(B2) La parole de Joachim Bitterlich vaut souvent le détour. Cet ancien conseiller de Helmut Kohl revient, sur le site de Toute l’Europe, sur les avancées récentes en matière de défense (et d’autres sujets). Un propos qui mérite d’être écouté. Pour lui, la PESCO est un « projet qui constitue un premier pas, mais qui doit être suivi dans d’autres domaines ».
Des divergences culturelles certaines
Mais il ne faut pas se cacher certaines difficultés. Les progrès en matière de politique et de sécurité extérieure sont « difficiles au vu de nos cultures et nos traditions bien différentes, et même parfois opposées ». Entre un Allemand et un Français, les différences sont fondamentales, quand on parle défense, « un Allemand pense en premier lieu à la défense du territoire tandis qu’un Français inclut au même niveau la nécessité d’intervention militaire, pour surmonter les crises et conflits ».
La nécessité d’un agenda sur le renseignement, le transport, l’acquisition
Pour avancer, il « faut rapprocher progressivement nos conceptions sur la défense pour les rendre convergentes et compatibles ». Il va falloir aussi un « agenda clair et engageant sur des questions fondamentales telles que la coopération en matière de renseignement, de planification, de transport et de logistique, d’acquisition et de contrôle » comme sur « l’exportation d’armement ». Des points très délicats et qui ne sont pas encore abordés au niveau européen.
Une armée européenne, possible d’ici 2030 ?
Bitterlich se montre absolument confiant dans l’idée que « le projet de défense européenne cessera [bientôt] d’être une utopie ». « Si le démarrage fonctionne bien – et que nous arrivons à attaquer cet agenda ambitieux de manière parallèle et engagée – nous pourrons peut-être parler en 2025 ou en 2030 d’une armée européenne. »
Une coopération politique à revoir
Dans le même temps, il ne faut pas hésiter à « engager une réflexion profonde sur la politique étrangère commune. « Nous n’avons pas encore trouvé la » formule magique » de coopération entre d’une part Bruxelles, l’office dirigé par Madame Mogherini et le nouveau service d’action extérieure, et d’autre part les services diplomatiques et les ministres des Affaires étrangères des Etats membres. »
(NGV)
Lire sur le site de Toute l’Europe
(B2) Le Royaume-Uni pourrait bientôt envoyer des hélicoptères Chinook en soutien de l’opération Barkhane menée par la France au Sahel. Cette décision devrait être annoncée demain (jeudi) à l’occasion du sommet franco-britannique. Réunion qui se déroulera dans un lieu on ne peut plus symbolique : l’académie militaire de Sandhurst.
Des hélicoptères et d’autres moyens
« Pour pallier le manque d’hélicoptères français disponibles, les Britanniques ont offert des moyens de transport », explique le quotidien The Telegraph qui s’appuie sur des sources internes au ministère britannique de la Défense. Les Chinook de la RAF ont été proposés pour transporter les troupes françaises. « Le Royaume-Uni s’était opposé à l’envoi d’un avion C-17 pour assurer des rotations dans la région du fait de l’engagement des opérations en Irak, en Syrie et en Afghanistan » rappelle Roger Boyes du Times. Ce soutien venu d’outre-manche pourrait aussi concerner des moyens ISTAR (renseignement, surveillance, acquisition de cibles, reconnaissance) avec notamment des drones de surveillance Watchkeeper, précise le quotidien britannique.
Une nouvelle présence en Estonie
Afin d’assurer une certaine réciproque, les Français pourraient revenir en Estonie, participant lors d’une prochaine rotation (en 2019 par exemple) au groupement tactique dirigé par les Britanniques en Estonie dans le cadre de l’opération de l’OTAN, « Présence avancée renforcée (EFP) », visant à montrer les muscles de l’Alliance atlantique face à la Russie (lire : Tapa : réassurer l’Estonie… et un excellent lieu d’entraînement).
