institutionnels (plus ou moins flous) à venir à moyen terme.
Le sujet de la résilience de l’institution monarchique est peu ou prou tabou dans ce royaume bouddhiste du sud-est asiatique très pointilleux sur le sacro-saint concept de lèse-majesté. Ces dernières années, il est cependant revenu avec insistance dans les débats feutrés, au gré de la santé déclinante du monarque Bhumibol et de son retrait de plus en plus marqué, loin de ses interventions (rares mais décisives) jalonnant quand de besoin les décennies 1970, 80 et 90, pétries de crises politiques diverses et régulières et de coups d’Etat réussis (rien moins qu’une dizaine…). Une résilience d’autant plus éprouvée par la succession des soubresauts politiques (crises, mobilisations et manifestations, paralysie de l’économie, clivage profond de la société entre l’establishment et une Thaïlande d’en bas autrement plus populiste, etc.), soubresauts observés dans le royaume depuis l’entrée dans le IIIe Millénaire (deux nouveaux coups d’Etat militaire entre 2006 et 2014).

En théorie, la question de la succession du roi Bhumibol est réglée par le protocole depuis une quarantaine d’années. En 1972, le souverain consacrait son unique fils le prince Maha Vajiralongkorn (64 ans aujourd’hui) comme héritier, conformément aux dispositions de la Palace Law of Succession de 1924. Un euphémisme commode consisterait à dire que le prince héritier n’a pas précipité le traditionnellement long apprentissage des fonctions royales censées en son temps lui revenir… Entre écarts divers et variés (trois divorces, existence fréquemment tapageuse essentiellement passée à l’étranger, loin de la retenue et de l’attitude volontairement vertueuse adoptée par son père), souci très relatif pour le quotidien du royaume et de ses sujets, la réputation du futur souverain s’est forgée exclusivement ou presque sur une trame de désinvolture et de manquements, écornant durablement son image, érodant avant même son couronnement son capital d’autorité. Une « faiblesse » évidente pour l’intéressé, une carence déplorée par ses administrés ; un avantage pour d’autres.

S’il fut un temps question (en termes purement théoriques) de lui « préférer » une de ses sœurs, la princesse Sirindhorn (61 ans), 3e enfant du couple royale, à la réputation et à l’engagement pour son peuple d’un tout autre niveau, l’arbitrage final du palais royal et de l’establishment (élites urbaines, armée, milieux industriels et financiers) – mais également l’absence de jurisprudence favorable à ce choix dérogatoire du protocole – confirmèrent in fine le disputé Vajiralongkorn dans ses fonctions à venir.

Une perspective qui n’est pas sans ravir l’actuelle junte et ses puissants mentors, ces derniers préférant probablement composer demain, pour leur gouverne, autorité et intérêts personnels, avec un souverain au crédit aussi limité que ses excès passés sont décriés.
Au-delà de la dimension purement politique et institutionnelle, un paramètre comptable entre également en ligne de compte ; et il n’est pas négligeable, loin de là. En 2016, le magazine Forbes classait le souverain Bhumibol au tout premier rang des fortunes princières, fort d’un patrimoine évalué alors à 30 milliards de dollars (soit près du double, à titre de comparaison, des actifs du souverain saoudien Abdullah bin Abdul Aziz Al Saud…). Ces fonds considérables, leur gestion que l’on devine somme toute confortable, ne disparaissent pas avec le défunt monarque. Qui succède à Bhumibol sur le trône se trouve de jure en situation avantageuse pour disposer (noblement s’entend) de cette formidable manne – l’équivalent d’une fois et demi le Produit Intérieur Brut nominal de l’Afghanistan…

Il y a quelques jours encore, le Conseil National pour la Paix et l’Ordre (CNPO) – l’appellation officielle des plus parlantes de l’administration actuelle, en place depuis 2014 – du peu souriant Premier ministre Prayuth Chan-ocha renouvelait sa (bonne ?) volonté d’organiser d’ici 2017 le prochain scrutin législatif national, afin de convaincre ses administrés de son souci de redonner droit de citer à la règle démocratique (mais dans un cadre constitutionnel revisité). La période de deuil national s’étirant au niveau des instances gouvernementales sur une année entière à compter de ce jour, on peut sans grande difficulté ni prescience aucune envisager l’hypothèse d’un éventuel report de ce rendez-vous électoral, très attendu par une population très éprise de scrutin et aux appétences démocratiques fortes, infiniment moins désiré par une junte droite dans ses bottes et un establishment ayant enregistré revers électoral sur revers électoral depuis 2001.

