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Le Monde Diplomatique

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Mensuel critique d'informations et d'analyses
Updated: 6 days 12 hours ago

André Gorz, vers l'émancipation

Mon, 05/12/2016 - 11:25

Dans l'ordre intellectuel, André Gorz (1923-2007) n'a jamais guigné les premières places, ni cherché la pleine lumière. Le philosophe, qui se décrivait lui-même comme un « bricoleur », un « maverick » (un franc-tireur), ne s'exposait pas volontiers. Dans Le Traître (1), autoanalyse impitoyable publiée en 1958, il se dépeignait déjà comme un bloody intellectual (un « satané intellectuel ») qui cherchait à « exister le moins possible » et tentait de « se protéger du monde » en dressant autour de lui un rideau de mots et de concepts. Le contentieux avec le monde s'apaisa. Mais, de cette tendance précoce au retrait, Gorz ne se débarrassa jamais tout à fait. Il s'entoura de pseudonymes ; se plaça souvent dans l'ombre de penseurs plus fameux ; privilégia toujours résolument l'écrit à l'oral (2) ; et abandonna sans regret l'agitation parisienne pour le calme austère d'un village de l'Aube.

Pourtant, ce n'est pas la vie d'un ermite que Willy Gianinazzi retrace dans son livre (3). Ni solitaire ni renonçant, André Gorz a su tisser dès 1969, à partir de sa vigie des Temps modernes, des liens avec des militants, des théoriciens, des syndicalistes de tous pays — de Herbert Marcuse à Bruno Trentin et Ivan Illich, du Parti socialiste unifié (PSU) à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), des révolutionnaires cubains aux opéraïstes italiens. Suivre Gorz dans ces échanges intellectuels, c'est notamment voir reparaître toute une « deuxième gauche » européenne qui, dans les années 1960 et 1970, voulait révolutionner le travail, approfondir la démocratie, défendre l'environnement. Cette gauche alternative, inventive et revendicative, est ressortie des années 1980 anémiée, assagie, convertie. Mais Gorz, lui, a continué sans rien abdiquer.

En lisant sa biographie, on mesure à quel point cet intellectuel de haut vol — à qui Jean-Paul Sartre, lors de leur première rencontre, avait reproché de « mépriser un peu le concret » — a su rester attentif au réel. Comme journaliste à L'Express, puis au Nouvel Observateur (1964-1982), il prit longtemps en charge, sous le nom de Michel Bosquet, les questions économiques et écologiques, défrichant des dossiers que la plupart de ses collègues jugeaient rébarbatifs. Comme théoricien, il s'efforça de suivre au plus près les métamorphoses du travail, les changements de la structure sociale, les mutations de la technique.

Le livre de Gianinazzi permet de suivre les étapes de ce parcours, qui reste habité par quelques références fondatrices (Edmund Husserl, Karl Marx, Sartre) et par une question lancinante : comment dépasser l'aliénation, comment défendre et conquérir l'autonomie ? Gorz n'a cependant cessé d'évoluer, procédant par ajouts, ruptures et mises à jour. Cette liberté d'allure a pu désorienter certains lecteurs ; mais elle lui a permis d'explorer des voies peu fréquentées et d'ouvrir des chemins nouveaux. Critique de la société de consommation et de croissance, Gorz prôna l'autolimitation des besoins et tenta de définir les contours d'une écologie politique émancipatrice, ni capitalisme vert ni réconciliation New Age avec la nature.

Après avoir exploré les formes que pourrait prendre l'autogestion ouvrière, il fit ses « adieux au prolétariat (4)  » d'usine, qui, dans une société industrielle en plein délitement, ne pouvait plus selon lui tenir lieu de « sujet historique » unique. Il prêta attention aux précaires, intérimaires, chômeurs et autres « prolétaires postindustriels » qui commençaient à proliférer. À son projet initial de « libération dans le travail » il substitua l'idée d'une « libération du travail » qui ferait la part belle au « temps libéré » et aux « activités autodéterminées » (5). Prenant acte de la fin du modèle fordiste, il envisagea le dépassement du salariat et finit par se rallier à l'idée d'une allocation universelle. Prévenu de bonne heure contre le « système technique » et les « technologies-verrous », il n'en tenta pas moins de dégager ce qui, dans les nouvelles technologies, pourrait être utilisé à des fins libératrices. Autant de « sentiers d'émancipation » qu'il arpenta en éclaireur. C'est dire que ce pionnier discret mérite encore qu'on le lise — et qu'on le discute.

(1) André Gorz, Le Traître, suivi de Le Vieillissement, Gallimard, coll. « Folio Essais », Paris, 2005 (1re éd. : 1958).

(2) Jusque dans sa pratique de l'entretien, comme on peut le voir dans André Gorz, Le Fil rouge de l'écologie, Éditions de l'EHESS, Paris, 2015, 109 pages, 9 euros.

(3) Willy Gianinazzi, André Gorz. Une vie, La Découverte, Paris, 2016, 384 pages, 23 euros.

(4) André Gorz, Adieux au prolétariat. Au-delà du socialisme, Galilée, Paris, 1980.

(5) André Gorz, Métamorphoses du travail. Critique de la raison économique, Gallimard, coll. « Folio Essais », 2004 (1re éd. : 1988).

Chiang Ching-kuo, le fils du Generalissimo

Mon, 05/12/2016 - 11:25

Cette biographie rend compte de la trajectoire du fils de Chiang Kaï-chek, Chiang Ching-kuo, né en Chine en 1910, à la toute fin de l'empire, et mort à Taïwan en 1988. Elle s'appuie sur un important recueil de sources écrites (agendas et fonds d'archives), ainsi que sur des entretiens menés avec sa famille, ses plus proches collaborateurs ou d'anciens opposants. Proche de la mouvance trotskiste, le jeune Chiang part étudier en Union soviétique, où il est contraint de rester douze ans, « retenu » par Joseph Staline après que son père eut écrasé ses alliés communistes. Quand le régime nationaliste se replie à Taïwan, en 1949, Chiang Ching-kuo devient responsable du renseignement et, par là même, de la « terreur blanche » qui décime l'élite insulaire. Néanmoins, en tant que premier ministre (1972-1978), puis président de la République (1978-1988), il prend ses distances avec l'anticommunisme forcené de son père pour engager de vastes réformes économiques ainsi qu'un début de libéralisation du régime, jetant ainsi les bases de sa future démocratisation.

Éditions René Viénet, Belaye, 2016, 606 pages, 30 euros.

Eugène Varlin, internationaliste et communard

Mon, 05/12/2016 - 11:25

Ouvrier relieur à Paris, Eugène Varlin (1839-1871) fait ses armes de militant dès 1857, dans l'organisation corporative de sa profession. À partir de 1864, les ouvriers pouvant désormais s'organiser au grand jour, il joue un rôle de premier plan dans les grèves des relieurs de 1864-1865, dans la création de leur Société de solidarité, puis dans celle de la Fédération parisienne des sociétés ouvrières. Parallèlement, il adhère à l'Association internationale des travailleurs (AIT), dont il sera l'un des principaux animateurs français. Exilé pour échapper à la répression, il revient après la chute de l'Empire et devient membre du comité central de la Garde nationale. Lors de la Commune de Paris, il est nommé à la commission des finances. Il appartient à la minorité pour laquelle la Commune représente la « négation absolue de la dictature » et non une « dictature au nom du peuple ». Il est fusillé par les Versaillais le 28 mai. Cette biographie souligne l'importance de ce symbole de « l'indéniable continuité entre le collectivisme révolutionnaire [de l'AIT], la fondation du Parti ouvrier et, au-delà, le syndicalisme révolutionnaire ».

Spartacus, Paris, 2016, 236 pages, 13 euros.

Les bolcheviks prennent le pouvoir. La révolution de 1917 à Petrograd

Mon, 05/12/2016 - 10:42

L'année 2017 marquera le centième anniversaire de la révolution d'Octobre en Russie. Le mérite de l'historien américain Alexander Rabinowitch est de rendre à cette insurrection, dont Petrograd (Saint-Pétersbourg) fut l'épicentre, sa dimension concrète, humaine et politique, loin des poncifs. Il raconte les événements et les mobilisations qui amenèrent les bolcheviks à renverser le gouvernement d'Alexandre Kerenski par un travail systématique et efficace dans la classe ouvrière et dans l'armée. Si l'on ne peut sous-estimer le rôle personnel de Lénine, l'ouvrage montre que le parti bolchevique, loin d'être monolithique, était traversé à tous les niveaux par des contradictions et des débats. Ses différentes instances disposaient d'une autonomie d'action grâce à laquelle elles pouvaient mesurer au plus près le degré de mobilisation politique dans la ville et éviter l'aventurisme. Cette souplesse et cette diversité leur permirent de traduire les aspirations populaires — la terre aux paysans, la fin de la guerre —, ce qui rendit possible leur victoire.

