L’offensive de l’armée turque à la frontière syrienne contre les forces du groupe État islamique et les forces démocratiques syriennes (FDS), principalement constituées et encadrées par les YPG (Unités de protection du peuple), va-t-elle redistribuer les cartes quant aux forces présentes sur le terrain ?
Oui, incontestablement. L’intervention de l’armée turque a permis de reprendre un certain nombre de localités à l’État islamique, prises aujourd’hui en tenaille entre les forces turques et les YPG. L’enjeu des affrontements de ces derniers jours se situe dans la zone située entre la localité de Jarabulus, récemment reconquise par les forces rebelles syriennes soutenues par l’armée turque, et la frontière turque. Cette zone fait office de point de passage sanitaire, alimentaire et militaire pour l’État islamique. Si les FDS ou l’armée turque venait à la contrôler, cela porterait un coup dur à l’organisation.
D’autre part, l’intervention de la Turquie redistribue les cartes dans cette partie de la Syrie en termes de forces présentes sur le terrain. Les FDS, au sein desquels les Kurdes liés au YPG sont majoritaires, étaient il y a quelques semaines la seule force capable de s’opposer victorieusement à l’État islamique. Au fil de leur avancée, les Kurdes de Syrie sont en mesure de modifier les rapports de force, mais aussi les enjeux politiques de la région. Car le Parti de l’union démocratique (PYD) profite de la progression militaire de sa branche armée, le YPG, pour instaurer des administrations cantonales sous sa direction. Le but de Recep Tayyip Erdogan est donc de freiner la montée en puissance militaire et politique du PYD, voire, comme il l’a déclaré publiquement, de « nettoyer » la zone de leur présence. L’intervention de son armée doit leur empêcher de relier les trois cantons qu’ils dominent : deux d’entre eux sont à l’est, un autre est à l’ouest. Si les Kurdes parvenaient à faire la jonction des cantons, ils contrôleraient la majeure partie du territoire frontalier à la Turquie. C’est ce que craint le chef de l’Etat turc et ce qui l’a, en partie, motivé à envoyer son armée.
Pensez-vous que l’offensive turque contre les combattants kurdes de Syrie, soutenus par les États-Unis, pourrait provoquer une crise diplomatique entre Ankara et Washington ?
Non, je ne le pense pas. Au cours des derniers mois, les Etats-Unis ont soutenu et équipé les YPG alors que la Turquie, alliée des Etats-Unis et membre de l’OTAN, les considère comme une organisation terroriste car extension syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). L’attitude des Etats-Unis était ambiguë, mais il y a encore quelques semaines, les combattants kurdes constituaient la seule force, au sol, capable de tenir tête à l’État islamique. L’intervention de l’armée turque avec son opération « bouclier de l’Euphrate » change la donne. Joe Biden, le vice-président des Etats-Unis en visite à Ankara mercredi dernier, a clairement affirmé son soutien à l’opération. Il a également appelé les combattants kurdes à se retirer sur la partie orientale de l’Euphrate. Aussi si les Etats-Unis ne devraient pas stopper leur aide aux Kurdes de Syrie, ils devraient se montrer à l’avenir beaucoup plus exigeants.
Les États-Unis ont donc fait un choix stratégique. Ils préfèrent une alliance forte, efficace et opérationnelle avec la Turquie plutôt qu’avec les groupes kurdes de Syrie. Pour eux, l’enjeu est, en effet, bien plus important du point de vue géopolitique. Cela étant la situation est très volatile et peut évoluer très rapidement.
Quelle est la situation des forces en présence en Syrie ? Daech est-il toujours en train de perdre du terrain ?
En réalité, Daech n’est qu’une partie de l’équation. Il détient quelques pans du territoire, mais leur véritable implantation s’est faite dans les villes, notamment à Raqqa. Si le retrait de Daech dans des petites localités est incontestable, son affaiblissement est relatif. Il reste maître de villes importantes et de son bastion, Raqqa pour laquelle Daech s’est particulièrement préparé à sa défense.
