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Institut de Relations Internationales et Stratégiques
Updated: 1 month 1 week ago

Argentine : mort de Quino, dessinateur honoré, ambassadeur méconnu

Sat, 10/10/2020 - 10:17

 

Quino, l’inventeur d’une philosophe en herbe, et de papier illustré, Mafalda, est mort il y a quelques jours, à Luján de Cuyo, au nord de l’Argentine. Depuis cinquante-six ans, Mafalda, petite fille, hors d’âge, déroulait son irrévérence de bon sens, de bulle en bulle, de BD en BD, dans un pays qui en avait et en a toujours bien besoin. Besoin généreusement partagé. Mafalda a été traduite en vingt-sept langues et publiée d’Argentine en Allemagne, aux États-Unis, en Italie, en France, et bien ailleurs.

Les mérites du dessinateur et créateur sont universellement reconnus par les lecteurs et les professionnels. Mafalda et Quino, ont en France été honorés par le Festival de la bande dessinée d’Angoulême en 2014. Mafalda est l’un des personnages du panthéon bédéiste global, au côté d’Astérix, Tintin, Superman, Spirit, les Schtroumpfs… Et avec ces personnages virtuels, leurs inventeurs, Hergé, Goscinny, Will Eisner, Siegel et Schuster, et bien d’autres sont « frères d’encre » de Quino.

Quino aura, peut-être à son insu, en tous les cas sans le vouloir, porté outre mers et terres, une image différente de l’Argentine. Différente du quotidien médiatique argentin, mêlant tragiquement coups d’État, terrorisme, disparus, crises financières, politiciens exotiques…

Le 1er octobre au matin, le décès de Joaquin Salvador Lavado Tejón, alias « Quino », a fait la Une des principaux journaux de la planète, die Zeit, La Repubblica, Le Devoir, Aljazzera, TaiwanNews, Le Figaro, L’Humanité, El Pais, le Washington Post, Fox News. Et pour une fois, un événement concernant l’Argentine en a donné une image positive.

Un jour de deuil a été décrété par le président argentin, Alberto Fernandez. Le décret, n°784/2020, signale le travail de Quino, « dans la diffusion internationale de l’humour graphique argentin (…) avec un langage en capacité d’interpeller tout citoyen et citoyenne du monde, au-delà des frontières, contribuant au respect de la diversité ». Julio Cortazar, Umberto Ecco, Gabriel Garcia Marquez ont en leur temps rendu hommage à cette universalité. « Ce que je pense de Mafalda n’est pas important », a pu écrire Julio Cortazar. « L’important est ce que Mafalda pense de moi[1] ».

Quino, en effet, aura été la pointe d’une Argentine créative, influente. Une Argentine foyer parmi d’autres, mais incontestable, de la bande dessinée mondiale. L’Italien Hugo Pratt a fait ses armes à Buenos Aires. Comme Goscinny qui après dix ans là-bas a rhabillé en gaulois deux héros de la BD argentine des années 1950, le gros Patoruzu et le petit Patoruzito.

Sans le vouloir donc, et qui sait sans le savoir, Quino, crayon en main, a fait plus pour le rayonnement de son pays, que bien des responsables, politiques et militaires, assumant dans leurs panoplies régaliennes un destin malheureux.

—————-

[1] Cité par le dessinateur espagnol Peridis dans El Pais, 1er octobre 2020

Françafrique : Mythe ou réalité ?

Fri, 09/10/2020 - 17:25

En marge des Géopolitiques de Nantes qui se sont tenus fin septembre, Caroline Roussy, chercheuse à l’IRIS en charge du Programme Afrique/s, a interrogé Serge Michailof, fin connaisseur de la scène africaine, ancien directeur des opérations de l’Agence française de développement (AFD) et chercheur associé à l’IRIS, qui avait participé à la table ronde consacrée au thème « Françafrique ou Afrique-France ? ». Entretien exceptionnel sur le système Françafrique et sur ce qu’il en reste aujourd’hui.

Vous avez arpenté entre autres continents l’Afrique pendant près de cinquante ans, côtoyant au plus près, de par vos diverses fonctions, le système Françafrique. Quelle est la part de mythe et de réalité de ce système ? Durant votre parcours avez-vous noté des inflexions dans les rapports entre la France et l’Afrique et si oui dans quel contexte plus général s’inscrivent-elles ? 

Il y a une part de mythe dans le concept de Françafrique dans la mesure où l’on imagine des hommes de l’ombre à Paris renverser les gouvernements africains et faire la pluie et le beau temps dans ce continent ou du moins dans sa partie francophone. Mais cette vision mythique s’appuie sur ce qui a été une réalité et sur ce plan sans doute faut-il rappeler l’historique et remonter aux années 1960, époque de la décolonisation.

