(B2) C’est une information débusquée par mon collègue allemand Thomas Wiegold. La police de la route allemande a bloqué, mercredi (10 janvier), un convoi militaire transportant plusieurs engins blindés US. Un exemple type pour illustrer la problématique de la difficulté de mobilité des moyens militaires en Europe, explique-t-il sur son site Augengeradeaus.
Lors d’un contrôle sur un transport exceptionnel sur la A4, qui était sur l’aire de repos de Oberlausitz Nord (entre Dresde et Görlitz, la frontière polonaise), la police de la circulation (sans doute averti par quelques automobilistes mécontents) a stoppé un convoi de plusieurs poids lourds ramenant, pour le compte de l’armée américaine, six canons automoteurs de type M109, de Pologne (*).
Le récit fait par la police du Land de Saxe vaut son pesant d’or… Le contrôle des policiers s’est avéré très positif. Il relève même d’un vrai festival en matière de manquement à la circulation des poids lourds, puisqu’au moins quatre chefs d’infractions ont été relevés par les policiers. 1° les semi-remorques utilisées par la société étaient tous inappropriés. 2° Les documents et les dispenses nécessaires manquaient. 3° La charge était trop large et, surtout, beaucoup trop lourde, jusqu’à 16 tonnes. En « surcharge » selon la police. 4° certains des routiers avaient dépassé leurs temps de conduite et de repos.
Après avoir dressé cette « longue liste » de PV, les pandores ont « interdit la poursuite du voyage jusqu’à ce que les véhicules appropriés soient disponibles, les autorisations nécessaires et toutes les conditions requises ». La direction du Land « va s’occuper de l’affaire » dorénavant. Et des « amendes appropriées seront infligées aux chauffeurs routiers et aux routiers concernés ».
Commentaire : cette aventure pose la question du transport des biens militaires. D’une part, les forces armées qui transitent sur les routes « civiles » se doivent de respecter toutes les règles du code de la route (et doivent le faire respecter à leurs cocontractants), notamment les temps de repos. D’autre part, dans quelle mesure ces règles ne peuvent-elles pas être aménagées pour les convois militaires, dans certaines circonstances. Quid du contrôle… C’est tout l’enjeu du projet de « mobilité militaire » que mènent actuellement de concert la Commission européenne, l’Agence européenne de défense, les États membres (dans un des projets menés au titre de la Coopération structurée permanente) et l’OTAN.
(NGV)
(*) Et non des chars comme improprement appelés dans une première version)
Lire aussi :
Opération Triton (crédit : Frontex)
(B2) En 2017, le nombre de détections de passages clandestins de frontières dans l’Union européenne a largement diminué pour la deuxième année consécutive en raison de la diminution du nombre de migrants arrivant en Italie et en Grèce, selon le rapport de l’agence européenne Frontex qui vient d’être publié.
Une chute de près de deux tiers
D’après les premières données, il y a eu ainsi « quelque 204.300 passages illégaux à la frontière en 2017, soit 60 % de moins que l’année précédente ». C’est la route centrale — en provenance de Libye – qui fournit l’essentiel des migrants (119.000 détections). Mais c’est la route occidentale, face à l’Espagne, qui inquiète le plus les garde-frontières européens : le nombre de migrants irréguliers détectés à ses frontières de la Méditerranée occidentale plus que doubler (à 22.900 détections). Et on note une certaine reprise, qui reste encore limitée face à la Grèce (41.700 détections).
La route de la Méditerranée centrale
Chute de migrants en provenance de Libye
La chute soudaine du nombre de migrants irréguliers arrivant en Italie au milieu de l’année 2017 est sans doute « le développement le plus important aux frontières extérieures de l’UE depuis la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie en mars 2016 » souligne-t-on à l’agence européenne. Après que les totaux mensuels du premier semestre 2017 étaient, peu ou prou, ceux de l’année précédente, les chiffres ont chuté soudainement à partir de juillet. Le total pour l’année est estimé à 119.000.
En provenance d’Afrique de l’Ouest
Ce sont les Nigérians qui représentaient le plus grand nombre d’arrivées sur la route de la Méditerranée centrale — soit environ un migrant sur sept – suivis par les Guinéens et Ivoiriens. NB : Un changement assez net par rapport à ce qu’on constatait au début de cette vague migratoire en 2015, où nombre de personnes (demandeurs d’asile essentiellement provenaient d’Afrique de l’Est ou de Syrie.