La Fabrique, Paris, 2016, 530 pages, 28 euros.

Pourquoi les Colombiens ont rejeté la paix

Thu, 01/12/2016 - 11:42

Tous les sondages donnaient le « oui » gagnant avec une marge confortable. Le 2 octobre, les Colombiens ont pourtant rejeté l'accord de paix entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui orchestrait la fin d'un conflit vieux de plus d'un demi-siècle. Tout aussi étrange, la participation n'a atteint que 37,4 %. Le pays préférerait-il la guerre à la paix ?

Comprendre le rejet de l'accord entre le gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) lors du référendum du 2 octobre dernier implique de saisir les raisons qui ont conduit les deux parties à engager des pourpalers et, surtout, d'analyser le contexte dans lequel ceux-ci se sont déroulés. Le pays est en effet engourdi par cinquante-deux ans de conflit, et quatre années de négociations n'ont pas suffi à le sortir d'une torpeur politique entretenue par les grands médias.

Si les FARC et le gouvernement ont entamé ces discussions, c'est parce que les deux parties avaient compris qu'une solution militaire était impossible (1). Les FARC ont essuyé de lourdes pertes, notamment du fait de la surenchère répressive de l'ancien président Álvaro Uribe (2002-2010), qui avait mobilisé toutes les ressources de l'État pour anéantir les mouvements de guérilla. À l'époque, M. Juan Manuel Santos, l'actuel président, occupait le poste de ministre de la défense. Il était parvenu à faire exécuter plusieurs grandes figures des FARC, tandis que diverses mesures d'accompagnement invitaient les guérilleros à déposer les armes. Leurs rangs s'étaient éclaircis, mais ils n'avaient pas disparu.

L'État a compris que ses offensives ne suffiraient pas. Depuis la politique d'« ouverture économique » amorcée par le président César Gaviria (1990-1994), la Colombie entend participer davantage aux échanges mondiaux en rendant son économie plus « attractive » : réduction des droits de douane, déréglementation, privatisation, libéralisation des échanges et production destinée à l'exportation (2). Ce tournant néolibéral a cependant été contrarié par la guerre civile : les FARC et les autres acteurs du conflit ont imposé des taxes aux propriétaires terriens ; les enlèvements avec demande de rançon se sont multipliés ; les entreprises ont dépensé des fortunes pour assurer leur sécurité…

Autre facteur déterminant : la création, au début des années 1990, de forces paramilitaires d'extrême droite, notamment les Autodéfenses unies de Colombie (AUC). Leur objectif affiché était d'aider l'État à combattre les guérillas. Mais elles ont également mené une violente campagne d'assassinats politiques et œuvré au déplacement de millions de personnes qui dérangeaient l'oligarchie foncière et freinaient l'extension de l'exploitation agricole et minière tournée vers l'exportation. De sorte que paramilitarisme et néolibéralisme ont longtemps marché main dans la main.

Ce binôme s'est révélé si efficace qu'il a fini par perdre de son utilité. Au début des années 2010, l'élection de M. Santos, incarnation de l'élite néolibérale cosmopolite, suggérait que cette dernière souhaitait « moderniser » le régime d'accumulation colombien. L'heure était venue d'entamer des pourparlers avec les FARC.

Les arrière-pensées d'Álvaro Uribe

Les négociations, qui se sont ouvertes en septembre 2012 à La Havane, visaient six grands objectifs (3) : fixer les modalités d'un cessez-le-feu et d'un dépôt des armes ; rendre justice aux victimes de la guerre civile, qui a fait 220 000 morts ; résoudre le problème du trafic de drogue ; soutenir le développement rural, la pauvreté dans les campagnes étant l'un des principaux facteurs déclencheurs du conflit ; permettre aux anciens combattants de s'engager dans la vie politique et, plus largement, favoriser la participation de la population ; enfin, assurer la mise en place et le suivi de l'ensemble des accords. Soucieux d'en renforcer la légitimité, M. Santos a tenu à organiser un référendum national au sujet du document final — une proposition que les FARC, surmontant leurs réticences initiales, ont fini par accepter. Il s'en mord sans doute les doigts.

L'accord ne prévoit ni la transformation du système économique ni la résorption des inégalités foncières, dans un pays où 1 % de la population possède plus de 50 % des terres. Autrement dit, il ne traite aucun des problèmes qui sont à l'origine du conflit : il se borne à favoriser le statu quo, sans toutefois prétendre rétablir la situation d'avant-guerre. Compte tenu du nombre de Colombiens que le conflit a déplacés, les négociateurs ont convenu que la récupération des terres serait un processus délicat à mettre en œuvre.

D'emblée, la campagne en faveur des accords de paix s'est trouvée confrontée à une difficulté majeure : il fallait synthétiser un document de trois cents pages en très peu de temps, car six semaines seulement séparaient la fin des négociations (24 août) du référendum (2 octobre). Le camp du « oui » a également souffert d'une autre faiblesse : l'impopularité du président Santos, liée aux difficultés économiques du pays, où le chômage atteint 9 % et l'inflation, 7 %. Quelques semaines avant le scrutin, sa cote de popularité dépassait à peine les 20 %. Enfin, au vu des sondages, qui donnaient le « oui » largement gagnant, ses partisans ont cru leur victoire acquise et n'ont pas pris l'opposition suffisamment au sérieux.

Les handicaps de la campagne du « oui » ont rendu celle de l'autre camp d'autant plus facile. Lors d'un entretien accordé quelques jours après le référendum au quotidien La República, M. Juan Carlos Vélez, le responsable de la campagne du « non », en a révélé — accidentellement, peut-être — les dessous avec force détails (4). L'une des principales stratégies consistait à susciter « l'indignation » en diffusant des informations partielles ou fallacieuses. Les partisans du « non » ont par exemple attiré l'attention sur l'aide financière que recevraient les membres des FARC tant qu'ils n'auraient pas d'autres sources de revenus. Ils n'ont cessé de rappeler le montant de l'allocation — 212 dollars par mois, soit 90 % du salaire minimum —, jugé excessif pour un pays pauvre.

Des allégations plus pernicieuses prétendaient que les accords incluaient des clauses visant à renforcer la légalisation du mariage homosexuel en Colombie (5), pays où 30 % de la population appartient à une Église évangélique. En réalité, le texte ne mentionne ni le mariage ni l'homosexualité. Ses détracteurs ont par ailleurs proclamé qu'il transformerait la Colombie en un pays « castro-chaviste », c'est-à-dire semblable à Cuba ou au Venezuela. Enfin, l'un de leurs arguments les plus efficaces portait sur le programme de justice transitionnelle, grâce auquel les membres des FARC pourraient bénéficier de remises ou de commutations de peine s'ils avouaient leurs crimes. Cette disposition a particulièrement scandalisé une population dont la perception du conflit a été biaisée par les médias.

Une étude de la chercheuse Alexandra García (6) portant sur plus de cinq cents articles publiés dans les grands journaux (El Tiempo, El Colombiano, El Heraldo, etc.) entre 1998 et 2006 a montré que le terme « paramilitaire » ou le nom des organisations d'extrême droite n'apparaissait pas dans 75 % des articles se référant à des violences qui leur étaient imputables ; il était seulement question d'« hommes armés » ou d'« hommes encagoulés ». Dans le cas d'actes de violence impliquant la guérilla, en revanche, 60 % des articles la mentionnaient explicitement. De sorte que, pour 32 % de la population, les FARC sont les principales instigatrices de la violence en Colombie, alors que toutes les études s'entendent pour établir une autre hiérarchie des responsabilités : l'État ; la population en général ; les paramilitaires ; les narcotrafiquants ; et enfin la guérilla (7).

