(B2) En endossant le refus de la fusion entre les deux industriels français et allemand du rail, Alstom et Siemens, la Danoise Margrethe Vestager, commissaire à la Concurrence, a-t-elle signé la fin de ses espoirs d’être un jour à la tête de la Commission européenne ? En fait les jeux étaient faits d’avance et l’hypothèse Vestager à la tête de la Commission en 2019 tenait plus du leurre chimique que d’une réalité politique possible
(crédit : Commission européenne)
Le choix d’un président de la Commission européenne est souvent une alchimie complexe, mais qui ressort d’éléments à la fois objectifs (politique, national) et plus subjectifs (carrière personnelle). Les oublier expose à l’erreur…
Premier élément, d’ordre politique, le poste de président de la Commission européenne est normalement réservé au parti majoritaire arrivé en tête, ou plutôt celui qui peut synthétiser une majorité de coalition. Sauf évènement de dernière minute, ce sont les chrétiens-démocrates du Parti populaire européen (PPE) qui devraient arriver en première position aux élections, à bonne distance de leurs premiers poursuivants (les sociaux-démocrates). Et le PPE a clairement indiqué qu’il revendiquait la tête de la Commission pour un des siens, et n’entend pas faire ce ‘cadeau’ aux libéraux et démocrates (auquel appartient l’intéressée).
Deuxième élément, d’ordre national, le gouvernement danois n’a pas vraiment l’intention de renouveler M. Vestager au poste de commissaire. Non qu’elle ait démérité, au contraire. Mais son parti (social libéral), classé au centre-gauche, est dans l’opposition. Le gouvernement, qui a une autre composition politique, plus à droite, entend promouvoir un des siens, et non pas faire ce ‘cadeau’ à un potentiel adversaire politique. Cette condition basique, mais absolue, pour être nommée à la Commission européenne n’est pas remplie.
Troisième élément, d’ordre personnel, M. Vestager a prouvé ses compétences à la Commission européenne, elle est ancienne ministre (Éducation, puis Économie et Intérieur), mais elle n’a jamais été Premier ministre. Et le Conseil européen aime bien choisir parmi les membres du ‘club’, un ancien, le plus à même de comprendre leurs préoccupations. C’est une tradition ininterrompue depuis Jacques Delors. La Danoise peut soigner son image, prendre soin d’obtenir des portraits flatteurs dans la presse. Cela ne suffit pas à convaincre.
Quatrième élément, européen, qui n’est pas à négliger, le Danemark n’est pas un élément du cœur européen. Il ne participe ni à l’Euro, ni à la politique de défense, du fait de ses choix internes, à une partie de la politique de justice, et n’a jamais marqué, contrairement à plusieurs autres ‘petits’ pays, sa volonté de renforcer l’intégration européenne. De par ces nombreuses ‘opt-outs’, et prises de position, c’est un outsider dans le jeu européen. Donner à un de ses nationaux le soin de conduire la politique de l’exécutif européen qui est l’élément le plus intégré de la politique européenne serait assez peu justifiable.
Dernier élément, plus géopolitique, le départ du Royaume-Uni prive le camp ‘nordique’ d’un poids non négligeable. Dans ce camp, un Finlandais ou un Irlandais, voire un Néerlandais serait plus ‘indiqué’ pour occuper un poste de tête européen, que ce soit à la Commission ou ailleurs (Conseil européen, Parlement, etc.).
Conclusion : rien n’est jamais impossible au niveau européen. Mais Margrethe Vestager avait très peu de chances, ne remplissant pas plusieurs des critères fondamentaux, pour accéder à la fonction suprême européenne. Ce bien avant sa décision dans la fusion Siemens-Alstom. Rien ne justifiait donc de sa part une quelconque mansuétude dans l’analyse de la concurrence. Ceux qui ont suggéré cette idée dans l’entourage de Emmanuel Macron, comme dans la presse, devaient savoir pertinemment ces éléments. Cela ressort davantage des ballons d’essai, ou des idées de comptoir, des quelques leurres qu’on lance avant d’aborder les ‘vrais’ choix.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : Comment est nommé le président de la Commission. Quelques points oubliés.
(B2) L’Union européenne dispose aujourd’hui de huit représentants spéciaux (Bosnie-Herzégovine*, Kosovo*, Processus de paix au Moyen Orient, Asie centrale, Sud Caucase et crise en Géorgie, Corne de l’Afrique, Sahel, Droits de l’Homme)
Le représentant spécial pour l’Asie centrale Peter Burian à New-York (crédit : SEAE)
Des super-diplomates à l’efficacité invisible
Ces ‘super diplomates’, compétents, se sont tellement ‘incrustés’ dans le paysage, dans une fonction quasi permanente, qu’on a cependant bien des difficultés à situer leur utilité dans le paysage européen (1). Leur activité réelle reste d’ailleurs un grand mystère. Aucun compte-rendu d’action n’est disponible : ni oral (conférence de presse, etc.) ni écrit (rapport annuel).
Une superposition plutôt qu’une simplification
Leur existence — prévue par le Traité européen — se superpose aujourd’hui tellement aux structures existantes — délégation de l’UE + division ou département ‘géographique du siège du SEAE + missions ou opérations PSDC — qu’elle complique réellement le paysage local plutôt qu’elle ne le simplifie. Leur rôle de coordination se révèle un leurre car toutes ces structures obéissent à des impératifs et des chaînes de commandement totalement différents. J’ai été apostrophé par plusieurs Africains par exemple me demandant qui était le représentant européen dans leur pays. Belle question.
Un coût non négligeable
Le coût de ces structures n’est cependant pas négligeable. En 2018, selon le dernier état des lieux dressé par la Commission européenne, le budget se montait à 20,745 millions d’euros ! Pourtant peu d’États membres sont disposés à supprimer cette modalité qui représentante un ‘fromage’ pas désagréable à se répartir.
