Après quelques intenses semaines, et la publication de notre premier livre sur la PSDC, B2 prend un peu l’air la semaine prochaine. Nous assurerons un filet d’actualité, avec quelques papiers de fond (sur B2 Pro). Le rythme normal reprendra après Pâques le 18 avril.
(NGV)
L’USS Porter – un des navires d’où sont partis les Tomahawk – normalement basé à Rota en Espagne, appartient à la VIe flotte basée en Méditerranée (crédit : U.S. Navy/Ford Williams)
(B2) Les Européens se sont réveillés groggy vendredi (matin). Les États-Unis ont frappé vite après l’attaque chimique menée par le régime Assad sur Khan Cheikhoun. Les stylos et papiers de la conférence sur la Syrie, organisée à Bruxelles mardi et mercredi, étaient à peine rangés que les Américains s’étaient déjà décidés à agir et à passer à l’action.
Dans la nuit du 6 au 7 avril, 59 missiles Tomawakh, lancés à partir de deux navires — l’USS Porter (DDG-78) et l’USS Ross (DDG-71) basés en Méditerranée –, ont été tirés sur la base aérienne de l’armée syrienne de Shayrat (ou Al-Chaayrate).
Des lignes rouges à ne pas dépasser
La décision qu’a prise Donald Trump lui donne une assise que peu avaient pressentie jusqu’ici. En quelques jours, il a opéré un revirement politique quasi complet. D’une désignation de Daesh comme l’ennemi suprême, et de Bachar comme d’un encombrant personnage dont on pouvait s’accommoder, il est passé à désigner celui-ci comme un adversaire. Le régime de Damas est désormais prévenu et de façon très claire : il y a certaines lignes rouges à ne pas dépasser dans la guerre que le régime mène à une partie de sa population. C’est autrement plus efficace que des déclarations non suivies d’effet. Trump inaugure l’ère de l’effet sans déclaration préalable, un peu selon la méthode russe (1).
Un message à triple détente
Ce message n’est pas seulement à destination de la Syrie, il a une triple signification.
Un avertissement à Téhéran et Pyongyang
Le message est à destination aussi des pays voisins, notamment Téhéran : attention à ne pas reprendre un programme de prolifération nucléaire, ou ce pourrait être l’Iran qui pourrait être visé la prochaine fois, une action dont rêvent certains responsables israéliens. Il peut aussi être à destination de la Corée du nord, autre pays qui tend à jouer avec les limites de la prolifération nucléaire.
Un langage de la force pour les Russes
Le message de Trump est à destination des Russes. Même si Moscou a élevé une vive protestation, et que le ton semble monter entre les deux capitales, il semble s’agir pour l’instant plus d’une montée en puissance des muscles politiques que militaires. Le langage de la force est une notion fort utilisée par les Russes… et parfaitement comprise.
Moscou informé à défaut d’être d’accord totalement
Cette attaque semble, de plus, avoir été menée sinon avec l’assentiment de Moscou, du moins avec sa compréhension. Les autorités russes qui assurent conjointement avec les Syriens la surveillance aérienne de la zone ayant été – semble-t-il – averties de la frappe. De plus, ainsi que me l’a confié une source occidentale, les mouvements de navires américains en Méditerranée ne sont pas passés inaperçus et pouvaient laisser présager une réaction américaine. C’est la rapidité qui a surpris les observateurs, même les mieux avertis.
Le message de Vénus à Mars
Enfin, le message du président Trump est à ses alliés européens : il y a un patron à Washington et un seul patron à l’OTAN : ce sont les États-Unis qui seuls en mesure d’agir dans le monde, de façon militaire. C’est le retour très clair de la dichotomie entre la douce Vénus et le martial Mars, l’un cause et sort le chéquier pour réparer, l’autre agit militairement et discute politiquement. Trump s’inscrit ainsi dans les pas de ses prédécesseurs républicains : Ronald Reagan et George W. Bush. Il permet, au passage, au président américain de fédérer les Républicains autour de lui et de faire taire toute critique à Washington le présentant comme un président velléitaire.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Comme me le racontait il y a quelques années Dimitri Rogozine lorsqu’il était ambassadeur auprès de l’OTAN à l’époque de la Géorgie et du bouclier anti-missiles : « on frappe … et on discute après ».
(B2) Pour légitimer cette attaque, les Américains s’appuient sur la logique internationale comme l’a expliqué Rex Tillerson, le secrétaire d’État américain, dans une allocution prononcée, avec le conseiller à la sécurité nationale McMaster, de Palm Beach en Floride.
