(B2) Avec Donald Trump, les Européens héritent d’un ami encombrant, imprévisible, qui incarne des vieilles valeurs, qui ne les aime plus. Une menace en soi. C’est le sens de l’ouvrage que vient de sortir notre confrère Maroun Labaki (ancien du Soir). Après le constat, on peut avoir plusieurs manières de réagir : courber l’échine, vociférer… ou agir ensemble. C’est cette troisième voie que préconise Maroun.
Pour lui, les Européens sont aujourd’hui placés face à leurs responsabilités. En matière de défense, de sécurité intérieure, d’innovation et de recherche notamment, ils n’ont plus d’autre choix que de se réunir et d’acquérir l’autonomie nécessaire.
Sur la défense, son constat rejoint en grande partie celui de B2 : les moyens sont atomisés, les investissements dispersés, la capacité d’agir reste limitée (encore plus avec le Brexit). L’Europe n’est pas impuissante, elle se rend impuissante.
Cette impuissance peut se manifester rapidement en matière économique. Même dans leurs domaines d’excellence, comme la recherche, les Européens doivent prendre attention. Ils sont désormais dépassés par certains pays comme la Chine. En conclusion, pour l’auteur, « demain, la souveraineté sera européenne ou ne sera pas. Notre salut sera européen ou ne sera pas ».
Le livre est court, bien écrit. Il se lit vite. Mais il est dense. Maroun a choisi quelques exemples précis où il démontre cette nécessité européenne, à l’aide de chiffres mais aussi de souvenirs journalistiques et d’émotions personnelles. Ce qui rend ce livre très attachant, au-delà des idées qu’il promeut.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Ed. La Boite à Pandore, 13,90 euros, env. 120 pages.
(B2) Donald Trump et le Brexit contraignent les Européens à procéder à un examen approfondi de la situation en ce qui concerne les questions de défense. Or, force est de constater que par-delà la nouvelle donne géostratégique en train de s’établir, le plus important n’est peut-être pas l’arrivée de nouveaux leaders et de nouvelles politiques, mais les évolutions technologiques sous-jacentes.
Le poids de l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle va transformer nos vies avec une rapidité et une intensité que nous avons encore du mal à imaginer. Elle va bouleverser la façon de penser la guerre, notamment dans les domaines de l’aviation de combat, du combat terrestre, de la guerre navale, de la cyberguerre et peut être même dans l’élaboration de la stratégie. Les entreprises américaines, ont acquis dans ce domaine une avance considérable et les investissements qu’elles y consentent sont massifs.
L’initiative d’innovation de défense
Avec ou sans l’initiative d’innovation de défense, plus connue sous le nom de ‘third offset initiative’, ces entreprises, en particulier les géants du net qui disposent de trésorerie colossale accélèrent. Si nous ne faisons rien, les entreprises européennes seront déclassées dans cinq ans tout au plus. Face à cette situation que fait l’Europe ? Ou plus exactement que faisons-nous, car nous sommes l’Europe ?
Pour être respectée …
… L’Europe doit être respectable, c’est-à-dire honorer les engagements souscrits dans le cadre de l’OTAN en 2014 en portant progressivement l’effort de défense des États à 2% du PIB et à 20% de ces dépenses en équipements militaires. Mais ne nous faisons pas d’illusion, le fait de respecter un par un ces engagements ne résoudra pas nos problèmes.
Pour être respectée, l’Europe doit aussi être autonome. Nous devons cesser de gémir et attendre que les affaires du monde se règlent en dehors de nous. Nous devons prendre notre destin entre nos mains, comme nous y invite la Chancelière allemande. La pire des solutions serait de rester inerte et d’attendre que les cieux redeviennent cléments.
Cessons d’avoir peur et rouvrons les traités
Chacun à Bruxelles, au niveau de l’Union européenne, parle de la coopération structurée permanente, c’est-à-dire une avant-garde d’États membres capables de se donner les moyens de constituer entre eux une capacité autonome reposant sur des moyens militaires crédibles. C’est précisément ce dont nous avons besoin. Pour l’établir, il suffit d’appliquer les traités et de la signature de deux États qui le peuvent et qui le veulent. Si la volonté est là, cette disposition peut être établie en trois mois. Et si cela ne convient pas… alors faisons autre-chose. Cessons d’avoir peur de notre ombre et disons qu’il faudra sans doute rouvrir les traités sur certaines questions, en particulier la défense.
Le moment est venu de nous rappeler d’oser et de montrer à l’Amérique de M. Trump qui nous sommes et ce que nous valons.
