(B2) Le couple franco-allemand est redevenu l’alpha et l’oméga de la politique européenne de la France. Ce Sommet franco-allemand à Paris pourrait en être la preuve.
Les dirigeants français et allemands, flanqués d’une dizaine de leurs ministres, se retrouvent ce jeudi (13 juillet) à l’Elysée pour une réunion qui est destiné à devenir un rituel plus affirmé dans les années à venir. Du moins, c’est la volonté affichée à l’Elysée par l’entourage d’Emmanuel Macron, mais aussi à Berlin où on espère une position plus engagée, française, sur l’Europe.
Une réunion en plusieurs formats
Cette réunion, assez courte dans la durée, une grosse matinée, comportait une succession de séquences alternant rencontres bilatérales entre chaque ministre français avec son homologue outre-rhin, des réunions de travail des dirigeants, des visites symboliques, notamment à l’Espace « Paris Jeunes », autour de trois thèmes principaux : la sécurité et la défense, l’économie et l’innovation, la jeunesse et la culture.
Un deuxième pas pour la PESCO
Une réunion du Conseil franco-allemand de la sécurité et de la défense, présidée au plus haut niveau, était prévue, pour acter l’engagement de Paris et Berlin dans la création d’une Coopération structurée permanente, version plus technocratique du projet d’Union européenne de sécurité et de défense. Avec l’adoption d’une première feuille de route. Ce qui constitue un deuxième pas avec la déclaration d’intention affichée au dernier sommet européen. Et les deux dirigeants entendent bien porter sur les fonts baptismaux, l’Alliance pour le Sahel, symbole de la volonté déterminée à Paris comme à Berlin, de stabiliser une zone pleine d’enjeux pour la France comme l’Allemagne, que ce soit en termes de terrorisme, d’immigration mais aussi de développement économique (lire : Paris et Berlin lancent une Alliance pour le Sahel).
Pas de révolution, mais des premiers pas … en matière de défense
De cette réunion au sommet, il ne faut cependant pas attendre de décisions révolutionnaires que ce soit sur le renforcement de la Zone Euro – une promesse de campagne du candidat Macron – ou la création d’une Union européenne de la défense et de sécurité – un projet auquel l’Allemagne tient. Ces décisions, particulièrement complexes, nécessite de « prendre du temps » explique-t-on à l’Elysée. Et le principe de réalité oblige à attendre la fin des élections allemandes, c’est-à-dire jusqu’à fin septembre. Mais ce sommet de l’Elysée se veut révélateur d’une impatience, tout autant française qu’allemande, de voir l’axe Paris-Berlin revivifié, de le voir retrouver toute sa pertinence. « On a travaillé, vraiment, de concert » est le motto français. Un leitmotiv qui n’est pas uniquement de l’ordre de l’opération de com’ (malgré les apparences).
La France a envie, l’Allemagne a besoin
Tout pousse aujourd’hui à un réel engagement de part et d’autre du Rhin. La France a retrouvé un rôle de leader convaincu et convainquant sur le plan européen. Emmanuel Macron n’a pas la timidité, le côté pusillanime, qui caractérisait son prédécesseur, François Hollande, sur les questions européennes. L’Allemagne a besoin d’un allié fort et constant à ses côtés. L’Europe « trop allemande », tant décriée – chacun le sait – tenait surtout à une France qui ne tenait pas son rang. Ses positions, en accordéon — un jour je t’aime, un jour je te critique – ne passaient pas en Allemagne. La politique allemande, la Chancelière surtout, préfère une Europe structurée, qui avance de façon affirmée, selon un rythme déterminé.
Une lune favorable
Enfin, Paris et Berlin bénéficient d’une « lune favorable ». Après septembre, les deux gouvernements auront une période de presque deux ans sans élection. La sortie programmée du Royaume-Uni, à l’horizon 2019, laisse le couple franco-allemand, face à face, sans alternative possible. Aucune excuse ne sera désormais recevable. Angela Merkel et Emmanuel Macron le savent. Ils ont tout loisir d’imprimer une nouvelle marque tant à leur relation qu’à l’Europe de demain. Mais ils n’ont pas d’autre choix que d’être plus solidaires.