Quatre pays engagés à des titres divers
Le Royaume-Uni serait ainsi le quatrième pays européen à s’engager de façon concrète dans le Sahel. L’Espagne assure depuis le début de l’opération Serval (devenue Barkhane), un soutien logistique, avec un détachement aérien. L’Allemagne a engagé des hommes dans la Minusma. L’Italie a confirmé qu’elle s’engageait au Niger dans une mission de formation et structuration de l’armée nigérienne. Les Italiens sont, ainsi les seuls pour l’instant à vouloir s’engager au sol, avec un contingent d’environ 500 personnels (lire : Les Italiens en renfort des Français au Niger).
Conclusion : Un peu de temps
Il aura fallu un peu de temps (deux à trois ans) pour avoir autre chose qu’une participation symbolique ou épisodique de la part des différents partenaires européens. Mais la menace terroriste aidant et le désengagement en cours en Irak – qui libère des moyens – pourrait ainsi favoriser un engagement plus soutenu et complet des Européens aux côtés des Français au Sahel.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Alors que les discussions entre Belgrade et Pristina s’apprêtaient à reprendre à Bruxelles, celles-ci ont été bloquées par une nouvelle terrible venant du Kosovo. Oliver Ivanovic, un homme politique serbe de premier plan, a été tué à Mitrovica au nord du Kosovo, près de sa permanence du parti, par des individus circulant dans une voiture, de six balles d’un pistolet semi automatique Zastava M70A selon ce qu’en rapporte B92.
Après la guerre civile, il s’était soigneusement démarqué du nationalisme serbe, prônant le dialogue avec les Kosovars d’origine albanaise, même s’il avait un temps été accusé de crimes de guerre pour avoir été un des gardiens du Pont de Mitrovica, avant de voir un premier jugement annulé en appel (lire : Un Kosovar serbe « modéré » arrêté par les forces EULEX. Cas (très) sensible).
Condamnation européenne
Son assassinat a été « condamné » par les autorités européennes. La mission EULEX a ainsi « condamné fermement l’acte de terreur criminelle ». Elle « appelle à une action rapide et efficace de la part des autorités qui mène à l’arrestation des auteurs de cet acte horrible », affirmant être prête à « offrir son assistance conformément à notre mandat actuel ». « Je lance un appel à ceux qui ont des informations susceptibles d’entraîner l’arrestation des responsables du meurtre de M. Ivanovic, de le signaler aux autorités » a déclaré Alexandra Papadopoulou, chef de la mission EULEX. « J’appelle tout le monde dans la communauté à rester calme et digne en ce moment difficile ».
(NGV)
(B2) Deux bombardiers russes supersoniques, de type Tupolev TU-160 « Blackjack », ont provoqué le décollage, tour à tour de plusieurs aviations de chasse européennes, lundi (15 janvier).
Un ordre du CAOC… les F-16 belges décollent
Ces deux avions évoluaient dans l’espace aérien international en mer du nord, au large des côtes néerlandaises, sans s’être signalés au préalable (comme le veut la procédure). Le CAOC (Combined Air Operations Centre), le centre de coordination des opérations aériennes de l’OTAN, basé à Uedem (Allemagne), a alors donné l’ordre de les intercepter. Les bombardiers russes ont d’abord été interceptés par des F-16 belges au nord des Pays-Bas (1). Les F-16 ont « décollé à 11h21 de la base de Florennes ». Une demi-heure plus tard, exactement « à 11h51, les pilotes avaient établi un premier contact visuel à 9000 mètres d’altitude avec les appareils russes » explique-t-on côté belge.