Route de la Méditerranée orientale
Face à la Grèce, le mur turc tient…
Aux frontières extérieures de l’UE avec la Turquie (en Grèce ou en Bulgarie essentiellement), la pression migratoire en 2017 est restée « à peu près au même niveau » que l’année précédente après la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie.
… à peu près
Toutefois, le nombre de détections au second semestre a été supérieur à celui de la même période en 2016. Cela reflète selon Frontex « les efforts continus des groupes de contrebande pour contourner la surveillance des frontières malgré l’engagement soutenu des autorités turques en faveur de la gestion des frontières ». NB : ou un petit relâchement de la surveillance turque.
Syriens et Irakiens
En 2017, il y a eu environ 41.700 détections de passages illégaux aux frontières maritimes et terrestres, « soit moins d’un quart du total en 2016 ». Les Syriens et les Irakiens restent les deux premières nationalités arrivées en Grèce l’année dernière sur cette route de la Méditerranée orientale. NB : C’est-à-dire en grande partie des personnes qui peuvent prétendre remplir certaines conditions pour le droit à l’asile.
La route de la Méditerranée occidentale
Une pression accrue
Alors que les deux autres routes maritimes clés vers l’Europe ont connu une baisse de la pression migratoire en 2017, le nombre de migrants détectés arrivant en Espagne en provenance d’Afrique du Nord a atteint un nouveau record de près de 22.900. C’est plus du double du record de 2016, et le plus haut niveau depuis que Frontex a commencé à collecter systématiquement des données en 2009.
Des Algériens et Marocains
Une bonne partie de cette immigration est locale. Près de 40% des migrants sont des ressortissants algériens et marocains, dont le nombre est en hausse depuis le milieu de l’année 2017. Les autres migrants venaient d’Afrique de l’Ouest (Ivoiriens notamment).
Situation dans le Rif marocain et plus gros bateaux
En cause, la « situation dans la région du Rif marocain, principal pays de transit pour les migrants en direction de l’Espagne » et « l’utilisation croissante de bateaux de grande capacité capables de transporter un grand nombre de migrants » qui ont créé « la possibilité d’un plus grand nombre de départs de la côte ouest au cours du second semestre ».
(NGV)
NB : Les autres routes des Balkans (environ 12.000 détections) — empruntée surtout par des Pakistanais et Afghans – et Est (moins de 1000 détections) — empruntée par Vietnamiens, Ukrainiens et Russes – ne sont pas reprises dans ce rapport succinct
Télécharger le tableau statistique détaillé (fichier XLS) – Janv – Nov 2017 indiquant routes et nationalités depuis 2009
(B2) L’Alliance atlantique pourra désormais se décliner en notes de musique. L’OTAN a, en effet, adopté son hymne officiel « pour la première fois de son histoire » indique un communiqué de l’Alliance publié en ce début d’année.
Cuivres et caisse claire
Cet hymne, d’une durée de 1’30 écrit par l’ancien chef d’orchestre de la Musique militaire luxembourgeoise, André Reichling, est marqué par une nette présence des cuivres (trois saxophones, deux cornets, deux trompettes, trois trombones, 1 tuba, 1 cor, 1 cor baryton) et percussions (caisse claire). Quelques instruments à vents (piccolo, flûte, hautbois, trois clarinettes) atténuent son côté martial lui donnant un air assez agréable à écouter. On pourrait presque le fredonner le matin sous la douche.
http://www.bruxelles2.eu/wp-content/uploads/2018/01/hymneofficiel-@otan161104.mp3Un petit air à fredonner ?
Vingt instruments de musique ont, en effet, été convoqués selon la version officielle. On retrouve des montées de gammes, assez proches des canons de Pachenbel, marqués par des ruptures de tonalité, avec un zeste un rien nostalgique du God Save the Queen, lui donnant un air presque sucré, et un petit côté musique de chambre italienne. Pas tout à fait étonnant pour qui connait le compositeur. Aujourd’hui à la retraite, avec le grade de lieutenant-colonel, André Reichling a, en effet, arrangé de nombreuses compositions d’artistes, aussi variés que Rossini, Gershwin, Strauss, Mendelssohn ou Dvorak.
Sans paroles pour éviter les couacs
Cet hymne n’a pas de paroles. Ce qui lui garantit un certain caractère universel et évite bien des couacs musicaux… et diplomatiques. Cela épargne de se poser la question du texte à accompagner – ce qui aurait encore nécessité de longues années de palabre – ou de la langue. D’un point de vue pratique, cela facilite surtout son interprétation. Inutile de convoquer des choeurs ou d’obliger les « officiels » à le chanter.
