(B2) La Slovaquie n’a pas de marine… mais elle a des soldats. Selon ce bon vieux principe (1), une dizaine de policiers militaires slovaques sont en train d’être formés et entraînés par leurs homologues allemands du Seebataillon pour incorporer l’opération EUNAVFOR MED Sophia.
La formation entamée le 30 janvier doit se terminer à la fin du mois de mars, avec à la clé, entraînement tactique, transport par bateau moteur ou hélicoptère, embarquement sur des petits ou des grands navires, vérification des marchandises et des documents, jusqu’au tir sur cible, en mer.
Les militaires slovaques seront, ensuite, embarqués sur un navire allemand, dans le cadre de l’opération européenne en Méditerranée. Ils pourraient ainsi participer au contrôle de l’embargo sur les armes ou la lutte contre les trafiquants.
(NGV)
(1) Un principe un peu oublié, semble-t-il, par un responsable slovaque qui avait répondu, au début de la présidence slovaque de l’UE (à l’été 2016) pour justifier le non-engagement de son pays dans l’opération Sophia : « Comme vous savez, la Slovaquie n’a pas de mer… ». Ironie plaisante… démentie par les faits.
Beata Szydlo au sommet européen du 9 mars : ce n’est pas la fête (Crédit : Conseil de l’UE)
(B2) Si quelqu’un ne connaissait pas encore la Première ministre polonaise, ce n’est pas plus le cas maintenant. Beata Szydło s’est fait un surnom dans l’enceinte du sommet européen : l’emmerdeuse !
De mémoire de diplomate, on n’avait pas encore vu un État être d’accord sur tout mais finalement dire… « Non », juste pour dire « Non ». D’ordinaire, il y a des raisons rationnelles, tenant au contenu du texte. Là, on cherche…
Qu’est-ce que le consensus ? Comment y arrive-t-on ?
Selon les termes même du Traité, les conclusions d’un Conseil européen sont établies au consensus. C’est une décision politique, et non juridique. Il n’y a pas de vote en soi, juste l’expression d’un accord. Le consensus, ce n’est pas tout à fait l’unanimité, c’est le fait d’être, à peu près, d’accord sur tout, et de ne pas avoir de problème global sur l’ensemble. Pour atteindre ce consensus, on adopte un système de vagues successives. Il y a d’abord des réunions intermédiaires – au niveau des ambassadeurs – puis les ministres des Affaires européennes y jettent un œil, tout cela étant revu par les sherpas des présidents ou des Premiers ministres. Au fur et à mesure, ce texte s’affine, des éléments disparaissent, d’autres apparaissent ou sont réécrits. Un peu comme les marées viennent polir le galet.
Comment s’exprime le consensus ?
Finalement, au Conseil européen, il ne reste souvent que quelques points de désaccord (parfois très profonds, très importants politiquement). On tente alors de rédiger un nouveau paragraphe pour contenter tout le monde. C’est alors le président, lui-même, qui réécrit directement avec les Chefs le passage concerné. Ou, de façon plus habituelle, ce sont les sherpas qui s’y mettent dans la salle d’à côté, y passant, s’il le faut, la nuit, pour trouver la formule qui contentera tout le monde. Au final, le président du Conseil européen demande si personne ne s’y oppose. Et généralement, même s’il peut y avoir un ou deux grognements, si personne ne s’exprime clairement contre, cela passe. Si, malgré tout, il reste une difficulté, il y a plusieurs possibilités pour s’en sortir.
Des Européens passés virtuoses pour exprimer les désaccords dans l’accord
Renvoyer à plus tard
Les Européens sont passés virtuoses sur la façon d’exprimer (ou de ne pas exprimer) un désaccord, tout en ne remettant pas en cause le consensus. Première méthode : on rajoute un ou deux mots relativisant la question (le cas échéant), souvent le plus insipides possibles (qui ne sont compris que par leurs auteurs), ou on fixe une clause de rendez-vous (on réexaminera la question à la prochaine réunion). Deuxième méthode : on peut aussi pour éviter de parler de la situation qui fâche, en renvoyant aux conclusions d’un précédent conseil ou à un rapport mentionné en annexe (à chacun de voir à quoi cela renvoie, mais, de façon expresse, les conclusions ne mentionnent pas le sujet).
