Quatre-vingts années se seront écoulées. Le 18 août 1944, Jacques Roumain s'éteignait à 37 ans, si tant est qu'on puisse parler d'extinction en se référant à l'oeuvre littéraire et scientifique dont cet écrivain haïtien a jalonné son sillage, à l'empreinte dont sa personnalité a marqué des générations de créateurs et d'acteurs sociaux. Un passage bref, intense, porteur d'énergie, illuminateur à l'image d'un météore.
La publication de ses œuvres complètes par les Editions Unesco en octobre 2003, puis en 2018 par les éditions du CNRS autant que son entrée dans la « pléiade » des écrivains francophones illustrent si besoin est, la reconnaissance du caractère universel de sa contribution au patrimoine culturel.
UN UNIVERSEL ATTACHÉ A SES RACINES
Jacques Roumain a vu le jour à Port-au-Prince en 1907. La poursuite de ses études devait le conduire très tôt en dehors de son île. Son âme de voyageur s'abreuva de connaissance dans la plupart des grands pays d'Europe où il séjourna. Mais très tôt, à 20 ans, le puissant appel de la terre natale le ramenait à ses origines, sur les mornes de son enfance, à l'ombre des bayahondes et des lataniers. A ce point, on ne peut manquer d'évoquer la voix de Roumain lui-même à travers la réflexion de Manuel, le héros du Roman « Gouverneurs de la rosée », pièce maîtresse de son oeuvre littéraire : Manuel à l'entrée de son village après un exil de 15 ans à Cuba comme coupeur de cannes à sucre se disait :
« Si l'on est d'un pays, si l'on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l'a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c'est une présence dans le coeur, ineffaçable, comme une fille que l'on aime : on connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, ses genoux sans mystères, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence. »
L'ENGAGEMENT COMME SACERDOCE
De retour dans son pays, Jacques Roumain y déploya une activité polyvalente. Il fut l'un des fondateurs de la « revue indigène » qui devait représenter le principal organe du mouvement de pensée et d'action que fut en Haïti « le courant indigéniste ». L'indigénisme appelait à un renouveau culturel. Il s'agissait de forger l'identité de la nation haïtienne, à partir de modèles autres que l'imitation complexée de la culture des anciens maîtres. Le mouvement indigéniste prônait la réhabilitation des traditions et des valeurs locales et reconnaissait leur filiation africaine. C'était une des voies pour rétablir la dignité bafouée par l'esclavage et les colonialismes successifs qui ont marqué l'histoire haïtienne. L'étude de Jacques Roumain intitulé « Griefs de l'homme noir » nous rappelle qu'on ne saurait passer au compte des pertes et profits de l'histoire les outrages subis par la diaspora noire. C'est là un noeud permanent de la mémoire.
Jacques Roumain s'exprima contre l'occupation de son pays par les Etats-Unis. Il assuma en outre de hautes fonctions dans l'administration haïtienne. Ses convictions différentes et ses prises de position politique lui firent connaître plusieurs fois la prison et finalement l'exil à Paris où il s'attela à une oeuvre scientifique comme ethnologue et paléontologue. Un changement favorable de régime politique à la tête du pays lui fit regagner Haïti où il fonda le bureau national d'ethnologie autour duquel il déploya une activité scientifique concrétisée par plusieurs ouvrages, notamment : « Contribution à l'étude de l'ethnobotanique précolombienne des grandes Antilles », « Le sacrifice du tambour Assoto » (1943) ,« Griefs de l'homme noir » (1939) , « Autour de la campagne antisuperstitieuse »(1942) .
Jacques Roumain était un diseur, un griot au sens où son compatriote Carl Brouard attribuait à ses pairs cette importante fonction de l'espace culturel négro-africain. Sa poésie qui jaillit en vagues déferlantes porte l'accent de ses tensions intérieures, de son aspiration à plus de dignité pour le peuple dont il est issu, de son exigence à davantage de justice pour l'homme en général. A ce titre, transcendant le nationalisme, Jacques Roumain s'était illustré comme un humaniste marxiste.
Les poèmes qui composent « Bois d'ébène » expriment avec force et passion la solidarité sans frontière qu'il éprouvait à l'égard de tous ceux qui sont victimes de l'injustice. Emile Ollivier (1940-2002) considéré comme l'un des auteurs haïtiens contemporains les plus profonds en témoignait en ces termes : « … l'éclatant travail de Jacques Roumain déconstruit au grand jour les ressorts les plus implacables de la tyrannie et nous livre une leçon de vie, osons le mot, un exemple de combat pour élever la part d'humanité en nous. « Mais comme le montrent les textes « Guinée », « Midi », « Orage », « Calme », « Attente » - pour ne citer que ceux là- la poésie de Jacques Roumain sait aussi retrouver les tons apaisants, pour exprimer la contemplation, la méditation, pour accorder les angoisses ou la quiétude de l'âme avec l'espace et la pulsation du temps qui passe. Nul doute que Roumain poète, eut une influence manifeste sur Senghor et Césaire.
UN HOMME DE CULTURE ÉPRIS DE PROGRÈS COLLECTIF
Il convient de souligner que les oeuvres romanesques de Roumain sont des contributions au progrès de l'homme en ce sens qu'elles sont un appel à toute communauté afin qu'elle extirpe de son sein les traits rétrogrades et mette en valeur la part constructive qu'elle recèle. « Gouverneurs de la rosée » évoque les habitants du bourg natal de Manuel qui capitulent devant la sécheresse et s'en remettent aux dieux pour changer leur sort au lieu de débusquer par leur effort la source et drainer vers la plaine l'eau salvatrice, seule capable de redonner vie aux champs. A travers l'exemple de Manuel, Roumain nous rappelle que l'homme est l'artisan de son propre destin et qu'aucune puissance -quelle que soit son essence- ne peut le forger à sa place. « Gouverneurs de la rosée », c'est aussi une puissante exhortation à l'entente, à la concorde, l'union sacrée pour bâtir ensemble la cité. « Sans la concorde, la vie n'a pas de goût, la vie n'a pas de sens », dit Manuel à une réunion. Les discordes internes tragiques qui déchirent encore le monde, nous font méditer le message intemporel de Roumain.
« Gouverneurs de la rosée » porte aussi le message du respect que l'homme devrait instaurer dans son rapport avec la nature. Les réflexions du héros parti à la conquête de l'eau vivifiante sont évocatrices d'une conscience écologique aigüe chez Roumain : « Il avait envie de chanter un salut aux arbres : Plantes, ô mes plantes, je vous dis : honneur ; vous me répondrez : respect, pour que je puisse entrer. Vous êtes ma maison, vous êtes mon pays... » Ces mots puisent aux sources mêmes de l'animisme, mais d'un animisme dans lequel l'homme est un acteur et non un objet passif soumis aux éléments naturels, car si Jacques Roumain s'inspire de l'héritage ancestral et le glorifie, il montre du doigt les traits qui entretiennent l'obscurantisme et asservissent la communauté. Son récit « La montagne ensorcelée » est édifiant à ce sujet.
L'oeuvre de Roumain est aussi un vaste hymne à l'amour et les couples incarnés par Manuel et Annaïse, Délira et Bienaimé, Grâce et Aurel, sont, dans le genre, des modèles d'idéalité. Son art de la conduite du récit et le caractère intemporel des trames font de ses ouvrages un champ d'exploration fécond laissé en héritage aux scénaristes du monde entier.