Une longue suite d’essais pas concluants
Cette décision met fin à un long vide. Ce n’est cependant pas faute d’essais. Mais ceux-ci n’ont pas vraiment été concluants. Les premières propositions, recensées, pour un hymne de l’OTAN remontent, en fait, à la fin des années 1950, pour la préparation du dixième anniversaire de l’Alliance.
En 1958, le diplomate britannique Sir Thomas Hildebrand Preston écrit ainsi une marche de cérémonie de l’OTAN pour accueillir les visiteurs au siège de l’OTAN à Paris (1). Cela ne rencontre pas vraiment l’assentiment général.
En 1959, nouvel essai. Un orchestre et une chorale interprètent un « Nato Song » au dixième anniversaire de l’OTAN, composé par le capitaine Hans Lorenz de l’armée de l’air allemande, avec les paroles des capitaines néerlandais, Stephanus van Dam et Leon van Leeuwen (en anglais et en allemand). La partition ne passe pas le cap des années…
L’organisation n’est pas vraiment chaude. Ainsi une certaine madame Knollmann de Virginie qui avait proposé une composition « NATO nations » pour le commandement de Norfolk reçoit une fin de non-recevoir. « Malheureusement, l’Organisation n’est pas capable d’accepter ou de reconnaitre aucun hymne comme hymne officiel de l’OTAN. La même position est applicable aux différents commandements de l’OTAN notamment l’Allied Command Atlantic de Norfolk en Viriginie » est-il écrit dans une missive conservée dans les archives de l’Alliance.
En 1960, c’est le chef de l’armée de l’air du Royaume-Uni, Sir Edward Chilton, lui-même qui s’y colle. Il propose un hymne de l’OTAN arrangé par le chef d’escadron J.L. Wallace, combinant dans une sorte de « pot pourri » les quinze hymnes nationaux des États membres de l’OTAN de l’époque. Cela ne convainc pas vraiment tout le monde.
En 1989, la composition du capitaine Reichling, réalisée pour le quarantième anniversaire de l’OTAN, connait un sort plus heureux. Sa composition devient de facto l’hymne de l’OTAN. Elle est ainsi jouée à de nombreuses reprises, lors des événements de l’OTAN, par exemple lors de la cérémonie d’adhésion de l’Albanie et de la Croatie en 2009 (voir ici le programme) ou lors du dernier sommet (en présence de Donald Trump) en mai 2017. Mais pour franchir le pas de l’officiel, il faudra encore du temps, presque trente ans pour que l’Alliance se décide à en faire officiellement son hymne.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Un personnage ! Né en 1886, mariée à une Allemande de bonne noblesse, Henrietta von Shickandantz, Thomas Hildebrand Preston est nommé vice-consul britannique à Ekaterinbourg en Russie en 1913. La guerre civile russe le fait partir. Il évacué vers Vladivostok pour y effectuer des tâches de renseignement en 1919. Après un retour dans son pays natal, il revient sur les terres (soviétiques), comme consul britannique à Petrograd / Leningrad, en 1922, il y reste jusqu’à la rupture des relations diplomatiques en 1927. Il est nommé en 1929, consul à Kaunas auprès du gouvernement lituanien. Poste qu’il exerce durant plus de dix ans. Au tout début de la seconde guerre mondiale, il aide plusieurs centaines de juifs lituaniens à fuir vers la Palestine, leur procurant des documents de voyage, de façon plus ou moins légale, en passant par la Turquie. Il sera ensuite poste au Caire de 1941 à 1948.
(B2 – exclusif) A l’heure où la France se rappelle des attentats de Charlie Hebdo et de l’hypercacher en janvier 2015, B2 a rencontré longuement Gilles de Kerchove (*). Ses analyses sont toujours écoutées avec attention.
Le coordinateur européen de la lutte anti-terroriste, en poste depuis désormais dix ans, abandonne une certaine prudence qui le caractérise normalement et se prononce pour franchir de nouvelles étapes au niveau européen. A défaut d’une agence européenne de renseignement, il préconise de s’en rapprocher : renforcer la plate-forme d’échange de renseignements, au sein d’Europol, utiliser davantage tous les « capteurs » dont dispose l’Union européenne à l’étranger, doter le futur procureur européen de compétences en matière de terrorisme. Bref, l’Union européenne devrait, à terme, devenir, un fournisseur de sécurité, tout en gardant un rôle de soutien aux États membres.