Depuis les indépendances jusque vers les années 1990, la France a eu une politique extrêmement cohérente vis-à-vis de ses anciennes colonies :

Cette politique s’appuyait sur un ensemble d’institutions et de mécanismes bien conçus :

– Les accords monétaires de la zone franc
– Une politique de coopération efficace avec le FAC et la CCCE
– Des accords de défense avec des clauses secrètes
– Une forte implantation économique et commerciale.

Cette politique fut personnifiée par Foccart. Elle a permis une décolonisation sans grands drames si l’on met à part le Cameroun, et le maintien dans le camp occidental d’une Afrique francophone parfois tentée par le non-alignement ou par un rapprochement avec le camp soviétique.

Pendant toute cette période s’est établie une grande connivence entre dirigeants politiques français et africains. Cette connivence s’est traduite par une diplomatie parallèle court-circuitant le Quai d’Orsay et un étroit dialogue entre le « Monsieur Afrique » de l’Élysée, un homme de confiance du tout premier cercle du président français, et les chefs d’État africains.

Installé dans les discrets bureaux du 2 rue de l’Élysée, le Monsieur Afrique définissait la politique africaine de la France et en même temps rendait d’innombrables services aux chefs d’État africains allant de l’accueil de « madame » à Orly lorsque l’ambassade locale était dans l’incapacité de le faire, une prise en charge médicale d’urgence, la surveillance d’un opposant, ou un concours budgétaire en cas de difficulté imprévue pour payer les fonctionnaires.

Et il est vrai que le pouvoir de Foccart était considérable. C’est ainsi lui qui a permis au tout jeune Omar Bongo de prendre le pouvoir. C’est lui qui pour répondre aux pressions des pétroliers a financé et armé la révolte Ibo lors de la guerre du Biafra. Et c’est son successeur qui, sous Giscard, a envoyé les parachutistes français débarquer l’empereur Bokassa 1er… Il est ici frappant de voir à quel point la disparition de De Gaulle n’a nullement modifié le système qui a perduré de manière quasi inchangée sous Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac.

Quelle est aujourd’hui la réalité de tout cela ? Peut-on encore parler de Françafrique ?

La grande période de la Françafrique que je viens d’évoquer a permis à de nombreuses sociétés françaises d’occuper des positions quasi monopolistiques, en particulier dans le domaine commercial et celui des infrastructures. C’est l’époque où la Peugeot est la reine des voitures en Afrique francophone, où Elf conduit ses campagnes d’exploration et met en service les champs offshores du golfe de Guinée, ce qui permet avec l’uranium nigérien, de sécuriser nos approvisionnements énergétiques.

Cette période est aussi celle des dérapages que nous rappelle le film récemment passé sur Arte, « l’Ivresse du Pouvoir », qui met en scène l’ancien PDG de Elf, mis en prison par la juge Eva Joly pour corruption.

En matière de corruption justement, dans quelle mesure la Françafrique a-t-elle favorisé ce système ?

Tant la négociation de grands contrats d’équipement que les grands contrats d’exportations de matières premières (pétrole, cacao, etc.) portaient sur des montants qui se chiffraient en dizaines, voire centaines, de millions de dollars. Ils impliquaient systématiquement les responsables politiques locaux. Dans des pays où les contre-pouvoirs n’existaient pas, la corruption était alors systématique. Elle existe en Afrique, mais elle existe dans tous les pays sans mécanismes de contrôle et sans contre-pouvoirs.

Cette corruption s’est donc généralisée en Afrique francophone et le paiement de commissions a conduit à un enrichissement considérable des élites politiques africaines au pouvoir. Ces mécanismes ont nourri les systèmes de pouvoir prédateur de la plupart des États africains décrits par Jean-François Bayart. Ces élites ont vite compris que c’est l’accès aux postes de responsabilité politique qui permettait l’enrichissement et non l’investissement privé.

Dans un contexte où la zone franc assurait une totale convertibilité et la liberté des transferts, les commissions ont aussi facilité les rétrocommissions qui ont commencé à irriguer les partis politiques français, avec les fameux « porteurs de valises » disposant de facilités pour éviter les contrôles aux aéroports. Ces valises n’avaient rien du mythe, je peux en attester. Un de mes amis banquiers au Gabon m’a expliqué comment, en période électorale française, il remplissait lui-même les valises… Les virements des banques locales vers la Suisse et les grands paradis fiscaux étaient aussi courants.

Pourquoi, l’expression Afrique-France tend-elle aujourd’hui à se substituer au concept de Françafrique ?

