Au camp de base logistique (© NGV / B2)
(B2 à Rukla) La présence avancée renforcée (« Enhanced Forward Presence » ou EFP) des pays de l’OTAN s’ancre peu à peu dans le paysage lituanien. Le système se rôde peu à peu. Et l’on prépare déjà la prochaine rotation, 2018.
Une partie du camp de Rukla – Lituanie (© NGV / B2)
Dans la base de Rukla, nombre de bâtiments ont déjà été rénovés. Mais les pelleteuses continuent de s’activer dans tous les coins pour étendre le camp et dresser de nouveaux bâtiments. Le gouvernement lituanien a prévu de consacrer une vingtaine de millions d’euros – avec l’aide de l’OTAN et des États-Unis – à moderniser et étendre ses casernements.
Les pelleteuses à l’action à Rukla (© NGV)
Détachement allemand à Rukla (© NGV)
Les Français, Tchèques et Croates devraient rejoindre ce bataillon en janvier. Mais certains éléments précurseurs seront là dans quelques semaines, dès décembre.
La logistique, élément primordial du déploiement de l’OTAN
A quelques centaines de mètres de la base de Rukla, le dépôt logistique… Véhicules de transports, grues, engins de levage, containers, réserve d’engins blindés ou de chars. C’est dans cet espace entouré de forêts, un rien boueux (mes chaussures s’en souviennent) qu’oeuvrent les hommes et femmes de la logistique. Sans eux, rien ne serait possible. « S’ils ne ne sont pas là, l’opération s’arrête à l’instant » confie un responsable. Tout le monde le sait. Mais inévitablement cela attire moins l’oeil que des chasseurs qui décollent, faisant vrombir les moteurs. Les journalistes et télévisions sont beaucoup moins nombreux à être présents.
Véhicules de transport lourd et engins grues
Les Belges fournissent notamment l’essentiel des moyens de transport lourd qui sont arrivés par la route au début de l’année. Les sept Scania porte-chars ou véhicules lourds ne chôment pas. Mais les six ALC (Automatic Load Carrier) et les deux Astra 12 tonnes — qui peuvent transporter des containers – et leurs sept petits frères Astra de 8 tonnes, ainsi que les six Unimog ne sont pas en reste. « Nous sommes tous les jours sur la route », nous confie un officier, « notamment pour acheminer les engins vers les lieux d’entraînement » — les véhicules chenillés ne peuvent pas passer sur les routes lituaniennes.
Char Leopard sur véhicule (© NGV)
Un savoir faire belge apprécié
« Peu de pays ont des véhicules lourds de transports ». Et le savoir-faire belge semble apprécié des autres nationalités. Les premiers éléments arrivés en janvier ont assuré des navettes régulières vers le port de Klaipeida pour récupérer le matériel qui arrive dans des containers par voie maritime ou par voie aérienne à l’aéroport de Kaunas. Et, à chaque rotation, les mouvements sont plus intenses. Le principal camp, Pabrade, situé non loin de la frontière biélorusse, est en effet à deux heures de route de là (trois heures avec un moyen lourd). Et les militaires des pays de l’OTAN vont régulièrement s’y entraîner. Le gros avantage de ce camp sur ceux que connaissent les militaires : un grand champ de tir, « plus profond que ce qui existe dans nos pays » témoigne un officier, et une petite zone urbaine reconstituée. C’est aussi le seul centre d’entraînement en combat urbain dans les pays baltes, comme le revendiquent (fièrement) les Lituaniens.
Convoi routier (Crédit : MOD Belgique)
Une cinquantaine de militaires belges, essentiellement du 4e bataillon logistique de Marche-en-Famenne (1), forment l’ossature de la compagnie logistique du bataillon multinational déployé en Lituanie, intégrant des éléments luxembourgeois. Les Allemands (du 371e bataillon d’infanterie mécanisée) et Néerlandais (du 42 bataillon d’infanterie) composent le reste de la compagnie. Encore quelques semaines, le temps d’apercevoir les premières neiges, et de sortir de la boue, et ils seront de retour au pays. Ce sont les Allemands qui prendront alors le relais sur l’aspect logistique.
(crédit : MOD Belgique)
Les Belges ne devraient cependant pas rester longtemps absents de Lituanie, le ministre de la défense Steven Vandeput nous l’a confirmé dans un entretien (lire : Tous les investissements, nous les ferons en coopération (Steven Vandeput) : la Belgique devrait fournir une compagnie de combat et différents éléments à partir de septembre 2018 (environ 230 hommes), à ajouter à la présence des avions F-16 belges qui participeront à la Baltic Air Policy, la surveillance du ciel balte effectuée à tour de rôle par les pays de l’OTAN, à partir de la base aérienne de Siauliai.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Le détachement belge logistique comprend 44 militaires du 4e bataillon logistique de Marche-en-Famenne, deux du groupe de contrôle des mouvements et quatre du groupe de communication et de systèmes d’information de Peutie, deux policiers militaires d’Evere, un élément médical d’intervention de Lombardsijde. Soit 55 soldats, officiers et sous-officiers.
