(B2) Le chef par intérim du centre de formation afghans (General Training command), le général Sarder Muhammad Khodamani, reste « préoccupé » face à la réduction des effectifs européens et la fermeture éventuelle des activités d’EUPOL, la mission européenne de police, en Afghanistan. Il l’a exprimé lors d’une réunion avec ses homologues européens en novembre. « L’Union européenne maintiendra son soutien à la police afghane » lui a assuré Tarmo Miilits, le chef par intérim d’EUPOL. Des réunions conjointes avec les bailleurs de fonds internationaux disposés et capables de poursuivre le soutien d’EUPOL à la formation de la police devraient d’ailleurs être organisées régulièrement à partir de décembre 2015.
(crédit : Eurogendfor)
(BRUXELLES2) Une douzaine d’enquêteurs (gendarmes, policiers…) de la mission européenne de soutien aux forces de sécurité maliennes (EUCAP Sahel Mali) et de la composante « UNPOL » de la Minusma – ont prêté main forte à leurs collègues maliens de la Police Nationale (Brigade d’investigation judiciaire et Police technique et scientifique) après l’attentat terroriste à l’Hôtel Blu Radisson de Bamako, vendredi (20 novembre), apprend-on. Ils ont apporté un soutien technique, notamment, essentiel pour l’enquête. Celle-ci étant conduite par les juges et policiers maliens.
Ce sont eux notamment qui ont assuré le prélèvement des empreintes des deux suspects tués lors leur attaque, permettant leur identification. L’équipe malienne ne semblait pas disposer du matériel de police scientifique nécessaire. Les gendarmes ont également disséqué les armes utilisées pour tracer leur provenance et leur fabrication. Des éléments indispensables de l’enquête.
« C’est l’occasion de soutenir nos camarades maliens dans la mise en pratique de notre action de formation, dans les domaines de la Police judiciaire et du contre-terrorisme que nous leur enseignons », affirme le colonel John Veneau, chef des opérations de la mission. Depuis janvier 2015, la mission EUCAP Sahel Mali forme les forces maliennes sur la police judiciaire, la direction d’enquête, la police scientifique et technique, et les techniques de renseignement.
Les experts d’EUCAP avaient déjà soutenu les forces de sécurité intérieure du Mali après l’attaque contre La Terrasse, en mars 2015 (lire : Attentat à Bamako, plusieurs victimes européennes dont un agent de l’UE)
NB : Cet attentat comme le précédent de Bamako devrait remettre un focus plus déterminé de la mission EUCAP Sahel Mali sur le vecteur anti-terrorisme.
(Leonor Hubaut & Nicolas Gros-Verheyde)
Déploiement d’officiers de Frontex en 2012 à la frontière grèco-turque (crédit : Frontex / Archives B2)
(B2) Il aura fallu un peu de temps et quelques articles de presse, toute comme la menace d’une sortie de Schengen (agité en sous-main par la Commission européenne par le biais de quelques fuites savamment organisées dans plusieurs quotidiens nationaux). Finalement Athènes a décidé de demander l’aide de l’Europe.
Le mécanisme de protection civile déclenché
La Grèce a activé aujourd’hui le mécanisme de protection civile de l’UE demandant un soutien matériel pour faire face à l’afflux des réfugiés et des demandeurs d’asile dans le pays. La grèce a besoin en toute urgence de tentes, de générateurs, de lits, d’équipements sanitaires et des trousses de premiers soins d’urgence. Cette aide est coordonnée par le Centre des interventions d’urgence de la Commission (CESU), en étroite liaison avec les autorités grecques et les autres Etats.
Un nouvelle opération à la frontière de la Macédoine
Athènes a également approuvé aujourd’hui le plan opérationnel (OpPlan) d’une nouvelle opération de l’Agence frontex, qui sera déployée à la frontière entre la Grèce et l’ancienne République yougoslave de Macédoine, où l’agence aidera avec l’enregistrement des migrants. Le déploiement d’agents supplémentaires débutera la semaine prochaine.
Un renfort de gardes-frontières en mer Egée
Enfin, la Grèce a déposé aujourd’hui une demande formelle de déploiement d’une équipe d’intervention rapide aux frontières (RABIT) pour fournir un renfort immédiat de garde-frontières dans les îles de la mer Égée. Frontex va maintenant traiter la demande comme une question de priorité.
Plus de 50.000 personnes passent en Grèce
Plus de 50.000 personnes ont cherché refuge en Grèce depuis le 1er novembre (en provenance essentiellement de la Turquie). Soit un rythme moyen de 1600 personnes par jour. Ce rythme – selon nos informations – a décru de façon notable depuis le sommet tenu avec la Turquie et l’octroi d’une facilité de 3 milliards d’euros. Ankara semble ainsi avoir décidé de contrôler un peu plus sa frontière et de mettre fin au laissez-aller des derniers mois. Une pratique assez régulière de la Turquie, semble-t-il si on en croit les diplomates européens.
L’article 222 du Traité déclenchable
On peut se demander vraiment dans les conditions auxquelles fait face la Grèce s’il n’y avait pas matière à déclencher la clause de solidarité de l’article 222 du Traité (1). Selon le texte, un État membre — affecté par une catastrophe, d’origine humaine, peut invoquer cette clause « s’il estime, après avoir exploité les possibilités offertes par les moyens et les instruments existants, tant au niveau national qu’à celui de l’Union, que la situation dépasse manifestement les capacités de réaction dont il dispose ». On se trouve manifestement dans cette hypothèse. La seule question est de savoir si la Grèce a « exploité » tous les instruments existants au niveau de l’Union européenne. Force est de reconnaître que non. La demande de déclenchement du mécanisme de protection civile, faite seulement aujourd’hui par Athènes, le prouve…
(NGV)
(1) Une clause envisagée par Paris après les attentats du 13 novembre, la France ayant finalement tranché pour une approche plus intergouvernementale et militaire avec l’article 42.7 (lire : La France peut-elle déclencher une clause de solidarité de ses alliés ? Quel intérêt ?)
(B2) La frégate allemande Augsburg (F-213) va intégrer le groupe d’action navale créé autour du porte-avions Charles-de-Gaulle chargé des frappes en Syrie. La marine allemande vient de le confirmer. Le Bundestag — la chambre des députés allemands — a autorisé aujourd’hui (4 décembre) l’engagement de la Bundeswehr pour soutenir les actions de la France contre l’organisation de l’Etat islamique (Daech) en Syrie ou en Irak.
Une démarche de solidarité
Très clairement, les Allemands affichent, en effet, que cet engagement vient en soutien de la France « dans le cadre du devoir d’assistance entre les Etats membres de l’Union européenne en vertu de l’article 42.7 du traité UE » et de la résolution 2249 des Nations-Unies du 20 novembre qui enjoint à toutes les nations, « de prendre les mesures nécessaires » pour lutter contre Daech en Syrie et en Irak. Au niveau national, c’est l’article 24 (2) de la Loi fondamentale qui prévoit les règles d’un système de sécurité collective mutuelle qui est applicable.
Reconnaissance, ravitaillement, marine et satellites
L’engagement allemand comprend l’utilisation d’avions Tornado (sans effectuer de bombardements), mais équipés de systèmes de repérage RecceLite, de ravitailleurs en vol type Airbus A330 MRTT, pour ravitailler en pétrole les raids assurés par les Français (ou les autres avions de la coalition notamment Britanniques), ainsi qu’une frégate et un ravitailleur. En tout 1200 hommes : 150 pour le ravitaillement en vol, 400 à 500 pour la reconnaissance et la surveillance, 300 pour la protection en mer et 50 personnel supplémentaire de soutien.
Une démarche préparée étroitement entre les deux marines
« Peu de temps après les attentats de Paris je suis allé voir mon collègue français, l’amiral Bernard Rogel. Je suis certain que notre contribution est considérée en haute estime en France » raconte le vice-amiral Andreas Krause, l’Inspecteur en chef de la marine. Ce qui confirme officiellement les remarques d’un haut responsable allemand de la défense qui, en off, nous indiquait, dès le 17 novembre, que des discussions seraient entamées de façon intensive entre les différents niveaux franco-allemands, diplomatiques et militaires dans les jours prochains pour une décision dans les 15 jours. Les Allemands ont tenu parole ! (lire : La clause de défense mutuelle activée. Les alliés se mobilisent. Une première historique).