Il y a un proverbe africain qui dit que la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. Les responsables africains qui étaient les principaux contributeurs financiers des partis politiques français – je pense là essentiellement aux Présidents Bongo et Houphouët Boigny -, sont rapidement devenus des acteurs importants dans la politique française. Ceci au point d’être couramment consultés par des présidents français pour le choix de certains ministres, et capables de provoquer la chute de ministres de la Coopération qui leur déplaisait, comme ce fut le cas avec Jean-Pierre Cot et Edwige Avice.

Il y a donc eu une inversion des pouvoirs. Les vrais patrons sont devenus les chefs d’État africains qui finançaient les partis français (à ma connaissance en arrosant tout le monde, du PC au FN). D’où le pouvoir de Bongo et de Houphouët qui, manipulant ainsi les responsables politiques français, définissaient en bonne partie la politique française en Afrique.

Lorsque je dirigeais les opérations de l’AFD, je devais professionnellement rencontrer le président Bongo lors de ses passages à Paris comme je le faisais pour nombre de chefs d’État africains. J’ai toujours été sidéré de rencontrer dans la salle d’attente du Crillon attenante à sa suite, nombre de personnalités politiques françaises de premier plan de droite et de gauche que je n’avais vu qu’à la télévision, qui n’avaient à ma connaissance aucune activité au Gabon, mais qui venaient « saluer le président ». Plus d’une fois, Bongo me fit appeler et passer devant tout ce monde provoquant la stupeur de ces personnalités (chuchotant entre eux « mais qui c’est ce type qui passe le premier ? »), petite vacherie du président tout heureux de rappeler qui était le « patron »…

Où en sommes-nous ? Ce système bien huilé est-il encore d’actualité ?

Ce système a commencé à se fissurer à la fin des années 1980 avec la fin de la Guerre froide, la persistance anormale de la crise économique dans la zone franc, les dérives de certains chefs d’État, l’importance prise par une coopération multilatérale et un FMI qui a commencé à fouiller dans les comptes publics, les pressions exercées par la France pour la démocratisation depuis le discours de La Baule, irritant beaucoup en Afrique du moins dans les sphères du pouvoir.

Pendant cette période des années 1980 et 1990, période de vaches maigres en Afrique et ceci tout particulièrement en zone franc qui, refusant l’ajustement monétaire, s’enfonça dans la crise. Les investisseurs français ont fortement diversifié leurs implantations et se sont tournés vers les pays anglophones (Nigéria, Afrique du Sud et Kenya) et lusophones en particulier l’Angola.

De leur côté, les gouvernements des pays francophones ont aussi fortement diversifié leurs partenaires commerciaux, financiers et diplomatiques. C’est l’époque où la 4×4 Toyota se substitue à la Peugeot. La Banque mondiale impose ses approches (cf. la guerre du coton entre coopération française et la Banque).

Et puis une série d’évènements ont sérieusement affecté la relation entre la France et l’Afrique francophone : je listerais la mort du président Houphouët Boigny en 1993, la dévaluation du franc CFA en 1994, mal comprise et vécue comme une trahison par les élites politiques africaines.

Puis la gestion désordonnée et chaotique par la France de la crise politique ivoirienne de 1997 à 2011. La France n’a pas réagi à l’effondrement en 1997 de la démocratie ivoirienne gangrénée par la corruption, face à une mutinerie de bas étage. Les gouvernements africains en ont conclu à juste titre que les clauses secrètes des accords de défense les protégeant de troubles intérieurs étaient désormais inopérantes.

Nous avons enfin, en 2004, l’évacuation de nos ressortissants d’Abidjan en proie à un véritable pogrom organisé par les durs du pouvoir ivoirien. On peut dire que cette année-là, le système mis en place par Foccart est largement à terre, et la mort en 2009 du président Bongo lui porte le coup de grâce. D’autant que la grande période des comptes suisses et des paradis fiscaux est terminée.

Est-ce pour autant le signe d’un désengagement de la France en Afrique ?

Certainement pas. Les présidents Sarkozy, Hollande et Macron ont tous proclamé lors de leur investiture qu’ils allaient inaugurer une nouvelle politique africaine totalement dégagée des reliques de la Françafrique. Mais il faut bien noter de curieux alignements politiques. Ainsi, le parti socialiste soutenait le président Gbagbo de Côte d’Ivoire, alors que l’UMP soutenait son ennemi Ouattara. Au fait, qui soutenait qui ? En l’occurrence, Sarkozy a fait intervenir les hélicoptères de combat français pour mettre fin au refus de Gbagbo d’accepter sa défaite électorale en 2011.

