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B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages
Updated: 10 hours 29 min ago

Le Berlin à nouveau en Méditerranée

Fri, 23/10/2015 - 13:49

(B2) Le navire de soutien allemand Berlin (A-1411) a pris le relais du Werra dans le cadre de l’opération européenne anti-trafiquants en Méditerranée (EUNAVFOR Med / Sophia). A son arrivée dans le port de Augusta (Sicile) à la mi-octobre, plusieurs briefings ont été organisés et du matériel transféré sur le navire pour permettre la bonne coordination avec les autres navires de l’opération. Pour la majorité des 160 membres d’équipage, la zone n’est pas une découverte. Le navire de support de combat avait, en effet, été détourné en urgence, fin avril 2015, avec la frégate « Hessen », de leur chemin de retour de l’opération Atalanta dans la Corne de l’Afrique vers les opérations de secours en mer Méditerranée. Entre le 8 mai et le 8 juin, l’équipage avait ainsi participé à sauver 991 personnes de détresse dans trois opérations différentes. Juste avant le lancement officielle de l’opération EUNAVFOR Med.

Le BPC mistral en patrouille anti-piraterie avec le Centinela dans le Golfe de Guinée

Thu, 22/10/2015 - 22:28

Patrouilleur espagnol Centinela devant Dakar et le BPC Mistral à l’arrière plan (crédit : DICOD/Marine nationale)

(B2) Le navire français BPC Mistral et le patrouilleur espagnol Centinela sont en mission commune de surveillance maritime anti-piraterie dans le Golfe de Guinée. Le bâtiment de projection et de commandement (BPC) frnaçais a appareillé de Toulon le 7 octobre pour ce qui est appelé, côté français, l’opération Corymbe (*). Il y a rejoint le Centinela qui était dans la région, ayant quitté sa base de Ferrol le 19 septembre dernier. Une action menée dans le cadre de la collaboration maritime quadripartite renforcée signée entre quatre pays européens (le Portugal, l’Espagne, le Danemark et la France).

Sénégal, Ghana, Cap-Vert, Mauritanie

L’opération est divisé en trois phases, précise la marine espagnole. La première phase, jusqu’à la mi-octobre, comprenait la surveillance du transit dans le golfe de Guinée et la collaboration sur la sécurité au Sénégal. Lors de la seconde phase (actuelle), le Centinela va être dans le Golfe de Guinée en mode soutien du secteur maritime au Ghana, avec un objectif principal : « l’identification des risques maritimes dans la région, comme le terrorisme, le trafic illicite, l’immigration illégale et la piraterie ». Dans la dernière phase, le Centinela va collaborer avec les autorités du Cap-Vert pour la « surveillance conjointe des zones maritimes relevant de la souveraineté et la juridiction de ce pays ». Il travaillera également avec la marine mauritanienne sur la surveillance des pêches, le sauvetage des personnes, la lutte contre les activités illégales et l’immigration clandestine.

Exercice avec les marines des pays de la région

Fin octobre, un exercice à plus grande échelle est organisée avec les marines des pays riverains, le BPC Mistral, le Centinela et un navire de la Royal Navy.

(NGV)

(*) L’opération Corymbe est une opération quasi-permanente des forces armées françaises dans le golfe de Guinée mis en place depuis 1990. Elle vise deux objectifs majeurs : 1°) participer à la protection des intérêts français dans la zone ; 2°) participer à la diminution de l’insécurité maritime dans le golfe de Guinée et notamment en aidant au renforcement des capacités des marines riveraines du golfe dans le domaine de la sécurité maritime.

Des Syriens cherchent refuge sur une base britannique de la RAF. Chypre passe en première ligne

Wed, 21/10/2015 - 15:45

(crédit : MOD UK)

(B2) Plusieurs bateaux de migrants sont arrivés sur la base de la Royal Air Force d’Akrotiri à Chypre (près de Limassol) a confirmé le ministère britannique de la Défense. Deux bateaux au moins (quatre selon certains informations) transportant une centaine de migrants ont ainsi débarqué sur le rivage d’une des deux enclaves de « souveraineté britannique » à Chypre.

L’asile à Chypre mais pas au Royaume-Uni ?

Mais pas question d’accorder l’asile aux ressortissants sur le territoire britannique « Nous avons un accord en place avec la République de Chypre depuis 2003 pour veiller à ce que les autorités chypriotes prennent des responsabilités dans de telles circonstances » a précisé un porte-parole du ministère de la Défense, ajoutant. « Notre priorité est (ailleurs) de s’assurer que tout le monde à bord va bien ».

Un statut pas si évident

Pourtant selon la presse britannique, la solution est loin d’être évidente. Le quotidien The Guardian raconte ainsi comment plusieurs dizaines réfugiés vivent aujourd’hui dans un espèce de no mans land, sans vraiment de statut. 21 réfugiés arrivés auparavant, ont été logés à Dhekelia (la seconde base britannique de l’ile, près de la « buffer zone » avec Chypre Nord), dans un endroit appelé Village Richmond, dans les anciens quartiers réservés pour les familles de militaires britanniques qui devaient être démolies. Un coin « broussailleux et isolé ». Ce groupe forme aujourd’hui un groupe de 67 personnes « avec les enfants qui y sont nés et les membres de la famille qui les ont rejoints plus tard ».

Chypre en première ligne ?

L’ile de Chypre a été plutôt épargnée jusqu’ici par les vagues de réfugiés venant de Syrie. Selon le HCR, le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, plus de 2.000 Syriens sont arrivés depuis 2011. Seuls quelques uns ont reçu un statut de réfugié. Les autres n’ont qu’un statut de protection temporaire ou sont en attente de décisions sur leur statut.

L’île de Chypre est cependant le plus proche des territoires européens de la Syrie. Le nord de l’île (sous occupation turque) est très proche de la côte syrienne (de Lattaquié notamment) : à 60 milles nautiques environ. Tandis que les bases de souveraineté britannique – placées au sud de l’île – se trouvent un peu plus loin : Akrotiri est à 150 milles nautiques du port de Tartous en Syrie.  Après l’Italie, la Grèce, la Bulgarie, l’ile chypriote pourrait bientôt devenir le lieu de débarquement de milliers de réfugiés.

(NGV)

Nécessité d’une approche intégrée

« Des événements comme celui-ci soulignent pourquoi il est important pour nous de développer une approche globale à la crise de la migration et de travailler avec nos partenaires internationaux pour fournir une aide humanitaire en Syrie et dans les pays voisins, de perturber les bandes de trafiquants et de traiter les causes profondes de l’instabilité qui amènent les gens à chercher une nouvelle vie ailleurs » souligne aussi le porte-parole du ministère britannique de la Défense.

Une zone sûre en Syrie… pas très réalisable dit Fed. Mogherini

Tue, 20/10/2015 - 11:44

Au dernier conseil des Affaires étrangères –

(B2) La Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, a bien voulu répondre aux questions de B2, qui portaient évidemment, essentiellement sur la crise des réfugiés, la Syrie, le rôle de l’Europe, de l’Iran, de la Russie, de Bachar el Assad dans la transition. Elle juge également la création de zones sûres dans le nord de la Syrie difficilement réalisable. Extraits…

Avoir une zone sûre en Syrie, une Safe Zone comme le promeuvent les Turcs, est-ce réalisable ?

On en a parlé avec nos partenaires dans la région, les Américains, les Turcs. Et mon impression personnelle, est que les développements récents de ces dernières semaines, plus particulièrement l’augmentation des activités militaires dans la partie nord de la Syrie, ont changé la donne. Imaginer qu’on puisse arriver à créer des zones humanitaires, indemnes de tout risque, libérées de toute présence de Daech et d’autres groupes terroristes, aujourd’hui au moment où les activités terroristes redoublent, est une gageure. Il faut donc être très prudent. Nous, Européens, avons eu dans les Balkans des expérience de triste mémoire qu’on ne voudrait pas répéter.

Que peut-on faire alors ?