La brièveté de la vie de Jacques Roumain éclaire paradoxalement la densité de son oeuvre. Il aura pleinement et activement pris part à son époque par sa créativité et ses engagements. Le mouvement indigéniste dont il représente une des figures de proue, fut tout comme la renaissance noire de Harlem, un moment fort de l'activité intellectuelle dans le monde noir. On peut relever les limitations des doctrines qui ont fondé ce courant de pensée et d'action. Toute culture, et la culture haïtienne en particulier, est toujours la résultante de multiples influences, plus ou moins récentes, plus ou moins lointaines. Haïti, île des Caraïbes, peuplée en majorité d'une population initialement arrachée à l'Afrique, a subi les jougs et les influences culturelles de l'Espagne, de la France et des Etats-Unis. Son identité, comme toute identité, résulte donc d'une complexité non aisée à cerner. Elle ne saurait se définir par référence uniquement aux origines africaines sans se démunir. Toute tentative de définition assume d'ailleurs une part de réduction. Et dans le cas des fondateurs du renouveau culturel haïtien, ce fut le sacrifice - certainement exaltant, certainement déchirant - consenti pour donner au peuple une voix porteuse d'originalité dans un contexte historique problématique.
Jacques Roumain fut aussi diplomate de son pays. A ce sujet, on lui reproche souvent de s'être mis au service d'un gouvernement aux options critiquables. Mais Roumain, le créateur, était aussi un homme d'action d'une énergie exceptionnelle comme en témoignent ses contemporains qui l'ont côtoyé. Il vient donc un moment dans l'itinéraire d'un écrivain de sa trempe où la tentation est forte de participer à la prise de décision. Il court alors le risque de délaisser l'auguste mission que Soyinka assigne à l'écrivain dans la cité : « un taon entre les jambes du pouvoir et qui le harcèle sans relâche ».
Jacques Roumain aura en tout cas assumé avec rigueur et conviction les responsabilités qui étaient les siennes dans toutes les sphères d'activité où il a oeuvré. Les paroles de Manuel à Annaïse dans « Gouverneurs de la rosée » est une épitaphe qui sied à l'auteur : « Oh, sûr, qu'un jour tout homme s'en va en terre, mais la vie elle-même, c'est un fil qui ne se casse pas, qui ne se perd pas tu sais pourquoi ? Parce que chaque nègre pendant son existence y fait un noeud : c'est le travail qu'il a accompli et c'est ça qui rend la vie vivante dans les siècles des siècles : l'utilité de l'homme sur la terre. »
G. Théophile Nouatin
Références
Fulgurance de l'image dans la poésie révolutionnaire de Jacques Roumain
Quatre-vingts années se seront écoulées. Le 18 août 1944, Jacques Roumain s'éteignait à 37 ans, si tant est qu'on puisse parler d'extinction en se référant à l'oeuvre littéraire et scientifique dont cet écrivain haïtien a jalonné son sillage, à l'empreinte dont sa personnalité a marqué des générations de créateurs et d'acteurs sociaux. Un passage bref, intense, porteur d'énergie, illuminateur à l'image d'un météore.
La publication de ses œuvres complètes par les Editions Unesco en octobre 2003, puis en 2018 par les éditions du CNRS autant que son entrée dans la « pléiade » des écrivains francophones illustrent si besoin est, la reconnaissance du caractère universel de sa contribution au patrimoine culturel.
UN UNIVERSEL ATTACHÉ A SES RACINES
Jacques Roumain a vu le jour à Port-au-Prince en 1907. La poursuite de ses études devait le conduire très tôt en dehors de son île. Son âme de voyageur s'abreuva de connaissance dans la plupart des grands pays d'Europe où il séjourna. Mais très tôt, à 20 ans, le puissant appel de la terre natale le ramenait à ses origines, sur les mornes de son enfance, à l'ombre des bayahondes et des lataniers. A ce point, on ne peut manquer d'évoquer la voix de Roumain lui-même à travers la réflexion de Manuel, le héros du Roman « Gouverneurs de la rosée », pièce maîtresse de son oeuvre littéraire : Manuel à l'entrée de son village après un exil de 15 ans à Cuba comme coupeur de cannes à sucre se disait :
« Si l'on est d'un pays, si l'on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l'a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c'est une présence dans le coeur, ineffaçable, comme une fille que l'on aime : on connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, ses genoux sans mystères, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence. »
L'ENGAGEMENT COMME SACERDOCE
De retour dans son pays, Jacques Roumain y déploya une activité polyvalente. Il fut l'un des fondateurs de la « revue indigène » qui devait représenter le principal organe du mouvement de pensée et d'action que fut en Haïti « le courant indigéniste ». L'indigénisme appelait à un renouveau culturel. Il s'agissait de forger l'identité de la nation haïtienne, à partir de modèles autres que l'imitation complexée de la culture des anciens maîtres. Le mouvement indigéniste prônait la réhabilitation des traditions et des valeurs locales et reconnaissait leur filiation africaine. C'était une des voies pour rétablir la dignité bafouée par l'esclavage et les colonialismes successifs qui ont marqué l'histoire haïtienne. L'étude de Jacques Roumain intitulé « Griefs de l'homme noir » nous rappelle qu'on ne saurait passer au compte des pertes et profits de l'histoire les outrages subis par la diaspora noire. C'est là un noeud permanent de la mémoire.
Jacques Roumain s'exprima contre l'occupation de son pays par les Etats-Unis. Il assuma en outre de hautes fonctions dans l'administration haïtienne. Ses convictions différentes et ses prises de position politique lui firent connaître plusieurs fois la prison et finalement l'exil à Paris où il s'attela à une oeuvre scientifique comme ethnologue et paléontologue. Un changement favorable de régime politique à la tête du pays lui fit regagner Haïti où il fonda le bureau national d'ethnologie autour duquel il déploya une activité scientifique concrétisée par plusieurs ouvrages, notamment : « Contribution à l'étude de l'ethnobotanique précolombienne des grandes Antilles », « Le sacrifice du tambour Assoto » (1943) ,« Griefs de l'homme noir » (1939) , « Autour de la campagne antisuperstitieuse »(1942) .
Jacques Roumain était un diseur, un griot au sens où son compatriote Carl Brouard attribuait à ses pairs cette importante fonction de l'espace culturel négro-africain. Sa poésie qui jaillit en vagues déferlantes porte l'accent de ses tensions intérieures, de son aspiration à plus de dignité pour le peuple dont il est issu, de son exigence à davantage de justice pour l'homme en général. A ce titre, transcendant le nationalisme, Jacques Roumain s'était illustré comme un humaniste marxiste.