(2) Le Bataillon logistique est en filiation directe avec les premières unités logistiques qui ont été créées en 1830 pour soutenir les unités d’artillerie. Comme leurs homologues françaises, elles prennent alors le nom de « compagnie du train ». Elles acquièrent leur autonomie de l’artillerie après la guerre de 1870 qui oppose Français et Prussiens. Durant la seconde guerre mondiale, nouvelle évolution, les Belges servent au sein du Royal Army Service Corps (RASC) créé en 1942, et ils sont intégrés dans la Brigade Piron (l’équivalent pour les Belges de la 2e DB du général Leclerc)
Transfert des pirates suspects aux Seychelles par les forces européennes (crédit : Thomas Meriton)
(B2) Les six pirates somaliens arrêtés par la marine italienne, dans le cadre de l’opération EUNAVFOR Atalanta, le 19 novembre ont été transférés aux Seychelles. Les suspects, âgés de 16 à 24 ans, sont arrivés aux Seychelles, jeudi matin (23 novembre) au port de Victoria. Un transfert effectué en vertu de l’accord signé avec l’Union européenne. Reste à ce que le procureur engage les poursuites. « Les poursuites dépendront des preuves analysées par le bureau du procureur général », a souligné le commissaire par intérim de la prison de Montagne Posée, Raymond St Ange, selon l’agence Seychelles News Agency. Le nombre de pirates détenus dans l’archipel s’est largement réduit depuis le pic de la piraterie entre 2009 et 2012. Il ne sont plus que 15 dans la prison de l’île.
(B2) Le cours de fouille opérationnelle (Operational Search Course) délivré par EUTM Mali s’est terminé le 17 novembre 2017, au centre de formation de Koulikoro (KTC). D’une durée de six semaines, cette formation avait pour objectif de permettre à une section du 26ème bataillon de génie, basé à Ségou, d’améliorer ses techniques de tir, de réaction au contact, de premiers soins, de lutte contre les engins explosifs improvisés (IED) et de procédure radio. Le but final étant pour les Forces armées maliennes (FAMa) de disposer de troupes formées et spécialisées dans la fouille et la neutralisation d’IED, particulièrement nombreux dans le pays. Les soldats maliens ont ainsi eu l’occasion de s’entrainer sur de nouvelles techniques leur permettant d’anticiper, de détecter et de réagir à ces explosifs. Ces notions ont ensuite été mises en pratique sur le terrain avec l’appui des entraîneurs de l’EUTM, les élèves devant faire face à des situations réalistes.
Annonce pour le « defence summit » avec le vice-président de Raytheon en guest star (crédit : EBS)
(B2) Après être restée dans les limbes, la défense européenne devient aujourd’hui très « tendance ». Etre à Bruxelles et ne pas s’y intéresser est un peu « has been ». Et certains s’encourent donc aujourd’hui de s’y intéresser ou le feignent. Témoin la réunion organisée à Bruxelles le 4 décembre par European Business Summit intitulée ni plus ni plus moins « European Defence Industry Summit » pour discuter « des tendances actuelles en matière de sécurité et du futur de l’industrie européenne de défense ».
Des Européens invités pour la galerie
Une séance qui sera ouverte – c’est normal – par trois des personnalités les plus impliquées dans ce projet, Federica Mogherini, la Haute représentante de l’UE, et Jorge Domecq, le directeur de l’agence européenne de défense, Elzbieta Bienkowska, la commissaire en charge de l’Industrie. Cela c’est pour la galerie… Pour les choses sérieuses, les organisateurs ont préféré les confier à des « gens sérieux », avec le soutien de l’ATA, l’association du traité atlantique.
… et les Américains trustent la parole pour les choses sérieuses
Autrement dit trois industriels américains — Raytheon, UTC et Bell — seront là non seulement pour financer l’évènement (sponsors) mais seront bien présents aux trois tables rondes (respectivement Chris Lombardi, Rudy Priem et Michael Thacker). Pour parler à cette conférence, il faut payer… Aucun industriel européen, bien entendu, n’a été invité à s’exprimer… (1). Pas assez sérieux sans doute ou pas assez riches ?
Quelques sous-ministres ou conseillers de pays très « US friendly » (Bulgarie, Lituanie, Suède…) sont là pour donner un vernis institutionnel à la chose… Aucun représentant des pays de l’Ouest, les plus impliqués dans le noyau industriel européen n’a bien sûr été invité (2). Normal… Cela permet d’éviter toute contradiction.
Et, pour animer le tout, trois journalistes, réputés de médias américain ou britannique (The Times, Financial Times, Wall street journal). Ce sont eux qui connaissent le mieux les affaires européennes (enfin surtout financières pour les deux derniers). Normal…
Influencer la politique européenne
Quant à l’objectif de la conférence, il reste confus. Mais de façon sous-jacente le message est très clair. La défense européenne est quelque chose de sérieux, trop sérieux pour que s’en occupent les Européens tout seuls, laissez les Américains le gérer ou vous équiper… Et n’oubliez pas : collect money and … buy american. Un évènement organisé, et financé, qui n’a en fait qu’un seul objectif : influencer et diviser les Européens. On est très loin de l’objectif affiché et recherché aujourd’hui qui est la construction, ensemble, d’un modèle industriel européen et son renforcement (3).
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Contrairement à l’évènement organisé chaque année – la conférence annuelle de l’Agence européenne de défense qui tient ses promesses de réunir le gratin de l’industrie européenne de défense. Le « European business summit » a clairement l’ambition de « concurrencer » cet évènement organisé, juste quelques jours plus tôt (ce 23 novembre).
(2) Mis à part le ministre belge Didier Reynders, qui clôture l’évènement, mais vient plutôt en local de l’étape qu’en intervenant véritable.
(3) Entendons-nous les États-unis sont un modèle intéressant en matière de défense. Et cela mérite toute une attention politique, académique, médiatique. C’est un véritable modèle performant : avec son fonds de soutien et de formation, son tissu industriel développé, ses règles d’exportation assez rigides comme ses règles permettant de limiter l’export de technologies et… sa claire préférence commerciale (ultra protectionniste et très peu libre échangiste). Que sous prétexte d’Europe, on refourgue le concept « America first », est pour le moins détonnant et proche de l’illusion mensongère.