Une force de maintien de la paix déployée en Ukraine, à côté ou aux côtés des observateurs de l’OSCE ?
(B2) C’est une demande récurrente du gouvernement ukrainien, et notamment de son président. A chacun de ses déplacements et rencontres, Petro Porochenko insiste sur sa volonté de voir déployer une mission de maintien de la paix de l’ONU dans le Donbass. Ce devrait être encore le cas lorsqu’il rencontrera ce lundi la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini en visite à Kiev. Le service de presse du président ukrainien a en effet annoncé que « Au cours de la réunion, les questions relatives à la sécurité dans le Donbass et des perspectives de déploiement d’une mission de maintien de la paix de l’ONU pour appuyer la mise en œuvre des accords de Minsk seront discutées ».
Le jeu du chat et de la souris
Dans ce domaine, Moscou et Kiev jouent un peu au chat et à la souris. Au début de la crise, Kiev n’était pas très chaud à une force de maintien de la paix, estimant pouvoir reprendre par la force les territoires perdus. Puis s’est ravisé. En février 2015, Porochenko a annoncé une initiative pour obtenir une force de maintien de la paix demandant à l’Union européenne de déployer des forces sur la frontière. Une manière selon les analyses de retarder le processus de Minsk (Lire : Je veux des policiers européens sur la frontière avec la Russie, dit Porochenko. Chiche ?). Au niveau européen, personne n’a vraiment relevé le défi. Dire que la proposition a été reçue fraichement lors de la réunion ministérielle, tenue à Riga à l’époque, est assez optimiste (lire : La proposition Porochenko d’une mission de paix de l’UE en Ukraine : gentiment mise de côté).
Poutine d’accord si la force de paix sacralise la frontière
Moscou a fait la sourde oreille, puis, à son tour, s’est ravisé. Le 5 septembre dernier, Vladimir Poutine a joué la surprise. S’exprimant lors du sommet des BRICS en Chine, il a indiqué qu’il n’y aurait « rien de mauvais » à déployer des forces de paix en Ukraine… Au contraire, cela peut être « bénéfique » à une résolution du conflit, comme l’indique Rfi. Mais il y met une condition : que cette force ait uniquement pour rôle d’assurer la sécurité des observateurs de l’OSCE. C’est-à-dire se déploie sur la ligne de front, et non pas les zones tenues par les rebelles au pouvoir de Kiev. En gros, la force de paix sanctuarisait ainsi la ligne de front, dans une ligne de démarcation.
Le soutien de l’Allemagne et de la Suède…
On ne peut pas dire que cette initiative ait suscité un enthousiasme folichon tant d’un point de vue politique que militaire, même chez les pays soutiens de l’Ukraine. Certes l’Allemagne a assez vite indiqué son soutien à cette idée. L’ancien ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, en visite à Kiev début janvier, a bien indiqué qu’une « mission de maintien de la paix de l’ONU armée et solide » pour obtenir un cessez-le-feu dans toute l’Ukraine déchirée serait une « solution raisonnable » comme le rapporte la Deutsche welle.