Une autre chose est de réfléchir à la façon de garantir un accès humanitaire dans la partie nord de la Syrie. C’est quelque chose sur lequel nous nous sommes engagés. Je ne parle pas d’action militaire. L’Union européenne n’est pas engagée en tant que telle de façon militaire en Syrie et n’a pas de rôle militaire. Mais nous avons un bureau à Gaziantep, à la frontière, qui permettrait peut-être l’acheminement de l’aide humanitaire. Nous sommes toujours prêts à augmenter l’aide humanitaire et d’acheminer cette aide au cœur même du territoire syrien. (…) Mais, au final, la seule façon de permettre aux Syriens de revenir en toute sécurité dans leur pays serait de mettre un terme à la guerre, et de mettre un terme à la présence de Daech en Syrie. C’est la seule sécurité que nous pourrons apporter à la Syrie…

(NGV)

Lire sur B2 Pro l’interview de Fed. Mogherini : L’Europe est prête à jouer un rôle en Syrie (Fed. Mogherini)

ainsi qu’une analyse des différentes interviews donnée par la Haute représentante de l’UE : La politique extérieure de l’UE, la crise des réfugiés, la lutte contre le terrorisme, la Syrie, paroles de Federica Mogherini

Un F18 suisse frôle le président de la Douma. Quiproquo diplomatique

Tue, 20/10/2015 - 00:13

Un F18 Suisse au décollage lors de l’exercice Tiger Meet 2009 (crédit : DICOD/EMA – archives B2)

(B2) Les Russes avaient d’abord incriminé un avion français qui avait eu le tort de « frôler » d’un peu trop près l’avion officiel transportant le président de la Douma, Sergueï Narychkine, vers Genève. L’ambassadeur de France à Moscou, Jean-Maurice Ripert, est aussitôt convoqué pour une explication. Moscou voit-il là une occasion unique de pouvoir jouer la victime.

Las… Un démenti cinglant arrive rapidement du Quai d’Orsay « Aucun avion de l’armée de l’air française n’a été impliqué dans l’incident concernant un avion officiel russe dont fait état le ministère russe des affaires étrangères. Nous déplorons donc que l’ambassadeur de France à Moscou ait été convoqué toutes affaires cessantes. » De fait, ce n’était pas un Mirage 2000 ou d’un Rafale tricolores mais un F/18 Suisse, qui est intervenu au contact de l’avion russe.

L’explication est venue de Berne. Les Russes n’ont sans doute pas bien vu la croix blanche pourtant caractéristique de l’aviation suisse et le double empennage, reconnaissable des F/A-18, ou ont fait semblant de ne pas la voir dans cette zone où la frontière est tenue. Les avions suisses ayant la possibilité de survoler des zones françaises. La défense suisse estime qu’il n’y a rien d’anormal. « C’était un contrôle proche, on fait un contact visuel avec le pilote, on note l’immatriculation. On a noté, tout était en ordre. C’est une vérification, un contrôle de routine » a déclaré à l’AFP le porte-parole du ministère de la défense suisse, Peter Minder.

Combien de marins sont encore otages des pirates somaliens ?

Mon, 19/10/2015 - 20:09

Le FV Siraj et le FV Jaber au mouillage au large de la Somalie, vu par un avion d’EUNAVFOR / Crédit : EUNAVFOR Atalanta

(BRUXELLES2) C’est un drame silencieux. Et personne ne soucie vraiment de leur sort.

Le bilan officiel…

Officiellement il reste toujours 26 marins otages des pirates somaliens. Ceux du FV Naham 3 depuis presque 4 ans (3 ans et plus de 200 jours) retenus contre leur gré quelque part en Somalie. Ce bateau de pêche sous pavillon omanais avait été capturé le 26 mars 2012 à environ 65 milles nautiques au sud des Seychelles. 3 marins sont morts : un lors de l’attaque, 2 durant leur captivité. Lire notamment : Le FV Naham 3, repéré sans otages

… et le bilan officieux

A ce bilan officiel il faut ajouter les 19 marins du bateau de pêche iranien FV Siraj capturé le 26 mars 2015 au large des côtes d’Hobyo en compagnie du FV Jaber (1) et qui seraient détenus en mer, près du village de Ceel Huur dans la région du Galmudug.

Heureusement le Jaber et son équipage (de 17 personnes selon l’agence iranienne d’informations) ont réussi à s’échapper, le 27 août dernier selon l’ONG Ocean Behond Piracy. « Ils ont profité d’un moment d’inattention de leurs gardiens, survolés par un hélicoptère ou autre chose, pour couper les amarres et remettre le moteur » raconte John Steed de l’OBP à Reuters. En remontant, par leurs propres moyens, vers le nord-est, en direction de l’Iran, selon nos informations, ils ont ensuite « rencontré », un navire espagnol de la force EUNAVFOR, le ESPS Galicia, qui leur a alors remis des vivres et de l’eau, permettant de recompléter leur ravitaillement.

45 marins otages

De fait, il reste donc 45 marins aux mains des pirates somaliens, auxquels on peut ajouter 2 Kenyans capturés à terre et détenus par un des groupes pirates selon OBP.

(NGV)

(1) Une capture non recensée par les forces internationales dans le Golfe. Les Somaliens arguent qu’ils pêchaient illégalement dans leurs eaux (un motif souvent invoqué par les pirates pour donner une couleur « non criminelle » à leurs agissements. L’Iran est le principal pays qui n’est pas associé directement au processus de coordination et de déconfliction SHADE qui réunit tous les 3 mois normalement à Bahrein.

Tusk, un matamore politique ?

Mon, 19/10/2015 - 09:30

(crédit : Conseil de l’UE)

(B2) On le prédisait ‘fin politique’, ‘habile manoeuvrier’, capable de dynamiser la politique européenne, le Polonais Donald Tusk, qui préside actuellement aux destinées du Conseil européen, semble accumuler les déceptions. On peut se demander s’il n’est pas plutôt un éléphant dans un magasin de porcelaines. Avec une rançon : ce qu’on lui demande, c’est de ne (plus) bouger. Et quand il bouge, cela fait des dégâts.

Ceux qui mettent des barrières et ceux qui sauvent …

Dernière casse en date, Donald Tusk met dans un même sac les Italiens, les Grecs, les Hongrois et les Slovaques. « Tout le monde doit avoir une responsabilité partagée » dans la défense des frontières extérieures. Une assimilation qui a le don d’hérisser Rome. « Ne confondez pas la responsabilité de ces pays qui ont travaillé contre et ceux qui ont porté seuls sur leurs épaules la charge de la réception » s’exclame Gianni Pittella, le président du groupe Socialistes et Démocrates (S&D) au Parlement. La colère italienne ne semblait pas éteinte rapidement.

Matteo Renzi monte au front

Lors du dernier Conseil européen, jeudi (15 octobre), à Bruxelles, le Premier ministre italien, Matteo Renzi, est monté au créneau. Lors de la réunion, selon les sources italiennes, il lâche : « On ne peut pas assimiler ceux qui construisent les murs et ceux qui sauvent des vies en mer ». Et face à la presse, il est encore plus dur. « Les phrases que Donald Tusk a utilisées ne sont pas les plus appropriées, non pas tant pour le gouvernement que pour le peuple italien qui, ces derniers mois, a fait un travail extraordinaire pour sauver des dizaines de milliers de personnes. Ces mots ne sont pas respectueux de ses efforts. » C’est relativement rare que le président du Conseil européen soit critiqué, de façon aussi verte. Même Sarkozy, dont on savait la dent plutôt dure, était plus respectueux du travail mené par le prédécesseur de D. Tusk, le Belge Herman Van Rompuy.