Nicolas Gros-Verheyde
(article paru dans Sud-Ouest ce matin)
(B2) Paris et Rome ne semblent pas sur la même longueur d’ondes. A écouter nos collègues italiens, la rencontre entre Italiens et Français, en marge du sommet sur les Balkans, ce mercredi (12 juillet) a tourné court. Le Premier ministre Paolo Gentiloni qui demandait à la France d’entrouvrir ses ports, pour délester un peu les ports italiens. Malgré l’intermédiaire de l’Allemagne, Emmanuel Macron a refusé de décrocher de la position traditionnelle de la France. Pas d’accueil supplémentaire de migrants. Et juste un petit effort pour les réfugiés politiques. On est bien loin de la politique allemande d’accueil, plus généreuse.
(B2) Le président américain, Donald Trump sera en France le 13 (après-midi) et 14 juillet (matin) pour une visite très symbolique, mais aussi pleine d’enjeux politiques et diplomatiques.
Cette visite permet au président français Emmanuel Macron de consacrer son arrivée sur la scène internationale et au président Trump de tourner le dos à des problèmes « domestiques ». La séquence sera peuplée de moments « images » : le président américain devrait débuter sa visite par les Invalides, et le musée, avec un dîner le soir au « Jules Verne », sur la Tour Eiffel (Paris is Paris ! comme le dit la presse US), et assistera le lendemain au défilé du 14 juillet. Le dernier président à avoir assisté au défilé était George W. Bush, en 1989, pour la célébration du bicentenaire de la Révolution française.
Quelques sacrés points de divergence…
Entre Paris et Washington, les points de divergence ne manquent pas : le dossier « climat » bien entendu, les sanctions sur l’Iran et l’isolement du Qatar par les monarchies du Golfe, le Sahel dans une certaine mesure. Même si les Américains se sont finalement rangés à l’idée d’une résolution des Nations unies, l’initiative a été rognée aux ailes (pas de mandat de force ni de financement). . Paris espère bien arriver à convaincre les Américains de faire un geste, et d’annoncer un financement pour cette force du G5 Sahel, « instrument indispensable de la stabilisation » dans la région, souligne un diplomate français. « Nous ne pouvons qu’espérer un accroissement du soutien international et notamment du soutien américain » ajoute-t-il.
… mais aussi une vieille amitié qui trouve à s’épanouir
De ces points de divergence, l’Elysée ne les cachent pas. « Il y en a. Nous en parlons franchement ». Mais ils préfèrent appuyer sur les points de convergence où Français et Américains sont « tout à fait sur la même ligne » : la lutte contre le terrorisme, notamment qui « nécessite une concertation très étroite et une action commune », la coalition contre Daesh (où Français et Américains sont côte à côte), le conflit en Syrie, au moins sur la question des armes chimiques ou la seule voie possible de sortie, au plan politique. Symbole de cette bonne entente, et le clou du spectacle de la visite présidentielle, sera le défilé militaire traditionnel du 14 juillet, où les Américains seront à l’honneur.
Cent ans d’engagement américain sur le continent
Près de 200 militaires de la US Navy, de l’US Air Force et et de l’US Army ouvriront en effet le défilé, pour célébrer les 100 ans d’engagement américain en Europe, avec l’intervention des États-Unis dans la Première guerre mondiale, aux côtés des alliés français et britanniques (1). Ils appartiennent à différents corps, illustrant la diversité des forces américaines. Des hommes (et femmes) de la 1ère division de l’infanterie — celle-là même qui fut la première division à entrer en France et à aller aux combats – la 173rd Airborne Brigade – qui est basée en Europe –, la 10th Mountain Division –, le 7th Army Training Command – , au sol, ouvriront ainsi le défilé.
Un pilote américain aux commandes d’un Rafale
Le spectacle devraient aussi être en l’air. Six F-16 de la patrouille acrobatique américaine (les fameux Thunderbirds) et deux F22 Raptor avions de chasse furtifs, participeront au défilé aérien. Tandis qu’un des Rafale français sera piloté par un aviateur de la marine américaine. Une preuve notable que la France reste un des alliés les plus engagés aux côtés des Américains (et vice-versa).
Un niveau inégalé de coopération
« La relation France – USA est au beau fixe au niveau de la coopération militaire » témoigne un haut gradé français. « La France est engagée aux cotés des US » dans le cadre de la coalition de Daesh. « Tout se fait dans une interopérabilité parfaite et un niveau de confiance qui n’a jamais été atteint auparavant par les armées. »
(Nicolas Gros-Verheyde, au Palais de l’Elysée)
(1) Entrée en guerre en avril 1917, l’American Expeditionary Force (ou AEF) fut constitué en mai de la même année. Et les forces américaines arrivèrent en France par trois ports (Boulogne, St Nazaire, Brest). A l’armistice, il y avait sur le continent un million de militaires commandés par un certain amiral Pershing. Près de 110.000 hommes y perdirent la vie (dont la moitié environ au combat) et 240.000 furent blessés.