Et puis la France est intervenue militairement au Mali en 2013 à la demande du gouvernement malien pour éviter un effondrement du pays et sa prise de contrôle par des groupes armés djihadistes. La rumeur veut que ce soit François Hollande qui ait poussé IBK à se présenter à l’élection présidentielle au Mali en 2013 avec le soutien de la France.

Mauvaise pioche à l’évidence. Un chef d’État incapable et corrompu que nous avons soutenu et financé pendant 7 ans et qui vient de se faire dégager par ses militaires dans un coup d’État qu’aucun des responsables français n’avait vu venir. Nos « services » ont-ils perdu la main ? Ou ont-ils évité de passer l’information à nos politiques ?

Nous avons aujourd’hui plus de 5000 hommes ensablés au Sahel dans une opération Barkhane qui ne peut empêcher l’extension de l’insécurité dans toute cette zone. Où va la relation privilégiée franco-africaine alors que des foules au Mali, chauffées par des gens qui nous veulent du bien, s’en vont brûler le drapeau français devant notre ambassade en appelant les Russes à la rescousse ?

Un prix Nobel de la paix anti-Trump ?

Fri, 09/10/2020 - 16:57

Le prix Nobel de la paix vient d’être décerné au programme alimentaire mondial des Nations Unies, un signal fort en soutien aux organisations multilatéralistes, pourtant vivement critiquées par l’administration Trump. Un prix Nobel qui se révèle être, une fois encore, éminemment politique. Pascal Boniface est le directeur de l’IRIS, retrouvez ses articles et toutes ses actualités sur son blog, sa page Mediapart et sur le site de l’IRIS.

En attendant Hitchens

Fri, 09/10/2020 - 15:35

« C’est dingue ! C’est tout simplement irresponsable ! », a hurlé, fou de rage, Harald Schmidt, professeur adjoint d’éthique médicale et de politique de la santé à l’Université de Pennsylvanie, devant des médias qui l’interrogeaient lundi 5 octobre au soir après les dernières déclarations de Donald Trump.

Les experts en santé publique avaient espéré que le Donald, enfin conscient de la gravité de la pandémie de Covid-19 suite à sa propre infection et à celle de plusieurs de ses proches, allait finalement expliquer à ses aficionados que le port de masques et la distanciation sociale étaient essentiels pour se protéger eux-mêmes et leur famille.

Mais au lieu de cela, tweetant lundi après-midi depuis l’hôpital militaire où il recevait un traitement de pointe, le président américain a une fois de plus minimisé la menace mortelle du virus. « N’ayez pas peur du Covid », a-t-il écrit. « Ne le laissez pas dominer votre vie. »

Lorsqu’il est arrivé à la Maison-Blanche quelques heures plus tard, Trump a ostensiblement enlevé son masque avant de rejoindre plusieurs personnes présentes dans son bureau. Et cela bien qu’il se sache encore contagieux…

Le Dr William Schaffner, spécialiste des maladies infectieuses à la Vanderbilt University Medical School, a qualifié le message du président de « criminel » car il encourage ses adeptes à ignorer les recommandations de base pour se protéger. « Cela va conduire à un comportement encore plus décontracté, ce qui va entraîner une plus grande transmission du virus, et donc plus de décès. »

Et c’est sans parler ici, de la sortie – surprise – en voiture du Donald, dimanche après-midi, afin de saluer pendant quelques minutes ses fans agglutinés devant les portes de l’hôpital.

Sortie qui a obligé un chauffeur et des membres des services secrets à se retrouver, peut-être au péril de leur vie, enfermés dans un véhicule avec un malade du Covid-19 ! Et cela sans aucune raison. Juste pour satisfaire le caprice d’un Ubu roi lancé dans une course en avant qui conduit une Amérique en pleine crise sanitaire, financière, sociale et politique au bord de l’abîme !

210 240 MORTS AUX ÉTATS-UNIS À L’HEURE OÙ J’ÉCRIS CES LIGNES. PLUS QUE LE NOMBRE COMBINÉ DES VICTIMES AMÉRICAINES DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE ET DE LA GUERRE DU VIÊT-NAM …

Un nombre qui selon les experts aurait pu facilement être réduit de plus de moitié si Trump avait agi depuis le printemps en chef d’État lucide et responsable et non en candidat à la présidentiel obsédé par sa réélection au point d’en perdre tout sens moral.