Un risque de découplage du Conseil européen

Un diplomate, très bon connaisseur du jeu européen, interrogé il y a peu sur le personnage « Donald Tusk », avait habilement esquivé la question, préférant parler en termes généraux de la novation du président du Conseil européen. Une manière habile de ne pas critiquer directement l’homme qui habite ce Conseil. « Avec le Traité de Lisbonne, il y a un risque permanent que le Conseil européen soit un peu hors sol, découplé du système de décision. Il est à la fois attendu et vit sa vie. » avait-il énoncé. L’organisation d’un sommet le 23 septembre, le lendemain même de la réunion des ministres de l’Intérieur, avait été jugée un peu inconséquente. Ce « n’est pas idéal. On serait dans une présidence tournante, on aurait organisé les choses différemment. »

Un président hors sol ?

De fait, c’est bien le problème de Donald Tusk qui semble un peu « hors sol ». D’où sa tentation permanente à vouloir rattraper le train, à prendre des positions péremptoires qui lui attirent ensuite les foudres des capitales. Ce que gardait bien de faire son prédécesseur. Il semble avoir toujours un retard sur l’actualité politique. Au départ, totalement obsédé par la Russie et l’Ukraine, il a tenté d’imposer la présence de Porochenko à tous les conseils. Ce qui a fini par énerver plusieurs des capitales, notamment à Paris et Berlin, qui lui ont fait assez rapidement savoir que l’Ukrainien n’était pas membre du Conseil européen. Dans cette obsession de l’Est, il en a oublié la crise qui montait de façon magistrale au sud. Les questions de la Syrie, de la Libye, du Moyen-Orient de l’Afrique plus généralement, n’ont quasiment pas été mises à l’ordre du jour du Conseil européen. Or, selon le traité de Lisbonne, c’est dans cette instance que doivent se décider les grandes orientations de la politique extérieure .

… le Conseil européen identifie les intérêts et objectifs stratégiques de l’Union. Les décisions du Conseil européen sur les intérêts et objectifs stratégiques de l’Union portent sur la politique étrangère et de sécurité commune ainsi que sur d’autres domaines relevant de l’action extérieure de l’Union. (article 22 du Traité sur l’Union européenne)

Dernier exemple en date. Alors que la crise des migrants et réfugiés explose, Donald Tusk tarde à convoquer un Conseil européen… Raison officielle invoquée : le risque de division des Etats membres. Un risque qui éclate dans l’opinion publique. Les capitales se rejetant, par la voie des médias, la faute de la crise. Finalement il se décide in extremis à la fin septembre. Il faudra attendre la mi-octobre pour qu’on aborde la question de la solidarité avec les pays les plus proches des foyers de crise. Mais, on n’a toujours pas abordé vraiment les questions centrales, l’action sur les principaux foyers de crise (Syrie, Yemen, Libye…). Un retard magistral.

Une double tenaille politique

A ce rythme-là, son mandat qui est de deux ans et demi risque bien de ne pas être renouvelé. Ce d’autant qu’il va se heurter à un double obstacle politique. Si l’opposition du PiS (Droit et justice) l’emporte en Pologne, fin octobre, ce sera une défaite personnelle pour Donald Tusk qui va être fragilisé au plan national comme européen. Les prochains Conseils européens avec un partisan de Kaczyński victorieux risquent d’être un vrai calvaire pour Tusk… mais aussi d’une certaine façon une difficulté pour les autres Européens. Au plan institutionnel, le changement de président du Parlement européen, à mi-mandat, entre les Socialistes-Démocrates (S&D) et les Chrétiens-démocrates (une rotation prévue dès l’origine des élections) amènerait mécaniquement 3 PPE à la tête des trois principales institutions communautaires (Commission européenne, Parlement européen, Conseil européen), ce qui est difficilement justifiable, notamment pour les Socialistes & Démocrates qui revendiquent désormais une certaine parité. Sauf un départ anticipé de Jean-Claude Juncker de la Commission, que personne ne souhaite, il faudrait donc un des leurs installés au Conseil européen, argumentent nombre de leaders S&D. Non sans arguments. Donald Tusk est donc pris dans cette double tenaille politique, nationale et européenne, dont il aura bien du mal à se dépêtrer, surtout s’il se fâche avec quelques Etats membres…

(Nicolas Gros-Verheyde)

La mission EUTM Somalia équipée en satellites par l’agence européenne de défense

Fri, 16/10/2015 - 12:23

(B2) Les communications par satellite (SatCom) de la mission de formation de l’UE en Somalie sont, depuis début octobre assurées par l’Agence européenne de défense (EDA), vient d’annoncer celle-ci. EUTM Somalia est ainsi la première mission militaire de la PSDC à prendre l’option de l’Agence pour couvrir ses besoins satellitaires. La communication satellite étant aujourd’hui une nécessité primaire dans une mission ou opération multinationale.

Les services comprennent la location, la livraison et l’installation d’un terminal à distance en bande C à l’aéroport international de Mogadiscio ainsi que des liaisons satellites de haut débit non classifiées en Europe. Les services incluent également un support technique 24/7 et sur le site-intervention si nécessaire.

Dans les prochains mois, l’Agence prendra également en charge la fourniture de services mobiles par satellite pour les opérations opération EUNAVFOR Atalanta, EUTM Mali et EUTM Somalia ainsi que le central de ATHENA. Le mécanisme Athena, mis en place pour financer les opérations militaires de la PSDC, a, en effet, rejoint cette année le marché SatCom UE de l’Agence, pour améliorer le processus de passation des marchés dans les opérations.

(NGV)

Pas de patrouille commune en mer Egée entre Turcs et Grecs

Fri, 16/10/2015 - 11:38

Alexis Tsipras en conversation avec Martin Schulz (PE) et JC Juncker (CE) au dernier Conseil européen (crédit: CUE)

(B2) Alexis Tsipras l’a fait clairement savoir lors du sommet européen. A l’idée défendue par Berlin – et Bruxelles – de patrouilles communes gréco-turques en mer Egée, c’est non ! Collaborer avec la Turquie sur la base du droit international, c’est possible. Mais « le contrôle et la gestion des frontières relèvent de la responsabilité exclusive des pays-membres qui ont le premier et le dernier mot. Chaque pays est responsable de la surveillance de ses frontières » a déclaré le Premier ministre grec.

Même son de cloche pour le ministre grec des Affaires étrangères, Níkos Kotzias, qualifiant d’« inadmissible » l’idée de patrouilles communes gréco-turques en mer Egée qui « ouvrent la voie à l’entrée des navires turques dans les eaux territoriales grecques avec toutes les conséquences de long terme qui en découlent ». La Grèce préfère renforcer les forces de l’agence Frontex.

(NGV)

3 militaires de Barkhane blessés au Mali. Les opérations continuent

Thu, 15/10/2015 - 18:12

(B2) Trois militaires français des forces spéciales ont été blessés au nord du Mali, mardi (13 octobre) en fin d’après-midi. Ils étaient engagés dans l’opération française anti-terroristes au Sahel « Barkhane ». Leur « véhicule a sauté sur une mine » indique le service de presse des armées. Les trois militaires qui étaient à bord « ont été grièvement blessés. Ils ont été évacués en France dans la nuit de mercredi à jeudi ».

Une opération de contrôle des points de passage

On apprend également que 40 militaires français, avec 210 militaires des FAMA (les Forces armées maliennes) et 90 soldats des FAN (Forces armées nigériennes), ont mené durant les premiers jours d’octobre une opération dénommée Djiguifa, à la frontière malienne et nigérienne. Objectif : « contrôler les zones de passage susceptibles d’être employées par des groupes armés terroristes ». Cette opération « planifiée par les armées nigériennes et maliennes » précise-t-on côté français s’est déroulée sur une assez vaste zone d’action = « 11 700 m2 ». Elle a été conduite « à partir du poste de commandement tri-partite déployé dans le camp des FAMa à Gao ».

Brexit. Le Britannique est-il nécessaire à l’Europe de la défense ?

Thu, 15/10/2015 - 09:49

David Cameron au Conseil de l’UE en mars 2014 (crédit : Conseil de l’UE – archives B2)

(B2) David Cameron sera aujourd’hui à Bruxelles, au Sommet pour évoquer le futur référendum sur l’adhésion du Royaume à l’Union européenne. L’hypothèse d’un Brexit — le départ du Royaume-Uni de l’UE — n’est plus de pure théorie. Elle pose toute une série de questions, notamment pour la politique de sécurité et de défense de l’Union européenne (PSDC). Le départ britannique serait-il une perte pour l’Europe de la Défense ? La question est sensible. La réponse est claire. Contrairement à ce que certains disent, le départ britannique serait pour la PSDC indolore.