Tout au long de la campagne, le principal représentant du camp du « non », M. Uribe, a martelé son opposition aux dispositions en matière de justice transitionnelle. Human Rights Watch (HRW) a soutenu le camp du « non » pour les mêmes motifs. Les membres des FARC qui avouent avoir commis des crimes pendant la guerre civile ne devraient pas pouvoir commuer leurs peines de prison en simples travaux d'intérêt général ou en assignation à résidence, disent-ils tous. Pourtant, la plupart des accords de paix — par exemple ceux signés au Salvador ou en Afrique du Sud — prévoient de tels dispositifs de justice réparatrice.

L'hostilité de M. Uribe envers les accords de paix a probablement des motivations différentes de celles de HRW. Son bilan en matière de droits humains pendant son mandat de gouverneur de l'Antioquia, puis de président, laisse penser que la justice ne figure pas au nombre de ses priorités. En outre, en 2005, lorsqu'il était chef de l'État, n'avait-il pas fait en sorte que les paramilitaires bénéficient de mécanismes de justice transitionnelle encore plus généreux que ceux prévus pour les FARC ?

Ce qui le préoccupe est plus probablement la question de la restitution des terres. M. Uribe entretient en effet des liens étroits avec l'oligarchie, qui craint de devoir rendre leurs terres aux paysans déplacés. Après le résultat du référendum, il a présenté des propositions de modification du texte, et la principale porte sur ce sujet : « Les accords doivent reconnaître l'existence d'une production commerciale à grande échelle, son importance dans le développement rural et l'économie nationale et l'obligation de l'État de la promouvoir (8).  » Selon lui, il faudrait renoncer à la saisie de terres privées en friche qui appartenaient auparavant à des paysans déplacés. On ne devrait pas obliger ceux qui les ont achetées « de bonne foi » à les rendre à leurs anciens propriétaires, même si ces derniers avaient été contraints de fuir par des incursions de paramilitaires ou par la guerre civile.

Néanmoins, le rejet de l'accord s'explique surtout par le faible taux de participation : 18 % des électeurs ont voté « non », tandis que 63 % n'ont pas voté du tout. Les intempéries du 2 octobre dans les régions côtières ont sans aucun doute joué un rôle dans cette abstention massive, qui a atteint 75 % dans le département de Magdalena et 80 % dans celui de La Guajira. Mais elle résulte sans doute également de la dépolitisation de la société, fruit de la répression et de la manipulation médiatique qui caractérisent l'histoire récente du pays. Les « escadrons de la mort » des paramilitaires ont pratiquement éliminé toute une génération de militants et de défenseurs des droits sociaux. Dans ces conditions, il n'est guère étonnant que la Colombie présente l'un des taux de participation électorale les plus faibles d'Amérique latine...

La victoire du « non » place les deux camps dans une situation inconfortable. Les FARC avaient déclaré qu'elles seraient prêtes à retourner à la table des négociations, en précisant toutefois qu'elles ne reviendraient pas sur le volet de la justice transitionnelle, un point crucial pour les opposants. Ces derniers marchent également sur des œufs. Si M. Uribe a fait campagne contre la justice transitionnelle, il visait en réalité la restitution des terres. M. Santos pourrait peut-être sauver l'accord en apportant des rectifications sans conséquence à la partie consacrée à la justice, et en obtenant des FARC des concessions plus importantes sur la question agricole. Les guérilleros devraient alors accepter de concentrer leurs efforts sur la mise en œuvre de la loi sur la restitution des terres votée en 2011.

Pendant ce temps, dans toute la Colombie, les mouvements sociaux se sont mobilisés en faveur de l'application des accords de paix tels qu'ils ont été signés. Ils ont commencé à occuper l'une des plus grandes places de Bogotá et entrepris de contester le référendum auprès de la Cour suprême en arguant du caractère malhonnête de la campagne du « non ». Mais le recours risque de ne pas avoir le temps d'aboutir : l'attribution du prix Nobel de la paix 2016 à M. Santos lui confère une légitimité supplémentaire pour conclure rapidement le processus. Et un autre facteur pourrait ajouter à l'urgence : l'ouverture de négociations avec une autre guérilla, l'Armée de libération nationale (Ejército de Liberación Nacional, ELN), prévue pour le 27 octobre, à Quito, sous les auspices du gouvernement équatorien.

(1) Lire « Pourquoi la Colombie peut croire à la paix », Le Monde diplomatique, octobre 2012.

(2) Cf. Forrest Hylton, « Peace in Colombia : A new growth strategy », NACLA Report on the Americas, vol. 48, no 3, New York, 2016.

(3) Lire Maurice Lemoine, « En Colombie, “pas de justice, pas de paix” », Le Monde diplomatique, février 2013.

(4) « El No ha sido la campaña más barata y más efectiva de la historia », La República, Bogotá, 5 octobre 2016.

(5) En avril 2016, la Cour suprême colombienne a légalisé le mariage homosexuel, arguant qu'il était inconstitutionnel de réserver le mariage aux couples hétérosexuels.

(6) Auteure du blog La Perorata, http://laperorata.wordpress.com

(7) Adriaan Alsema, « How Colombia's newspapers consistently misinformed the public on the armed conflict », Colombia Reports, 18 octobre 2016, www.colombiareports.com

(8) Adriaan Alsema, « Uribe formally presents proposals to revive Colombia peace deal », Colombia Reports, 13 octobre 2016.

Dès le plus jeune âge

Wed, 30/11/2016 - 17:02

Puisqu'il n'est jamais trop tôt pour s'initier à la politique, l'édition de novembre 2016 du magazine « Moi je lis » (Milan Presse), destiné aux enfants de 8 à 11 ans, proposait à ses lecteurs un test tout en nuances sur l'élection américaine.

Fais le test ! Et si tu te présentais, toi, quel genre de candidat serais-tu ? Plutôt Donald ou Hillary ?

La couche d'ozone, c'est :

♠ Ce qui nous protège des rayons ultraviolets

♦ Une marque de couches pour bébé, un truc de filles, quoi…

Ton activité préférée après l'école :

♠ Faire tes devoirs

♦ Regarder une émission de télé-réalité

Ta petite sœur veut emprunter ta 3DS [console de jeu portative] :

♦ « Ça va pas, non ? Va jouer à la poupée… »

♠ Pas de souci tant qu'elle y fait attention

Au foot, à la récré, l'un de tes équipiers tombe par terre :

♦ « Mais relève-toi, empoté ! On va perdre à cause de toi ! »

♠ « Ça va ? Tu n'as rien de cassé ? »

Quand tu seras grand(e), tu feras :

♠ Un métier intéressant, qui te plaît vraiment

♦ Peu importe, tant que tu gagnes de l'argent

Il y a un nouveau dans la classe :

♦ « C'est qui, lui ? D'où il vient ? »

♠ « Super, un futur copain ! »

Si tu as plus de ♠, tu serais Hillary Clinton.

Si tu as plus de ♦, tu serais Donald Trump.

Le rôle-clé des bénévoles au Canada

Wed, 30/11/2016 - 16:43

Au Canada, les mesures de justice réparatrice ont largement dépassé le stade expérimental. Depuis plus de trente ans, le service correctionnel chargé des personnes condamnées à des peines de prison supérieures à deux ans dispose d'une division spécifique. Il reçoit chaque année entre cent cinquante et deux cents demandes de médiation directe entre un délinquant et une victime. Cependant, le dispositif reste essentiellement porté par la société civile. Ce n'est pas un hasard : l'histoire de ce mouvement doit beaucoup à son ancrage communautaire et aux contestations du système judiciaire.

Dans les années 1970, les peuples autochtones revendiquent leur droit à réhabiliter certaines pratiques de leur justice traditionnelle. Les cercles de sentence et les cercles de guérison plaçant la communauté au cœur de la résolution des conflits sont réactualisés et adoptés. Au même moment, la justice institutionnelle s'attire les critiques les plus vives. Les premières mesures de déjudiciarisation voient le jour pour les adolescents contrevenants. Les programmes restauratifs se développent rapidement, jusqu'à devenir l'essentiel des réponses alternatives proposées aux mineurs délinquants.

Aujourd'hui, si ces programmes reçoivent l'appui des gouvernements provinciaux et fédéral, la plupart restent mis en œuvre par des organismes communautaires ou confessionnels. Ainsi, les rencontres détenus-victimes (de substitution) semblables à celles organisées en France dépendent entièrement de l'investissement de bénévoles du milieu associatif. Un impératif qui ne constitue pas un frein, car, au Canada, la justice est l'affaire de tous. « Neuf mille bénévoles interviennent auprès des personnes condamnées, pour une population carcérale totale d'environ treize mille détenus, indique Catherine Rossi. La dizaine de sessions organisées chaque année au Québec, par exemple, font partie des nombreuses actions portées par le monde associatif. » Professeure de criminologie à l'université Laval de Québec, elle-même donne chaque semaine près de quinze heures de son temps dans le milieu carcéral et judiciaire.