Comment donc s’étonner de l’entendre déclarer aujourd’hui que le virus n’est rien de moins qu’un petit rhume dont il ne faut guère se préoccuper. Il y a une logique dans cet esprit que certains commentateurs disent « pour le moins troublé ». Il sait que l’élection du 3 novembre va se jouer en fonction du nombre de personnes qui se déplaceront aux urnes. Il sait qu’avec ce début de seconde vague qui voit New York et plusieurs villes du pays se reconfiner, de très nombreux démocrates décideront au dernier moment de rester chez eux. Majoritairement impopulaire dans le pays, il sait que sa seule chance est que ceux qu’Hillary Clinton appelait « les déplorables » aillent voter en masse !

Alors, surtout ne pas mettre dans la tête de ces derniers qu’ils risquent quelque chose ! Qu’ils se rendent aux bureaux de vote, peu importe ce qui leur arrivera ensuite ! Être réélu est tout ce qui importe, oui, et à n’importe quel prix !

Le pire, c’est que ça peut marcher.

Interrogé mardi soir devant la Maison-Blanche ou il brandissait une pancarte Keep America Great -sic-, Dany, un red neck, très fier de ne pas porter de masque même dans les magasins, a déclaré : « Pourquoi j’aurais peur de cette maladie ? Si j’l’attrape, j’ai 99% de chance de ne pas en mourir ! Regardez notre président ! »

Sure, Dany. Et je suis d’ailleurs certain que si vous tombez malade, vous aurez droit aux mêmes soins et à la même équipe médicale que votre cher président.

Naguère, le très regretté Christopher Hitchens avait publié un ouvrage intitulé Les crimes de Monsieur Kissinger. Indiscutablement, un tel livre reste à écrire sur Trump.

 

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Essayiste et chercheur associé à l’IRIS, Romuald Sciora vit aux États-Unis. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Nations unies, il a récemment publié avec Anne-Cécile Robert du Monde diplomatique « Qui veut la mort de l’ONU ? » (Eyrolles, nov. 2018). Son ouvrage, « Pauvre John ! L’Amérique du Covid-19 vue par un insider » vient de paraître en Ebook chez Max Milo.

J’ai lu… Voulons-nous (sérieusement) changer le monde ? de Bertrand Badré

Fri, 09/10/2020 - 12:09

Le point de vue de Pascal Boniface sur l’ouvrage du financier Bertrand Badré, dans lequel il expose, grâce aux leçons qu’il tire de la crise de 2008 et de la crise actuelle, ses solutions pour faire évoluer le monde de la finance et bâtir une économie fondée sur le développement durable et la prise en compte de l’humain, grâce à une vision de long terme.

Le genre s’est-il imposé dans l’agenda politique international ?

Fri, 02/10/2020 - 15:52

Rokhaya Diallo est journaliste, auteure et réalisatrice travaillant en faveur de l’égalité raciale, de genre et religieuse. Elle répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes, organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 25 et 26 septembre 2020 :

– Pourquoi le genre est-il une perspective éclairante pour aborder les questions de géopolitique ?

– Que serait un féminisme universel ?

– Quel regard portez-vous sur le mouvement #MeToo et ses effets sur le droit des femmes ?

Iran : la république islamique en péril ?

Thu, 01/10/2020 - 12:43

Azadeh Kian est professeure de sociologie et directrice du département du CEDREF de l’Université de Paris Diderot. Elle répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes, organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 25 et 26 septembre 2020 :

– Quels sont les effets politiques et économiques des sanctions américaines suite au retrait des États-Unis du P5+1 ?

– Nous avons assisté l’année dernière à une escalade rapide et violente des tensions entre les États-Unis et l’Iran. Peut-on craindre un affrontement militaire direct ?

– Quelle est, face au Covid-19, la situation sanitaire dans le pays ?

Afrique-France ou Françafrique ?

Wed, 30/09/2020 - 18:39

Francis Laloupo est enseignant en relations internationales à l’Institut pratique de journalisme de l’Université Paris-Dauphine et essayiste. Il répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Géopolitiques de Nantes, organisés par l’IRIS et le lieu unique avec le soutien de Nantes métropole, les 25 et 26 septembre 2020 :
– Qu’est-ce que le concept Françafrique ? À quels types de pratiques renvoit-il ?
– Comment cela se matérialise-t-il plus concrètement aujourd’hui ?
– Comment réinventer le narratif France-Afrique ? Est-ce possible ?

L’Amérique latine et soixante-quinze ans de Nations Unies en nuit américaine

Wed, 30/09/2020 - 15:58

Les Amériques latines, leurs gouvernants, ont participé le 22 septembre dernier au rendez-vous annuel des Nations unies. Rendez-vous cette année bien particulier. L’Onu fêtait son 75e anniversaire. Sans éclat. Le coronavirus a forcé la main des chefs d’État contraints à une présence virtuelle. Risque de contagion, agendas nationaux perturbés par la maladie et ses séquelles économiques et sociales, obligent. Sans oublier le fond de l’air, local et international, bien perturbé.

