(B2) Quelle est la façon la plus simple d’obtenir une vue d’ensemble des sanctions adoptées par l’Union européenne ? Tout simplement sur internet : une carte interactive répertoriant les cibles et types de sanctions imposées par l’Union européenne. Une manière visuelle et ludique de se faire une idée des raisons et de l’ampleur des restrictions en vigueur. Cette carte, B2 l’a testée pour vous… Notre débrief…
Ce site web mise en place par la présidence estonienne de l’UE a été remis à la Commission européenne, à la fin de la présidence, à charge pour la Commission de continuer à l’entretenir et le mettre à jour. « La carte est notre cadeau numérique à l’UE ».
La mesure restrictive, outil majeur de la politique européenne
Un outil utile. Les mesures restrictives et les sanctions sont devenus, au fil du temps, un instrument incontournable de la politique étrangère européenne, permettant à l’Union d’épingler des acteurs étatiques ou non-étatiques, d’empêcher l’export vers certaines zones de matériel potentiellement dangereux, voire de faire pression pour un changement d’attitude avec un embargo économique tentant de frapper au cœur de ses ressources économiques l’État incriminé (pétrole, gaz, minerais…). Elles sont adoptées par le Conseil à l’unanimité et doivent être renouvelées régulièrement (en général tous les ans ou tous les six mois selon le cas).
Tour du site
Sur la page principale du site internet, un planisphère grisé d’où ressortent certains pays en bleu. En cliquant sur un de ces pays mis en évidence, des pictogrammes indiquent les différentes catégories de sanctions touchant le pays. En agrandissant la fenêtre, un descriptif plus complet dresse l’origine et l’historique des sanctions qui touchent le pays.
En développant la barre d’options du coin supérieur droit, il est possible de recibler la recherche selon certains critères, à savoir l’institution à l’origine des sanctions (Conseil de l’Union européenne ou Conseil de sécurité des Nations unies), le(s) type(s) de mesures restrictives adoptées (embargo sur les armes, contrôles, gel d’avoirs, limitation des visas, …) et le thème des sanctions (terrorisme).
Ce que nous avons aimé
Ce que nous avons moins aimé
Au bilan
Une nouveauté amusante et intéressante qui vient égayer un sujet quelque peu rébarbatif. Cependant, la EU Sanctions Map est avant tout un gadget qui se contente de présenter un état des choses. Pour la transformer en outil analytique, il faudrait pouvoir comparer en une seule et même carte la série de pays visés par des sanctions avec d’autres catégories de critères (degré démocratique, conflits internes, guerres, intégration dans le système juridique international, carte des opérations de peace-keeping et peace-building, etc.).
(François De Ganck, avec NGV)
Consultez-la ici
Interface du site EU Sanctions Map
(B2) Le Premier ministre slovène Miro Cerar a présenté mercredi soir (14 mars), sa démission après la remise en cause d’un projet majeur d’infrastructure, sur fond de crise au sein d’une majorité en fin de mandat. « Les forces du passé ne nous permettent pas de travailler pour les générations futures. (…) Je présente ma démission au parlement », a annoncé le Premier ministre lors d’une conférence de presse impromptue.
Le refus du référendum sur le port de Koper : la goutte d’eau
Quelques heures plus tôt, la Cour constitutionnelle avait invalidé un référendum de septembre 2017 portant sur l’aménagement du port de Koper, sur la côte adriatique. Lors de cette consultation, les électeurs slovènes avaient approuvé la construction d’une nouvelle voie ferrée pour desservir le seul grand port commercial, d’une importance stratégique pour le pays. Il s’agit d’un projet phare de la majorité de M. Cerar, estimé à plus d’un milliard d’euros. Le Premier ministre espérait un lancement des travaux avant l’été. La Cour constitutionnelle a reproché au gouvernement d’avoir manqué à son devoir de neutralité en finançant la campagne avec des fonds publics.