Une histoire courte mais agitée

Wed, 30/11/2016 - 16:18

1947. Le Royaume-Uni préside à la partition de son empire indien sur des bases confessionnelles. Fondé le 14 août, le Pakistan comprend le Pakistan occidental et le Pakistan oriental, séparés par 1 600 kilomètres de territoire indien.

1949. Création de la Ligue Awami par Mujibur Rahman, qui prône l'indépendance du Pakistan oriental.

1970. La Ligue Awami remporte les élections législatives. Les dirigeants pakistanais refusent de reconnaître les résultats.

Mars 1971. Mujibur Rahman est arrêté et le Pakistan occidental lance une violente attaque militaire.

Décembre 1971. Les indépendantistes, aidés par l'armée indienne, battent les forces du Pakistan occidental. Fondation de la République populaire du Bangladesh.

1975-1990. Succession de coups d'État militaires.

Mars 1991. Mme Khaleda Zia mène le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) à la victoire.

1996. La Ligue Awami gagne les élections et porte au pouvoir Mme Sheikh Hasina.

2001. Le BNP remporte les élections.

6 janvier 2006. La Ligue Awami revient au pouvoir.

22 avril 2013. Élection de M. Abdul Hamid (Ligue Awami), seul candidat, à la présidence de la République.

24 avril 2013. L'effondrement du Rana Plaza, usine textile près de Dacca, tue plus d'un millier de personnes.

5 janvier 2014. La Ligue Awami remporte les élections législatives, marquées par une féroce répression.

Janvier 2016. Deux étudiants sont condamnés à mort pour le meurtre en 2013 du blogueur athée Ahmed Rajib Haider.

1er juillet 2016. Un attentat revendiqué par l'Organisation de l'État islamique fait vingt-quatre morts à Dacca.

L'armée, le peuple et la mystique révolutionnaire

Wed, 30/11/2016 - 16:14

En avril 1995, l'Organisation des États américains (OEA) organisait un colloque sur les missions de sécurité et de paix à Washington. Le principal intervenant était un général américain qui venait de diriger l'opération « Restaurer la démocratie » en Haïti (1), laquelle avait renversé le régime militaire installé après le coup d'État contre le président élu Bertrand Aristide. Tandis que le général vantait la coopération avec les organisation non gouvernementales (ONG) locales, des militaires vénézuéliens ironisaient dans la salle : « Ah, ces Yankees ! Éternels libérateurs des petits pays opprimés. »

L'anecdote illustre le ressentiment qu'éprouve encore à ce jour l'armée vénézuélienne envers les États-Unis. Comme en Bolivie, en Équateur et au Pérou, elle recrute essentiellement parmi la classe ouvrière ou la frange basse de la classe moyenne. La formation militaire inculque aux soldats un nationalisme fervent qui mêle bien souvent patriotisme et notions de justice sociale.

Depuis la guerre froide, les armées latino-américaines ont laissé dans les mémoires collectives l'image de juntes militaires persécutant les ennemis de l'État derrière des lunettes noires. Mais un courant militaire nationaliste progressiste moins connu contredit l'idée selon laquelle toutes les armées seraient de droite. Dans les années 1920, le mouvement de la Jeunesse militaire (en espagnol, Juventud militar) fomente des rebellions au Brésil, au Chili et en Équateur, et participe à des révoltes pour réclamer des réformes en Amérique centrale. En 1960 au Guatemala, de jeunes lieutenants progressistes essaient — sans succès — de renverser une dictature militaire avant de mettre en place les premiers groupes de guérilla dans ce pays. Des militaires de rang intermédiaire provoquent la chute de deux dictateurs guatémaltèques, les généraux Lucas García et Ríos Montt. En 1979, dans la république du Salvador, des membres de la Jeunesse militaire tentent un putsch dans un effort désespéré pour empêcher la guerre civile qui éclate malgré tout l'année suivante.

Les militaires nationalistes de gauche ont parfois eu recours à la force pour mettre en œuvre des nationalisations antioligarchiques et anti-impérialistes, ainsi que des programmes de réforme sociale en faveur des plus défavorisés. Nombre d'entre eux, à l'image de ceux qui sont sous leurs ordres, viennent de milieux modestes. Arrivés au pouvoir par la force ou par les urnes, ils cherchent à renforcer leur légitimité à travers des élections et des organisations de masse. Le colonel Jacobo Arbenz, élu président du Guatemala en 1950, en est le premier exemple, mais un coup d'État piloté par la Central Intelligence Agency (CIA) met prématurément fin à son mandat en 1954. Ses héritiers politiques, les généraux Juan Velasco au Pérou et Omar Torrijos au Panamá mènent tous deux un putsch dans leur pays respectif en 1968. En tant que « réformistes militaires », ils se sentent investis d'une mission patriotique, celle de rompre avec l'élite traditionnelle pour restaurer le contrôle de l'État sur l'économie et introduire des réformes sociales dont l'exécution serait confiée aux forces armées. Dans la même veine, des chefs militaires instaurent des programmes progressistes, quoique moins ambitieux, en Bolivie (1969-1971) et en Équateur (1972). Des militaires retraités fondent une ONG composée d'anciens officiers progressistes, qui sera présidée au milieu des années 1990 par un ancien lieutenant-colonel vénézuélien, un certain Hugo Chávez.

En 1983 au Venezuela, des officiers appartenant au groupe Comacate (acronyme pour : comandantes, mayores, capitanes y tenientes [commandants, majors, capitaines et lieutenants]), conspirent contre le président civil Luis Herrera, sous la houlette de William Izarra, qui va solliciter l'aide de Fidel Castro. Dès lors, l'ambassade cubaine tisse des relations confidentielles avec les courants militaires de gauche au Venezuela. Chávez, fils de cordonnier devenu lieutenant-colonel, dirige l'un de ces groupes militaires d'opposition. En 1992, ce fervent admirateur de Simón Bolívar, du général et président péruvien Juan Velasco et du Panaméen Omar Torrijos, entreprend un coup d'État qui lui vaut deux ans de prison. Quelques années après sa libération, il fonde un mouvement politique et fait campagne dans les bidonvilles et les villages ruraux, sous l'œil attentif des diplomates cubains, impressionnés par son ascension et l'adhésion massive qu'il suscite. Quand ils entendent les villageois l'accueillir comme le Messie, ils sont convaincus qu'il sera le prochain président du Venezuela (2). Lors de sa première visite à Cuba en 2001, Fidel Castro le reçoit comme s'il était déjà chef de l'État. Commence alors une histoire particulière entre Fidel Castro, le vieux sage, et Hugo Chávez, son jeune successeur révolutionnaire et futur collègue.

Mais Chávez n'est pas le premier président révolutionnaire du Venezuela. En 1958, après avoir chassé le dictateur Marcos Pérez Jiménez, l'amiral Wolfgang Larrazábal devient président intérimaire. En décembre de la même année, il envoie sept tonnes d'armes à l'armée rebelle de Cuba, une aide militaire décisive qui hâte leur victoire. Mais Chávez s'inscrit également dans la lignée de Torrijos et Velasco, imprégnés de la mystique révolutionnaire militaire qui suppose une unité indivisible entre le peuple et l'armée. Pour illustrer le rôle de l'armée comme avant-garde, l'ancien président du Venezuela emploie la métaphore suivante : « Prenez la formule chimique de l'eau : H2O. Le peuple représente l'oxygène, et les forces armées l'hydrogène. Il n'y a pas d'eau sans hydrogène (3). »

Au cours de ses quinze années au pouvoir (1999-2013), la trajectoire politique de Chávez révèle un radicalisme croissant. Lors de sa visite en 2001, Fidel Castro lui fait comprendre qu'il ne pourra pas « être le maire de tout le Venezuela » et le convainc que pour réaliser son projet de transformation du pays et de lutte contre la pauvreté, il aura besoin d'un parti politique doté d'une vision à long terme et d'organisations de masse, d'où la nécessité d'une équipe expérimentée. Le nouveau président décide alors de faire confiance à ses loyaux compagnons d'armes et à d'autres hauts responsables militaires.

