La série d’essais balistiques à laquelle la Corée du Nord vient de procéder, associée au début du déploiement d’un système de défense anti-missile en Corée du Sud, commencent à susciter de nombreuses inquiétudes. La possibilité d’une guerre dans la région est de nouveau soulevée.
En réalité, les inquiétudes et angoisses à propos de la Corée du Nord constituent un marronnier stratégique. Très régulièrement, un essai de missile – voire un essai nucléaire – est effectué, suscitant des bruits de bottes, des inquiétudes et des menaces de la part du leader nord-coréen. Depuis 1993, date à laquelle la Corée du Nord s’est dotée de l’arme nucléaire, on observe très régulièrement ce schéma. Mais au final, la situation revient toujours à la normale. Pour autant, la crainte qu’un réel dérapage ne se produise ne disparaît pas.
Il est vrai que Kim Jong-un est particulièrement inquiétant. L’assassinat de son demi-frère a montré, s’il en était besoin, qu’il pouvait passer aux actes. Cependant, il n’est pas de son intérêt de se lancer dans un conflit, contre la Corée du Sud et/ou le Japon. Certes, il pourrait occasionner des destructions extrêmement importantes aussi bien à Séoul, qui n’est qu’à 60 kilomètres de la frontière intercoréenne, qu’au Japon, dont le territoire est à la portée des missiles nord-coréens. Mais en même temps, il sait qu’il n’aurait aucune chance de sortir militairement vainqueur de tels agissements : l’armée sud-coréenne à elle seule peut facilement vaincre sa rivale nord-coréenne, sans parler du soutien américain. Or, Kim Jong-un, s’il est peu sympathique, n’est pas irrationnel, comme on peut l’entendre souvent. Son maintien au pouvoir prouve même le contraire. En réalité, le but de toutes ses gesticulations est de rester à la tête du régime le plus longtemps possible, alors qu’il a complètement échoué à développer son pays et à nourrir sa population. La Corée du Nord est en effet restée dans l’état politique et économique des années 1960. Il s’agit bel et bien du dernier régime stalinien et totalitaire à la surface de la planète. Kim Jong-un est certes effrayant mais il ne se lancera pas dans une guerre. Les dirigeants nord-coréens estiment que Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi seraient encore à la tête de leur pays s’ils avaient possédé l’arme nucléaire. L’arme nucléaire nord-coréenne a donc pour but principal et ultime le maintien du régime, et non pas la reconquête de la Corée du Sud, la réunification par la force des deux pays ou l’invasion et la destruction du Japon.
Mais cette situation ennuie particulièrement la Chine qui souhaite apparaître comme un pays responsable, participant à la sécurité collective. Pour Pékin, Pyongyang pose un double problème. Le premier est issu du fait qu’elle ne la maîtrise pas. Bien que la Corée du Nord soit un pays client, qui dépend très largement de l’aide et des contacts chinois, Pékin est bien incapable de faire entendre raison à Kim Jong-un. Ce dernier estime n’avoir rien à perdre et que la Chine est bien obligée de le soutenir, afin d’éviter que le régime ne s’effondre ou que des militaires américains se déploient à la frontière chinoise. Le second vient du fait que les gesticulations nord-coréennes ont donné une justification au déploiement d’un système anti-missile américain en Corée du Sud. Si les États-Unis voulaient déployer ce bouclier depuis longtemps, ils ont maintenant un motif pour le faire. Ceci est vu comme extrêmement inquiétant, voire menaçant pour les dirigeants chinois. Du fait des gesticulations de leur allié nord-coréen, Pékin doit donc subir une montée en puissance des forces américaines et leur renforcement stratégique en Asie, ce que les dirigeants chinois ne souhaitent à aucun prix.
