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Diplomacy & Defense Think Tank News

Loi Helms-Burton contre Cuba : l’extraterritorialité du droit américain

IRIS - Wed, 24/04/2019 - 12:16

Dans une interview publiée le 9 avril 2019, des journalistes de l’agence Reuters interrogeaient deux très hauts fonctionnaires de l’administration Trump sur la stratégie du président américain à l’égard de Cuba et du Venezuela[1]. À la question des journalistes s’interrogeant sur l’efficacité de la politique mise en œuvre à l’égard de ces deux pays, la réponse des deux hauts fonctionnaires fut sans ambigüité : « Il faut prendre au sérieux nos déclarations concernant Cuba et le Venezuela. Certains pensent, ou espèrent peut-être que le président Trump bluffe et que nous n’avons pas de stratégie. Nous avons une stratégie d’ensemble. Il s’agit de notre arrière-cour, c’est très sérieux ». Une affirmation confirmée depuis, le 17 avril, par le secrétaire d’État Mike Pompeo. L’administration américaine pourra dès la date du 2 mai, en application du titre III de la loi Helms-Burton, engager des poursuites judiciaires contre les sociétés étrangères, notamment françaises, présentes à Cuba. La loi Helms-Burton, de portée extraterritoriale, a été promulguée en 1996 sous la présidence de Bill Clinton. Son titre III permet, notamment aux exilés cubains, de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises soupçonnées de « trafiquer » (trafficking en anglais) avec des biens ayant appartenu à des ressortissants américains (ou à des exilés cubains ayant acquis depuis la nationalité américaine). Il s’agit des biens nationalisés par le régime de Fidel Castro après la révolution de 1959 dans l’île des Caraïbes. De nombreuses sociétés européennes ont investi à Cuba, certaines d’entre elles pourraient être contraintes de quitter l’île sous peine de se voir sanctionnées aux États-Unis. Ledit « trafic » comprend les investissements dans des biens nationalisés, la détention d’un intérêt légal sur ces biens ou la réalisation d’affaires directes avec ces biens, la gestion ou la location de ces biens. Le texte définit comme « faisant du trafic » quiconque participe à une activité commerciale dans laquelle il utilise un bien nationalisé ou en tire un profit quelconque.

La loi Helms-Burton (ainsi nommée du nom de ses auteurs, le sénateur républicain Jesse Helms et le représentant démocrate Dan Burton) est une loi fédérale américaine dont le titre Cuban Liberty and Democratic Solidarity (Libertad) indique la finalité politique explicite : imposer à Cuba, grâce aux sanctions, un gouvernement qui ne comprenne ni Fidel Castro ni son frère Raúl. Cette loi est parfois surnommée « Bacardi Bill » par des juristes, car elle a été rédigée par les avocats de Bacardi, une entreprise productrice de rhum exilée aux États-Unis après avoir été nationalisée. Bacardi mène une guerre sans merci contre son rival, le groupe français Pernod Ricard. Alors que le rhum Havana Club -propriété d’une co-entreprise détenue par l’État cubain et Pernod Ricard – est fabriqué à Cuba, le rhum Bacardi est fabriqué à Porto Rico. Depuis 1996, le titre III de la loi avait été suspendu par tous les présidents américains, y compris par Trump, grâce à une disposition spécifique (« waiver ») suite à un mémorandum d’entente entre les États-Unis et l’Union européenne (UE). Sa réactivation a plusieurs objectifs : empêcher la « concurrence déloyale » des investissements directs d’entreprises  étrangères à Cuba, alors que les entreprises américaines ne peuvent pas y investir du fait de l’embargo, imposer l’extraterritorialité du droit américain sur le plan international (comme en Iran), asphyxier économiquement l’île pour renverser le régime castriste alors que La Havane connaît des difficultés économiques, satisfaire enfin aux exigences des exilés cubano-américains installés en Floride, un État clé pour l’élection présidentielle américaine de 2020.