… avant un relais par la chasse britannique
Ils ont été escortés ensuite jusqu’à ce que deux Typhoons britanniques, qui avaient décollé de la base de la Royal Air Force de Lossiemouth, prennent le relais. Ils évoluaient « sans avoir échangé avec le contrôlé aérien. Ce qui les rendait dangereux pour toutes les autres compagnies aériennes. [Mais à] aucun moment les bombardiers russes n’ont pénétré dans l’espace aérien souverain du Royaume-Uni » confirme-t-on du côté britannique. Les deux Tupolev ont ensuite été escortés jusqu’au nord, hors de la zone d’intérêt britannique. « Les menaces auxquelles notre pays fait face s’intensifient et nous n’hésiterons pas à défendre notre ciel contre les actes d’agression » a déclaré, un rien martial le ministre de la Défense Gavin Williamson, dans un communiqué.
(NGV)
(1) Les F-16 Belges et Néerlandais assurent à tour de rôle la Quick Reaction Alert (QRA) pour les trois pays du Benelux, prêts à décoller en permanence afin de réagir en urgence à tout incident aérien. Les centres de commandement de combat de Glons et de Nieuw-Milligen surveillent respectivement de jour comme de nuit les secteurs belgo-luxembourgeois et néerlandais.
(B2) Le quatrième critère de Copenhague sur l’élargissement de l’Union européenne à de nouveaux pays est souvent oublié, ou mis de côté. Une erreur…
« La capacité d’intégration de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan d’intégration européenne constitue également un élément important répondant à l’intérêt général aussi bien de l’UE que des pays candidats ». Cette phrase fait suite – dans le texte – à l’énoncé des trois critères fixés par le Conseil européen de Copenhague (1993) pour l’adhésion de nouveaux États membres (1).
Elargir en tenant compte de la capacité d’intégration
En résumé, ce “quatrième critère de Copenhague” implique que toute décision d’élargissement doit être appréciée non seulement en fonction du respect des critères imposés aux candidats – mais aussi au regard de la capacité propre d’intégration de l’UE. La Commission a d’ailleurs précisé en 2006 : « L’adhésion d’un nouvel État doit être compatible avec le fonctionnement efficace des Institutions et des procédures décisionnelles de l’Union et ne pas remettre en cause les politiques communes et leur financement. »
Le quatrième critère de Copenhague a été largement ignoré/contourné dans le passé – et il semble devoir continuer à l’être lors des prochaines vagues d’adhésion.
Le risque de grossir sans réformer n’est pas à négliger
1. les risques de dysfonctionnement du Conseil (2), de la Commission (3), de la Cour de Justice (4) voire du Parlement au-delà d’un certain nombre de membres ;
2. la capacité de financement par l’UE des politiques communes (notamment les politiques de “cohésion”) face aux besoins de nouveaux États peu développés ;
3. la capacité physique des nouveaux États à satisfaire aux exigences de certaines politiques communes (Euro, environnement, concurrence, énergie,…) sans en freiner le développement ;
4. l’accroissement de la diversité politique, économique, sociale, culturelle, linguistique, … entre les États ;
5. la multiplication du nombre des “petits” États qui doivent être traités de manière égale avec les “grands” ;
6. la perte de repères géographiques et culturels de l’opinion (“Quelles sont les frontières de l’Europe”) et l’affaiblissement consécutif de l’ « affectio societatis” européen ;
7. l’accroissement du risque de dissensions inter-étatiques et de désordres intra-étatiques ;
8. le freinage de la réalisation progressive de l’Union politique, notamment sur les plans de la diplomatie et de la défense ;
9. le respect des “valeurs” fixées par l’article 2 du Traité ;
10. l’impact géo-politique des élargissements vis à vis des puissances limitrophes (Russie) ;
11. le risque de fragmentation interne de l’UE en blocs géographiques (O/E, N/S) ou en cercles (olympiques ou concentriques), etc.
À l’heure où la Commission et le Conseil viennent de sonner la fin de la “pause” du processus d’élargissement (5) et s’apprêtent à le reprendre en fanfare avec les six États des Balkans (voire, à plus long terme, avec trois ou quatre États du « partenariat oriental ») – il serait peut-être temps temps de prendre plus sérieusement en compte le 4ème critère de Copenhague. Et surtout de “consulter” l’opinion sur l’opportunité de cette deuxième vague d’élargissement. L’exercice des consultations démocratiques voulues par le président français Emmanuel Macron devrait en être l’occasion.