Un engagement délibéré
Les Allemands ne cachent pas l’objectif de cette opération « Il est extrêmement important que la Marine combatte du côté des Occidentaux contre la violence barbare des groupes terroristes islamistes » assure ainsi le vice-amiral Krause. « Les attaques en Tunisie, Turquie, le Liban, contre la Russie et surtout à Paris ont montré que le Groupe terroriste de l’Etat islamique va bien au-delà de la zone actuellement contrôlée par lui dans les régions en Syrie et en Irak mais constitue aussi une menace mondiale pour la paix et la sécurité publique » indique le communiqué de la marine allemande.
Auprès du Charles de Gaulle de la Méditerranée à la mer d’Arabie
La frégate Augsburg (F-213) se trouve aujourd’hui en Méditerranée centrale, engagée dans l’opération européenne contre les trafiquants en Méditerranée EUNAVFOR Med / Sophia mais va être remplacée, dans cette fonction, par le chasseur de mines Weilheim qui a déjà intégré la force européenne il y a quelques jours. Le mandat donné à ce navire ne sera pas limité à la zone actuelle du porte-avions français. Il aura pour zone d’action « principalement la zone maritime de la Méditerranée orientale, du golfe Persique, de la mer Rouge et des mers environnantes ». Elle va donc rejoindre très rapidement, le Charles de Gaulle, dans « les tous prochains jours », dit-on à la marine allemande. Puis elle passera, par le canal de Suez, en mer d’Arabie, où « les avions français continueront leur engagement ».
Un navire ravitailleur
La marine allemande a l’habitude de l’accompagnement des portes-avions et est plutôt bien préparée à cette tâche. A plusieurs reprises, ses frégates ont assuré la protection des porte-avions américains, notamment dans le Golfe. Un navire de soutien et ravitaillement de la classe Bremen devrait également se joindre au Groupe d’action navale. Deux autres navires européens sont déjà engagés aux côtés du Charles-de-Gaulle, la frégate anti-aérienne britannique HMS Defendeur (D-36) et la frégate belge Leopold Ier.
Les satellites à la rescousse
L’Allemagne met également à disposition de la France son système de satellites SAR-Lupe. Il est complémentaire au système (français) de satellites Hélios, qui fournit des images (photographiques) optiques. SAR-Lupe permet, en effet, d’avoir « des images radar en trois dimensions de l’espace, totalement indépendantes de la lumière du jour et la météo ». Les deux systèmes « se complètent mutuellement pour former une image complète de la situation » affirme-t-on à Bonn, où se trouve la station de contrôle des cinq satellites SAR-Lupe déployés.
(NGV)
Lire aussi :
Un bateau en bois d’une quinzaine de mètres à peine, 286 personnes à bord récupérés par les équipes du Canarias (crédit : marine espagnole)
(B2) Plusieurs navires européens ont mené deux opérations de sauvetage permettant de sauver 700 migrants, près des côtes libyennes. L’alerte a été donnée, aux petites heures du matin, par le Centre de coordination de sauvetage maritime italien à Rome qui a demandé aux navires de l’Opération EUNAVFOR MED / Sophia d’intervenir pour 2 navires en difficulté à 25 milles nautiques au nord des côtes libyennes.
Deux navires et un hélicoptère à la rescousse
Deux navires — le Britannique HMS Enterprise et la frégate espagnole Canarias — ont été dépêchés tandis qu’un hélicoptère EH101 italien du navire amiral Garibaldi, se rendait également sur place pour localiser précisément le bateau. En quelques trois heures, les migrants ont été transbordés sur les deux navires d’EUNAVFOR Med. Direction : Lampedusa pour le HMS Enterprise et Cagliari pour la frégate Canaries. Les migrants venaient d’horizons divers, précise la marine espagnole : la Somalie, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Maroc, la Libye, la Mauritanie, le Yémen et le Mali.
A la recherche des preuves
Selon l’habitude, une fois l’opération de secours effectuée, l’équipe de recueil du Canarias est monté à bord du bateau. Objectif : recueillir un maximum de preuves permettant de reconstituer le trajet du bateau, le modus operandi des passeurs et vérifier s’il n’y a pas trace d’un « client » précédent. La barge a été minée, la mèche allumée et elle a été explosée pour être détruite. « Son pont inférieur était pratiquement à demi submergé et constituait un danger pour la navigation » explique-t-on du côté espagnol. Explication habituelle, mais surtout, il s’agit en coulant les bateaux de « détruire le business model des passeurs en leur interdisant la réutilisation de ces navires ». Pour une fois, des images sont diffusées sur cette destruction. D’ordinaire, du moins au niveau européen, on se garde bien de mettre l’accent sur de telles images (anodines et plutôt courantes dans la lutte anti-piraterie).
6400 personnes secourues
Selon le dernier bilan, en 4 mois, EUNAVFOR MED a permis de récupérer 6400 migrants, sains et saufs, lors de 29 opérations de sauvetage. 48 bateaux ont été détruits. L’opération a aussi permis — le contre-amiral Credendino nous l’expliquait mardi dernier — d’arrêter 43 suspects de trafic d’êtres humains. Lire aussi : Il faut réfléchir à une mission de formation des gardes-côtes libyens (Credendino)
(NGV)
(B2) Le discours de Hilary Benn, le shadow ministre des Affaires étrangères du Labour, n’est pas passé inaperçu hier soir (2 décembre) à la Chambre des Communes. Durant presque 15 minutes, celui qui a été ministre du Développement puis de l’Environnement de Gordon Brown a surpris plus d’un chroniqueur par sa verve, la force de ses arguments à défendre l’engagement britannique en faveur d’une intervention en Syrie. Il vaut le coup d’être écouté.
Des êtres qui se croient supérieurs
« Nous sommes confrontés ici à des fascistes. Non seulement par leur brutalité calculée, mais leur conviction qu’ils sont supérieurs à chacun d’entre nous dans cette assemblée ce soir et tous les gens que nous représentons. Ils nous méprisent. Ils considèrent avec mépris nos valeurs. Ils considèrent avec mépris notre croyance en la tolérance et la décence. Ils considèrent avec mépris notre démocratie (…). Ce que nous savons des fascistes, c’est qu’ils ont besoin d’être vaincus » a-t-il asséné, faisant notamment référence à la guerre d’Espagne en 1936 avec l’engagement dans les brigades internationales ou l’engagement contre Hitler.
« Nous devons maintenant nous confronter à ce mal. Il est maintenant temps pour nous de faire notre part en Syrie. C’est pourquoi je demande à mes collègues de voter pour la motion ce soir » a-t-il conclu, avant de se rasseoir, sous les applaudissements nourris des Tories mais aussi au Labour. On ne peut pas dire que Jeremy Corbin, le leader du Labour était très ravi de ce discours très guerrier.
Hilary Benn est de ceux – avec Margaret Beckett – qui a symbolisé la bascule d’un bon quart du Labour en faveur de l’engagement militaire en Syrie proposé par David Cameron. Il ne faut pas nier non plus que l’engagement de François Hollande et du gouvernement socialiste français a achevé de convaincre nombre d’indécis au Labour, plutôt réticents il y a encore quelques jours à s’engager.
Rappelez-vous l’Irak
Dans l’autre camp, le discours d’Alex Salmond, le leader du SNP, les autonomistes écossais était aussi charpenté, frappé d’arguments qui illustrent bien la difficulté de cet engagement pour les Britanniques, mais aussi pour tous les Européens. « Qui croiera que se concentrer sur la ville de Raqqa ne fera pas de victimes civiles. C’est un non sens » « Remember the war in Iraq » a-t-il averti.
(NGV)
(B2) La Chambre des communes avait à peine terminé de voter (*) que les moteurs des avions de chasse vrombissaient sur la base de la Royal Air Force à Chypre.
4 avions Tornado GR4s ont ainsi décollé de Akrotiri, ce jeudi (3 décembre) au matin. Direction : la Syrie, comme l’a confirmé rapidement le ministère britannique de la Défense. En l’air, également un avion Voyager – pour assurer le ravitaillement en fuel — et un drone Reaper — pour assurer la surveillance et surtout le retour sur l’efficacité des frappes. Six cibles avaient été identifiées précisément par la coalition, visées par les bombes guidées laser Paveway IV, placées sous les Tornado.
Particulièrement visés : les champs de pétrole de Omar à environ 60 km à l’intérieur de la Syrie à l’est de la frontière avec l’Irak. Le champ d’Omar est un des plus importants et plus vastes champ de pétrole détenus par Daech (alias ISI). Il lui procure, selon les Britanniques, jusqu’à 10% de leurs ressources du pétrole.