La réactivation du titre III a suscité de nombreuses réactions en particulier de la part de l’UE. Cette dernière a jugé « regrettable », mercredi 17 avril, la décision de Washington de permettre, à partir du 2 mai, des actions en justice contre les entreprises étrangères espagnoles et françaises notamment, présentes à Cuba. Les vingt-Huit menacent Washington de représailles en cas de sanctions contre les investissements européens. « La décision des États-Unis (…) aura un impact important sur les opérateurs économiques de l’UE à Cuba (…) et ne peut que mener à une spirale inutile de poursuites judiciaires », ont déclaré la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, et la chef de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini. « L’Union européenne sera contrainte d’utiliser tous les moyens à sa disposition » pour protéger ses intérêts, avaient-elles averti auparavant dans un courrier en date du 10 avril, adressé au secrétaire d’État américain, Mike Pompeo. Parmi ces moyens, le recours à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est envisagé, les sanctions américaines étant contraires à son règlement. La saisine de l’organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC permettrait de recourir à des arbitrages internationaux sur un certain nombre de lois américaines. Même si, comme le souligne un diplomate, « ils n’en ont cure ».

Mais pour certains observateurs, combattre l’extraterritorialité du droit américain par des sanctions permettant en miroir la poursuite des filiales nord-américaines en Europe ne sera pas suffisant. Les sanctions américaines ont un effet extrêmement dissuasif dans la mesure où pas une seule entreprise ne peut se passer du marché américain. Entre un (petit) marché cubain potentiel et l’immense marché américain, le choix est vite fait. Si vous ne coopérez pas, c’est « no deal ». La loi Helms-Burton codifie l’interdiction d’investir. Le droit américain est utilisé pour sanctuariser des marchés.

En octobre 2016, Pierre Lellouche et Karine Berger avaient présenté un rapport bipartisan devant la commission des Finances et la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur l’impact extraterritorial du droit américain. Les conclusions de leur mission d’information montraient comment l’administration américaine est dans une logique d’utilisation du droit pour défendre les intérêts économiques américains et éliminer les concurrents. La mission préconisait d’instaurer un mécanisme de blocage à l’échelle européenne afin de faire face à l’offensive américaine. Pour le député François-Michel Lambert, président du groupe d’amitié France Cuba, Trump a déclenché « la plus grande guerre économique contre l’Europe en utilisant Cuba comme prétexte ».

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[1] Entretien donné dans le programme « Economic Eve On Cuba ». Disponible sur le site https://www.cubatrade.org/

Spaniens innere Blockaden

SWP - Wed, 24/04/2019 - 00:00

Am 28. April 2019 finden in Spanien vorgezogene Parlamentswahlen statt. Sie sind Ergebnis von drei Blockaden, mit denen das Land seit mehr als zehn Jahren konfron­tiert ist und die es unmöglich machen, stabile Regierungen zu bilden. Als Blockaden wirken eine politische Polarisierung, die zu einem Lagerdenken geführt hat, das keine übergreifenden Koalitionen zulässt; die Auswirkungen der Katalonien-Krise, die diese politischen Lager weiter verfestigt, und die innere Konfrontation als Folge des Migra­tionsdrucks aus Afrika, der massive innenpolitische Verwerfungen verursacht hat. Nach bisherigen Umfragen ist nicht zu erwarten, dass das Wählervotum dazu beitragen wird, die innere Spaltung zu überwinden und klare Mehrheitsverhältnisse zu schaf­fen. Den Regionalparteien könnte erneut eine Schlüsselrolle zufallen, womit Einzel­interessen wieder die Oberhand behielten. Als Folge würde die (nach einem möglichen Brexit) viertgrößte Volkswirtschaft der Europäischen Union (EU) auch in der kom­men­den Legislaturperiode durch innere Konflikte in ihrer Handlungsfähigkeit ein­geschränkt sein. Außerdem würde das Vorhaben, im europäischen Konzert eine grö­ßere Gestaltungsrolle zu spielen, an den politisch und regionalistisch geprägten Blockaden scheitern.