Tout en effet contraignait les uns et les autres, à rester chez eux. Tous sont en effet enlisés par l’équation bien difficile posée par la Covid-19. La nécessité d’arbitrer entre la protection immédiate de la santé de leurs concitoyens, et celle de protéger leur survie alimentaire. La voie moyenne et zigzagante, suivie par la plupart n’a pas jusqu’ici fait preuve de sa pertinence. L’épidémie résiste. Le Brésil, et ses 130 000 morts au 20 septembre, le Mexique avec plus de 75 000 victimes à la même date, sont deux des pays les plus affectés dans le monde. Chili, Colombie, Équateur, Pérou ont perdu pied. L’Argentine qui, quasiment seule, avait résolument choisi de préserver la vie, est pourtant elle aussi aujourd’hui sérieusement touchée.

La pandémie a en parallèle violemment secoué les économies et les sociétés. BID, FMI, OCDE, parmi d’autres institutions de prévision, ont ces dernières semaines annoncé des PIB latino-américains en capilotade. 2019 devrait être une année en négatif. Un minimum moyen de moins 10 %. L’OIT (Organisation internationale du travail) vient d’en tirer les retombées sociales. La région après avoir perdu, 9 millions d’emplois au premier trimestre 2020, 80 au deuxième trimestre, devrait encore en ajouter 60 au troisième. Avec comme conséquence, analysée par la CEPAL (Commission Économique des Nations-unies pour l’Amérique latine et la Caraïbe) un fort accroissement des personnes en situation de pauvreté, qui passeraient passer de 185,5 millions en 2019 à 230,9, soit 37,3 % de la population.

Tout cela sur un fond d’air politique cyclonique. La région, déjà en situation économique difficile, est agitée de mouvements politiques et sociaux rugueux. Les contradictions catégorielles opposant riches, et moins riches, aux pauvres et aux plus démunis, ont été à l’origine d’alternances brutales, de quasi-coups d’états, d’Argentine au Mexique en passant par la Bolivie, le Brésil et le Pérou. Des mouvements populaires puissants ont agité et agitent toujours, Chili, Colombie, Équateur. La violence politique, la violence policière, la violence délinquante accompagnent cette conjoncture politique et épidémiologique. C’est dans ce contexte que les Chiliens sont appelés à décider de leur avenir par référendum, le 25 octobre, les Boliviens et les Vénézuéliens à élire un président et un parlement les 18 octobre et 6 décembre. Suivis par les Équatoriens le 7 février 2021.

Comme si cela ne suffisait pas l’approche des présidentielles aux États-Unis a accentué les pressions de Donald Trump sur la région. Pressions visant à écarter le concurrent chinois, à réduire les importations latino-américaines, à tarir les flux migratoires, à couper les routes d’acheminement de stupéfiants, à donner satisfaction aux électeurs nord-américains d’origine cubaine. En quelques mois Donald Trump a bousculé le voisin mexicain, contraint de déployer des troupes sur la frontière nord et d’accepter une révision de l’ALENA (Accord de libre échange nord américain), tiré les oreilles de « l’ami » colombien, prié d’oublier l’accord de paix avec les FARC pour se concentrer sur la lutte contre le narcotrafic, étouffé financièrement le Venezuela, considéré comme une sorte de porte-avion chinois en Amérique du sud, réactivé le blocus de Cuba. Et afin que chacun fasse ses devoirs, les institutions multilatérales régionales sont tombées en domino tout au long de 2020 dans l’escarcelle de Washington : OEA (Organisation des Etats Américains), BID (Banque Interaméricaine de développement, CIDH (Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme)

