(B2) La nouvelle qu’un navire de pêche sud coréen, battant pavillon de la Mongolie, a été capturé par les pirates somaliens, ce samedi (27 mai), n’est pas exacte, a confirmé à B2 une source militaire européenne. « Ce navire est sain et sauf. Nous avons reçu confirmation que les nouvelles relatant le piratage d’un bateau de pêche sud coréenne est fausse ».
Fausse alerte
La Corée du Sud avait sonné l’alerte samedi après avoir perdu le contact avec ce gros navire, de 234 tonnes, alors que celui-ci se disait poursuivi par un bateau suspect, près des côtes somaliennes. Elle a ordonné à son navire Cheonghae de faire route vers la zone suspecte. Et trois avions (un P3 Orion allemand, japonais et indien) ont été mis en alerte. Ce dispositif a permis assez rapidement de rétablir le contact avec le capitaine sud coréen. L’équipage comportait 3 Sud Coréens et 18 Indonésiens.
Sans nouvelles d’un navire iranien
Quant au bateau de pêche iranien, capturé par les pirates, la situation est moins évidente. Ce navire, qui a à son bord 20 membres d’équipage, aurait été saisi par les pirates somaliens au large de Qandala mardi dernier (23 mai), puis emmené vers ce port du Puntland (la région autonome du nord de la Somalie, selon John Steed, responsable de l’Afrique de l’Est pour Oceans Behond Piracy (OBP), ainsi que le relatent l’AFP et Reuters. Or, jusqu’à présent cette capture n’a pas été confirmée par l’opération EUNAVFOR Atalanta. « Nous sommes en train de travailler avec les autorités somaliennes et nos partenaires de la lutte anti-piraterie pour obtenir le maximum d’informations concernant ce ‘possible’ incident. Aussi longtemps que ce n’est pas confirmé, cet incident n’est pas classé en acte de piraterie. »
La question délicate des navires iraniens …
Commentaire : les autorités européennes anti-piraterie ont toujours pris avec précaution les annonces de captures de navires de pêche iraniens. D’une part, l’Iran est le seul pays à ne pas faire partie de la coordination internationale anti-piraterie (qui rassemble aussi bien les Européens et Américains, les Russes et les Chinois ou les Coréens). Ce qui ne facilite pas les relations. D’autre part, les navires iraniens ont continué à faire la navette avec la Somalie, même dans les moments les sensibles de la piraterie. Enfin, chacun s’est interrogé sur certaines « captures » plus que douteuses. Certains navires (yémenites notamment mais aussi iraniens) ont ainsi été soupçonnés non pas d’avoir été otages des pirates mais consentants et affrétés par eux pour servir de bateaux-mères (et intéressés même aux captures).
… et de la pêche en eaux somaliennes
Ces incidents, mettant en cause de gros navires de pêche étrangers, sont aussi à mettre en relation avec la protection de la zone de pêche somalienne. Les eaux somaliennes semblent très prisées des navires de pêche de tout horizon, qui ne se privent pas d’aller dans ces zones très poissonneuses (1), sans vraiment s’inquiéter des droits à verser à la Somalie (2) ni du sort des populations locales qui voient ainsi avec crainte ces navires « piller » ce qu’ils considèrent comme leurs ressources.
Une piraterie assez artisanale
Quoi qu’il en soit, on assiste à une légère recrudescence actuellement des actes de piraterie au large de la Somalie. « C’est sans commune mesure avec ce que nous observions dans les années 2010. Nous sommes davantage face à un phénomène artisanal, d’opportunisme d’action » a indiqué à B2 un haut gradé européen. « Mais nous devons rester vigilants face à ces mouvements. La piraterie somalienne n’est pas totalement éradiquée. La reprise d’actions à l’échelle industrielle, menée par des réseaux criminels, très bien organisés, reste toujours possible. »
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Des eaux naturellement riches en faune de toute sorte et, encore plus, après des années de « jachère » dues à la piraterie.
(2) La Zone économique exclusive somalienne prête encore à discussion
Quand Macron et Merkel jouent un bon tour à Trump qui en reste baba (Images : OTAN / séquençage B2)
(B2) La vidéo de l’arrivée d’Emmanuel Macron au siège de l’Alliance atlantique est formidable en termes de symbolique politique. Le président français ne marche pas avec les autres, il va à la rencontre des autres, comme s’il était l’hôte de la réunion. Arrivée en retard sur les autres (pour cause de rendez-vous à la Commission européenne (lire : Réunion spéciale de l’OTAN (25 mai 2017) : surtout un face à face UE-Etats-Unis), guidé par un des responsables de la communication de l’OTAN, il semble filer pour aller saluer Donald Trump qui l’attend… (on entend même une petite marseillaise chantée a capella).