Plusieurs attaques … imputables au régime de Bachar
« Nous sommes absolument certains que les attaques menées par avion ont été orchestrées sous la direction du régime de Bachar el-Assad, et nous savons aussi assurément que ces attaques ont impliqué l’utilisation de gaz sarin, un neurotoxique. Au moins en ce qui concerne les trois dernières attaques, nous en sommes certains. »
et non pas une seule…
Outre l’attaque « la semaine dernière sur des civils, [Bachar] avait déjà mené des attaques auparavant : le mois dernier, les 25 et 30 mars, dans la province de Hama.»
En violation d’un accord de désarmement
Des accords précédents qui ont été conclus conformément à la résolution 2118 du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que les accords de l’Annexe A que le gouvernement syrien a lui-même accepté en 2013 indiquent qu’ils renonceraient à leurs armes chimiques sous la supervision du gouvernement russe.
La supervision russe a échoué
Les États-Unis et le gouvernement russe ont conclu des accords selon lesquels la Russie localiserait ces armes, garantirait que ces armes soient en sécurité puis détruites ‑ la Russie devait s’assurer que ces armes ne seraient plus présentes en Syrie. Clairement, la Russie a échoué dans sa responsabilité de respecter cet engagement de 2013 ; donc, soit la Russie a été complice, soit elle a tout simplement été incompétente dans sa capacité à remplir sa part de cet accord.
(Crédit : État-Major des armées)
(B2) Un militaire du 6e régiment de génie d’Angers est mort dans une embuscade, mercredi 5 avril, dans l’Est du Mali, ont confirmé le ministère français de la Défense et l’Elysée. Le caporal-chef Julien Barbé est décédé suite à un « accrochage avec des terroristes lors d’une opération dans le sud-est de ce pays » près de la frontière du Burkina Faso.
Une embuscade avec IED
Vers 16h30, un des véhicules blindés du détachement a subi une attaque par un engin explosif. L’explosion a légèrement blessé deux soldats qui ont été « immédiatement secourus par les équipes médicales » françaises. Le détachement du génie a ensuite été déployé pour prendre les « mesures de sauvegarde » et permettre la reprise de l’opération. C’est pendant ce travail que le détachement a été « pris à partie par des tirs directs, touchant mortellement le caporal-chef Julian Barbé ».
Opération anti-terroriste à la frontière du Burkina Faso
L’incident s’est produit lors d’une opération militaire tripartite de la force française Barkhane avec des unités maliennes et burkinabées dans la zone frontalière située au sud de Hombori, à 200 km au sud-ouest de Gao, précise le ministère de la Défense. Une opération probablement à mettre en lien avec la campagne anti-terroriste des trois pays dans la région. Des hélicoptères français, des blindés et des militaires venus de trois pays – France, Mali et Burkina Faso -, agissent depuis le 26 mars, de concert dans une opération de coopération transfrontalière dénommée « Panga ». L’objectif est de débusquer des terroristes qui s’y cacheraient, notamment dans la forêt de Fhero qui s’étend de part et d’autre de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso. Cette forêt abriterait de nombreux terroristes, selon les sources sécuritaires. « Notre objectif, c’est de la débusquer, ou a minima de les déranger et de les faire sortir » rapporte RFI.
Depuis janvier 2013, 19 soldats français sont morts au Mali.
(LH)
(B2) Un dhow, de nationalité indienne, a été capturé par les pirates samedi (1er avril), vient de confirmer aujourd’hui (3 avril) le QG de la force anti-piraterie de l’UE présente au large de la Somalie. Il a été ramené vers la côte au large de Hobyo, au Puntland (entre Hobyo et El Hur selon les sources maritimes). Le dhow compte 11 membres d’équipage. Un avion de patrouille maritime de l’UE a tenté d’établir des communications radio, mais sans succès. Il a néanmoins pu confirmer la position du navire.
(NGV)
(B2) Il était un peu moins de 11h quand l’ambassadeur britannique auprès de l’Union européenne, Tim Barrow arrive au siège du Conseil européen à Bruxelles. Il doit remettre une missive d’importance au propriétaire des lieux. Mais auparavant, il a une ultime tâche à accomplir, plus ordinaire.