Dans le message qu’il a adressé à l’ONU, le 22 septembre, consacré à la Chine pour l’essentiel, Donald Trump a malgré tout salué ses bons élèves latino-américains, le Mexique, le Guatemala, le Honduras et le Salvador, « pour leur partenariat historique dans la lutte contre les trafics humains » et tancé les résistants, Cuba, Nicaragua et Venezuela. Ballotés par les évènements les discours vidéo des gouvernants latino-américains ont reflété l’instabilité et la fébrilité du moment. Certains ont cherché à en appeler à des alliés hors zone. L’Argentin Alberto Fernández, a invoqué le Pape François, son homologue équatorien, Lenin Moreno, a remercié la Banque mondiale, le FMI et l’OMS. D’autres ont évoqué les valeurs qui inspirent leur politique. Le brésilien Jair Bolsonaro a indiqué que « le Brésil était un pays chrétien et conservateur, ayant pour fondement la famille ». Le Mexicain, AMLO, Andres Manuel López Obrador, a placé son intervention sous les auspices de grandes figures historiques, Miguel Hidalgo, Benito Juarez, Benito Mussolini, Flores Magon, Francisco Madero, Emiliano Zapata. Tous ont saisi cette tribune exceptionnelle pour défendre leur bilan. Le chilien Sebastian Piñera s’est assez longuement exprimé sur la crise démocratique traversée par son pays. Le brésilien Jair Bolsonaro, s’est efforcé de répondre aux critiques internationales sur sa gestion de la nature et des forêts, en attaquant son voisin vénézuélien. AMLO a centré son propos sur son projet de Quatrième transformation du Mexique. Nicolas Maduro a vanté les résultats de vingt ans de politique bolivarienne. La plupart ont parlé agenda 2030 et développement durable. Ivan Duque, le Colombien, a centré son intervention sur la biodiversité. Alberto Fernandez, l’Argentin, Lenin Moreno, l’Équatorien, ont parlé de la Covid-19 et des mesures sanitaires et sociales adoptées par leurs pays.

A l’exception de Jair Bolsonaro qui a fait l’éloge de la diplomatie des États-Unis, les uns et les autres ont signalé leur attachement au multilatéralisme, une inquiétude partagée sur le détricotage des amortisseurs construits par la société internationale depuis la création des Nations unies.

La pistache, outil de puissance américain face à l’Iran

Wed, 30/09/2020 - 15:53

Incontournable dans les apéritifs ou les instants de snacking, la pistache mérite bien plus qu’une poignée de main addictive et un grignotage indifférent. On la croit banale, on vante parfois ses vertus nutritionnelles, elle est surtout le miroir grossissant d’une géopolitique de l’agriculture sur nos tables.

Plantons le décor. Si la consommation de pistache s’est globalisée, la production, en revanche, reste hyper-polarisée. Deux pays dominent : les Etats-Unis et l’Iran. Ils réalisent 70 % de la production mondiale qui s’élève entre 650 000 et 800 000 tonnes (soit le double par rapport à la fin des années 2000, sachant que 100 000 tonnes seulement étaient récoltées au début des années 1990). De ce duo productif (45 % pour les États-Unis, 25 % pour l’Iran) dépend donc le marché mondial, sachant que la Turquie et la Syrie suivent très loin derrière.

Les échanges mondiaux de pistaches (300 000 à 400 000 tonnes par an en moyenne depuis dix ans) représentent un business de 2,5 à 3 milliards de dollars. Quand nous trinquons à l’apéro et que les pistaches accompagnent ces moments de détente, nous contribuons donc à la santé des économies agricoles américaine et iranienne. Un couple pistachier qui n’en est pas un sur le terrain…

Les États-Unis peuvent-ils vraiment rétablir les sanctions de l’ONU à l’encontre de l’Iran ?

Wed, 23/09/2020 - 11:05

 

Ce week-end, les États-Unis ont unilatéralement annoncé que les sanctions des Nations unies à l’encontre de l’Iran étaient à nouveau en vigueur. Les Européens assuraient pourtant vendredi que les sanctions n’étaient pas réactivées, les Russes expliquaient qu’une telle démarche était « illégitime » et les Iraniens qualifiaient les déclarations américaines de « mensongères » et « irresponsables ». Que doit-on en comprendre ?

L’Iran est sous le coup de sanctions unilatérales américaines depuis 1979 suite à la révolution iranienne et surtout à l’attaque de l’Ambassade des États-Unis à Téhéran. Ce n’est qu’à partir de 2006 alors que le gouvernement iranien annonce la reprise de son programme d’enrichissement d’uranium que la communauté internationale impose à son tour des sanctions. Elles sont toutefois, à ce moment-là, multilatérales puisqu’onusiennes. Dans la foulée de la signature de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien en 2015, les Nations unies et les pays qui en sont membres avaient progressivement levé une partie de ces dernières. Barack Obama en avait fait de même en levant les sanctions qui relevaient de son autorité, mais il n’était toutefois pas parvenu à convaincre un Congrès très dubitatif vis-à-vis des engagements iraniens dans le cadre de l’accord de Vienne.