Un message subliminal au président américain : Europe first !
Mais, au dernier moment, dans un mouvement qui ne semble pas totalement improvisé, il bifurque vers Angela Merkel. Ce qui laisse baba, béat, et un rien blême, le milliardaire américain, qui s’attendait à le coincer avec sa légendaire poignée de main (lire : Poignée de main : défi relevé pour Macron). Un peu comme on peut le faire avec un invité à une fête qui se comporte mal, Emmanuel Macron l’ignore. Il vient donner ostensiblement l’accolade à Angela Merkel, tout sourires, dans un clin d’œil assez irrévérencieux et complice des deux dirigeants. Le message du couple franco-allemand au président américain parait clair : l’Amérique n’est pas seule au monde, les Européens sont là, leur Union est importante et ne doit pas être méprisée.
Un nouveau bras de fer avec le président
Le président français aurait dû normalement rejoindre le cortège – sans barguigner. Ce détour agace un autre responsable du protocole qui cherche à ramener le Français dans le rang (1). Mais celui-ci s’attarde encore quelque peu, dans les avants postes. Il salue le secrétaire général de l’OTAN puis le Premier ministre belge Charles Michel, tournant alors ostensiblement le dos au président américain et retardant ainsi le moment de le saluer. Et ce n’est qu’ensuite (en 4e position donc) qu’il va jouer la poignée de main, type bras de fer, avec le président américain. Celui-ci fidèle à sa tradition tente de le tirer à lui. Mais le « french guy » résiste, lui met même la main sur le bras (du style « lâche moi la grappe »). Il rentre ensuite dans le rang des chefs d’État, accompagné d’une petite frappe sur l’épaule du chef d’État américain comme pour dire : « bien joué gamin ».
À Bruxelles, unis avec nos alliés de @NATO. pic.twitter.com/7nyaoI8hki
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 25 mai 2017
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Emmanuel Macron aurait normalement dû se ranger discrètement derrière les autres dirigeants et non pas faire un face à face singulier.
(Crédit : Elysée)
(B2) Pour Emmanuel Macron ce jeudi a été un moment important. Avec sa première participation à une réunion de l’OTAN – qu’il s’est entêté à qualifier de « mini-sommet » – il est entré dans le club des dirigeants mondiaux. Il a réussi là où, même Angela Merkel a été mise en difficulté : survivre dignement à la poignée de main avec Donald Trump lors de la traditionnelle photo assis dans des fauteuils, face à la presse.
Pas de main broyée pour Macron…
On se rappelle tous de la réaction du Japonais Shinzo Abe, après les 19 secondes de sa vigoureuse rencontre avec Donald Trump. Depuis, Donald Trump a la réputation de « broyer des mains »… Le président américain aurait-il trouvé un adversaire pour le battre à son propre jeu ?
Enthousiasme des journalistes américains
Le journaliste du très sérieux The Guardian chargé a décrit la confrontation en détail : « Ils se sont serré la main pendant un long moment. Chaque président s’est agrippé à la main de l’autre avec une intensité considérable, leurs phalanges sont devenues blanches, leurs mâchoires se sont serrées et leurs visages se sont crispés ».
(Leonor Hubaut)
Vue aérienne du nouveau QG de l’OTAN (Crédit: OTAN)
(B2) C’est devenu le leitmotiv des dirigeants européens comme de l’Alliance atlantique : la coopération Union européenne – OTAN est devenu le « must ». « C’est devenu la norme et non l’exception » jure les officiels. Une sorte de chewing gum mâché à longueur de journée qui a le même effet du chewing gum. Vos mâchoires sont en mouvement, vous donnez l’impression d’agir, vous croyez dégager une certaine énergie, une certaine force, vous avez l’impression d’avoir une certaine fraîcheur dans la bouche. Mais quand le chewing gum est terminé, il est aussi inodore qu’une goutte d’eau et quand il sèche, il est indétachable mais inutilisable. Et l’apport énergétique est plus que limité.
Des promesses encore à exécuter
Les promesses de la coopération UE-OTAN, déclenchées au sommet de Varsovie, ne sont en effet pas totalement réalisées (approche diplomatique), voire proches du zéro (approche réaliste). Chacun cherche bien à remplir le verre vide. Mais, pour l’instant, hormis quelques gouttelettes, le verre ne se remplit pas vite. Le bilan semble si pauvre que les ministres de la Défense de l’UE, lors de leur dernière ont été obligés de demander « une nouvelle fois » de poursuivre les travaux (lire : La coopération OTAN-UE, une meilleure ambiance mais peu d’avancées concrètes ?).