Comme au rugby…

Malgré l’existence de certaines capacités au plan national, l’apport britannique à la PSDC en termes capacitaires est, aujourd’hui, nul ou proche du nul. Et l’Union européenne survivra très facilement à un départ. Les apports de nations comme la Lettonie, l’Irlande, l’Autriche ou le Luxembourg — qu’on ne peut pas qualifier de grande nation de défense —, sont plus importants et utiles pour les opérations militaires européennes que l’apport britannique ! C’est dur à dire, à assumer pour nos amis britanniques. Mais c’est la triste réalité. Sans vouloir raviver de douloureux souvenirs à nos amis anglais, c’est un peu comme au rugby….

L’apport britannique en unités … proche de 0

Durant l’opération EUNAVFOR Atalanta contre la piraterie, Londres n’a mis à disposition qu’un navire depuis 2008. Et ce pendant quelques mois à peine seulement. Soit à peine plus que les … Ukrainiens ! Pendant ce temps, les Luxembourgeois mettaient à disposition deux avions de patrouille maritime durant plusieurs années ! Ce n’est pas une question de moyens. C’est une volonté politique. Le Royaume-Uni préférait mettre ses navires à disposition de l’OTAN ou des Américains. Dans nombre des autres opérations militaires des dernières années, d’ailleurs, la présence britannique a souvent été réduite à 2 ou 3 officiers. C’était le cas pour EUFOR Tchad, EUFOR RCA… Même pour l’opération de stabilisation en Bosnie-Herzégovine (EUFOR Althea) à laquelle tient, comme à la prunelle de ses yeux, le gouvernement britannique, l’apport n’est pas plus important. Idem pour la mission de formation de l’armée somalienne (EUTM Somalie), pourtant décrit comme une « priorité » par le ministre britannique chargé des questions européennes David Lidington comme une « top foreign policy priority » ! Il est ainsi loin le temps de l’opération Artémis au Congo (2003), où la contribution outre-Manche était significative. La seule exception récente est la participation à l’opération Sophia (ex EUNAVFOR Med), où Londres contribue avec un navire.

La contribution britannique facilement remplaçable

En matière financière également, un départ britannique serait aisément supportable. Tout simplement car les coûts supportés en commun sont très faibles. Selon le mécanisme Athena, qui répartit à hauteur du PiB les charges entre tous les Etats membres, la contribution britannique se monte à 15,6%. Les montants totaux étant assez faibles, la contribution l’est également. Dans une opération maritime de type EUNAVFOR Med ou de formation de type EUTM Somalia, la part britannique du budget commun se monte environ à 2 millions d’euros. Dans le budget de l’Agence européenne de défense, la contribution britannique est d’environ 5 millions d’euros. Autant dire que cette contribution est facilement répartissable sur les autres membres.

Un pouvoir politique bloquant

L’apport politique britannique à la PSDC consiste généralement à bloquer les évolutions : veto au QG militaire de l’Union européenne ou à toute augmentation du budget de l’agence européenne de défense (qui tourne actuellement autour de 30 millions d’euros), veto à l’extension des coûts communs (précisons que le Royaume-Uni n’est pas le seul réticent, les Allemands ne sont pas très très chauds non plus), blocage et retardement de l’opération contre la piraterie qu’elle commandera ensuite (EUNAVFOR Atalanta), rabotage continuel des ambitions posées en matière de PSDC, d’industrie de la défense, etc.

Le « poil à gratter de l’UE »

Le seul apport positif à l’Europe de la Défense qu’on peut trouver à la position britannique est son côté « poil à gratter », son pragmatisme, sa manière de mettre sur la table des questions qui dérangent et que n’osent pas poser les autres nations. Le côté « ronchon » du Royaume-Uni en matière de PSDC permet souvent à d’autres Etats membres de ne pas afficher leur opposition. C’est pratique. De plus, une participation, même symbolique de militaires britanniques, a un côté rassurant pour nombre d’Etats membres. Tout simplement car ils considèrent l’armée britannique comme leur matrice commune et … aussi comme un contrepoids utile aux autres grands pays comme la France ou l’Allemagne. Le départ britannique mettrait ainsi chacun au pied du mur, sans pouvoir s’abriter derrière Londres : veulent-ils construire ensemble une Europe de la Défense ou non ?

Welcome aux contributions extérieures

Un départ du Royaume-Uni n’empêcherait pas qu’il puisse continuer à contribuer de manière extérieure, aux opérations militaires européennes, comme le font aujourd’hui nombre de pays tiers, de la Géorgie à la Colombie, en passant par la Suisse, la Norvège, la Serbie ou les Etats-Unis… Il n’empêchera sa participation aux différents programmes de l’Agence euroépenne de défense – pour peu qu’il signe un accord (comme l’ont déjà fait la Norvège ou la Suisse). Il n’empêchera pas les coopérations bi ou multilatérales de prospérer (ou de lambiner…). La participation britannique au programme A400M Atlas ou à d’autres programmes industriels, ne se déroulant pas dans le cadre formel de l’Union européenne, pourra perdurer. L’armée britannique pourrait même — si elle le souhaite — être associée aux différents exercices politico-militaires de l’UE comme le sont d’autres pays de l’OTAN. Et, surtout, le Royaume restera une puissance militaire (moyenne), membre de l’OTAN. Car, autant dans l’Union européenne, Londres joue un rôle de ralentisseur, autant il joue dans l’Alliance atlantique, un rôle actif et utile, voir progressiste.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi sur B2 Pro, notre analyse (sur la discussion au Sommet sur le référendum britannique) : Messieurs les Anglais, tirez les premiers !

Un constat qui n’est pas le même pour la politique étrangère

Ce constat ne vaut qu’en matière de PSDC. Si on dresse le même constat pour la politique étrangère de l’UE (la PESC), le constat serait totalement différent. Le départ britannique serait sans aucun doute une réelle perte. Le rôle historique, sa place dans le Commonwealth, en Afrique ou en Asie, son lien qui reste privilégié avec les Etats-Unis (même s’il s’est un peu effacé), le poids de sa diplomatie, son positionnement fort vis-à-vis de la Russie, etc. sont un apport incontestable. Sans oublier un fait important : l’Union perd un siège au Conseil de sécurité de l’ONU où Londres exerce sinon une influence prépondérante, du moins un rôle notable (au moins aussi important que le siège français). On l’a vu lors de la négociation d’une résolution contre les trafiquants en haute mer au large de la Libye, où le Royaume-Uni a tenu « la plume » du texte adopté…

Pourquoi lève-t-on les sanctions sur les Biélorusses ?

Wed, 14/10/2015 - 15:07

(B2) Cela ne fait plus l’ombre d’un doute aujourd’hui. Et le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Harlem Désir, a confirmé à Luxembourg, ce que tout le monde n’osait dire. « Il y a un accord pour suspendre les sanctions » frappant les Biélorusses, pour une durée de 4 mois. Cette levée survient pour plusieurs raisons, bonnes ou mauvaises.

La conjoncture…

Tout d’abord, les élections certes n’ont pas été super démocratiques. Quand un président est élu à 83% des voix et où le second fait de la figuration à 4% des voix, on a comme un soupçon d’échec démocratique. Mais elles n’ont pas été suivies d’une politique de répression, comme fin 2010. Elles surviennent « dans un climat apaisé » justifie Harlem Désir. Ensuite, la raison qui motivait ces sanctions a disparu. Les prisonniers politiques ont été libérés par le gouvernement Loukachenko, les derniers au mois d’août. Ce n’est pas un détail. Car le dispositif des sanctions ne peut en l’état perdurer. Un dispositif de sanctions déjà mis à mal. Depuis plusieurs mois, les tribunaux européens ont, très régulièrement, invalidé les sanctions frappant des Biélorusses, les estimant non prouvées. Et une vingtaine de personnes ont déjà été, discrètement, retirées de la liste noire de l’UE durant l’été, pour des raisons similaires (lire : La liste noire « Belarus » allégée de 24 noms).