Paroles… paroles
Même si Porochenko proclame régulièrement « recevoir de plus en plus de soutiens de nos partenaires », ces soutiens restent encore théoriques. Le problème de ces prises de position est qu’elles restent déclamatoires. Elles surviennent, généralement lors d’un voyage à Kiev. Revenus dans leur pays, les proclamations perdent souvent un peu leur lustre. Ou alors les pays y mettent de telles conditions que leur engagement est factice. Le ministre suédois de la Défense, Peter Hultqvist, s’est ainsi fendu d’un soutien vibrionnant, à écouter certains augures ukrainiens. Mais quand on regarde de plus près. Cette position est remplie de « Si ». « If we see the right conditions and if we see that this mission can help … then we are open to that, […] We are not there yet, but it is something positive. » Il met notamment une condition principale : que la Russie et l’Ouest soient d’accord, indique la Deutsche welle. Autrement dit : circulons…
Le lobbying de Rasmussen
L’ancien secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, désormais consultant international et lobbyiste en chef pour le président ukrainien (1), n’en démord pas. Il a commandé un rapport en septembre 2017, rédigé par le chercheur Richard Lowan, et publié fin janvier (télécharger ici) prônant une force de maintien de la paix dans le Donbass, autour de quatre idées :
Des chiffres qui donnent le tournis
Les chiffres donnent le tournis. Certes, ils sont réalistes pour l’efficacité de la force. Mais ils sont fantaisistes quant à la praticité politique. Comment la Finlande, la Suède et l’Autriche, même avec le renfort de pays d’Amérique latine (comme proposé), pourraient fournir 20.000 hommes pour aller en Ukraine ? Le tout sans le soutien d’aucun des pays de l’OTAN. Comment l’UE pourrait mettre sur pied une force de 2000 à 4000 policiers ? C’est-à-dire un volume supérieur à la mission au Kosovo, pour un territoire beaucoup plus vaste, et un peu plus dangereux. On peut rêver…
Une proposition pas vraiment étudiée par les Européens
En fait, depuis 2015, malgré les apparences et l’agitation politique, rien n’a bougé au niveau européen. La question n’a pas été évoquée au sein du comité militaire de l’UE. Le général Kostarakos le remarquait, amèrement, d’ailleurs face à des députés (lire : L’Union européenne aurait-elle renoncé à ses outils de ‘hard power’ ? (Kostarakos)). De plus, d’après nos informations, aucune option de planification n’a été mise sur pied, ni même des directives pour une quelconque première option de planification, n’ont été données aux structures de gestion de crise par la Haute représentante. Dans les rangs de l’Union européenne, il semble bien n’y avoir eu aucun approfondissement de cette question, à quelque stade que ce soit. Une question de réalisme ?
Qui veut aller mourir pour Louhansk ?
Tout le monde sait que ce déploiement dépend de la volonté russe… et européenne. Moscou a montré dans le conflit syrien que son droit de veto au conseil de sécurité des Nations unies n’est pas théorique. Et même si ce veto pouvait être surpassé, ce serait au prix de conditions et de contorsions qui pourraient rendre le déploiement peu utiles. Au niveau pratique, peu d’États européens ont envie d’envoyer des troupes sur place, jouer au punching ball dans une mission qui pourrait bien s’enliser, sans avoir les moyens d’imposer la paix.
Commentaire : on peut souhaiter l’établissement d’une force de maintien de la paix pour faire taire les armes dans l’Est de l’Ukraine. Mais ce ne serait pas du maintien de la paix en l’occurrence, mais de l’imposition de la paix. A moins que Moscou soit d’accord pour faire taire les armes, donner l’ordre à ses troupes de se retirer, à ses affidés de reposer les armes. Il faudrait alors lui donner certains gages importants pour espérer que cette force puisse réussir cette mission. Est-ce jouable aujourd’hui. Pas sûr…
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Nb : personne ne s’offusque de voir l’ancien secrétaire général de l’OTAN en position de lobbyiste (là où les mêmes poussent des cris d’orfraie quand il s’agit d’ex-membres de la Commission européenne). Il est vrai que durant son mandat, il avait déjà mené une active campagne en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’organisation euro-atlantique, et a été toujours en faveur d’une politique « dure » vis-à-vis de Moscou.
Télécharger la note d’analyse du parlement européen
(B2) Dominika Egorova, une jeune ballerine russe voit sa carrière interrompue suite à un accident. Son oncle Ivan, soucieux de son avenir…, la recrute pour les services secrets russes. Elle devient un « moineau », éduquée à la dure, dans l’école publique IV, une école spéciale des services et entraînée à faire de la manipulation psychologique.