Les poèmes qui composent « Bois d'ébène » expriment avec force et passion la solidarité sans frontière qu'il éprouvait à l'égard de tous ceux qui sont victimes de l'injustice. Emile Ollivier (1940-2002) considéré comme l'un des auteurs haïtiens contemporains les plus profonds en témoignait en ces termes : « … l'éclatant travail de Jacques Roumain déconstruit au grand jour les ressorts les plus implacables de la tyrannie et nous livre une leçon de vie, osons le mot, un exemple de combat pour élever la part d'humanité en nous. « Mais comme le montrent les textes « Guinée », « Midi », « Orage », « Calme », « Attente » - pour ne citer que ceux là- la poésie de Jacques Roumain sait aussi retrouver les tons apaisants, pour exprimer la contemplation, la méditation, pour accorder les angoisses ou la quiétude de l'âme avec l'espace et la pulsation du temps qui passe. Nul doute que Roumain poète, eut une influence manifeste sur Senghor et Césaire.
UN HOMME DE CULTURE ÉPRIS DE PROGRÈS COLLECTIF
Il convient de souligner que les oeuvres romanesques de Roumain sont des contributions au progrès de l'homme en ce sens qu'elles sont un appel à toute communauté afin qu'elle extirpe de son sein les traits rétrogrades et mette en valeur la part constructive qu'elle recèle. « Gouverneurs de la rosée » évoque les habitants du bourg natal de Manuel qui capitulent devant la sécheresse et s'en remettent aux dieux pour changer leur sort au lieu de débusquer par leur effort la source et drainer vers la plaine l'eau salvatrice, seule capable de redonner vie aux champs. A travers l'exemple de Manuel, Roumain nous rappelle que l'homme est l'artisan de son propre destin et qu'aucune puissance -quelle que soit son essence- ne peut le forger à sa place. « Gouverneurs de la rosée », c'est aussi une puissante exhortation à l'entente, à la concorde, l'union sacrée pour bâtir ensemble la cité. « Sans la concorde, la vie n'a pas de goût, la vie n'a pas de sens », dit Manuel à une réunion. Les discordes internes tragiques qui déchirent encore le monde, nous font méditer le message intemporel de Roumain.
« Gouverneurs de la rosée » porte aussi le message du respect que l'homme devrait instaurer dans son rapport avec la nature. Les réflexions du héros parti à la conquête de l'eau vivifiante sont évocatrices d'une conscience écologique aigüe chez Roumain : « Il avait envie de chanter un salut aux arbres : Plantes, ô mes plantes, je vous dis : honneur ; vous me répondrez : respect, pour que je puisse entrer. Vous êtes ma maison, vous êtes mon pays... » Ces mots puisent aux sources mêmes de l'animisme, mais d'un animisme dans lequel l'homme est un acteur et non un objet passif soumis aux éléments naturels, car si Jacques Roumain s'inspire de l'héritage ancestral et le glorifie, il montre du doigt les traits qui entretiennent l'obscurantisme et asservissent la communauté. Son récit « La montagne ensorcelée » est édifiant à ce sujet.
L'oeuvre de Roumain est aussi un vaste hymne à l'amour et les couples incarnés par Manuel et Annaïse, Délira et Bienaimé, Grâce et Aurel, sont, dans le genre, des modèles d'idéalité. Son art de la conduite du récit et le caractère intemporel des trames font de ses ouvrages un champ d'exploration fécond laissé en héritage aux scénaristes du monde entier.
La brièveté de la vie de Jacques Roumain éclaire paradoxalement la densité de son oeuvre. Il aura pleinement et activement pris part à son époque par sa créativité et ses engagements. Le mouvement indigéniste dont il représente une des figures de proue, fut tout comme la renaissance noire de Harlem, un moment fort de l'activité intellectuelle dans le monde noir. On peut relever les limitations des doctrines qui ont fondé ce courant de pensée et d'action. Toute culture, et la culture haïtienne en particulier, est toujours la résultante de multiples influences, plus ou moins récentes, plus ou moins lointaines. Haïti, île des Caraïbes, peuplée en majorité d'une population initialement arrachée à l'Afrique, a subi les jougs et les influences culturelles de l'Espagne, de la France et des Etats-Unis. Son identité, comme toute identité, résulte donc d'une complexité non aisée à cerner. Elle ne saurait se définir par référence uniquement aux origines africaines sans se démunir. Toute tentative de définition assume d'ailleurs une part de réduction. Et dans le cas des fondateurs du renouveau culturel haïtien, ce fut le sacrifice - certainement exaltant, certainement déchirant - consenti pour donner au peuple une voix porteuse d'originalité dans un contexte historique problématique.
Jacques Roumain fut aussi diplomate de son pays. A ce sujet, on lui reproche souvent de s'être mis au service d'un gouvernement aux options critiquables. Mais Roumain, le créateur, était aussi un homme d'action d'une énergie exceptionnelle comme en témoignent ses contemporains qui l'ont côtoyé. Il vient donc un moment dans l'itinéraire d'un écrivain de sa trempe où la tentation est forte de participer à la prise de décision. Il court alors le risque de délaisser l'auguste mission que Soyinka assigne à l'écrivain dans la cité : « un taon entre les jambes du pouvoir et qui le harcèle sans relâche ».
Jacques Roumain aura en tout cas assumé avec rigueur et conviction les responsabilités qui étaient les siennes dans toutes les sphères d'activité où il a oeuvré. Les paroles de Manuel à Annaïse dans « Gouverneurs de la rosée » est une épitaphe qui sied à l'auteur : « Oh, sûr, qu'un jour tout homme s'en va en terre, mais la vie elle-même, c'est un fil qui ne se casse pas, qui ne se perd pas tu sais pourquoi ? Parce que chaque nègre pendant son existence y fait un noeud : c'est le travail qu'il a accompli et c'est ça qui rend la vie vivante dans les siècles des siècles : l'utilité de l'homme sur la terre. »
G. Théophile Nouatin
Références
Fulgurance de l'image dans la poésie révolutionnaire de Jacques Roumain
Quatre-vingts années se seront écoulées. Le 18 août 1944, Jacques Roumain s'éteignait à 37 ans, si tant est qu'on puisse parler d'extinction en se référant à l'oeuvre littéraire et scientifique dont cet écrivain haïtien a jalonné son sillage, à l'empreinte dont sa personnalité a marqué des générations de créateurs et d'acteurs sociaux. Un passage bref, intense, porteur d'énergie, illuminateur à l'image d'un météore.
La publication de ses œuvres complètes par les Editions Unesco en octobre 2003, puis en 2018 par les éditions du CNRS autant que son entrée dans la « pléiade » des écrivains francophones illustrent si besoin est, la reconnaissance du caractère universel de sa contribution au patrimoine culturel.