Frédéric Mauro
Avocat aux barreaux de Paris et de Bruxelles, établi à Bruxelles
Conseil pour les questions de défense
Le Club européen de la Presse francophone et B2 vous invite à une « causerie » avec Pierre Vimont, vendredi 2 juin, à 12h30, à l’excellentisme Press Club Brussels Europe, autour de la parution de notre ouvrage sur la PSDC, coécrit par Nicolas Gros-Verheyde et André Dumoulin, Ce sera l’occasion de parler des défis actuels, et futurs, de l’Europe de la défense, de ses atouts et de ses difficultés.
C’est aussi une opportunité d’écouter un diplomate émérite, expérimenté. On ne présente plus Pierre Vimont. Il a été directeur de cabinet de plusieurs ministres, représentant permanent auprès de l’UE, ambassadeur de France à Washington, et enfin le premier secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure, le service diplomatique européen créé en 2011. Ce qui n’était pas une sinécure ! Il vous racontera.
Notez bien : vendredi 2 juin 2017, 12h30
Lieu: Press Club Brussels Europe, 95, rue Froissart, 1040 Bruxelles
(à deux pas du rond point Schuman)
Vous pourrez y découvrir notre ouvrage et l’emporter au prix « adhérent ». Venez nombreux. Inscrivez-vous ici.
A noter, B2 sera à Strasbourg, au Club de la presse, le 14 juin, à 8h30, et à Lille le 29 juin, à 14h00, aux Ateliers de la citadelle, pour présenter notre ouvrage.
(NGV)
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Emmanuel Macron passe les troupes en revue (Crédit: @EmmanuelMacron )
(B2) S’il y a un chef des armées, c’est bien Emmanuel Macron. Le président français l’a martelé lors de sa visite de l’opération Barkhane au Mali, sa première visite à l’étranger (hors berlin) était pour les troupes engagées au Sahel. Et son positionnement se veut robuste. « On ne peut pas manifester quelque faiblesse que ce soit à l’égard de mouvements terroristes »
Un chef de guerre protecteur mais exigeant
« Vous êtes nos sentinelles, notre rempart contre les débordements du terrorisme et du fanatisme. Ici, vous êtes l’avant-garde de la République » a affirmé le président, à Gao, ce vendredi 19 mai. Un discours d’encouragement aux troupes mais aussi toute une gestuelle pour montrer qu’il a les épaules d’un chef de guerre et assoir son autorité. « Je protégerai l’institution militaire. Je la guiderai dans nos interventions. Ma confiance en vous est totale. Je serai pour nos armées un chef exigeant, lucide, toujours présent. Je ne risquerai pas vos vies pour rien. » Les images parlent d’elles-mêmes : survol à basse altitude, casque sur les oreilles, de la base militaire des forces françaises, discours avec le dessert de fond, salut et selfies avec les soldats, repas partagé au mess
L’engagement français au Sahel se maintient
« L’opération Barkhane ne s’arrêtera pas tant que le terrorisme ne sera pas éradiqué » dans la région sahélienne. Au niveau militaire « nous serons intraitables. Nous avons besoin de poursuivre et d’accroître notre engagement. [Il] restera de haute intensité ici au Sahel comme dans d’autres opérations. » Il a également mis l’accent sur « le continuum » entre l’action de Barkhane et le développement « pour assécher les raisons d’être du terrorisme ». Emmanuel Macron veut aller vite. Il a déjà annoncé le déblocage de 470 millions d’euros d’aide pour la région. Reste à déterminer quelles conséquences cela pourra avoir pour l’opération Barkhane. Pour l’heure, a expliqué au Monde, Jean-Yves Le Drian, aujourd’hui ministre des affaires étrangère, « je ne lui ai pas présenté d’options, je laisse le président se faire une idée de la situation ».
« Tout ce qui est fait sur le terrain serait éphémère si nous n’étions pas décidés à investir dans les infrastructures ou l’éducation. Je veux agir vite, fort et de manière déterminée sur le plan politique et militaire, et agir dans la durée sur le plan du développement. Les terroristes prospèrent sur la misère. Nous avons un travail de développement de long terme à conduire. »
Les Européens doivent s’impliquer davantage
Au Sahel, les Européens sont arrivés dans « la continuité des efforts » français, pour Emmanuel Macron. S’il a salué « les décisions politiques courageuses » des Pays-Bas et de la Suède, qui « ont montré la voie » et de l’Allemagne – qui « a répondu présent et démontre aujourd’hui son sens des responsabilités et son esprit de solidarité » – il souhaite une « plus grande implication » des Européens dans l’engagement militaire au Sahel. Notamment de l’Allemagne. « Je souhaite que l’engagement allemand puisse s’intensifier. » Une question « longuement évoquée » avec la chancelière Angela Merkel lors de ses derniers entretiens. « Nous avons décidé de renforcer encore notre coopération en vue d’aider les pays de la région. » Il est ici question de « mois » car il faut d’abord « sortir du cycle des violences et créer les conditions d’une paix durable au Mali ».