Les forces kurdes de Syrie, qui ne se trouvent qu’à une trentaine de kilomètres de cette dernière depuis plusieurs mois, ont plusieurs fois été sollicitées par les Etats-Unis pour passer à l’offensive, mais ils s’en gardent bien. Pour s’y attaquer, il leur faut avant tout se préparer en termes de tactique militaire et essayer d’assécher les réseaux d’approvisionnement de la ville de Raqqa pour affaiblir les positions de l’Etat islamique.
Par ailleurs, Alep est un des considérables enjeux géopolitiques et militaires : des groupes qui parviendront à contrôler Alep, dépendra certainement l’avenir de la Syrie. Mais pour l’instant, aucune force n’est en mesure de dominer la ville, et les populations civiles en paient le prix fort.
Les combats y font rage entre les forces de Bachar al-Assad et les combattants de l’Armée syrienne libre (ASL) considérés comme « modérés ». Ces derniers, sur la défensive, se sont vus contraints au cours de l’été de s’allier aux islamistes du Front Fatah al-Sham (ex-Front al-Nosra, lié à d’Al-Qaïda) pour reprendre certains quartiers et desserrer l’étreinte que fait peser l’armée syrienne restée loyale à Bachar al-Assad.
On assiste ainsi, à Alep comme ailleurs, à une polarisation extrême des tensions et l’on constate que désormais il n’y a plus beaucoup de place pour les forces dites « modérées » entre, d’une part les forces de Bachar al-Assad massivement soutenues par la Russie, le Hezbollah et l’Iran, et d’autre part les groupes djihadistes qu’ils s’appellent Etat islamique ou Fatah al-Sham, en bonne partie soutenus par les Etats arabes du golfe.
La Syrie est aujourd’hui divisée entre forces gouvernementales, Kurdes, Etat islamique, rebelles dits « modérés » et groupes djihadistes ou salafistes et aucune faction n’est en mesure d’imposer sa prééminence aux autres. Et l’on constate que, malheureusement, les djihadistes, autres que l’Etat islamique, sont en passe de s’imposer comme des combattants incontournables pour régler un certain nombre de sous-conflits nationaux.
L’accord de paix, que de nombreux observateurs qualifient d’historique et qui a débouché sur un « cessez-le feu définitif » entre les FARC et les forces gouvernementales, doit encore être ratifié. Quelles sont les étapes manquantes à l’adoption définitive de l’accord ? Peuvent-elles l’empêcher de voir le jour après cinquante-deux ans de conflit armé ?
La première étape importante de ces accords concerne le « cessez-le-feu définitif » déclaré le 27 août 2016, au terme de quatre années de négociation en Norvège et à Cuba. Les FARC doivent consulter leur base à la mi-septembre pour valider le compromis signé avec les autorités. Une cérémonie officielle de signature doit ensuite être organisée, peut-être aux Nations unies. Le processus sera validé, ou rejeté, par référendum le 2 octobre. Les Colombiens doivent se prononcer pour ou contre les accords de paix mettant un terme à un conflit cinquantenaire et qui aurait causé la mort de 260 000 personnes. Si la majorité des Colombiens sont pour, la campagne n’a pas encore commencé. Et il faudra compter avec des opposants aux accords de paix, à commencer par l’ancien président Alvaro Uribe. Les opposants dénoncent notamment la remise en liberté et l’amnistie des guérilleros présentés comme des criminels.
Quels sont les principaux points de l’accord de paix entre les FARC et le gouvernement de Juan Manuel Santos ? Vont-ils changer le quotidien des Colombiens ?
Les accords de paix comportent six points. Ils concernent l’agriculture, la reconversion politique des FARC, la remise des armes et la réinsertion des combattants, le trafic de drogue, le dédommagement des victimes ainsi que la mise en place d’un mécanisme de vérification de l’application du processus de paix.