UN UNIVERSEL ATTACHÉ A SES RACINES
Jacques Roumain a vu le jour à Port-au-Prince en 1907. La poursuite de ses études devait le conduire très tôt en dehors de son île. Son âme de voyageur s'abreuva de connaissance dans la plupart des grands pays d'Europe où il séjourna. Mais très tôt, à 20 ans, le puissant appel de la terre natale le ramenait à ses origines, sur les mornes de son enfance, à l'ombre des bayahondes et des lataniers. A ce point, on ne peut manquer d'évoquer la voix de Roumain lui-même à travers la réflexion de Manuel, le héros du Roman « Gouverneurs de la rosée », pièce maîtresse de son oeuvre littéraire : Manuel à l'entrée de son village après un exil de 15 ans à Cuba comme coupeur de cannes à sucre se disait :
« Si l'on est d'un pays, si l'on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l'a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c'est une présence dans le coeur, ineffaçable, comme une fille que l'on aime : on connaît la source de son regard, le fruit de sa bouche, les collines de ses seins, ses mains qui se défendent et se rendent, ses genoux sans mystères, sa force et sa faiblesse, sa voix et son silence. »
L'ENGAGEMENT COMME SACERDOCE
De retour dans son pays, Jacques Roumain y déploya une activité polyvalente. Il fut l'un des fondateurs de la « revue indigène » qui devait représenter le principal organe du mouvement de pensée et d'action que fut en Haïti « le courant indigéniste ». L'indigénisme appelait à un renouveau culturel. Il s'agissait de forger l'identité de la nation haïtienne, à partir de modèles autres que l'imitation complexée de la culture des anciens maîtres. Le mouvement indigéniste prônait la réhabilitation des traditions et des valeurs locales et reconnaissait leur filiation africaine. C'était une des voies pour rétablir la dignité bafouée par l'esclavage et les colonialismes successifs qui ont marqué l'histoire haïtienne. L'étude de Jacques Roumain intitulé « Griefs de l'homme noir » nous rappelle qu'on ne saurait passer au compte des pertes et profits de l'histoire les outrages subis par la diaspora noire. C'est là un noeud permanent de la mémoire.
Jacques Roumain s'exprima contre l'occupation de son pays par les Etats-Unis. Il assuma en outre de hautes fonctions dans l'administration haïtienne. Ses convictions différentes et ses prises de position politique lui firent connaître plusieurs fois la prison et finalement l'exil à Paris où il s'attela à une oeuvre scientifique comme ethnologue et paléontologue. Un changement favorable de régime politique à la tête du pays lui fit regagner Haïti où il fonda le bureau national d'ethnologie autour duquel il déploya une activité scientifique concrétisée par plusieurs ouvrages, notamment : « Contribution à l'étude de l'ethnobotanique précolombienne des grandes Antilles », « Le sacrifice du tambour Assoto » (1943) ,« Griefs de l'homme noir » (1939) , « Autour de la campagne antisuperstitieuse »(1942) .
Jacques Roumain était un diseur, un griot au sens où son compatriote Carl Brouard attribuait à ses pairs cette importante fonction de l'espace culturel négro-africain. Sa poésie qui jaillit en vagues déferlantes porte l'accent de ses tensions intérieures, de son aspiration à plus de dignité pour le peuple dont il est issu, de son exigence à davantage de justice pour l'homme en général. A ce titre, transcendant le nationalisme, Jacques Roumain s'était illustré comme un humaniste marxiste.
Les poèmes qui composent « Bois d'ébène » expriment avec force et passion la solidarité sans frontière qu'il éprouvait à l'égard de tous ceux qui sont victimes de l'injustice. Emile Ollivier (1940-2002) considéré comme l'un des auteurs haïtiens contemporains les plus profonds en témoignait en ces termes : « … l'éclatant travail de Jacques Roumain déconstruit au grand jour les ressorts les plus implacables de la tyrannie et nous livre une leçon de vie, osons le mot, un exemple de combat pour élever la part d'humanité en nous. « Mais comme le montrent les textes « Guinée », « Midi », « Orage », « Calme », « Attente » - pour ne citer que ceux là- la poésie de Jacques Roumain sait aussi retrouver les tons apaisants, pour exprimer la contemplation, la méditation, pour accorder les angoisses ou la quiétude de l'âme avec l'espace et la pulsation du temps qui passe. Nul doute que Roumain poète, eut une influence manifeste sur Senghor et Césaire.
UN HOMME DE CULTURE ÉPRIS DE PROGRÈS COLLECTIF
Il convient de souligner que les oeuvres romanesques de Roumain sont des contributions au progrès de l'homme en ce sens qu'elles sont un appel à toute communauté afin qu'elle extirpe de son sein les traits rétrogrades et mette en valeur la part constructive qu'elle recèle. « Gouverneurs de la rosée » évoque les habitants du bourg natal de Manuel qui capitulent devant la sécheresse et s'en remettent aux dieux pour changer leur sort au lieu de débusquer par leur effort la source et drainer vers la plaine l'eau salvatrice, seule capable de redonner vie aux champs. A travers l'exemple de Manuel, Roumain nous rappelle que l'homme est l'artisan de son propre destin et qu'aucune puissance -quelle que soit son essence- ne peut le forger à sa place. « Gouverneurs de la rosée », c'est aussi une puissante exhortation à l'entente, à la concorde, l'union sacrée pour bâtir ensemble la cité. « Sans la concorde, la vie n'a pas de goût, la vie n'a pas de sens », dit Manuel à une réunion. Les discordes internes tragiques qui déchirent encore le monde, nous font méditer le message intemporel de Roumain.
« Gouverneurs de la rosée » porte aussi le message du respect que l'homme devrait instaurer dans son rapport avec la nature. Les réflexions du héros parti à la conquête de l'eau vivifiante sont évocatrices d'une conscience écologique aigüe chez Roumain : « Il avait envie de chanter un salut aux arbres : Plantes, ô mes plantes, je vous dis : honneur ; vous me répondrez : respect, pour que je puisse entrer. Vous êtes ma maison, vous êtes mon pays... » Ces mots puisent aux sources mêmes de l'animisme, mais d'un animisme dans lequel l'homme est un acteur et non un objet passif soumis aux éléments naturels, car si Jacques Roumain s'inspire de l'héritage ancestral et le glorifie, il montre du doigt les traits qui entretiennent l'obscurantisme et asservissent la communauté. Son récit « La montagne ensorcelée » est édifiant à ce sujet.
L'oeuvre de Roumain est aussi un vaste hymne à l'amour et les couples incarnés par Manuel et Annaïse, Délira et Bienaimé, Grâce et Aurel, sont, dans le genre, des modèles d'idéalité. Son art de la conduite du récit et le caractère intemporel des trames font de ses ouvrages un champ d'exploration fécond laissé en héritage aux scénaristes du monde entier.
La brièveté de la vie de Jacques Roumain éclaire paradoxalement la densité de son oeuvre. Il aura pleinement et activement pris part à son époque par sa créativité et ses engagements. Le mouvement indigéniste dont il représente une des figures de proue, fut tout comme la renaissance noire de Harlem, un moment fort de l'activité intellectuelle dans le monde noir. On peut relever les limitations des doctrines qui ont fondé ce courant de pensée et d'action. Toute culture, et la culture haïtienne en particulier, est toujours la résultante de multiples influences, plus ou moins récentes, plus ou moins lointaines. Haïti, île des Caraïbes, peuplée en majorité d'une population initialement arrachée à l'Afrique, a subi les jougs et les influences culturelles de l'Espagne, de la France et des Etats-Unis. Son identité, comme toute identité, résulte donc d'une complexité non aisée à cerner. Elle ne saurait se définir par référence uniquement aux origines africaines sans se démunir. Toute tentative de définition assume d'ailleurs une part de réduction. Et dans le cas des fondateurs du renouveau culturel haïtien, ce fut le sacrifice - certainement exaltant, certainement déchirant - consenti pour donner au peuple une voix porteuse d'originalité dans un contexte historique problématique.