On pourrait créer un FBI ou une agence de renseignement à l’européenne comme le proposent certains responsables européennes ?
On peut avoir une ambition de long terme. C’est ce qu’a exprimé le président de la Commission dans son discours sur l’état de l’Union en disant qu’il voulait à terme une unité dans le renseignement ou un partage automatique. Mais l’Union ne se construit pas en un jour. Aujourd’hui, le défi c’est s’assurer que les États membres alimentent, de façon systématique, les bases de données européennes (SIS, Europol, Eurojust, etc), et les utilisent, de manière systématique. (…) Et la question posée aujourd’hui est de savoir dans quelle mesure la plate-forme de renseignement, créée il y a un an, dans laquelle les États membres échangent de plus en plus d’informations entre eux et font des analyses entre eux, peut être rapprochée d’Europol…
Europol, le noyau d’une future agence de renseignement ?
Pour moi, Europol n’est pas qu’une agence de police, c’est un hub de l’information sécuritaire. Rien n’empêche aujourd’hui un service de renseignement de participer à Europol, de devenir une autorité compétente. Cinq États ont d’ailleurs déjà une agence de renseignement permanente auprès d’Europol.
Partager du renseignement reste complexe cependant ?
Il y a un certain nombre de contraintes liées au monde du renseignement : la règle du tiers (si les Américains donnent une information, vous ne pouvez pas la donner automatiquement, etc), certains règles de coopération internationale. Ce qui fait que c’est plus compliqué au niveau du renseignement. Mais je pourrais m’imaginer que [cet échange de renseignements au niveau européen] se fasse de plus en plus. C’est sans doute une vision de plus long terme. On peut envisager des étapes supplémentaires. L’Union construit ses capacités en matière de défense, développe sa politique étrangère. On ne pourra pas à très long terme se contenter, comme aujourd’hui, d’un IntCent [NB : le centre d’analyse du renseignement situé au sein du SEAE] …
… L’IntCen n’est pas suffisant ? Il faut d’autres capacités au niveau européen ?
(…) L’analyse du renseignement s’est améliorée considérablement. Mais, à un moment donné, si l’Europe veut jouer un rôle important, elle devra aussi se doter de capacités autonomes. Quand on voit la quantité d’informations qu’engrange la Commission européenne dans ses différentes fonctions, le déploiement de ses diplomates, avec des experts en terrorisme dans une quinzaine de délégations, on est en train de se professionnaliser de plus en plus.
…Cela signifie avoir des capteurs à l’étranger ?
Oui, des capteurs supplémentaires. Vous avez aussi beaucoup de sources ouvertes qui vous fournissent de l’information. Inévitablement, à terme, l’Europe sera producteur de renseignements.
Un pas est franchi. Mais peut-on dire que l’Europe est passé d’observateur de la sécurité à un acteur réel de la sécurité ?
Il faut être clair. Même si on a fait de la sécurité intérieure, dans le Traité de Lisbonne une compétence partagée, même si on a la méthode communautaire — ce qui est un changement considérable depuis l’époque de Maastricht et d’Amsterdam –, même si on est en train de mettre en place un procureur européen, il n’y a pas de dimension proprement fédérale. Europol ne peut pas, par exemple, de manière autonome, déclencher une enquête et arrêter des gens. Nous sommes toujours en soutien des États membres et nous le restons.
Ce procureur européen est chargé uniquement de la protection des intérêts financiers, faut-il aussi lui confier les grandes affaires terroristes, comme le Traité le permet ?
Ce serait une bonne idée. (…) Il faut réserver les entités les plus efficaces aux crimes les plus odieux ou les plus complexes. Mais ce n’est pas simple. Quand on voit que pour créer ce poste de procureur, juste pour la protection des intérêts financiers de l’Union, il a fallu recourir à la coopération renforcée. Je ne pense pas qu’il y ait aujourd’hui l’unanimité des États membres en faveur d’un parquet européen contre le terrorisme.
(propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)
(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde)
(*) L’entretien a été enregistré en face-à-face, dans les locaux du Conseil de l’UE à Bruxelles, en marge du Conseil des affaires étrangères, le 11 décembre. Il a été publié en deux parties sur B2 Pro :
Ainsi que dans Sud-Ouest dans une version courte, consacrée davantage à la lutte anti-daech et aux revenants.