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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 month 1 week ago

Venezuela : les enjeux nationaux et régionaux de la bataille entre l’opposition et Nicolas Maduro

Fri, 28/10/2016 - 16:22

Dans quel contexte politique se trouve le Venezuela aujourd’hui ? Quels sont les acteurs et les revendications des deux camps dans cette crise ?

Le Venezuela est, aujourd’hui, le théâtre d’affrontements politiques intenses entre le gouvernement chaviste et son opposition majoritaire à l’Assemblée nationale sur fond d’approfondissement de la crise économique et sociale qui secoue le pays depuis 2013. C’est cette dernière, qui s’est abattue sur toute l’Amérique latine, notamment du Sud, en 2013 lorsque Nicolas Maduro remportait au même moment l’élection présidentielle, qui est le point de départ de la situation actuelle.

Le pays vit la plus grave crise économique de son histoire. Cette dernière se déploie dans un contexte plus global de récession économique en Amérique latine et de chute de la demande mondiale et d’effondrement du prix des ressources naturelles et des matières premières. Le Venezuela dépend quasi-exclusivement de ses exportations de pétrole.

La dégradation constante de l’économie, des conditions de vies matérielles de la population a atteint un point critique. Ceci a dégénéré en mécontentement social – notamment au sein des secteurs populaires qui constituent la base sociale du chavisme -, puis en crise politique radicalisée. Les tensions entre le chavisme et la droite ont accompagné la vie du pays depuis le premier jour de la Révolution bolivarienne (1998). Ce n’est pas la première fois que la polarisation qui caractérise la vie politique et sociale vénézuélienne prend un tour dramatique – rappelons-nous du coup d’Etat contre Hugo Chavez en 2002 -, mais aujourd’hui, la situation semble de nouveau indiquer la possibilité d’un point de rupture.

Les développements actuels (accusation mutuelle de « coup d’Etat » entre le gouvernement et l’Assemblée, appels à la grève générale, mobilisations de chaque camp dans la rue – l’opposition appelle ses partisans à marcher vers « Miraflores », le palais présidentiel, le 3 novembre, ce qui a déclenché l’appel similaire des chavistes pour le protéger – , bataille médiatique et sur les réseaux sociaux, guerre juridique d’interprétation de la Constitution et de l’application de ses dispositions, etc.) révèlent un engrenage volcanique au Venezuela.

Dans cette bataille, chaque bloc brandit ses armes. L’opposition détient l’Assemblée nationale, quelques Etats du pays, des villes. Elle dispose de relais puissants dans les secteurs économiques et financiers et les médias. Elle bénéficie aussi du soutien de puissances étrangères, notamment les Etats-Unis. Elle peut également désormais compter avec le soutien des nouvelles droites au pouvoir dans la région, notamment en Argentine (Mauricio Macri s’est directement impliqué dans le dossier vénézuélien pour relayer les revendications de l’opposition), au Brésil et au Pérou (dont le Congrès vient de condamner « la rupture constitutionnelle et le coup d’Etat » au Venezuela, les termes exactes de l’opposition vénézuélienne).

Quant aux chavistes, ils conservent le pouvoir exécutif, un soutien ultra-majoritaire au sein de l’autorité électorale et du Tribunal suprême, dont les magistrats sont proches du gouvernement. Ce dernier bénéficie surtout du soutien de l’armée vénézuélienne, qui vient de réaffirmer sa position publiquement en se désolidarisant clairement des initiatives récentes de l’Assemblée nationale. Dans son document « pour la restitution de l’ordre constitutionnel au Venezuela », cette dernière demandait notamment à la Force armée nationale de ne pas obéir à des décisions contraires aux principes constitutionnels issues du pouvoir exécutif ou judiciaire. L’armée a rejeté la légitimité de cette demande et indiqué qu’elle considérait que l’opposition ne respectait pas cette Constitution qu’elle prétend défendre. Il ne faut pas oublier que le chavisme repose sur une alliance entre le mouvement bolivarien et les forces militaires du pays.

Dans la bataille, les deux camps se rendent coup pour coup et utilisent un panel de méthodes variées ayant pour but d’affaiblir l’adversaire, notamment par la mobilisation de la rue, des médias et le lancement de multiples procédures institutionnelles judiciaires, nationales et internationales. C’est une guerre politique dont l’appareil d’Etat est devenu le théâtre des opérations. Ces derniers jours, l’opposition a décidé d’accuser Nicolas Maduro responsable d’un « coup d’Etat » du fait notamment de la décision du Conseil national électoral de suspendre le référendum révocatoire pour cause de « fraudes » identifiées par des tribunaux locaux dans la collecte des signatures nécessaires à son activation dans cinq Etats du pays.

Depuis, la crise s’est aiguisée et l’opposition semble désormais brûler tous ses vaisseaux dans la bataille. L’Assemblée nationale a proposé une batterie de procédures visant à exiger la restitution de l’ordre constitutionnel au Venezuela, selon elle bafouée. Cette restitution passerait par la révocation des juges et magistrats du Tribunal suprême, du Conseil national électoral (dont elle demande qu’ils soient jugés par la Cour pénale internationale), le départ du président – accusé de « probable double nationalité » et d’avoir « abandonné les fonctions constitutionnelles de la présidence » – par la voie d’une procédure de mise en cause de sa responsabilité. Ce point reste vague car il n’existe pas de procédure de destitution au Venezuela. L’opposition évoque l’organisation d’un « procès politique » contre Nicolas Maduro, notion également inexistante dans la Constitution. Elle le cite néanmoins à comparaître devant l’Assemblée le 1er novembre.

Compte tenu des tensions entre les deux camps, il est difficile de prédire si les différentes instances régionales et internationales de médiation – le Vatican s’est récemment posé en médiateur pour appuyer les initiatives de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) – parviendront à instaurer un dialogue entre les deux partis. Un acquis est que, finalement, une partie de l’opposition – rappelons que celle-ci est très divisée au-delà de son rejet de Nicolas Maduro – semble accepter de participer à une première réunion prévue le 30 octobre. Elle exige que soit reconfirmé le référendum révocatoire et que soit arrêté un calendrier électoral général pour 2017. En attendant, toutes ses composantes poursuivent leur appel à « prendre » la rue, sur un mode de plus en plus insurrectionnel.

Quel est le bilan de Nicolas Maduro ? Comment gère-t-il cette crise ?

Nicolas Maduro est arrivé au pouvoir dans des circonstances imprévues : le décès d’Hugo Chavez. Des élections anticipées ont été organisées durant lesquelles il a été élu avec une courte avance ; l’opposition en avait contesté le résultat. Tout part de là. En réalité, l’opposition n’a jamais accepté cette victoire. Dès 2014, elle avait appelé à « sortir » Nicolas Maduro. Certaines de ses franges, par tous les moyens. 2014 et 2015 ont été deux années de stratégie de la tension impulsée par l’opposition, jusqu’à la victoire du 6 décembre 2015 à l’Assemblée nationale.

En plus de devoir succéder au très populaire Hugo Chavez, le nouveau président vénézuélien s’est trouvé, dès son investiture, confronté à un environnement économique beaucoup plus difficile que celui qui a présidé aux années de pouvoir du fondateur de la Révolution bolivarienne.

La réaction de Nicolas Maduro à la crise a d’abord été de tenter de sanctuariser les bases sociales populaires du pays, terreau militant et électoral du chavisme, en essayant de les protéger de la crise. Aujourd’hui, le gouvernement arrive à poursuivre certaines politiques sociales (logement notamment) et améliore l’approvisionnement de ces populations. Il a également annoncé un relèvement de 40% du salaire minimum à la veille de la grève générale annoncée par l’opposition. Mais sur le plan économique, aucune transformation significative d’ordre macro-structurel n’a été entreprise, le Venezuela reste donc fortement dépendant du pétrole. Autre problème, celui du contrôle de change instauré par Hugo Chavez, qui a abouti à la création de multiples taux de change et à l’émergence d’un marché noir monétaire hyper-spéculatif. Cette situation, non modifiée par le gouvernement, stimule toutes les contrebandes imaginables (en partie responsables des pénuries) et provoque la montée en flèche de l’inflation, qui détruit en retour le pouvoir d’achat des Vénézuéliens et annihile toute politique économique favorisant la croissance et le développement.

Nicolas Maduro annonce aujourd’hui vouloir corriger le tir et amorcer une diversification de l’économie vénézuélienne. Il parle de « révolution productive ». Mais ces transformations sont désormais d’autant plus dures à orchestrer aujourd’hui que le pays ne dispose plus des ressources nécessaires issues de la rente pétrolière pour permettre leur mise en œuvre.