Jacques Roumain fut aussi diplomate de son pays. A ce sujet, on lui reproche souvent de s'être mis au service d'un gouvernement aux options critiquables. Mais Roumain, le créateur, était aussi un homme d'action d'une énergie exceptionnelle comme en témoignent ses contemporains qui l'ont côtoyé. Il vient donc un moment dans l'itinéraire d'un écrivain de sa trempe où la tentation est forte de participer à la prise de décision. Il court alors le risque de délaisser l'auguste mission que Soyinka assigne à l'écrivain dans la cité : « un taon entre les jambes du pouvoir et qui le harcèle sans relâche ».
Jacques Roumain aura en tout cas assumé avec rigueur et conviction les responsabilités qui étaient les siennes dans toutes les sphères d'activité où il a oeuvré. Les paroles de Manuel à Annaïse dans « Gouverneurs de la rosée » est une épitaphe qui sied à l'auteur : « Oh, sûr, qu'un jour tout homme s'en va en terre, mais la vie elle-même, c'est un fil qui ne se casse pas, qui ne se perd pas tu sais pourquoi ? Parce que chaque nègre pendant son existence y fait un noeud : c'est le travail qu'il a accompli et c'est ça qui rend la vie vivante dans les siècles des siècles : l'utilité de l'homme sur la terre. »
G. Théophile Nouatin
Références
Fulgurance de l'image dans la poésie révolutionnaire de Jacques Roumain
FlyGabon, pavillon national, débutera ses opérations avec un premier vol commercial prévu le 31 août 2024. En desservant à terme toutes les provinces du Gabon et en introduisant une gamme tarifaire attractive, FlyGabon s'inscrit dans le cadre de la stratégie gouvernementale visant à revitaliser le secteur du transport aérien gabonais, ainsi qu'à renforcer la connectivité à travers le pays.
L'émergence du pavillon national FlyGabon vient reconfigurer le paysage du transport aérien au Gabon. La République Gabonaise s'est porté acquéreur au travers de la société de participation Fly Gabon Holding de la majorité du capital de la compagnie aérienne Afrijet. Afrijet opère désormais sous deux marques distinctes : FlyGabon pour les liaisons domestiques et Afrijet pour les vols régionaux.
FlyGabon, qui proposera des voyages vers l'ensemble des provinces nationales afin de désenclaver l'intérieur du pays, d'améliorer la mobilité des citoyens et de stimuler les échanges économiques, effectuera son premier vol le samedi 31 août 2024. Pour atteindre ces objectifs, FlyGabon propose une nouvelle gamme tarifaire attractive, ciblant particulièrement les familles, les étudiants et les seniors.
Nouvelle gamme tarifaire et tarifs promotionnels
FlyGabon introduit une nouvelle gamme tarifaire avec des réductions spéciales pour différentes catégories de voyageurs :
– Familles : réduction de 10% sur les billets aller-retour pour les familles d'au moins 5 personnes dont 2 adultes et 3 enfants, avec une remise supplémentaire de 20% pour les enfants.
– Étudiants et lycéens : remise de 15% sur les billets aller-retour.
– Seniors : réduction de 20% sur les billets aller-retour.
Des prix de lancement promotionnels en aller simple sont également proposés pour les liaisons intérieures vers Port-Gentil (70 800 FCFA TTC), Oyem (79 800 FCFA TTC) et Franceville (97 800 FCFA TTC).
Les nouveaux billets FlyGabon sont disponibles à l'achat dès la mise en ligne du site web marchand le samedi 17 août ainsi que dans les agences Afrijet et FlyGabon, pour une première date de voyage, le 31 Août 2024
FlyGabon et la promesse du développement
“Après la disparition d'Air Gabon, il y a quelques années, la création de FlyGabon est une véritable fierté pour notre nation”, a affirmé Nyl Moret-Mba, Directeur Général d'Afrijet. “Ce lancement marque un renouveau significatif dans le secteur aérien gabonais et offre une opportunité de relancer et de dynamiser le transport aérien. Avec FlyGabon, nous allons desservir les 9 provinces du pays, sitôt que les infrastructures aéroportuaires seront modernisées et au standard du transport commercial et ainsi participer significativement aux efforts de désenclavement tout en ayant une politique tarifaire contribuant à la lutte contre la vie chère.
Si FlyGabon se concentrera d'abord sur le marché domestique, le pavillon national s'étendra au-delà des frontières gabonaises avec pour objectif le lancement d'une liaison à destination de Johannesburg, en Afrique du Sud, en Airbus A320, d'ici fin 2024.
Pour garantir un service de qualité, FlyGabon mettra en service deux ATR 72-600. Le second de ces deux appareils sera intégré à la flotte d'ici fin septembre. Ces avions, d'une capacité de 72 passagers, sont réputés pour leur fiabilité et leur performance, particulièrement adaptées aux conditions locales. Ce choix stratégique permettra d'assurer un service régulier et ponctuel sur toutes les liaisons proposées.
A propos d'Afrijet
Entreprise gabonaise née en 2004 à Libreville, Afrijet est devenue en 2019 la première compagnie aérienne de la zone CEMAC. Acteur historique du charter, la compagnie a développé un réseau de transport aérien régulier régional depuis octobre 2016. Certifiée IOSA depuis 2020, Afrijet emploie 320 salariés au Gabon, au Congo, au Cameroun, en Guinée Équatoriale, au Bénin et à Sao Tomé & Principe et opère une flotte de turbopropulseurs du constructeur européen ATR.
Afrijet attache un prix important aux valeurs de sécurité, de fiabilité et de ponctualité, qui en ont fait sa marque de fabrique dans le monde du transport aérien africain. Afrijet est détenue à 56% par Fly Gabon Holding, le véhicule financier de la République Gabonaise, en matière d'aviation.
A propos de FlyGabon
Créée en 2024, FlyGabon est le pavillon national gabonais. Avec une flotte moderne composée de deux ATR 72-600 et proposant une gamme tarifaire attractive, FlyGabon s'engage à offrir des services fiables et abordables sur l'ensemble du territoire gabonais. Les appareils sont opérés par la compagnie aérienne Afrijet.
FlyGabon, pavillon national, débutera ses opérations avec un premier vol commercial prévu le 31 août 2024. En desservant à terme toutes les provinces du Gabon et en introduisant une gamme tarifaire attractive, FlyGabon s'inscrit dans le cadre de la stratégie gouvernementale visant à revitaliser le secteur du transport aérien gabonais, ainsi qu'à renforcer la connectivité à travers le pays.
L'émergence du pavillon national FlyGabon vient reconfigurer le paysage du transport aérien au Gabon. La République Gabonaise s'est porté acquéreur au travers de la société de participation Fly Gabon Holding de la majorité du capital de la compagnie aérienne Afrijet. Afrijet opère désormais sous deux marques distinctes : FlyGabon pour les liaisons domestiques et Afrijet pour les vols régionaux.
FlyGabon, qui proposera des voyages vers l'ensemble des provinces nationales afin de désenclaver l'intérieur du pays, d'améliorer la mobilité des citoyens et de stimuler les échanges économiques, effectuera son premier vol le samedi 31 août 2024. Pour atteindre ces objectifs, FlyGabon propose une nouvelle gamme tarifaire attractive, ciblant particulièrement les familles, les étudiants et les seniors.