Chávez survit à une tentative de coup d'État en 2002 et à une grève générale manquée, organisée par des alliances hétérogènes de militaires et d'hommes politiques de l'opposition. Fidel Castro l'encourage à créer des milices populaires au plus vite pour prévenir les troubles civils ou contrer une éventuelle invasion de mercenaires ou de soldats étrangers. Au cours des années qui suivent, les appareils de sécurité de Cuba et du Venezuela passent un pacte de coopération mutuelle concernant l'espionnage et d'autres opérations réalisées sur les deux territoires.

Au milieu des années 2000, Hugo Chávez commence à développer son projet en se posant comme le champion du « socialisme du XXIe siècle ». Il lance alors un ensemble de « missions » sociales et économiques au niveau national, menées par des militaires et des civils de confiance. Il en résulte un système de ministres et membres de cabinet directement soumis aux ordres du président, qui finit d'ailleurs par créer son propre parti politique, le Partido socialista unido de Venezuela (PSUV).

L'armée du Venezuela, rebaptisée Forces armées nationales bolivariennes (Fuerza Armada Nacional Bolivariana, FANB) devient progressivement l'organe exécutif du charismatique président-comandante, qui a rassemblé ses partisans dans un parti politique, des milices, ainsi que des syndicats et des associations. Les officiers et sous-officiers font désormais partie d'une institution chargée de renforcer l'État et de gouverner la patrie. Leur fierté institutionnelle s'appuie ainsi sur l'idéologie nationaliste de gauche qui considère les militaires comme des « gardiens de la nation » œuvrant dans l'intérêt du peuple, en particulier les plus démunis.

La nomination de militaires à des postes de responsabilité dans le cadre des nouvelles missions sociales, de l'administration publique et de l'économie nationalisée a renforcé leur loyauté envers ce président patriote qui se veut l'héritier de Bolívar. L'augmentation des soldes militaires et l'élargissement du recrutement dans l'armée et les milices y ont probablement contribué. En 1999, la nouvelle Constitution donne le droit de vote aux militaires. Entre 2008 et 2015, le budget des forces armées passe de 1,06 % à 4,61 % du PIB. Entre 2010 et 2014, les effectifs militaires passent de 117 400 à 197 744 personnes (soit une proportion de 40 à 63 pour 10 000 citoyens). En 2015, le pays compte 365 046 miliciens, répartis dans cent « zones de défense intégrales » (4). L'étroite collaboration entre La Havane et Caracas dans les domaines des services secrets et de la sécurité d'État se resserre davantage.

Sous Chávez, la FANB constitue déjà un puissant instrument, qui sert au président à la fois de bras droit militaire (pour la défense et la sécurité intérieure) et de bras gauche politique (chargé des ministères, des « missions » et de la gestion économique). Auparavant, les ministres de la défense vénézuéliens pouvaient être des civils ou des hauts gradés de l'armée, mais Chávez a nommé douze loyaux militaires au ministère de la défense, après les avoir promus chefs de l'état-major. Sous sa présidence, l'armée a aussi pénétré dans un univers administratif qui restait jusque-là essentiellement civil.

Depuis quelques années, on observe une généralisation de ce phénomène : contrairement à Cuba, au Venezuela les ministères civils et les postes à responsabilité passent de plus en plus aux mains des militaires, qu'ils soient en service ou retraités (5). En 2015, ils détiennent la vice-présidence, les ministères de l'intérieur, de la sécurité publique, de l'économie et des finances, des travaux publics, de la santé, de l'alimentation, des transports, de l'énergie électrique, de la « participation populaire », sans oublier l'influent ministère du bureau de la présidence et du suivi du gouvernement. En outre, tous les « vice-ministres » de ces grands ministères font partie de l'armée de terre, de l'air ou de la marine.

Pour illustrer la militarisation actuelle du gouvernement et de l'administration publique, voici quelques chiffres : en 2015, les personnes issues de l'armée représentent 88 % des ministres, 38 % des gouverneurs, 70 % des maires et 85 % des ambassadeurs (souvent d'anciens ministres). De même, les militaires sont responsables de secteurs importants et d'instruments publics stratégiques comme la collecte des impôts, le budget, les marchés publics et les appels d'offre, achats et acquisitions du secteur public, la direction des banques publiques et la surveillance des banques privées.

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a généralisé ce système en ne s'entourant que de militaires purs et durs. Le général Vladimir Padrino López, nommé chef de l'état-major en 2013, devient ministre de la défense l'année suivante. Face au tumulte politique et au désastre économique, M. Maduro décrète l'« état d'urgence économique » en juillet 2016, créant une « super-mission pour l'approvisionnement souverain », encadrée par le ministre de la défense. Actuellement, le général Padrino gère non seulement la défense nationale et l'économie du pays, mais aussi tous les autres programmes sociaux, jouant ainsi un rôle de premier ministre. Ainsi, l'état-major est étroitement lié au parti socialiste et au président, à tel point que l'avenir de ce dernier dépend avant tout de la loyauté des militaires.

Certes, pour l'instant l'armée soutient le président et s'occupe en grande partie de gouverner un pays parcouru de divisions et de gérer une économie exsangue, mais pour combien de temps encore ? Les institutions militaires tendent à survivre aux partis et aux carrières politiques. Si la crise venait à s'enliser et la contestation à s'intensifier, alors les forces armées, au lieu de défendre l'État, pourraient-bien éprouver le besoin de s'attribuer le rôle d'arbitre national.

(1) Intervention menée à Haïti en 1994 par des soldats américains mandatés par le Conseil de sécurité de l'ONU.

(2) Entretien avec Carlos Antelo Pérez (24 et 27 octobre 2011), conseiller à l'ambassade cubaine à Caracas.

(3) Cf. Bilbao, Luis. Chávez y la Revolución Bolivariana. Conversaciones con Luis Bilbao, Santiago du Chili : Capital Intelectual S.A. et LOM, 2002.

(4) Cf. RESDAL, Atlas comparativo de la defensa en América Latina y Caribe, Buenos Aires : Red de Defensa y Seguridad de América Latina, 2016. Cf. aussi Francine Jácome, Fuerza Armada, estado y sociedad civil en Venezuela, Caracas : Instituto Latinoamericano de Investigaciones Sociales (ILDIS). Les analystes fournissent des informations très différentes sur le nombre de miliciens, leur entraînement et leur armement.

(5) Cf. Carlos Tablante, Elgran saqueo. Caracas : Editorial Cinglar, 2016.

Building the Commune. Radical Democracy in Venezuela

Wed, 30/11/2016 - 15:45

Difficile de peindre un tableau enthousiasmant du Venezuela à l'heure actuelle. Difficile, à moins qu'on ne s'intéresse aux réalisations du processus bolivarien dans la création d'un « nouvel État » reposant sur la participation populaire. En 2006, Hugo Chávez imagine les conseils communaux, des structures de base vouées à gérer de façon autonome des budgets autrefois alloués aux municipalités. En 2010, Caracas va plus loin avec le lancement des communes : des regroupements de conseils communaux dont les prérogatives, plus larges, visent à gommer la dichotomie entre politique et économie. Certaines communes s'impliquent dans la production agricole ; d'autres récupèrent des entreprises ou gèrent des transports en commun. L'auteur y voit une forme de « territorialisation du socialisme » échappant à la fois au localisme béat et à la soumission à l'État. Il existe aujourd'hui plus de 45 000 conseils communaux et environ 1 500 communes. On n'imagine pas que le chavisme puisse sortir de sa crise actuelle par la gauche sans s'appuyer sur ces structures.

Verso, Londres, 2016, 144 pages, 6,29 livres sterling.

Rectificatifs

Wed, 30/11/2016 - 13:45

— Contrairement à ce qu'indiquait l'article « Le Maghreb entre autoritarisme et espérance démocratique » (novembre), avec 31 % de sièges occupés par des femmes au Parlement, la Tunisie n'a pas la proportion d'élues la plus forte du continent africain. Cette proportion est de 42 % au Sénégal et de 64 % au Rwanda.

— Dans le graphique représentant la « La spirale de l'intégration » (novembre), l'Irlande apparaissait à tort comme étant membre de l'espace Schengen.