… et la politique

A ces raisons, plus ou moins fondées juridiquement, s’ajoutent des considérations beaucoup plus politiques. La Biélorussie a joué un rôle, qu’on considère positif, à Bruxelles comme à Paris et à Berlin, dans la crise ukrainienne. En montrant une certaine équidistance entre Russes et Ukrainiens, avec qui Loukachenko entretient de bons rapports, en offrant sa capitale comme lieu de négociation qui a préludé aux deux accords de Minsk, la Biélorussie a tiré assez habilement son épingle du jeu. Minsk essaie également de ne pas dépendre totalement de Moscou et de se rapprocher de l’Union européenne, tout en gardant son lien privilégié avec la Russie. A cet égard, cela constitue un test de la nouvelle politique de voisinage oriental de l’UE, moins « agressive » à l’égard de Moscou, et plus réaliste. Terminée, la politique « idéaliste » mise en place fin 2013, où par la signature d’accords étroits, l’Europe entendait apporter la démocratie et l’économie de marchés aux pays les plus proches de la Russie. Du coup, le pouvoir largement autocratique de Loukachenko et la réduction à quasi-zéro de son opposition.

La découverte de la Realpolitik, un tournant par rapport à 2013

L’Europe, qu’on a souvent taxée de bisounours de la politique internationale, pratique ainsi une certaine RealPolitik, assez froide, un peu éloignée sans doute de la proclamation des valeurs démocratiques, mais sans doute plus concrète vis-à-vis de ses propres moyens. La Biélorussie représente ainsi à l’Est ce que l’Egypte représente au Sud : un subtil compromis entre la défense nécessaire des valeurs et la tout aussi nécessaire recherche de pôles de stabilité dans le voisinage. Le pari fait à Bruxelles est que, pas à pas, la politique de la main tendue, pourrait produire au final, plus d’effet que la grande politique d’accords d’association avec le voisinage oriental conclue en novembre 2013 qui a débouché davantage sur le chaos que sur la stabilité (cf. Ukraine ou Moldavie), tant au plan politique qu’au plan économique.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Plus de détails lire sur B2 Pro :

Acheter Français pour remplacer le Famas : est-ce possible ?

Tue, 13/10/2015 - 12:01

Personnels des OMLT (Operational Mentoring and Liaison Teams) du 515e RT pendant une seance de tir FAMAS sur un pas de tir de Kaboul (crédit: DICOD/Ministère français de la Défense)

(B2) Pour remplacer le FAMAS, achetons un fusil français ! C’est le sens de la campagne que mènent deux députés français, l’un des Républicains du Rhône, Philippe Meunier et, l’autre du PCF du Nord, Jean-Jacques Candelier. Ils ont écrit, début octobre, une Lettre, criant au loup sur l’ouverture à tout vent des marchés publics d’armement à des « étrangers ». Une lettre qui flatte le nationalisme à deux sous, où tout ce qui n’est pas français est « étranger » — Européens compris — et qui surfe sur l’émotion, légitime, de la fin du FAMAS, le fusil d’assaut de la Manufacture d’armements de Saint-Etienne (aujourd’hui fermée). Tout un symbole. Mais les arguments utilisés sont plus proches de la publicité mensongère…

Le premier argument utilisé est l’exclusion d’une solution nationale

« Tout a été mis en œuvre dans la procédure d’appel d’offres pour exclure, de fait, toute solution nationale. Cela n’est pas acceptable. » indiquent-ils

Le ministère de la Défense a, effectivement, lancé en 2014 un appel d’offres pour renouveler le parc des FAMAS, fusils de l’armée française. Un « beau » marché puisqu’il concerne 90.000 armes, les munitions, les accessoires et le dispositif de soutien et s’étale sur 14 ans. Un appel d’offres restreint, comme l’y autorise la réglementation communautaire — la directive de 2009 sur les marchés publics de défense — mais lancé au plan européen. Tout simplement parce qu’il n’y a pas (plus) de production nationale de fusils d’assaut. La « préférence communautaire » s’applique bien (*). Ceux qui sont exclus ne sont pas les producteurs nationaux mais les opérateurs hors de l’Union européenne, comme l’indique l’appel d’offres.

« Cette procédure n’est pas ouverte aux opérateurs économiques des pays tiers à l’union européenne ou à l’espace économique européen »

L’appel d’offres du ministère de la défense est même allé assez loin puisqu’il a précisé que la réalité de la production devait aussi se situer dans l’Union européenne. Le contractant devant justifier :

1° « que les moyens de production, indispensables à la fabrication des canons et des têtes de culasse des fusils d’assaut, sont actuellement situés et mis en oeuvre sur le territoire de l’UE ou de l’EEE (espace économique européen) ». L’industriel doit fournir « la liste de ces moyens, l’adresse de leur lieu d’implantation et la liste des productions réalisées au cours des trois dernières années »
2° idem « pour les sources d’approvisionnement, indispensables à la fabrication des canons et des têtes de culasse des fusils d’assaut »
3° idem « pour la chaîne d’assemblage et les moyens de la (réception) finale des fusils d’assaut ».

De plus, il doit justifier de certaines capacités, par exemple « sa capacité à exécuter, sur une longue durée et pour des quantités d’armes importantes, des contrats de fourniture de fusils d’assaut incluant des prestations documentaires, notamment au travers des axes suivants : quantités d’armes livrées, durée des contrats, organisation, effectifs, principes de management, gestion des risque ».

C’est là le hic justement. Car le fameux poulain des deux députés, le « français » Verney-Carron, établi à Saint-Etienne (**), ne remplit pas ces conditions. Tout simplement car il n’a pas ce produit à son catalogue et que s’il en fabriquait un, ce serait en vertu d’un accord de transfert de technologie, conclu avec l’industriel israélien, Israel Weapon Industry (IWI), fabricant du légendaire Uzi et des plus récents Galil ou Tavor. En fait de « made in France » et de fabricant national de fusil, on se se trouve plutôt face à ce qu’on appelle un faux-nez européen. C’est-à-dire un fabricant « étranger » qui trouve un débouché sur le sol national. On comprend mieux pourquoi le ministère de la Défense préfère inclure dans son appel d’offres des fabricants, patentés de fusil d’assaut, qui ont déjà fait leurs preuves sur le marché européen, voire national. Cinq industriels restent actuellement en compétition : l’Allemand Heckler & Koch (avec le HK 416), le Belge FN Herstal (avec son SCAR), l’Italien Beretta (avec son ARX 160), le Suisse Swiss Arms (qui produit notamment le SIG 550) et le Croate HS Produkt (avec le VHS2). Les évaluations sont en cours. Le résultat du marché devrait être notifié en décembre 2016 pour un achat courant 2017 et l’équipement complet des forces en 2018. Certaines retombées de ce marché ne sont d’ailleurs pas exclues pour certaines entreprises françaises, comme Nexter Mechanics basé à Tulle (Corrèze) ou Manurhin basé à Mulhouse.

Quant à la deuxième affirmation des deux députés :

« Aussi loin que remonte l’histoire de nos armées, le fantassin français a toujours été équipé d’une arme fabriquée sur notre sol. »

Elle se heurte à certaines réalités qui ont sans doute échappé à nos représentants de la nation. Cela fait belle lurette que de nombreuses unités sont équipées de fusils fabriqués hors de France. Le HK 416 a ainsi remplacé le FAMAS dans l’armée de l’air, en commençant par les commandos parachutistes, l’escadrille spéciale d’hélicoptères de Cazaux avant de se généraliser dans toute l’arme. Et comme l’atteste mon collègue du mamouth, fin connaisseur des équipements, ce n’est pas le seul exemple. « L’armée de terre a acquis des fusils d’assaut SCAR (de la FN). Et les forces déployées à l’étranger avaient aussi bénéficié de fusil d’assaut SiG (suisse) dans les années 70, faute de mieux dans le patrimoine national. » Idem pour le COS, le commandement des opérations spéciales, qui a doté ses personnels « faute de produits nationaux équivalents de pistolets Glock et HK, HK416 et 417, miniguns M134D de Dillon » etc.