L’agriculture est un point essentiel des négociations car les combats en raison de la présence des FARC, principalement dans les campagnes, ont déplacé plus de deux millions de personnes à l’intérieur des frontières de la Colombie qui est le pays, après les deux Soudan, avec le plus grand nombre de déplacés à l’intérieur de ses frontières. La plupart d’entre eux ont fui les zones rurales contrôlées par les FARC, et disputées par les forces de sécurité et les irréguliers paramilitaires, pour gagner les centres urbains. Les accords doivent garantir leur retour. Un cadastre doit être mis en place. Des aides au développement sont aussi prévues pour les régions agricoles.
Qu’est-il prévu pour la réinsertion des FARC ?
La réinsertion des guérilleros est également un élément crucial du processus de paix. Elle est notamment mentionnée dans le deuxième volet des négociations qui concernent la reconversion politique des FARC. Ceux qui n’ont pas commis de crimes contre l’humanité devraient être autorisés à participer à la vie politique de la Colombie, en constituant, par exemple, des partis politiques et en se présentant aux élections. Un seuil de cinq élus sur deux législatures a été garanti aux ex-guérilleros. Ce point pourrait contredire un autre volet des accords. Celui qui concerne les victimes et les sanctions pénales à l’égard de ceux, agents des forces gouvernementales ou guérilleros, ayant commis des graves violations des droits de l’homme. L’accord prévoit la mise en place d’un système intégral de justice et de réparation, avec notamment une commission de la vérité une juridiction spéciale pour la paix et les réparations, etc. Reste à savoir comment tout cela va pouvoir être appliqué. Le tri entre ceux qui seront considérés comme criminels et donc mis hors-jeu politique, et ceux qui seront admis à la réinsertion démocratique ne sera pas des plus aisés.
Un autre point a suscité d’importants débats : la remise des armes. Les guérilleros (8000 selon l’armée colombienne) veulent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de représailles après avoir remis leurs armes. Cela s’est déjà produit par le passé. Dans les années 1980, des combattants, avaient accepté de rendre les armes. Deux à trois mille d’entre eux, devenus militants d’une formation appelée Union patriotique, avaient été assassinés. Un système de sécurité doit être mis en place en vue d’assurer la protection des anciens membres des FARC, afin qu’ils puissent rendre les armes sans risquer d’être assassinés. Une commission nationale de garantie de sécurité, un corps d’élite spécialisé de la police nationale, une unité spéciale d’investigation, seront notamment créés.
Au-delà de ces aspects concernant la protection des ex-combattants, un « Conseil national de réincorporation » sera mis en place. Il doit aider les anciens guérilleros à trouver un emploi et à s’insérer dans la société. Une indemnité doit leur être versée pendant la période de démobilisation. La réinsertion est essentielle pour mettre fin aux violences. Les négociateurs ont de toute évidence tiré les leçons des lacunes des processus de paix signés dans les pays d’Amérique centrale, il y a près de trente ans. On meurt dans ces pays en 2016 autant et même davantage qu’à l’époque des conflits civils. Militaires démobilisés et anciens guérilleros se sont reconvertis dans la criminalité et la délinquance, faute de formation professionnelle, de plan d’éducation ou d’offre d’emploi. Le cas du Salvador est de ce point de vue démonstratif des carences des accords signés. Le taux des homicides est au Salvador l’un des plus élevés au monde. Le pays enregistre chaque année plus de 100 personnes assassinées pour 100 000 habitants. Les homicides sont plus nombreux aujourd’hui que durant la guerre civile qui a ensanglanté le pays entre 1980 et 1992. À titre de comparaison, les taux d’homicides enregistrés au Brésil et au Mexique, considérés particulièrement élevés, se situent dans une fourchette de 25 à 27 homicides pour 100 000 habitants.
Ces accords vont-ils bénéficier à la Colombie quant à sa place sur la scène régionale voire internationale ?