Depuis la dénonciation de cet accord par les États-Unis et leur retrait en mai 2018, Donald Trump restaure unilatéralement ces sanctions. L’annonce de ce week-end n’est qu’une poursuite de la stratégie américaine à l’encontre de l’Iran et au Moyen-Orient. En laissant entendre que toutes les conditions sont à présent réunies pour que les sanctions onusiennes à l’encontre de l’Iran soient réactivées, l’administration Trump cherche à faire croire à ses électeurs qu’elle est dans son bon droit et que les nouvelles sanctions sont légitimes cherchant ainsi probablement à parer aux attaques démocrates. Joe Biden rappelons-le a promis de revenir dans l’accord de Vienne s’il venait à être élu.

En résumé, les États-Unis tentent de faire croire en leur bon droit, mais peuvent-ils vraiment imposer de nouvelles sanctions ? La réponse est oui, les États-Unis font partie de ces pays qui disposent d’un mécanisme leur permettant de sanctionner unilatéralement un pays ou des individus hostiles. Et, bien que la légitimité internationale de tels mécanismes soit très discutable, ils ne se sont jamais privés de le faire. Les États emploient les sanctions comme un instrument clé de leur politique étrangère depuis le début du XXe siècle, leur usage s’amplifiant surtout sous des administrations démocrates, notamment dans les années 1990. L’administration Clinton participe à leur ciblage progressif en excluant, en 1999, l’alimentation et les médicaments de tous les régimes de sanctions. Cette évolution est confirmée par le Congrès avec le Trade Sanctions Reform and Export Enhancement Act, adopté en 2000. À la fin du mandat Clinton, vingt-six régimes de sanctions sont en cours d’application. Cet instrument devient, après 2003 et les déconvenues et coûts exorbitants des opérations en Afghanistan et en Irak, un moyen d’éviter de nouvelles opérations militaires.

Il existe deux types de sanctions dans ce pays : les sanctions primaires votées par le Congrès qui ne concernent que des « personnes américaines » et relèvent exclusivement du processus législatif, et les sanctions secondaires qui, dans une situation d’urgence, peuvent être instaurées par le président des États-Unis et ont une dimension extraterritoriale. Relativement rare par le passé, l’instauration de sanctions secondaires tend à s’intensifier depuis une dizaine d’années. Elles conduisent l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), l’organisme américain qui gère les sanctions à engager des poursuites contre des entités étrangères accusées de violer directement ou indirectement ces sanctions. Grâce à leur dimension extraterritoriale, ces sanctions secondaires s’imposent y compris à des entités étrangères à partir du moment où elles ont un lien avec des intérêts américains.

Les contrevenants peuvent écoper d’une amende allant de 250 000 dollars à plusieurs millions de dollars, d’une révocation de leurs licences d’exportation accordées par l’OFAC, et d’une peine de prison pouvant atteindre vingt ans. En outre, l’engagement de poursuites pour violation des sanctions entraîne généralement, une série de poursuites complémentaires par d’autres agences publiques américaines et donc la multiplication des condamnations et des peines prononcées. C’est ce qui est arrivé à la banque BNP Paribas il y a quelques années, et on peut comprendre que la menace américaine de sanctions puisse être très dissuasive pour toute entreprise travaillant aux États-Unis, avec des entreprises américaines ou encore manipulant des dollars dans le cadre de leur activité internationale.

Si la communauté internationale peut donc condamner ces nouvelles sanctions américaines, elle reste bien démunie dans les faits pour les contrer. Dans les années 1990, les Européens, les Canadiens et les Mexicains s’étaient alliés pour s’opposer aux sanctions américaines à l’encontre de l’Iran (loi d’Amato-Kennedy) et de Cuba (loi Helms-Burton). C’est à cette époque qu’a été rédigé le règlement européen de blocage de 1996 permettant de contrer l’extraterritorialité américaine. Le Canada et le Mexique en avaient fait de même et les États-Unis n’avaient, de ce fait, jamais exploité la dimension extraterritoriale de leurs sanctions. La même démarche aurait-elle la même efficacité aujourd’hui face à une administration jusqu’au-boutiste et dogmatique, prête à tout non seulement pour gagner les élections, mais aussi pour anéantir définitivement le régime iranien avant de céder la place le cas échéant ? Rien n’est moins sûr, mais ce n’est pour autant pas une raison pour ne rien faire.

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Pour aller plus loin, lire ou relire l’étude de l’IRIS « Performance des sanctions internationales » publiée en 2017.

[Campagne US #12] Décès de Ruth Bader Ginsburg : quels enjeux pour la campagne ?

Tue, 22/09/2020 - 17:45

Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l’IRIS et spécialiste des États-Unis, vous donne régulièrement rendez-vous pour suivre ses analyses de la campagne présidentielle américaine. Elle répond aujourd’hui aux questions suivantes :

– Quelles conséquences la mort de Ruth Bader Ginsburg peut-elle avoir sur la campagne présidentielle ?

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