(B2) Le vice Premier ministre allemand Olaf Scholz a lancé un pavé dans la mare fin novembre, en proposant de transformer le siège français au Conseil de sécurité de l’ONU. Idée « audacieuse » et « intelligente » dit-il. Voyons, voyons…
Qu’a dit le vice-chancelier allemand ?
Avant toute chose, il faut bien lire la proposition du ministre des finances — qui est aussi le vice chancelier social-démocrate (SPD) — et ne pas s’arrêter à la première phrase. La France n’abandonne pas son siège à l’ONU, comme certains ont pu l’écrire. Celui-ci devient un siège où la France s’exprime de façon permanente au nom de l’Union européenne, en conservant le droit d’y nommer un national (ou non) comme représentant.
(en langue originale) Ich schlage vor: Mittelfristig könnte der Sitz Frankreichs in einen EU-Sitz umgewandelt werden – im Gegenzug sollte Frankreich dann permanent den EU- Botschafter bei den Vereinten Nationen stellen. Mir ist klar, dass es dazu sicherlich in Paris noch einiger Überzeugungsarbeit bedarf, aber ein kühnes und kluges Ziel wäre es.
(ce qui donne en français) Je suggère qu’à moyen terme, le siège de la France puisse être converti en siège de l’UE. En contrepartie, la France devrait alors nommer en permanence un ambassadeur de l’UE auprès des Nations unies. Pour moi c’est clair que cela nécessite encore un peu de persuasion à Paris, mais ce serait un objectif audacieux et intelligent.
Une proposition intéressante ?
Cette proposition est effectivement ‘audacieuse’. Elle aurait une valeur de symbole intense. Avoir un siège permanent pour l’Union européenne serait intéressant. Sans entrer dans la légalité de ce système (1), on peut cependant remarquer que sur de nombreux points où le Conseil de sécurité de l’ONU débat, cela ne poserait pas trop de problème aux Européens d’avoir une position unitaire. Sur la Corne de l’Afrique, sur la Centrafrique, sur le Sahel, sur le Soudan, sur les Rohingyas, sur la Corée du Nord, voire même sur la situation en Ukraine ou le conflit en Syrie, les Européens ont un message, à peu près commun, à défaut d’être totalement unis. Ceux qui serinent qu’il n’y a quasiment aucun dossier où les Européens peuvent parler d’une seule voix ont tort. En revanche, sur certains dossiers clés — comme le processus de paix au Moyen orient ou le Kosovo — les Européens restent encore puissamment divisés.
La proposition est-elle intelligente ?
Je laisse la paternité de cet ‘autocompliment’ à son auteur. Dans la situation actuelle du Conseil de sécurité de l’ONU, elle serait plutôt réductrice. Cette année, par le biais du système électoral de l’ONU où Europes de l’Est et de l’Ouest ont le droit d’avoir, chacun, un siège non permanent, l’Union européenne (à 27) a quatre sièges sur quinze au Conseil de sécurité (France, Belgique, Allemagne, Pologne. Cinq si on prend en compte le Royaume-Uni avec qui l’Europe partage la plupart des valeurs diplomatiques. C’est démesuré par rapport au poids réel européen dans les affaires du monde. Doter le siège français du rôle de représentation de l’Union européenne serait un véritable appel d’air à réformer un système considéré comme inégal par les autres continents. Au final, réduire de quatre à un le poids de l’Union européenne dans l’instance internationale de sécurité ne serait pas une très grande victoire diplomatique pour l’Europe…
Quel contexte sous tend cette proposition ?
Cette proposition s’inscrit dans une réflexion « à moyen terme » comme l’indique l’auteur pour renforcer le poids de l’Europe dans le monde. Elle est concomitante aux projets (toujours pas aboutis) de réformer le Conseil de sécurité de l’ONU pour le rendre plus représentatif du monde actuel, comme à la volonté de Berlin de jouer un rôle plus important dans le monde en général et en particulier d’obtenir un siège au conseil de sécurité de l’ONU. Le ‘vrai’ objectif de l’Allemagne.
Quel est l’intérêt ?