L’accord est historique pour la Colombie. Le qualificatif est pour une fois tout à fait justifié. Il met fin à 52 années de conflit. Il va permettre au pays de bonifier son image et ainsi d’attirer des investisseurs étrangers. Le gouvernement, aura également la possibilité de diminuer un budget militaire, qui accapare l’investissement public avec 4,5% du PIB (moins de 2% pour la Grande Bretagne et la France) et de consacrer davantage à l’éducation, la santé et le développement. En ce qui concerne la drogue, les accords signés par les autorités avec les FARC ne mettront pas fin au trafic. La lutte contre les trafics de stupéfiants et la culture de la coca ont fait l’objet d’un autre point, le point 4, des négociations. Les FARC sont tenues d’abandonner les liens établis avec les « drogues illicites » dans les régions qu’elles contrôlaient. Mais ces régions ainsi abandonnées vont faire l’objet de convoitises de la part des petits groupes de délinquants, issus des anciens cartels de la drogue, ainsi que par les bacrims (bandes criminelles) héritières des anciens paramilitaires, acteurs importants de ces trafics. L’ELN (Armée de libération nationale), autre groupe de guérilla est d’autre part toujours active.
La paix en Colombie, est une des rares nouvelles positives de ces dernières années. Elle est en effet porteuse d’espoir pour une communauté internationale désarmée diplomatiquement par des conflits sans solutions autres que militaires. Les Nations unies, l’Union européenne, mais également le Pape sont intervenus en faveur des accords. L’Allemagne et les Etats-Unis ont désigné des ambassadeurs en charge du dossier. La Norvège et Cuba sont garants du processus de paix, tandis que le Venezuela et le Chili en sont les accompagnateurs. Ces pays auront un rôle à jouer pour aider le mécanisme d’application du processus de paix, sixième point important des accords, à fonctionner de façon optimale. Et ainsi présenter la résolution de l’interminable guerre interne colombienne comme exemple de règlement international d’un différend jugé pendant des années imperméable à toute solution négociée.
Par Erwan Le Noan, consultant et membre du conseil scientifique de la Fondation pour l’innovation politique « DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI, rien ne vaut que par comparaison. Or, nous sommes actuellement, vis à vis de I ’extérieur, dans une situation économique diminuée ». Ce constat sévère est de Charles de Gaulle, dans son premier discours […]
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Alexandre Andorra, spécialiste des Etats-Unis, répond à nos questions à l’occasion de la parution de son ouvrage « Géopolitique des Etats-Unis » (PUF), co-écrit avec Thomas Snégaroff :
– Perpétuer le “siècle américain”, est-ce encore l’objectif des Etats-Unis dans un monde devenu multipolaire ?
– Est-ce la fin de l’hyperpuissance américaine ?
– Les Etats-Unis sont-ils prêts à négocier la refonte du système internationale et la suprématie du dollar ?
The United Nations is now seventy years old, but the world of seventy years ago was a vastly different place than the world of today. This raises the question: Does the UN remain “fit for purpose” to meet the current needs of the international community? And if not, what can be done in practical terms to bring its mission, structure, and resourcing up to date to meet the formidable challenges ahead? It was to address these questions that the International Peace Institute (IPI) launched the Independent Commission on Multilateralism (ICM) in 2014, with Kevin Rudd as its chair.
This is the Chair’s Report, in which Kevin Rudd provides his personal views on the world situation and suggestions for how the UN can be adapted to cope with the rapid pace of change. The report reflects the valuable insights Mr. Rudd has gained through his consultations and travels as chair of the ICM, as well as his vast international and domestic political experience. It will be followed by the launch of the full ICM report on September 21st.
The core argument of Mr. Rudd’s report is that the UN matters, and if it fails, falters, or fades away it would fundamentally erode the stability of an already fragile global order. But at the same time, he argues, we tend to take the UN for granted, overlooking the reality that its continued existence is not inevitable. The UN, while not yet broken, is in trouble. The report concludes, however, that the UN is capable of reinventing itself. This requires not one-off reforms but a continual process of reinvention to ensure the institution is responding to the policy challenges of our time.