Un ‘sabotage’ de la coalition
L’annulation du référendum a été « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », selon le Premier ministre qui a accusé mercredi ses partenaires de coalition d’avoir délibérément « saboter plusieurs projets » de l’exécutif ces derniers temps. Miro Cerar a estimé qu’il revenait au chef de l’Etat Borut Pahor de convoquer ou non des législatives anticipées pour renouveler les 90 députés du parlement. Il rencontre le président ce jeudi (15 mars).
Un parti en difficulté
Le Parti du centre moderne de Miro Cerar (PCM) se préparait de toute façon à des élections difficiles, prévues en juin ou juillet, au terme de son mandat de quatre ans. Elu en 2014, cet ancien juriste respecté de 54 ans, avait alors fait sensation en remportant les législatives à la tête de la formation qu’il avait créée, quelques mois après être entré en politique. Mais le désaveu de la Cour constitutionnelle intervient après une série de crises qui ont fragilisé la majorité gouvernementale.
Le retour de la croissance
Plusieurs vagues de grèves ont paralysé ce petit pays de l’Union européenne depuis le début de l’année, portées notamment par les revendications sociales des agents de la fonction publique qui exigent des hausses de salaire, et de recueillir les fruits de l’austérité passée. La Slovénie a, en effet, renoué avec une croissance vigoureuse de 5% en 2017, la plus élevée en dix ans, après avoir connu une sévère récession en 2012 et 2013 dues à la crise de son secteur bancaire. Mais le gouvernement a jusqu’ici opposé une fin de non-recevoir aux revendications, estimant qu’une hausse des traitements dans la fonction publique « plongerait à nouveau la Slovénie dans la récession ». Il y a quelques mois, le sort d’un migrant syrien soutenu par une partie de l’opinion publique avait déjà fait vaciller la coalition et fragilisé M. Cerar.
Une fragmentation de l’hémicycle possible
Ces élections pourraient déboucher sur une fragmentation de l’hémicycle, rendant difficile la formation d’un gouvernement. Avant ce scrutin qui interviendra au plus tard en juillet, la formation de M. Cerar est très largement devancée dans les sondages par ses principaux rivaux, dont le parti conservateur (SDS) de l’ancien Premier ministre de centre droit Janez Jansa et les sociaux-démocrates (SD), actuellement alliés de M. Cerar au sein de la majorité.
Un 5 étoiles slovène ?
Mais un nouveau venu caracole régulièrement en tête des enquêtes d’opinion: Marjan Sarac, un ancien comédien et maire d’une petite ville, candidat au programme flou et sans parti structuré. Celui qui s’était fait connaître pour ses imitations d’hommes politiques slovènes avant de se recycler dans la politique, avait déjà créé la surprise en se qualifiant pour le second tour de l’élection présidentielle en novembre 2017. Il avait alors fait campagne sur le rejet des élites auprès d’un électorat désabusé, qui avait massivement boudé les urnes.
NB : c’est la seconde démission en quelques heures d’un gouvernement en Europe, le Premier ministre slovaque Robert Fico ayant également présenté hier sa démission, conséquences de l’affaire , ce journaliste slovaque assassiné.
(avec AFP)
Crédit photo : Conseil de l’UE, Miro Cerrar à son arrivée au sommet européen de février 2018
(B2) La chancelière allemande Angela Merkel, qui a prêté serment mercredi (14 mars) pour son quatrième mandat, après avoir été applaudie au Bundestag, va se rendre à Paris rapidement.
Réélue chancelière au terme de six mois de paralysie politique, elle sera reçue « vendredi en fin d’après-midi [16 mars] pour une séance de travail » avec le président français, a précisé l’Élysée. Angela Merkel avait indiqué lundi qu’elle se rendrait à Paris pour « préparer le Conseil européen » des 22 et 23 mars et « apporter de la clarté sur ce qu’on considère comme la prochaine étape ». Elle sera précédée à Paris dès ce mercredi (14 mars) par son nouveau ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, qui sera reçu par son homologue Jean-Yves Le Drian.