Der A400M – deutscher Beitrag zum Auf­bau eigener EU-Lufttransportfähigkeiten

SWP - Wed, 24/04/2019 - 00:00

Verteidigungsministerin Ursula von der Leyen sagte in ihrer Rede auf der Berliner Sicherheitskonferenz 2018, die europäische Verteidigungsunion sei im Werden und alle Initiativen dienten der Verzahnung der Streitkräfte sowie dem Aufbau gemeinsamer Fähigkeiten. Zurzeit plant das Bundesministerium der Verteidigung (BMVg) den Aufbau einer multinationalen Transporteinheit mit 13 Airbus-Flugzeugen des Typs A400M, die Deutschland gekauft hat, aber selbst nicht nutzen will. Es gibt je­doch Alternativen zum Vorschlag des BMVg: Deutschland könnte diese Maschinen der EU für Missionen oder Operationen im Rahmen der Gemeinsamen Sicherheits- und Verteidigungspolitik (GSVP) zur Verfügung stellen – dies wäre ein konkreter Schritt in Richtung einer europäischen Verteidigungsunion. Damit könnte die Bundes­republik ein Signal für weitere Vorhaben setzen, zum Beispiel für ein euro­päisches Ausbildungsprogramm.

Building Trust and the Importance of Multilateralism: Making the UN Relevant to All People

European Peace Institute / News - Tue, 23/04/2019 - 21:06

On April 23rd, IPI together with the Office of the President of the General Assembly, cohosted an interactive discussion in advance of the UN General Assembly high-level event to commemorate the International Day of Multilateralism and Diplomacy for Peace on April 24th, during which member states will discuss prevailing challenges and renew commitments to a rule-based world order and the multilateral system.

The international rule-based order is challenged on multiple fronts. The weakening of commitments to a rule-based international order is evident in a variety of contexts, as a profound mistrust permeates the system. Part of the answer to the deficit of trust lies in connecting multilateral processes to the interests, concerns, and perspectives of the people. The 73rd Session of the UN General Assembly has been grounded in the theme of making the multilateral system and the UN “relevant to all people.” This aspiration is central to the drive to increase collaborative efforts, build trust, and inspire a recommitment to multilateralism.

IPI and the Office of the PGA fostered a conversation that took stock of factors that may have contributed to the waning credibility of the multilateral system, as well as recent innovative practices to enhance its legitimacy. Participants sought to agree upon ways to lay the foundation for a more trusted, people-centered multilateralism.

The event took place at the United Nations.

Opening remarks:
H.E. Ms. María Fernanda Espinosa Garcés, President of the 73rd Session of the UN General Assembly

Speakers:
Amb. Donald Steinberg, Executive Director, Mobilizing Men as Partners for Women, Peace and Security
Dr. Cecilia Nahón, Executive Director, Model G20 Initiative, American University; and former Ambassador of Argentina to the U.S.
Prof. Sakiko Fukuda-Parr, Professor of International Affairs and Program Director, The New School
Mr. Richard Gowan, UN Director, International Crisis Group
Ms. Giovanna Kuele, Member of Steering Committee, Together First and Researcher at the Igarape Institute

Moderator:
The Honorable Kevin Rudd, 26th Prime Minister of Australia; President, Asia Society Policy Institute; and Chairman, IPI Board of Directors

Égypte : la fuite en avant autoritaire

IRIS - Tue, 23/04/2019 - 17:58

Les citoyens égyptiens ont donc été appelés, du 20 au 22 avril, à se prononcer par voie référendaire sur un texte de révision constitutionnelle. Les nouvelles dispositions de ce dernier vident de toute substance les derniers acquis de la crise révolutionnaire de 2011 en confirmant l’ordre autoritaire mis en place en Égypte depuis le coup d’État du 3 juillet 2013, qui avait alors démis Mohamed Morsi, président élu au suffrage universel. Au cœur de cette révision figurent l’extension du mandat présidentiel de quatre à six ans et la possibilité pour Abdel Fattah al-Sissi de postuler à un mandat supplémentaire, ce qui lui ouvre la possibilité de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2030. C’est aussi le renforcement de sa mainmise sur l’institution judiciaire en lui permettant de prendre la tête d’un Conseil suprême de la magistrature, de nommer les présidents des principales juridictions, dont la Haute cour constitutionnelle. L’armée se voit enfin institutionnaliser son rôle politique comme « gardienne et protectrice » de l’État, de la démocratie, de la Constitution et des « principes de la révolution ».

La vie politique en Égypte ne fait pas exception au fort tropisme autoritaire qui caractérise les régimes politiques des mondes arabes et au sein desquels les appareils de sécurité ont profondément marqué les pratiques d’exercice du pouvoir. Ainsi, l’importance de l’institution militaire n’a cessé de croître, ce qui lui a permis de se placer au centre du jeu politique et des processus de décision.