Sur une ligne assez unanime, les observateurs du dossier thaïlandais s’accordent à penser que dans l’ancien Siam, les prochains mois et trimestres devraient être rythmés, sur un mode consensuel négocié en amont du deuil national, par un tempo épuré de contentieux politiques ou partisans majeurs ; autrement dit, une pax domestica temporaire et de circonstance. La suite immédiate de cette trêve politique, une fois la douleur passée et la patience (de certains) éprouvée, pourrait s’avérer d’une toute autre fébrilité. Il ne s’agirait alors guère de trop miser sur l’influence et le poids du nouveau roi pour peser favorablement sur les débats.

« L’attitude machiste de Donald Trump entre dans sa stratégie de sa campagne »

Fri, 14/10/2016 - 10:30

Que dit le comportement de Donald Trump sur son rapport aux femmes ?

Au fond son mépris pour les femmes et son machisme ne le distinguent pas franchement de nombreux hommes politiques. Aux États-Unis, c’est plutôt répandu. Ce qui rend sa personnalité plus abjecte vis-à-vis de certains, c’est sans doute son côté décomplexé. C’est le vrai le reflet de sa manière d’être.
Ses écarts de comportement datent d’il y a un moment. Des concours de Miss Univers dans les années 1990 à la vidéo de 2005, où il s’est presque vanté d’avoir profité de sa notoriété pour abuser de femmes. Ses provocations n’épargnent aucune femme. Ni dans son camp politique – souvenez-vous des moqueries contre son ex-rivale républicaine Carly Fiorina – ni dans sa propre famille, pour celui qui a affirmé qu’il sortirait bien avec sa fille s’il ne la connaissait pas.

Cela dit, je crois aussi que cette attitude machiste entre dans sa stratégie de sa campagne, où règne un « story telling » de la virilité, avec une puissance américaine à restaurer, selon le slogan « Make America great again ». C’est très calculé je crois, cette vulgarité, lorsqu’il affirme que les États-Unis ne doivent pas être le « pussy » de la Chine. Il privilégie un électorat masculin, blanc, patriarcal.

Comment cette rhétorique machiste se traduit-elle dans le programme de Donald Trump et des Républicains ?

À bien y regarder, le programme de Donald Trump est assez indifférent au genre. Il s’adresse tout de même aux mères, quand il propose un abattement fiscal sur la garde d’enfants. L’été dernier, le candidat républicain était allé jusqu’à envoyer un signal aux femmes, affirmant qu’elles avaient des droits. Mais aucune proposition concrète n’a suivi.

Le parti républicain, au final, va beaucoup plus loin que lui, par exemple en s’opposant au droit à l’égalité salariale des femmes. Leur programme législatif comprend des positions très dures, comme l’interdiction totale de l’avortement, donc y compris en cas de viol ou d’inceste.

Est-il pertinent de parler de vote des femmes dans la politique américaine ?

Parler du vote des femmes en général n’a pas grand sens, même si elles ont plutôt voté Démocrate (à 55 %) à l’élection présidentielle de 2012. Les minorités ou les plus diplômées, par exemple, n’iront pas voter Trump.

À l’inverse, il reste un socle électoral qui votera républicain quoiqu’il arrive. Selon les derniers sondages, ce socle représente encore 35 % des suffrages féminins. Ce sont des conservatrices attachées à d’autres sujets comme la faible régulation économique, la lutte contre l’avortement ou l’immigration. Elles viennent plutôt du Midwest, surtout en milieu rural. Ce sont des femmes moins diplômées, plus attachées aux valeurs religieuses.

Au final, la stratégie de Donald Trump fera certainement perdre encore plus de voix féminines que lors des scrutins précédents. Le registre de la provocation lui avait plutôt bien réussi jusqu’à présent. Maintenant que ça marche moins bien, saura-t-il faire autre chose ?