Finalement, rien de nouveau dans la situation nord-coréenne : toujours des gesticulations mais pas de réunification en vue, ni par la négociation ni par la force. Pas non plus de guerre qui signerait la fin du régime nord-coréen. Mais il est vrai que Kim Jong-un a réussi « l’exploit » d’être encore plus inquiétant que ses prédécesseurs…
Le point de vue de Pascal Boniface, directeur de l’IRIS
Les élections parlementaires de décembre dernier, organisées sous la pression de l’Union européenne (UE), avaient pour objectif de sortir la Macédoine de la crise politique dans laquelle elle s’est enfoncée depuis maintenant deux ans. Cette crise avait éclaté à la suite de la publication d’écoutes téléphoniques dans lesquelles toutes les malversations, turpitudes et crimes du parti au pouvoir nationaliste VMRO-DPMNE furent révélés.
Si ces élections n’ont pas permis de dégager une majorité immédiate, elles ont toutefois marqué un tournant puisque le principal parti des Albanais de Macédoine, le DUI, a fortement régressé. Il a en effet été sanctionné pour son alliance gouvernementale avec le VMRO, tandis que pour la première fois, des Albanais ont voté pour le parti social démocrate SDSM, c’est-à-dire pour un autre parti que les partis albanais classiques. Cette tendance à la « désethnification » est un processus conforme aux deux années de protestations contre le gouvernement et le Premier ministre Nikola Gruevski, qui ont réuni des citoyens des deux communautés d’abord préoccupés par la « capture de l’Etat » (l’expression figure dans le rapport 2016 de la Commission européenne) opérée par Gruevski et son clan.
Ainsi, la situation politique troublée a connu un nouveau développement ces derniers jours puisque trois partis albanais qui ont obtenu des sièges au Parlement (DUI, Besa et l’Alliance pour les Albanais) ont accepté de former une coalition avec le SDSM. Ils laissent ainsi dans l’opposition le VMRO, qui était pourtant arrivé en tête lors du scrutin de décembre. Ces trois partis s’étaient mis d’accord il y a quelques semaines à Tirana, sous le patronage du Premier ministre albanais Edi Rama, sur une plateforme commune sans laquelle aucune coalition ne serait possible. Celle-ci exige principalement la reconnaissance de la langue albanaise à égalité avec le macédonien partout dans le pays ; un système de meilleure représentation dans l’administration ; la poursuite du travail du Bureau du procureur spécial, mis en place pour enquêter sur toutes les affaires révélées par les écoutes ; la poursuite du processus d’intégration euro-atlantique ; et enfin la résolution de la question du nom avec la Grèce, qui bloque la Macédoine dans ce processus d’intégration depuis 2006.
Or, malgré l’accord trouvé, le président de la république Gjorge Ivanov, issu du VMRO-DPMNE, a refusé de donner mandat au SDSM pour former un gouvernement, au motif que la plateforme albanaise serait une menace pour l’unité de la Macédoine et que les partis albanais recherchent avant tout l’éclatement du pays en prenant leurs ordres à l’étranger. Cette position, notifiée à l’UE, aux Etats-Unis et à la Turquie par lettre officielle, a provoqué de vives réactions de la part de l’opposition mais aussi de l’Union européenne. Cette dernière, par la voix de la Haute Représentante Federica Mogherini et du commissaire à l’élargissement, Johannes Hahn, a explicitement appelé le président Ivanov à revenir sur sa décision.
Ce qui se joue dans cette crise peut donc se lire à plusieurs échelles. D’abord, l’enjeu pour la Macédoine elle-même est crucial puisque l’on se dirige vers la continuation de la crise politique par d’autres moyens. Là où les oppositions au VMRO ont protesté dans la rue pendant des mois pour exiger des changements, ce sont aujourd’hui les militants du VMRO qui occupent la rue pour s’opposer à la possibilité de ce nouveau gouvernement dont le VMRO serait exclu, et pour réclamer des élections anticipées en mai prochain, en même temps que les élections municipales. En réalité, il fait peu de doute que Nikola Gruevski fera tout ce qui est possible afin de ne pas perdre le pouvoir, puisque cela signifierait devoir rendre des comptes au Bureau du procureur spécial sur les très nombreuses affaires dans lequel lui et ses amis sont impliqués. La stratégie du VMRO consiste donc à exacerber le débat et à le ramener sur le terrain ethnique, c’est pourquoi on ne peut pas exclure une fuite en avant violente. En tout état de cause, quand bien même un mandat serait donné dans les prochains jours à Zoran Zaev, cela ne signifie pas que la crise politique sera terminée.