De l’importance de la note de bas de page
Troisième méthode : rajoute une déclaration interprétative ou complémentaire d’un État membre, voire une note de bas de page pour indiquer le désaccord d’un gouvernement sur un point donné (c’était le cas par exemple avec la Hongrie sur la question des migrants). Quatrième méthode : le chef de gouvernement sort lors de l’adoption des conclusions, ce qui lui évite de prononcer son désaccord. Mais l’honneur est sauf. Dernière méthode : Si le désaccord persiste malgré tout, il reste la possibilité d’avoir une déclaration de la présidence, éventuellement au nom des 27 ou des 28 (selon le cas) qui a la même valeur que les conclusions (puisque ce n’est qu’un document politique).
Bref… en matière de consensus, on le voit, l’Europe a une longue expérience d’exprimer de façon discrète les désaccords, avec l’art et la manière, sans empêcher les avancées.
Ce que va gagner la Pologne ?
En s’entêtant dans un « niet », la Pologne pourrait, au final, ne rien vraiment gagner, sinon de montrer qu’elle existe et est une grosse boudeuse. Sur des questions aussi intéressantes que la croissance économique, les emplois, la crise des migrants, les Balkans – qui vont dans le sens de la politique polonaise –, c’est un peu dommage. Et c’est un précédent fâcheux. La prochaine fois que les conclusions seront discutées, il n’est pas sûr que l’avis de la Pologne soit vraiment pris au sérieux. Pourquoi tenter de se concilier les bonnes vues d’un pays qui a, finalement, décidé de ne pas approuver les conclusions, juste pour le plaisir.
Entendons-nous : le refus des conclusions est une arme nucléaire, cela ne sert qu’une fois, et avec une très bonne raison. Il faut que l’intérêt national soit vraiment en jeu (1) — un refus qui, dans ce cas, est accepté car chacun sait qu’il peut avoir un jour à se servir de cette nécessité – et non pas seulement que l’amour propre soit blessé.
La seule conclusion du Conseil : la nomination de Tusk ?
Si les conclusions ne sont pas avalisées en tant que telle, le seul résultat écrit du Conseil européen pourrait être finalement… la décision avalisant la nomination du nouveau président. C’est assez paradoxal puisque c’est cela qui a causé l’ire polonaise du jour. Mais c’est la réalité. Ce texte est, en effet, une décision juridique qui ne figure pas en tant que tel dans les conclusions. En général, « par courtoisie », on salue la nouvelle personnalité, explique à B2 un diplomate. Mais il s’agit juste d’une « formule de politesse ». On peut s’en passer.
Une déclaration au nom des 27
Ensuite, il est toujours possible au président du Conseil européen, voire à la présidence maltaise d’endosser, « au nom des 27 », un ensemble de conclusions, voire une déclaration, ou simplement les « résultats des discussions du Conseil ». Pour la Pologne, qui a toujours voulu faire partie du cœur de l’Europe, ce serait un sacré camouflet supplémentaire : une sorte de Polxit politique. Au moment où va s’entamer des négociations sur la révision des perspectives financières, ce n’est pas aussi vraiment le plus sympathique moyen pour trouver des alliés.
Hongrois et Polonais, même combat ?
Le seul pays qui a une attitude semblable à la Pologne est la Hongrie, mais avec une très nette différence, explique un diplomate qui suit régulièrement ce genre de réunions : « Viktor Orban a toujours une position très ferme. Mais, au dernier moment, il négocie, il joue le jeu européen, il se montre plus souple (NB : quitte à dire le contraire sur la scène nationale, une fois sorti du Conseil européen). Il a toujours ainsi su se créer des alliés. Et, au niveau politique, il y a une grande différence, il est membre du PPE, le parti populaire européen, ce qui le protège d’une certaine façon. Il fait partie du cercle. »
L’équipe Kaczyński, entêtée ?