Sa mission principale : démasquer le traitre qui, au sein du gouvernement russe, révèle des secrets d’État aux Américains. Elle est chargée d’approcher l’officier traitant américain, qui a quitté Moscou précipitamment pour Budapest et sa piscine olympique qui sert de lieu d’échange. A coups d’intox réciproques et de courses-poursuites amoureuses, dans la capitale hongroise, à Vienne ou à Londres, on ne sait qui de Jennifer Lawrence (alias Dominika Egorova) et Joel Edgerton (alias Nate Nash) manipule qui.
Dans les coulisses, l’acteur belge Matthias Schoenaerts (alias Ivan Egorov, l’oncle légèrement vicieux) et la Britannique Charlotte Rampling, excellente dans le rôle de la Matron, la directrice de l’école d’espionnage, jouent merveilleusement leur rôle de tireurs de ficelles. Mais celles-ci, parfois, leur échappent. Même la fin, digne des plus beaux échanges d’espions, laisse planer le doute sur le sens de la manipulation.
Retour à la réalité
Un excellent thriller sur fond géopolitique, tiré du roman éponyme de Jason Matthews, lui-même un ancien agent de la CIA, où on se demande souvent quelle est la part de réalité et de fiction. A l’heure où le Royaume-Uni renoue, dans une ambiance de guerre froide, avec la (tentative) d’assassinat de Sergueï Skripal (1), on se demande si cette réalité… n’est pas la suite du film.
Sortie : le 21 mars en France, déjà sur les toiles en Belgique…
(1) Cet ex-espion russe, qui avait fait défection, et était passé au service de Sa Gracieuse Majesté, avait été libéré en 2010, se trouvait dans un état critique ainsi que sa fille Yulia venue lui rendre après avoir été empoisonné, dimanche dernier (4 mars), par un agent innervant tellement puissant qu’il a aussi atteint le policier venu leur porter secours. Deux réunions successives en format ‘Cobra’ du gouvernement ont eu lieu. Et le gouvernement promet de porter l’affaire devant l’Alliance atlantique.
(B2 avec AFP) Benoît Hamon et son mouvement Génération-s (1) ont lancé samedi depuis Naples, avec d’autres formations progressistes, un appel pour créer la « première liste pan-européenne transnationale » en vue des élections européennes de l’an prochain, convaincus qu’il y a « une alternative » à l’austérité.
« Nous n’avons pas choisi Naples par hasard » avec le maire de la ville Luigi de Magistris, l’ex-ministre grec des Finances Yanis Varoufakis et « l’ensemble des citoyens, élus, militants venus de toute l’Europe pour se retrouver pendant deux jours et lancer un appel aux européens » en vue du scrutin du printemps 2019, a expliqué Benoit Hamon dans un message vidéo sur sa page Facebook.
Contre l’austérité
« Un appel qui commence par dire que nous croyons qu’il y a une alternative aux politiques d’austérité actuelles, face aux Emmanuel Macron, Angela Merkel, à Jean-Claude Juncker, face à cette vraie droite et cette fausse gauche qui prétendent qu’il n’y a pas d’alternatives« , a-t-il poursuivi « Nous voulons incarner une alternative européenne sur la question écologique, sur la question sociale, sur la question des réfugiés« .
Avec une coopération européenne
Et d’insister sur le mot « européenne » face à ceux qui « prétendent qu’il n’y aurait qu’une solution nationale à la crise européenne. Nous ne voulons pas de cette solution qui unifie les crises. […] Nous croyons à la coopération plutôt qu’à la compétition. »
Un mouvement transnational avec un programme
« Nous avons mis en œuvre une gouvernance de ce nouveau mouvement transnational européen qui a été créé aujourd’hui (samedi) à Naples. Nous avons mis en œuvre un programme, un agenda et ce nouveau mouvement va se projeter vers l’avant« , a encore ajouté l’ancien candidat à la présidentielle. Les formations à l’origine de cet « appel de Naples », qui se présentent comme progressistes, écologistes ou encore féministes, entendent s’appuyer sur un « manifeste traçant une voie claire vers une Europe démocratique, écologique, égalitaire et ambitieuse« , selon le texte de leur appel commun.
