(B2) La difficulté de constituer le groupe de contact créé par les Européens pour le Venezuela tout comme son côté hétéroclite prête à interpellation. Ne pourrait-on pas avoir une diplomatie européenne plus réactive ?
La méthode de la troïka a du bon ! JY Le Drian (Fr), J. Hunt (Uk) et H. Maas (All), représentants du E3, parlant sur l’Iran à Bucarest (Crédit : présidence roumaine de l’UE)
Certes, il faut rassembler un maximum de pays et avoir une voix unique. Certes, il importe de veiller à ne pas froisser les susceptibilités des uns et les intérêts des autres. Mais il y a un moment où il faut s’interroger : jusqu’où faut-il aller pour être inclusif ? Est-ce nécessaire de parler d’une voix unique, si c’est pour parler à voix basse ? Ne peut-on pas être plus présent et rapide en cas de crise dans un pays donné ? Ce sont des réflexions qui se font dans les couloirs européens. J’en ajouterai une : pourquoi a-t-on abandonné les outils utilisés il y a quelques années, qui avaient sans doute des défauts, mais aussi des qualités ? Deux ‘outils’ pourraient ainsi être aisément ressuscités.
Premier outil : la désignation d’un envoyé ou un représentant spécial pour une zone de crise
Sorte de missi dominici, chargé de faire la navette entre les différents protagonistes pour rétablir les fils du dialogue, l’envoyé spécial ou représentant spécial (cf. encadré) était chargé de représenter le visage de l’Europe dans une crise et de cerner des pistes de solution.
Cette tâche pourrait être confiée à un ‘politique’ (ancien ministre des Affaires étrangères, ancien Premier ministre, ancien commissaire européen) ou à ancien responsable de premier plan d’une diplomatie nationale (secrétaire général, etc.), et non à un simple diplomate. Ce qui aurait quelques avantages : décharger le haut représentant de certaines tâches négociatrices ; associer d’autres personnages à la diplomatie européenne, avoir une vision politique d’une crise et pas uniquement diplomatique.
Pour réussir, cette fonction doit rester temporaire, le temps de la crise. C’est un impératif pour éviter que cette fonction s’enkyste ensuite et prenne la place de la diplomatie ordinaire. Ce qui est trop souvent le cas des représentants spéciaux actuellement en poste qui ont souvent peu à voir avec la gestion de crises (1). Aussitôt la crise aigüe terminée, la tâche doit revenir aux diplomates habituels.
Deuxième outil : la désignation d’une troïka ou d’un duo de pays membres
Cette méthode peut paraitre ancestrale aujourd’hui. Elle date, en effet, d’avant le traité de Lisbonne et la concentration des pouvoirs dans les mains du Haut représentant. Elle procédait des trois présidences tournantes. Elle avait un avantage : associer étroitement trois pays parfois très différents à la résolution d’un problème. Aujourd’hui, l’existence du Haut représentant rend obsolète l’obligation. Mais elle n’épuise pas l’efficacité du procédé ni la possibilité d’y recourir.
Avoir deux ou trois diplomaties européennes, parfois très différentes, mener des négociations, permet à la fois d’illustrer la diversité d’approche des Européens, comme leur message unique. Elle a été utilisée avec succès, et continue de l’être, dans la résolution du problème du nucléaire iranien (E3 = France, Allemagne, Royaume-Uni). Elle reste d’usage pour la question de l’Ukraine (E2 = France, Allemagne) ou pour la question du Yémen (E4 = France, Allemagne, Royaume-Uni + Italie). On pourrait imaginer d’autres formats pour d’autres crises.
Au lieu d’un groupe pléthorique et bien tardif (2), une troïka ‘Grèce, Italie, Espagne’ sur le Venezuela aurait pu être intéressant, les uns proches de Maduro, les autres de Guaido. Tous très concernés, car ayant des liens historiques ou d’immigration avec le pays. On pouvait y associer un pays ‘plus neutre’ car moins concerné par la crise, tel la Roumanie qui préside actuellement l’Union. On aurait eu ainsi rapidement un ‘groupe de contact’ à l’Européenne mis en place dès le début de la crise, et non en plein milieu.
Les deux outils ‘envoyé spécial’ et ‘troïka’ ne sont pas antinomiques, ils peuvent se combiner fort bien.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Envoyé spécial ou représentant spécial
Un subtil distinguo existe. L’envoyé spécial peut être créé de façon ad hoc par le Haut représentant ou la Commission européenne selon un profil défini par l’institution qui le crée et financé sur son budget interne (ligne ‘administration’ du budget de l’UE). Le représentant spécial de l’UE est un poste prévu par le Traité, qui nécessite une proposition du Haut représentant, une décision des États membres, avec un mandat écrit, publié au Journal officiel. Il est financé par un budget spécifique décidé annuellement (au sein de la ligne ‘PESC’ du budget de l’UE).