Ensuite, il faut lire cette crise à l’aune de la situation régionale dans les Balkans. Depuis plusieurs mois maintenant, des tensions grandissent entre les différents acteurs, que ce soit la course aux armements entre la Croatie et la Serbie, les provocations serbes à propos du Kosovo, ou encore la confrontation entre Bosniaques et Serbes de Bosnie à propos d’un éventuel appel de la plainte de la de Sarajevo contre Belgrade pour génocide devant la Cour internationale de justice. La presse tabloïd serbe, sous le contrôle du gouvernement, ne cesse de se faire l’écho quotidiennement de supposés complots ourdis tantôt par les Albanais, les Turcs, les Croates, les Américains et l’OTAN contre les Serbes. Dernièrement, cette rhétorique rejoint celle des nationalistes macédoniens selon lesquels l’acceptation de la plateforme albanaise en Macédoine est la première étape vers la construction d’une grande Albanie et le dépeçage de la Macédoine. De fait, bien que chaque dossier soit distinct, chacun participe d’une atmosphère régionale lourde et belliqueuse.
Enfin, l’analyse de la situation en Macédoine doit également s’opérer à un niveau international. Ainsi, bien que la Russie ait été très largement en retrait depuis le début de la crise, on observe des déclarations venant de la diplomatie russe. Celles-ci, reprises par le VMRO, vont dans le sens d’une dénonciation d’une tentative de coup d’Etat mené par les Etats-Unis et l’UE avec l’aide de « sorosoïdes » locaux, du nom du financier et philanthrope George Soros, déclaré ennemi de tous les autocrates d’Europe de l’Est, dans la droite ligne de la dénonciation des « révolutions de couleurs » fomentées par l’Occident contre la Russie. Si la Russie n’a pas vraiment intérêt à investir politiquement dans la crise macédonienne, sa stratégie d’obstruction à moindre frais dans les Balkans peut s’avérer une fois de plus concluante comme en Bosnie, si d’autres acteurs, à commencer par l’Union européenne, ne prennent pas les devants.
Bruxelles avait imposé ces élections comme solution de sortie de crise, assortie de certaines conditions. Celles-ci n’avaient pas vraiment été remplies, et le VMRO avait même reçu le soutien de certains leaders de la droite européenne pour le ministre des Affaires étrangères autrichien, Sebastian Kurz, tout heureux de pouvoir compter sur Skopje pour retenir les migrants. Par conséquent, Nikola Gruevski pensait bien pouvoir remporter ces élections et ainsi obtenir un blanc-seing de l’UE, mise devant le fait accompli. C’est le scénario inverse qui est en train de se reproduire, mettant autant Gruevski que l’UE devant leurs responsabilités car, désormais, les cartes sont rebattues, et aucun scénario ne peut être exclu pour la suite.
Con la adopción de su Ley de Transición Energética en agosto de 2015, Francia mostró su voluntad de cambiar su actual modelo energético por uno más sostenible que siga garantizando su desarrollo económico.
Les auditeurs du 11e cycle national de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST) et ceux de la 53e session nationale « Armement et économie de défense » ...
If there is any EU country where stability is taken for granted and future perspectives are optimistic, this surely will be Germany. After 12 years at the helm as chancellor by conservative leader Angela Merkel, however, some Germans are no longer averse to political change. The next election (“Bundestagwahl”) has been set for September 24. Until recently the Christian Democratic Union (CDU) and its sister Christian Social Union (CSU) had been seen as favorites to continue their political dominance. The Social Democratic Party (SPD) – although part of a grand coalition in the last four years – had been regarded as obsolete to offer an effective challenge.