Les participants, parmi lesquels devaient aussi figurer des représentants du parti politique polonais Razem, de The Alternative (Danemark) ou encore de Livre (Portugal), présenteront leur manifeste d’ici juin avant une tournée dans les capitales européennes. L’appel, en anglais, estime que l’Europe, laissée à l’establishment, « va continuer à avancer comme un zombie vers une impasse. Mais nous pouvons faire bien mieux, ensemble. Les prochaines années vont déterminer si la génération actuelle et celles à venir regarderont l’Europe comme une source de torpeur ou une source de promesse« .
Fin janvier, MM. Hamon et Varoufakis, fondateur du mouvement européen Diem 25, avaient expliqué que même s’il n’y aura pas à proprement parler de listes transnationales pour les prochaines européennes, il s’agissait de faire travailler ensemble différentes listes nationales. Celles-ci soutiendront un candidat commun pour la présidence de l’UE et les députés élus sous cette bannière formeront un nouveau groupe au Parlement européen, avaient-ils indiqué.
(avec AFP)
(1) dont font partie les eurodéputés Isabelle Thomas et Guillaume Balas
crédit photo : Génération-s (twitter)
(B2) Une polémique, aussi démesurée que stérile, s’est développée autour des modalités de la désignation du nouveau secrétaire général de la Commission européenne, Martin Selmayr. C’est l’opinion de notre chroniqueur Jean-Guy Giraud.
Certains organes de presse – d’habitude mieux inspirés – ont entrepris de transformer en ‘affaire d’État’ une procédure administrative qui – pour avoir été peut-être précipitée et mal menée du fait des circonstances – n’en demeure pas moins assez classique. ‘L’affaire Selmayr’ agiterait à présent certains milieux parlementaires européens – avant d’être, sans doute, soumise à l’examen du Médiateur …(lire : L’affaire Selmayr devient politique. Les socialistes agitent la menace d’une motion de censure).
Il peut donc être utile de proposer ici quelques remarques visant à re-cadrer cette question dans un contexte plus large :
D’une part, les secrétaires généraux occupent une place à part dans l’organigramme des institutions européennes . Ils sont, de fait, considérés ‘hors cadre’. En raison de la nature de leurs fonctions, leur choix diffère des procédures normales de promotion/nomination des fonctionnaires du “cadre”. Il est de facto laissé à la discrétion du Président, sous réserve de l’accord de l’organe politique de l’Institution. On retrouve des situations et procédures de ce genre dans la plupart des États membres.
D’autre part, dans ce choix, les considérations de capacité professionnelle, d’expérience, d’autorité, d’indépendance, de motivation et d’engagement européen doivent l’emporter sur toutes autres relatives par exemple à la nationalité, l’inclination politique ou même, au genre. Dans le cas considéré, il semble bien que le nouveau secrétaire général soit pourvu de ces qualités (1).
Enfin, il serait inopportun et irresponsable de déstabiliser une Institution telle que la Commission pour une affaire individuelle, administrative et interne de ce type. Dans la situation actuelle de l’UE – « malade de ses États membres” – la solidité et la réputation de l’exécutif ne doivent pas être remis en cause pour des motifs non-essentiels. Son rôle supérieur de gardien des Traités, de moteur et de permanence du projet européen ne doit pas être altéré par ce type d’”affaire” qui, en toute hypothèse, doit être réglé en interne (2)
Dernier point. On peut remarquer que, dans une certaine mesure, cette “affaire” a été l’occasion – notamment pour les syndicats de la fonction publique européenne – de soulever un grief plus général et légitime : celui de la politique de promotion aux grades élevés (DG et D) des Institutions (notamment à la Commission et au Parlement). Cette politique est parfois accusée de déviance du fait de la prise en considération de critères exogènes tels que la nationalité, l’affiliation politique ou la proximité avec des membres des organes dirigeants. Il s’agit là d’une vraie question qui mérite en effet d’être traitée – dans son contexte, différent de celui des secrétaires généraux.