(B2) L’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique organise un cycle d’information du Collège Belgique sur l’Europe de la défense sous la coordination de Jean Marsia et la responsabilité académique de Christian Jourquin.
Ce cycle sera dispensé du 12 février au 28 février les mardi ou jeudi, au Palais des Académies à Bruxelles (1, rue Ducale), de 17 à 18 heures.
mardi 12/02/2019 – Bruno Smets : Dix clefs pour appréhender la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne
jeudi 14/02/2019 – Guy Buchsenschmidt : De l’Eurocorps à la Défense européenne
mardi 19/02/2019 – André Dumoulin : L’OTAN à la croisée des chemins
jeudi 21/02/2019 – Frédéric Mauro : Les planifications de défense en Europe
mardi 26/02/2019 – Éric Kalajzic : Les opérations des Européens au Mali
jeudi 28/02/2019 – Jean Marsia : Le maintien de la paix en Europe, de 1947 à après-demain
Accès libre. Informations et inscription en cliquant sur l’évènement (via le bouton inscription)
NB : Des attestations de participation sont délivrées, sur demande, aux étudiants ou aux doctorants (crédits ECTS) le jour même de chaque leçon du cycle.
(B2) Le général de brigade Peter Mirow, chef de la mission de formation de l’armée EUTM Mali, a remis à la mi-janvier les nouveaux manuels de doctrine au général Coulibaly, adjoint du chef d’état-major général des armées maliennes (FAMA)
Remise du nouveau manuel de doctrine par le Général de Brigade Mirow au Général Coulibaly, (crédit: EUTM Mali)
3250 nouveaux manuels de doctrine ont ainsi été remis aux forces armées maliennes (FAMA) à la rentrée 2019. Ces manuels sont le dernier produit du centre interarmées de doctrine (CID) des FAMA, créé en 2016. Ils ont été rédigés en étroite collaboration avec la cellule ‘doctrine’ de l’unité de conseil de la mission européenne EUTM Mali. C’est le Luxembourg qui a été appelé à la rescousse pour financer la publication (1). EUTM Mali indique que le CID poursuit son « effort d’harmonisation et de définition des règles qui régissent le comportement des forces armées ».
(MHA)
(1) Les fonds européens n’étant pas mobilisables pour cette tâche
(B2) Depuis janvier, l’hôpital de Zenica en Bosnie-Herzégovine peut apporter son soutien médical à EUFOR en cas de besoin. Dans le Golfe d’Aden, Chinois et Européens renforcent leur coopération dans la lutte contre la piraterie. En Irak, les forces de la coalition anti-Daesh s’accordent sur les principes de la réforme de sécurité. Au Sahel, les formateurs d’EUTM Mali dispensent des formations en management opérationnel à la gendarmerie
Zenica (Bosnie-Herzégovine). Soutien médical
Un mémorandum d’accord a été signé entre l’hôpital cantonal de Zenica et la force européenne (EUFOR) en Bosnie-Herzégovine, mardi (22 janvier) annonce le QG. Il concerne les conditions dans lesquelles un soutien médical et d’évacuation médicale (MEDEVAC) sera fourni au personnel de l’EUFOR Althea en cas d’urgence, précise le QG de l’opération.
Lviv (Ukraine). EUAM Ukraine prépare la police locale en vue des élections
Les 375 agents de patrouille et de district de Lviv ont reçu, durant trois semaines, une formation à la législation électorale ukrainienne, comme à les préparer à faire face à toutes sortes de situations, jusqu’à des cas de violences, lors des prochaines élections présidentielles. Le premier tour doit se tenir le 31 mars ; un éventuel second tour est prévu, trois semaines plus tard, le 21 avril. Mise en place et financée par la mission européenne de conseil (EUAM Ukraine), la formation est délivrée par l’ONG ukrainienne OPORA.
(crédit: EUAM Ukraine)
Ukraine. Équipement informatique d’investigation remis à la police
Le mission EUAM Ukraine a commencé à équiper la police ukrainienne de matériel spécifique pour les aider à améliorer leurs capacités d’investigation, d’analyse et de formation. Début janvier ce sont ainsi 30 ordinateurs portables, 50 caméras de surveillance et 50 disques durs qui ont remis à plusieurs forces de police régionales, à Rivne, Volyn, Ternopil, Ivano-Frakivsk et Vinnytsa. Au total, 17 régions d’Ukraine devraient bénéficier de matériel offert par la mission, dans le cadre d’un projet de fusion des activités d’investigation et opérationnelles sous une seule chaîne de commandement.