En Égypte, au cours des dernières années, on constate ainsi qu’à chaque séquence ponctuant la vie politique, l’armée détient toujours un pouvoir de décision central. Aussi, depuis le coup d’État de 2013, on assiste à une régression sans fin des droits démocratiques individuels et collectifs. Non seulement les Frères musulmans sont interdits, pourchassés et réprimés de façon systématique (on estime à plus de 40 000 le nombre de leurs militants emprisonnés), leurs avoirs saisis, mais ils sont également qualifiés d’organisation terroriste depuis le 25 décembre 2013, ce qui donne toute possibilité au pouvoir de prendre les mesures les plus arbitraires à leur encontre.

On constate aussi que ceux qui étaient parés du vocable de « révolutionnaires » et qui avaient, au nom de la défense de la laïcité, soutenu le coup d’État sont pourchassés à leur tour par l’institution militaire. Cette situation doit être appréhendée comme un retour des forces réactionnaires mêlant l’armée et nombre de tenants de l’ancien régime de Hosni Moubarak, qui apparaissent à nouveau à des postes de responsabilité. Le moins que l’on puisse constater, c’est que les espoirs qui s’étaient cristallisés au moment du départ de Hosni Moubarak ne se sont pas concrétisés.

La victoire du « oui » lors du référendum constitutionnel de janvier 2014, avec 98 % des suffrages exprimés, ne constitua pas une surprise, et permit à Abdel Fattah al-Sissi d’enfiler les habits de l’homme providentiel. En ce sens, la stratégie de l’homme fort égyptien s’avère cohérente et les résultats des deux scrutins présidentiels, de mai 2014 puis de mars 2018, avec deux fois 97 % des suffrages exprimés en sa faveur, sont de ce point de vue sans appel.

Ces élections présidentielles ont paradoxalement marqué le retour institutionnellement codifié de l’influence de l’armée en tant que centre réel du pouvoir. La présence et l’importance de l’institution militaire sont d’ailleurs singulièrement perceptibles dans l’article 234 de ladite Constitution qui stipule que le Conseil suprême des forces armées fournit son aval à la nomination ou à la révocation du ministre de la Défense au cours des deux mandats présidentiels à venir.

En outre, en plus de la reprise en main politico-sécuritaire, il est loisible de constater une offensive idéologique du pouvoir. Prétendant se disjoindre des mouvances salafistes et de celles se rattachant aux Frères musulmans, Abdel Fattah al-Sissi cherche à promouvoir un islam conservateur en relation avec les principales institutions islamiques du pays, au premier rang desquelles l’université al-Azhar. Prenant en compte le conservatisme de la société égyptienne, il privilégie une version rigoriste des pratiques religieuses, garantes à ses yeux de stabilité sociale, et n’hésite pas, par exemple, à remettre en cause de facto les programmes de contrôle des naissances. L’ordre répressif s’accompagne ainsi d’un ordre moral conservateur.

En revanche, ses multiples déclarations martiales contre le terrorisme sont peu couronnées de succès. La dégradation de la situation sécuritaire dans le Sinaï et, plus largement, les attentats terroristes en Égypte, manifestent une relative impuissance de l’appareil sécuritaire. Ainsi l’opération « Sinaï 2018 », lancée en février 2018, n’a pas obtenu les résultats escomptés malgré une forte campagne médiatique et politique à son propos. Le 9 février 2018, ce sont pourtant 60 000 hommes et 335 avions de combat qui sont mobilisés dans le Sinaï Nord et une partie du désert occidental de la péninsule pour neutraliser les groupes djihadistes, détruire leurs caches d’armes et les tunnels qui existent entre le territoire égyptien et la bande de Gaza. Les communiqués de victoire de l’état-major sont pour le moins sujets à caution et les méthodes brutales utilisées ne permettent sans nul doute pas de gagner le soutien de la population locale, qui reste pourtant un objectif essentiel de toute lutte antiterroriste.