Propos recueillis par Jean-Baptiste François

La santé : Un enjeu mondial, stratégique et diplomatique

Thu, 13/10/2016 - 11:29

Dominique Kerouedan est médecin spécialiste des politiques internationales de santé, fondatrice de la spécialisation en santé mondiale de l’Ecole des affaires internationales de Paris (PSIA/Sciences Po). Elle répond à nos questions à propos de l’ouvrage “Santé mondiale : enjeu stratégique, jeux diplomatiques” (Presses de Sciences Po) qu’elle a co-dirigé avec Joseph Brunet-Jailly :
– En quoi la santé mondiale est-elle un enjeu géopolitique et stratégique ? Pourquoi l’accès à la santé doit-il être la priorité de la communauté internationale ?
– En quoi les violences extrêmes ont un impact plus conséquent sur la santé que n’importe quelle épidémie ?
– Vous évoquez dans l’ouvrage l’intervention discriminante des bailleurs dans la santé.Comment interpréter cette discrimination ?
– Vous évoquez la concentration de l’organisation de l’aide en santé à New-York et Genève.Pourquoi est-il nécessaire de réarticuler les différents niveaux de décision en matière de santé?

« Dr. Saoud et Mr. Djihad » – 3 questions à Pierre Conesa

Thu, 13/10/2016 - 11:09

Pierre Conesa, agrégé d’Histoire, est enseignant à Sciences Po. Il répond à mes questions à l’occasion de son ouvrage : « Dr. Saoud et Mr. Djihad : la diplomatie religieuse de l’Arabie Saoudite », paru aux éditions Robert Laffont et préfacé par Hubert Védrine.

Pourquoi décrivez-vous l’Arabie Saoudite comme une entreprise idéologique qui tient du soft power américain dans la structure, mais serait soviétique dans la méthode ?

J’ai été frappé, en étudiant la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite, de la mise en place d’un système d’influence (un soft power) très efficace, illustré notamment par la propagation réussie du salafisme. La comparaison avec les grands systèmes de soft power connus s’est imposée rapidement : la politique publique de diffusion du wahhabisme est affichée dès la constitution du régime (certaines ambassades incluent un conseiller aux affaires religieuses en contradiction avec la convention de Vienne) ; elle est appuyée par de multiples et richissimes fondations privées, d’ONG à vocation humanitaire ou éducatives… C’est un système « multicouches » qui associe privé et public comme dans le système américain. D’un autre côté, il y a un bras armé très tôt mis en place, la Ligue Islamique mondiale (LIM), qui agit en interaction complète avec les ambassades. La politique de formation de cadres religieux dans l‘université islamique de Médine, qui n’est pas sans rappeler la célèbre Université Lumumba de Moscou, a porté ses résultats dans nombre de pays notamment d’Afrique francophone.  Enfin, la diffusion d’une idéologie totalitaire inoxydable : le salafisme. Le résultat est impressionnant : entre 25 et 30 000 diplômés en une trentaine d’années, dont bon nombre ont pris la tête de structures représentatives des musulmans dans différents pays ; et un budget de 8 milliards de dollars !

Le plus grands succès de ce soft power est probablement d’avoir su rester discret, « au-dessous des radars », au point qu’il n’existe aucune étude sur l’action de la LIM y compris au Quai d’Orsay.

Comment expliquer que la diplomatie occidentale considère l’Arabie Saoudite comme un pays « modéré » ?

Il y a plusieurs explications historiques, qui aujourd’hui devraient être totalement réexaminées :

D’abord, l’Arabie saoudite a combattu le Nassérisme à une époque où les chancelleries occidentales regardaient le nationalisme arabe comme un allié objectif de l’URSS. La diplomatie religieuse de Riyad s’est d’abord structurée en opposition à celle de Nasser, puisque le Royaume accueille les Frères Musulmans persécutés par le Rais. En face du panarabisme, la monarchie promeut le panislamisme ; pour contrer la Ligue arabe, elle crée la Ligue Islamique mondiale ; et pour rivaliser avec l’Université Al Azhar, elle crée celle de Médine qui, grâce à son offre de bourses, attire tous les étudiants du Tiers monde.

Ensuite, lors de l’invasion soviétique en Afghanistan, le royaume devient le relais de la diplomatie américaine pour soutenir les moudjahidines. Le postulat stratégique occidental de la guerre froide est simple : « les ennemis de nos ennemis sont nos amis ». En fait, dès cette date, Riyad mène déjà sa propre action consistant pour l’essentiel à implanter des madrasas wahhabites au Pakistan, dont il sortira les talibans (étudiants en religion).

