(B2) C’est le message que devrait adresser le président Juncker, flanqué de ses deux commissaires, Elżbieta Bieńkowska et Jyrki Katainen, mercredi (7 juin), en présentant, un document de réflexion pour lancer un débat public sur la manière dont l’UE à 27 pourrait se développer d’ici 2025 sa défense.
Les limites de la puissance douce
« Même si l’Europe est fière d’être une puissance douce d’importance mondiale, nous ne devons pas être naïfs. La puissance douce ne suffit pas dans un voisinage de plus en plus dangereux » va indiquer la Commission, estimant que l’engagement du président Juncker pris lors de son audition au Parlement européen, en juillet 2014, que l’UE « devienne un acteur mondial plus fort » doit devenir une réalité.
Une Europe attendue par les citoyens
« Les Européens s’attendent à une Union qui les défend et les protège ». Dans presque tous les pays de l’UE, la défense est ainsi citée dans les trois premières priorités, trois Européens sur quatre se montrant favorables à une politique de sécurité et de défense commune. La nature des menaces auxquelles sont confrontés les pays de l’UE a changé, souligne la Commission. Qu’il s’agisse de terrorisme ou de cyberattaques, « les frontières nationales ne suffisent pas à les contrer. Et leur intensité augmente. » La réalité s’impose : « les États seront plus efficaces en travaillant ensemble ».
Des duplications inutiles
Cette maxime se vérifie davantage au niveau économique et des capacités militaires. Durant la crise financière, l’Europe a baissé ses budgets de défense de 11%. Une cure d’austérité qui s’ajoute à la rente de la paix issue de la chute du mur de Berlin. Résultat : tous pays confondus, les budgets européens atteignent 227 milliards d’euros par an, contre 545 milliards d’euros côté de l’allié américain (selon les chiffres donnés par la Commission). Un chiffre qui devrait encore s’aggraver dans le futur (lire : article à paraitre). Aujourd’hui, « 80% des achats et plus de 90% des investissements la recherche et de la technologie sont gérés à l’échelle nationale » selon les statistiques de l’agence européenne de défense. Chaque État veut son petit « joujou » militaire. Résultat, en Europe, il existe « 178 systèmes d’armes différents, contre 30 aux États-Unis, 17 types différents de chars de combat dans l’UE contre un seul aux États-Unis ». Il y a « plus de producteurs d’hélicoptères en Europe que de gouvernements capables de les acheter » ironise la Commission. « Cette approche nationale entraîne également des duplications inutiles et a un impact négatif sur le déploiement des forces de défense ».
Au minimum 25 milliards dépensés inutilement
Le manque de coopération entre les États membres dans le domaine de la défense et de la sécurité a un coût : l’Europe gaspille ainsi annuellement « entre 25 et 100 milliards d’euros », selon la Commission. Si les Européens travaillaient davantage ensemble, et mettaient en commun leurs achats, on pourrait économiser « jusqu’à 30% des dépenses annuelles de défense ». Ce n’est pas rien.
NB : en disant cela, la Commission vise l’inverse de l’objectif de Donald Trump qui, sous prétexte de solidarité transatlantique, veut surtout que les Européens contribuent aux dépenses américaines. Il s’agit de dépenser, éventuellement plus mais mieux.
Des scénarios pour le futur
La Commission entend inciter chacun à réfléchir au futur que pourrait prendre la défense européenne. Elle a élaboré trois scénarios : une approche très prudente, classique visant à renforcer la défense européenne, à une quasi-armée européenne.