Le traité sur la mise en place d’une zone de libre-échange transatlantique (désigné par son sigle anglais TAFTA ou TTIP) est en cours de négociation dans la plus grande discrétion entre les dirigeants des États-Unis et de l’Union européenne (UE). Il pourrait aboutir à la création de la plus vaste zone de libre-échange du monde (29 États, 820 millions d’habitants). Le TAFTA prévoit l’élimination des droits de douane, la suppression des « obstacles non-tarifaires » au commerce (comme le contrôle sur la qualité des importations) ainsi que l’harmonisation des normes et des réglementations. Dans l’optique d’une harmonisation, il pourrait menacer les normes européennes en matière sociale ou environnementale, plus avancées que celles des États-Unis. Ainsi, cela pourrait remettre en cause la liberté syndicale, ou ouvrir l’Europe au bœuf aux hormones américain.
En outre, le TAFTA prévoit de donner la possibilité aux multinationales, si elles s’estiment « discriminées » par une réglementation, de réclamer des indemnités aux États, devant des tribunaux d’arbitrage privés opérant en dehors de la juridiction nationale, les ISDS (« Investor State Dispute Settlement »).
Ces tribunaux sur-mesure existent en fait depuis 1957, date de la création de la Communauté économique européenne (ancêtre de l’UE). Cela visait, à l’origine, à protéger les entreprises contre les expropriations. Les multinationales l’ont ensuite étendu aux « expropriations des droits intellectuels », un concept flou qui permet d’englober tous les types de lois et régulations.
Dans ces tribunaux privés, le juge n’est pas un magistrat officiel. L’entreprise plaignante choisit un premier arbitre, l’État poursuivi en désigne un second, et les deux parties, un troisième. Ces arbitres sont choisis dans un cercle étroit, fermé, et favorable aux milieux d’affaires. « On confie à trois individus privés le pouvoir d’examiner, sans aucune restriction ni procédure d’appel, toutes les actions du gouvernement, toutes les décisions de ces tribunaux, toutes les lois et régulations émanant de leur parlement. », comme le résume Juan Fernandez‑Antonio, lui‑même arbitre international [1]. Ces ISDS fournissent une protection aux investisseurs au détriment des États et des citoyens. Ils permettent aux investisseurs de poursuivre des États, mais pas l’inverse ! Par exemple, le groupe nucléaire suédois Vattenfall poursuit en justice le gouvernement allemand suite à sa décision d’abandonner l’énergie nucléaire après la catastrophe de Fukushima. Autre exemple avec Veolia, qui avait lancé, il y a quelques années, une filiale de traitement des déchets en Egypte celle-ci a peu fait recette. L’entreprise française a attaqué le gouvernement égyptien pour avoir augmenté le salaire minimum à la suite de la révolution arabe de 2011. Ces affaires ont déjà coûté aux gouvernements des centaines de millions d’euros. Cette justice est si inique que certains pays ont décidé de l’abandonner : l’Australie, la Bolivie, l’Equateur et l’Afrique du Sud.
Le TAFTA constitue aussi une menace pour l’exercice du droit syndical et les protections sociales, comme le salaire minimum. En effet, les normes sociales seraient uniformisées à celles des États-Unis. Or ce pays ne reconnaît pas la plupart des conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la protection des travailleurs (liberté de réunion, droit aux négociations collectives) car il les considère comme des entraves au commerce et à la libre concurrence.
Au nom du respect de la « concurrence libre et non faussée », les multinationales pourraient, par exemple, obliger des États à privatiser les services de santé. Les multinationales pourraient aussi contester les standards de l’OIT comme discriminants. Elles pourraient également faire valoir la protection des travailleurs et des droits syndicaux comme des obstacles au commerce et au libre-échange.