Si la situation politique telle que succinctement analysée précédemment fait état de multiples préoccupations, on doit de même admettre qu’aucune des difficultés sociales et économiques posées à la société égyptienne, qui avaient été l’une des principales causes du processus révolutionnaire de 2011-2013, n’a été résolue. L’économie égyptienne est en effet confrontée à des blocages et des contradictions d’une telle ampleur que seules des réformes structurelles seraient susceptibles de les surmonter. La situation est d’autant plus préoccupante que les quatre apports financiers traditionnels de son économie sont en crise : les devises envoyées par les travailleurs émigrés égyptiens depuis l’Arabie Saoudite et la Libye sont en baisse sensible ; les revenus du canal de Suez fléchissent en raison de la baisse du trafic international ; les revenus tirés du tourisme ont spectaculairement diminué ; les ressources pétrolières ne permettaient plus l’autosuffisance énergétique, du moins jusqu’à la récente découverte de champs d’hydrocarbures offshore gaziers en Méditerranée orientale.

Plaie de l’Égypte depuis de nombreuses années, la dette publique ne cesse de s’accroître pour atteindre désormais 97 % du produit intérieur brut (PIB). Facteur aggravant, les dépenses publiques servent principalement à financer les effectifs hypertrophiés du secteur d’État et ne sont que marginalement utilisées pour des investissements publics. Si le doublement du canal de Suez ou la construction d’une nouvelle capitale administrative concourent à améliorer la situation macroéconomique, on peut néanmoins émettre des doutes sur leur capacité à parvenir à surmonter ce défi structurel.

En outre, l’armée semble s’investir plus avant encore dans la vie économique du pays en s’impliquant dans les infrastructures de santé, la construction de routes, de ponts, du canal, des zones urbaines nouvelles. Cette situation induit la perception d’une institution qui cherche à conforter une bourgeoisie issue de ses rangs et qui possède une vision assez claire de ses intérêts, se traduisant par la fidélité au régime du président al-Sissi ‑ à moins que cela ne soit son instrumentalisation ‑ et la méfiance à l’égard du libéralisme économique et de l’ouverture aux capitaux étrangers. Cette situation risque, à terme, d’accroître les tensions entre l’institution militaire de plus en plus insérée dans le tissu économique et des entrepreneurs privés qui considèrent qu’ils sont systématiquement désavantagés dans l’attribution des marchés publics.

Cette situation générale dégradée a contraint de recourir à des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) qui a accepté, en juillet 2016, d’effectuer un prêt de 12 milliards de dollars états-uniens sur trois ans, tout en exigeant des mesures drastiques en contrepartie : imposition de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), baisse des subventions sur des produits de base (carburant, électricité), dévaluation de la monnaie de près de 50 %. La spirale inflationniste, de l’ordre de 30 % au moment de l’octroi du prêt, pénalise mécaniquement les catégories les plus paupérisées de la population en touchant notamment l’alimentation et les transports, deux postes qui affectent traditionnellement le budget des familles. Ainsi, le prix du ticket de métro du Caire a augmenté, en mai 2018, de 250 % pour les longs trajets alors qu’il avait déjà doublé en 2017. Ces difficultés récurrentes contribuent à entretenir l’importance d’un secteur informel que certains économistes évaluent à la proportion de 50 % du PIB. Si cette dernière donnée est probablement à manier avec précaution, elle indique néanmoins l’ampleur de la tâche pour parvenir à assainir l’économie égyptienne. Les mesures de protection sociale sont à ce stade beaucoup trop embryonnaires pour aider les catégories sociales précarisées, voire une partie des classes moyennes, à absorber ces chocs.

Le pouvoir actuel est de ce fait pris entre deux feux : d’une part, il a un besoin impératif de recourir à des prêts, donc en l’occurrence de négocier avec le FMI, mais, d’autre part, l’application d’un tel accord risque de générer un fort mécontentement, voire des conflits sociaux d’envergure. C’est la classique expression du recours aux plans d’ajustement structurel exigés par les instances financières internationales et des contradictions que cela induit pour les gouvernements en place. Pour autant, le recours au FMI s’est avéré incontournable au vu des réticences désormais manifestées par les donateurs des monarchies arabes du Golfe, principalement l’Arabie Saoudite, à continuer à signer des chèques à un pays dont elles considèrent qu’il vit au-dessus de ses moyens.