Dans un environnement polarisé autour de deux camps, on ne peut pas dire que le contexte soit propice au rétablissement de l’économie. C’est pourtant la priorité absolue pour l’avenir du pays. Le Venezuela est actuellement dans une situation de pré-conflit et le risque de guerre civile en cas d’aggravation de la situation ne peut plus être exclu.

Peut-il être destitué ?

Comme je le mentionnais, il n’existe pas de procédures de destitution au Venezuela. Les opposants peuvent décider de déclarer le président inapte à assumer ses tâches (« abandon de poste ») mais cela ne saurait trouver une matérialisation directe dans le cadre d’une destitution.

Pour obtenir le départ de Nicolas Maduro, il faut en passer par les élections (prévues en 2019) ou le référendum révocatoire à mi-mandat. Quand bien même il devait avoir lieu et déboucher sur un résultat défavorable à Nicolas Maduro, le référendum aboutirait désormais au remplacement du président par son vice-président. L’opposition n’obtiendrait donc pas la chute du gouvernement et c’est pour cela qu’elle militait pour la tenue d’un référendum au plus tard le 10 janvier 2017. Avant cette date, il aurait abouti sur la tenue d’élections anticipées.

Nicolas Maduro, malgré son impopularité manifeste, ne semble pas en position de tomber, d’autant plus qu’il jouit du soutien du gouvernement et de l’armée, et même d’une légère remontée du prix du pétrole après l’accord des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) signé à Alger le 28 septembre pour faire baisser la production et remonter les cours mondiaux (dossier dans lequel s’est très largement investi Nicolas Maduro depuis des mois).

Comment se situe actuellement le Venezuela sur la scène régionale ? La crise a-t-elle un impact sur les pays voisins ?

Le Venezuela cristallise aujourd’hui les nouveaux antagonismes régionaux entre les gouvernements progressistes de gauche et les gouvernements de droite et de centre droit. Ces derniers tentent de marginaliser la position du Venezuela sur la scène régionale. Le Marché commun du Sud (MERCOSUR) est le théâtre de ces affrontements où l’Argentine, le Brésil et le Paraguay (avec l’accord rétif de l’Uruguay) sont parvenus à retirer au Venezuela sa présidence semestrielle du bloc qui devait lui revenir entre juillet et décembre 2016. Les trois détracteurs de Nicolas Maduro tentent également de suspendre le Venezuela de l’Organisation des Etats américains (OEA) arguant que l’autoritarisme et l’incarcération de « prisonniers politiques » enfreignent la charte démocratique de l’organisation. L’objectif est de marginaliser le Venezuela sur la scène internationale, espérant l’exposer ainsi à un rejet et à des sanctions de la « communauté internationale » pour, in fine, porter un coup fatal au mouvement chaviste.

Mais Nicolas Maduro bénéficie aussi de soutiens, parmi lesquels, l’Equateur, le Nicaragua, la Bolivie et Cuba. Ainsi, il existe aujourd’hui une fracture entre deux Amériques latines dont le Venezuela est devenu la frontière.

Entre les deux camps, l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), qui intègre tous les pays d’Amérique du Sud multiplie les efforts, à l’instar du Pape François, pour créer les conditions d’un dialogue entre l’opposition et le gouvernement vénézuélien. Car le basculement du pays vers une guerre civile ou tout type de conflit de haute intensité aurait des conséquences incalculables pour l’ensemble de la région. Le voisin colombien par exemple, en plein processus fragile de négociation de paix avec les FARC, a tout intérêt à ce que le Venezuela, pays clé dans la négociation, ne sombre pas dans l’instabilité. Même Washington, hostile aux chavistes, semble redouter les conséquences d’une éventuelle dégradation de la situation. Avec Nicolas Maduro, ils savent à qui et à quoi ils ont affaire. Mais que deviendrait le pays dans une autre configuration ? Serait-il moins ou bien plus instable ? Un saut dans l’inconnu que personne ne souhaite réellement.

Une COP22 déterminante pour confirmer la dynamique de Paris

Fri, 28/10/2016 - 11:31

Les ratifications de l’Inde et de l’Union européenne vont permettre à l’Accord de Paris de franchir le double seuil nécessaire à son entrée en vigueur. A quelles actions peut-on s’attendre dans les prochaines semaines ? Quid des pays n’ayant pas encore ratifié l’Accord de Paris ?

Les prochaines semaines devraient être occupées par l’investissement des équipes de négociations dans la préparation de la COP22 mais aussi des diplomaties, marocaine notamment, afin de porter le message de mobilisation de la communauté internationale, particulièrement vis-à-vis des pays les plus récalcitrants. Peu de chefs d’Etat – une vingtaine, dont François Hollande – ont pour l’instant annoncé leur participation à la conférence. Rappelons que parmi les grands pays exportateurs d’hydrocarbures, notamment ceux de l’OPEP, seuls les Emirats arabes unis ont déposé leurs instruments de ratification. L’Arabie saoudite et la Russie n’ont pas témoigné d’un intérêt particulier vis-à-vis de la procédure. L’Accord de Paris avait de toute manière banni toute référence à un prix du carbone ou à l’extraction des ressources fossiles.

Le protocole de Kyoto était entré en vigueur seulement huit ans après sa signature. Comment expliquer l’engouement suscité par l’Accord de Paris ?

L’accord a bénéficié de l’investissement jusqu’alors plutôt limité des deux premiers émetteurs mondiaux : les Etats-Unis et la Chine. En annonçant leur ratification ensemble dès le mois de septembre, ils ont mis la pression sur les autres signataires qui, autrefois, pouvaient arguer de leur mauvaise volonté pour dénoncer le manque d’avancées des négociations internationales. Si tous les blocages ne sont pas levés, cet argument est désormais caduc. Ce changement de posture des pays autrefois considérés comme des facteurs d’obstruction de la régulation internationale a été un important facteur de réussite de la COP21, tout comme le considérable investissement des acteurs non étatiques, des collectivités territoriales aux ONG en passant par la société civile. Cette dynamique s’est ainsi concrétisée par une ratification record à laquelle doit maintenant succéder une période de mise en œuvre.

Ségolène Royal, présidente de la COP 21 a annoncé que la COP22 à Marrakech serait celle de l’action où de nombreux partenariats seront présentés. Que doit-on attendre de la COP22 ? Quels genres de projet sont à l’étude ?

L’Accord de Paris est le premier accord universel et contraignant conclu en vue de lutter contre le changement climatique. Objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, révision quinquennale des ambitions de réduction des émissions, plancher de 100 milliards pour les financements, les avancées sont certes présentes mais encore à consolider. A ce titre, la COP22 de Marrakech est aussi importante que la COP21 dont elle doit à tout prix confirmer la dynamique, sans quoi les négociations rentreront dans un nouveau cycle de blocage comme celui qui avait débuté après Copenhague en 2009. Les Etats n’ont pas encore précisé les mesures qui vont normalement leur permettre d’atteindre les objectifs qu’ils ont déposés auprès du secrétariat de la Convention climat avant la COP21, les modalités d’abondement de l’enveloppe de 100 milliards et de répartition des fonds ne sont pas encore tranchées, comme nombre d’autres questions. La COP22 a ainsi valeur de test pour la communauté internationale. Soit les Etats confirment leurs engagements en faveur d’une action responsable a minima, soit c’est le retour aux prises de positions unilatérales, aux obstructions et l’explosion du fragile consensus auquel la COP21 a permis d’aboutir.

Sauver le climat, quelle réponse des banques ?

Fri, 28/10/2016 - 09:33

Article co-écrit avec Déborah Leboullenger, Laboratoire Economix, University Paris Ouest – Nanterre La Défense

Dans la continuité de l’accord de Paris en décembre 2015, les bonnes nouvelles se sont accumulées dans le champ environnemental. Depuis le 5 octobre 2016, le seuil minimum permettant l’entrée en vigueur du traité de Paris a été atteint, à savoir 55 pays représentant au moins 55 % des émissions de Gaz à effet de serre. Dès le 4 novembre prochain, soit 30 jours après l’atteinte de ce plancher, l’accord aura une valeur internationale. Dès le début du mois de septembre et à la veille du sommet du G20 à Hangzhou, la signature simultanée du traité par l’Empire du milieu et par les Etats-Unis, soit près de 40 %[1] des émissions globales, avait permis d’envisager une évolution positive et une ratification de l’accord avant la tenue de la COP 22 au Maroc à Marrakech, du 7 au 18 novembre prochain.