— Le mauvais placement d'une virgule dans une note de l'article « Riposte culturelle au Cachemire » (septembre) nous a conduits à diviser la population du Jammu-et-Cachemire par dix. Il compte en réalité 12,54 millions d'habitants.

— Régent du royaume de Hongrie entre 1920 et 1944, Miklós Horthy était amiral et non maréchal, comme nous l'avons écrit par erreur dans « Le beau Danube noir » (novembre).

Accidentologie

Wed, 30/11/2016 - 13:44

Délégué interministériel à la sécurité routière, M. Emmanuel Barbe conteste les conclusions de l'article « Des accidents de la route pas si accidentels » (août) sur les disparités sociales en matière d'accidents et sur la politique de prévention.

L'accidentalité d'un pays est déterminée par la somme des risques individuels pris par chaque usager de la route (du piéton au chauffeur de poids lourd). La sécurité routière doit donc, par définition, s'adresser à tous, ce qui en fait d'ailleurs une politique de santé publique plus que de sécurité. Au reste, l'auteur ne prétend tout de même pas que seuls les ouvriers meurent sur les routes. Il indique leur surreprésentation parmi les victimes. En imposant le port de la ceinture à l'avant et à l'arrière, l'équipement de série des véhicules de systèmes de sécurité passive et active, des seuils en matière d'alcoolémie comme la prohibition de la conduite sous l'empire de la drogue ou téléphone à la main, en développant le système du permis à points comme les radars automatiques, la politique de la Sécurité routière s'adresse bel et bien à tous. Il a d'ailleurs souvent été souligné combien ses stages de sensibilisation (que l'on réduit trop souvent à des sessions de récupération de points) constituent désormais l'un des derniers lieux de véritable mixité sociale, le PDG y croisant l'ouvrier, comme le montre l'excellent film de Coline Serreau Tout est permis !

Aucune des campagnes diffusées à la télévision depuis au moins ces dix dernières années ne montre le moindre « passager en costume trois-pièces ». Pas même, d'ailleurs, l'ombre d'une cravate chez nos protagonistes. C'est que notre communication attache au contraire la plus grande importance au fait que les acteurs choisis dans ses films et la façon dont ils sont habillés permettent l'identification la plus large possible des publics visés.

Reprocher à la communication de la Sécurité routière la représentation de « familles avec enfants » est un peu surprenant, à moins que l'on puisse démontrer que la famille serait l'apanage des plus riches. En revanche, la famille est un vecteur d'émotion puissant, à même de faire évoluer les comportements, et c'est pourquoi elle est largement représentée dans nos films, qui cherchent précisément à provoquer une émotion, une indignation, une réaction.

Quant aux jeunes, ils sont plus que présents dans nos campagnes : ils constituent même, depuis bien des années, une cible majeure de sa communication, notamment avec la campagne SAM (« Sans accident mortel ») : « Celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas. » La Sécurité routière y consacre 20 % de son budget. Cohérent là encore avec les statistiques, puisque les 18-25 ans représentent 9 % de la population et 21 % des personnes tuées sur la route. Soit la première cause de mortalité de cette classe d'âge. Et si les ouvriers sont surreprésentés parmi les jeunes tués sur la route, cet investissement massif devrait leur être bénéfique.

UraMin

Wed, 30/11/2016 - 13:44

Après l'enquête de Juan Branco « Aux sources du scandale UraMin » (novembre), M. Christophe Neugnot, directeur de la communication de l'entreprise publique, souhaite préciser les conditions de suspension de l'exploration sur le site de Bakouma.

Fin 2011, Areva a notifié aux autorités centrafricaines la suspension des activités d'exploration sur le site de Bakouma, compte tenu de la forte chute des cours de l'uranium (— 40 % depuis l'accident de Fukushima en mars 2011). Ces travaux d'exploration visaient à mieux caractériser le gisement et aucune mine n'a jamais été en activité. En juin 2012, le camp de Bakouma a été attaqué et pillé par des bandes armées, en présence de certains employés. Areva a alors évacué tout son personnel, ne laissant sur place qu'une équipe réduite de maintenance ainsi qu'un gardiennage continu, assuré par une société privée.

Cette attaque a clairement démontré que la sécurité n'était plus assurée sur la zone de Bakouma où intervenait le personnel d'Areva, que ce soit sur le camp, dans le village ou sur les secteurs d'exploration. En conséquence, Areva a notifié en avril 2013 aux autorités centrafricaines une situation de « force majeure », en application des termes de la convention minière, compte tenu du fait que la sécurité de ses employés n'était plus assurée. Areva n'avait plus de possibilités de se rendre sur le site, plus aucun cadre d'Areva n'y ayant eu accès depuis décembre 2012.

En ce qui concerne le réaménagement du site, dans la période de responsabilité d'Areva et ce jusqu'à notification du cas de « force majeure », Areva s'est acquittée de toutes ses obligations en la matière, nonobstant la situation de guerre qui régnait alors localement.

À fin 2012, 95 % des travaux de réaménagement avaient été réalisés. L'objectif de ces travaux était une mise en sécurité et une remise en état des terrains dans une configuration aussi proche que raisonnablement possible de leur état initial avant le lancement des travaux d'exploration. En mars 2013, Areva a soumis à l'Agence nationale de radioprotection (ANR), l'équivalent local de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en France, les résultats des travaux de réaménagement menés à fin 2012, ainsi que des rapports de suivi radiologique du site et des travailleurs, et convenu avec elle du restant des travaux à réaliser. La fin des travaux a fait l'objet, en juillet 2013, d'un rapport déposé par Areva au ministère des mines en août 2013 aux fins de délivrance d'un quitus.

Les contrôles radiologiques réalisés en fin de travaux ont montré des valeurs du même niveau que la radioactivité naturelle de cette zone. Nous tenons à signaler qu'une partie de ces terrains recèlent une radioactivité naturelle significative en raison de la présence d'indice d'uranium naturel en surface. (...)

Nous ne pouvons que regretter que le site de Bakouma ait été pillé. En ce qui concerne la sécurité et la santé des travailleurs, il est important de souligner que nos activités étaient des activités d'exploration. Tous les employés du site avaient des tenues de travail adaptées et bénéficiaient d'une sensibilisation régulière aux enjeux de sécurité au travail et de radioprotection. Areva avait mis en place un suivi radiologique des salariés et, conformément à la réglementation, le médecin disposait des résultats de ce suivi. Les doses moyennes reçues par les salariés entre 2009 et 2011 étaient comprises entre 0,18 et 0,85 mSv par an avec une dose maximale de 2,28 mSv. Ces doses sont largement inférieures à la limite réglementaire centrafricaine et internationale de 20 mSv par an.

Tous les résultats ont été transmis à l'ANR. Dans un rapport de mars 2013, l'ANR centrafricaine « confirme que les doses reçues par le personnel sont faibles et largement au-dessous des seuils réglementaires ». Entre 2008 et 2012, Areva a noué de nombreux partenariats avec la République centrafricaine, et a déployé une politique sociétale ambitieuse pour un montant de plus de 600 000 euros investis en faveur de l'accès aux soins, de l'éducation et du développement local. (...)

De plus, la Fondation Areva a apporté son soutien dans un projet de lutte contre le paludisme, mené dans l'agglomération de Bangui, à Bambari et Soda à partir de 2015 par l'association française Guira et en partenariat avec le gouvernement centrafricain qui a notamment assuré la sécurisation des opérations. Ce projet comprend une campagne de sensibilisation, la mise à disposition d'antiseptiques, antihistaminiques, antispasmodiques et petit matériel médical, et de 4 000 moustiquaires imprégnées.

Pinocchio, menace, marche arrière, film d'horreur

Wed, 30/11/2016 - 13:44
Pinocchio en blouse blanche

Évoquant une initiative américaine destinée à superviser les essais cliniques (dont dépend la mise sur le marché des médicaments), l'hebdomadaire britannique The Economist rappelle que dans ce domaine le vernis scientifique dissimule parfois les acrobaties statistiques les plus douteuses.

La moitié des essais cliniques n'ont pas réellement obtenu les résultats publiés. (...) Proportionnellement, les pires fraudeurs sont les gouvernements et les universités. En termes absolus, les coupables du plus grand nombre d'écarts sont deux géants du secteur pharmaceutique : Sanofi et Novartis, suivis du National Cancer Institute, une structure fédérale américaine.

« Tested, and found wanting », 5 novembre.