En septembre 2017, le FMI a publié un premier rapport actant un retour de la confiance dans l’économie égyptienne et une nouvelle tranche de prêts a été débloquée en décembre de la même année. Quelques indices macroéconomiques semblent en effet s’améliorer : réserves en devises étrangères remontées à 38 milliards de dollars états-uniens, réduction du déficit budgétaire, baisse de l’inflation qui retrouvait à la fin de l’année 2018 un taux situé entre 11 % et 13,5 %. Ces chiffres sont bien sûr à prendre en compte, mais ne signifient pas que l’économie égyptienne ait surmonté ses tensions, d’autant que la dette extérieure s’est considérablement creusée, atteignant environ 80 milliards de dollars états-uniens, c’est-à-dire près de 20 % du PIB. Diversification de l’économie et création d’une croissance inclusive restent des défis non résolus à ce jour. L’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi a cependant su redonner une forme de confiance en l’avenir de son économie, car le régime autoritaire réduit le risque-pays, et contribue à donner confiance aux créanciers et aux marchés.

Enfin, l’Égypte doit affronter un considérable défi démographique, sa population ayant doublé en moins de 40 ans. Forte aujourd’hui de quelque 95 millions d’habitants, elle pourrait compter de 140 à 170 millions d’individus en 2050. Ces difficultés s’accumulent dans un pays dont seulement 5 % à 6 % de la totalité de la superficie sont « utiles » — la vallée du Nil, au long de laquelle s’est concentré l’essentiel de la population, de l’agriculture et des industries. La question est donc de savoir comment mettre en valeur le reste du territoire, ce qui nécessite des investissements considérables ; cet objectif constitue l’un des principaux défis que les autorités doivent relever dans le court terme.

On le voit, les réformes constitutionnelles renforçant les pouvoirs du raïs ne permettront pas à l’Égypte de surmonter les défis structurels auxquels le pays est confronté. Une nouvelle vague de contestation y est ainsi potentiellement envisageable.

« Trump veut mettre à genou l’Iran »

IRIS - Tue, 23/04/2019 - 17:23

Directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), où il est spécialiste des problématiques énergétiques, Francis Perrin analyse dans une interview au Point les conséquences de la décision américaine pour l’Iran et le marché mondial.

Avec la fin des exemptions, entrons-nous dans une nouvelle phase de pression sur Téhéran ?

Il s’agit certainement d’une phase nouvelle, car huit pays bénéficiaient jusqu’à aujourd’hui d’une exemption sur les achats de pétrole iranien : cinq en Asie (Chine, Inde, Japon, Corée du Sud, Taïwan) et trois en Europe (Grèce, Italie, Turquie). Or, à partir du 2 mai, il n’y en aura plus du tout.

Les États-Unis peuvent-ils réussir à réduire à néant les exportations iraniennes de brut comme ils l’affirment ?

Ceci est loin d’être acquis, mais il y aura forcément une diminution significative des exportations iraniennes de pétrole. À mon sens, l’objectif « 0 exportation » est davantage un affichage politique. L’idée est de mettre l’Iran à genou et frapper le point clé que constitue le pétrole pour la République islamique en diminuant le plus possible ses ventes. Mais je doute que plus personne n’achète de pétrole iranien.

Quel est l’effet de cette décision sur l’économie iranienne ?

Cette nouvelle phase est très négative pour l’Iran, qui a déjà vu ses exportations baisser significativement depuis le retrait de Donald Trump de l’accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement des sanctions extraterritoriales américaines. Le volume d’exportations est en effet passé de 2,5 millions de barils par jour à environ 1,1 million de barils par jour aujourd’hui. C’est considérable, d’autant que les ventes de pétrole représentent de 60 à 70 % des exportations iraniennes. L’impact des sanctions sur l’économie iranienne, déjà très important jusqu’ici, va donc être renforcé.

Les pays visés pourraient-ils refuser de céder aux pressions américaines ?

Sur les huit pays qui bénéficiaient d’exemptions, il y en a peu qui puissent résister aux sanctions extraterritoriales américaines. Taïwan, le Japon et la Corée du Sud sont des alliés des États-Unis et on voit mal ces pays dire «  non  » à Washington. Il en va de même de la Grèce et de l’Italie. Pour ce qui est de la Turquie (qui a annoncé qu’elle continuerait à commercer avec Téhéran, NDLR), le volume de pétrole qu’elle achète à l’Iran n’est pas significatif. Il n’y a donc que la Chine et l’Inde qui, en tant que puissances, puissent braver les injonctions des États-Unis, notamment Pékin. La Chine est à mon sens un point clé.