Un contexte encore favorable aux investissements durables

D’autres facteurs intervenus sur la première partie de l’année poussent à l’optimisme. Ainsi, les investissements dans les énergies renouvelables (ENR) au niveau mondial ont, selon le dernier rapport de l’UNEP[2], Global Trend in Renewable Energy Investment, atteint un nouveau record à près de 286 milliards de dollars[3] en 2015. Les investissements ENR dans les capacités électriques ont atteint près de 266 milliards de dollars, soit plus du double du montant observé pour les investissements réalisés dans les centrales à charbon et à gaz (130 milliards de dollars).

Le montant global d’investissement dans les ENR, en hausse de 5 % par rapport à 2014, dissimule de fortes disparités régionales et laisse apparaitre un leadership désormais affirmé de la Chine dans le secteur (103 milliards de dollars d’investissements). Le pays représente près de 36 % des investissements mondiaux, avec un taux de croissance annuel moyen de 38 % depuis 2004 ! L’Inde (10,2 milliards de dollars d’investissements) et le Brésil (7,1 milliards) complètent le panorama des émergents dans les ENR[4]. En Europe, le constat est beaucoup plus alarmant. Certes les investissements ont atteint environ 49 milliards d’euros, mais ils enregistrent une forte diminution (21 %) par rapport à 2014. En outre, ces montants restent très éloignés des niveaux records enregistrés en 2011, à près de 123 milliards de dollars. Ce retournement marqué est largement dû au contexte macroéconomique observé en Europe et à l’austérité budgétaire (diminutions ou coupes fiscales dans certains pays européens (Espagne, Roumanie…), qui réduisent de facto les incitations à investir dans les ENR. Seul le Royaume-Uni, avec une véritable dynamique d’investissements dans les éoliennes off-shore, est à contre-courant de la tendance européenne globale.

D’un point de vue macroéconomique, la croissance mondiale résiste autour de 3,1 % et le risque Chine, même s’il reste toujours présent, ne focalise plus autant l’attention des investisseurs qu’en fin d’année dernière. En outre, le secteur des ENR pourrait bénéficier de la remontée des prix du pétrole (autour de 50 dollars le baril), alors que les cours de l’or noir étaient à leur plus bas niveau en décembre 2015. .

D’un point de vue monétaire et financier, le contexte est certes déroutant et « jamais vu », mais il n’en existe pas moins une conjoncture favorable aux investissements durables. Les politiques monétaires américaines, et plus généralement à travers le monde, restent globalement et exceptionnellement accommodantes. En effet, la hausse des taux d’intérêt directeurs décidée par la Réserve Fédérale des Etats-Unis (FED), par l’intermédiaire de sa présidente Janet Yellen, le 15 décembre 2015, devait annoncer le début d’une remontée graduelle des taux d’intérêt directeurs américains, concluant ainsi un cycle monétaire inédit de près de 7 ans. Or il n’en fut rien ! En résulte un environnement macro financier inédit : d’une part, un niveau « plancher » des taux d’intérêt inégalé depuis la période de la Renaissance[5] et une abondance des ressources financières dans la plupart des économies avancées : de l’ordre de 15 % du PIB en flux annuels (OCDE), soit 7 trillions de dollars, et l’on estime le stock d’épargne géré par les investisseurs institutionnels dans le monde à plus 110 trillions de dollars ! Cette situation paradoxale pousse les investisseurs à rechercher de nouvelles sources de rendement et beaucoup appellent à une relance des investissements de grande envergure comme les projets d’infrastructure. Car avec l’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt, jamais le long terme ne fut aussi bon marché (ou respectivement le présent peu valorisé sur les marchés financiers).

A la recherche d’un financement structurel vert

Toutefois, certains éléments invitent également à la prudence. En effet, le ralentissement de la croissance en Chine est à coup sûr précurseur d’une décélération des investissements dans les ENR en 2016 -le pays ayant enregistré une quasi-stagnation (0,5 %) de sa consommation d’électricité l’année dernière- et les premières tendances tendent à montrer une forte décélération en 2016.

Dans ce contexte, la question qui se pose désormais reste celle d’un financement structurel de la transition énergétique et des investissements dans les ENR. Lors de la COP 21, il a été convenu qu’il faudrait consacrer près de 100 milliards par an à des projets ENR à partir de 2020. Plus globalement, la problématique financière risque de devenir le véritable nœud de la lutte contre le changement climatique.

De nombreuses initiatives sont en train d’émerger à l’heure actuelle mais là encore les disparités régionales risquent d’être très marquantes. En effet, les problématiques européennes et chinoises observées à l’heure actuelle sont particulièrement intéressantes.

Les institutions bancaires européennes souffrent actuellement d’un problème de rentabilité structurel en lien notamment avec la politique monétaire de faibles taux d’intérêt initiée par Mario Draghi mais également en raison de la faible croissance enregistrée depuis la crise financière de 2007-2008. En outre, certaines banques allemandes ou italiennes ont enregistré des chocs externes particulièrement marqués (exposition marquée notamment au financement de projet dans le secteur pétrolier, amendes records pour la Deutsche Bank aux Etats-Unis, etc.) et certains analystes pointent du doigt un risque systémique important en Europe à l’heure actuelle. En outre, et face à leur responsabilité dans la crise financière, le système bancaire et financier européen a été soumis à de nouvelles réformes, notamment en matière d’exigences de fonds propres et de liquidité.

Dans ce contexte, les banques peuvent-elles sauver le climat ? Certaines propositions de réformes laissent entendre qu’un système d’incitations pourrait être mis en place. Un système de bonus-malus pourrait notamment être envisagé. Le schéma serait le suivant : le financement d’un projet accompagnant une transition énergétique bas-carbone (projet d’infrastructures durables, d’efficacité énergétique, d’adaptation aux risques climatiques, etc.) ne serait pas soumis aux mêmes contraintes de liquidités et/ou de solvabilité qu’un projet dans une énergie carbonée. Dès lors, l’effet de levier de financement des projets durables s’en trouverait rehaussé contribuant ainsi à une réorientation des actifs bancaires. Cela pourrait notamment alimenter les demandes de crédits pour les investissements dits «compatibles» à une transition énergétique bas-carbone mondiale.

Les banquiers pourraient ainsi contribuer à sauver le climat ! Mais pourraient-ils par le même schéma résoudre les problèmes structurels auxquels leurs banques font face ? En œuvrant pour une meilleure transition énergétique, elles se prémunissent contre un risque climatique. Mais leur résilience face à une crise financière de l’ampleur de celle que nous venons de subir s’en trouve-t-elle améliorée ? Le fait qu’elles ne maitrisent ni la politique de la Banque centrale européenne (BCE), ni la croissance en Europe, tout comme aux Etats-Unis, interroge. Certains économistes (R. Gordon, L. Summers) ont mis en exergue la lenteur de la reprise observée dans certains pays développés, notamment aux Etats-Unis et ont remis au goût du jour la théorie développée par Alvin Hansen, en 1938, relative à la stagnation séculaire. Financer la transition énergétique permettrait sûrement ainsi de relancer l’activité bancaire mais ce mouvement se heurterait à deux écueils : les rendements des projets ENR, par exemple, restent toujours inférieurs à ceux des projets énergétiques carbonés et une réallocation excessive des crédits bancaires en faveur des projets durables pourrait déséquilibrer leurs actifs. Ce deuxième point est essentiel, une réallocation massive pourrait ainsi contribuer à exposer les banques à une dévalorisation de leurs actifs en cas, par exemple, d’éclatement d’une bulle sur les énergies renouvelables ou au sein du secteur immobilier, à la fois porteur de risque systémique financier et climatique. Se pose ainsi la question du type d’acteurs devant financer la transition énergétique et celle de l’intégration à une politique plus globale favorable à l’investissement dans les projets durables ?

Une banque européenne spécialisée dans les projets durables (ENR, efficacité énergétique, etc.) ?

La Chine donne un exemple intéressant d’intégration de la question financière dans sa propre transition énergétique. Les investissements nécessaires à la réalisation du 13ème plan sur le plan environnemental vont demander près de 350 milliards de dollars. Dès 2014, le gouvernement chinois a mis en place une commission (Green Finance Task Force) chargée de faire des recommandations en matière d’incitations dans les projets ENR. Ces dernières intègrent un système de bonus-malus permettant d’augmenter la rentabilité des projets durables et de diminuer celle des projets polluants. Plus globalement la Chine va proposer une infrastructure globale favorable à l’investissement vert : la création d’institutions financières spécialisées dans les projets ENR, une politique fiscale et financière incitative (prêts subventionnés, création de taxes créant de la distorsion en faveur des projets durables…), le développement des marchés de CO2 et la création d’un système de rating vert (indice boursier environnemental…) ainsi que d’un système d’assurance obligatoire pour mettre en exergue les potentiels dommages des projets polluants. Cet arsenal a le mérite d’intégrer différents outils économiques et cherche à prendre en compte la spécificité des projets de décarbonation à travers la création d’une institution spécialisée.