Paris et Berlin ont promis une impulsion commune pour relancer l’Union européenne, en pleine montée des populismes. Mais l’Allemagne, qui craint avant tout de payer les dettes de ses partenaires, n’a répondu que vaguement aux idées françaises de budget et de ministre des Finances de la zone euro.
Commentaire : La tradition franco-allemande désormais bien établie qui veut que le premier voyage officiel d’un nouveau leader élu est donc respectée. Mais dans cette rapidité, Angela Merkel, marque combien elle entend faire de la coopération avec la France, notamment en matière économique, la priorité de son mandat.
(NGV avec AFP)
(B2) Notez sur votre agenda cette date — le vendredi 1er juin —, et un lieu — Paris La Sorbonne —. C’est là que B2 vous donne rendez-vous pour les (premiers) entretiens de la défense européenne.
Une manifestation organisée par les universités de Paris I Sorbonne (école de Droit) et de Grenoble (Science Po), avec le GRIP et Confrontations. L’objectif : faire le point sur les différents dispositifs de l’Europe de la défense.
Les nouveautés sont nombreuses en effet et méritent d’être décortiquées, expliquées : la coopération structurée permanente, le fonds européen de défense et le programme de recherche de défense, la revue annuelle coordonnée, le nouveau QG, la facilité européenne de paix, etc.
Le principe de ces entretiens sera simple : pas de blabla, mais un langage direct, compréhensible, avec comme intervenants, les personnes les plus qualifiées et les plus impliquées sur les différents sujets… car ils en sont les acteurs de premier plan.
A suivre…
(B2) L’ancien commandant de l’Eurocorps, le général belge Guy Buchsenschmidt aujourd’hui à la retraite ne mâche pas ses mots sur les projets d’armée européenne.
Cette terminologie évoquée régulièrement, plus ou moins ouvertement, par des responsables européens, tels Jean-Claude Juncker (le président de la Commission européenne) ou des hommes politiques aussi différents que des Allemands, des Italiens ou des Tchèques, reste souvent théorique, sans s’attarder sur les conséquences pratiques, politiques, techniques qu’une telle idée supposerait pour arriver à sa mise en œuvre. Le général belge relève, un par un, les obstacles qui se dressent comme autant d’embûches sur ce chemin qui parait illusoire.
Une standardisation qui relève de la fiction
La mise sur pied d’une armée regroupant les moyens militaires disparates de 27 nations, supposerait un niveau de standardisation qui relève de la fiction. A l’époque où je commandais le Corps de réaction rapide européen (Eurocorps), soit de juin 2013 à juin 2015, on m’a souvent demandé si je cautionnais l’idée d’une « armée européenne ». N’en déplaise à M. Junker, ma réponse était (et reste) invariable : une défense européenne, oui ; une armée européenne, non.
Des moyens militaires très disparates
Pourquoi ? Très simplement, parce que la mise sur pied d’une telle armée, regroupant les moyens militaires très disparates de 27 nations, supposerait un niveau de standardisation qui relève de la fiction. Mieux : c’est du ‘wishful thinking’. C’est pourtant une idée ancienne, portée sur les fonts baptismaux par le chancelier Kohl et le président Mitterrand, avec la création, dans un premier temps, de la Brigade franco-allemande, puis de l’Eurocorps. Une ‘success story’ qui a malheureusement fait long feu, même si l’Eurocorps aligne un palmarès impressionnant en matière d’opérations extérieures.
Du chemin à faire pour parler une même langue, au propre et au figuré
L’anglais pour tous les soldats ? Certaines fonctions du leadership et du management militaire sont certes relativement aisées à standardiser. Il en va par exemple de l’utilisation de l’anglais comme langue de travail – le français, deuxième langue officielle de l’Otan est en « décrochage » -, à tout le moins à partir d’un certain échelon, car au niveau du soldat, il reste du chemin à faire. Il en est de même pour les procédures d’état-major, dès lors qu’elles reposent sur des standards otaniens ou européens. N’importe quel officier issu d’une école de guerre (ou institut supérieur de défense) occidental(e) connaît les grandes lignes de ces procédures.