Nouvelle gamme tarifaire et tarifs promotionnels
FlyGabon introduit une nouvelle gamme tarifaire avec des réductions spéciales pour différentes catégories de voyageurs :
– Familles : réduction de 10% sur les billets aller-retour pour les familles d'au moins 5 personnes dont 2 adultes et 3 enfants, avec une remise supplémentaire de 20% pour les enfants.
– Étudiants et lycéens : remise de 15% sur les billets aller-retour.
– Seniors : réduction de 20% sur les billets aller-retour.
Des prix de lancement promotionnels en aller simple sont également proposés pour les liaisons intérieures vers Port-Gentil (70 800 FCFA TTC), Oyem (79 800 FCFA TTC) et Franceville (97 800 FCFA TTC).
Les nouveaux billets FlyGabon sont disponibles à l'achat dès la mise en ligne du site web marchand le samedi 17 août ainsi que dans les agences Afrijet et FlyGabon, pour une première date de voyage, le 31 Août 2024
FlyGabon et la promesse du développement
“Après la disparition d'Air Gabon, il y a quelques années, la création de FlyGabon est une véritable fierté pour notre nation”, a affirmé Nyl Moret-Mba, Directeur Général d'Afrijet. “Ce lancement marque un renouveau significatif dans le secteur aérien gabonais et offre une opportunité de relancer et de dynamiser le transport aérien. Avec FlyGabon, nous allons desservir les 9 provinces du pays, sitôt que les infrastructures aéroportuaires seront modernisées et au standard du transport commercial et ainsi participer significativement aux efforts de désenclavement tout en ayant une politique tarifaire contribuant à la lutte contre la vie chère.
Si FlyGabon se concentrera d'abord sur le marché domestique, le pavillon national s'étendra au-delà des frontières gabonaises avec pour objectif le lancement d'une liaison à destination de Johannesburg, en Afrique du Sud, en Airbus A320, d'ici fin 2024.
Pour garantir un service de qualité, FlyGabon mettra en service deux ATR 72-600. Le second de ces deux appareils sera intégré à la flotte d'ici fin septembre. Ces avions, d'une capacité de 72 passagers, sont réputés pour leur fiabilité et leur performance, particulièrement adaptées aux conditions locales. Ce choix stratégique permettra d'assurer un service régulier et ponctuel sur toutes les liaisons proposées.
A propos d'Afrijet
Entreprise gabonaise née en 2004 à Libreville, Afrijet est devenue en 2019 la première compagnie aérienne de la zone CEMAC. Acteur historique du charter, la compagnie a développé un réseau de transport aérien régulier régional depuis octobre 2016. Certifiée IOSA depuis 2020, Afrijet emploie 320 salariés au Gabon, au Congo, au Cameroun, en Guinée Équatoriale, au Bénin et à Sao Tomé & Principe et opère une flotte de turbopropulseurs du constructeur européen ATR.
Afrijet attache un prix important aux valeurs de sécurité, de fiabilité et de ponctualité, qui en ont fait sa marque de fabrique dans le monde du transport aérien africain. Afrijet est détenue à 56% par Fly Gabon Holding, le véhicule financier de la République Gabonaise, en matière d'aviation.
A propos de FlyGabon
Créée en 2024, FlyGabon est le pavillon national gabonais. Avec une flotte moderne composée de deux ATR 72-600 et proposant une gamme tarifaire attractive, FlyGabon s'engage à offrir des services fiables et abordables sur l'ensemble du territoire gabonais. Les appareils sont opérés par la compagnie aérienne Afrijet.
FlyGabon, pavillon national, débutera ses opérations avec un premier vol commercial prévu le 31 août 2024. En desservant à terme toutes les provinces du Gabon et en introduisant une gamme tarifaire attractive, FlyGabon s'inscrit dans le cadre de la stratégie gouvernementale visant à revitaliser le secteur du transport aérien gabonais, ainsi qu'à renforcer la connectivité à travers le pays.
L'émergence du pavillon national FlyGabon vient reconfigurer le paysage du transport aérien au Gabon. La République Gabonaise s'est porté acquéreur au travers de la société de participation Fly Gabon Holding de la majorité du capital de la compagnie aérienne Afrijet. Afrijet opère désormais sous deux marques distinctes : FlyGabon pour les liaisons domestiques et Afrijet pour les vols régionaux.
FlyGabon, qui proposera des voyages vers l'ensemble des provinces nationales afin de désenclaver l'intérieur du pays, d'améliorer la mobilité des citoyens et de stimuler les échanges économiques, effectuera son premier vol le samedi 31 août 2024. Pour atteindre ces objectifs, FlyGabon propose une nouvelle gamme tarifaire attractive, ciblant particulièrement les familles, les étudiants et les seniors.
Nouvelle gamme tarifaire et tarifs promotionnels
FlyGabon introduit une nouvelle gamme tarifaire avec des réductions spéciales pour différentes catégories de voyageurs :
– Familles : réduction de 10% sur les billets aller-retour pour les familles d'au moins 5 personnes dont 2 adultes et 3 enfants, avec une remise supplémentaire de 20% pour les enfants.
– Étudiants et lycéens : remise de 15% sur les billets aller-retour.
– Seniors : réduction de 20% sur les billets aller-retour.
Des prix de lancement promotionnels en aller simple sont également proposés pour les liaisons intérieures vers Port-Gentil (70 800 FCFA TTC), Oyem (79 800 FCFA TTC) et Franceville (97 800 FCFA TTC).
Les nouveaux billets FlyGabon sont disponibles à l'achat dès la mise en ligne du site web marchand le samedi 17 août ainsi que dans les agences Afrijet et FlyGabon, pour une première date de voyage, le 31 Août 2024
FlyGabon et la promesse du développement
“Après la disparition d'Air Gabon, il y a quelques années, la création de FlyGabon est une véritable fierté pour notre nation”, a affirmé Nyl Moret-Mba, Directeur Général d'Afrijet. “Ce lancement marque un renouveau significatif dans le secteur aérien gabonais et offre une opportunité de relancer et de dynamiser le transport aérien. Avec FlyGabon, nous allons desservir les 9 provinces du pays, sitôt que les infrastructures aéroportuaires seront modernisées et au standard du transport commercial et ainsi participer significativement aux efforts de désenclavement tout en ayant une politique tarifaire contribuant à la lutte contre la vie chère.
Si FlyGabon se concentrera d'abord sur le marché domestique, le pavillon national s'étendra au-delà des frontières gabonaises avec pour objectif le lancement d'une liaison à destination de Johannesburg, en Afrique du Sud, en Airbus A320, d'ici fin 2024.
Pour garantir un service de qualité, FlyGabon mettra en service deux ATR 72-600. Le second de ces deux appareils sera intégré à la flotte d'ici fin septembre. Ces avions, d'une capacité de 72 passagers, sont réputés pour leur fiabilité et leur performance, particulièrement adaptées aux conditions locales. Ce choix stratégique permettra d'assurer un service régulier et ponctuel sur toutes les liaisons proposées.
A propos d'Afrijet
Entreprise gabonaise née en 2004 à Libreville, Afrijet est devenue en 2019 la première compagnie aérienne de la zone CEMAC. Acteur historique du charter, la compagnie a développé un réseau de transport aérien régulier régional depuis octobre 2016. Certifiée IOSA depuis 2020, Afrijet emploie 320 salariés au Gabon, au Congo, au Cameroun, en Guinée Équatoriale, au Bénin et à Sao Tomé & Principe et opère une flotte de turbopropulseurs du constructeur européen ATR.