L’ambition à travers la mise en place d’appels d’offres européens n’est pas d’ouvrir à tous les vents – comme le prétendent les auteurs de la lettre – mais bien de créer un marché européen de la défense (celui-ci est encore balbutiant) et de consolider les industries nationales. La réaction du repli sur soi peut se comprendre. Mais, à terme, elle se révèle suicidaire. Car les marchés nationaux sont aujourd’hui trop petits pour faire vivre un industriel. L’exemple du FAMAS le montre, à la perfection… Une arme peu vendue à l’export, qui n’est pas suffisamment bon marché ni exceptionnelle, pour susciter un engouement extérieur.

(NGV)

(*) La préférence communautaire n’a pas été inscrite de façon obligatoire dans la réglementation européenne, malgré les demandes françaises. Mais elle n’est pas interdite. C’est au choix des Etats membres de l’appliquer ou non.

(**) Un autre projet, mené par Etienne Faverjon, le fusil Ariès, avait commencé à faire parler de lui avant de sombrer. L’entrepreneur, établi également à Saint-Etienne a été arrêté pour trafic d’armes (lire sur le Parisien ou le Progrès) et son entreprise, France-Armes, a ensuite été mise en liquidation. On comprend pourquoi les services de commande de l’Etat ont quelques doutes sur les vocations de dernière minute…

Crash d’un hélicoptère britannique en Afghanistan

Mon, 12/10/2015 - 15:15

(B2) Un hélicoptère Puma MK2 de la Royal Forces s’est écrasé au quartier général de l’opération de l’OTAN, Resolute Support, à Kaboul, en Afghanistan. Cinq personnes dont deux membres de la RAF sont mortes dans ce crash. « Un accident et non pas le résultat de l’activité des insurgés » précise-t-on du côté du ministère britannique de la Défense.

La résolution de l’ONU sur la lutte contre les trafiquants. Obligatoire ?

Fri, 09/10/2015 - 19:05

Intervention de la marine allemande au secours de migrants au large de la Libye (crédit : Bundeswehr, juin 2015 / archives B2)

(BRUXELLES2) Le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’approuver dans une résolution les mesures prises par les Européens au large de Libye afin de traquer les trafiquants d’êtres humains (l’opération EUNAVFOR Med alias Sophia). Une approbation utile mais pas révolutionnaire, contrairement à ce qui a été souvent indiqué. Explication rapide…

En Haute mer s’applique le droit international – la convention de Montego Bay et le protocole de Palerme – qui permet, déjà, à toute autorité publique en mer (navire militaire, de gardes-frontières, etc.) de prendre toutes les mesures nécessaires contre ces trafiquants. Ce sans avoir de résolution des Nations-Unies. Certains Etats membres ont déduit que ces « mesures nécessaires » impliquaient le pouvoir de saisir les navires, d’arrêter et traduire en justice les trafiquants. C’est le cas de la France ou de l’Italie. D’autres estiment que cette terminologie n’est pas assez précise et ne permet pas d’entraver les libertés publiques. C’est le cas notamment au Royaume-Uni. Cette résolution ne tranche pas totalement le dilemme. Si elle est très précise sur les saisies de navires, elle renvoie pour les arrestations de façon générale au droit interne et international.

La résolution de l’ONU est, en revanche, plus précise sur les mesures possibles contre les navires suspects d’un Etat portant pavillon (un point encore plus sensible que le précédent) et la destruction, sous certaines conditions, des navires suspects. Mais, là encore, cependant, il s’agit davantage d’une clarification du droit applicable que d’une novation du droit international.

Cette résolution est surtout utile au plan politique. Elle marque le consensus de la communauté internationale sur l’intervention contre les trafiquants. Elle oblige tous les autres Etats à engager des poursuites contre ceux-ci. Et tout le monde à coopérer dans ces matières. Elle donne ainsi les bases à un engagement international plus décisif en la matière.

(NGV)

Pour aller plus loin :

Les moyens de l’opération Sophia (EUNAVFOR Med) dans sa phase 2

Wed, 07/10/2015 - 16:39

(B2) Dans sa seconde phase, qui démarre aujourd’hui, l’opération Sophia (ex EUNAVFOR Med) comptera 6 navires et 7 moyens aériens (avions et hélicoptères), soit un peu plus que lors de la première phase, limité au renseignement et au recueil d’information (lire : L’opération EUNAVFOR Med est lancée. Les moyens mobilisés (exclusif)). 3 autres navires devraient venir dans les semaines qui viennent renforcer ceux déjà présents (ainsi que nous l’avions annoncé sur B2 Pro il y a quelques semaines déjà, lire : Petit succès pour la génération de forces d’Eunavfor Med, phase 2. Qui participera ?). Il ne faudra cependant pas additionner les moyens, certains ne restant que quelques semaines.

6 navires actuellement sur zone

le porte-hélicoptères italien Cavour qui demeure le navire-amiral où se trouve le commandement de la force (FHQ).

la frégate allemande Schleswig-Holstein (F-216) et le navire de soutien Werra (A-514), un navire de la classe Elbe de type 404devraient être relevés prochainement. Lire aussi : Deux navires allemands engagés en Méditerranée dans l’opération EUNAVFOR Med

la frégate britannique HMS Enterprise (H-88), spécialisée dans les écoutes de l’environnement maritime, équipée en sonar, radar et autres mesureurs d’échos.

la frégate française Courbet (F-712), a rejoint la force EUNAVFOR vendredi (2 octobre). Cette frégate de type FREMM dispose d’un hélicoptère Panther de la flotille d’aviation maritime 36F, basée à Hyères (près de Toulon). Elle est présente pour une durée limitée (environ 6 semaines).

la frégate espagnole Canarias (F-86) qui a rejoint la force lundi (5 octobre). La frégate est arrivée tôt au matin, rejoignant le Cavour dans le port militaire de Augusta en Sicile. Les marins espagnols ont passé un jour entier à bord, le temps de compléter les procédures et le déploiement opérationnel. Un moment clé notamment pour installer les dispositifs de communication (notamment un ‘chat sécurisé’ de type Mercury qui permet aux navires de communiquer entre eux. La frégate Canarias est une frégate de classe ‘Santa María’, avec un équipage de 202 personnes. Elle dispose d’un hélicoptère de bord, un SH-60B Seahawk, prénommé ‘Tweety », « équipé pour les vols de nuits et les patrouilles de renseignement » précise-t-on au QG d’Eunavfor.

A ces moyens s’ajouteront trois autres navires qui vont arriver sur zone dans les prochains jours ou semaines

La frégate Leopold Ier rejoindra prochainement la Méditerranée. Elle a appareillé, lundi (5 octobre) de sa base de Zeebruge. Dotée d’un équipage de 175 militaires, elle devrait rester six semaines dans la région, selon l’agence Belga dans une opération baptisée du côté belge « Cooperative Venture ». La frégate rejoindra ensuite le porte-avions français Charles de Gaulle, pour une mission dans le Golfe Persique. Mission non encore confirmée côté français.

La corvette slovène Triglav 11, devrait être engagée dans l’opération durant 4 mois. Elle appareillera le 16 octobre prochain. L’engagement slovène a pris un peu de retard, comme le confirme le porte-parole de l’armée, Simon Korez. « A l’origine, le navire devait partir pour le 10 octobre, mais en raison de la préparation et la préparation de l’armement, il a pris un peu de retard ». Les Slovènes ont cependant posé une réserve à leur engagement (caveat) au processus de l’arraisonnement et l’inspection des navires s’ils étaient confrontés à une résistance active. En plus de l’équipage du navire (un ancien patrouilleur russe de la classe Svetlyak), 12 officiers et marins participent également à l’état-major de la force et au Rôle 2 (hôpital de campagne). 