Former leader of SPD, and current Foreign Minister Sigmar Gabriel, acknowledged the risk of another lost election, hence, he decided to step down in favor of Martin Schulz, former president of the European Parliament, who has brought about a wave of enthusiasm among disenchanted voters of the center-left political spectrum, who, for the moment, like what they see. Current opinion polls indicate Schulz is more popular than Angela Merkel. More importantly, the SPD has gone beyond 30 percent threshold for potential votes in all surveys while its percentage under Gabriel had been less than 25 percent. All of this suggests, the result of the September 24 election is more open than in the pre-Schulz period.
Hence, a growing number of analysts and journalists are beginning to talk of a “Schulz effect” in German politics. Traditionally, German politicians holding top EU jobs are considered “politically dead” in their own country. Indeed, this had also been the case with Schulz in the past. In the European election of May 2014, he faced Jean Claude Juncker for the position of president of the European Commission. Yet, he failed to inspire German citizens despite their common nationality.
Although it’s the same Schulz, the situation three years later differs for one main reason. Chancellor Merkel has caused some unhappiness with her “open door” policy on refugees. Recent terrorist attacks in some German cities – especially the Christmas market attack in Berlin – has increased a sense of unsafety and xenophobia. As a result, Merkel is no longer portrayed as the incomparable national leader. Her image, indeed, is slipping. The general criticism of her, starting from her management of the refugee crisis, is also expanding into other aspects of politics so that some voters are keen to find an alternative. This explains the rise of small parties such as the Alternative for Germany (AFD) and the Liberals (FDP) irrespective of their political orientation or extreme character. And it now explains the rise of SPD, boosted by the leadership change.
Martin Schulz is a very experienced and smart politician. He knows that SPD will not preserve its current high percentage if he does not persuade public opinion that he can implement a new political program. Supporting the grand coalition, the party has agreed with the CDU and CSU on almost all of critical political decision. So, it now needs to find some departure points. As President of the European Parliament, Schulz stood beside Merkel on various fronts, including the refugee crisis! His only disagreement was on dealing with the European economic crisis, where he is more open to the “mutualization of debt” proposal, which is an anathema to conservatives.
However, he will possibly bury this issue during the pre-election campaign due to its sensitivity for the German audience and a possible political cost for himself. Instead, he seeks to draw a line between himself and his predecessor by moving the SPD more towards the Left. In a recent important speech, he distanced “himself” from Gerhard Schroeder’s “Agenda 2010.” This concept set the basis for the reform of the German social security system and the labor market and, ultimately, the country’s economic progress and growth.
By promising “social justice,” Schulz can certainly give a new political direction to his party. He has also showing willing on a future political coalition between the SPD, the Greens and the Left, as is currently happening at the regional level in Berlin and Thuringia, even if the CDU and CSU win the September election. Nevertheless, a problem for Schulz is that September 24 is a long way off. His economic agenda may sound attractive, but is already being picked apart by serious scholars as a threat to the national economy.
And Germany is a country where the rational elements in economics and politics have so far not given way to the populism and the illusions seen in other European countries. It is the efficiency and sustainability that matter more than mere words or pre-election promises.
Source: china.org.cn
The question should be reversed: Can the EU have any kind of meaningful role without being strategic? The EU has not fared very well in comparison with its main competitors in terms of protecting its members and its citizens’ interests. Nor has the EU risen to the challenge of stabilizing its neighborhood. Furthermore, various crises have exposed a lack of geopolitical reflexes. And the EU is paying a price for those failures. Britain’s vote to leave the bloc has dealt a heavy blow to the EU’s unity and its capabilities in the spheres of foreign policy and defense.
Ironically, however, and in combination with the election of U.S. President Donald Trump, Brexit has also created a brief window of opportunity for the EU to reconsider its options and launch a new effort in various sectors of European politics, including defense and security. Acting collectively, the EU has the necessary economic weight but lacks the diplomatic and military weight to be a global actor. Both problems can be addressed, as the human, technological, and financial capabilities do exist. What is seriously questioned is the necessary political will—given that individually, no member state is sufficiently strong to flourish in this brave new world. The last wake-up call for Europe, perhaps.