La Chine, grand importateur de pétrole iranien, pourrait-elle ne pas se soumettre à la décision américaine ?

Du point de vue chinois, l’Iran peut être considéré comme une carte dans la partie de poker entamée avec les États-Unis. Il existe des intérêts énormes entre les deux pays, notamment sur le plan commercial, car Washington taxe 250 milliards de dollars d’exportations chinoises vers les États-Unis, ce qui est préoccupant pour Pékin. De la même manière, les entreprises chinoises sont très présentes aux États-Unis. Par conséquent, si la Chine peut se permettre de dire « non » aux États-Unis sur le pétrole iranien, elle doit tout de même tenir compte des menaces de sanctions américaines.

L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont indiqué leur souhait de compenser la baisse du pétrole iranien sur le marché. Est-ce réaliste ?

Cette annonce était attendue et c’est tout à fait logique. Riyad et Abu Dhabi partagent avec Washington l’objectif stratégique d’affaiblir l’Iran, ce qui passe par des sanctions contre son pétrole. Ces deux pays ne peuvent donc qu’apprécier ce que réalise Donald Trump. Au contraire, ils avaient très peu goûté au rapprochement qu’avait entamé Barack Obama avec l’Iran, et qui s’était concrétisé par la signature de l’accord sur le nucléaire iranien. Aujourd’hui, Donald Trump fait beaucoup pour plaire aux Saoudiens, ce qui mérite de leur part un renvoi d’ascenseur. Par ailleurs, Riyad et Abu Dhabi disposent de suffisamment de capacités pétrolières non utilisées pour introduire d’importants volumes de pétrole sur le marché. Il y a donc à la fois une volonté d’aider les États-Unis, et les capacités de le faire.

On assiste à une augmentation du cours du pétrole. Risque-t-on une flambée des prix ?

Le cours du baril de brent a augmenté de près de 3 %, pour atteindre 74 dollars, ce qui était inévitable. Mais il y a clairement une volonté de Washington de limiter les dégâts. L’objectif est de convaincre le marché que les prix ne vont pas flamber. Pour ce faire, les États-Unis ont indiqué qu’ils allaient augmenter leur production, ce qu’ils font par ailleurs depuis dix ans avec leurs énergies non conventionnelles (pétrole de schiste). Là-dessus, Donald Trump sait qu’il bénéficie du soutien des industriels américains. Washington a également souligné qu’il bénéficiait de l’accord de l’Arabie saoudite, et des Émirats arabes unis pour utiliser leurs capacités de production non utilisées. Les pétroles américain et saoudien sont donc les deux joyaux de la couronne pour que les prix du pétrole ne flambent pas avec la chute du pétrole iranien.

La France face à ses défis

IRIS - Tue, 23/04/2019 - 16:37

Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), répond à nos questions à l’occasion de sa participation aux Internationales de Dijon, le 6 avril 2019 :
– La France est-elle encore en mesure de peser sur la scène internationale ? À quels défis doit-elle répondre pour continuer à peser ?
– Quelles sont les grandes puissances spatiales aujourd’hui ? Se dirige-t-on vers une guerre de l’espace ?
– Comment la France et l’Europe se positionnent-elles sur ces enjeux ?

Inside the Russian digital domain

DIIS - Tue, 23/04/2019 - 12:55
Plug in, plug out

Le "capitalisme de surveillance" n’est pas une fatalité

Institut Montaigne - Tue, 23/04/2019 - 12:15

Il y a six mois, Shoshana Zuboff publiait le livre The Age of Surveillance Capitalism : the Fight For a Human Future at the New Frontier of Power alors que le monde numérique subissait depuis quelques temps des critiques virulentes quant à l’utilisation des données personnelles par ses acteurs les plus connus. Entre…

Bilan de la 8ème législature du Parlement européen

Fondation Robert Schuman / Publication - Tue, 23/04/2019 - 02:00
A. Un Parlement en évolution contrôlée 1/ Recomposition du paysage politique Rupture entre les deux principaux groupes : PPE et S&D Politiquement, le fait marquant de cette législature est la fin, à mi-mandat de la "grande coalition" entre les deux principaux groupes, le Parti populaire eu...