L’Europe devrait peut-être s’inspirer de la Chine dans sa gestion des projets de décarbonation. La création d’une banque européenne spécialisée constituerait un projet sur lequel l’Europe pourrait capitaliser pour relancer sa construction. Cette institution centralisatrice pourrait agir en chef d’orchestre de la massification des investissements durables intermédiés par des banques locales, tout en les protégeant de l’éclatement d’une nouvelle bulle liée à la redirection des actifs grâce, par exemple, à un mécanisme de résolution à l’échelle européenne. Un projet tourné vers l’avenir et source d’intégration, un projet qui, en outre, permettrait à l’Europe de concurrencer le leadership présent et futur de la Chine sur ces questions.

[1] Selon la comptabilité de l’ONU, la Chine, premier émetteur mondial, représente 20 % des émissions et les Etats-Unis environ 18 %.

[2] United Nations Environment Programme, http://fs-unep-centre.org/publications/global-trends-renewable-energy-investment-2016, 24 mars 2016.

[3] Ce chiffre comprend les investissements dans les capacités additionnelles, dans les nouvelles technologies et dans la R&D.

[4] Pour une étude plus détaillée des investissements dans les ENR, lire notamment Emmanuel HACHE, Renouvelables, derrière les chiffres, quelle géopolitique énergétique mondiale ? Quelle place pour l’Europe ?, 12 avril 2016, http://www.iris-france.org/74791-renouvelables-derriere-les-chiffres-quelle-geopolitique-energetique-mondiale-quelle-place-pour-leurope/

[5] Tiré de Granjean et Martini ; Financer la Transition Energétique ; 2016.

La politique étrangère de François Hollande

Thu, 27/10/2016 - 18:55

François Ernenwein est rédacteur en chef du quotidien La Croix. Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole :
– Quel bilan dressez-vous de la politique étrangère de François Hollande ?
– Quels sont les succès et les échecs de la diplomatie Hollande ?
– Quels défis attendent le futur président ?

Géo-économie du Maghreb

Thu, 27/10/2016 - 14:57

Le dernier rapport de la Banque mondiale au sujet de la situation économique et sociale au Maghreb (à l’exception de la Mauritanie) tire un bilan qui en dit long sur le statu quo et le manque de perspectives en la matière : l’Algérie, la Libye, le Maroc et la Tunisie « ont en commun les mêmes grands défis socioéconomiques avec, au premier rang d’entre eux, les taux élevés du chômage chez les jeunes et la nécessité d’y remédier en développant le secteur privé pour créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité ». Les inégalités qui persistent représentent « un obstacle majeur à l’objectif visant à mettre fin à l’extrême pauvreté dans le monde d’ici 2030 ».

De fait, les pays maghrébins sont toujours en quête d’un modèle de développement. Leurs économies se trouvent dans une situation de dépendance extérieure, pour l’importation (agricole en particulier) comme pour l’exportation (en hydrocarbures). La succession et la combinaison de politiques étatistes et de politiques d’ajustements structurels (ou de libéralisation de l’économie) ont échoué à sortir ces pays d’un sous-développement indiqué par le faible niveau du PNB annuel par habitant.

Après les indépendances nationales, dans le contexte de la Guerre froide et de confrontation idéologique, les orientations politiques et économiques ont divergé : d’un côté, l’ouverture à l’économie de marché, aux investissements privés et à la société de consommation (cas de la monarchie marocaine) ; de l’autre, l’adhésion au modèle socialiste de révolution agraire et d’industrialisation de l’économie, sous la tutelle d’un État interventionniste (Algérie, mais aussi Tunisie et Libye).

Dans les années 1980 et 1990, la libéralisation et la privatisation de l’économie ont produit de la croissance et des richesses, mais mal réparties (corruption et népotisme obligent). Malgré l’émergence de classes moyennes à la fin des années 1980, le libre-échange n’est pas synonyme de développement pour des pays maghrébins marqués par de fortes inégalités sociales et territoriales, et un chômage massif de la jeunesse urbaine et diplômée qui peine à trouver sa place sur le marché du travail et dans la société.

Aujourd’hui, les conclusions générales de la Banque mondiale sont claires et tiennent en trois points : l’extrême pauvreté régresse dans l’ensemble du Maghreb, mais de larges pans de la population risquent de retomber dans la pauvreté, tandis que le chômage, particulièrement élevé chez les jeunes, reste un défi de taille. Au-delà de ce panorama global, le rapport de la Banque mondiale apporte quelques analyses plus fines. Le niveau de pauvreté et de chômage diffère selon l’âge, le sexe et les territoires.

Ainsi, l’Algérie subit très fortement la baisse des prix pétroliers. Les capacités de redistribution sociale de l’Etat sont mises à l’épreuve dans un contexte déjà socialement tendu, avec 10% de la population – soit 4 millions de personnes – qui vivent dans une situation de précarité et risquent de basculer sous le seuil de pauvreté. Une réalité qui renvoie aussi aux disparités territoriales que connaît le pays : « La pauvreté est deux fois plus répandue dans le Sahara, et trois fois plus élevée que la moyenne nationale dans la région des steppes ».

En Libye, la situation plus alarmante compte tenu des conséquences de l’insécurité et de l’instabilité politique sur la production pétrolière, quasi-unique source de revenus du pays. Ce pays potentiellement riche voit une frange de plus en plus importante de sa population côtoyer la pauvreté : avec 435 000 personnes déplacées et 1,3 million d’habitants en situation d’insécurité alimentaire, la Banque mondiale souligne que « plus d’un tiers de la population aurait besoin d’une aide humanitaire ».

Si la croissance économique au Maroc a permis d’enregistrer un recul du taux de pauvreté (de 8,9% en 2007 à 4,2% en 2014), le taux de chômage reste élevé chez les jeunes urbains (38,8%) et les inégalités demeurent criantes dans ce pays où 19% de la population rurale vit encore dans la pauvreté ou risque d’y basculer.

Enfin, en Tunisie, les projections de la Banque mondiale indiquent que la pauvreté a augmenté à la suite de la révolution de 2011, avant de revenir, en 2012, à son niveau précédent. Le taux de pauvreté extrême a stagné à 1,9 % sur la période 2013-2016, mais le rapport indique une légère baisse de la pauvreté modérée (passée de 8,3 % en 2013 à 7,9 % en 2015). Reste que le chômage continue d’atteindre des niveaux préoccupants, avec 22% chez les femmes et 31,8% chez les jeunes (31,2% chez les jeunes diplômés).

Dans le contexte de ralentissement de l’économie mondiale, la faiblesse persistante des prix du pétrole, l’escalade des tensions internes et régionales, les perspectives de reprise de la croissance à brève échéance sont peu encourageantes. Les Etats sont-ils pour autant condamnés à la passivité ? Pour que la jeunesse maghrébine retrouve espoir dans son avenir, les Etats n’ont d’autres solutions que faciliter l’égalité d’accès aux opportunités économiques.

Chine : un 6e plénum du Comité central du PCC décisif pour le pays et ses dirigeants ?

Thu, 27/10/2016 - 12:38

Les réunions du Comité central du Parti communiste chinois débouchent-elles sur des décisions importantes ? Comment fonctionnent les plénums et quels sont les enjeux du sixième qui a cours cette semaine ?

Le principe de ces réunions est double. Il s’agit tout d’abord d’identifier les personnes qui seront amenées à exercer un rôle important au sein du Parti communiste chinois dans les années à venir. Les réunions du Comité central sont donc l’objet de jeux de pouvoirs, parfois de chaises musicales où chacun essaye de trouver sa place, de faire entendre sa voix et d’obtenir des postes à échelle nationale.

Le deuxième objet principal des réunions du Comité central constitue à définir des orientations qui devront ensuite être validées par le gouvernement. Les domaines abordés sont nombreux. Ceux-ci s’étendent de la politique intérieure et internationale à la politique économique et sociale en passant par la politique de défense.

Dans le contexte actuel, le Comité central se penchera sur les moyens d’assurer la continuité de la politique exercée par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en mars 2013. Cette politique se base sur deux axes : la lutte contre la corruption et le développement du phénomène dit « one belt, one road », c’est-à-dire de l’ouverture de la Chine dans le financement des infrastructures à travers le monde. Ainsi, les discussions porteront probablement sur les bilans de ces deux initiatives et des orientations nouvelles à leur donner. Le sixième plenum sera également une occasion de constater si le pouvoir de Xi Jinping est consolidé, ce qui sera probablement le cas, et de déterminer l’éventuelle existence et la nature des oppositions au septième président de la République populaire de Chine.