Afrijet attache un prix important aux valeurs de sécurité, de fiabilité et de ponctualité, qui en ont fait sa marque de fabrique dans le monde du transport aérien africain. Afrijet est détenue à 56% par Fly Gabon Holding, le véhicule financier de la République Gabonaise, en matière d'aviation.
A propos de FlyGabon
Créée en 2024, FlyGabon est le pavillon national gabonais. Avec une flotte moderne composée de deux ATR 72-600 et proposant une gamme tarifaire attractive, FlyGabon s'engage à offrir des services fiables et abordables sur l'ensemble du territoire gabonais. Les appareils sont opérés par la compagnie aérienne Afrijet.
A Ikemon-Ewonda, une localité de la commune de Ouèssè, département des Collines, agriculteur a été tué lors d'une altercation avec un bouvier. Le drame s'est produit le jeudi 15 août 2024.
Un conflit de transhumance fait encore un mort à Ouèssè, département des Collines. Jeudi 15 août 2024, alors que les populations célébraient la nouvelle igname dans cette région du Bénin, une altercation entre un agriculteur et un éleveur fait un mort dans la localité de Ikemon-Ewonda.
L'agriculteur ayant perdu la vie dans cette altercation, revenait du marché lorsqu'il a vu un troupeau de bœufs envahir son champ. Il interpelle aussitôt le bouvier. Les échanges verbaux entre les deux hommes prennent aussitôt une autre tournure. Le bouvier se saisit de son épée et poignarde mortellement l'agriculteur.
Le champ en cause selon nos sources, aurait été aménagé par l'agriculteur qui attend impatiemment les premières pluies pour labourer. Rien n'y a été semé, selon les explications du chef du village dans un entretien à la presse. L'esprit de vengeance des deux acteurs, serait la cause de cette altercation qui malheureusement a coûté la vie à l'agriculteur. Le bouvier quant à lui a été interpellé et conduit au commissariat de police où il est gardé, en attendant d'être présenté au procureur de la République.
F. A. A.
A Ikemon-Ewonda, une localité de la commune de Ouèssè, département des Collines, agriculteur a été tué lors d'une altercation avec un bouvier. Le drame s'est produit le jeudi 15 août 2024.
Un conflit de transhumance fait encore un mort à Ouèssè, département des Collines. Jeudi 15 août 2024, alors que les populations célébraient la nouvelle igname dans cette région du Bénin, une altercation entre un agriculteur et un éleveur fait un mort dans la localité de Ikemon-Ewonda.
L'agriculteur ayant perdu la vie dans cette altercation, revenait du marché lorsqu'il a vu un troupeau de bœufs envahir son champ. Il interpelle aussitôt le bouvier. Les échanges verbaux entre les deux hommes prennent aussitôt une autre tournure. Le bouvier se saisit de son épée et poignarde mortellement l'agriculteur.
Le champ en cause selon nos sources, aurait été aménagé par l'agriculteur qui attend impatiemment les premières pluies pour labourer. Rien n'y a été semé, selon les explications du chef du village dans un entretien à la presse. L'esprit de vengeance des deux acteurs, serait la cause de cette altercation qui malheureusement a coûté la vie à l'agriculteur. Le bouvier quant à lui a été interpellé et conduit au commissariat de police où il est gardé, en attendant d'être présenté au procureur de la République.
F. A. A.
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube
Le souvenir d'un grand Passeur de Culture
A quand un Mémorial digne de sa stature pour sauvegarder et faire fructifier l'œuvre d'Adjahoui ? car c'est depuis le 11 août 1995, que Yédénou Adjahoui, entrait dans l'univers des Ancêtres. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis » écrivait Birago Diop. Cette conviction africaine résonne particulièrement avec un fort écho lorsqu'on évoque Adjahoui, tant la puissance expressive de son art musical continue de marquer les consciences et cela pour très longtemps.
Nous évoquons Adjahoui ici à travers la modeste perception que nous avons de son art. Et cela suffit car des considérations touchant à sa vie personnelle ne sauraient interférer dans le souvenir de ce qui est son immense contribution à notre patrimoine culturel. La culture avec sa dimension dynamique, évolutive fonde la personnalité des individus aussi bien que l'identité des peuples. Elle devrait être un des ciments qui forgent l'assurance, assurent la cohésion, et sous-tendent les actions de la collectivité. Lorsque les modèles et paradigmes conjoncturels épuisent leurs capacités à répondre aux défis changeants de l'histoire, la culture renforcée, enrichie, reste l'un des recours qui permet de garder pied pour de nouveaux élans. Il est salutaire que l'Etat Béninois lui taille au fil des années, la place qu'elle mérite dans la cité.
C'est au début des années 70 que l'art de Yédénou Adjahoui s'est revélé à nous à travers une chanson consacrée, je m'en souviens bien, à la relation d'un tragique et triste drame familial. Je me rappelle encore aujourd'hui ces foules nombreuses et attentives qui s'arrêtaient à l'écoute, subjuguées sur les places Bayol, catchi et Kokoyè lorsque les magasins de disque jouaient le morceau ou le long du passage musical de la voiture de la loterie nationale. Cette chanson réunissait déjà tous les éléments qui ont fondé la force et la popularité de Yédénou Adjahoui ; un art narratif sans égal, mariant fables, proverbes, paraboles, incantations …, servi par une voix à l'intonation profonde, puissante et prenante, un rythme tout de spiritualité et de sensualité, tout cela mis au service d'une conscience élevée du devoir de l'artiste dans la société. En effet, si beaucoup des thèmes des chansons de Yédénou Adjahoui trouvaient leur inspiration dans les événements de la société, l'artiste ne se contentait pas d'en faire seulement une simple chronique. Il avait le don de mettre en lumière toutes les implicatons morales, sociales, psychologiques, spirituelles du sujet qu'il traitait. La chanson intitulée « Avidjè agban mè » qui relate les circonstances de deux crimes affreux survenus l'un à Agbokou dans la région de Porto-Novo et l'autre à Agbakunlè dans la région de Dassa-Zoumè illustrent bien ces traits caractéristiques de l'art d'Adjahoui.
Un groupe artistique à la mesure de son chef
Parler d'Adjahoui c'est aussi évoquer son orchestre qui possédait un art élevé du rythme « Zinli ». Le groupe d'Adjahoui a su surtout conférer au rythme « Massè Gohoun » un nouveau souffle qui en a élargi l'audience.
Adjahoui et son groupe savaient donner au Massè Gohoun un volume profond, jamais gratuit, toujours apte à susciter et entretenir avec un égal bonheur l'apaisement méditatif ou la danse portée jusqu'à la transe. A cette dernière fin, ils excellaient dans l'art d'insérer dans le cours de la mélodie les séquences sensuelles destinées à imprimer un rythme érotique auquel le danseur ou l'auditeur reste rarement indifférent.
Le passage suivant d'une chanson « Yao non Abomè bo de kpin : Hin, hin, Mi ku do Abomè kpo kpin kpo : Hin, hin » en est un exemple parmi d'autres. « La mariée toussote dans la chambre à coucher, Compliments pour ces toussotements venant de la chambre »
Qui ne se souvient de l'ampleur et de la tonalité profonde du morceau « Kèkè Zéto » ?