« Couper les sources de revenus est extrêmement important pour dégrader (diminuer la force de frappe de terroristes, saper leur campagne en Irak et commencer à diminuer leur action dans le nord de la Syrie » estime le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon.
Le pétrole objectif prioritaire
Le pétrole est devenu un objectif prioritaire des avions de la coalition, Américains principalement, contre Daech mais aussi des Russes. Car il s’agit de frapper ISIS au porte-monnaie. Jusqu’à peu encore, il y avait certaines réticences à cause du risque de dégâts collatéraux. « Taper un camion citerne est risqué » assurait une source militaire à B2. D’une part, on doit « pouvoir être sûr » que ce qui est convoyé dans le camion appartient aux forces de ISIS. D’autre part, le risque de dégâts collatéraux – le passage dans un village, ou la présence d’autres véhicules ou piétons à proximité – n’était pas négligeable. Aujourd’hui ces réticences semblent envolées. Tout comme le risque de pollution, possible, en cas de frappe sur un champ pétrolifère.
(NGV)
(*) A l’issue d’un débat long et intense, très démocratique — comme seuls peuvent le faire, d’une certaine façon, les Britanniques — la Chambre des communes a approuvé, mercredi (2 décembre), l’élargissement des missions de frappe de l’Irak à la Syrie. La majorité était finalement plus large (397 voix contre 223), que ce que pouvait escompter le gouvernement
V. Andriukaitis sur l’ile de Lesbos (Grèce) le 19 novembre (crédit : CE)
(B2) C’est une lettre pas banale que s’est procurée notre confrère belge, Jurek Kuczkiewicz, qui couvre l’Union européenne pour le quotidien Le Soir. Celle du commissaire européen à la Santé, Vytenis Andriukaitis, adressée à son chef, Jean-Claude Juncker Président de la Commission européenne. Ce Lituanien, médecin de son état, est inquiet. Il était à Lesbos le 19 novembre. Et son message ressemble à un cri d’alerte.
Un seul médecin, seul, dans un cabanon boueux
« J’étais sur la côte, un petit bateau est arrivé, il y avait à l’intérieur de petits enfants, des femmes, des bébés, certains malades, certains blessés, d’autres encore tout simplement épuisés, frigorifiés et déshydratés. Il n’y avait pas de lieu où les examiner ni les traiter, pas d’équipement, pas de staff médical à part un médecin volontaire dépassé d’une ONG dans un cabanon boueux. Pas d’ambulance, pas de soins d’urgence, pas de couvertures. »
Trois enfants morts d’hypothermie
Et de poursuivre : « On m’a dit que trois petits enfants arrivés sur la même plage étaient morts d’hypothermie les jours précédents. En effet, je sais en tant que médecin que cela ne prend que quelques minutes pour un enfant de mourir d’hypothermie. Dans un centre de réception à quelque distance de la plage j’ai vu un médecin seul traitant plusieurs patients – dont un bébé de quelques jours – dans une petite tente, sans électricité, sans équipement ni conditions. J’ai vu beaucoup de familles déplacées (…), des enfants d’à peine deux ou trois ans marchant dans le froid, gelés, affamés, malades. Le soir, alors que je grelottais de froid, j’ai été horrifié de voir des gens se préparer pour dormir dehors. »
La frustration des volontaires
« J’ai entendu la frustration de volontaires, d’ONG, de locaux, pas en mesure de sauver des vies d’enfants. » Et d’ajouter comme une apostrophe : « Président, ce n’est pas en Afrique que j’étais la semaine passée, ni dans un lointain pays en développement. J’ai été témoin de cela ici, dans l’Union européenne, sur l’île de Lesbos en Grèce, sur la plage de Skala Sykamias, où les bateaux arrivent, au hotspot de Moria. »
Où est l’Europe, quand viendra-t-elle ?
« Ceci est inacceptable. Il n’y avait pas de signe d’Union européenne, et les gens me demandaient : quand l’UE viendra-t-elle, quand nous aiderez-vous ? » L’ancien médecin n’en peut plus. « Il est inacceptable que des gens meurent de pneumonie juste parce qu’il n’y a pas assez de tentes, de couvertures ni de chaufferettes » en Europe.
Penser à décider en urgence
Pour Vytenis Andriukaitis, il faut penser à agir autrement. « Nous discutons de ce sujet à chaque séance du Collège, mais nous devons envisager des solutions urgentes, des mesures extraordinaires pour des temps extraordinaires. (…) Nous devons peut-être penser à déroger à certaines des règles régissant nos fonds et programmes, afin d’accélérer notre réponse à la lumière de cette tragédie en cours. »
(Nicolas-Gros Verheyde)
(B2) La force maritime européenne de lutte déployée en Méditerranée contre les trafiquants et passeurs (EUNAVFOR Med / Sophia) a un nouveau navire-amiral : le porte aéronef italien Garibaldi. Il remplace son alter ego, le Cavour, qui a assuré les débuts de l’opération depuis juin 2015. Le transfert d’autorité s’est fait, mercredi (25 novembre). Le Garibaldi devrait porter le fanion amiral de l’opération durant les cinq prochains mois.
Première mission : accueillir le FHQ
Le navire amiral a pour premier objet d’accueillir le commandement de la force. Le FHQ d’EUNAVFOR Med comprend ainsi 50 officiers et sous-officiers, d’une vingtaine d’États membres. C’est lui qui assure évalue les besoins, envoie les moyens nécessaires en première urgence ou en renfort (navires, hélicoptères…), assure le commandement tactique sur zone. Le Centre de commandement du navire a plus de 65 postes de travail. Ce qui permet de gérer confortablement tout type d’opération.
Des capacités opérationnelles notables
Plusieurs hélicoptères seront à bord (des Merlin EH 101 normalement). Sur le Cavour, les hélicoptères embarqués n’ont pas trop chômé. Selon le bilan dressé par EUNAFOR, les 2 hélicoptères EH 101 embarqués sur le navire ont effectué 154 missions de patrouille et de surveillance, volant plus de 240 heures. L’objectif étant surtout de recueillir des éléments d’information sur les activités suspectes en mer. C’est « la clé du succès dans la lutte contre les passeurs et les trafiquants en Méditerranée centrale » estime-t-on au quartier général de l’opération. Le Garibaldi dispose également d’une infirmerie renforcée (type rôle 2), à même d’assurer des actes médicaux les plus courants.
Des capacités aériennes plus importantes
Le Garibaldi ne sera cependant pas au maximum de ses capacités militaires aériennes. Il peut, en effet, accueillir jusqu’à 18 appareils (avions type STOVL AV 8B Harrier II ou hélicoptères type EH 101 ou Seaking). Il dispose à cet effet de 12 places de parking dans le hangar auxquels s’ajoutent les 6 places sur le pont d’envol (six spots d’appontage sur le pont d’envol). Mais c’est un grand maximum. En général, l’effectif est de 12 hélicoptères ou 11 avions et 1 hélicoptère, ou un ‘mix’ entre les deux. Le porte-aéronefs dispose également d’une panoplie de capteurs embarqués (davantage tournés vers la guerre aéronavale que la surveillance policière cependant) : radar de longue portée aérienne, radar de moyenne aérien, détecteurs aériens et de surface, radars de navigation et d’approche, etc.
Le premier porte-aéronefs italien
L’ITS Garibaldi (551) est le premier navire de ce type construit pour la marine italienne, permettant le décollage des avions à court rayon d’action (catapulte) et atterrissage vertical (STOVL). NB : après la Seconde guerre mondiale, l’Italie avait reçu interdiction de se doter de portes-avions, seulement de porte-hélicoptères. Interdiction levée que dans les années 1980. Construit par Fincantieri (Italcantieri) dans les chantiers navals de Monfalcone, à partir de 1978, il été terminé en mars 1981, lancé en juin 1983, et engagé en juillet 1985. Il dispose de quatre turbines à gaz Fiat COGAG, permettant d’atteindre une vitesse maximale de 29 noeuds. La vitesse de croisière se situe plutôt à 20 noeuds avec une autonomie de 7.000 miles nautiques.