Menace

Un mois après un discours remarqué dans lequel elle promettait de faire du Parti conservateur « le parti des travailleurs », la première ministre britannique Theresa May a annoncé vouloir offrir aux entreprises le taux d'imposition sur les sociétés le plus faible du G20, suscitant l'alarme en Irlande.

Prenant la parole devant la CBI, l'une des principales organisations patronales britanniques, [Mme Theresa May] a affirmé que son objectif « n'était pas seulement d'afficher le taux d'imposition des sociétés le plus bas des pays du G20, mais également de proposer un système fiscal qui récompense l'innovation ». Les experts estiment qu'elle pourrait réduire l'impôt sur les sociétés à moins de 15 % [il était passé de 20 à 17 % début 2016], dans l'optique de protéger l'économie de son pays des soubresauts liés à une sortie de l'Union européenne. Réduire l'impôt sur les sociétés pourrait attirer des entreprises et remettre en cause le statut de l'Irlande comme destination favorite des grandes transnationales.

Joe Brennan, « Theresa May's retreat from Brexit ‘cliff edge' may cushion Ireland », Irish Times, 21 novembre.

Marche arrière

Le 14 novembre, Bogotá et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) ont rendu public un nouvel accord de paix après le rejet du premier lors du référendum du 2 octobre. Pour l'hebdomadaire communiste Voz, le document marque un recul considérable.

Le président [Juan Manuel] Santos et le chef de la délégation officielle à La Havane, Humberto de la Calle, ont déclaré que le nouvel accord était « meilleur que le précédent », mais les secteurs démocratiques avancent une autre analyse. Il s'agit en fait d'un pas en arrière, nécessaire pour sauver le processus de paix mis à mal par le résultat négatif du 2 octobre. (...) Désormais, l'accord ne bénéficie d'aucune garantie constitutionnelle, de sorte qu'il sera exposé aux contre-réformes que pourraient mettre en œuvre les prochains gouvernements. (...) Le nouveau texte mentionne par ailleurs le concept de « soutenabilité budgétaire » pour le financement de l'accord, mettant son application en danger si un jour le pouvoir exécutif alléguait un manque de ressources, réel ou non.

Carlos A. Lozano Guillén, « El “nuevo acuerdo” : El turno es para la implementación », 18 novembre.

Film d'horreur

Inflexibles défenseurs de la propriété privée contre les réquisitions d'appartements en Union soviétique, les pères fondateurs de l'Union européenne auraient-ils frémi à la lecture de cet article du New York Times  ?

Comptable à la retraite, M. Michalis Hanis a fidèlement remboursé le crédit immobilier de sa petite maison de la banlieue d'Athènes, où il vit depuis vingt-trois ans. Du moins jusqu'à l'éclatement de la crise grecque, il y a quelques années. Conformément aux mesures d'austérité exigées par les créanciers, le gouvernement a amputé sa retraite de 35 %. Et, comme celle du pays, sa dette gonfle. Il a désormais rejoint les rangs des dizaines de milliers de Grecs qui luttent pour sauver leur logement au moment où déferle une nouvelle vague d'expulsions et de manifestations. « C'est comme dans un film d'horreur, témoigne M. Hanis, 63 ans, qui tient grâce aux antidépresseurs et aux somnifères. La pression ne baisse jamais. Je veux juste protéger ma maison. » Les créanciers du pays [au premier rang desquels la Banque centrale et la Commission européenne] ont mis en demeure le gouvernement d'autoriser la vente aux enchères des biens appartenant aux débiteurs qui ne paient pas, et ce afin de collecter des milliards d'euros qui pourraient servir à renflouer les banques grecques chancelantes.

Niki Kitsantonis, « Greek Homeowners Scramble as Repossession Looms : ‘It's Like a Horror Movie' », 29 octobre.

Une situation saine en 2015

Wed, 30/11/2016 - 13:43

En 2015, le chiffre d'affaires du Monde diplomatique (11 499 000 euros) a progressé de 7,3 % par rapport à l'année antérieure (10 714 000 euros), une évolution d'autant plus satisfaisante que nous n'avons pas publié de hors-série comme cela avait été le cas en 2014.

L'amélioration de notre résultat financier tient largement à la forte croissance des recettes provenant de nos abonnements (+ 15,7 %), dont le nombre est en augmentation continue (83 127 en décembre 2015, contre 73 590 en décembre 2014). Cette progression ne s'est pas interrompue, puisque Le Monde diplomatique compte aujourd'hui plus de 88 000 abonnés. L'avantage financier est appréciable. D'abord parce qu'il ne s'agit pas, comme dans le cas de la plupart des magazines, d'abonnements à prix sacrifiés destinés à leurrer les annonceurs sur la popularité réelle du journal auquel ils achètent des espaces publicitaires. D'autre part parce qu'une proportion croissante de nos abonnés a choisi la voie du prélèvement automatique, ce qui nous permet d'économiser les frais des lettres de rappel.

Alors que les ventes au numéro de la quasi-totalité des organes de presse reculent de façon marquée depuis des années, Le Monde diplomatique s'est inscrit en rupture avec la tendance dominante. Nos ventes moyennes au numéro (France et international) sont passées de 61 702 exemplaires en 2014 à 73 591 exemplaires en 2015. Elles se sont stabilisées depuis.

En 2015, le nombre d'abonnés à nos archives électroniques a fortement progressé, passant de 13 620 à la fin de l'année 2014 à 21 489 un an plus tard. L'élan se poursuit puisque, fin octobre 2016, nous comptons 27 337 souscripteurs.

Les recettes diverses comprennent pour l'essentiel les droits de reproduction de nos éditions internationales, en recul (267 000 euros en 2015, contre 312 000 euros en 2014), et le produit de notre campagne de dons (276 000 euros). Grâce là aussi à la mobilisation de nos lecteurs, les aides à la presse profitent enfin au Monde diplomatique : 314 000 euros, accordés essentiellement parce que nous relevons des publications à faibles ressources publicitaires. « Faibles », ces dernières le sont en effet : elles ont rapporté 87 000 euros au journal en 2015, soit environ trois fois moins que les dons des lecteurs.

Concernant les postes de dépenses, la rédaction (salaires, piges, iconographie) représente 23,6 % du total, contre 22,4 % en 2014.

Les dépenses de distribution ont progressé avec la diffusion, mais aussi à cause d'une augmentation des tarifs postaux très supérieure à l'inflation.

Les dépenses de commercialisation ont, elles, été réduites de 15 % grâce à la rationalisation des outils, à la diminution des opérations de recrutement d'abonnements par voie postale et à la réduction du coût des relances de réabonnement.

Au total, en 2015, en raison principalement de l'augmentation de nos ventes et du soutien de nos lecteurs, notre résultat financier s'est considérablement amélioré. Cela consolide notre indépendance et nous permet à la fois de ne pas augmenter notre prix unitaire et de financer sans appel extérieur nos projets de développement (lire « Bien plus qu'un journal électronique »).

Toutefois, nous demeurons prudents : nous avons connu par le passé des résultats tout aussi spectaculaires, mais inverses. Même si rien n'indique qu'un tel retournement de tendance se dessine à nos dépens, les années électorales en France sont très peu favorables au développement de notre diffusion. Il nous reviendra donc là encore de surprendre…

Bien plus qu'un journal électronique

Wed, 30/11/2016 - 13:43

Pour Le Monde diplomatique, le progrès ne constitue pas une course derrière tous les possibles, mais la recherche parmi ces possibles du souhaitable et de l'utile. Permis par le soutien croissant de nos lecteurs, nos derniers développements s'inscrivent dans une histoire longue avec Internet. Au lieu de céder à la mode du commentaire éphémère ou du bourdonnement insignifiant, nous explorons les ressources de ce support au service d'une information plus complète, avec le souci de la mise en perspective. Dès 1995, nos articles furent disponibles sur la Toile — une première dans la presse française (1). Aujourd'hui, nos abonnés reçoivent non seulement leur mensuel imprimé, mais aussi bien davantage qu'un journal électronique.

Écoutez votre journal

Deux comédiens, Isabelle Rougerie et Arnaud Romain, nous prêtent désormais leurs voix. Chaque mois, ils font vivre une dizaine d'articles, soit près de trois heures d'enregistrement sonore. Nos reportages, enquêtes ou analyses lus sont disponibles le même jour que nos éditions électronique et imprimée, en général le dernier mercredi du mois, au plus tard le premier jour du mois de parution.