Les Polonais du PiS, eux, sont têtus. Ceux qui ont de la mémoire, dans les couloirs européens, se rappellent comment l’équipe Kaczyński s’est battue, becs et ongles, parfois de manière totalement irrationnelle, contre la mise en place de la double majorité dans le Traité de Lisbonne, pour garder les vieux chiffres de Nice. Finalement on a décidé de prolonger quelque peu le compromis de Ioannina. Une bagarre qui n’a, au final, servi à rien. Ce dispositif, qui vient à expiration dans quelques jours, le 31 mars, n’a quasiment jamais servi. Quand les Polonais ont voulu l’utiliser, au dernier conseil de l’Environnement (2), les juristes du Conseil sont venus rappeler que c’était… trop tard ! Le dispositif expirait dans quelques semaines.
Une bataille gagnée pour rien, sinon à se faire plaisir … et à se faire des ennemis autour de la table européenne.
La bataille perdue de la majorité qualifiée…
Entretemps, depuis le Traité de Nice, la Pologne a décroché du groupe des grands pays, l’écart de population qui était de 4 millions en 2005 atteint aujourd’hui le double. Ce que le pouvoir polonais avait conquis, en bataillant dur dans les couloirs européens, sans jamais vraiment s’en servir, il l’a reperdu … dans les alcôves, sur le terrain de la démographie. La réalité politique d’aujourd’hui, c’est que la Pologne a décroché du groupe des pays de tête. … Et ce n’est pas la faute de l’Europe, juste la loi naturelle.
La vraie raison de la colère polonaise ?
La sortie du Royaume-Uni pourrait accélérer, de façon paradoxale, l’isolement de la Pologne. On peut remarquer que lors de la dernière rencontre, à Versailles, en mini-groupe, il y avait bien quatre pays et non pas seulement le couple franco-allemand, pour affirmer le désir de « coopération différenciée ». Il manquait parmi les « grands et moyens » pays… un dirigeant polonais. Comme pour affirmer que la coopération différenciée, c’est … sans la Pologne. La vraie raison de la « petite colère » de Szydło n’est-elle pas là, celle de se voir exclure du groupe des « grands » et des autres avancées européennes. Le « phare » de la Pologne est bien éteint. Et c’est dommage pour ceux qui aiment ce pays.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) L’Irlande l’a utilisée pour préserver sa neutralité, le Luxembourg pour préserver son modèle fiscal, la France pour la culture, la Slovénie pour régler son problème de frontières avec la Croatie, etc.
(2) Il s’agissait d’adopter une approche générale qui n’est pas, en soi, un vote formel, mais une indication de vote, une approche pour négocier avec le Parlement européen, le vote ayant lieu plus tard, à la fin de la négociation.
(mis à jour vendredi matin, sur le passage de la coopération différenciée)
Bangui, Mogadiscio, Bamako Les missions « non exécutives » de l’UE sont aujourd’hui dans des zones plus à risque que les opérations « exécutives (Sarajevo, Océan indien, Méditerranée) – ici l’arrivée des soldats géorgiens à EUTM Rca pour assurer la protection de la mission. (crédit : EUTM RCA)
(B2 – exclusif) Les Européens devraient avaliser, ce lundi (6 mars), la création d’un mini-QG permanent. En jargon européen, on la dénomme « MPCC » comme « Military Planning and Conduct Capability ». Cette structure sera chargée de préparer (« planifier ») et commander (« conduire ») les missions militaires non exécutives de l’Union européenne, « au niveau stratégique ». C’est-à-dire au niveau politique.
Combien de missions sont concernées ?
L’Union européenne a trois missions « non exécutives », toutes en Afrique et qui concernent la formation des militaires locaux : en Somalie (EUTM Somalia), au Mali (EUTM Mali), en Centrafrique (EUTM RCA). Chacun de ces missions regroupent 200 personnes. Au total, ce seront environ 600 personnes qui seront rattachées à ce nouveau commandant d’opération.
Pourquoi faut-il un commandant d’opération à Bruxelles ?
