(B2) Avec Sylvie Goulard en France, cela devient désormais la norme en Europe. Les quatre principaux pays européens (excepté le brexiteur britannique) ont désormais une femme à la tête de leur défense nationale (pardon les armées en France) : Ursula (von der Leyen), la plus connue et la plus expérimentée, en Allemagne, Roberta (Pinotti) en Italie et María Dolores (de Cospedal) en Espagne la dernière venue.
A celles-là, il faut ajouter Jeanine (Hennis-Plasschaert) aux Pays-Bas et Ine Marie (Eriksen Søreide) en Norvège ou Mimi (Kodheli) en Albanie… sans oublier la Haute représentante de l’Union, Federica Mogherini.
Et à regarder le parcours de l’Allemande ou de la Néerlandaise qui ont la plus grande antériorité, la défense leur va comme un gant.
(NGV)
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(B2) Les Allemands et Néerlandais sont assez engagés au Mali au sein de la force des Nations unies (MINUSMA) (1). La présence des Européens dans la MINUSMA a un côté rassurant mais en matière de stabilisation réelle et de lutte anti-terroriste, l’engagement parait plutôt limité si on en croit certains témoignages.
Une force de présence plutôt qu’une force stabilisatrice
Cet engagement ressemble davantage à de la force de présence qu’à une réelle action stabilisatrice. Les militaires européens ne sortent que très peu du camp pour patrouiller…. Trop dangereux. L’essentiel de l’action semble être de briquer les locaux impeccables pour recevoir leurs visiteurs, et de faire des selfies dans une posture guerrière, qui n’effraient personne, à part les destinataires de ces selfies et sont, sans risque aucun, puisqu’ils sont pris… à l’intérieur de la base, ironise un spécialiste des questions militaires.
Surprotégés
Le haut fait d’arme de ces casques bleus est d’avoir, avec les bulldozers du génie, travailler à renforcer la protection du campement pour éviter toute incursion des rebelles ou toute action par explosif improvisé (IED). Une super-protection très efficace … mais qui coûte cher à leurs voisins. Les troupes bangalis (par exemple) ou maliennes, bien moins protégées, sont régulièrement attaquées par les rebelles, qui trouvent ainsi des proies plus faciles.
Du renseignement sans vecteurs de renseignement
Du côté néerlandais, la présence ne semble pas avoir été beaucoup plus efficace. Officiellement, les Bataves venaient pour faire du renseignement pour le compte des Nations unies. Seul hic, ils comptent très peu de francophones dans leurs rangs. Donc pour faire du renseignement humain, autant dire que c’est plutôt difficile… Du côté électronique, on ne peut pas dire que la ville de Gao soit un haut lieu de la connexion globale. Alors pour s’occuper, ils dressent la cartographie des lieux …
Dresser des cartes déjà connues
Il s’agit – comme le précise le ministère néerlandais de la Défense de « rassembler des informations » pour les unités de soutien néerlandaises au sol. Objectif : notamment dresser la carte des lieux, des lieux stratégiques (puits, etc.). C’est-à-dire en fait refaire le travail, déjà accompli par les « gars » de la Coloniale qui ont arpenté ces différents lieux à de multiples reprises depuis quelques dizaines d’années. Mais, apparemment, les Néerlandais ne semblaient pas au courant de l’existence de ces cartes.
Des hélicoptères de combat… pour la gloire
Quant aux quatre hélicoptères Apache, aujourd’hui rentrés au pays, ils étaient sensés faire du renseignement et de la dissuasion, notamment en assurant une posture combative. Selon nos informations, ils sont sortis une fois en un an sur une réelle action ! Un peu cher pour un piètre résultat.
(Nicolas Gros-Verheyde)
L’engagement germano-néerlandais
Berlin l’avait promis à Paris après les attentats de novembre 2015. Ils ont tenu parole, renforçant au fur et à mesure, leur engagement. L’autorisation, renouvelée en janvier 2017, du Bundestag permet d’engager 1000 soldats, ainsi que des hélicoptères de transport de type NH-90 – pour notamment faire les évacuations médicales – et des hélicoptères d’attaque Tigre pour remplacer les Néerlandais. Le contingent allemand comprend également une compagnie de reconnaissance mixte renforcée, équipée de drones et des véhicules de reconnaissance Fennek.
Pour les Pays-Bas, il s’agit plutôt d’un engagement international, entrant dans le cadre de la campagne pour s’assurer d’une place au Conseil de sécurité, et d’un engagement personnel du ministre des Affaires étrangères, Bert Koenders, qui a été le chef de la MINUSMA. L’engagement néerlandais a d’ailleurs baissé de façon importante en 2017. L’effectif a été ramené à 300 militaires et 25 policiers. Les 4 hélicoptères d’attaque Apache (chargés de la reconnaissance) sont, eux, rentrés au pays en 2016, ainsi que les trois hélicoptères de transport Chinook, remplacés par des hélicoptères allemands.