Engagé de la Somalie au Kosovo en passant par la Libye
Le Garibaldi a été de toutes les grandes opérations extérieures italiennes. Il a pris ainsi part aux opérations en Somalie dans le début des années 1990. Il a assuré notamment le retrait du contingent italien engagé dans l’opération Restore Hope et des autres casques bleus ensuite. En 1997, il prend part à l’opération « Alba Neo » (opération d’évacuation) en Albanie, avec des avions armés, qui ont effectué des décollages quotidiens de la base de Grottaglie. En 1999, c’est la guerre du Kosovo. Et l’Italie est engagée dans l’opération Allied Force de l’OTAN. Les avions AV-8B Harrier II + embarqués à bord du Garibaldi, effectuent du 13 mai à début juin 1999, 30 sorties et 63 heures de vol. En 2011, il participe à l’opération de surveillance maritime au large de la Libye, notamment pour veiller au respect de l’embargo sur les armes (lire : Les moyens de l’opération d’embargo sur les armes « Unified Protector »). Depuis 2014, et la restructuration des forces maritimes italiennes, il est placé dans COMGRUPNAV Trois avec le San George, le San Marco et San Giusto et est basé à Tarente.
(Nicolas Gros-Verheyde avec Leonor Hubaut)
Un navire allemand en rotation
Autre changement pour l’opération EUNAVFOR Med. Le FSG Augsburg (F-213), une frégate allemande de la classe Bremen, a également rejoint l’opération de lutte contre les trafiquants en Méditerranée, fin novembre.
La police ukrainienne est un interlocuteur essentiel d’EUAM Ukraine, notamment pour les projets pilotes des stations de Lviv et Sambir (Crédits: EUAM Ukraine)
(BRUXELLES2) Seize officiers de la mission européenne de conseil pour la réforme du secteur de la sécurité civile en Ukraine (EUAM) ont parcouru le pays pendant trois mois. Ce travail de terrain a permis aux experts d’évaluer la mise en oeuvre des réformes législatives au niveau régional. Un rapport est en court d’élaboration pour informer les autorités européennes et ukrainiennes. Premiers éléments.
Trois mois et 445 réunions dans les provinces ukrainiennes
Après trois mois de déploiement dans les douze régions de l’Ukraine, les experts de EUAM Ukraine sont retournés à leur QG de Kiev. Selon un premier bilan, quatre équipes ont mené un total de 445 réunions avec les commandants de la police, des procureurs, des juges, des représentants d’ONG, des centres d’aide juridique gratuits, les autorités locales et les gardes-frontières du pays.
Une volonté de changement au sein des forces de sécurité… mais il reste du boulot
Les experts disent avoir été témoins de nombreux cas de lutte pour le changement dans le pays. « L’Ukraine passe par un processus de transformation, et il est de notre intérêt de veiller à ce que les roues de réformes tournent dans la bonne direction » selon Kalman Mizsei, chef de l’EUAM. Dans ce sens, les Européens estiment que le processus de sélection en cours pour les organismes de police et judiciaire « permet de postuler à presque tout le monde ». Mais à la mission, on ne nie pas qu’il reste encore beaucoup à faire. Les « structures d’application de la loi devraient être réformées de manière globale et stratégique ».
Un manque de coordination entre les services
Un des défis pour les forces de sécurité de l’Ukraine, en dehors du processus de réforme lui-même, est la restructuration provoquée par le processus de décentralisation. Le processus de réorganisation territoriale des organes chargés de l’application de la loi et de la justice « ne semble pas être fait en coordination avec les nouvelles divisions administratives territoriales », estiment les experts. Ils proposent que les organismes d’application de la loi cherchent à résoudre certains défauts actuels : le chevauchement des fonctions, un système de compte-rendu et l’évaluation fonctionnelle, le manque de communication interne de Kiev pour les régions et vers l’arrière. L’enquête d’EUAM relève, par exemple, un consensus général pour que les unités d’enquêteurs soient fusionnées avec celles des détectives. Actuellement, ils appartiennent à deux unités différentes avec des tâches liées aux enquêtes criminelles.
L’acquittement : un échec
De l’enquête des Européens résulte une conclusion, « l’efficacité et l’efficience des organismes (de police et judiciaire) doivent être évalués différemment ». L’accent devrait être mis sur la satisfaction du public et la réduction de la criminalité, et non plus sur des statistiques. Par exemple, les procureurs ukrainiens considèrent qu’un acquittement est un échec. Seuls 1% des accusés sont ainsi acquittés par les tribunaux…
(Leonor Hubaut)
Lire aussi:
Le navire de guerre néerlandais « Johan de Wiit » accompagne un navire transportant l’aide alimentaire du PAM destinée à la Somalie (Crédits: EUNAVFOR Somalia)
(BRUXELLES2) Un cap vient d’être franchi par l’opération européenne de lutte contre la piraterie au large des côtes de la Somalie (EUNAVFOR Atalanta), a annoncé celle-ci fin novembre.
Un million de tonnes transportées depuis 2008
Depuis son lancement en décembre 2008, les navires de la force navale européenne et leurs équipages ont, en effet, permis l’acheminement en toute sécurité des navires du Programme alimentaire mondial, de un million de tonnes d’aide alimentaire et humanitaire pour la population somalienne. Sans aucun incident rencontré. Une situation qui contreaste singulièrement avec celle qui préexistait avant 2008. Plusieurs attaques avaient eu lieu, provoquant une quasi-interruption de l’aide vers la Somalie (lire : P.Goossens (PAM): nous n’avons toujours pas d’escorte pour nos bateaux). Un point qu’il mérite de rappeler car on a tendance à l’oublier.
Les VPD un certain succès
Outre l’accompagnement à distance des navires — surveillés par des avions de patrouille aérienne ou des hélicoptères des navires —, des équipes de protection autonomes (VPDa) embarquent régulièrement à bord, assurant directement la protection des navires affrétés par le PAM. C’est en ce moment le tour des Lituaniens qui ont relayé les Serbes (lire : Les Lituaniens embarquent sur un navire du PAM) (1). Ces équipes sont souvent fournies par des Etats qui n’ont pas automatiquement de moyens maritimes à disposition pour l’opération dans l’Océan indien mais entendent participer à la lutte anti-piraterie. Bien souvent, ce sont des pays qui comptent nombre de ressortissants dans la marine marchande ou disposent un pavillon important. Plusieurs équipes se sont ainsi succédé par rotation successive : Croates, Maltais, Estoniens, Lituaniens, Lettons, Néerlandais etc. Généralement, ces pays prennent leur tour à plusieurs reprises.
(Leonor Hubaut avec NGV)
(B2) 5 marins polonais — dont le capitaine et 3 officiers — ont été capturés par les pirates nigérians à 35 miles des côtes. Kidnapping confirmé par le ministère polonais des affaires étrangères ce vendredi (27 novembre). Le Szafir, un cargo de 113 mètres selon sa fiche technique, bat pavillon chypriote mais appartient à l’armateur polonais EuroAfrica. Il était parti de Anvers et naviguait dans les eaux nigérianes quand il a été attaqué. Fidèles à leurs habitudes, les pirates ont d’abord commis quelques saccages à bord, avant de se retirer en emmenant quelques otages pour couvrir leur fuite.
(B2) La gestion de crises du gouvernement belge après les attentats de Paris parait totalement surréaliste quand on la regarde avec un peu de recul. Des mesures très fortes arrivant à un état d’urgence atteint dans aucune capitale en Europe, pourtant touchée plus directement et plus gravement par des attentats que la Belgique. Sans aucune explication… La mise à l’arrêt de la capitale belge, et européenne, n’est pas vraiment un gage de sérieux dans la gestion de crises. La façon dont cette alerte a été levée ressemble à une vraie débandade et jette comme un doute sur la pertinence des mesures prises…
Premier temps : éviter de tomber dans la peur
Le premier message délivré par le Premier ministre juste après les attentats de Paris de vendredi 13 novembre est pourtant clair : « Nous demandons aux concitoyens d’éviter d’aller à Paris si ce n’est pas indispensable. Les contrôles seront renforcés dans les événements publics. Je lance un appel à ne pas tomber dans le piège de la peur. Tous les démocrates doivent se tenir debout face au terrorisme. »
Deuxième temps : la mise à l’arrêt
Ensuite, tout s’accélère. Les décisions se succèdent à un rythme formidable dans la nuit du vendredi à samedi : déclenchement de l’alerte de niveau 4, fermeture des établissements accueillant du public (cinéma, théâtre…), du métro (et de certaines lignes de bus et de tramway), puis des commerces un par un le samedi, maintien de toutes ces mesures le dimanche, et enfin, fermeture de toutes les écoles dans les 19 communes belges sur deux jours lundi et mardi. Sans vraiment d’explication publique autre que d’annoncer : il y a une menace « imminente ». Les militaires, venant des unités d’élite de l’armée belge, plus habitués aux terrains extérieurs qu’à patrouiller en ville, débarquent de leurs camions, casqués, armés, dans la capitale et se positionnent dans tous les points de Bruxelles mais pas tous. Des véhicules blindés Dingo sont même déployés aux endroits stratégiques (gares, institutions européennes, certaines ambassades…). Lire : Et Bruxelles devint noire… Des opérations de police sont menées tambour battant. Avec des résultats nuancés.
