Le président Emmanuel Macron et le Cheikh Tamim ben Hamad al Thani à Doha (crédit : Elysée)
(B2) L’émirat qatari a signé successivement plusieurs contrats militaires ces derniers jours avec au moins deux pays européens — la France et le Royaume-Uni.
Jeudi (7 décembre), à l’occasion d’une visite du président français Emmanuel Macron à Doha, l’émirat a levé l’option pour 12 avions français Rafale de plus (à ajouter aux 24 déjà commandés) et mis une option supplémentaire sur 36 autres avions. Le Qatar a également signé une lettre d’intention pour l’achat de 490 véhicules blindés de combat et d’infanterie (VBCI) à l’industriel terrestre Nexter (qui appartient désormais au groupe franco-allemand KNDS).
Dimanche (10 décembre), le secrétaire britannique à la Défense, Gavin Williamson, et son homologue qatari, Khalid bin Mohammed al Attiyah, ont supervisé la signature pour l’achat de 24 avions Typhoon/Eurofighter à BAE, suivant une déclaration d’intention signée en septembre, et de missiles Brimstone et Meteor, au groupe franco-britannique MBDA ainsi que des Paveway IV de l’usine britannique de Raytheon. Le tout pour un montant d’environ 6 milliards £. Cet accord comprend également un ensemble de formation et de coopération entre les forces aériennes et une lettre d’intention pour l’achat de 6 avions d’entrainement Hawk.
A noter que : le ministère de la Défense du Qatar avait annoncé, en juin, la signature d’un contrat d’achat de 36 avions Boeing F-15 pour une valeur de 12 milliards $ ; le Pentagone ayant autorisé la vente au Qatar de 72 avions pour une valeur d’environ 21 milliards $.
Une diplomatie du carnet de chèques
Commentaire : une sorte de diplomatie du carnet de chèques pour le petit émirat, aux prises avec un terrible conflit diplomatique avec son grand voisin, l’Arabie Saoudite. On peut voir trois objectifs dans ces achats en rafale. Il s’agit, premièrement, de faire rayonner l’émirat et de s’assurer de solides amitiés parmi les principaux pays européens (et dans le monde). Ensuite, il s’agit de montrer à l’Arabie Saoudite (le grand concurrent régional) que le Qatar est aussi puissant que lui (il s’agit d’aligner le même nombre d’avions sur le Tarmac). Enfin, cela permet de se constituer une armée de l’air moderne. Mais cela paraît presque un détail car rassembler autant d’avions assez différents, qui sont tout autant concurrents que réellement complémentaires, n’est pas tâche aisée. Le résultat risque d’être largement hétéroclite et pas très efficace au point de vue militaire. Mais l’important ne semble pas être là.
La liste qui sera approuvée par les États membres ne devrait pas comporter de grand projet industriel comme l’A400M mais compte néanmoins quelques projets utiles au plan opérationnel comme capacitaire (crédit : DICOD / EMA – Archives B2 – l’arrivée du 12e A400M baptisée par les lances à incendie de la BA d’Orléans)
(B2 – EXCLUSIF) Le 11 décembre prochain, entre 23 et 25 gouvernements de l’Union européenne (1) devraient mettre leur signature au bas d’une décision destinée à lancer la « Coopération structurée permanente ». Autrement dit « l’Union européenne de sécurité et de défense » (2).
Cet acte, essentiellement politique – une union plus étroite en matière de défense avec l’engagement de faire davantage – va s’accompagner du lancement d’une quinzaine de projets capacitaires ou opérationnels, visant à renforcer la capacité des pays européens à agir de façon coordonnée (soit au sein de l’UE, soit au sein de l’OTAN, soit en multinational).
Une liste intéressante…
B2 a obtenu, en avant-première, la liste de ces projets, qui est à regarder avec attention. On n’y retrouve pas les projets actuels déjà lancés en multinational (satellite gouvernemental, ravitailleurs en vol, drone MALE) ou en binational (avion de combat franco-allemand, coopération navale belgo-néerlandaise ou terrestre germano-néerlandaise). Mais, il n’y a pas – comme on pouvait le craindre – que des projets « trop techno » ou d’une envergure réduite, qui n’auraient sans doute pas permis d’illustrer le coté « avant-garde » de la PESCO.
Quelques renforcements opérationnels
Certes ce n’est pas la révolution. Et il faut vraiment avoir l’esprit relativement tordu pour y voir les prémices potentiels de l’armée européenne. Mais on peut noter dans cette liste quelques projets particulièrement ambitieux d’un point de vue opérationnel : le commandement médical européen — qui pourrait être aux services de santé ce qu’est EATC pour l’aviation de transport — et le hub logistique (3), le dispositif de réaction de crises (CROC) ou de soutien aux secours de catastrophes.
… un zeste de partenariat
Un projet est particulièrement emblématique de la coopération civilo-militaire UE-OTAN puisqu’il figure à la fois sur la liste des projets PESCO et sur celle adoptée aujourd’hui des projets de coopération OTAN-UE, impliquant tant les États membres ou l’Alliance atlantique que la Commission européenne et l’Agence européenne de défense. Il fait, en effet, davantage intervenir des aspects réglementaires, économiques ou politiques que proprement techniques ou militaires.
… et une pincée de capacitaire
Au plan capacitaire, les projets de véhicules blindés, de drones sous-marins ou d’équipes cyber de réaction rapide peuvent être particulièrement remarqués.
A noter : les noms définitifs des projets comme les pays participants à tous les projets doivent encore être précisés. La liste publiée ci-jointe est extraite de l’article publié en avant-première sur le site de B2 Pro
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) 23 Etats membres ont déjà signé la notification commune, les gouvernements portugais et irlandais ont indiqué leur intention de rejoindre cette notification mais ils doivent encore obtenir l’accord de leur parlement respectif. De fait, tous les pays de l’Union européenne excepté le Danemark (en raison de son opt-out juridique), le Royaume-Uni (du fait du Brexit) et Malte auront ainsi marqué leur désir de faire partie de cette « union plus étroite » en matière de défense.
(2) Comme ses initiateurs l’avaient appelé dans les années 2000 (lire : L’Europe est capable de nous surprendre. Juncker) et comme continuent de l’appeler (à juste titre) différents responsables politiques tels J.-.C. Juncker l’actuel président de la Commission européenne, ou Ursula von der Leyen (lire : « Nous devons mettre les cartes sur table, penser et agir en Européens » (Ursula von der Leyen).
(3) Deux projets qui figuraient déjà dans la lettre franco-allemande signée à l’été 2016 par les ministres français (Jean-Yves Le Drian) et allemand (Ursula Von der Leyen)
NB : en cas de citation ou reprise partielle de cet article, merci de référencer B2 ou Bruxelles2. ainsi que le site.