Les dirigeants des Institutions et des États ne devraient pas oublier que tout nouvel élargissement devra être approuvé par référendum dans plusieurs des États membres.
L’histoire enseigne que l’éclatement des empires est souvent causé par leur extension démesurée qui provoque une perte d’unité et de contrôle de l’ensemble. Où se situe – pour l’Union en tant qu’ “empire » politico-économique – le point de rupture “le pont trop loin” ? La question mérite au moins d’être posée.
(Jean-Guy Giraud)
(1) l’article 49 TUE prévoit que ces critères « sont pris en compte par le Conseil européen »
(2) notamment la difficulté de parvenir à l’unanimité imposée au sein du Conseil européen et, pour les décisions les plus importantes, au sein du Conseil.
(3) le principe d’un Commissaire par État membre a été maintenu par le Conseil européen en dépit des stipulations du Traité de Lisbonne (article 17§5)
(4) Par décision du Conseil, le nombre des juges du Tribunal (au sein de la Cour de Justice) a déjà été porté à … 56
(5) pause décrétée jusqu’en 2019 par le président Juncker au début de son mandat – mais qui n’a nullement freiné les négociations en cours au niveau des services.
(B2) C’est une information débusquée par mon collègue allemand Thomas Wiegold. La police de la route allemande a bloqué, mercredi (10 janvier), un convoi militaire transportant plusieurs engins blindés US. Un exemple type pour illustrer la problématique de la difficulté de mobilité des moyens militaires en Europe, explique-t-il sur son site Augengeradeaus.
Lors d’un contrôle sur un transport exceptionnel sur la A4, qui était sur l’aire de repos de Oberlausitz Nord (entre Dresde et Görlitz, la frontière polonaise), la police de la circulation (sans doute averti par quelques automobilistes mécontents) a stoppé un convoi de plusieurs poids lourds ramenant, pour le compte de l’armée américaine, six canons automoteurs de type M109, de Pologne (*).
Le récit fait par la police du Land de Saxe vaut son pesant d’or… Le contrôle des policiers s’est avéré très positif. Il relève même d’un vrai festival en matière de manquement à la circulation des poids lourds, puisqu’au moins quatre chefs d’infractions ont été relevés par les policiers. 1° les semi-remorques utilisées par la société étaient tous inappropriés. 2° Les documents et les dispenses nécessaires manquaient. 3° La charge était trop large et, surtout, beaucoup trop lourde, jusqu’à 16 tonnes. En « surcharge » selon la police. 4° certains des routiers avaient dépassé leurs temps de conduite et de repos.
Après avoir dressé cette « longue liste » de PV, les pandores ont « interdit la poursuite du voyage jusqu’à ce que les véhicules appropriés soient disponibles, les autorisations nécessaires et toutes les conditions requises ». La direction du Land « va s’occuper de l’affaire » dorénavant. Et des « amendes appropriées seront infligées aux chauffeurs routiers et aux routiers concernés ».
Commentaire : cette aventure pose la question du transport des biens militaires. D’une part, les forces armées qui transitent sur les routes « civiles » se doivent de respecter toutes les règles du code de la route (et doivent le faire respecter à leurs cocontractants), notamment les temps de repos. D’autre part, dans quelle mesure ces règles ne peuvent-elles pas être aménagées pour les convois militaires, dans certaines circonstances. Quid du contrôle… C’est tout l’enjeu du projet de « mobilité militaire » que mènent actuellement de concert la Commission européenne, l’Agence européenne de défense, les États membres (dans un des projets menés au titre de la Coopération structurée permanente) et l’OTAN.
(NGV)
(*) Et non des chars comme improprement appelés dans une première version)
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