By Thanos Dokos
Source: Carnegie Europe
You can read here the article on future perspectives for Turkey, which was written by Director General of ELIAMEP Dr Thanos Dokos. This commentary was published in the Greek daily Kathimerini on 8 March 2017 [in Greek].
L’IHEDN a accueilli du 27 février au 3 mars 2017, la 29e édition de la session européenne des responsables d’armement (Sera), qui réunit, sur quatre semaines ...
This study explores the commercial, economic, regulatory and political implications of the Nord Stream 2 project. The plans to add another two pipelines to the Nord Stream facility under the Baltic Sea have created waves within the European Union. Whether it fails or succeeds, the project’s political costs will be high, as it touches on sensitive interests in many quarters. Nord Stream is a commercial venture, but its impacts transcend its commercial and energy ramifications, and differ widely among EU states. Without a question, the project represents a challenge for energy diplomacy both internal and external. Its potentially divisive effects on European energy policy and the Energy Union need to be cushioned and contained.
Updated and revised English version of SWP-Studie 21/2016.
D’ici quelques semaines, la République de l’Union du Myanmar – la Birmanie pour tout un chacun – célébrera le tout premier anniversaire du gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), de l’emblématique et mondialement appréciée Aung San Suu Kyi. Le 31 mars 2016, cinq long mois après un franc succès électoral enregistré à l’occasion du premier véritable scrutin démocratique organisé en Birmanie depuis des décennies (8 novembre 2015), l’administration menée par l’ancien prix Nobel de la paix entrait solennellement en fonction. Elle succédait au premier gouvernement post-junte militaire du Président Thein Sein (2011-2016) ; un chef de l’Etat, qui, après avoir exercé des fonctions de première importance du temps des militaires (ex-Premier ministre de la junte), endossa un costume plus civil. Une mue relative, dont le dessein était d’accompagner les premières années d’une transition démocratique. Cette dernière était appelée de ses vœux par une population éreintée par un demi-siècle de mainmise de l’institution militaire sur le destin national, et ardemment souhaitée par une communauté internationale – occidentale serait plus juste – aux appétences démocratiques contrariées jusqu’alors en ces terres Sud-Est asiatiques, baignées d’un bouddhisme à l’occasion militant.
Aung San Suu Kyi n’a pu personnellement succéder à Thein Sein, la faute à une disposition pour le moins étonnante de la Constitution de 2008 (‘’inspirée’’ par la plume rigide des militaires). Il en fallait naturellement davantage à cette opposante tenace (astreinte à une quinzaine d’années en résidence surveillée) et passionaria de la cause démocratique pour contrarier ses projets. À défaut de présidence dans le droit, un poste créé sur mesure de conseillère d’Etat additionné à un portefeuille de ministre des Affaires étrangères lui confient a priori l’autorité politique nécessaire[1], tant auprès de ses administrés que d’une communauté internationale ravie de composer, de gouvernement à gouvernement désormais, avec cette dernière.
Pour autant, cette transition en douceur entre ces deux administrations à l’ADN politique pour le moins distinct (militaro-civil pour le gouvernement Thein Sein ; civilo-démocratique pour l’administration au pouvoir aujourd’hui) n’a pas épuré la feuille de route du gouvernement LND d’une kyrielle d’hypothèques et de maux plus délicats à gérer les uns que les autres. Si elle n’est plus directement au pouvoir, la très influente institution militaire est fort loin de la périphérie de l’autorité[2] et ne rend pas exactement compte de sa feuille de route personnelle à Aung San Suu Kyi. Le processus de paix, élevé au rang de priorité nationale par La Dame lors de son intronisation, peine un an plus tard à convaincre l’ensemble des parties prenantes (à commencer par les groupes ethniques armés) de sa viabilité, tant les efforts de dialogue menés ces six dernières années se heurtent à une nette recrudescence des affrontements. Ces derniers mettent aux prises en divers points du territoire (Etats Shan et Kachin notamment) l’armée régulière (la tatmadaw) face à une demi-douzaine de groupes ethniques armés (regroupés au sein d’une Northern Alliance-Burma pour quatre d’entre eux), comme en témoignent les événements des tous derniers jours dans la région Kokang (Etat Shan) et leur lot de victimes (une trentaine de morts).