Le royaume semble aussi faire barrage à l’islam révolutionnaire de Khomeiny, et son argent paiera en partie les armes fournies à Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran.

Enfin, les industries énergétiques, aéronautiques, militaires, de luxe et BTP sont là pour rappeler aux gouvernants occidentaux l’eldorado qu’est l’Arabie, aspect qui surpasse les questions de droit de l’homme. On remarquera que notre premier ministre souhaite rencontrer des dissidents quand il va en Chine, mais jamais quand il se rend à Riyad. Est-ce parce qu’ils sont tous décapités ? Ou qu’ils vivent à l’étranger ? Ou peut-être parce que les dissidents vivant dans le pays sont encore plus radicaux que le régime et ne souhaiteraient pas du tout rencontrer le chef d’un gouvernement « mécréant » ?

Riyad n’a-t-elle pas créé un monstre qui s’attaque à elle ?

Oui, Riyad est aujourd’hui cernée par les problèmes que sa diplomatie religieuse a suscités :

La rupture avec les Frères musulmans date de la guerre du Golfe, au cours de laquelle les dirigeants de la confrérie soutiennent S. Hussein et rejettent l’arrivée des armées occidentales. Or, les révolutions arabes ont fait sortir des urnes presque partout des équipes fréristes. Riyad préfère aujourd’hui le maréchal Sissi au président égyptien élu Morsi.

La réintégration de l’Iran, depuis la signature de l’accord sur le nucléaire signé à Vienne en juillet 2015, affaiblit la relation de l’Arabie avec Washington. Or l’action anti-chiite est une constante de sa diplomatie religieuse sur la planète entière.

Enfin, et surtout, parce que les radicaux issus du système éducatif saoudien en arrivent à contester la légitimité des Saoud. Déjà, Ben Laden avait critiqué l’appel aux Occidentaux en 1991 et la rupture s’était traduite par une vague d’attentats dans le Royaume. Mais Daech est aujourd’hui une menace bien plus grave. L’Etat islamique a réussi à marginaliser Al-Qaida, à se présenter comme le défenseur des sunnites opprimés par les pouvoirs chiites de Bagdad et de Damas et à symboliser l’Oumma et le seul véritable régime islamique. La proclamation du Califat, commandeur des Croyants, « horizon mythologique » de nombre de musulmans, vient rappeler que les Saoud n’ont aucune légitimité religieuse à diriger l’Oumma et à gérer les lieux saints. Riyad, qui redoute les effets de la guerre contre Daech, s’est donc lancée dans une compétition anti-chiite avec ce dernier, en abandonnant sa lutte contre lui et en attaquant le Yémen. Une fois de plus, ce sont les « mécréants » qui viennent sauver la dynastie puisqu’aujourd’hui seules les forces occidentales (dix pays de l’OTAN et l’Australie) bombardent Daech.

Brexit : Quel divorce pour le Royaume-Uni ?

Thu, 13/10/2016 - 10:09

Selon Theresa May, la procédure de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne sera lancée avant fin mars 2017. Vers quel Brexit nous dirigeons-nous ?

Lors de la conférence des conservateurs britanniques, Theresa May a annoncé l’activation de l’article 50 du Traité de Lisbonne, désormais prévue avant fin mars. On peut espérer de cette annonce qu’elle déplace la discussion de la forme et du calendrier vers le débat de fond et d’idées. Pour l’instant, le gouvernement britannique ne semble pas prêt à entrer dans le vif du sujet, à esquisser les conditions du divorce ou les modalités précises de la relation entre Londres et le continent. Il fait face en effet à une contradiction majeure : l’accès au marché unique ou le contrôle de l’immigration. Le gouvernement britannique se retrouve dans la position pour le moins paradoxale de faire l’apologie du libre-échange d’une part, et de la sortie du marché unique de l’autre.

L’équation sera difficile. Encore faut-il que les conservateurs la reconnaissent et s’attèlent à sa résolution. Si l’on se tient aux propos de Theresa May la semaine passée, ils ont pour l’heure choisi le déni. A leur tête, une Première ministre qui estime pouvoir négocier un Brexit sans être confrontée à cette alternative, comme elle l’a formulé lors de la conférence des conservateurs.