La main à la poche…
Non contente de réfléchir en théorie, la Commission européenne va aussi mettre la main à la poche. Elle a déjà mis en place un programme pour la recherche & technologie. L’action préparatoire est dotée de 30 millions d’euros par an jusqu’à 2020 et de 500 milliards au-delà (Lire : L’action préparatoire pour la recherche de défense mieux dotée en 2018*). Elle propose désormais de mettre en place la brique suivante : un programme pour la Recherche & Développement – qui permettra de sortir des prototypes quasi-industriels. Il devrait être doté de 250 millions d’euros par an pour 2019-2020. Et un engagement à dépenser au total 1 milliard par an au-delà (500 millions pour la R&T, la recherche et technologie, 500 millions pour la R&D, la recherche et développement). Un programme financé sur la base du budget communautaire. Lire les détails : Le second volet du fonds défense bientôt présenté*
Une vraie révolution
Cette approche est une vraie révolution. On n’est plus dans l’approche, timide, d’harmonisation des marchés publics et de la circulation des équipements militaires (comme en 2007-2009), ni dans une gestuelle symbolique, avec des programmes dotés de quelques millions d’euros, l’Union européenne commence à peser, en termes sonnants et trébuchants. C’est l’équivalent du budget d’un Etat membre comme l’Allemagne qu’elle met ainsi sur la table. En faisant cela, on fait aussi d’une certaine façon passer la défense et son économie comme un objectif communautaire, soumis aux règles classiques de la Commission (financement européen, contrôle par la Cour des comptes ou la Cour de justice), mais qui bénéficie de règles particulières, faites sur mesure (avec le rôle des États membres, le secret défense…). C’est en fait à une véritable révolution qu’invite la Commission européenne. Lire : Financer l’industrie de défense. Un tabou se brise
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : Défense européenne : ce qu’on peut faire… ensemble
(B2) Le tanker MT NAVIG8 Providence, attaqué par des pirates armés dans le golfe d’Oman, ce vendredi (2 juin), est sain et sauf a confirmé le QG d’EUNAVFOR Atalanta, selon les informations reçues à B2.
Le navire, qui bat pavillon des îles Marshall, naviguait à 100 milles nautiques à l’est de Muscat quand il a été approché par six hommes armés à bord d’un skiff. Il s’est rapproché du pétrolier. « On pouvait voir à son bord une échelle » a témoigné le capitaine du navire (NB : en général un signe très clair de la volonté d’abordage). Les armes ont aussi parlé rapidement. « Il y a eu [en effet] un échange d’armes légères entre les pirates et l’équipe de sécurité maritime à bord du tanker. »
Le capitaine du Providence a alors entamé des manoeuvres défensives suivant en cela les recommandations maritimes (les fameuses « BMP4 », la norme anti-piraterie édictée par les militaires et l’industrie maritime). L’effet combiné de toutes mesures a eu raison de l’envie de piraterie. Les pirates ont interrompu la poursuite.
Le navire et son équipage sont indemnes. Ils ont « repris leur route » indique le QG de Northwood. Le NAVIG8 Providence est actuellement, selon les dernières informations maritimes, en mer d’Arabie naviguant à une vitesse de 10 noeuds.
Mais pour les forces navales anti-piraterie dans la zone, cela ne s’arrête pas là. Elles sont à la recherche du skiff et de ses occupants… A suivre.
(NGV)
(B2) S’exprimant (en allemand) en Allemagne, mercredi soir (31 mai), avant la décision américaine prise aujourd’hui par Donald Trump de se retirer des accords de Paris sur le climat, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne a voulu avertir les Américains, « je suis transatlantique (mais) le devoir de l’Europe est de dire : çà ne marche pas comme çà.
Trois, quatre ans pour se retirer
« Il faut trois, quatre ans après l’entrée en vigueur du traité pour sortir de l’accord. Cela signifie que l’idée que vous pouvez simplement disparaître dans l’air — cela n’arrivera pas. » « Ce qui est écrit dans la législation et tout ce qui est écrit dans les accords internationaux ne relève pas de la « fake news ». La loi est la loi. Et Il faut s’y tenir. »
Le futur de l’humanité est en jeu
« Ce n’est pas juste sur notre futur et l’humanité de l’Europe, c’est le futur du monde tout entier. 83 pays sont en risque de disparaitre si le niveau des eaux monte, si nous n’initions pas un combat résolu contre les changements climatiques. »
» il serait du devoir de l’Europe de dire: cela ne va pas comme ça
« We will keep fighting for the planet ». @JunckerEU about the #ParisAgreement#ClimateChangepic.twitter.com/BOXqmXCEEh
— EC in Cyprus (@EUCYPRUS) 1 juin 2017
(B2) Deux femmes fortes, qui peuvent dialoguer l’une dans le langage de l’autre, et vice-versa, c’est cette image symbolique qu’ont voulu donner aujourd’hui (1er juin), à Berlin, les ministres allemande et française de la Défense, Ursula von der Leyen (1) et Sylvie Goulard, dont c’était le premier déplacement à l’étranger en solo (sans l’ombre de Macron comme au Mali ou à l’OTAN).