Cette proposition, même inappliquée ou inapplicable, mérite cependant l’attention. Elle pointe le doigt sur une donne précise : après le Brexit, la France sera le seul membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, à même de représenter et la défense des intérêts européens, avec la capacité (au besoin) de poser le veto sur certaines décisions. Cela dote la France d’une certaine responsabilité envers ses partenaires européens (pour faire circuler l’information) comme d’expression des préoccupations européennes auprès des autres membres du Conseil de sécurité. Rien n’empêcherait d’ailleurs que la représentation française ait un poste diplomatique de premier plan réservé à ces échanges européens. Cette proposition aurait aussi un intérêt : rendre plus visible, ce qui se passe dans les couloirs des Nations unies : la concertation permanente entre Européens siégeant au Conseil de sécurité pour ajuster leurs positions et défendre leurs intérêts.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : Après le Brexit, la France va devoir assumer seule un rôle accru aux Nations unies
(B2) La mission européenne au Kosovo de renforcement de l’état de droit (EULEX Kosovo) recrute une vingtaine de personnes, l’essentiel en détachement — International Secretary to the Chief of Staff Reporting Officer, Joint Operations Officer/Police Informant Handler, Member of the Human Rights Review Panel etc. — mais aussi quelques postes en contractuel — Forensic Anthropologist/ Identification Coordinator, Mobile Monitor (Justice), Close Protection Operator, Mission Security Officer, etc. Disponibilité rapide : entre aujourd’hui et juin 2019. Deadline pour poser candidature : 25 janvier 17h. Tous renseignements ici
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(B2) Une solution semble en vue pour les 49 rescapés à bord du Sea Watch 3 et du Professeur Albrecht Penck (Sea Eye). Les ambassadeurs du Coreper en ont discuté mardi (8 janvier).
Selon nos informations, une petite dizaine de pays seraient désormais prêts à prendre en charge les personnes à bord. L’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Irlande (5 personnes), l’Italie, le Luxembourg, Malte, le Portugal, et même la Roumanie (présidence de l’Union européenne obligent) se seraient portées volontaires. Certains pays doivent encore augmenter leur quota de personnes accueillies afin de permettre de débloquer la situation.
Malte a, en effet, posé deux conditions pour accueillir les navires : 1° les personnes débarquées doivent repartir immédiatement vers les pays concernés ; 2° les autres pays européens doivent aussi prendre en charge une partie des quelque 250 migrants déjà recueillis par les navires maltais fin décembre 2018 (1).
On remarque que plusieurs pays sont aux abonnés absents de cette solidarité : la Belgique et la Suède car gérés par un gouvernement en affaires courantes, les pays de l’Est par position idéologique (une habitude), le Royaume-Uni concentré sur son Brexit, l’Espagne et la Grèce qui supportent déjà une bonne part des migrants arrivés par voie de mer.
Commentaire : cette situation est intenable à la fois pour les réfugiés en mer mais aussi pour les Européens au niveau politique. On ne pourra pas à chaque navire attendre que les ambassadeurs trouvent une solution, en laissant les personnes secourues ballottées au gré des flots. Un mécanisme permanent de concertation peut et doit être mis en place, afin de répartir entre les pays volontaires. Il serait tout à l’honneur de l’Europe.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : 49 migrants dans l’attente de la bonne volonté européenne
(B2) 49 migrants recueillis en mer au large de la Libye attendent toujours une décision des pays européens pour être accueillis
Deux secours
32 des rescapés ont été secourus le 22 décembre par le Sea Watch 3, un navire de l’ONG allemande Sea Watch, et 17 personnes ont été recueillies à 43 km de la côte libyenne, le 29 décembre, par le ‘Professor Albrecht Penck‘, le navire de l’ONG allemande Sea Eye. Les 17 proviennent de sept pays africains : Mali, Nigeria, Cameroun, Soudan, Sierra Leone, Côte d’Ivoire et Guinée. Le premier navire bat pavillon néerlandais, le second pavillon allemand.
Une coordination pour chercher une solution
« La Commission européenne est en contact avec plusieurs Etats membres, pour trouver une solution pour un débarquement rapide » a indiqué la porte-parole adjointe de la Commission européenne, Mina Andreeva, jeudi (3 janvier). « Nous avons besoin de plus de solidarité (…), et un besoin urgent de solutions prévisibles et durables pour le débarquement et la relocalisation en Méditerranée » a-t-elle ajouté, citant le commissaire chargé des Migrations, Dimitris Avramopoulos.