Des exceptions… ubuesques
Les trains continuaient de circuler mais pas les métros. L’aéroport, situé en bordure de la région de Bruxelles, à deux pas de l’OTAN continuait de fonctionner comme si rien n’était. Les magasins du centre étaient fermés. Mais ceux de quartier restaient ouverts sans désemplir d’ailleurs. Les villes aux alentours en région wallonne comme flamande, tels Malines (Mechelen), Halles, Waterloo restaient non concernées par les mesures. Une situation totalement ubuesque…
Troisième temps : le retour à la normale
Le descrescendo est tout aussi brutal. Le retour à un niveau 3 est annoncé de façon soudaine jeudi (26 novembre) dans l’après-midi. Il prend même de court le Centre de crises qui annonçait toujours il y a quelques instants le maintien des mesures jusqu’au 30 novembre comme les responsables politiques bruxellois et fédéraux, qui auront bien des difficultés alors à justifier le maintien des mesures.
Une mesure brutale totalement insolite en Europe
Nombre d’Etats ont vécu un niveau de menaces aussi important. Madrid en 2004, Londres en 2005, Paris en 2015. Rien de similaire n’a été prévu. Même lors des évènements de janvier à Paris, en janvier 2015, alors que certains terroristes couraient toujours, aucun lockdown de ce type n’a été mené. Idem pour les attaques les plus récentes du Bataclan et du Stade de Saint Denis. Passé la stupeur et l’effarement, la vie a repris son cours, en prenant quelques précautions. Certains théâtres ont interrompu leur représentation les premiers jours. Mais c’était plutôt que le coeur n’y était pas. Les écoles et les commerces n’ont pas été fermés, sauf raison particulière. Les métros, bus… ont continué de circuler.
Une mesure anxiogène
Bloquer de cette façon là une capitale est relativement délicat. La menace était forte, voire très forte. Certes. Mais ce n’est pas la première fois. Est-ce suffisant pour tout bloquer ? Prendre une mesure de précaution à un moment donné – le samedi – pouvait être compréhensible. Ne serait-ce que pour des raisons d’économie de force. En prolongeant cet état d’urgence au-delà de 24 heures, le gouvernement a commis une erreur. Il a créé, inutilement, un climat anxiogène dans la population, laissant croire qu’il ne maitrise pas la situation. Il n’a pas vraiment prévu de solution de sortie, improvisant chaque jour de nouvelles mesures.
Un défaut patent d’explication
Ce qui est notable en Belgique est l’absence d’explication politique, importante, détaillée. En France, dans une situation autrement plus grave et plus exceptionnelle, le président de la République, François Hollande est rapidement intervenu sur les ondes radio et télévision avec un premier message, assez clair. Puis le Parlement a été convoqué solennellement. Et un nouveau message délivré publiquement à la Nation. Une explication de texte sur la menace – assez limité mais de manière compréhensible – a été délivré. Rien de ceci en Belgique. Le message délivré à l’issue d’une réunion du Premier ministre, Charles Michel, au sortir des réunions d’un Conseil national de sécurité, l’a été presque en catamini, et est resté très succinct. On a parlé d’une menace identique à Paris sans plus de détails. Il y a bien eu une intervention devant la Chambre, le 19 novembre (lire ici). Mais là encore aucune information sur la réalité de la menace. Juste une grande liste des mesures prises. Un discours davantage destiné à montrer que le gouvernement réagit plutôt qu’à expliquer ces mesures.
Aucun message à la population solennel
Aucun propos élaboré, de message à la nation, au peuple belge, et même à la représentation parlementaire, n’a été développé. Le Roi — qui est tout de même officiellement le Chef de l’Etat et dont cela aurait pu être le rôle —, n’est pas intervenu non plus. Au moins pour délivrer un message rassurant. La seule information concrète l’a été par le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, sur la chaîne américaine CNN ! Cette manière de gérer la crise, vu l’importance des mesures prises, est révélateur d’une erreur patente dans la gestion de crises. On sentait bien que le gouvernement avait peur d’être pris en défaut en cas d’attentat. Il a préféré agir de la même manière qu’en médecine, on plonge le patient dans le coma le temps de réaliser les opérations nécessaires.
Une plongée dans le coma, faute de moyens
La vraie raison de cet état d’urgence, c’est qu’il n’y a pas d’effectif suffisant. Durant des années, il y a eu un désinvestissant croissant à la fois dans la police comme dans les forces armées (Lire : L’armée belge en manque de gilets pare-balles puise dans les stocks de l’Oncle Sam). Ce n’est pas, contrairement à ce qui est écrit (en France notamment reprenant des arguments utilisés par les nationalistes flamands), le millefeuille administratif de Bruxelles qui est particulièrement en cause. Dans le dispositif policier et sécuritaire, il a été singulièrement réduit tout de même depuis l’affaire Dutroux. Ce qui fait défaut, c’est un manque patent d’effectifs. Il manque 600 policiers dans le cadre d’effectifs bruxellois. Et dans les communes les plus sensibles, il en manque plus de 125 comme relatait sur la RTBF, le chef de police de la Zone ouest (dont fait partie Molenbeek), le commissaire Johan De Becker.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(crédit : MOD Belgique / Composante Terre Daniel Orban & Garrett P. Jones)
(B2) Faute d’assez de gilets pares-balles nouvelle génération, l’armée belge a été obligé de recourir … aux stocks de l’armée américaine. Comme au bon vieux temps de l’après-guerre…. La Défense belge avait, en effet, conclu un accord avec les autorités américaines présentes en Belgique afin de se prêter mutuellement du matériel à la demande, comme nombre d’armées européennes (*). Cet accord a été actionné mercredi (25 novembre) « avec le prêt d’un stock de gilets pare-balles américains, que la Défense peut utiliser aussi longtemps que nécessaire ».
Des gilets en stock mais inutilisables en opération
Explication : l’armée belge dispose bien de gilets pare-balles en stock, des pare-éclats plutôt utilisés en Afghanistan. Mais ils sont un peu anciens, lourds et peu ergonomiques. Le genre qui pèse près d’une quinzaine de kilos et vous donne un air de statue mécanique. Ils ne se prêtent pas vraiment à un déploiement opérationnel, encore moins en zone urbaine, qui demande une certaine agilité. « Ce dernier fournit une excellente protection mais, vu son poids, il pêche par défaut d’ergonomie. Pour les militaires qui doivent les porter durant leurs patrouilles, cette charge physique est loin d’être négligeable » reconnait-on à la défense belge. Autrement dit on perd en opérationnalité ce qu’on gagne en protection. Avec l’élévation du niveau de la menace terroriste, les militaires ne veulent pas se faire prendre à revers. « À ce jour, tout notre personnel en poste dans nos rues est équipé de ce matériel des plus moderne. » Mais « si des soldats supplémentaires devaient être déployés dans les rues, il devrait être fait usage de stocks de matériel plus ancien » avertit le commandement de la composante Terre. D’où le recours aux stocks américains.
Un certain désengagement financier
L’armée paie ainsi un désengagement financier certain qui voit les matériels renouvelés au compte-goutte. Ce qu’on ne nie pas du côté militaire. « Du matériel opérationnel, dont des gilets pare-balles et pare-éclats est régulièrement acheté ». Mais « dans les proportions nécessaires pour satisfaire les besoins. Cela signifie qu’il est avant tout tenu compte de l’engagement dans les opérations à l’étranger et des besoins du personnel de garde, du service de déminage SEDEE, etc. » Pas plus. Logique avec un budget qui frôle la barre du 1% du PIB, la Défense belge se retrouve « en queue du peloton de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en ce qui concerne les investissements en matériel majeur » affirmait ainsi récemment une note de réflexion sur la Défense publiée en 2014 sous l’autorité du général Guido Andries, sous-chef d’État-Major Stratégie.