On pourrait également associer à ces contingences et revers rédhibitoires la situation de crise prévalant depuis – à minima – octobre 2016 dans le fragile Etat occidental de l’Arakan. Dans cet État, une importante opération contre-insurrectionnelle menée par la tatmadaw aurait officiellement pris fin début mars 2017. Un périmètre sensible qui aurait été le théâtre – dans la foulée de l’attaque meurtrière début octobre 2016 de plusieurs poste-frontaliers du Bangladesh par des militants rohingyas radicalisés – de violences et d’excès divers de la part des forces de sécurité. Au point que diverses agences et autorités onusiennes, ainsi que plusieurs gouvernements asiatiques (Malaisie, Pakistan et Bangladesh) demandent retenue et explications au gouvernement birman. Le gouvernement civil LND est par ailleurs mal à l’aise sur le sujet, tant la conduite et le contrôle des affaires de défense et de sécurité lui échappent. Elles relèvent en effet de l’autorité exclusive des généraux, donc du senior-general et chef des armées birmanes Min Aung Hlaing, sur lequel le gouvernement et Aung San Suu Kyi n’ont guère de prise…
Il n’empêche, un an après sa prise de fonction très attendue, les 55 millions de Birmans et la communauté internationale (grandes capitales occidentales ; institutions de défense et de protection des droits de l’homme ; société civile et ONG) ont toujours, et quasi-exclusivement, le regard tourné vers The Lady pour tout et son contraire, du faisable à l’impossible. A tort bien entendu.
Loin de l’omnipotence, l’administration LND et sa charismatique figure de proue composent avec l’institution militaire, en plus de leur inexpérience dans la gestion des affaires nationales (ne parlons pas de l’hypercentralisation du processus de décision autour d’Aung San Suu Kyi) et d’un pool d’expertise parfois sujet à caution. L’appareil militaire est toujours terriblement influent, il campe sur ses prérogatives exorbitantes et déroule sa propre feuille de route. Une roadmap pas nécessairement toujours calée sur celle des autorités civiles, pour dire le moins (cf. implication dans le processus de paix).
Face aux attentes populaires considérables nées de l’accès de la LND aux plus hautes responsabilités civiles, le gouvernement birman déploie bonne volonté, soutien extérieur, appel à la concorde et à la réconciliation nationale, et quémande aussi un brin de patience et de mansuétude. Si le bilan de ses douze premiers mois d’exercice peut donner matière à appréciation critique, le ‘’bénéfice du doute’’ lui profite encore. Rien qui ne menace en l’état la poursuite de son difficile apprentissage des affaires de l’Etat.
En revanche, La Dame et son équipe rapprochée devront très certainement se passer ces prochains mois d’une quelconque bienveillance de l’influente tatmadaw, voire, situation plus problématique encore, se trouver en porte-à-faux avec elle sur certains dossiers sensibles (poursuite des hostilités en zone ethnique ; participation de certains groupes ethniques armés au processus de paix ; validation de grands projets industriels ; sort de la communauté rohingya ; etc.). Des perspectives déplaisantes que l’on ne souhaite guère à La Dame mais auxquelles l’opiniâtre lauréate du prix Nobel de la paix et l’opinion feraient bien de se préparer.
[1] Les responsabilités de chef de l’Etat échoient par ailleurs à un de ses proches – U Htin Kyaw -, lequel se cantonne depuis lors à des activités protocolaires secondaires et ne fait guère d’ombre à La Dame.
[2] Il revient par exemple au commandant en chef des armées birmanes de nommer trois ministres régaliens sans en référer au président ou au Parlement : les ministres de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires frontalières. Par ailleurs, un quart des sièges dans les diverses assemblées sont réservés, hors de tous scrutins, aux militaires.