Une sacoche noire et un sourire malicieux
Porteur d’une sacoche noire, qui n’est plus toute neuve, contenant la fameuse lettre de divorce, Tim Barrow esquisse un sourire malicieux face aux caméras qui l’attendent et, après un tout petit quart de seconde d’hésitation, se décide à parcourir d’un pas décidé, sans s’arrêter, le regard droit devant lui, les quelques mètres qui le séparent du bâtiment, pressé. Et, pour cause, il se rend non pas dans le bureau de Donald Tusk, mais tout simplement à la réunion ordinaire du Coreper…
Un timing très minuté
Ce n’est qu’ensuite qu’il montera dans les bureaux de Donald Tusk, le président du Conseil européen, pour accomplir son œuvre de missi dominici. Tout a été minuté à la seconde près. Car il faut que les actes dans les deux capitales, à Bruxelles et à Londres, se passent sinon de manière simultanée. Au moment où Theresa May est à la porte de la Chambre des Communes, l’ambassadeur remet la lettre fatidique de retrait du Royaume-Uni au président du Conseil européen, accompagnée de quelques mots. Les flashs crépitent. Le sourire est présent chez l’ambassadeur britannique, un peu moins sur le visage du représentant européen.
Un jour qui n’est pas heureux
« Il n’y a aucune raison de prétendre que c’est un jour heureux ni à Bruxelles ni à Londres » reconnaît, moins souriant, Donald Tusk, après avoir pris possession de la lettre. « Après tout la plupart des Européens, y compris près de la moitié des électeurs britanniques souhaitent que nous restions ensemble et non que nous faisions chambre à part. »
Un ambassadeur silencieux pour laisser la parole au Premier ministre
Seules des photos officielles ont été tolérées durant cet évènement. Aucune prise de son n’est effectuée. Le Royaume-Uni ne l’a pas souhaité. Et ce n’est effectivement pas à un simple ambassadeur d’exprimer les mots. A ce moment-là, Theresa May pénètre dans la Chambre des communes pour confirmer que la lettre signée la veille (et arrivée par Eurostar) a bien été remise en main propre, et prononcer son discours. A la fin du discours, le président du Conseil européen Donald Tusk descend en salle de presse pour informer la presse en poste à Bruxelles de la formalité.
Dans un esprit d’unité
L’heure est grave. Mais, du côté européen, on s’efforce de trouver le ton adéquat, serein, pour masquer l’inquiétude. Dans ces négociations, l’Union agira « dans un esprit d’unité et préservera ses intérêts. Notre première priorité sera de réduire au maximum les incertitudes que la décision du Royaume-Uni fait peser sur nos citoyens, nos entreprises et nos États membres » indique une déclaration publiée au nom des 27 États membres restants. Une négociation que les 27 veulent aborder « dans un esprit constructif » en espérant que « à l’avenir, le Royaume-Uni sera un partenaire proche ». (lire aussi les propos de Donald Tusk)
S’il faut être méchant, nous serons méchants
Quelques mètres plus loin, au siège du Parlement européen démarre une réunion en formation réduite. La conférence des présidents – qui rassemble les présidents des groupes politiques – adopte une résolution, en anglais, qui donne la ligne du Parlement dans les mois à venir. « Nous avons un objectif : protéger les citoyens européens qui vivent au sein de l’Union, et aussi les citoyens européens qui vivent au Royaume-Uni et préserver les quatre libertés qui sont le ciment de l’Union et sont indivisibles » explique Antonio Tajani, le président du Parlement européen, qui a été aussi commissaire européen (et coauteur du paquet défense, avec Michel Barnier – aujourd’hui négociateur en chef du Brexit pour la Commission).
L’accord du Parlement européen nécessaire
Et Tajani de rappeler que « tout accord avec le Royaume-Uni devra obtenir l’aval de la majorité au Parlement européen ». « Nous souhaitons rester amis avec le Royaume-Uni. Et j’espère que […] l’élégance et la courtoisie » seront au rendez-vous, ajoute celui qui a été aussi un temps ancien ministre de Berlusconi. Mais, « s’il faut être méchant pour défendre les citoyens européens, on sera méchant » avertit-il.
Pas de marchandage
Un propos que le négociateur en chef du Parlement, l’ancien Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, ne peut qu’approuver : « Il n’y aura pas de marchandage. On ne peut pas avoir d’un côté un accord de sécurité contre, de l’autre côté, un accord économique. […] La sécurité ne se marchande pas ». Les dés sont jetés… la bataille peut commencer.
La réversibilité : pas possible sans accord
Quant à la possible réversibilité de l’accord (le fait pour le Royaume-Uni de rester finalement dans l’UE), à partir du moment où le Brexit est déclenché, ce n’est plus la simple décision du Royaume-Uni. C’est « une question qui concerne toute l’Union européenne. Tous les pays de l’Union devront alors décider si c’est possible » explique Tajani.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Version étendue du papier publié dans Sud-Ouest ce matin