Jusqu’à aujourd’hui, les missions (non exécutives) que déploie l’Union européenne sur le terrain, ont un chef de mission, qui assure le commandement au jour le jour, mais de commandant d’opération, en tant que tel, qui prévoit à plus long terme, assure la liaison avec les autorités politiques, etc. C’est le même chef de mission qui quitte le terrain et va rendre compte aux autorités politiques. Ce qui est assez aberrant.
Pourquoi est-ce aberrant ?
B2 a demandé leur avis à plusieurs personnes, des commandants de mission, des diplomates, des responsables dans les différents états-majors. Tous ont confirmé. Le système actuel ne marche pas… « Les structures européennes sont très spécifiques — explique un militaire européen –. Il faut les connaître de façon concrète, les pratiquer tous les jours. Entre la Commission européenne, le Parlement, le COPS, les procédures budgétaires, d’appels d’offres, les différentes diplomaties nationales… cela nécessite un apprentissage qui ne peut être fait en quelques mois. […] Demander à un militaire national d’appréhender ces structures, d’être en même temps à Mogadiscio ou Bamako et à Bruxelles, de commander la force sur le terrain et de connaître tous les recoins de Bruxelles, c’est impossible. »
C’est même totalement aberrant jure un autre. « Cela n’existe nul part. Dans tous nos dispositifs militaires, on a un niveau tactique (le terrain, la force, la mission) et un niveau stratégique (la réflexion, le politique, l’opération) » (2) explique un haut gradé. « Dans l’Union européenne, il n’y a personne entre le niveau tactique et les ministres ou les ambassadeurs. […] C’est comme si vous aviez un général commandant de l’ISAF en Afghanistan, qui appellerait le Conseil des ministres à chaque problème, même mineur. »
Un diplomate confirme. « Les commandants de mission n’ont jusqu’ici pas d’interlocuteur militaire à qui s’adresser à Bruxelles. Ils pouvaient s’adresser au Comité politique et de sécurité en tant que référent politique. Mais ce n’est pas vraiment le rôle des ambassadeurs du COPS de pouvoir répondre à toutes les questions, au quotidien, que se posent un commandant militaire. Il faut un militaire pour cela. »
Lire : La conduite des opérations : une pièce manquante du dispositif de l’UE… entre autres
Ce sont des missions non exécutives… où est le danger alors ?
De façon assez paradoxale, les missions non exécutives de l’UE sont aujourd’hui plus exposées que les opérations militaires. Les premières se déroulent en effet dans des terrains qui sont plutôt cotées dans le haut du risque que dans le bas : Mogadiscio pour EUTM Somalia, Bamako au Mali, Bangui en RCA… A côté les opérations militaires à Sarajevo, ou dans l’Océan indien, et même en Méditerranée, face à la Libye, relèvent de la promenade de santé, ou du moins présentent un risque moindre (3).
Y-a-t-il déjà eu des problèmes graves ?
Cela a failli. Il y a un an, lors de l’attaque terroriste contre la mission EUTM, au printemps 2016. Le commandant de la mission EUTM Mali était alors à Bruxelles en train de rencontrer des parlementaires et des ambassadeurs au moment de l’attaque…
Y-a-t-il duplication avec l’OTAN ?
PAS DU TOUT. Tous ceux qui prétendent cela sont soit des personnes qui refusent que l’UE ait les moyens de ses ambitions, soit des… ignares. 1° L’OTAN n’est pas la même organisation que l’UE ; elle n’a pas la même structure politique, la même chaîne de commandement, ni les mêmes membres (4). 2° Cela supposerait d’avoir l’accord de tous les membres de l’OTAN (ce qui est loin d’être gagné, cf. notamment le problème turco-chypriote). 3° La présence de l’OTAN dans certains pays n’est pas vraiment souhaitée ni par les pays locaux ni même par les Alliés (pour EUTM Somalia, les États-Unis par exemple ont travaillé de façon très efficace avec les Européens). 4° Même au point de vue technique, pour commander ce type de mission, il n’y a pas besoin d’un dispositif comme le SHAPE (le QG permanent de l’OTAN situé à Mons). Il serait inadapté, surdimensionné et trop lourd pour commander à trois missions qui regroupent 600 personnes en tout. 5° Les militaires de l’OTAN ne connaissent pas vraiment les raffinements de l’Union européenne, ses structures, etc. En conclusion, faire avec l’OTAN, cela serait plus difficile, en partie inutile et beaucoup plus cher.