La prise d’Alep par le régime de Bachar Al-Assad, fin décembre 2016, a permis de prouver que les Russes éraient capables d’utiliser avec succès la force militaire à des fins politiques, contrairement aux Américains. Mais, si cette réussite conforte indéniablement le maintien au pouvoir du président syrien, elle ne règle en rien la question fondamentale de l’avenir de la Syrie, pas plus qu’elle ne dégage les moyens de mettre fin au conflit qui l’ensanglante depuis 2011.
Les Russes se trouvent désormais confrontés à une impasse en Syrie. Le pays est en effet complètement détruit : Près de 70 % des Syriens vivent dans une situation d’extrême pauvreté, incapables de satisfaire leurs besoins élémentaires ; le taux de chômage est proche de 60 % ; l’espérance de vie a chuté de vingt ans depuis le début de la révolte et de la guerre civile en 2011 ; la moitié des enfants, génération perdue, ne va plus à l’école ; le système de santé publique, autrefois efficace, est démantelé et certaines maladies qui avaient disparu – comme la tuberculose, la typhoïde, le choléra et même la poliomyélite – sont réapparues ; la moitié de la population a été déplacée et le nombre de victimes a dépassé 300 000 morts, auxquels il faut ajouter entre 1 et 2 millions de blessés. Une grande partie des élites et les classes moyennes ont fui le pays. Celui-ci, autrefois moderne, doté de services publics éducatifs et de santé performant, est quasiment revenu à un âge préindustriel. Bref, la Russie a hérité de la responsabilité d’un État failli.
Si l’opposition n’est pas en mesure de renverser Bachar Al-Assad, celui-ci n’est pas davantage en mesure de reconquérir l’ensemble du pays. Ce « pat »[1] stratégique n’est pas supportable à long terme pour Moscou. Certes, du fait de l’absence d’opérations terrestres massives russes, l’effort militaire est tout à fait endossable. Les pertes humaines sont limitées et le coût des opérations aériennes est maîtrisé. Mais la Russie n’a pas les moyens de reconstruire la coquille vide qu’est devenue la Syrie. Il est donc indispensable aujourd’hui de trouver une porte de sortie qui ne peut être que politique, faute de quoi la Syrie, qui ne produit quasiment plus rien, deviendra un fardeau de plus en plus lourd à supporter pour la Russie.
Bachar Al-Assad se présente comme le garant de la souveraineté syrienne mais ne l’est en rien. Son discours nationaliste et patriotique ne survit pas à l’épreuve des faits. Celui qui est présenté comme le maître de Damas n’est pas maître de grand-chose au sein de son propre pays, qui ne tient que par l’appui militaire de la Russie et de l’Iran. Dépendant de ses protecteurs, la Syrie a été mise sous tutelle de Moscou et, plus encore, de Téhéran. Elle n’est plus un État souverain mais un pays satellite.
L’Iran a très largement avancé ses positions en Syrie. Il participe à la restauration de la capitale et est investi dans le pays. Ce sont les Iraniens, plus précisément les gardiens de la révolution, qui ont le poids politique le plus important à Damas. Le Hezbollah, malgré des pertes si importantes qu’elles l’ont poussé à interdire la plupart des enterrements publics au Liban, demeure impliqué dans la sauvegarde d’un gouvernement allié et fondamental à sa survie.
Poutine ne tirera de bénéfices de la prise d’Alep que si cette victoire militaire débouche sur une solution diplomatique. Peut-il la mettre en œuvre en laissant Bachar Al-Assad au pouvoir ? L’Iran le soutien plus fermement que la Russie, qui souhaite, elle, démontrer que le concept de « changement de régime » par l’extérieur prôné par les Occidentaux ne fonctionne pas.
Se dirige-t-on vers un partage du pouvoir entre des éléments du régime sans Bachar Al-Assad et toute l’opposition sans les djihadistes ? C’est la seule façon d’éviter une somalisation de la Syrie.
[1] Aux échecs, se dit d’une position dans laquelle aucun des deux joueurs ne peut remporter la partie, qui est alors déclarée nulle.
Ambassador (retired) Alexandros Mallias wrote an article in Kathimerini newspaper discussing Greek-American relations under Trump. You can access the article here (in Greek)