De plus, le TAFTA va à l’encontre de plusieurs textes importants des Nations unies, comme les conventions de l’OIT et le principe directeur n°9 de l’ONU sur les affaires et les droits de l’homme. Il contraint les Etats à s’assurer que les accords sur le commerce et l’investissement ne contraignent pas leur capacité à assurer leurs obligations concernant les droits de l’homme. Un expert des Nations unies, l’avocat américain d’origine cubaine Alfred de Zayas, s’est publiquement opposé au TAFTA. Dans une interview donnée au quotidien britannique The Guardian, il réclame la suspension des négociations entre les États-Unis et l’Union européenne visant l’adoption du projet. Alfred de Zayas, nommé « rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable », a préparé pour l’ONU un rapport sur les tactiques utilisées par les multinationales dans les négociations du TAFTA pour arriver à leurs fins. Il juge sévèrement les ISDS, qui constituent selon lui « une tentative d’échapper à la juridiction des tribunaux nationaux et de contourner l’obligation de tous les États d’assurer que toutes les affaires juridiques soient traitées devant des tribunaux indépendants, publics, transparents, responsables et susceptibles d’appel ». Il ajoute que le TAFTA enfreindrait la Charte de l’ONU, signée par tous les États membres. En effet, « l’article 103 de la Charte de l’ONU dit que s’il y a un conflit entre les dispositions de la Charte et n’importe quel autre traité, c’est la Charte qui prévaut ». Zayas réclame qu’on inclue au moins des syndicats et des experts médicaux et environnementaux dans les négociations du TAFTA. Sur plus de 600 affaires jugées devant les ISDS, la plupart ont abouti à un jugement en faveur des multinationales. « Pourquoi? Parce que les juges sont des avocats d’affaires extrêmement bien payés. Ils travaillent aujourd’hui pour une multinationale, demain comme avocats, le surlendemain comme lobbyistes, le jour d’après comme arbitres [dans ces ISDS]. Ce sont des situations classiques de conflit d’intérêts et de manque d’indépendance » [2].
Le TAFTA pourrait considérablement aggraver la pauvreté et la précarité dans l’Union européenne. Face à ces dangers, la CNUDCI, Commission des Nations unies pour le droit commercial international, a adopté en 2014 la « Convention sur la transparence dans l’arbitrage entre investisseurs et États, fondée sur des traités ». Elle rassemble des règles de procédure visant à rendre accessibles au public les informations sur les arbitrages entre investisseurs et États découlant de traités d’investissement. De cette manière, tous les textes du TAFTA doivent être rendus publics afin que dans tous les pays de l’UE, les parlementaires et les citoyens aient du temps pour les examiner et les évaluer de manière démocratique. Cette convention constitue un pas vers plus de transparence dans les jugements rendus par les ISDS.
C’est maintenant aux citoyens de peser pour que les textes et valeurs humanistes de l’ONU prévalent sur ces tribunaux arbitraires et pour que le TAFTA ne soit pas adopté.
[1] Sylvain Laporte, « TAFTA: les tribunaux du diable », Fakir, n°69, avril 2015,
[2] « UN calls for suspension of TTIP talks over fears of human rights abuses », The Guardian, 5 mai 2015.
DEBATS & ANALYSES Par DOMINIQUE REYNIÉ, professeur des universités à Sciences Po et directeur général de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol). Il a été candidat Les Républicains aux élections régionales de 2015 de Languedoc- Roussillon-Midi-Pyrénées. Messieurs les politiques, cessez de dégrader le lien avec la société ! L’élection présidentielle de 2017 est la dernière occasion […]
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»Die Gefahr ist groß, dass am Schluss nur ein Papierfrieden steht«
52 Jahre herrschte Krieg in Kolumbien – jetzt legen Regierung und Farc-Rebellen den Konflikt bei. Doch die Hälfte der Bevölkerung lehnt das ab. Günther Maihold erklärt im Interview mit der Süddeutschen Zeitung, warum. mehr