Les réunions du Comité central aboutissent parfois sur l’apparition de nouveaux slogans tels que l’« émergence pacifique de la Chine » ou le « soft power chinois ». Ces slogans sont essentiels et laissent entrevoir la manière dont la Chine se positionnera et s’autoproclamera sur la scène internationale.

L’ère Xi Jinping est marquée par une importante croisade anti-corruption. Le sujet sera probablement abordé durant le sixième plénum du Comité central. Des nouvelles mesures sont-elles susceptibles d’y être adoptées ? Quelle est la réalité de la corruption en Chine ?

La corruption est très présente en Chine mais elle est en voie de réduction. A son arrivée au pouvoir, Xi Jinping a fait de la lutte contre la corruption sa marque de fabrique, les autorités ont fortement investi dans ce domaine et obtiennent des résultats. L’objectif pour l’Etat parti est de recrédibiliser le pouvoir central ainsi que de rétablir son lien avec la population en prenant comme adversaire les échelons intermédiaires où les degrés de corruption sont, en général, élevés. En ce sens, les discours du pouvoir contiennent une rhétorique populiste, qui n’est pas sans rappeler la période du début de la révolution culturelle.

Cette purge a également pour but de renforcer le pouvoir de Xi Jinping en éliminant les cadres gênants. Des proches de Jiang Zemin (au pouvoir entre 1993 et 2003) ont notamment été inquiétés tandis que le clan de Xi Jinping n’est jamais éclaboussé par la vague de l’anti-corruption. Cette situation laisse clairement entrevoir un règlement de compte sous fond de lutte contre la corruption. Ses résultats concrets doivent donc être analysés avec prudence.

Dans le cadre des discussions, plusieurs mesures pourraient être prises comme l’obligation pour les principaux membres du parti de déclarer leur patrimoine. Cette idée peut cependant laisser perplexe quant à l’exhaustivité des documents qui seraient fournis dans le cadre de cette mesure. Xi Jinping accepterait-il de fournir tous les éléments concernant son propre patrimoine ? On peut en douter. Au final, la croisade s’apparente plus à un renforcement du pouvoir qu’à une véritable campagne anti-corruption.

Quelle que soit sa nature, la croisade anti-corruption comporte des risques et le gouvernement chinois pourrait être dépassé par l’engouement qu’elle suscite, de la même manière que la révolution culturelle avait pris de court les dirigeants chinois, contraints, à un moment donné, de suivre la révolution plutôt que de l’orchestrer. La Chine vit actuellement dans un climat d’hostilité de la population à l’égard des cadres corrompus. Le pouvoir central a contribué à alimenter cette hostilité et il est possible d’imaginer un effet boule de neige qui dépasserait les simples règlements de comptes souhaités initialement.

A la lumière de ces éléments, je pense que le Comité central débouchera plus probablement sur une volonté de réaliser un « effort de transparence » tout en annonçant la fin de la campagne anti-corruption. Xi Jinping est parvenu à éliminer ses détracteurs et à imposer son clan. Dès lors, il est souhaitable pour lui de ne pas pousser l’expérience trop loin. Sera-t-il possible d’arrêter la croisade anti-corruption ? Quelles seront les conséquences de la purge sur l’Etat parti ? Ces questions méritent d’être posées.

Cette réunion se tient dans un contexte de ralentissement économique pour la Chine, avec un taux de croissance qui a fortement diminué ces dernières années (14,2% en 2007, 6,9% en 2015). Comment se porte l’économie chinoise aujourd’hui ? Sa situation est-elle susceptible de remettre en cause la position de certains dirigeants chinois ?

La Chine est entrée, depuis quatre ans, dans un cycle de ralentissement de sa croissance économique. Les résultats de 2016 ne dépasseront pas ceux de 2015 (6,9%). Les dirigeants chinois ont conscience du problème et ne nient pas publiquement son existence. De plus, de la prospérité de la croissance dépend aussi celle du parti. En effet, il a été, ces 35 dernières années, le principal acteur de la croissance chinoise. Si celle-ci se porte moins bien, le Parti communiste chinois détient une part de responsabilité. Ses dirigeants veulent donc éviter que ce cycle de ralentissement ne s’inscrive dans la durée et qu’il ne génère des conséquences politiques.

Les solutions chinoises s’effectuent sur le plan interne et international. En interne, des mesures ont été mises en place dès 2008, alors que la crise internationale n’avait pas encore eu d’impact sur la Chine. Ces mesures visaient à augmenter les conditions de vie et les salaires des Chinois afin de relancer la consommation interne. Dans cette optique, les décisions prises, ces huit dernières années, portent leur fruit. La Chine parvient à faire émerger une classe moyenne, réduire l’extrême pauvreté et à maintenir un niveau de croissance qui, à défaut d’être bon, reste correct.

Sur la scène internationale, les mesures chinoises sont beaucoup plus ambitieuses. Si la Chine se situe actuellement dans un cycle de ralentissement de sa croissance, elle dispose d’importantes ressources en devises. Ces ressources seront mises au profit de vastes investissements à l’étranger, notamment dans les infrastructures et dans les pays émergents. Initié au début des années 2000, ce processus s’est accéléré ces dix dernières années. L’arrivée de Xi Jinping a également donné une impulsion nouvelle au mouvement. Le « one belt, one road » ne se limite pas aujourd’hui seulement à la consolidation d’infrastructures autour des routes de la soie terrestres et maritimes. Les investissements s’effectuent, aujourd’hui, dans le monde entier.

L’objectif de cette démarche est tout aussi bien d’accroître l’influence et le prestige chinois à l’international, que de pérenniser sa croissance en renforçant les voies commerciales à l’international et celles d’approvisionnement en ressources énergétiques. L’objectif est aussi d’accroître la consommation des pays en développement en édifiant des infrastructures et en créant des emplois afin que les locaux consomment des produits chinois.

La crise économique est finalement perçue comme une opportunité pour les Chinois de modifier leur modèle, de globaliser leur économie et d’asseoir leur influence sur le monde. La Chine est, en ce sens, passée à la vitesse supérieure. Les réunions du Comité central du Parti communiste chinois devront cependant trouver des réponses aux enjeux de cette nouvelle politique. Dans quelle mesure la Chine peut-elle accélérer le mouvement ? Quelles sont ses capacités réelles ? Les enjeux seront aussi ceux des implications liées à la volonté chinoise d’être de plus en plus présente sur les marchés internationaux en Afrique, Amérique latine, Moyen-Orient, Asie du Sud-Est où elle est très présente, ainsi qu’en Europe où elle multiplie les investissements.

L’agriculture face aux enjeux climatiques

Wed, 26/10/2016 - 15:31

Sébastien Abis est chercheur associé à l’IRIS depuis 2013, spécialisé sur les enjeux stratégiques de l’espace euro-méditerranéen, de l’agriculture, de l’alimentation et du commerce de céréales. Il répond à nos questions à l’occasion de la sortie de son ouvrage “Agriculture et climat : Du blé par tous les temps” (IRIS éditions, Max Milo) qu’il a co-écrit avec Mohammed Sadiki :
– En quoi la culture du blé est-elle nécessaire pour répondre aux besoins alimentaires mondiaux et au défi climatique ?
– Que doit faire la France pour rester compétitive dans ses exportations de blé ?
– En Afrique du Nord et au Proche-Orient, la diminution des quantités d’eau et la dégradation du climat peuvent-elles générer des tensions d’ordre géopolitique ?

Les citoyens et le politique : désintérêt ou crise de confiance ?

Fri, 21/10/2016 - 11:08

Marion Carrel est maitre de conférence en sociologie à l’université Lille 3 / Centre de recherche “Individus, Epreuves, Sociétés”. Elle répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole.

– En quoi consiste la démocratie participative ?
– Le Brexit et les référendums d’initiative populaire en Suisse sont-ils des bons exemples de démocratie participative ?
– Quelle peut-être la réaction d’une population exclue de la vie démocratique d’un pays ?

La crise des réfugiés

Thu, 20/10/2016 - 17:26

Pascal Brice est directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole :
– Quelles sont les causes de la crise des réfugiés ? Le développement extérieur pourrait-il contribuer à la gestion de la crise ?
– L’accord sur les réfugiés conclu avec la Turquie déresponsabilise-t-il l’UE ?
– Comment se positionne la France dans la gestion des réfugiés ? Au-delà de Calais, quels sont les moyens mis en œuvre ?