(Jean-Guy Giraud) Les opinions de l’auteur n’engagent que lui-même même si nous pouvons en partager certains aspects – titres et intertitre sont de la rédaction Crédit photo : présidence bulgare de l’Union européenne 2018
(B2) Lorsqu’on ne veut pas travailler au bureau ni chez soi, on pratique le « nomadisme », ou l’art de s’installer pour quelques heures dans un lieu public doté d’un wifi gratuit, avec son ordinateur portable et le strict minimum de documents en papier. Bruxelles est riche en bars, salons de thé ou autres, qui veulent bien vous accueillir pour quelques heures.
Capoue est un bon choix pour le travailleur nomade car sa clientèle privilégiée sont les enfants, après l’école — on évitera donc à tout prix le mercredi après-midi et le weekend si on veut y travailler au calme. Pendant que les enfants sont à l’école, le glacier bruxellois sera ravi de vous y recevoir autour d’une tasse de (vrai) chocolat chaud ou d’un café spécial. « Les travailleurs nomades sont les bienvenus chez nous », nous ont assuré les propriétaires.
Dangereusement régressif
Mais tant qu’on y est, pourquoi ne pas se laisser tenter par un des nombreux desserts de la carte, dangereusement régressifs : le Stoefer (brownie, glace à la vanille et coulis de chocolat), la Gaufre of Thrones (gaufre de Liège, glace au spéculoos, chantilly et coulis de chocolat), le Haut crumble trois pommes (glace vanille, crumble maison, pommes caramélisées et coulis de caramel au beurre salé), ou le plus régressif de tous à essayer après tous les autres car il faut un peu d’entraînement : le Dikkenek (crêpe, glace cookie, glace chocolat blanc, morceaux de brownie, coulis de chocolat et éclats de M&M’s). Diabétiques s’abstenir !
Un goûter énigmatique
Le goûter le plus énigmatique reste le Tire ton plan : un sandwich à trois étages de gaufres de Bruxelles, Nutella, glace vanille, glace au chocolat, coulis de chocolat et chantilly. Comment le mange-t-on ? Justement : « Tire ton plan ! » (« débrouille-toi, en argot bruxellois). Bien d’autres bombes de sucre sont à découvrir chez Capoue, pour retomber délicieusement en enfance.
Le confort avant tout
Capoue a fait sa mue pour ses 70 ans d’existence. L’année dernière, les nouveaux propriétaires (deux jeunes papas) ont bien compris l’énorme potentiel de leurs salons de Bruxelles pour y prendre son goûter, une habitude bien francophone. Le décor a été refait et le résultat est magnifique : parquet et tables en bois, canapés et fauteuils en cuir, éclairage soigné. C’est cosy et calme en journée.
Un menu complètement revu
Le menu a été également revu grâce au recrutement d’une pâtissière maison, Sybille, qui signe tous les gâteaux, y compris les délicieux cookies. Côté glaces, Capoue reste un excellent glacier artisanal basé à Huy, en Wallonie, qui travaille avec des produits frais et naturels. Il y a plusieurs salons dans Bruxelles, dont certains franchisés.
(Hughes Belin)
journaliste et blogueur sur foodie.brussels
Crédit photos : Capoue
(B2) Les socialistes français au parlement européen ont décidé de faire de l’affaire Selmayr un ‘dossier politique’. La cheffe de la délégation, Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, eurodéputée d’Ile-de-France a pris la tête de l’offensive.
Elle a fait partir ce jeudi (8 mars) une lettre adressée à Jean-Claude Juncker comme à la médiatrice européenne, Emily O’Reilly, plutôt salée. Ce n’est pas la première lettre envoyée par Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy. Elle avait envoyée fin février une demande d’information, qui a suscité une réponse plutôt longue et circonstanciée de Jean-Claude Juncker.