Des relations fluides mais la difficulté à faire du travail concret
Les relations sont plus fluides. Et les rencontres nombreuses, du plus niveau des experts au niveau politique. Mais cela s’arrête là. Sur la coopération en Méditerranée, on attend le renouvellement du mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, histoire de ne pas froisser les Russes. Sur le Moyen Orient, les deux organisations sont hors circuit, les Américains ayant la main (dans un dialogue avec les Russes sur la Syrie). En Irak, l’OTAN cherche à s’introduire de manière à avoir un strapontin dans la coalition militaire. Tandis que l’UE travaille plutôt sur le côté humanitaire, sans avoir vraiment de place dans la coalition. Les chemins sont donc sinueux pour la coopération.
La Turquie, point de blocage ?
Entre le bd Leopold (OTAN) et le rond point Schuman (UE), il reste un (sacré) problème : Ankara. La question turque empoisonne aujourd’hui non seulement les relations entre l’UE et la Turquie mais pourrait bien à terme troubler le fonctionnement de l’Alliance. Avoir un allié qui est proche de la dictature pouvait être tolérable dans les années 1960 (avec la Grèce) quand la guerre froide faisait rage. Aujourd’hui, cela fait mauvais genre. Avoir un allié qui contrecarre régulièrement les démocraties occidentales voire la stratégie militaire en Syrie menée par les principaux pays de l’Alliance, est un vrai défi.
Une dichotomie organisationnelle
Derrière la question turque se cachent des différences de nature et de composition. Si la plupart des pays membres de l’Union européenne sont membres de l’OTAN (à quelques petites exceptions près), ce n’est pas le cas de l’Alliance atlantique dont des « poids lourds » à commencer par les États-Unis, mais aussi la Turquie, le Canada, et le Royaume-Uni demain ne sont pas membres (sans oublier Islande, Norvège, Albanie et Montenegro). La difficulté d’avoir une coopération UE-OTAN parfaite suppose d’avoir donc des relations apaisées ou sans arrière pensée entre l’UE et les États-Unis, d’une part, l’UE et la Turquie ainsi que le Royaume-Uni d’autre part, et de partager (peu ou prou) les mêmes intérêts. On voit bien que c’est loin d’être le cas… A cela s’ajoute un système d’organisation politique divergent : l’Union européenne a une direction multipolaire où aucun pays membre ne peut être dominant, avec un contrôle parlementaire et judiciaire, tandis que l’OTAN a un régime gouvernemental et une domination très nette des USA. C’est non seulement la règle, mais une règle souhaitée par la plupart des autres membres. Même si les certains pays ne sont pas d’accord, quand Washington veut quelque chose, il l’obtient, les autres alliés en étant réduits à négocier leur ralliement.
Une concurrence discrète mais bien réelle
En matière capacitaire, sous prétexte de coopération, c’est plutôt à une concurrence à laquelle on assiste, chacun essayant de tirer ses préférences dans une logique de concurrence industrielle, assez logique. Sous l’argument du partage du fardeau (argument légitime) au sein de l’OTAN, les États-Unis (principal « actionnaire » de l’Alliance) ont un autre argument : soyez solidaires, achetez américain. Ce qui mine les relations. Washington n’a pas vraiment (et encore moins sous Donald Trump), l’intention de voir émerger une autonomie européenne, contrairement aux discours. Et certains pays (comme la Pologne ou la Lituanie) sont très tentés par ce parapluie rassurant. C’est plutôt une dépendance européenne qu’ils visent, avec juste un bémol : le montant du chèque que doivent acquitter les Européens doit être revu à la hausse.
Sur la Russie, une réelle entente
En fait, c’est sur le dossier russe où une certaine complicité règne : à l’UE, les sanctions économiques, à l’OTAN les muscles du renforcement à l’Est. Pour aller plus loin, il reste un hiatus, toujours le même, la Turquie et surtout le conflit chypriote. Tant qu’il n’est pas réglé, les conversations seront courtoises, l’atmosphère amicale entre les deux organisations, comme le montrent les relations Stoltenberg-Mogherini. Mais c’est tout…
(Nicolas Gros-Verheyde)
Lire aussi : Entre Européens et Américains, il n’y a pas de malentendu mais des divergences