(B2) En matière de lutte anti-terrorisme, l’Europe n’a pas directement de pouvoirs d’action directs. Mais elle a permis d’instaurer un cadre législatif commun, des outils de coopération (police, justice), enfin des échanges d’information et des discussions politiques de plus en plus intenses au point qu’on peut parler aujourd’hui de politique européenne de lutte contre le terrorisme.
L’ouvrage qui vient de paraitre écrit par deux officiers de la Gendarmerie française, Grégoire Demezon et Franck Peinaud, arrive donc à point nommé. Il présente de manière synthétique, et didactique, la politique publique européenne de lutte contre le terrorisme, dont le contenu est épars dans les documents officiels européens. Un outil très utile pour tous ceux qui s’intéressent aux questions de sécurité européenne.
• L’Europe face au terrorisme, Grégoire Demezon et Franck Peinaud, éditions Nuvis – Collection la Pensée stratégique, 7 mars 2017, 150 pages, 25 euros
Le chien du Commandant Ducuing chargé de renifler les armes (crédit : EUNAVFOR Med / Marine nationale – Archives B2)
(B2) Le gouvernement d’union nationale libyen, établi à Tripoli, contournerait-il l’embargo sur les armes avec un certain assentiment du commandement d’EUNAVFOR. C’est un peu le sens de l’interpellation qu’a faite l’ambassadeur français lors d’une réunion du COPS (le Comité politique et de sécurité de l’UE), le 25 avril, lors d’un point spécifique de la réunion consacré à l’opération Sophia (EUNAVFOR Med). Un point tenu en formation « secret » au Justus Lipsius, le siège du Conseil, où seuls les ambassadeurs étaient conviés (comme le prouve l’ordre du jour).
L’objet de la discussion vaut évidemment ces mesures de précaution. L’ambassadeur français accuse, preuves à l’appui, l’opération européenne EUNAVFOR et l’amiral Credendino, d’avoir laissé passé au moins un navire transportant des armes en violation de l’embargo imposé par les Nations unies et du mandat reçu par l’opération depuis septembre. Effectivement dans le bilan dressé avant la réunion des ministres de la Défense, en plusieurs mois d’action, le « 0 » armes trouvées s’affiche de façon immanquable. Ce qui est plus qu’étonnant pour une tâche démarrée depuis septembre (lire Au bilan de l’opération Sophia).
Un bateau de pêche reconverti en transport de blessés… et d’armes
Selon Der Spiegel, l’ambassadeur français a des faits précis : le gouvernement libyen de Tripoli se livre à de la contrebande d’armes de Misrata à Benghazi (Benghazi). Et il le prouve. Le « Lufy », ou « Al Luffy », un gros bateau de pêche avec plus de 15 équipages, reconverti en navire de transport. Officiellement ce navire rapatrie des blessés, mais à l’intérieur on a surtout chargé des mitrailleuses et d’autres armes. Malgré tout, aucune saisie n’est effectuée… Le Lufy passe sans encombre le contrôle européen. On ferme les yeux. Le contre-amiral italien Enrico Credendino a donné l’ordre de relâcher le navire – écrit l’hebdomadaire allemand – car celui-ci évolue au nom du gouvernement d’union nationale et bénéficie donc d’une sorte d’immunité. De quoi susciter une sérieuse colère de quelques États membres mis au courant, un peu excédés du double jeu italien.
Un coup de pied ou un coup de chance
Quelques jours après cette « explication » en COPS, une première saisie d’armes est assurée (et rendue publique), le 1er mai, par une équipe lituanienne et le navire Rhein. A bord, lance-roquettes, mines terrestres… un petit arsenal – selon nos informations – pas vraiment destiné à assurer la paix, mais surtout destiné à lutter contre Haftar (Lire : Des armes à bord d’un navire libyen. Une première saisie pour Sophia). Un « coup de chance » ironise un diplomate. « Ce qui prouve que nous avions raison d’insister, et d’insister pour mettre en place un tel contrôle ». « Notre travail a payé » nous expliquera Enrico Credendino, assez peu loquace, alors que nous le croisons dans le patio du SEAE il y a quelques jours (le 4 mai).
Commentaire : Derrière la belle unité européenne, affichée officiellement, soutenant le gouvernement de El-Sarraj, les divisions sont en fait bien réelles. Entre Français et Britanniques, d’un côté, et Italiens ou Maltais, de l’autre, la vision de la solidité et du soutien au gouvernement de Tripoli est très différente (pour être diplomate…).
(Nicolas Gros-Verheyde)