Cinq ans après la chute de Kadhafi : quel bilan pour la Libye ?

Thu, 20/10/2016 - 17:14

Cinq ans jour pour jour après la chute de Mouammar Kadhafi, quel bilan peut-on tirer de l’intervention de l’OTAN en 2011, France et Etats-Unis en tête ?

Cinq ans après l’intervention de l’OTAN, le pays est totalement fragmenté. La Libye est au bord du gouffre, malmenée par des rivalités entre l’Est et l’Ouest, entre Tripoli et Tobrouk, entre deux gouvernements, deux parlements et par l’implantation d’un acteur non-étatique, Daech. Le bilan est donc mauvais, les Libyens ont déjà assisté à deux guerres civiles, une troisième n’est pas à exclure.

L’enlisement de la crise comporte aussi des risques pour l’Europe, sur le plan sécuritaire, avec la crainte que de nouvelles attaques soient orchestrées sur notre sol, ainsi que sur le plan migratoire car les Libyens figurent également parmi les réfugiés fuyant la guerre.

Les organisateurs de l’intervention militaire de 2011 ont commis une erreur. Ils n’ont pas mis en place de suivi politique pour l’après Kadhafi et se sont simplement contentés d’organiser des élections. La Libye est un pays dans lequel il n’y a jamais eu d’Etat ni d’institutions. La coalition n’a pas tenu compte des caractéristiques sociologiques et anthropologiques du pays. Les Occidentaux prétendaient apporter la démocratie en organisant des élections. Ils se sont trompés.

J’ai tendance à considérer que les interventions occidentales de ces dernières années ont apporté plus de confusion et d’instabilité que de solutions. C’est le cas en Libye, au Mali, en Syrie ou en Irak.

Quel est le contexte actuel en Libye alors que des combats y ont lieu quasi quotidiennement ?

Le pays est aujourd’hui mis en coupe réglée par des milices, par Daech, par la rivalité entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque (Est de la Libye), entre Tobrouk et Tripoli. Le gouvernement d’union nationale qui siège à Tripoli présidé par Fayez Sarraj, est aujourd’hui très contesté. Le retour de Fayez Sarraj, début 2016, était théâtral, arrivant par bateau depuis la Libye, après être resté huit jours dans une base maritime étrangère près de Tripoli. Il laisse le sentiment d’être arrivé dans les bagages d’une puissance étrangère alors que les Libyens supportent de moins en moins les interactions extérieures. Malgré un accord signé entre tous les partis libyens en 2015, l’autorité de Fayez Sarraj a très vite été contestée, critiquée et il n’est jamais parvenu à affirmer sa légitimité.

Une autre source de problèmes est incarnée par Daech. L’organisation terroriste refuse de négocier et aucun compromis avec elle n’est envisageable.

Enfin, après les deux gouvernements et Daech, un quatrième acteur s’ajoute à l’équation et rend plus complexe encore sa résolution. Le général Haftar est soutenu par les Emirats arabes unis et par l’Egypte. Il a très tôt contesté la légitimité du gouvernement de Fayez Sarraj et pris le contrôle des trois importants champs pétrolifères autour de Syrte. Le général Haftar est parvenu à consolider ses positions, il revendique aujourd’hui sa volonté d’être le nouveau leader de la Libye.

Nous sommes donc face à un paysage libyen divisé entre Daech, deux gouvernements rivaux, un général assez aigri qui fait cavalier seul et un gouvernement d’union nationale isolé. Si l’on y ajoute les clans, les tribus, les milices, le jeu d’un certain nombre de pays étrangers comme l’Algérie, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar, la somme de tous ses acteurs résultent sur une situation totalement hors de contrôle. Les dynamiques enclenchées, aujourd’hui en Libye, échappent à tous ceux qui les ont lancées.

Faire cesser les combats et désarmer les milices s’avère déjà une mission compliquée. Il faudrait peut-être que tous ceux, de Tripoli à Tobrouk souhaitant participer à la reconstruction de la Libye organisent une grande conférence nationale permettant de trouver un compromis interne à la Libye, sans pression étrangère, qui pourrait déboucher sur l’organisation de nouvelles élections.

Quelles sont les positions de la dite communauté internationale quant à la situation en Libye ? Se préoccupe-t-elle de la dégradation politique, économique et sécuritaire du pays à sa juste mesure ? De quelle manière certains pays interviennent-ils ?

De nombreux acteurs extérieurs s’inquiètent de la situation en Libye. La France et l’Italie, tout d’abord, qui doivent faire face à une succession de vagues d’immigration de personnes fuyant les combats. Les réfugiés arrivent, en premier lieu, sur les côtes italiennes, certains d’entre eux tentent ensuite de se rendre en France.

Globalement, toute l’Europe suit avec attention la situation libyenne car son évolution impacte également leur situation sécuritaire. Daech se trouve à moins de trois heures des côtes italiennes, à cinq heures des côtes françaises. Il existe donc une vraie problématique en termes de sécurité. Les risques sécuritaires et migratoires perdureront tant que le fond de la question n’aura pas été traité : redonner de la stabilité institutionnelle et politique à la Libye.

Sur le terrain, la situation empire. Les Européens se rendent-ils compte que le pays danse sur un volcan ? Si la Libye bascule dans une troisième guerre civile, il n’est pas à exclure que les pays environnants (Tunisie, Algérie, Egypte, Soudan) soient également impactés.

Pour finir, les puissances régionales s’immiscent également dans les affaires libyennes, telles que la Turquie, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar, l’Egypte et dans une moindre mesure, l’Algérie. Ces pays ont des inquiétudes, des intérêts, et chacun essaie d’agir localement pour préserver ses intérêts ou couvrir le risque terroriste.

CETA / TTIP : même combat ?

Thu, 20/10/2016 - 11:28

En quoi consiste le CETA, ce traité de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Canada ? Est-il « progressiste », comme le dit Justin Trudeau, et vertueux pour l’Union européenne ? Pourquoi les Wallons s’opposent-ils au Traité ?

Le CETA fait partie des traités de libre-échange à la mode ces dernières années. Il est proche du TTIP, négocié avec les Etats-Unis. Ces traités ne sont pas nouveaux mais leurs négociations ont été relancées à la suite de la crise de 2008 alors que les pays occidentaux commencent à prendre conscience que le monde a changé. En effet, l’une des conséquences de la crise de 2008, a été de mettre en évidence la montée en puissance d’un certain nombre de pays émergents qui, dans les premiers temps de la crise, continuent à croître voire même développent de nouvelles relations Sud/Sud. La volonté de concrétiser des traités de libre-échange peut alors être interpréter à cette époque comme une démarche défensive : se rapprocher pour se renforcer mutuellement face à d’autres partenaires plus offensifs et disposant d’avantages qui sont devenus inaccessibles (salaires faibles, normes moins contraignantes, etc.).

En cela, en effet, les deux traités CETA et TTIP relèvent de combats similaires et c’est aussi pour ces raisons que les négociateurs des deux côtés de l’Atlantique ont du mal à comprendre les réticences qui entourent les négociations qu’ils mènent. Ils pensent œuvrer pour protéger mais n’ont pas compris que dans la période d’après-crise, le concept même d’un libéralisme porteur de paix et de prospérité ne convainc plus, qu’il est plutôt devenu synonyme dans la perception qu’en a le grand public de spéculation et argent mal gagné pour les uns, et chômage et inégalités pour les autres.

Les points principaux du traité sont-ils similaires à ceux du TTIP, actuellement en négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis ? Pourquoi le TTIP suscite-t-il tant d’oppositions alors que le CETA a tranquillement été négocié ?

La philosophie générale de ces traités est ainsi de faciliter un rapprochement et d’éliminer définitivement toutes les barrières commerciales, tarifaires et non-tarifaires, qui limitent encore nos échanges, afin de compenser les désavantages dont nous souffrons dans nos relations avec les autres régions, notamment la Chine. En effet, les entreprises du Nord partagent certaines contraintes sociales et environnementales auxquelles la Chine et les pays du Sud ne sont pas confrontés. Ces normes pénalisent les entreprises.

Evidemment, les sujets à négocier sont très spécifiques puisque l’essentiel de nos échanges sont déjà peu règlementés après 70 ans de négociations commerciales au sein du GATT puis de l’OMC. Ils portent sur l’ouverture des marchés publics, les normes ou des secteurs spécifiques jusque-là protégés (agriculture et défense par exemple). Ces sujets, s’ils étaient jusque-là restés hors des négociations multilatérales, c’est aussi parce que ce sont des sujets qui fâchent ! Il était donc évident que la tâche pour lever les derniers obstacles au commerce ne serait pas simple.