Des années de rigueur budgétaire
Le décrochage budgétaire belge ne date pas d’hier, comme le montre ce schéma. Que ce soit par rapport à l’évolution du Produit intérieur brut (PIB) ou des dépenses publiques, on note une phase descendante, lent d’abord au début des années 2000, avec un premier décrochage en 2004, une stagnation du budget jusqu’à 2009, et un plongeon dans ces années de crise financière.
Evolution du budget en Euros constants (base 2002, hors retraites)
« En ces temps de rigueur budgétaire, la Défense belge doit faire prendre conscience à la collectivité de ce qu’elle peut lui apporter. Elle ne peut pas être perçue comme un poste sur lequel on épargne facilement. » remarque le rapport de G. Andries. On ne peut mieux dire. Le ministre de la Défense, le N-VA (autonomistes flamands), Steven Vandeput promettait récemment, dans nos colonnes, vouloir renverser la tendance et opérer un tournant par rapport aux engagements gouvernementaux de diminuer le budget de la défense (Lire : Il faut réinvestir dans la défense, explique Steven Vandeput et Un budget triplé en 15 ans pour l’armée belge ?), celui-est désormais urgent.
Commentaire : cette annonce montre à quel point les armées européennes (l’armée belge n’est pas seule dans ce cas-là) ont délaissé leur mission première : la protection du pays. Et que leur équipement est loin de correspondre à une activité opérationnelle. Mais juste bon à être comptabilisé dans des rapports qui font bien et donnent l’illusion d’une certaine de sécurité. Au premier coup dur, la réalité éclate au grand jour… Elle oblige à une réflexion plus générale sur la comptabilisation plus large (2) des dépenses de défense dans le Pacte de stabilité. Une réflexion que ne pourra pas s’économiser la Commission européenne
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Cet accord – signé avec plusieurs armées européennes – n’était pas prévu à l’origine pour du prêt de matériel aussi basique que des gilets pare-balles.
(2) De façon assez discrète, les règles de comptabilité européenne ont été aménagées pour déduire certaines dépenses de recherche et d’investissement. Lire : Dépenses de défense et pacte de stabilité ? Une certaine souplesse
(B2) Les pirates somaliens ont réussi à prendre le contrôle d’un navire de pêche, dimanche (21 novembre). Un navire de pêche iranien avec 15 membres d’équipage, attaqué au large d’Eyl, qui a pris la direction de Hobyo, le repaire des pirates en Somalie, selon selon John Steed de Oceans Behond Piracy, cité par l’AFP. Trois attaques ont eu lieu dans la semaine, indique-t-il. Un bateau de pêche thaïlandais a notamment été attaqué lundi, mais il a réussi à fuir. En cause selon l’expert maritime, la pêche illégale qui semble avoir repris de plus belle depuis la diminution de la menace de la piraterie.
(NGV)
Mirage 2000 français sur la base aérienne en Jordanie armés pour des frappes aériennes sur la Syrie (crédit : DICOD / EMA)
(B2) C’est devenu un rituel… la France part en guerre, seule. Elle fait appel aux Européens, et s’étonne que tout le monde ne suivre, immédiatement, comme un seul homme. Un peu comme au temps de Napoléon en quelque sorte… Et fleurissent de ci, de là des commentaires qui fleurent bon le « On est les meilleurs » (versus positif) ou « les autres sont des incapables » (versus négatif). Les Européens, de leur côté, s’étonnent que la France s’en aille toute seule, aussi rapidement, y décelant un tropisme guerrier. S’il y a effectivement un net engagement français, opérationnel, robuste, et une certaine réticence, une certaine lenteur des Européens à s’engager, cela repose sur un certain nombre de raisons qu’il est intéressant de connaitre.
Première cause : la différence de système politique
La France est le seul pays de l’Union européenne à avoir un système décisionnel, au niveau présidentiel, avec une très faible participation démocratique, sur l’armée. Un système hérité des Rois, de Napoléon, de la période révolutionnaire, repris et amplifié sous la Ve République. Un dispositif très efficace, car couplé à de réelles capacités militaires, autonomes pour une bonne partie, capables de réagir dans un délai très court, qui s’appuie sur un dispositif de bases militaires et de forces prépositionnées dans plusieurs zones du monde. Mais un dispositif très spécifique à l’hexagone. Nulle part ailleurs en Europe, n’existe aujourd’hui un système identique, à une seule exception près : la Russie. Partout ailleurs, y compris au Royaume-Uni, tant célébré en France comme l’allié éternel, il y a une réflexion interne, au niveau du gouvernement, voire la nécessité d’obtenir un accord de la majorité de coalition ou/et du parlement. Cela tient au régime même et à l’organisation des Etats.
1° Ce ne sont pas des régimes présidentiels (pour la plupart) mais des régimes parlementaires. Le chef de l’Etat (Roi ou président) n’a qu’un rôle honorifique. Tout se décide au niveau du gouvernement.
2° Il faut une concertation gouvernementale. Le ministre de la Défense ne peut pas prendre une décision tout seul, ou juste en référer à son chef de gouvernement. D’où certaines valses hésitations au lendemain des attentats de Paris dans plusieurs Etats membres qui, sous le coup de l’émotion (cela existe aussi en politique) ou de la volonté personnelle, se sont un peu laissés aller à des promesses… un peu trop rapides.
3° Dans la plupart des cas, ces gouvernements représentent une coalition de partis. Il ne faut pas seulement une concertation, il faut une négociation entre les différents partenaires de la coalition pour définir une position gouvernementale.
4° Une décision gouvernementale doit être présentée, discutée au besoin, et avalisée d’une manière ou d’une autre (débat suivi d’une approbation, présentation suivi d’un vote, projet de loi entériné par un vote…) par la représentation parlementaire. C’est le cas également au Royaume-Uni. Un point que semblent parfois oublier certains commentateurs.
Deuxième série de causes : la structure et l’objectif de l’armée
1° Nombre de pays européens ont été marqués par une baisse du budget des armées à la limite du raisonnable. Globalement les budgets de défense, depuis le début de la crise financière, ont ainsi perdu près de 30 milliards d’€ (grosso modo le budget opérationnel – hors retraites – de la France ou de l’Allemagne). Quelques uns ont commencé à relever leur budget — essentiellement dans le nord-est de l’Europe (pays baltes, Pologne, Suède) — surtout face à une possible menace russe. Lire aussi : Dépenses de défense et pacte de stabilité ? Une certaine souplesse
2° Très peu de pays européens ont un tropisme « opérations extérieures » aussi marqué que la France et une capacité réactive dans les 24 ou 48 heures. Leur armée est davantage tournée vers la défense territoriale ou alors des missions multinationales, dans une organisation extrêmement structurée, type OTAN ou ONU.
3° Plusieurs pays européens, petits et moyens, n’ont pas vraiment profilé leur armée de façon offensive. Si on recense la palette de moyens disponibles (avions de chasse, ravitailleurs, frégates de haute mer) nécessaires pour une action de bombardement ciblée ou massive en Syrie, on ne trouve qu’une demi-douzaine de pays (en dehors de la France) : Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, Italie, Espagne, Belgique/Pays-Bas.
4° Enfin, l’acceptation du « risque mortel » à l’extérieur par les populations et les gouvernements n’est pas vraiment partagée. Le nombre de pays prêts à supporter un risque durable sur une certaine durée est assez limité : Royaume-Uni, Danemark, Espagne, Belgique.
5° Quasiment aucun Etat ne peut / veut donc mener des opérations en « solo», ou coalition ad hoc juste avec l’appui de l’allié américain. La seule exception, le Royaume-Uni, est en train de fondre. Les armées européennes préfèrent, en général, des opérations où ils s’insèrent dans un dispositif organisé, préparé par avance, qui s’inscrit dans une longue durée, où ils peuvent fournir une ou deux rotations seulement, ou davantage. Des opérations de type EUNAVFOR Atalanta contre la piraterie où le risque est faible et l’organisation planifiable ont évidemment leur préférence. Et, si l’opération est à plus haut risque, comme en Afghanistan, les pays européens attendent des Etats-Unis qu’ils assurent le rôle de « super assistance » fournissant toute la logistique, protection de force, ou capacité médicales manquantes, voire les équipements nécessaires.