Mais l’Union européenne ne l’entend pas de cette façon et ses poids lourds politiques l’ont fait savoir. Angela Merkel estime que les deux libertés sont indissociables. François Hollande, pour sa part, affirme que le Royaume-Uni, « ne bénéficiera pas d’un accès au marché unique si les principes de libre circulation ne sont pas respectés ». Jean-Claude Junker, précise que la Commission n’entamera aucune négociation tant que l’activation de l’article 50 ne lui aura pas été notifiée. Quant à Donald Tusk, il fait preuve de fermeté en déclarant que les 27 Etats membres seront en mesure de faire valoir leurs intérêts. Ces réactions sont logiques : ces principes sont inscrits dans les traités, et les Etats membres ne peuvent négocier un accord à la carte sans remettre en cause les principes qui sous-tendent le fonctionnement de l’Union.

Dans les deux camps, on peut s’attendre à une inflation dans la fermeté des déclarations au cours des prochains mois, chaque partie mettant en avant ses lignes rouges. Mais je pense que sur ce point précis au moins le Royaume-Uni sous-estime la détermination des dirigeants européens à défendre quatre libertés fondamentales de l’UE. Les dirigeants britanniques devront, un jour ou l’autre, admettre qu’ils ne pourront tenir les promesses faites durant la campagne en faveur du Brexit.

Ce divorce avec l’Union européenne pourrait-il créer des ruptures au sein du Royaume-Uni, entre notamment les supporters et les opposants au Brexit au sein du gouvernement, du parlement et au sein même du Parti conservateur ?

Je poserais la question inverse : les Britanniques seront-ils en mesure du surmonter les divisons qui minent le pays pour aboutir à une position consolidée, condition sine qua non à la négociation de la procédure de divorce ? Avant d’aborder les questions de fond avec l’Union européenne, il faut tout d’abord que Theresa May se mette d’accord avec elle-même : il ne faut pas oublier qu’elle avait fait campagne (du bout des lèvres certes) contre un Brexit qu’elle doit aujourd’hui mener. Pour ce faire, elle tente aujourd’hui de transformer en consensus national un référendum qui a fracturé le pays, et où 48% des Britanniques se sont prononcés contre le Brexit.

De même, les conservateurs ont cherché à présenter un front uni la semaine passée, alors que les divisions latentes ressurgiront au cours des prochains mois entre les eurosceptiques traditionnels et les défenseurs des intérêts économiques et financiers de la City, favorables au maintien dans le marché unique. Le cabinet britannique doit également se mettre d’accord avec lui-même, puisqu’il est écartelé entre les trois mousquetaires du Brexit (Boris Johson, David Davies, Liam Fox), et le Chancelier de l’Echiquier, qui cherchera à préserver les intérêts de la City. Reste encore Westminster, où le Parlement est divisé sur la question, et les autres instances législatives du pays, comme le Parlement d’Ecosse, vent debout contre une décision qu’ils estiment imposée par Londres. Enfin, la société civile britannique reste meurtrie et profondément divisée sur la question. Ainsi, malgré la volonté des conservateurs de faire du Brexit un consensus national, de profondes divisions et incompréhensions demeurent dans un Royaume-Uni coupé en deux.

Ce divorce pourrait-il en engendrer un autre avec l’Ecosse et l’Irlande du Nord ?

Aujourd’hui, il est impossible de se prononcer sur la question sans savoir de quoi le futur sera fait. Les réactions de l’Ecosse et de l’Irlande du Nord dépendront de la situation du Royaume-Uni au printemps 2017, puis des conditions de sortie qui seront négociées d’ici 2019. A mon sens, tout ne sera pas réglé d’ici là. L’Ecosse et l’Irlande du Nord ne peuvent se positionner tant que l’on ne connait rien des modalités des relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni.

Comment l’Union européenne gère-t-elle la question ?

L’UE n’a pas non plus établi de modalités précises quant au Brexit. A bon droit, dans la mesure où elle ne peut entamer de négociations tant que l’article 50 n’a pas été activé, car des discussions informelles entre des représentants britanniques et de différents pays européens ne seraient pas en mesure de prendre en compte l’intérêt des citoyens européens.

Alors que la perspective d’un lancement de la procédure de divorce approche, une équipe de négociation se met progressivement en place autour de Michel Barnier. Le négociateur en chef de la Commission européenne se rendra dans les capitales des Etats membres dans l’optique de sonder les 27.