Une répartition des naufragés
L’Allemagne, les Pays-Bas et la France ont finalement annoncé être prêts à accueillir une partie des migrants recueillis. Il manque cependant encore un port de débarquement. L’Italie et Malte se renvoient la balle pour savoir quel pays doit accueillir le navire, dans un jeu de ping pong malsain (lire la réponse du gouvernement de Malte au vice Premier ministre italien Luigi di Maio). L’Italie a proposé, en dernier lieu, d’accueillir les six femmes et enfants des deux navires.
(NGV et Capucine Allais, st.)
(B2) Les Pays-Bas ont retiré le 2 janvier leurs six F-16 déployés en Jordanie dans le cadre des opérations de coalition menée par les Américains en Syrie et en Irak.
Les 150 militaires participant à ce détachement rentrent au pays cette semaine. C’est la fin d’un engagement bi-national — assuré à tour de rôle par les Belges et Néerlandais –. Les Néerlandais ont assuré en 2018 3000 missions tirant 2100 munitions.
« La Défense doit avoir des unités disponibles pour diverses unités rapidement déployables de l’OTAN » justifie le communiqué de la défense néerlandaise. « Cela donne également de la place pour la transition vers le nouvel avion de chasse, le F-35. »
Les Néerlandais comme les Belges restent cependant impliqués en Irak dans le cadre de la formation des forces locales.
(Nicolas Gros-Verheyde et Romain Mielcarek)
(B2) Un A400M allemand a mené sa première évacuation médicale le jour de Noël
Un A400M de l’escadron de transport LTG 62 de l’armée de l’air allemande a rapatrié vers Budapest un soldat hongrois d’Afghanistan, le 25 décembre a indiqué la Luftwaffe, sans donner plus de détails sur l’état du patient.
Depuis le mois d’août, l’avion de transport européen a franchi sa pleine disponibilité opérationnelle avec la certification ICAE (Intensive Care Aeromedical Evacuation). Il peut ainsi évacuer et traiter jusqu’à six patients en soins intensifs.
(NGV)
(B2) L’avocat d’Oleg Sentsov, Dmitriy Dinze, et sa cousine, Natalya Kaplan, venus recevoir au Parlement européen le prix Sakharov au nom de leur client et parent, expliquent, dans un entretien à B2, les rouages politiques qui ont conduit Oleg Sentsov en prison en Russie. Et leurs tentatives pour l’en faire sortir.
Oleg Sentsov a été condamné en 2015 à 20 ans de prison pour « préparation d’attentats terroristes » contre le pouvoir russe en Crimée. Cette année 2019 pourrait être déterminante pour l’intéressé : on attend la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Où est Oleg Sentsov aujourd’hui ?
DD – Il est toujours hospitalisé, dans un camp en Sibérie, au-delà du cercle polaire. Dans ce camp, sont maintenus des prisonniers condamnés à vie. Là-bas, la neige tient dix mois sur douze. S’il sort de l’hôpital, ce sera pour aller au travail. Lui refuse de marcher au pas, de se présenter à tous les contrôles et de respecter la discipline du camp.
Il a fait une grève de la faim durant plusieurs mois, de mai à octobre 2018, qui l’a conduit à cet hôpital. Qui sont ces 70 prisonniers politiques dont Oleg a demandé la libération ?
NK – La plupart sont des Tatars de Crimée dont l’écrasante majorité n’a pas accepté l’annexion de la Crimée par la Russie. Les tatars ukrainiens ont été déportés sous Staline. A l’heure actuelle, ils doivent faire face à une déportation hybride. Une façon de les évincer de la péninsule. La plupart sont accusés d’être membres d’un groupement islamique. Les fonctionnaires du FSB [les services renseignement russes] placent dans leur appartement une brochure de l’organisation interdite, juste avant de faire une perquisition.
Quelque chose a t-il changé après la grève de la faim d’Oleg ?