La grande différence entre les deux négociations TTIP et CETA est probablement que dans le cas du CETA, les parties prenantes sont parvenues à un traité, donc ont réussi à négocier. Cela peut probablement s’expliquer au moins pour partie par la nature des parties prenantes. Le Canada n’est pas les Etats-Unis. Les négociations sur le CETA ont nourri beaucoup moins de soupçons d’asymétrie que les négociations avec le TTIP. L’on reprochait notamment aux Américains de vouloir imposer leurs lois et contraindre les Européens à ouvrir leur marché quand, eux, tiendraient le leur fermé, etc. Les négociations entre le Canada et l’Europe paraissent, en revanche, plus symétriques. De plus, les négociateurs ont probablement profité du remous et de la mobilisation des ONG et de la société civile suscités par le TTIP pour finaliser et signer le traité de libre-échange avec le Canada dans la discrétion et la quasi-indifférence, alors que les négociations sur le TTIP stagnent.

Des traités et des zones de libre-échange fleurissent partout sur la planète (CETA, TPP, ALENA). Est-ce un moyen pour progressivement aboutir sur un monde sans barrières commerciales, tel que le souhaite l’OMC ? Le risque n’est-il pas, au contraire, d’exclure durablement certains pays des échanges commerciaux ?

Le libre-échange n’a jamais soulevé une unanimité. Il modifie les rapports de force et même s’il crée des opportunités pour certains, il détruit et pénalise d’autres. Déjà en 1805, le grand économiste anglais, pourtant libéral qu’est David Ricardo s’était opposé à l’ouverture des marchés du blé au Royaume-Uni au prétexte que cela allait ruiner les paysans anglais (et par là même les aristocrates alors propriétaires terriens !). Il élaborera par la suite sa théorie des avantages comparatifs (1815) où il expliquera qu’in fine, les gains du libre-échange sont plus importants que les pertes. Les faits sont là toutefois, il y a des perdants et ces perdants sont rarement pris en compte et accompagnés, l’idée étant qu’eux aussi sauront saisir les opportunités et/ou profiteront du bénéfice global d’une manière ou d’une autre !

En 1947, le GATT formalisait le fait que les négociations sur le libre commerce devaient être multilatérales pour être équitable et la nouveauté, de ces accords est de sortir de ce cadre et d’être négociés en dehors de l’OMC. Ils résultent du constat d’un certain échec des négociations multilatérales. Mais les difficultés de l’OMC sont aussi un signe de remise en cause vis-à-vis du libre-échange et de mondialisation. Cette défiance vis-à-vis de la mondialisation a vu le jour en 1999, par le biais de la société civile et des ONG qui organisèrent, en marge de la conférence de Seattle, le premier mouvement de protestation contre l’OMC. Les manifestants revendiquaient une réflexion nouvelle sur le libre-échange et la mondialisation. Il aurait fallu accepter cette idée pour anticiper les difficultés que rencontrent le TTIP ou le CETA. Nous sommes, aujourd’hui, dans un contexte de remise en cause profonde du système économique international. Les détracteurs du libre-échange revendiquent un libre-échange au service de l’amélioration du quotidien des êtres humains et des conditions sociales et environnementales. Les traités de libre-échange négociés en petit comité peinent à répondre à ces exigences parce qu’ils manquent d’originalité et ne se sont pas adaptés au contexte. Le plus inquiétant est que cela commence à peser sur les échanges mondiaux qui ont pourtant incontestablement été sources de progrès économique et social partout dans le monde. On constate en effet, depuis deux ou trois ans, un ralentissement de leur croissance. L’on ne peut affirmer, aujourd’hui, que le commerce mondial ne soit plus à la mode, mais que la manière dont il a été conçu, au sortir de la fin de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement, au début des années 1990, est remis en cause. Il faut alors le repenser. Pourquoi ni le TTIP, ni le CETA n’ont mis au cœur de leurs négociations des dimensions pourtant essentielles comme le changement climatique, le modèle social, les questions agricoles ou énergétiques, etc. ? Ces dossiers échoppent sur des points de vue trop différents entre les pays du Nord et du Sud. Ils auraient pu avancer dans le cadre de comités plus restreints comme les négociations de ces traités !

Après la COP 21 et Climate Chance à Nantes, comment passer des négociations à l’action ?

Wed, 19/10/2016 - 18:07

Simon Roger est journaliste au service Planète du Monde. Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole:
– L’Accord de Paris a-t-il été ratifié trop rapidement ?
– Quel a été le rôle de l’Afrique du Sud dans la signature de l’accord ?
– Comment le climatosceptiscisme peut-il se traduire dans la position de certains Etats ?

Quelles solutions pour la résolution des contentieux en mer de Chine ?

Wed, 19/10/2016 - 16:39

Les 11 et 12 octobre, l’association VAMEN (Vietnam Association of Maritime Environment and Nature) et l’Union des Associations des Sciences et Technologies de la ville de Hai Phong ont organisé un séminaire sur les problématiques relatives à l’environnement et à la sécurité en mer de Chine du Sud. Objectif de la réunion : examiner les implications dans ces domaines du jugement rendu à La Haye le 12 juillet 2016 par le tribunal mis en place par la Cour permanente d’arbitrage de La Haye dans le contentieux opposant les Philippines et la Chine.

Le grand intérêt de ce séminaire est de s’être focalisé sur des aspects plutôt pratiques et, sans les occulter, de ne pas s’attarder sur les considérations politiques. Les intervenants provenaient d’horizons très divers, à l’exception très notable des Chinois. Il leur était aussi demandé de faire des propositions pratiques pour limiter les risques de conflits dans la zone.

La destruction de l’environnement

La mer de Chine du Sud, tout particulièrement dans les zones des récifs et îlots, objets des plus importants contentieux, est une richesse environnementale à plusieurs titres. Ses eaux très poissonneuses font vivre 40 millions de pêcheurs sur son pourtour et fournissent une bonne part de leurs protéines animales à quelques centaines de millions de personnes. Mais les récifs sont aussi des lieux de ponte et d’éclosion qui fournissent en larves de plancton et en alevins une zone qui, grâce aux courants, s’étend largement au-delà de la mer de Chine proprement dite. A l’exception de quelques rares zones protégées, on est déjà dans une situation de surpêche irréversible dans le court et le moyen terme. Cette situation est même en voie d’aggravation car les gouvernements des pays riverains tendent, pour diverses raisons, à subventionner les pêcheurs ce qui conduit à une course à la production et souvent à l’emploi de méthodes (raclage ou turbinage des fonds, explosifs, empoisonnements) particulièrement dévastatrices.

Les problèmes de biodiversité sont aussi graves, alors que la zone est la plus riche du monde dans certains domaines (coraux et plancton en particulier). Certaines espèces sont recherchées pour leur rareté (clams géants, coraux) et sont exploitées bien au-delà des capacités de reproduction et en utilisant des méthodes qui détruisent d’autres espèces ou même l’ensemble d’un environnement. Au moins aussi grave, les agences gouvernementales chinoises construisent dans les Spratleys et Scarborough Shoal, en toute illégalité, des extensions sur certains récifs. Cela se traduit par l’utilisation de dragues qui raclent les bas-fonds coralliens pour les broyer et les transformer en sable de construction. Près de 200 km² de récifs ont déjà été ainsi stérilisés. Par ailleurs, la très forte augmentation de l’activité humaine conduit au rejet en mer de polluants divers.

La sécurité de navigation maritime et aérienne

Par la mer de Chine du Sud transitent 40% du commerce mondial de marchandises, pour un volume annuel en valeur de 5.300 milliards de dollars. On estime qu’un conflit qui imposerait d’utiliser des routes alternatives coûterait des centaines de milliards de dollars. Le trafic aérien tient une part relative moins importante au niveau mondial mais il est surtout beaucoup plus immédiatement vulnérable car ce sont des vies de passagers qui sont concernées.

Les menaces pesant sur la sécurité de navigation sont principalement liées à des risques de collision quand se mêlent des cargos qui naviguent au plus court, des bâtiments d’Etat (militaires, garde-côtes, agences diverses et milices) qui représentent une autorité contestée par d’autres nations et pêcheurs préoccupés uniquement de production et ne respectant ni normes ni mesures de sécurité. Les affrontements entre bâtiments d’Etat interdisant l’accès d’une zone et pêcheurs ont déjà conduit à des collisions ayant fait des morts. Le refus chinois d’accepter le jugement de la Haye conduit Pékin à refuser le « passage innocent » dans les espaces qu’il veut transformer en zones de souveraineté. Un incident grave impliquant un navire de guerre d’une Marine d’un grand pays non riverain (même la France s’est engagée à envoyer des patrouilles dans la zone) aurait sans doute de graves conséquences.