La frégate britannique, HMS Richmond (F-239), une frégate de type 23, viendra relayer son homologue.

Coté aérien, on décompte trois avions de patrouille maritime

Un P3 Orion espagnol, basé à Sigonella (lire : Un P3 Orion espagnol pour EUNAVFOR Med

Un avion Swearingen SW3 Merlin III Luxembourgeois, basé à Malte

Un avion Falcon 50 français, par intermittence

Au moins 4 hélicoptères

Un hélicoptère italien EH 101 basé en Sicile ;

Les 3 hélicoptères de bord des navires engagés (des navires allemand, espagnol et français en disposent)

L’hélicoptère britannique EH 101 ou AW101 Merlin MK2, qui opèrait, avec un équipage de 4 personnes (deux pilotes, 1 observateur, un technicien d’équipage), depuis Malte a terminé son engagement fin septembre. Le Tiger 01 (du 814 Naval Air Squadron) a totalisé à son actif 92 heures de vols dont 86 en opération, 31 missions accomplies, dont 25 opérationnelles. Basé à Malte, il opérait en général depuis le pont du Cavour. Il était présent dans l’opération depuis le le 7 juillet.

Autres moyens

Des drones maritimes italiens

Un sous-marin italien (voire d’autres nationalités… mais qui restent sous commandement national chut !)

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi :

Plus de crise, plus d’Europe de la défense, les ateliers de la Citadelle 2015

Wed, 07/10/2015 - 16:16

(B2) « BRUXELLES2 » / B2 participera, jeudi (8 octobre), aux « Ateliers de la Citadelle » qui portent un titre plus que d’actualité : « Plus de crise, plus d’Europe de la défense ?« .

Organisés par  la mission Lille Eurométropole défense et sécurité (LEDS), la Ville de Lille, en partenariat avec l’Institut Jacques Delors, Toute l’Europe.eu, et France-Culture, dans la citadelle Vauban de Lille, siège du Corps de réaction rapide, cette conférence est un rendez-vous important pour l’Europe de la Défense. Seront présents une pléïade d’experts, d’élus et de militaires. Nicole Gnesotto, présidente du CA de l’IHEDN ; Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, ainsi que Michel Barnier, introduiront et animeront les débats. Télécharger le Programme

La première table ronde (à laquelle je participerai) est consacrée au « Parler vrai » avec le général de Rousiers, président du Comité militaire de l’Union européenne, Gilles de Kerchove, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, et mon honorable collègue de l’Opinion et du blog Secret Défense, Jean-Do Merchet.

La seconde table ronde est titrée « Agir vite » Veronika Wand-Danielson, aujourd’hui ambassadeur de Suède à Paris mais qui a été longtemps en poste à Bruxelles, Pierre Vimont, ancien secrétaire général du Service diplomatique européen (SEAE), Joachim Bitterlich, ancien conseiller du chancelier H. Kohl, et Nick Withney, chercheur à l’ECFR et ancien de l’agence européenne de Défense.

(NGV)

L’opération Sophia en phase 2. Entretien avec Hervé Blejean

Wed, 07/10/2015 - 07:36

(BRUXELLES2) L’opération Sophia (ex EUNAVFOR Med) entre aujourd’hui (7 octobre) dans une phase plus active, la phase 2a visant à arrêter les trafiquants d’êtres humains et les passeurs en haute mer. B2 a pu s’entretenir, de façon approfondie, avec le contre-amiral Hervé Bléjean, commandant en chef adjoint de l’opération au quartier-général d’opération de Rome (interview intégrale parue sur B2 Pro, lire : EUNAVFOR Med une pièce dans un puzzle plus complet (Bléjean)). Extraits…

La phase 2 (2a) démarre. Quel est votre objectif durant cette phase qui doit être plus opérationnelle ?

Notre objectif est de démanteler les réseaux criminels qui font de l’argent avec le désespoir des gens, et risquent la vie des gens qu’ils font partir en mer dans des conditions dangereuses et scabreuses. Si on appréhende de possibles trafiquants ou passeurs, le but est de les traduire en justice. Et d’avoir ce qu’on appelle le Legal finish. C’est-à-dire d’aboutir, au final, à la condamnation des trafiquants.

Vous pourrez agir malgré les contraintes du droit international ?

Le droit international permet de mener un certain nombre d’actions que ce soit au titre de la convention de Montego Bay ou du protocole de Palerme. On a ainsi parfaitement le droit de monter à bord pour assurer le contrôle des papiers et l’identité des bateaux qui ne battent pas de pavillon. Ce qui est le cas de la grande majorité des bateaux impliqués dans le transport des migrants. Il ne s’agit pas d’un contrôle d’identité des personnes mais des papiers du navire.

Vous parlez de poursuite en justice. Qui va poursuivre ? Va-t-on se retrouver dans la même problématique que pour l’opération Atalanta, avec la difficulté de poursuivre les gens arrêtés ?

L’Italie a accepté de poursuivre tout suspect remis par un navire participant à l’opération, quelle que soit la nationalité du navire. Mais chaque nation participante garde une option. Il appartient à l’Etat de décider s’il souhaite poursuivre ou non la personne arrêtée. Si la réponse est non, l’Italie accepte de poursuivre, pour peu qu’on puisse lui produire une procédure acceptable, par le procureur anti-mafia italien.

Des personnes ont-elles déjà été remises à la justice ?

Oui. Une quinzaine de personnes ont déjà été remises à la justice italienne. Elles étaient liées de près ou de loin, aux réseaux de passeurs.

Démanteler les réseaux ne va pas se faire en quelques mois ?

Non. C’est un travail de fourmi, de longue haleine, qui va prendre du temps. Tout l’objet de l’opération est d’ailleurs d’aller plus loin, de renforcer la coopération avec les organisations de police européenne ou internationale (Eurojust, Interpol…) et de pouvoir agir aussi sur les flux financiers dégagés par ces organisations. Cela nécessite une approche globale complète.

Vous ne pouvez cependant aller dans les eaux territoriales libyennes actuellement ?

Non. Ce sera pour une étape ultérieure. C’est l’objectif ultime de l’opération : aller dans l’espace de souveraineté libyen pour appréhender, au plus près, tous les moyens utiles aux réseaux de trafiquants et passeurs. Mais dans tous les cas il faut une invitation du gouvernement d’unité nationale libyen. Et ce sont des leviers qui ne sont pas entre nos mains. C’est tout l’enjeu du travail mené par Bernadino Leon (NDLR : l’envoyé spécial de l’ONU), dont on appelle le succès.

Donc pas d’intervention en Libye sans l’accord libyen contrairement à ce qui s’était passé en 2011 pour l’opération de l’OTAN ?

Exactement. On ne fera rien dans l’espace de souveraineté libyen sans accord du gouvernement libyen, reconnu par la communauté internationale. Il ne doit y avoir aucun fantasme sur nos intentions. Nous n’avons pas d’agenda caché.

Vous restez très discrets sur le modus operandi des trafiquants, sur ce que vous allez faire dans cette autre phase, pourquoi cette prudence ?

Un de nos objectifs est d’avoir quelques succès opérationnels. L’adversaire est extrêmement connecté, a ses propres capacités d’analyse et de renseignement sur des sources ouvertes. Toute fuite sur la façon dont on veut procéder, qui nous visons, à quel moment on change de dispositif, mettrait à bas notre tactique. Tout le monde mettra la tête sous l’eau, et ce sera dommage. Quand on place une souricière, on ne dit pas quel type d’appât, de piège, ni où et à quel moment on le fait.

(propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)

La Cour de justice sonne le tocsin pour les libertés publiques. Les 5 leçons de l’arrêt Schrems

Tue, 06/10/2015 - 19:25

(B2) L’arrêt qu’a rendu la Cour de justice européenne ce mardi ( 6 octobre) est un rappel à l’ordre cinglant en matière de libertés publiques pour la Commission européenne comme pour Facebook, et les autres sociétés internationales qui utilisent les données personnelles, sans vergogne. Il enfonce un coin dans la relation UE-USA. Face à un pays pas sûr en matière de protection des données, toute institution nationale est en droit et même en devoir de refuser le transfert des données, quand bien même la Commission européenne en aurait décidé autrement.

Que dit l’arrêt Schrems ?

1° Le système américain de protection de données n’offre pas « un niveau de protection substantiellement équivalent à celui garanti au sein de l’Union ». Le régime américain de la sphère de sécurité rend « possible des ingérences, par les autorités publiques américaines, dans les droits fondamentaux des personnes ». Les autorités des États-Unis peuvent ainsi accéder aux données à caractère personnel transférées à partir des États membres vers ce pays et traiter celles-ci « d’une manière incompatible, notamment, avec les finalités de leur transfert et au-delà de ce qui était strictement nécessaire et proportionné à la protection de la sécurité nationale ».

« Dès lors qu’elle autorise de manière généralisée la conservation de toutes les données à caractère personnel de toutes les personnes dont les données sont transférées depuis l’Union vers les États-Unis sans qu’aucune différenciation, limitation ou exception ne soient opérées en fonction de l’objectif poursuivi et sans que des critères objectifs ne soient prévus en vue de délimiter l’accès des autorités publiques aux données et leur utilisation ultérieure » une réglementation n’est « pas limitée au strict nécessaire ». Elle devient donc illégale. Une réglementation qui permet « aux autorités publiques d’accéder de manière généralisée au contenu de communications électroniques doit être considérée comme portant atteinte au contenu essentiel du droit fondamental au respect de la vie privé ».

Enfin, il n’existe « pas, pour les personnes concernées, de voies de droit administratives ou judiciaires permettant, notamment, d’accéder aux données les concernant et, le cas échéant, d’obtenir leur rectification ou leur suppression ». Là aussi, il y a « atteinte » aux droits fondamentaux. Une telle possibilité « étant inhérente à l’existence d’un État de droit » !

2° La Commission européenne a failli à ses devoirs. La Cour ne contente pas d’annuler la décision de la Commission. Les arguments utilisés sont particulièrement sévères pour l’exécutif européen. D’une part, la Commission était tenue de constater que les États-Unis assurent effectivement, en raison de leur législation interne ou de leurs engagements internationaux, un niveau de protection des droits fondamentaux substantiellement équivalent à celui garanti au sein de l’Union en vertu de la directive lue à la lumière de la Charte. Elle ne l’a pas fait. La Commission « n’a pas opéré un tel constat, mais qu’elle s’est bornée à examiner le régime de la sphère de sécurité ». Cependant, elle savait bien qu’il y avait des problèmes avec la protection des données au niveau américain. La plupart des arguments de la Cour sur le déficit de protection aux Etats-Unies sont en effet, tirées de communications de la Commission européenne. Enfin, elle a interdit aux autorités nationales de contrôle de se prononcer en cas de plainte d’un citoyen.

3° C’est la troisième leçon de cet arrêt. La Cour considère que la Commission n’avait pas la compétence de restreindre ainsi les pouvoirs des autorités nationales de contrôle. Aucune disposition de la directive n’empêche les autorités nationales de contrôler les transferts de données personnelles vers des pays tiers ayant fait l’objet d’une décision de la Commission. Ainsi, même en présence d’une décision positive de la Commission, les autorités nationales de contrôle, saisies d’une demande, doivent pouvoir « examiner en toute indépendance si le transfert des données d’une personne vers un pays tiers respecte les exigences posées par la directive ». En d’autres termes, une décision de la Commission « constatant qu’un pays tiers assure un niveau de protection adéquat aux données à caractère personnel transférées ne saurait annihiler ni même réduire les pouvoirs dont disposent les autorités nationales de contrôle en vertu de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de la directive ».

4° La valeur suprême des droits fondamentaux. Au passage, les juges de la Cour rappellent un principe :« le droit à la protection des données à caractère personnel comme la mission dont sont investies les autorités nationales de contrôle » sont garanties par la Charte des droits fondamentaux.

5° Dernier point, qui est un rappel des prérogatives de la justice européenne. La Cour de justice rappelle qu’elle est « seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union », tel qu’une décision de la Commission. Par conséquent, lorsqu’une autorité nationale ou bien la personne ayant saisi l’autorité nationale estime qu’une décision de la Commission est invalide, cette autorité ou cette personne « doit pouvoir saisir les juridictions nationales pour que, dans le cas où elles douteraient elles aussi de la validité de la décision de la Commission, elles puissent renvoyer l’affaire devant la Cour de justice ». Et ce sera aux juges européens que reviendra alors « la tâche de décider si une décision de la Commission est valide ou non ».

En l’occurrence, la réponse ne suscite aucune ambiguïté. La Cour déclare « la décision de la Commission du 26 juillet 2000 invalide ». L’autorité irlandaise de contrôle qui avait été saisie d’une plainte (par M. Schrems) doit « avec toute la diligence requise » décider « s’il convient, en vertu de la directive, de suspendre le transfert des données des abonnés européens de Facebook » vers les États-Unis au motif que ce pays n’offre pas un niveau de protection adéquat des données personnelles.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Arrêt C-362/14, Maximillian Schrems / Data Protection Commissioner, du 6 octobre 2015. A télécharger ici

Kunduz, Turquie. Le double standard de Jens Stoltenberg

Tue, 06/10/2015 - 17:01

(B2) Autant le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a été prolixe et incisif, tout à l’heure lors de son point de presse, sur l’incursion russe dans l’espace aérien turc — « une violation grave », un fait « inacceptable », etc. — autant il a été beaucoup plus elliptique sur le bombardement d’un hôpital de MSF. « Je suis terriblement attristé par les évènements. Une enquête complète a été mise sur pied » a-t-il lâché. Et c’est tout.

De la même façon, Jens Stoltenberg, n’est pas avare de quelques précisions sur ce qui s’est passé sur la frontière turque. « Cela ne ressemble pas à un accident » explique le secrétaire général de l’OTAN, donnant moult détails. « Il y a eu deux violations au cours du Week-end (NB : par un Sukhoi 30 et un Sukhoi 24). Et cette violation a duré longtemps par rapport aux violations de l’espace aérien dans d’autres points de l’Europe. Les renseignements que nous avons reçus me font (donc) dire que ce n’est pas un accident. »

Sur l’Afghanistan, il reste beaucoup plus prudent, même très prudent. Ici pas de renseignement de première main, le flou règne. On attend. « Il faut une enquête complète pour établir les faits, une investigation approfondie et complète, ensuite on tirera les conclusions » souligne Stoltenberg.

Une erreur de la chaîne de commandement ?

Cependant les informations publiques à disposition font état d’un bombardement, durant plusieurs minutes, à plusieurs reprises, par des avions américains membres de l’Alliance. On parait assez loin d’un simple dégât collatéral : on est soit face à une énorme bévue « technique » de l’armée de l’air américaine qui imposerait des mesures immédiates de correction ; soit en présence d’un objectif sciemment visé (l’hôpital abritant les talibans). Dans tous les cas, il y a une nécessaire remise en ordre dans la chaîne de commandement Otan et US.

Le double standard !

Le double standard règne. Quand un avion allié de l’OTAN mène une frappe qui, normalement, doit être considéré comme un crime de guerre — le bombardement d’un hôpital, normalement neutre, tue soignants et soignés —, on est seulement (un peu) tristes. Mais c’est tout. Quand la Russie déborde, sciemment, de sa ligne et fait une incursion en territoire de l’Alliance mais sans aucun autre effet, collatéral que ce qu’on pourrait appeler un show of force, c’est le branlebas de combat, l’alerte rouge, le déferlement de qualificatifs… En termes d’honnêteté d’information, ce n’est pas très sage. Et cela ne prête guère à l’optimisme quant à l’honnêteté des différentes forces en présence.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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