Faites la paix « sans barguigner »
« Si nous voulons réussir au Sahel, nous devons dans le même temps gagner la guerre et gagner la paix. » Or cette paix, est aux mains des Maliens. Emmanuel Macron a exprimé une certaine impatience. A son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, venu l’accueillir, il demande un véritable effort pour « accélérer » la mise en œuvre « intégrale, rapide et cohérente » des accords de paix d’Alger. « On sait où sont les difficultés et ce que nous devons faire. Faisons-le sans barguigner. » Aux Maliens de « prendre – eux aussi – leurs responsabilités ». Une « exigence renforcée » qu’il étend aux « pays du Sahel et à l’Algérie ». « Je n’enverrai pas nos soldats se faire tuer si tous les gouvernements responsables de la situation localement ne prennent pas l’intégralité de leur responsabilité. » NB : Au discours, s’ajoute la symbolique de cette visite, dédiée aux forces françaises et évitant tout passage par Bamako. Élément supplémentaire de pression.
Appel au renforcement du G5 Sahel
Emmanuel Macron a, en outre, annoncé qu’il participerait « dans les prochaines semaines » à une réunion du G5 Sahel sur la lutte contre les groupes djihadistes opérant notamment au Mali, et que la France renforcerait son engagement à ce titre « en lien très fort » avec l’organisation régionale. « Notre action doit permettre le développement, qui aide les États du Sahel à vivre mieux pour assécher les raisons d’être du terrorisme. Le chemin à parcourir est long : il suppose une feuille de route politique, diplomatique. » Et c’est de cela qu’il veut parler « franchement » avec les chefs d’États de la région.
(Leonor Hubaut)
Télécharger l’intervention d’Emmanuel Macron
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(B2) Le déplacement de Donald Trump à Bruxelles, pour son premier sommet de l’OTAN à Bruxelles, a été étudié au millimètre près, pour ne pas mettre en défaut le nouveau président américain, et éviter au maximum les gaffes possibles de l’imprévisible président. Au programme, beaucoup de show, pas trop de travail, d’après ce que B2 a pu savoir auprès de sources bien informées.
Pas trop de séance de travail
Aucune séance de travail trop longue n’a ainsi été prévue. Explication : le président a du mal à se concentrer et, au bout d’une heure, il s’ennuie. En revanche, des repas ont été organisés. Explication : le président adore, cela va comme un gant, il est très mondain. Donc… dès son arrivée tard dans l’après-midi, première visite, très protocolaire, avec le Roi Philippe de Belgique.
…et des repas
Jeudi, le président américain aura un entretien avec les dirigeants de l’Union européenne, le Polonais Donald Tusk (Conseil européen) et le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker (Commission européenne). Puis il déjeunera avec le président français Emmanuel Macron qui va bénéficier ainsi d’une véritable exclusivité qu’auront bien peu de dirigeants durant ce séjour. Et enfin un dîner réunira tous les leaders des 28 nations membres de l’OTAN.
Sans oublier l’immobilier
L’évènement clou du déplacement devrait cependant être la visite du nouveau site de l’OTAN. Les derniers engins de chantier sont en train de quitter le site, les engins de nettoyage les remplacent, on lave les dernières vitres, les podiums de presse ont été installés. L’ancien propriétaire de la Trump Tower adore cela, le bâtiment. Cela lui rappelle son métier de chef d’entreprise. Tout a été revu au peigne fin (ou presque) pour que le président américain puisse admirer cette beauté architecturale. Nul doute qu’il va demander : combien ça coûte ? et qui paie tout çà …
La presse à l’écart
Enfin, aucune conférence de presse n’a été organisée pour éviter un pilonnage en règle par la presse et, surtout, une quelconque sortie improvisée du président imprévisible, qui mettrait par terre tout l’échafaudage diplomatique, savamment conçu. Il lui restera cependant un instrument : tweeter, qui a l’avantage de pouvoir balancer autant de vacheries que l’on veut sans risquer un retour de boomerang et évite de répondre aux questions… Comme le disait récemment (1) Steven Ekovich, de l’université américaine de Paris, « Quand quelque chose de sensé sort de la Maison Blanche, on peut être sûr que ce n’est pas Donald Trump qui l’a rédigé. Mais après il sort un tweet qui est sa pensée. » Avec ce procédé, « il ne menace pas les États-Unis il se menace lui-même et son parti ».
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Lors des rencontres de l’IHEDN à Paris, samedi 20 mai