Golfe d’Aden. Renforcement de la coopération avec la Chine
Le commandant d’opération de l’opération européenne anti-piraterie (EUNAVFOR Atalanta) et le conseiller de défense chinois auprès de l’UE se sont rencontrés à Bruxelles pour renforcer leur collaboration dans la lutte contre la piraterie dans l’océan indien et autour de la Somalie. En 2018, les navires de l’Armée de libération du peuple (Chine) et ceux d’EUNAVFOR ont effectué conjointement plusieurs exercices et opérations de contre-piraterie. Et cette ‘bonne’ collaboration devrait continuer dans les mois à venir.
(crédit: EUNAVFOR Somalie)
Bagdad. Mise à jour de la réforme de sécurité
La mission de l’UE en Irak (EUAM Iraq) a accueilli la rencontre bimensuelle entre le conseiller politico-militaire américain, le commandant adjoint du bureau pour la coopération sécuritaire américaine en Irak, et le directeur des équipes de liaison ministérielles de la coalition internationale contre Daesh. La rencontre a permis de mettre à jour les principes de la réforme de sécurité (RSS) sur trois sujets : le projet de gestion des ressources humaines ; la sécurité, la gestion et le contrôle des frontières, et les questions de genre et de droits de l’homme.
(crédit: EUAM Irak)
Mali. Formation au management opérationnel à la gendarmerie
Vint commandants d’unités de la gendarmerie malienne ont participé à une formation sur le management opérationnel, indique la mission de l’UE de conseil aux forces de sécurité intérieure (EUCAP Sahel Mali). Au cœur des discussions entre les gendarmes maliens et leurs collègues européens : comment déléguer l’autorité ou comment mettre en place des dispositifs opérationnels spéciaux ?
(crédit: EUCAP Sahel Mali)
Amman (Jordanie). A la découverte de la police de proximité jordanienne pour quelques officiers palestiniens
Accompagnés de deux membres de la mission européenne de formation de la police palestinienne (EUPOL COPPS), huit officiers de police palestiniens se sont rendus à Amman. L’objectif de ce voyage découverte de quatre jours était de découvrir les méthodes jordaniennes en matière de police de proximité, pour pouvoir au besoin l’utiliser au retour en Cisjordanie. Les huit officiers ont pu ainsi découvrir, à l’université technique Khawarizsmi de Amman, la formation des volontaires d’organisations de la société civile à la police de proximité.
(crédit: EUPOL COPPS)
(MHA, avec NGV)
Lire aussi :
ou voir tous les articles de la rubrique missions de la PSDC
(B2) La formation des conducteurs des FAMA se poursuit, avec un exercice pratique au bord du fleuve Niger.
Entraînement au contrôle des véhicules sur des terrains difficiles (crédit: EUTM Mali)
EUTM Mali a débuté l’année avec une série de nouvelles formations. Début janvier, les soldats des forces armées maliennes (les FAMA) ont été formés par les instructeurs allemands à la conduite tactique. Cette formation a été complétée par une session d’entraînement à la réaction d’une patrouille en véhicules à une attaque avec des armes légères. Celle-ci s’est poursuivie par un exercice pratique de contrôle des véhicules sur des terrain difficiles, sur les rives du fleuve Niger.
(MHA)
(B2) La mise en place de cet instrument de troc (ou SPV comme Special purpose vehicle) par les Européens ne doit pas être négligée. Cette création est importante à plus d’un titre
Certes, cela n’a pas été facile et cela a demandé quelques longues semaines de discussion. Certes, cet instrument commence ‘petit’, par des secteurs plutôt non stratégiques. Certes, on peut se demander si cela suffira à conserver suffisamment de flux commerciaux avec l’Iran. Mais il faut remettre le tout dans un contexte.
A partir de rien, et en restant unis
C’est la première fois qu’on bâtit un instrument de troc à partir de rien, en multilatéral. Un certain nombre de questions juridiques, économiques, étatiques était à régler. C’est logique. L’avoir fait, en un temps somme toute rapide, est remarquable d’une certaine façon. Avoir réussi à garder l’unité des trois grands pays (les franco-allemands, et britanniques) qui auraient pu avoir d’autres motifs de division (le Brexit), comme de l’ensemble des Européens n’est pas négligeable également.