Lire aussi : Touche pas à mon Shape ! Le faux argument de la duplication
Cela fait longtemps qu’on parle de cette capacité ?
Ooh OUI ! La première fois où a évoquée une capacité autonome pour l’Union européenne, c’était en décembre 1998, à Saint Malo, Français (J. Chirac et L. Jospin) et Britanniques (T. Blair) tombaient d’accord, dans une déclaration commune sur une nécessité : l’Union européenne doit avoir « une capacité autonome d’action », appuyée sur « des forces militaires crédibles », « avec les moyens de les utiliser » et en étant « prête à le faire afin de répondre aux crises internationales ».
« Il est important d’avoir les capacités ainsi que le leadership politique en Europe pour pouvoir assumer ses responsabilités, surtout dans des circonstances où pour telle ou telle raison les États-Unis ne veulent pas s’engager » (Tony Blair, 4 décembre 1998)
Pourquoi cela n’a jamais été mis en place ?
Tout simplement parce que toute décision en matière extérieure (et de défense) dans l’Union européenne se prend à l’unanimité. Plusieurs tentatives ont été faites : de la plus célèbre (et la plus maladroite peut-être), en pleine intervention américano-britannique en Irak (le fameux sommet des Pralines en 2003), à la plus récente et la plus discrète (en 2011-2012, qui n’a pu aboutir que sur une demi-mesure, peu efficace, le centre d’opérations). A chaque tentative de concrétiser cet appel pour mettre en place, de façon concrète et pratique, il y a toujours eu un vigoureux « No » britannique. Parfois, celui-ci n’était pas exprimé publiquement … car un autre pays prenait le relais (la Lituanie, par exemple, a joué un temps ce rôle de sous-marin britannique).
Qu’est-ce qui a abouti à un accord ?
Sans nul doute, le référendum britannique sur le Brexit a joué de façon notable dans l’effacement du veto britannique. La situation internationale également, la multiplication des menaces, le coup d’état en Turquie qui rend cet allié plus faible, obligent les Européens à être plus autonomes. Mais ce sont aussi des raisons internes qui ont joué (cf. ci-dessus).
Cette décision a-t-elle l’aval de tous, y compris au plus haut niveau ?
Oui… si vous avez bien lu les conclusions de la réunion des ministres de la Défense de l’UE de novembre dernier, et encore plus celle du sommet européen du 15 décembre dernier, c’était inscrit noir sur blanc. Les Chefs d’État et de gouvernement avaient ainsi recommandé « l’établissement d’une capacité opérationnelle permanente de planification et de conduite au niveau stratégique ».
Et un QG pour les opérations militaires ?
Ce n’est pas pour demain… mais pour après-demain. L’idée d’un QG permanent pour les opérations militaires — défendue par la France et plusieurs autres pays (Espagne, Italie, etc.) – n’est pas abandonnée. Elle est reportée à plus tard. Un bilan de la mise en place de la MPCC est ainsi prévu « au plus tard à la fin 2018 ». L’objectif serait alors de pouvoir passer à l’étape ultérieure, le commandement des opérations … plus de vingt après la réunion de Saint-Malo, en décembre 1998.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Concrètement, qui commandera les missions ?
C’est le directeur de l’état-major de l’UE — le général Esa Pulkkinen — qui est promu le directeur de la MPCC et exercera à ce titre les fonctions de commandant des missions, au niveau stratégique.
Pourquoi un directeur pas un commandant des opérations ?
C’est une (petite) concession aux Britanniques. Lors de la discussion, le Royaume-Uni s’est opposé à ce que le futur chef de la nouvelle structure reçoive le nom « commandant d’opération » préférant le terme de « directeur de la MPCC ». A l’arrivée, cela ne change … rien.
Quand tout cela sera activé ?