En attendant, les deux parties adopteront sans doute des postures fermes sur la scène publique. Cela fait partie de la tactique politique qui permet à la diplomatie d’un Etat d’obtenir une plus grande marge de manœuvre dans les négociations.

Humanitarian Assistance in the Information Economy: The Role of Information Management

Wed, 12/10/2016 - 10:01

Improving humanitarian information management is at the heart of next week’s conference “GeONG 2016 -Impact of humanitarian IM: Lessons from the past, shaping the future”. The conference takes place in Chambery from 17th to 19th of October. Find out more about the agenda and secure your tickets here: http://cartong.org/geong/2016/agenda

Few specialisations within humanitarian assistance have undergone as dramatic a change as Information Management (IM) over the past ten years. In 2006 CartONG was founded with the goal to improve how data is collected, analysed and displayed so that stakeholders have better information when making critical decisions in humanitarian emergencies.

What seems obvious today, took a lot of convincing at the beginning: many programme staff and decision makers did not see why dedicated information officers (IMO) should be added to rapid response teams – after all, programme staff and reporting officers had been counting tents and estimating population size for decades. Why change?

Three things have been the primary drivers behind establishing information management as a core support function since then:

– Increased expectations regarding transparency and accountability have shown that data quality was often not good enough. In addition, data sets were frequently not compatible with each other. Professional information managers were able to standardize data, collect them with better quality and satisfy donors’ demands for more frequent updates.
– Like all other professions, humanitarian aid has become far more digital over the past ten years. The number of digital tools and sensors has increased massively, resulting in amounts of data that required dedicated staff to sift through and interpret. It is simply no longer possible for someone to do this in addition to their regular job.
– The visualization tools have gotten much better: having timely and accurate data is of little value when the analysis cannot be easily interpreted by stakeholders. Where (offline) excel sheets and occasional pie charts were the state of the art, today’s decision makers can expect visual representations of data that are updated as soon as new data is uploaded and that are available to anyone with an internet connection.

THE POWER OF THE MAP

The most powerful of these visualizations tools is the modern, digitally created map. More often than not, this map is built on information that is available for free and enhanced by data that has been collected on the ground or by drones or satellites from above. In some cases the map is further augmented by volunteers who are contributing their time and expertise. IMOs – and more specifically Geographic Information Systems (GIS) Officers – help to bring it all together.

Ten years ago most humanitarians – apart from logisticians – still needed to be convinced that putting things on a map would be helpful to their work; that the ability to visualize places, infrastructure, distribution points or other operational data with a spatial context would make it easier to take take decisions, communicate and coordinate activities. A map, just like a picture, can say more than a thousand words. While this had already been impressively demonstrated 150 years ago when the English Physician John Snow used a map to identify the cause of cholera, in the humanitarian sector even epidemiologists have been slow to embrace GIS.

Part of this reluctance was due to inadequate tools. Even just a few years ago, a GIS officer had to dig deep to patch spotty basic maps together, often scanning outdated maps since GPS devices and the knowledge on how to operate them were scarce. This occasionally included interpreting pictures taken from a mountain or top of car, or, if you were very lucky, from a helicopter. Mapping drones were still years in the future in 2006 and aerial photographs and satellite images were rare and expensive.

GAME CHANGERS

Google and OpenStreetMap (OSM) changed that. When Google released Google Maps and Google Earth in 2005, the company made satellite imagery and GIS tools accessible to everyone. What had been expensive and complicated was suddenly ubiquitous and so easy that people used it to map their favourite bars and plot the route to their next holiday destinations.

Almost immediately aid workers realized that the same tools could help them at work, pinpointing locations they needed to visit and assess or where they needed to build or distribute something. Just as has been predicted by futurists like Daniel Burrus, the use of GIS rose as the technology became more user friendly. Others, like Tim Bowdon went so far as proclaiming the end of the GIS professional, believing that the user friendly tools would shortly make GIS staff obsolete

Of course, today we know that reports of the death of the GIS officer have been greatly exaggerated. While many of the basic tasks that used to require specialist knowledge can now be performed by almost anyone, it still requires trained experts to develop and maintain the tools and the data behind them.