La gamme des restrictions potentielles à la liberté de navigation aérienne est plus étendue, allant de l’obligation de transmission « pour information » des plans de vols à la création unilatérale de zones interdites dans des espaces aujourd’hui considérés comme internationaux. La Chine avait ainsi créé, en mer de Chine orientale et dans le cadre d’un conflit avec le Japon, une ADIZ (Air Defense Interdiction Zone), qui ne peut théoriquement être pénétrée par un avion n’ayant pas reçu une autorisation, sous peine d’interception par les moyens de la défense aérienne. Les pays riverains craignent actuellement la création d’une telle zone en mer de Chine du Sud, qui impacterait des centaines de vols commerciaux par jour, y compris des vols directs entre le Vietnam et les Philippines ou la Malaisie. Toute aggravation des tensions aura un impact direct sur la sécurité des vols dans la région, allant des rétentions d’informations de tous ordres à l’absence de coordination d’éventuelles opérations de recherche et de sauvetage. On pourrait même assister à des actions pouvant conduire à la destruction volontaire ou non, d’un aéronef. L’implantation récente par la Chine de missiles antiaériens et la construction de bases pouvant accueillir des avions de chasse n’est pas faite pour rassurer.

Les solutions suggérées

Chacun des intervenants était prié de proposer des mesures visant à améliorer la protection de l’environnement et la sécurité. Les suggestions faites, dont très peu sont nouvelles, sont de deux ordres.

Les premières, les plus nombreuses, partent d’une hypothèse selon laquelle la Chine accepterait de participer à un dialogue. Elles concernent avant tout les problèmes maritimes et supposent d’être précédées par un moratoire sur toutes les revendications et toutes les activités relevant de ces revendications. Elles viseraient à la création, dans un premier temps, d’un « Grand Parc de la Paix des Spratleys », puis par la création d’une ou plusieurs agences réunissant chacune tous les riverains et ayant pour objet la gestion commune des ressources.

Les secondes, beaucoup plus limitées et pratiques, tendent à créer, très rapidement et sans préjuger de l’avenir, de petites structures multilatérales ad-hoc visant à régler, entre pays de bonne volonté, des problèmes ponctuels. L’accès à ces structures devrait être proposé dès leur création à la Chine. Cela peut concerner, par exemple, la création de zones maritimes empiétant sur les eaux de plusieurs Etats et protégées contre une menace particulière (protection d’une espèce, taille des prises…). Il a été aussi proposé la création d’une immatriculation et d’un enregistrement de tous les bateaux de pêche. J’ai, pour ma part, proposé la création d’une agence, bâtie sur les concepts ayant conduit à la création d’EUROCONTROL, qui centraliserait l’information sur tous les vols commerciaux dans la zone. Toutes ces agences ayant, naturellement, vocation à prendre de l’ampleur et sachant communiquer de telle façon que la Chine puisse difficilement refuser d’y participer.

Même si cela pourra paraître étonnant à certains, plusieurs intervenants vietnamiens appartenant à des organismes officiels ont clairement et publiquement indiqué que, dès maintenant, il était nécessaire de solliciter une présence plus forte des Etats-Unis dans la zone, ultime rempart aux « ingérences » chinoises.

En marge du séminaire, l’impact de la décision de la Haye a mis en lumière quelques implications de la jurisprudence qui ne manquera pas d’être utilisée… En effet, elle pourrait remettre en cause le statut actuel de quelques possessions maritimes d’autres nations. On cite entre autres :
• Guam et Hawaï pour les Etats-Unis
• La Polynésie pour la France
• Les Malouines pour le Royaume-Uni
• Les Antilles pour les Pays Bas, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France.

La menace djihadiste

Tue, 18/10/2016 - 19:14

Entretien avec Gérard Chaliand, spécialiste des conflits irréguliers, lauréat du Prix du livre des Géopolitiques de Nantes 2016 pour “Pourquoi perd-t-on la guerre ? Un nouvel art occidental” (Odile Jacob). Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes organisées les 30 septembre et 1er octobre 2016 par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole :

-Le djihadisme est-il la principale menace sécuritaire ?
– Comment lutter contre la menace djihadiste ?
– Quel rôle exercent les puissances régionales dans la prolifération du terrorisme islamiste ?

António Guterres : un nouveau souffle à l’ONU ?

Tue, 18/10/2016 - 17:16

La nomination d’Antonio Guterres au poste de Secrétaire général de l’Organisation des nations unies (ONU) est une très bonne nouvelle pour l’organisation mondiale.

Antonio Guterres a fait preuve de ses capacités par le passé : comme Premier ministre du Portugal, dans un premier temps, puis en tant que Haut-commissaire aux réfugiés où, pendant dix ans, il a dû faire face, avec efficacité et courage, à de très graves crises. Il est donc aussi bien au fait des responsabilités nationales que des responsabilités internationales et multilatérales.

Mais, Antonio Guterres, homme charismatique et de caractère, se distingue surtout par son tempérament. Les Secrétaires généraux sont souvent confrontés au risque d’être étouffés par des membres permanents qui lui dictent la politique à suivre. Certes, Antonio Guterres n’est pas le président de l’ONU et n’aura pas la capacité d’ordonner aux cinq membres permanents leur mode de conduite. On peut néanmoins penser qu’il sera plus actif que son prédécesseur, Ban Ki Moon, parfois trop respectueux des convenances et surtout trop soumis aux volontés de Washington. En conséquence, bien que sa marge de manœuvre ne soit pas totale, on peut penser qu’il donnera plus d’impulsion à la fonction. D’ailleurs, les membres permanents ne pensaient pas d’emblée à lui pour exercer le poste de Secrétaire général, craignant précisément son indépendance. Son rôle est important ; il a la capacité d’initier. On a vu, par le passé, des personnalités comme Boutros Boutros-Ghali ou Kofi Annan œuvrer avec plus d’indépendance que Ban Ki-Moon vis-à-vis des autres membres permanents.

Certes, l’ONU n’empêche pas les guerres, et d’aucuns avancent qu’elle s’est davantage illustrée par ses échecs que ses succès,comme le prouve actuellement son inanité et impuissance face à la situation syrienne. Ce genre d’allégation est fondée. Il existe, en effet, des divergences entre les membres permanents qui peuvent bloquer l’ONU et l’empêcher de jouer son rôle. Mais ce n’est pas le droit de veto qui est mis en cause car, sans ce droit, les Nations unies n’existeraient pas. Il constitue donc un mal nécessaire. Si l’ONU n’empêche évidemment pas la totalité des guerres, il convient également de prendre en compte l’ensemble de son œuvre : d’une part, par ses institutions spécialisées (de l’Organisation mondiale de la santé au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés) ; d’autre part, par son travail de prévention et de prise de contact. Car la diplomatie se veut aussi discrète dans le but d’aboutir à la conclusion d’une guerre ou empêcher son déclenchement. Les critiques à l’égard de l’ONU sont souvent excessives et son bilan doit-être considéré sous un angle plus global. L’ONU, en tant que telle, n’est pas responsable des profondes divisions de la communauté internationale. Elle n’en est pas la cause, mais le simple reflet.

L’épilogue de la guerre du Golfe, de 1990 à 1991, porta l’espoir que l’ONU retrouve son rôle initialement prévu par les rédacteurs de la charte. Mikhaïl Gorbatchev, à la tête de l’URSS à l’époque, avait accepté de lâcher son allié irakien, car ce dernier avait très lourdement violé le droit international, en envahissant le Koweït. Pour la première fois, un membre du Conseil de sécurité n’opposait pas un veto à une résolution demandant des sanctions à l’encontre de l’un de ses alliés. On avait célébré un nouvel ordre mondial. Pour la première fois, la charte de l’ONU avait été utilisée telle qu’elle avait été prévue, dans une action de sécurité collective. Les clivages et blocages avaient ensuite repris le dessus ; il n’existe plus de guerre idéologique entre les Etats-Unis et l’Union soviétique, mais des rivalités nationales. C’est sur ce point que la communauté internationale a loupé une étape, en laissant Gorbatchev quitter le pouvoir, faute d’avoir été soutenu, à la fin de la Perestroïka.

António Guterres ne fera donc pas de miracle, mais il pourra redynamiser la maison et offrir un nouveau souffle à l’ONU, qui en a bien besoin.

Antonio Guterres à l’ONU : une bonne nouvelle ?

Fri, 14/10/2016 - 17:19

Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, sur la nomination d’Antonio Guterres à la tête de l’ONU, et sur le rôle essentiel de l’organisation.

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