Un créateur conscient de sa valeur
Le nouveau souffle donné au Massè Gohoun par Adjahoui et son groupe a suscité par la suite l'éclosion de groupes rivaux opérant sur le même registre.
Mais Adjahoui avait une conscience forte, orgueilleuse presque vaniteuse de sa supériorité. Il l'a martelé dans des chansons en maintes occasions. « Mè dé yon handji ni wa dji monko mansé » « Je suis à l'écoute de celui qui peut chanter aussi bien que je viens de le faire » Mais ce défi constamment lancé à ses pairs de faire mieux que lui relève de la saine émulation nommée « Atè » par laquelle les corporations d'artistes, d'artisans, de maîtres de métiers élèvent le niveau général de leur savoir-faire et en l'absence de laquelle la stagnation, source de régression primerait.
Adjahoui s'enorgueillissait de la richesse de son répertoire dans la chanson « Akpeli wê dou zoun baba » lorsqu'il y chantait : « Gbésu do mi si, hangbé dé man din nou tché min » « Nous possédons plus d'une voix, Aucune mélodie ne manque dans ma bouche »
Manifestement, Adjahoui était doté à un rare degré par Aziza, le dieu génie de la musique. Il en avait lui-même conscience puisqu'il ne manque aucune occasion de lui rendre grâce. Vous trouverez dans ses chansons une fréquente invocation de « Aziza Gbé vodun »
Adjahoui, homme d'interrogation et de vision
La chanson intitulée « Non lin », ou « yin non lin gbèmè hokpon » « Le devoir de penser », révèle bien que Adjahoui était un artiste porté par la réflexion sur la société et la vision de l'avenir. Il y déplorait le fait que les moeurs sociales étaient en état de régression et notait par la même occasion l'absence de forum public, d'agora pour débattre des maux qui rongent notre société contemporaine. Ceux qui avaient le devoir de discuter des problèmes du pays alors en état de dégradation avaient l'air de ne pas s'en préoccuper et même de s'en foutre. « To lo nagblé ahoho, ena sognon avantan, Yinton dé ma démè » « Que le pays aille mal ou bien, ce n'est pas mon affaire » ainsi résume-t-il le constat qu'il faisait de l'attitude générale. Il est heureux que les héritiers de Adjahoui, aient repris cette chanson « Non lin » dans une interprétation remodelée, « modernisée » sous la conduite de son descendant Totchédji Adjahoui. A tout seigneur, tout honneur c'est le lieu de rendre hommage à son fils Tcheffon, porte-flambeau très connu de ce glorieux héritage.
Adjahoui s'insurgeait contre toute forme de ségrégation, toute différenciation sur des bases ethnicistes, régionalistes ou de castes. « Quel être chantait-il n'est pas une créature divine ? » « Mènou wêtin bo mahu ma da mèlo »
Parmi nos artistes qui ont opéré sur le registre traditionnel, il était certainement celui qui avait le plus conscience de son appartenance à une communauté africaine plus large. Interrogez son répertoire, vous y verrez des références fréquentes au Niger, à Abidjan, à Ibadan, à Awonli(Lagos). Partant d'un thème local, il savait trouver des comparaisons internationales pour élargir chez son auditeur la perception du sujet.
Un être en dialogue avec la nature
Conjointement à une référence au christianisme omniprésente dans son œuvre, Adjahoui avait certainement une conscience animiste élevée qui se manifeste dans ses chansons par un recours constant à la nature, (Brousses, forêts, cours d'eau, oiseaux, animaux). Ainsi l'évocation fréquente du « Zounmè », forêt, est celle d'une nature, point de départ de toute initiation et source de tout ce qui est donné à l'homme et qu'il faut respecter et protéger. Une telle sensibilité à notre environnement naturel n'est pas étonnante chez un artiste doté d'une âme poétique et né dans la localité d'Avrankou, région pourvue d'une flore luxuriante constamment baignée de soleil et où foisonnent palmiers et autres essences, bruissant à longueur de journée du chant des tisserins, du gloussement des perdrix, du roucoulement des tourterelles, autant d'êtres vivifiant les fables qui étoffent les chansons de Adjahoui.
Le devoir de faire fructifier son œuvre
Sans doute aurons-nous tort de ne pas nous approprier dans leur totalité les apports bénéfiques résultant des chocs de l'histoire qui nous ont éprouvés. Mais nous serions gravement coupables de laisser disparaître le fond patrimonial venu des âges par le complexe auquel nous conditionne l'éducation unipolaire que nous recevons.
L'interrogation de l'œuvre d'Adjahoui et de tant d'autres montre que « les mots de nos langues rayonnent aussi de mille feux comme des diamants ». Elles sont aussi bien matière et support d'éducation aux générations nouvelles.
Au total Adjahoui s'est illustré comme un artiste civilisateur.
Le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire d'un artiste d'une telle envergure qui a enrichi nos vies et marquer de son oeuvre notre patrimoine culturel, me semble être l'édification d'un musée ou mieux d'un centre culturel national autour duquel se développeraient des activités créatives et éducatives. Ceci interpelle les élus locaux aussi bien que les responsables au niveau national en charge d'éducation, de culture, de loisirs, de tourisme.
Comme nous l'avons évoqué, la présence de la nature est si prépondérante dans l'oeuvre de Adjahoui qu'on conçoit difficilement qu'un lieu dédié à sa mémoire n'en porte pas l'empreinte. C'est donc un parc culturel « Adjahoui Zounmè » qui serait approprié pour honorer sa mémoire : Un lieu de recueillement et de détente pour le visiteur, un lieu à l'image de l'impressionnant parc anglais de Munich ou du parc de Wörlitz toujours en Allemagne. C'est l'occasion de rappeler qu'au Bénin c'est là une tradition aux vertus écologiques certaines de dédier des pans de forêt intouchables et inaliénables à des divinités ou à des aïeux qui ont rang de divinité. Adjahoui par son oeuvre s'est élevé au rang d'ancêtre tutélaire.
Yédénou Adjahoui avait toujours souhaité le meilleur à la société en appelant de tous ses voeux la bénédiction des dieux.
C'est notre tour de formuler nos voeux de paix profonde à son âme en lui empruntant les mots qu'il a employés dans une chanson dédiée à la mémoire de Kèkè père :
« Adjahoui lon mè nanyon nan wé »
« Guigo non adjahon'non na go wé to tin dagbé mè »
« Adjahoui, que l'au-delà te soit favorable »
« Que Le seigneur tout-puissant te mette en bonne place »
Ecoutons, réécoutons la voix de Yédénou Adjahoui. Elle est la manifestation d'une éthique et d'une esthétique régénératrices.
G. Théophile Nouatin
Notre société reste constamment confrontée à des maux dont la recrudescence ne
saurait laisser indifférent. Yédénou Adjahoui mieux qu'aucun de nos artistes a su interpeller notre conscience collective à travers sa musique…
YEDENOU ADJAHOUI Affaire Vogler 1
YEDENOU ADJAHOUI – Kêkêdotô
MUSIC : TOTCHEDJI ADJAHOUI DANS LE TITRE YIN NON LIN GBEME HOKPON MODERNISE - YouTube