Issue du cours Florent et du Conservatoire national d'art dramatique, Isabelle Rougerie travaille pour le théâtre et la télévision. Également metteur en scène et chanteur, Arnaud Romain exerce davantage sa profession à la radio et au cinéma. Plus d'une centaine de leurs lectures sont déjà accessibles sur notre page « Journal audio ».

Les textes disposant d'une version sonore sont signalés par un symbole de haut-parleur situé sous le titre de l'article et à droite de la signature. Ils peuvent être écoutés en ligne ou en baladodiffusion (podcast). Pour les lire sur un baladeur, il suffit de télécharger chaque fichier au format MP3 ou de s'abonner à un téléchargement via un logiciel destiné à cet usage. Ce service est offert avec l'abonnement, sans supplément. Les lectures seront disponibles vingt-quatre mois, comme les textes.

Atlas, inédits et œuvres en ligne

Nos archives numériques, qui intégreront ces enregistrements, ont été enrichies depuis 2015 de la totalité des textes inédits parus dans les 150 numéros de Manière de voir, ainsi que des atlas et hors-séries publiés depuis plus d'une décennie. Plus de 2 200 textes, près de 400 cartes et graphiques viennent compléter le recueil des articles du mensuel, qui remonte à 1954. Ce corpus représente un volume de 42 700 articles et 830 cartes.

Depuis un an, également, les œuvres d'art et les photographies présentées dans l'édition imprimée apparaissent sur notre site, dont le style a été entièrement repensé. Le choix de l'épure qui le caractérise permet aux images d'ouvrir d'autres horizons en surgissant dans la pleine largeur de la page au cours du défilement, tout comme le texte rassemblé sur une seule colonne pour faciliter la lecture. Cette refonte graphique a été développée en interne grâce à des logiciels libres.

Une nouvelle édition en anglais

Notre réseau à l'étranger nous permet aujourd'hui d'être accessible en 20 langues et 37 éditions (dont 32 sur papier). Une nouvelle version du site destiné aux anglophones a été conçue dans le même esprit que son homologue en français. L'édition anglaise imprimée dispose également d'une nouvelle maquette permettant de mieux intégrer l'iconographie particulière de notre journal. Tandis que nos autres éditions étrangères ont chacune leur autonomie juridique, Le Monde diplomatique English Edition relève de l'édition française. Il nous permet d'élargir l'audience de nos idées dans le monde anglo-saxon. Nous incitons nos lecteurs francophones à le faire connaître à leurs amis anglophones en les y abonnant.

Les dons des lecteurs rendent également possible la constitution d'une base de données multilingue destinée aux universités, aux institutions et aux bibliothèques publiques. Après le français et l'anglais, plusieurs autres langues (espagnol, allemand puis portugais) devraient être accessibles en 2017 pour les abonnements collectifs et les étudiants du monde entier.

TypoDiplo, une référence typographique

Piégés par le mimétisme, la course à l'audience et à la rentabilité à court terme, nombre de titres de presse ont sacrifié le temps de la relecture, de la vérification et du recoupement de leurs informations. Nous avons fait le pari inverse. Chaque article que nous publions, lu par l'ensemble de l'équipe, est révisé au minimum par cinq personnes, dont deux correcteurs ou correctrices. Au fil des ans, le travail minutieux de ces derniers a conduit à compiler de très nombreux usages de la langue française, des règles de syntaxe à la transcription d'alphabets lointains. Rendre accessibles à tous les fruits de cette collecte grâce à un outil facile d'utilisation relève de l'intérêt général.

TypoDiplo regroupe les usages suivis au Monde diplomatique en matière de terminologie française, d'orthotypographie, d'écriture des noms étrangers… Il rassemble également des données originales sur tous les pays du monde.

Pour organiser ces éléments très disparates, nous avons imaginé une architecture permettant de s'approprier le site de trois façons : trouver instantanément une graphie via la fenêtre de recherche ; apprendre et comprendre en l'explorant de façon thématique, comme on utilise un manuel ; et naviguer par analogies grâce à une structure par mots-clics.

Étudiants, enseignants, curieux ou professionnels de l'édition devraient trouver là une référence, de quoi nourrir leur réflexion. Nous leur ouvrons l'envers du décor : les choix jamais innocents qui se présentent pour écrire et donner une représentation du monde. Incités à aiguiser leur regard critique, les visiteurs de ce site pourront réagir, pointer une contradiction et proposer d'autres solutions.

Sur le Zinc

Difficile aujourd'hui de se parler, s'écouter, se comprendre sans être détecté, suivi, calibré pour le supermarché des données. C'est pourquoi nous avons lancé Zinc, un réseau social indépendant qui fonctionne sur logiciel libre et permet de se retrouver entre lecteurs, entre amis du Monde diplomatique. Ce lieu reste par définition ouvert aux usages que chacun voudra en faire. On pourra bientôt y retrouver des rendez-vous, des conseils de lectures ou de sorties.

(1) Cf. Jean-Noël Jeanneney, « Les grandes heures de la presse — “Le Monde diplomatique” ouvre le bal sur la Toile », L'Histoire, n° 374, Paris, avril 2012.

Des temps obscurs, une ligne claire

Wed, 30/11/2016 - 13:43

Au cours des dernières années, deux tendances improbables, sur lesquelles nul ou presque n'aurait parié, ont vu le jour. Un vieux journal peu sensible aux modes, traitant sans trop d'ostentation de sujets difficiles, a reçu le soutien massif de ses lecteurs et lectrices. Leur mobilisation exceptionnelle a rétabli ses finances (lire « Une situation saine en 2015 »), assuré à moyen terme sa pérennité et permis la mise en chantier de nombreux projets de développement (lire « Bien plus qu'un journal électronique »). Îlot dans le fleuve gris de la presse française (lire « Critique des médias, vingt ans après »), ce journal est en ordre de bataille pour donner à comprendre les soubresauts du monde.

Parce qu'il combat depuis des décennies l'illusion d'optique intellectualiste qui prend Harvard pour l'Amérique et Sciences Po pour la France périphérique, le « Diplo » n'a guère été surpris par la montée en puissance d'un autoritarisme conservateur. Numéro après numéro, enquêtes, analyses et reportages en ont documenté l'ascension politique en divers points du globe. Face à cette nouvelle donne, des cris de vertu outragée conduiraient à une impasse. Mais, grâce à vous, Le Monde diplomatique dispose plus que jamais des moyens d'imaginer et de tracer une ligne claire. Celle qui ignore les indignations automatiques en même temps qu'elle refuse de céder à l'air du temps.

Aux racines de la débâcle

Wed, 30/11/2016 - 13:42
Philip Guston. – « The Line » (La Ligne), 1978 Hauser & Wirth, Zürich, London, New York

Lâché par les médias conservateurs mais soutenu par ceux de la « droite alternative » (lire « Triomphe du style paranoïaque »), M. Donald Trump, homme d'affaires sans expérience politique rendu célèbre par la télé-réalité, a remporté l'élection présidentielle américaine. Avec deux millions de voix de moins que son adversaire sur l'ensemble du pays, il doit sa victoire aux États-clés de la Rust Belt (« ceinture de la rouille ») qu'a délaissés Mme Hillary Clinton, jugée distante par les ouvriers blancs (lire « Comment perdre une élection ») et méprisante par les Américains peu diplômés (lire « La déroute de l'intelligentsia »). Hostile au libre-échange, à Wall Street, critiquant la vénalité du système politique, le franc-tireur socialiste Bernie Sanders aurait-il pu endiguer le phénomène Trump ? Les principaux journaux ont tout fait pour empêcher qu'un tel scénario se réalise (lire « Tir groupé contre Bernie Sanders »).

15e

Wed, 30/11/2016 - 13:42

Le mensuel de l'Université de Liège présente l'Observatoire Hugo, qui s'intéresse à la question des réfugiés climatiques et entend décrire les mouvements de populations dus aux dégradations de l'environnement. (N° 257, octobre, mensuel, gratuit. — Liège, Belgique.)

http://ulg.ac.be/le15jour

Anarcho-syndicalisme !

Wed, 30/11/2016 - 13:36

Poursuite d'une réflexion sur les Lumières, à travers l'histoire et dans le monde musulman d'aujourd'hui. (N° 151, octobre-novembre, 2 euros. — CNT-AIT, Toulouse.)

http://cntaittoulouse.lautre.net

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