Avec quels équipements ?
En revanche, il n’en est pas de même pour les matériels, au sens large. Peut-on imaginer que l’Armée de l’air française mette ses « Rafale » au rebut, pour leur préférer le F-35 américain ? Peut-on penser un seul instant que les Forces armées italiennes se permettent le luxe de bouder Iveco ? Est-il concevable que les Forces armées belges privilégient en matière d’armement léger une firme américaine, au détriment de la Fabrique nationale (FN) d’armes de Herstal ? Certes non.
Des emblèmes toujours très nationaux
On pourrait objecter que les personnels de l’Eurocorps portent tous, sans distinction de nationalité ou de grade, le même béret bleu foncé, frappé de l’emblème représentatif de ce quartier-général. En effet. Mais ce fut un combat de longue haleine tant certains particularismes étaient exacerbés. On pourrait également user de l’argument selon lequel en dépit d’un « parc » de moyens de commandement et d’information pour le moins bigarré, le quartier-général de l’Eurocorps tourne comme une horloge suisse, tant en opérations qu’en exercices. Oui, mais au prix de quels efforts…
Un autre exemple, à la limite de l’anecdote : il est totalement illusoire de songer à « uniformiser » les tenues et les équipements individuels. D’une part, ce serait une gabegie impardonnable et d’autre part, une fois encore, les particularismes nationaux (port des badges, des insignes d’unités, des distinctions honorifiques…) rendraient cette idée irrémédiablement caduque.
La question de la carrière
D’autres obstacles se dressent devant la création d’une armée européenne, car les nations refusent catégoriquement – et on les comprend – d’abandonner leur souveraineté dans un large éventail de domaines. C’est notamment le cas des ressources humaines, avec tout ce que cela implique : trajectoires de carrière, politique de rotation et de formation, promotions, affectations, discipline, etc. En matière de santé, le sacro-saint secret médical ne facilite pas – c’est un euphémisme – la constitution d’unités médicales multinationales.
La question de la vie privée
Certaines nations – dont l’Allemagne – sont extrêmement chatouilleuses (pour ne pas dire paranoïaques) sur les questions de protection de la vie privée, ceci expliquant cela. Le domaine « légal » est lui aussi très sensible : à titre d’exemple, tous les pays de l’Union européenne n’ont pas la même perception de la notion de « légitime défense ». En matière de renseignement, la création d’un climat de confiance, pierre angulaire d’une coopération renforcée, constitue encore et toujours un défi majeur.
La présence de syndicats… ou non
Autre obstacle : la défense des intérêts du travailleur, par le biais de syndicats. Inconcevable pour certains pays européens. Un dernier exemple : dans le meilleur des mondes, on peut imaginer qu’au sein d’une armée européenne, les soldes seraient standardisées. Pure fiction…
Une armée européenne, non… une défense européenne, oui
En résumé, soyons clairs : dans les circonstances actuelles, la mise sur pied d’une armée européenne est « une fausse bonne idée ». En revanche, une « Défense européenne » est possible, à condition que l’ensemble des nations de l’Union y adhèrent sans arrière-pensée et acceptent de céder certains pans de leur souveraineté. Mais c’est là un autre débat…
(Guy Buchsenschmidt)
Général en retraite, vice-président de la Société européenne de défense et ancien commandant de l’Eurocorps (2013-2015) après en avoir été lé chef d’état-major (2011-2013). Officier de la cavalerie blindée, il a commandé l’escadron A du 3e régiments de lanciers, et le 1er régiment de Lanciers, et a été commandant adjoint de la Composante Terre de l’armée belge. Chef d’état de la 7e Brigade mécanisée, il est déployé à l’état-major de la Brigade multinationale Nord (1999-2000) ayant sous sa responsabilité la zone Nord du Kosovo (Mitrovica), où vit la minorité serbe du Kosovo.
Publié une première fois dans le quotidien La Libre Belgique (et reproduit avec son autorisation) Chapô, titres et intertitres sont de la rédaction