Garder l’accord iranien vivant
Ce geste revêt aussi une double symbolique. Tout d’abord vis-à-vis de l’Iran. Les Européens du E3 marquent ainsi concrètement qu’ils entendent conserver toute la valeur à l’accord sur le nucléaire iranien en faisant leur part de travail : faciliter les flux commerciaux dans les domaines non marqués par les sanctions. L’ambition de continuer à faire vivre l’accord sur le nucléaire iranien est d’ailleurs l’objectif ultime des Européens.
Un bras d’honneur à Donald Trump
Enfin, et surtout, c’est la première fois que les Européens, ensemble, mettent en place un outil délibérément destiné à contourner des sanctions américaines. C’est une certaine entaille à la politique de sanctions extra-territoriales des États-Unis, qui ne date pas du gouvernement actuel. C’est une marque précise, non plus seulement en paroles mais dans les faits, d’une opposition claire à la politique étrangère américaine sur une question stratégique (les relations avec l’Iran) (1). S’opposer de façon aussi délibérée sur une question stratégique, c’est un petit bras d’honneur à Donald Trump. On ne boudera pas donc ce (petit) plaisir.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire à suivre : Instex, l’instrument destiné à contrer les sanctions US est en place. Mais pas encore tout à fait opérationnel
(B2) L’heure de vérité se rapproche pour l’opération Sophia. Réunis en ‘informelle’ à Bucarest dès ce soir et demain, les ministres de la Défense de l’Union européenne doivent trancher dans le vif
Relève des militaires espagnols (crédit : EUNAVFOR Med / Sophia)
Les ministres sont-ils prêts à aller au-delà du langage convenu maints fois entendu — l’opération est ‘très utile’ —. Concrètement sont-ils prêts à continuer à envoyer des moyens (navires, avions…) pour l’opération maritime présente en Méditerranée (EUNAVFOR Med / Ops Sophia) ? Après le demi-départ des Allemands, la question est cruciale. Il ne reste, en effet, concrètement plus que les marines italienne, espagnole (et française de façon irrégulière) à fournir des navires. Et la volonté italienne semble chancelante. Or, sans navire, pas d’opération maritime. Inutile de se le cacher…
Ouvrir franchement le débat
La chef de la diplomatie européenne, l’Italienne Federica Mogherini, devrait ainsi poser franchement la question principale sur la table aux ministres : soit vous contribuez à hauteur des objectifs de l’opération, soit on ferme ! De là pourrait dérouler un débat. Si oui, qui est prêt à contribuer concrètement ? Comment trouver une solution sur la question (insoluble) du port de débarquement ? Doit-on revoir le mandat ?
Si non, que fait-on pour continuer d’assurer la formation des garde-côtes et marins libyens, qui est aujourd’hui l’apport principal de l’opération, la solution de sortie et l’objectif principal des Européens ? L’opération (alternative) de l’OTAN en Méditerranée assure-t-elle le relais pour la surveillance de l’embargo sur les armes ? (1)
Une décision purement politique
Si l’hypothèse de la fermeture l’emporte, ce serait la première fois (à ma connaissance) qu’une opération militaire serait ainsi interrompue, sans décision mûrement réfléchie, sur une difficulté politique interne à l’Union européenne, qui a peu à voir avec l’objectif défini au point de vue militaire.
Une opération qui n’a pas démérité
Si on prend un peu de recul, l’opération Sophia n’a pas démérité. Les officiers, les marins, les aviateurs qui ont, depuis près de quatre ans, été sur le pont (ou dans les airs) ont fait le ‘job’ de manière admirable, dans des conditions pas faciles. Les objectifs de l’opération ont, pour partie, été atteints (diminution du flux migratoire…), même si d’autres éléments ont pesé dans la balance (accord italo-libyen pour limiter les départs) pour améliorer le bilan. Et atteindre les autres objectifs (la lutte contre les trafiquants dans les eaux territoriales libyennes) est impossible à atteindre à court comme à moyen terme.
…mais dont l’effet final recherché est inatteignable
Certains raisons qui ont milité, au départ, pour sa mise en place (sauvetage en mer, lutte contre les trafics) peuvent perdurer, mais le consensus politique n’est plus du tout réuni : l’heure en Europe n’est plus à la générosité, mais à la fermeture stricte des frontières. Le reste à atteindre (la formation des garde-côtes libyens) peut fort bien être assuré par une autre mission (EUBAM Libya par exemple).
Commentaire : L’Union européenne doit savoir mettre fin à certaines opérations ou missions qui n’ont plus d’apport actif ou de raison d’être. Ce n’est pas honteux ni infamant. Et c’est, dans tous les cas, meilleur que de laisser une opération ‘mourir sur pied’, faute de moyens.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : ‘Ite missa est’ pour l’opération Sophia ?