Réponse officielle : « au printemps ». Nous avons demandé quand était le printemps ? « du 21 mars au 21 juin ». Selon nos principaux sondages, cette MPCC pourrait être déclarée opérationnelle d’ici la fin avril (pour la réunion informelle des ministres de la Défense), ce qui fait très court, ou en mai (au plus tard début juin).
Pourquoi pas tout de suite ?
PARCE QUE… Le feu vert des ministres n’est que politique. Il faut encore effectuer tout un travail de mise en forme : transcrire de façon précise toute la nouvelle chaîne de commandement, revoir notamment la décision fixant les tâches de l’état-major, qui n’a jamais été revue depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (1) ; revoir aussi les trois décisions qui fondent les missions de formation de l’UE ainsi que tous les documents internes (concepts militaires, concepts de gestion de crise) qui mentionnent cette chaîne de commandement. Ce travail a déjà commencé – selon nos indications –.
Combien cette MPCC va coûter ?
PAS GRAND CHOSE. La MPCC est créée au sein de l’état-major de l’UE, déjà existant, situé à quelques encablures du rond-point Schuman. Pas besoin de locaux, ni même de moyens techniques supplémentaires. Le commandant d’opération lui-même n’est pas nouveau, il s’agit de l’actuel directeur de l’état-major qui aura un « double chapeau ».
Combien de personnes comptera cette MPCC ?
PAS BEAUCOUP. En tout cette MPCC comptera une vingtaine de personnes. La plupart sont des déploiements de poste. La plupart viennent de personnes déjà présentes dans l’état-major de l’UE et dans l’ancien centre d’opérations (OpCen). 5 ou 6 pourraient venir des états-majors des États membres en renfort.
A quoi servira cette MPCC ?
Elle assurera d’abord la liaison entre les autorités politiques et le terrain, et vice-versa, des plus importantes aux plus mineures. Il s’agit notamment de répondre aux changements de situation sur le terrain, en matière sécuritaire, de trouver des renforts ou des ressources supplémentaires, d’assumer le renouvellement des forces sur le terrain (génération de force complémentaire), de répondre aux questions des parlementaires ou des ambassadeurs des États membres, voire de remplir les obligations en matière d’appels d’offres ou comptables. Etc.
Ces questions ne sont-elles déjà pas résolues dans les plans d’opération et autres documents internes de planification ?
Un certain nombre de questions sont prévues par avance, et figurent tant dans le plan d’opération que dans les règles d’engagement. Mais si une unité formant des militaires étrangers détecte en son sein des éléments douteux, proches de mouvements terroristes, ou qu’il y a un problème d’indiscipline parmi eux ou dans les effectifs européens, que faut-il en faire ? Question très simple à résoudre quand le militaire est peu gradé, quand il s’agit d’un officier supérieur, surtout s’il est proche du niveau politique local (ou qu’il est soutenu par son État membre), cela devient une question très politique… Idem quand il s’agit de pourvoir à des besoins qu’on n’a pas détecté (de formation, de logistique, de sécurité).
(NGV)
(1) Une mission non exécutive est une mission que mène l’UE sans exercer dans le pays concerné les fonctions régaliennes (maintien de l’ordre, contrôle des voies publiques, interception des fauteurs de trouble, protection des populations, tirs de neutralisation des « adversaires », etc.) qui, dans l’ordre international actuel, ne peuvent être autorisés que par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (sous chapitre VII).
(2) Le premier est dénommé QG de force, le second QG d’opération. Ce qui induit à confusion…
(3) Le déploiement de navires en lui-même comporte une dose d’auto-protection que n’a pas un déploiement terrestre. Quant à Sarajevo… sans commentaire.
(4) Contrairement à tout ce qui est dit souvent, la différence est notable. Ce n’est pas tant le nombre de pays (qui ne font pas partie de l’une ou l’autre organisation), c’est leur importance. Ne sont notamment pas membres de l’UE : les États-Unis, le Canada, la Turquie et la Norvège, etc. (c’est-à-dire en termes d’importance militaire, une nette majorité).