A la une !, Europe : Ce que les candidats ne vous diront pas

Fondation Robert Schuman / Actualités - Tue, 23/04/2019 - 02:00
A l'heure où la campagne européenne s'engage dans les Etats pour le scrutin des 23-26 mai prochains, Jean-Dominique Giuliani rappelle les atouts de l'Union européenne qui sont bien plus nombreux que ce que l'on croit.

Elections, Election présidentielle en Lituanie

Fondation Robert Schuman / Actualités - Tue, 23/04/2019 - 02:00
Les Lituaniens sont appelés aux urnes le 12 mai prochain pour le premier tour de l'élection présidentielle. Le scrutin devra désigner le successeur de la présidente de la République, Dalia Grybauskaite, en poste depuis 2009, qui achève son deuxième mandat à la tête de la Lituanie et ne peut donc pas se représenter, la Constitution interdisant de concourir pour plus de deux mandats consécutifs. Neuf personnes sont en lice. Si aucune d'entre elles ne recueille plus de la moitié des suffrages exprimés, un deuxième tour aura lieu le 26 mai prochain, jour où se tiendront également les élections européennes.

Fondation, Un site pour tout savoir sur les élections européennes

Fondation Robert Schuman / Actualités - Tue, 23/04/2019 - 02:00
Dans un mois, du 23 au 26 mai, les Européens sont invités à élire leurs députés européens pour les cinq prochaines années. La Fondation Robert Schuman propose un site internet dédié pour mieux comprendre le scrutin et ses enjeux, et suivre la campagne dans les États membres, avec les listes en présence.

Commission, Débat sur la politique sociale de l'Union

Fondation Robert Schuman / Actualités - Tue, 23/04/2019 - 02:00
La Commission a annoncé le 16 avril engager un débat sur la politique sociale de l'Union et les moyens de rendre la prise de décision plus efficace dans ce domaine. L'un des changements envisagés est le recours accru au vote à la majorité qualifiée pour la politique sociale, afin de permettre des prises de décision plus rapides. Cela pourrait d'abord concerner la lutte contre les discriminations et s'étendre plus tard aux domaines de la sécurité sociale et de la protection des travailleurs. Pour que ces changements entrent en vigueur, le Conseil européen devrait les approuver à l'unanimité puis les parlements nationaux et le Parlement européen devraient donner leur accord.

Commission, Amérique latine et Caraïbes : unir nos forces pour un avenir commun

Fondation Robert Schuman / Actualités - Tue, 23/04/2019 - 02:00
Le 16 avril, la Commission a fait une communication sur les relations entre l'Union européenne, l'Amérique latine et les Caraïbes. Dans l'espace atlantique élargi, l'Union souhaite élargir sa coopération et renforcer ses partenariats avec l'Amérique latine et les Caraïbes en se concentrant sur quatre priorités - prospérité, démocratie, résilience et gouvernance mondiale efficace - pour un avenir commun.

Commission, Jusqu'à 12 milliards $ de taxes en riposte aux Etats-Unis

Fondation Robert Schuman / Actualités - Tue, 23/04/2019 - 02:00
L'Union européenne a dévoilé le 17 avril une liste de biens manufacturés aux États-Unis qui pourraient être taxés jusqu'à hauteur de 12 milliards $ allant du ketchup aux pièces détachées de voiture, en guise de "contre-mesures" aux subventions américaines à Boeing. L'Union européenne cible ainsi des taxes douanières "équivalant aux dommages estimés causés à Airbus par l'aide américaine à Boeing", explique la Commission européenne dans un communiqué.

Commission, Mission d'évaluation sur le glyphosate

Fondation Robert Schuman / Actualités - Tue, 23/04/2019 - 02:00
Quatre pays – la France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède – ont été désignés le 15 avril par l'ensemble des Etats membres pour être en charge d'une évaluation du glyphosate. La licence de cet herbicide controversé avait été renouvelée par l'Union en décembre 2017, pour une période de cinq ans. Son autorisation court donc jusqu'en décembre 2022 et les entreprises souhaitant la poursuivre au-delà de cette date devront déposer une demande de renouvellement trois ans avant l'échéance, soit d'ici la fin de l'année. Le nouveau groupe d'évaluation du glyphosate devra étudier ces dossiers de demande et préparer un projet de rapport soumis à l'Agence européenne pour la sécurité des aliments (Efsa).

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