(B2) Invité ce matin de France-Inter, Enrico Letta, a mis les points sur les « i » sur l’opération en Méditerranée comme sur la réaction des Européens face aux crises.
L’ancien Premier ministre italien est devenu l’invité fétiche des médias français. Parfaitement francophone, président de l’Institut Jacques Delors, et doyen de l’École des affaires internationales de Sciences Po, il joue le parfait rôle du sage Italien, du sage Européen, qui fait si souvent défaut dans la sphère médiatique française. Son avis mérite d’être écouté… même s’il peut ne pas être partagé.
Mare Nostrum avait un intérêt : la présence de l’État en mer
Sur l’opération Mare Nostrum – lancée sous sa présidence – et l’accusation d’avoir été un ‘aspirateur’ aux migrants, Enrico Letta juge « toute cette polémique absurde ». Et si c’était à refaire, il le referait. « Oui ! » répond-il sans hésiter. La raison en est simple, elle est consubstantielle à l’existence même des États. « Il ne faut pas laisser au volontarisme pur » le soin d’effectuer ces tâches (NB : les ONG).
L’intérêt d’avoir des bateaux en mer : avoir des preuves
« Il faut le faire de façon officielle, pour une raison très claire : nous avons un devoir de sauver les gens en mer, mais aussi un devoir de contrôle de la mer pour attaquer les trafiquants, pour avoir les preuves précises des crimes qu’ils sont en train de commettre et faire en sorte avec ces preuves ».
Aujourd’hui c’est le chaos en Méditerranée
« Avec Mare Nostrum, on avait les sous-marins qui filmaient, permettant d’avoir les preuves. On était condition de contrôler les choses et que tout se déroule de façon ordonnée. » « Aujourd’hui c’est un peu le chaos » assène l’ancien Premier ministre italien dans un coup aux gencives de l’actuel gouvernement italien de Paolo Gentiloni (et de son prédécesseur Matteo Renzi) comme de l’opération européenne Sophia (1).
Les pays laissés seuls face aux problèmes
De façon plus générale, le président de l’Institut Jacques Delors tire ensuite les leçons de ces différentes crises. « On joue en Europe un jeu que je n’aime pas : laisser quelqu’un tout seul. On a laissé l’Allemagne toute seule en 2015, quand un million de réfugiés sont entrés. C’est aujourd’hui un sujet [de discussion] pour le couple franco-allemand ». Il doit « se demander [que faire] quand on se trouve devant un drame comme cela. L’Allemagne a accepté un million de personnes : c’est énorme. Elle a fait cela toute seule. L’année dernière, c’était au tour de la Grèce qui a été laissée toute seule. Maintenant, c’est le tour de l’Italie [comme], cela avait été le tour de la France, en 2015-2016, sur le terrorisme. La France a vécu les attaques les plus dures. [Quand elle] a demandé une solidarité au niveau européen. A la fin, elle ne l’a pas reçu autant qu’espéré. »
Changer deux règles
Pour Enrico Letta, deux actions urgentes sont nécessaires au niveau européen. Premièrement, il faut « réformer le mécanisme de Dublin » qui veut que les réfugiés doivent déposer leur demande d’asile dans le premier pays où ils sont entrés. Sinon c’est la dictature de la géographie. « On ne peut pas accepter que la géographie soit la même dans tous les pays. Défendre les frontières de la Belgique n’est pas la même chose que défendre les frontières en Grèce. La frontière extérieure est commune à tous [mais] le principe qui veut chacun laisse le pays qui a le plus de côtes résoudre les choses [n’est pas bon]. »
Deuxièmement, « il faut partager le poids [le fardeau]. Si 15.000 personnes arrivent qui ont le droit d’asile (2), partager cela »dans une Europe qui compte] 500 millions de personnes, ce n’est pas un problème. Mais si certains comme [Viktor] Orban [le Premier ministre hongrois], disent, je n’en prends pas, alors cela devient un problème. La solidarité, la charité vous pouvez la demander à un individu. Mais pour les États c’est autre chose. Il faut se donner des règles. »
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Une opération qui suscite, en ce moment, des critiques nombreuses. Cf. le rapport de la Chambre des Lords qui vient d’être publié aujourd’hui qui préconise la fermeture de la mission.
(2) Enrico Letta ne parle pas de tous les migrants mais de ceux auxquels l’asile est reconnu.