Une lettre qui confirme le malaise
Cette lettre longue et circonstanciée du chef de l’exécutif européen n’a pas rien fait pour rassurer les parlementaires. Au contraire ! Elle confirme de bien curieuses omissions, voire des mensonges éhontés. Un jeu troublant avec la vérité. Les socialistes voient rouge : « Nous ne pouvons pas nous départir de l’intime conviction qu’il y a là une violation claire des règles dont vous êtes le gardien ». Le débat qui avoir lieu en plénière la semaine prochaine « est important mais il ne suffira pas à établir la vérité ». Ils annoncent aussi « soutenir l’enquête de la commission du contrôle budgétaire du Parlement » comme saisir la médiatrice européenne.
Une motion de censure ?
La délégation des socialistes français, qui a toujours été la moins docile des délégations du groupe social et démocrate au parlement européen (avec les Belges), fait parler la poudre et agite une menace qui devrait, normalement, faire tilt dans la tête d’un ancien Premier ministre luxembourgeois (1) : la motion de censure.
« Après le glyphosate, après les affaires Barroso et Kroes, ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui l’affaire Selmayr met en danger l’avenir de la construction européenne et la crédibilité de l’institution gardienne des Traités. Nous mesurons la situation et sommes conscients que le résultat de ces enquêtes pourrait déboucher sur un scénario que nous ne pouvons pas exclure, celui d’une motion de censure d’une Commission que vous avez vous-même qualifiée « de la dernière chance ».
Une guerre picrocholine ?
Cette affaire de nomination, au regard des enjeux auxquels se mesure l’Europe aujourd’hui, peut apparaître une guerre picrocholine. Mais elle symptomatique d’un certain état d’esprit où les commissaires, enfermés dans une « bulle bruxelloise », affichent un certain mépris pour la gente environnante « qui ne peut pas comprendre ». L’affaire suit en effet une série de faux-pas, notamment les affaires Barroso bis et Kroes, où l’exécutif européen s’est souvent prêté des verges pour se faire battre, s’enfermant dans un pseudo-juridisme alors qu’il s’agit surtout d’éthique, de bonne foi et de franchise. La Commission Juncker pouvait, très facilement, se sortir de telles affaires en
alors qu’un lui-même dans une défense indéfendable d’une situation qui a plus à voir avec du copinage qu’avec du respect des règles d’éthique dont la Commission se prétend le défenseur.
La Commission a allumé le feu
Dans l’affaire Selmayr, là encore, c’est la Commission qui s’est enferrée toute seule. En venant annoncer crânement, lui-même, la nomination de son protégé, Jean-Claude Juncker a rassemblé la paille et allumé le projecteur (2). En niant, puis en reculant, pas à pas, ses portes-paroles — qui agissent sur instruction étroite du chef de cabinet de Juncker et du secrétaire général — ont jeté de l’huile sur le feu. En assénant que toutes les règles avaient été respectées, « religieusement » (comme l’explique Margaritis Schinas), alors qu’en fait elles ont été contournées, les gardiens du temple européen, ont commis un pieux mensonge, voire un parjure.
Un parjure
L’entêtement de notre confrère Jean Quatremer qui, jour après jour — dans son blog ‘les Coulisses de Bruxelles’ et dans Libération —, a démonté chacune des affirmations officielles, a permis d’y voir plus clair (lire : Selmayrgate, la Commission reconnaît avoir menti). Au-delà de ‘petites’ entourloupes à la procédure administrative (3), on cerne comme une volonté de contrôler l’exécutif européen ‘entre amis’. On ne se trouve pas placé face à une ambition importante et à un coup de maitre, mais à un coup d’état rampant, qui vise à contrôler l’exécutif européen par un certain nombre de personnes qui ont, pour la plupart, été dans l’équipe de l’ancien président, aujourd’hui honni, José-Manuel Barroso. Ce type de pratique n’est pas sain dans une administration qui doit non seulement être exemplaire, mais neutre politiquement.
Commentaire : Face aux menaces environnantes, l’Europe n’a pas besoin aujourd’hui de tels errements. La Commission Juncker doit se reprendre. Et vite.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) La Commission de Jacques Santer (ancien Premier ministre luxembourgeois) avait préféré en 1999 démissionné plutôt que d’affronter le risque d’un désaveu public du Parlement européen.