Une rationalisation nécessaire ?
De façon concrète, la question de supprimer la plupart de ces postes au profit d’un ‘bon’ ambassadeur local, doté d’un rôle de coordination régionale, ou tout simplement du directeur ou chef de division au siège du service diplomatique européenne, dont c’est un peu le rôle (2). Cela aurait le mérite à la fois de rationaliser le système diplomatique européen, et de dégager des marges budgétaires pour faire autre chose. NB : Ramené au salaire moyen d’un diplomate (6-7000 euros), on pourrait engager une équipe d’au moins 200 diplomates… ce n’est pas négligeable
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Les Tornado de l’armée de l’air britannique sont rentrés de leur dernier déploiement en Irak ce mardi (5 février). Ils seront retirés du service fin mars, indique la Royal Air Force dans un communiqué.
Un tornado au décollage (crédit : Royal Air Force – Archives B2 – 2007)
Entrés en service en 1979, leur standard le plus récent (GR4) a volé au Kosovo, en Afghanistan, en Libye, en Irak et en Syrie. La relève au Moyen-Orient est assurée par les Typhoon (alias Eurofighter), en attendant les F-35. Ce chasseur multirôle européen continue de servir en Allemagne, en Italie… et en Arabie Saoudite.
(RM)
(B2) L’aéroport international de Bamako-Senou est désormais équipé en appareils permettant de détecter les faux documents. Ce qui a permis une chute appréciable de la fraude documentaire
(crédit : EUCAP Sahel Mali)
La livraison des matériels s’est accompagnée de plusieurs actions de formations complémentaires sur la thématique de fraude documentaire par les conseillers et formateurs « frontières », ainsi qu’un accompagnement hebdomadaire sur place. En 2019, ces actions devraient se poursuivre avec la mise en place de la première formation diplômante d’analyste en fraude documentaire (AFD).
« Grâce à ces appareils dotés avec des logiciels très sophistiqués, nous pouvons détecter non seulement les faux passeports mais aussi les faux visas » confirme le commissaire principal de police aux frontières (PAF) de l’aéroport de Bamako. « Si on regarde les statistiques, on constate que depuis 2016 le nombre des personnes qui utilisent des faux documents a diminué d’une manière remarquable. »
Un point dont se réjouit la mission de l’UE présente sur place, EUCAP Sahel Mali, chargée de la formation et de l’assistance des forces de sécurité intérieure maliennes : « cela a un impact significatif dans l’ensemble des aéroports européens ». L’objectif est en effet non seulement d’améliorer la sûreté aéroportuaire à Bamako mais aussi de lutter contre l’immigration irrégulière vers l’Europe.
(MHA / NGV)
(B2) L’attitude des Européens face à la situation au Venezuela laisse un tantinet perplexe. Autant la position a été assez claire au début, en faveur d’un dialogue, appelant Maduro à respecter les droits de l’Homme et l’opposition, etc.. Autant on reste dubitatif face au tournant pris ces derniers jours
Réfugiés franchissant la frontière colombienne en provenance du Venezuela (crédit : ECHO/CE, mars 2018)
Une position qui lambine
Cela fait plus de deux ans que la crise vénézuélienne est à l’agenda des Européens (lire notre dossier n°68 : les Européens face à la crise au Venezuela). Et ceux-ci n’ont pas réussi à imprimer leur rythme et leur méthode. Ils ont longtemps tergiversé, avant finalement d’annoncer vendredi dernier, (1er février), à Bucarest, à l’occasion de leur réunion informelle, la création d’un groupe de contact international, composé de façon pléthorique de huit pays côté européen. Il serait faux de croire qu’il s’agit d’un groupe de médiateurs. L’ambition n’est « plus d’avoir un dialogue, c’est trop tard, mais de faire pression sur le régime pour obtenir des élections » explique un haut diplomate européen.
Puis une reconnaissance au pas de course
Dans le même temps, les principaux pays européens (Espagne, France, Allemagne, Royaume-Uni) suivis par une quinzaine d’autres ont décidé, ont décidé de reconnaitre le président de l’assemblée Juan Guaido, comme seule entité légitime (1). Le délai de huit jours laissé au régime Maduro de huit jours pour changer de position n’était pas acceptable, et ressemble largement à une volonté d’ingérence démocratique. Une position davantage liée à la politique américaine d’intervenir directement dans la crise. Les Européens ne voulant pas apparaitre à la traîne de Washington (2).
Une position contradictoire
Cette position double — d’un côté le groupe de contact qui peine à se mettre en place, de l’autre la reconnaissance au pas de course — est difficile à comprendre, voire contradictoire. Certes les Européens peuvent espérer couper l’herbe sous le pied à une tentation d’intervention militaire. Mais le jeu est éminemment risqué. Car cette ultime tentative, en forme de coup de poker, pourrait apparaître rapidement un leurre.
Un pari risqué
Si Nicolas Maduro, soutenu par la Russie de façon indirecte et quelques gouvernements latino-américains, joue l’épreuve de force et fait intervenir l’armée, suscitant au besoin une réplique américaine, que vont faire les Européens ? L’intervention est hors de portée. On en reviendra donc aux fondamentaux européens : appel au calme, à la restriction de l’usage de la force, et… envoi d’aide humanitaire. Les Européens seront, alors, contraints de faire aveu de faiblesse, en étant les spectateurs de la force. Une nouvelle fois. Comme ils l’ont fait déjà en Libye, en Syrie et en Ukraine. Et chacun se posera alors la question : les Européens, combien de divisions ?
(Nicolas Gros-Verheyde)