L’aisance en français chez Ursula, et en allemand chez Sylvie, faisait vraiment plaisir à voir… et à écouter. Aux premiers mots, vous n’aviez pas la possibilité de cerner qui était l’Allemande et qui était la Française (1). « Je vais quand même passer en français sinon certains seraient déçus » a plaisanté Sylvie Goulard. Le tout dans un allemand limpide, compréhensible par tous. Cela change du gloubi-glouba-english en cours dans les couloirs européens
Deux enjeux principaux : Intégration et Afrique
Ursula, en particulier, a détaillé ses deux axes de travail des Français et des Allemands (des Allemands surtout…) En premier lieu, « l’Union européenne de sécurité et de défense » avec « cette année » des projets « concrets que nous voulons mener ». Le premier exemple concret est ce « commandement européen » établi à Bruxelles pour les missions militaires (2), ce qui permet d’avoir « dans une seule main, à Bruxelles les missions civiles et militaires ». Il faut poursuivre par « une intégration » avec notamment le projet de « Fonds européen de défense » et de « Coopération structurée permanente », qui doit être mené comme un « projet à 27 ».
Second enjeu pour la ministre allemande : « l’Afrique, et en particulier l’Afrique de l’Ouest avec l’opération anti-terroriste française Barkhane, l’engagement allemand dans la Minusma, les missions de formation au Mali et au Niger (NB : dirigée par un Allemand). »
Une Allemagne forte est bien pour tout le monde
« Lors de ma visite au Mali, j’ai pu voir qu’il se passait des choses au niveau européen » a renchéri la ministre française, concluant qu’elle n’avait pas « peur d’une Allemagne forte ». « Les menaces sont communes et si l’Allemagne, comme elle le fait sous l’impulsion d’Ursula, investit plus dans le secteur de la défense, c’est une bonne nouvelle pour nous tous » a-t-elle ajouté.
A suivre…
Un conseil franco-allemand de sécurité aura lieu à Paris le 13 juillet pour avancer sur ces projets. C’est essentiel. Le couple franco-allemand est à reconstruire. Non pas qu’entre Paris et Berlin, il n’y ait pas de dialogue. Il y a des belles lettres communes, des projets menés en bilatéral plein d’espoir (la base commune des C-130J à Orléans) mais au niveau européen, cela rame…
Une dissension sur l’approche européenne
Au-delà des bons mots, il y a en effet entre Paris et Berlin, de vraies dissensions d’ordre philosophique, psychologique et technique. Paris et Berlin n’ont, en effet, pas la même vision de l’approche de la défense et de l’approche européenne tout. Ce qui mine actuellement toute avancée supplémentaire dans l’Europe de défense, plus sûrement que tout « No » britannique ou « irritation » polonaise.
Entre le Pont d’Arcole et la planification blindée
Pour les Français, l’Europe c’est « moi » ; pour les Allemands, c’est « nous ». Certains rêvent ainsi cette Europe de la défense sur le modèle napoléonien : type Pont d’Arcole, je franchis le Pont et on gagne la bataille, puis après on verra ; d’autres la rêvent plus réfléchie, planifiée, type plan bismarckien d’économie sociale. La France rêve d’une Europe de la défense des plus entreprenants, l’Allemagne veut une défense européenne assise le plus large possible, à 27. Les militaires d’un côté du Rhin rêvent de sable chaud, d’aventure, d’action avec les Américains et les Britanniques, si possible, ou les Africains. Les seconds préfèrent parler structures militaires intégrées, coopération permanente, présence stabilisatrice post-conflit dans un cadre organisé. Les positions sont parfois à front renversé. Le tropisme atlantique du pouvoir allemand s’efface ainsi rapidement là où les Français rêvent encore de l’Amérique sauvée par La Fayette.
Dissiper les malentendus et faux semblants
Les deux visions ne sont pas contradictoires en soi, elles sont complémentaires. Encore faut-il d’abord apaiser les malentendus, les sous-entendus, nombreux et multiples. En effet quand l’un avance une idée, l’autre se méfie, soupçonnant des arrières-pensées industrielles ou politiques. Ensuite il faut structurer le dialogue, qu’il se déroule non pas épisodiquement, mais organiquement, de façon plus fluide et continuelle, et enfin avoir un certain nombre de projets concrets moteurs. Bref, créer une dynamique telle que les autres Européens n’auront qu’un choix : se rallier ou s’isoler.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) d’avoir une Allemande ou une Française. De façon intéressante, d’ailleurs la ministre allemande qui a repris son discours à la presse en allemand ensuite a eu un lapsus entre parlant du G cinq (G5) en français et non du G fünf comme elle s’est repris ensuite.
(2) Commandement qui devrait entrer en vigueur prochainement selon les informations de B2 (lire : Couvrez ce QG que je ne saurai voir… Le texte sur la MPCC finalisé. Détails)