(2) Une déclaration d’autant plus exceptionnelle que le président Juncker descend très rarement dans la salle de presse de la Commission, alors qu’il n’a qu’un ascenseur à prendre pour se retrouver face à la presse.
(3) En voulant respecter la procédure la Commission a voulu trop bien faire. On peut rappeler que l’appel à candidature interne pour la nomination d’un secrétaire général n’est pas la ‘norme’ dans les institutions européennes (comme dans la plupart des États membres). Ce poste, éminemment politique, est de l’apanage de la direction de l’institution. Il est ainsi notamment au service diplomatique européen (SEAE) où c’est la Haute représentante qui nomme le secrétaire général. Une nomination qui est le fruit d’une négociation discrète. C’est souvent la contrepartie du soutien d’un grand État membre à la candidature du Haut représentant. Au Conseil, la décision de nomination du secrétaire général appartient aux États membres ; une disposition expressément prévue par le Traité (article 240 TFUE).
En savoir plus
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Le site de la délégation consacrée à l’affaire Selmayr
Lire aussi
Sur l’affaire Barroso bis :
Sur l’affaire Kroes :
(crédit : Commission européenne)
(B2) La réaction de la Commission européenne après la mort de Jan Kuciak en Slovaquie tient un peu du service minimum.
Un tweet du président de la Commission, une déclaration du vice-président de la Commission Frans Timmermans… (lire : Des réactions européennes, plutôt mesurées, après l’assassinat de Jan Kuciak (V2). Et on passe à la suite. Il est vrai que cet assassinat tombe en plein mélodrame interne. La Commission Juncker s’est empêtrée dans une affaire de promotion express du chef de cabinet du président, Martin Selmayr, au secrétariat général de la Commission, révélée par mon confrère de Libération… et n’arrive pas à s’en dépêtrer.
Une condamnation ferme
J’ai voulu en savoir un peu plus sur ce que la Commission comptait entreprendre concrètement pour assurer la protection des journalistes et des lanceurs d’alerte au-delà du rituel des condoléances. « Ce n’était pas seulement des déclarations de condoléances » m’a tout d’abord répondu le porte-parole en chef de la Commission, Margaritis Schinas. « C’étaient des déclarations de condamnation ferme. Ces actes ne sont pas compatibles avec le système démocratique, en Europe et au-delà de l’Europe ».
En faveur d’une législation pour les lanceurs d’alerte
Il a ensuite assuré que la Commission est « très sensibilisée » à cette question. « Nous sommes en faveur d’une législation qui protège les lanceurs d’alerte. » NB : Une belle déclaration d’intention qui tranche avec le certain flou qui régnait auparavant. Si le Parlement européen s’est exprimé à plusieurs reprises dans ce sens, notamment dans un rapport voté en octobre 2017, la Commission européenne était jusqu’ici plus que réservée, et davantage partisane du secret d’affaires que de la protection des lanceurs d’alerte.
Une vigilance et une attention à la protection des journalistes
Quant à la demande récente de plusieurs parlementaires d’une législation visant à faire cesser les procédures abusives (une autre de mes questions), c’est moins net. La Commission préfère afficher une détermination plus générale. « Nous serons très attentifs et très vigilants à la défense des journalistes et de leur liberté d’expression ».
(Nicolas Gros-Verheyde)
La fraude aux fonds européens en pointillé
Sur l’éventuelle fraude aux fonds européens engagée par des mafieux slovaques ou italiens, comme le révélait l’enquête posthume de Jan Kuciak (lire : Une infiltration jusqu’au coeur de l’Etat slovaque, l’enquête inachevée de Jan Kuciak), la Commission se réfugie derrière les « investigations judiciaires et policières qui sont en cours ». « On ne peut pas nous exprimer pour autant que le résultat ne soit pas connu ».