La troisième série de causes tient à l’opération en elle-même
Si tous les pays européens sont solidaires avec la France sur l’acte « d’agression armée » subi le vendredi 13 novembre, cela ne signifie pas qu’ils partagent l’analyse faite en France — une « guerre » — comme la rhétorique guerrière du gouvernement. La méthode des attentats de Paris (planification, simultanéité…) a changé la donne pour nombre de gouvernements qui partagent l’inquiétude française. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu’ils envisagent une réponse militaire.
1° Plusieurs pays ont connu des vagues d’attentats terroristes, d’origine interne souvent. C’est le cas notamment de l’Espagne (ETA), de l’Irlande (IRA), et dans une moindre mesure de l’Italie, qui les ont marqué durablement. Ils connaissent le « prix du sang » mais aussi la nécessité d’une action multiple, au plan sécuritaire comme politique, qui s’inscrit dans la durée.
2° Les dernières opérations militaires offensives n’ont pas vraiment démontré leur efficacité au plan politique, d’un point de vue durable. Elles ont plutôt aggravé que favoriser la stabilité internationale. L’exemple le plus frappant est l’opération en Libye en 2011. Mais on ne peut pas dire que l’opération de l’ISAF en Afghanistan qui s’est étendue sur plus de 15 ans — justement après la réponse aux attentats de 2001 — ait vraiment produit des effets. Il en est de même de l’opération en Irak en 2003 qui est une vraie catastrophe en matière d’équilibre international.
3° Plusieurs pays ont été particulièrement marqués par l’opération en Irak en 2003. Une opération qui leur a demandé un engagement important, long et couteux (au plan humain comme financier), sans résultat (ni opérationnel, ni politique ni même en termes de retombées économiques). C’est le cas en particulier au Royaume-Uni (une commission d’enquête est en cours), en Espagne (et en Italie dans une moindre mesure), et dans la plupart des pays d’Europe de l’Est (Pologne en tête mais aussi Bulgarie ou Roumanie). Et peu semblent prêts à reprendre l’aventure.
4° L’engagement au Sahel, mené à l’initiative de la France, mais aujourd’hui rejoint par les Nations-Unies semble paradoxalement plus à la portée des Européens. Car il a démontré une certaine efficacité avec de multiples engagements. Il y a eu une sorte de maturation par rapport à l’intervention française, redoutée au départ par certains responsables européens comme l’expression d’un nouveau néocolonialisme.
5° Enfin, que veut réellement la France en termes de moyens, de soutiens, d’actions politiques ou militaires ? Cette question n’a pas été résolue, comme nombre d’autres questions fondamentales.
Des questions fondamentales restent posées
L’engagement français, soudain, brutal, mérite pour un certain nombre de pays européens d’être sérieusement réfléchi. Il pose toute une série de questions philosophiques, politiques, militaires, qui n’ont pas vraiment de réponse claire aujourd’hui.
1° Est-ce une guerre ? La réponse française qualifiant l’opération anti-terroriste de guerre n’est partagée aujourd’hui par quasiment aucun autre Etat en Europe. Tous les ministres, de la Finlande à l’Espagne, en passant par l’Allemagne, l’Italie ou la Pologne, ont tous insisté sur ce point. La notion de « guerre contre le terrorisme » rappelle par ailleurs trop la période Bush 2001-2003 qui n’a pas laissé un excellent souvenir.
2° Eradiquer Daech ? La rhétorique développée par François Hollande et Manuel Valls sur l’organisation de l’Etat islamique — parait également un peu courte à nombre d’alliés et mérite d’être un peu discutée et élaborée. À juste titre. Personne n’y croit sérieusement, du moins avec le seul résultat des bombes, au contraire. Il faudra une intervention terrestre. En Irak, ce ne sont pas les Kurdes qui vont la mener seules. L’armée irakienne, cela reste à prouver. Côté syrien, la formation d’une alternative de l’opposition modérée a, pour l’instant, échouée. Se reposer sur les forces de Bachar (la solution russe) parait plus réaliste mais très difficile à justifier dans ce conflit.
3° Les buts de la guerre ne sont pas définis. Quel est l’objectif final, l’effet recherché (ce qu’on appelle en termes militaires le « End state ») de cette intervention ? Comment l’opération va-t-elle se développer dans la durée ? Combien de moyens faut-il réellement mettre pour vaincre, puis pour tenir le terrain ? Combien de temps durera-t-elle ? Comment sortir de l’opération ensuite ? Comment rétablir ensuite la paix sur le territoire ?
4° À supposer même que cet objectif soit atteint, que met-on à la place ? Comment reconstruit-on l’État irakien, l’État syrien, quel avenir pour les kurdes ?
5° Dernière question — et non des moindres — : que fait-on sur le « théâtre intérieur » ? Que va-t-on faire des milliers de combattants européens partis combattre ou déjà revenus sur place (sans compter les Russes, Tunisiens, Marocains, balkaniques et autres nationalités) ? Les mettre en prison comme le réclament certains responsables politiques parait absurde. Une hérésie quand on voit que le passage en prison a souvent conduit à … la radicalisation et la propagation du terrorisme. Il y a un programme sûrement de prévention de ce phénomène qu’il faut entreprendre. Et cela nécessite une certaine remise en cause des modes de pensée et d’action sur l’économie, la mécanique sociale d’intégration, … Il y a là aussi un vaste programme de type DDR (démobilisation, désarmement, réintégration), à mener comme cela a été fait avec les enfants soldats en Afrique. Et cela mérite une certaine réflexion. Partir détruire Daech sans s’attaquer aux causes même sur le sol européen est inopérant.
Au final, une certaine « lenteur » européenne pourrait, peut-être, permettre de prendre le temps de la réflexion et de répondre à ces séries de questions qui n’appellent pas vraiment de réponse évidente et simple.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi :
(B2) Contrairement à certains avis (sans doute peu éclairés) d’experts qui voyaient des rivalités entre Belges et Français, les polices des deux pays (comme les services de renseignement) ont très vite renforcé leur coopération après les attentats de vendredi 13. « Dès la nuit et le jour qui ont suivi les attentats de Paris, le parquet fédéral a reçu ainsi 4 demandes d’entraide judiciaire urgentes émanant du parquet de Paris » précise aujourd’hui un communiqué du Parquet fédéral (belge). « Une Equipe Commune d’Enquête (JIT – Joint Investigation Team) a été créée afin de permettre une collaboration policière et judiciaire aisée et intensive, de part et d’autre des frontières belges et françaises. » Dans le même temps, le parquet fédéral a ouvert sa propre enquête et un juge d’instruction spécialisé en matière de terrorisme a été saisi. Au total, aujourd’hui « 5 personnes ont été placées en détention préventive cette semaine dans le cadre de l’enquête menée en Belgique depuis les attentats de Paris ».
Le communiqué publié tout à l’heure par le Parquet fédéral est intéressant car il précise quelques éléments sur l’enquête encours.
1° Deux jours avant les attentats de Paris, le 11 novembre vers 19h, Salah Abdeslam a été filmé dans la station-service de Ressons (sur l’A1 en direction de Paris), en compagnie d’une personne identifiée comme étant Mohamed Abrini, né le 27 décembre 1984. Ce dernier était au volant de la Renault Clio qui servira à commettre des attentats deux jours plus tard. Le juge d’instruction a émis un mandat d’arrêt international et européen. Un mandat d’arrêt européen et international a été émis. Un appel à témoins a été diffusé par la police (voir ici).
2° Trois véhicules utilisés lors de l’attentat. Lors des attentats de Paris, les auteurs ont utilisé 3 véhicules munis de plaques d’immatriculation belges — VW Polo, Seat Leon et Renault Clio — qui avaient été loués le 9 novembre par Brahim Abdeslam (mort dans les attentats), et par son frère Salah Abdeslam, deux ressortissants français résidant à Molenbeek.
3° La fuite de Paris – première voiture. Salah Abdeslam a été contrôlé à Cambrai, quelques heures après les faits, aux alentours de 9h10, sur l’autoroute en direction de Bruxelles. Il était à bord d’un véhicule de marque VW Golf en compagnie de deux autres personnes. L’enquête menée en Belgique sur ce véhicule a permis l’arrestation dimanche 15 novembre de Mohammed AMRI, propriétaire de la VW Golf et de Hamza ATTOU, le passager. Arrêtés, ils sont tous deux inculpés de participation aux activités d’un groupe terroriste et d’assassinats terroristes. Et leur maintien en détention a été confirmé par la chambre du conseil de Bruxelles le 20 novembre.