OpenStreetMap (the “wikipedia of maps”), which was a project that started in 2004, is probably the best example that illustrates this point: on OSM, users are in full control; they collect, edit, comment and decide which datasets are published. However, this is only possible because IMs and GIS officers meticulously developed – and continue to develop – tools that are so user friendly that “amateurs” can enter data with little risk of making mistakes. Similarly, below the surface, experts define the dataset and the rules according to which data is saved, changed and harmonised.

As a result, today, OSM is the most detailed and reliable map available in many parts of the world. Within this open ecosystem, groups like the Missing Maps Project and the Humanitarian OpenStreetMap Team are organizing local “Mapathons” during which they inspire digital volunteers to map regions of the world that are poorly represented on the map, particularly those that are vulnerable to natural disasters or other humanitarian crises.

This is a stark difference to Google that looks at mapping from a command-and-control approach. The company relies almost exclusively on commercial data providers for their mapping products. While users can send in suggestions, they have very little influence over the official data that is shown publicly. This reliance on commercial providers ensures a comparatively high quality of the data, but because it is proprietary, GIS officers cannot extract and re-use it for their own information products. Google deserves a lot of credit for opening the door to GIS for the masses with Google Earth and Google Maps. Yet, today, community based tools such as OSM are more relevant for humanitarians.

CHANGES IN THE FIELD

What do these innovations mean for a GIS officer in the field today?

She no longer needs to convince people that maps are useful and she is able to produce simple, printable maps far quicker and with far less effort than in the past: Within 24 hours she can put together a fairly comprehensive, basic map for most regions of the world – not completely error free, but good enough to be of use before the first data collected in the field comes in. For the most part, this data will be uploaded remotely by smartphones or drawn by the field staff directly within the Google Earth application itself. Occasionally, she will still receive data from stand-alone GPS devices. Within a few days, this fresh data will allow her to edit and improve the first maps and include relevant information that field staff and sector specialists need, such as: Which bridges are damaged? Where will water collect when it rains? What is the slope of the terrain? How many people live in this community?

CHALLENGES

What are the main challenges that an IM and specifically a GIS has to deal with today?

Given the many new tools and data sources as well as the ability to access them from almost anywhere in the world, the demands placed on IM and GIS officers have changed substantially:

Herself not being able to know each and every tool by heart, she is expected to advise what tools to use, to collect, analyze and visualize the data. This is difficult, unless she has a peer group or a supporting organisation that is regularly comparing the different tools that are on the market. Knowing that the technology can change quickly, she needs to understand that a well through procedure to collect or verify data might be more important than a specific tool.

She needs to try to ensure that her work has a lasting impact. This means she needs to identify and work with the different data silos that need to be connected to allow a holistic view of a given situation in a humanitarian crisis. She needs to communicate with the users of her data products as well as with all partners. In larger crisis, she might even be expected to take on a coordinating role to ensure that the data coming in through collaborations with other partners is consistent, follows agreed standards and can be easily turned into information.

She also better have a sense of humour when she is once again asked to fix someone else’s Excel problems or is mistaken for a reporting officer.

In the commercial world, these diverse skillsets are collected in business intelligence units where whole teams of people work on these issues to find out whether shelves in a supermarket need to be stocked differently, or when gadgets needs to be ordered in China to ensure they arrive in time for Christmas. Humanitarian Information Managers on the other hand are frequently alone in the field and need to document and predict the needs for life saving assistance.

Over the last ten years, decision makers in the humanitarian sector have embraced the fact that information is available at their fingertips. This is progress since it has helped to professionalise humanitarian aid and has also increased transparency and accountability.

Following acceptance of the role of humanitarian information managers, we now need to resource the function properly. This means in-house capacity building as well as either hiring more staff or entering into partnerships that can provide surge staff when needed. Organisations that neglect these investments will find that they don’t have information, they just have data. But data without structure is meaningless and organizations that base their operational decisions on bad information will not be able to survive in the long term. After all, one thing has not changed in the last ten years: if you put garbage in, you get garbage out.

Histoire : Des visions divergentes ?

Mon, 10/10/2016 - 18:06

François Reynaert est journaliste à L’Obs. Il répond à nos questions à propos de son ouvrage « La grande Histoire du Monde » qui vient de paraître aux éditions Fayard :– Avons-nous une vision autocentrée de l’Histoire du monde ?
– En quoi consiste la “Global History” ?
– Des visions divergentes de l’Histoire selon les pays peuvent-elles être problématiques ?

Pages