Extrait du point de presse du 6 mars 2018Sur le secret d’affaires et les lanceurs d’alerte :
Le ministre grec de la Défense Panos Kammenos explique la situation à la Haute représentante Federica Mogherini
(B2) Les deux soldats grecs, qui avaient ‘frôlé’ la frontière, sont toujours détenus en Turquie. Au grand dam d’Athènes. Les Européens affichent leur solidarité. Mais ‘mollo’, histoire de ne pas s’embarquer dans un nouveau litige avec Ankara. L’OTAN reste silencieuse, embarrassée par un incident de frontière entre deux membres de l’Alliance.
Le brouillard en cause
Les deux officiers grecs avaient été arrêtés, il y a une semaine (jeudi 1er mars), alors qu’ils patrouillaient à la frontière gréco-turque. Les autorités turques les ont mis au trou, avec une accusation non seulement de violation du territoire, mais aussi d’espionnage. L’état-major grec dément catégoriquement. Il ne s’agit que d’une erreur ; les conditions climatiques (le brouillard) ont désorienté la route des deux officiers, explique-t-il.
Sur la piste de trafiquants
Le ministre grec de la Défense, Panos Kammenos, a donné une version plus circonstanciée, plus européenne, à ses collègues lors de la dernière réunion des ministres de la Défense de l’UE mardi (6 mars). « Les deux militaires grecs patrouillaient dans une zone où sévissent la traite et l’entrée illégale de réfugiés et de migrants; ils disposaient d’un itinéraire spécifique qui, selon eux, conduirait à des trafiquants et des migrants illégaux qui entreraient dans le pays à partir de ce point. » Ce qui semble sûr, c’est qu’ils sont « entrés sur le territoire turc » mais « pour quelques mètres seulement » et ont été arrêtés.
Une détention en lieu sûr
Les deux militaires ont été placés dans une prison de haute sécurité. Le tribunal d’Andrianoupolis a rejeté lundi (5 mars) la demande de libération déposée par leurs avocats, relate la presse. Le procureur turc a refusé tout compromis, notamment que les deux militaires soient détenus au consulat grec jusqu’ à leur procès. Ils devraient être jugés d’ici la fin de cette semaine.
L’habitude grecque de saisir l’Europe n’est pas bonne dit Ankara
S’adressant aux journalistes mercredi (7 mars), le Premier ministre turc Binali Yildirim n’a montré aucun signe de compromis, selon Kathiremini. Le système judiciaire turc « fera ce qu’il doit » a-t-il indiqué. Il a aussi raillé la demande grecque de solidarité européenne « C’est devenu une habitude [pour la Grèce] de porter tout problème qu’elle a avec la Turquie devant l’UE pour demander son soutien ». Et d’ajouter : « Nos relations avec l’UE ne progresseront ni ne se détérioreront à cause de ces actions ».
Le point porté à la discussion des ministres de la Défense
La question a en effet été portée par le ministre grec lors de la réunion des ministres de la Défense de l’UE à Bruxelles mardi (6 mars). L’occasion pour lui d’expliquer la situation. Nous « espérons un résultat rapide et positif sur cette question dans un esprit de bon voisinage, comme cela devrait toujours être le cas entre deux voisins proches » a indiqué la Haute représentante de l’Union quand un collègue l’a interrogé sur le sujet à l’issue de cette discussion. Les ministres ont « tenu à exprimer leur solidarité », a précisé Federica Mogherini. C’est important « de partager l’information ».
La solidarité des ministres
Federica Mogherini a insisté en particulier sur l’importance « des relations de bon voisinage », « en particulier entre deux alliés de l’OTAN ». Une notion « que nous transmettons toujours à notre interlocuteur turc ». Du côté de la Commission européenne, la situation est suivie avec attention comme l’a rappelé son porte-parole en chef, lors du point de presse quotidien mardi. Margaritis Schinas espérant, lui aussi, une « issue rapide et positive » à cette question. En clair, la libération des militaires.
(Nicolas Gros-Verheyde, avec Claire Boutry)