Détails : La MPCC pour conduire des missions militaires. Composition, Fonction, Commandement…
(B2) Les femmes militaires sont désormais juridiquement intégrées, dans bon nombre d’armées occidentales, sans quasiment aucune restriction. La France dispose ainsi d’une des armées les plus féminisées. Néanmoins, en dépit des importants progrès accomplis ces quinze dernières années dans ce domaine par les armées françaises, des efforts doivent encore être consentis afin d’y renforcer la parité, notamment sur le plan de l’égalité professionnelle. L’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (IRSEM) se pose la question de savoir comment faire pour offrir à la majorité d’entre elles, et non pas seulement à quelques femmes symboles, une égalité effective en termes de parcours professionnel, lors du colloque « Femmes militaires, et maintenant ? ». Ce colloque sera organisé à l’amphi Des Vallières de l’école militaire le 8 mars prochain, pour la journée internationale des droits des femmes.
Télécharger le programme
Pour plus d’informations, voir ici. Inscriptions, avant le 2 mars, par mail : inscription.irsem(a)defense.gouv.fr
(B2) Ce petit opus qui s’interroge sur l’existence d’une culture stratégique commune, vaut le détour.
Doctorant énergique *, Samuel B. H. Faure, qui enseigne aujourd’hui à Sciences Po Lille (**) , a mené de nombreux entretiens et questionnaires auprès de plusieurs agents militaires, politiques et administratifs européens. Ce qui est très intéressant en soi. Sa conclusion est l’existence, ou plutôt « l’émergence » d’une culture stratégique commune et propre aux agents de la défense européenne.
Ce constat peut être ne pas être partagé. Il a le mérite de mettre le doigt sur certaines réalités et d’inciter à réfléchir. Personnellement, j’ai un peu plus de doute et ne serai sans doute pas aussi optimiste ; je ne vois pas vraiment que cette culture stratégique dépasse de quelques cercles, composé soit de militants de la cause, soit du personnel le temps où ils sont employés les missions et opérations PSDC. Et ce sont des cercles, très, très étroits… Il y a, ensuite, souvent une grosse « déperdition en ligne », chez les anciens. Mais, surtout, la PSDC reste toujours une « chose » trop sous-estimée et trop invisible, pour arriver à créer une culture stratégique commune.
C’est dommage… Car l’Union européenne a, là, un instrument intéressant qui suscite une certaine unanimité, rare. Des Européens les plus enthousiastes sur la construction européenne aux souverainistes, peu ont de doute sur la nécessité pour l’Europe d’agir en matière de maintien de la paix et de stabilisation du voisinage. Le coût de ces missions et opérations reste très modéré par rapport à tant d’autres dépenses extérieures. Mais, voilà, peu d’efforts sont faits pour le promouvoir et le faire connaître. Ou, alors, ils ne produisent pas les effets attendus. Et il faudrait s’interroger réellement sur les raisons de cette impuissance médiatique, plutôt que de s’enfermer derrière un rideau de dénis.
Les causes de cette invisibilité sont parfaitement connues. Mais personne ne songe à les résoudre. Il y a quelques freins politiques, certes. Mais ils sont plutôt faibles en ce moment (2). Il y a surtout – semble-t-il – une certaine méconnaissance des principaux ressorts d’une bonne communication. Ce qui est somme toute étrange : si on se jette un regard en arrière, on verra que cette visibilité a décru depuis les années 2004-2008, malgré toute la bonne volonté engagée de part et d’autre. Étrange… alors que les moyens sont pourtant supérieurs et que le contexte géopolitique est, on ne peut plus favorable, en interne comme en externe.
(NGV)
« Défense européenne. Émergence d’une culture stratégique commune », Samuel B. H. Faure, 2016, Editions Athena, 236 p., 24,95$
* « Variétés de la décision. Le dilemme de la politique d’armement en Europe : le cas de la France de 1945 à nos jours », soutenue avec brio, en décembre, au Centre de recherches internationales (CERI) de SciencesPo (Paris).
** Attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER), Sciences Po Lille et docteur associé au Centre d’études internationales (CERI) de SciencesPo.