NK – Non. Personne n’a été libéré. En revanche, cela a déclenché une vague de grèves de la faim, dont certaines pour soutenir Oleg.
Oleg a été arrêté en 2014 et condamné en 2015 parce qu’il aurait eu le projet de commettre un attentat contre le pouvoir russe en Crimée occupée. Des preuves ont été apportées au procès ?
DD – Il leur fallait une organisation qui aurait pu être interdite sur le territoire russe, liée à l’Ukraine. Le principe étant de trouver ou créer une organisation, qu’on appelle organisation terroriste et on accuse des gens d’y appartenir pour pouvoir les arrêter. Un mouvement ukrainien, ‘Secteur de droite’, a été choisi pour tenir ce rôle. Il a été très actif pendant les évènements de Maïdan (en Ukraine). Les services spéciaux ont ensuite réussi à établir un lien entre eux et Sentsov. Il y avait eu un mouvement d’assistance aux citoyens ukrainiens qui ne voulaient pas vivre sous occupation russe. Oleg y était assez actif. Il organisait l’évacuation de citoyens ressortissants ukrainiens de la Crimée. Il était donc très connu. Beaucoup de gens venaient aux rassemblements organisés par Oleg. C’était facile ensuite de l’accuser de connaitre tous ceux qui étaient arrêtés pour avoir voulu acheter des explosifs, provoquer des incendies criminels d’institutions russes en Crimée.
Aucune preuve à l’appui ?
DD – Aucune, malgré la torture… Même pas des écoutes téléphoniques. Comme témoins, ils ont utilisé d’anciens prisonniers de droit commun disant avoir vu Oleg en contact avec les membres de la communauté criminelle et dans un endroit où l’on stockait des armes. Nous n’avions aucun moyen de vérifier la véracité de ces témoignages. C’étaient leurs paroles contre celle d’Oleg qui, lui, répétait n’avoir rien commis de mal et qu’il ne connaissait pas ces gens-là. L’un d’eux a d’ailleurs dit pendant son procès qu’il avait été torturé. Le deuxième a gardé le silence. Et le procès a été clos.
Il reste cette empreinte tout de même ?
DD – Ils n’ont trouvé comme stock d’armement que quelques cartouches et chargeurs et un pistolet avec une empreinte digitale d’Oleg. Oleg nous a expliqué comment elle est arrivée là : lorsqu’il a été arrêté, il a été menotté mains dans le dos. Et, au poste, on lui a fait toucher un certain nombre d’objets pour y laisser des empreintes.
Vous avez saisi la Cour européenne des droits de l’Homme (1). Où en est le dossier ?
DD – Nous recherchons la révision du procès. La procédure est entamée depuis trois ans. J’estime que nous avons prouvé, en première instance, qu’Oleg est innocent. On nous a dit que ce dossier est aujourd’hui prioritaire. D’après les avocats spécialisés en justice européenne, une décision devrait être rendue dans le courant de cette année (2019).
(Emmanuelle Stroesser)
Entretien réalisé en face à face, dans les locaux du Parlement européen, à la mi-décembre
(1) La Cour est intervenue en juillet 2018 pour demander (par une mesure provisoire) à la Russie d’apporter des soins à Oleg Sentsov, en conseillant à ce dernier de stopper sa grève de la faim, dans l’attente d’un jugement sur le fond. (communiqué).
NB. L’examen de la requête Sentsov c. Russie (requête n° 48881/14) a récemment été ajourné dans l’attente de l’arrêt de la Grande Chambre dans l’affaire interétatique Ukraine c. Russie (concernant l’est de l’Ukraine) (n° 8019/16) à laquelle est est liée. (voir le communiqué de la Cour du 17 décembre 2018).
Trente ans de prix Sakharov
Le prix Sakharov, décerné chaque année en décembre par le Parlement européen, a été créé en 1988. « Parce que la promotion et la défense des droits de l’Homme sont au coeur de l’approche multilatérale de l’Union européenne » rappelle Heidi Hautala, eurodéputée finlandaise (Verts/EFA). Il fêtait cette année son 30e anniversaire. Lors de la cérémonie de remise, au Parlement le 12 décembre, les deux autres finalistes étaient présents (lire Prix Sakharov, les trois nominés sont…)