4° La fuite de Salah Abdeslam – 2e voiture. S. Abdeslam semble ensuite avoir été emmené à bord d’un autre véhicule conduit par une autre personne. Les suites d’enquête ont permis de remonter jusqu’à Ali O., un ressortissant français de 31 ans résidant à Molenbeek. Il est interpellé dimanche 22 novembre en soirée, placé sous mandat d’arrêt le 23 novembre et inculpé de participation aux activités d’un groupe terroriste et d’assassinats terroristes. Il comparaîtra vendredi 27 novembre devant la chambre du conseil de Bruxelles en vue de la confirmation éventuelle de son maintien en détention.
5° Des armes de poing. L’instruction a également permis l’interpellation du nommé Lazez A., un ressortissant marocain de 39 ans résidant à Jette. Deux armes de poing ont été découvertes dans son véhicule ainsi que des traces de sang. Placé sous mandat d’arrêt le 20 novembre par le magistrat instructeur et inculpé de participation aux activités d’un groupe terroriste et d’assassinats terroristes, il comparaîtra demain matin devant la chambre du conseil de Bruxelles en vue de la confirmation éventuelle de son maintien en détention.
(NGV)
(crédit : CNN Turk)
(B2) Le Conseil atlantique nord (NAC) se réunit en urgence ce mardi (24 novembre) à 17h. Il a été saisi par la Turquie afin d’informer les alliés sur l’incident survenu ce matin. Ce matin, deux F-16 turcs ont abattu un avion Sukhoi Su-24 (*) du groupe aérien russe de Syrie qui avait violé l’espace territorial turc en bordure la Syrie. Les deux pilotes ont pu s’éjecter. Mais leur sort est encore incertain (un des parachutes pourrait s’être enflammé).
Un moment mal choisi
Cette affaire survient à un moment clé au moment où Paris comme Washington cherchent à renforcer avec Moscou la coopération en Syrie pour combattre l’organisation de l’état islamique (Daech). Et il n’est pas exclu des provocations de part et d’autre.
D’un côté, les violations de l’espace aérien turc ne sont pas rares par l’aviation russe. Celle-ci « teste » ainsi régulièrement la défense turque. Le test a-t-il été « positif » cette fois. En tout cas, côté turc, on affirme que des sommations ont été faites par les avions turcs et sont restées sans réponse. Tandis que du côté de la défense russe, on affirme que l’avion se trouvait « exclusivement au-dessus du territoire de la Syrie (…) à 6.000 mètres d’altitude » et que l’avion a été abattu visiblement par des tirs « venant du sol ». A noter que l’avion abattu a heurté le sol côté syrien.
De l’autre, il est certain que l’intervention russe bouleverse les plans d’Ankara dans la région. La Turquie entend également protéger les rebelles turkmènes qui combattent de l’autre côté de la frontière en Syrie. Abattre un avion est normalement une phase ultime de la surveillance aérienne. Mesure extrême, elle n’est normalement prise qu’en cas de risque avéré et pas pour une simple violation territoriale, qui donne lieu d’ordinaire à des mesures plus classiques : signaux visuels, radios, suivi à distance, tirs d’encadrement.
Pas d’article 4 ?
On peut noter que, pour l’instant, la Turquie s’est bien gardée d’invoquer l’article 4 (ouverture de consultations formelles) du côté de l’OTAN, comme lors d’incidents précédents de nature identique (1). Elle a, en parallèle, convoqué l’ambassadeur russe dans la capitale turque. Procédure ordinaire en cas d’incident entre deux pays. Ce qui pourrait témoigner — nous a confié un diplomate de l’Alliance — la volonté de ne pas exacerber les tensions. La réunion même pourrait ainsi ne pas déboucher sur une déclaration de l’Alliance en tant que telle (des 28 Etats membres). Mais juste d’une déclaration du secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg. Ce qui aurait pour effet de ne pas engager, en tant que tel, l’OTAN.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire : La Turquie veut informer ses alliés de l’action contre l’Etat islamique
(*) Des appareils également présents dans l’armée syrienne
Décollage d’un Rafale du pont du Charles-de-Gaulle (crédit : EMA/Marine – archives B2)
(B2) Les avions Rafale embarqués à bord du Charles de Gaulle ont effectué leur première sortie pour frappe ce lundi (23 novembre). « Le groupe aéronaval (GAN) constitué autour du porte-avions français Charles de Gaulle, déployé en Méditerranée orientale, a conduit ses premières missions au-dessus des zones contrôlées par Daech en Irak », annonce l’état-major des armées aujourd’hui.
Deux frappes sur l’Irak
Vers 8 heures ce matin (heure française), deux patrouilles de Rafale Marine ont été catapultées du GAN. Chacune constituées de deux chasseurs. Destination : l’Irak. A Ramadi, les frappes ont « mis hors de combat un groupe de terroristes » souligne le communiqué de l’état-major des armées. « Une position d’artillerie de Daech qui était en train de tirer sur les troupes irakiennes a été détruite à Mossoul ». Au total, l’opération a duré près de 7 heures. Des missions aériennes, conduites en coordination avec le centre des opérations aériennes de la coalition (CAOC) situé à Al Udeïd au Qatar, et en lien étroit avec d’autres nations. Les quatre chasseurs français ayant, notamment, « été ravitaillés par des avions de la coalition ».
La frégate belge en position défensive…
Pour la frégate belge qui accompagne le porte-avions français, ce passage à une action plus offensive, ne pose pas de problème. Le conseil des ministres (belge) du 30 octobre avait approuvé l’intégration de la frégate Léopold Ier au sein du groupe aéronaval français. Il a confirmé mercredi (18 novembre) la réorientation de la mission. « Nous la considérons comme une réponse à la demande d’aide formulée par le gouvernement français. Nous participerons à la mission défensive du Charles de Gaulle » a justifié le ministre de la Défense, Steven Vandeput face aux parlementaires. « La mission du Léopold Ier sera de détecter et d’identifier des menaces qui s’approchent du porte-avions. Si une menace est avérée, le bâtiment peut faire usage de la force, selon ses règles d’engagement qui sont confidentielles. »
…pour une action offensive
En fait, cette position est strictement exacte d’un point de vue de technique opérationnelle. C’est le Charles-de-Gaulle et la France qui mènent l’action offensive, le navire belge n’étant là que pour assurer sa protection. D’un point de vue de politique interne, on est cependant plus proche d’une manoeuvre de contorsion (que ne renierait aucunement un jésuite) permettant d’échapper à tout reproche d’engagement dans une action armée. Ainsi que le précisent l’état-major français, c’est le Groupe d’action navale qui mène les frappes. Au plan européen, l’honneur belge est en revanche sauf. Car la Belgique devient ainsi le premier pays à s’être engagé aux côtés des Français dans la guerre aérienne menée en Syrie contre Daech et à avoir appliqué et même revendiqué l’application de la clause de solidarité.
Une opération prévue de longue date…
Ce qui n’était pas tout à fait prévu au départ. Le ministre de la Défense le raconte, l’engagement avec le Charles de Gaulle était prévu de longue date. C’est « fin juillet (que) la France a sollicité notre collaboration » raconte-t-il (1). Ce nouveau positionnement ne présente pas de problème pour Steven Vandeput. Au contraire. « Il s’agissait d’une perspective intéressante pour la marine car nous allions enfin pouvoir mobiliser à nouveau une frégate. La mission initiale concernait l’escorte du Charles de Gaulle qui, à la demande des États-Unis, était censé garantir une présence dans la région du Golfe. Cette mission semblait alors relever davantage d’un entraînement que d’une opération. »
… qui a un peu changé de nature en cours de route
Le gouvernement français « nous a informés (mardi 17 novembre) que « contrairement à ce qui avait été initialement prévu, le porte-avions ne se dirigeait plus vers le golfe Persique. (et qu’il était) possible que des opérations soient effectivement menées en Syrie depuis le Charles de Gaulle. J’ai immédiatement informé le Conseil des ministres de ces modifications et hier soir, le Conseil des ministres restreint a donné son feu vert à la poursuite de l’opération. » De fait, bien avant les attentats, alors que le Leopold Ier devait rejoindre le « Charles », la défense belge avait prévu l’hypothèse d’une attitude plus offensive de la France, précisant qu’on « aviserait à ce moment-là ».
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) De fait, les contacts étaient déjà entamés depuis plus longtemps auparavant. Nous avions rencontré début juillet un haut responsable de la défense belge qui évoquait déjà cette éventualité.