Ma chronique dans «la faute à l’Europe», sur France Info.
Les États de l’Union doivent reconnaître les mariages homosexuels légalement conclus à l’étranger, même s’ils l’interdisent chez eux. La Cour de justice européenne l’a jugé mardi 5 juin dans un arrêt de principe qui fait date.
L’affaire concernait un ressortissant roumain, Relu Adrian Coman, qui a épousé en 2012 en Belgique un ressortissant américain (donc non communautaire), Robert Clabourn Hamilton. Le couple a voulu s’installer en Roumanie, mais les autorités locales ont refusé de délivrer une carte de séjour au conjoint américain, puisqu’au regard de la loi roumaine, il n’était pas considéré comme un « conjoint ». S’il avait été européen, il n’y aurait eu aucun problème, puisqu’en tant que citoyen d’un État membre de l’Union, il aurait bénéficié à titre personnel d’un droit de séjour automatique (et il n’a même pas besoin d’un titre de séjour).
Mais la directive du 29 avril 2004 prévoit que, si les citoyens de l’Union ont le droit de circuler et de séjourner librement avec leur famille sur le territoire des États membres, les membres de la famille ressortissants d’un pays non membre de l’Espace économique européen ou de la Suisse doivent malgré tout demander une carte de séjour qui peut être refusée. Pour la Cour de justice, la notion de conjoint qui « désigne une personne unie à une autre personne par les liens du mariage » « est neutre du point de vue du genre et est donc susceptible d’englober le conjoint du même sexe d’un citoyen de l’Union ».
Cela ne veut pas dire qu’un État doit reconnaître sur son territoire le mariage homosexuel, mais simplement qu’il doit donner effet à un tel mariage conclu légalement à l’étranger. Pour les juges de Luxembourg, décider le contraire, aurait « pour effet de faire varier la liberté de circulation d’un État membre à l’autre en fonction des dispositions de droit national régissant le mariage entre personnes du même sexe ».
Certes, un Etat peut s’opposer au séjour d’un étranger communautaire ou non sur son sol, en particulier pour des raisons d’ordre public, comme a tenté de le faire valoir la Roumanie. Conformément à sa jurisprudence constante, la Cour considère que cette exception doit être interprétée « strictement » et sous son contrôle. Elle estime qu’en l’occurrence l’ordre public ne peut pas être invoqué par la Roumanie : « l’obligation pour un État membre de reconnaître, aux seules fins de l’octroi d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État non-UE, un mariage homosexuel conclu dans un autre État membre conformément au droit de celui-ci ne porte pas atteinte à l’institution du mariage dans ce premier État membre. En particulier, cette obligation n’impose pas à cet État membre de devoir prévoir, dans son droit national, l’institution du mariage homosexuel », pas plus qu’elle « ne méconnaît l’identité nationale » du pays en question.
Photo: AFP