Patrick Weil, historien, est un des meilleurs spécialistes français des questions d’immigration. Il est directeur de recherches au CNRS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris et à l’université de Yale.
Après les récents drames survenus en Méditerranée, un consensus semble se dégager : ce serait de la faute de l’Europe…
Je ne vois pas à quel titre. Ceux qui condamnent l’Europe se trompent de cible. La première responsabilité est d’abord celle des criminels qui ont mis des migrants sur des rafiots incapables de soutenir le poids de leur nombre, pour se faire de l’argent au prix de leur vie. Les instruments juridiques internationaux et la mobilisation ne suffisent pas à empêcher cette criminalité de se développer. Une autre responsabilité est politique. Elle vient des Etats qui ont créé le désordre dans les régions du monde où sont «produits» aujourd’hui des centaines de milliers, voire des millions de réfugiés. Je parle du monde arabe, et en premier lieu de la région irako-syrienne. Il y a une responsabilité de la coalition qui est intervenue en Irak il y a douze ans, en violation du droit international. En intervenant en Libye au-delà du mandat de l’ONU, Nicolas Sarkozy a rendu la France aussi coresponsable d’avoir créé une zone qui produit énormément de réfugiés.
Quelle solution préconisez-vous ?
Ce qui se passe en Syrie, c’est la plus grave crise depuis la Seconde Guerre mondiale. La réponse ne doit et ne peut être uniquement européenne. A la fin des années 30, quand les Juifs d’Autriche et d’Allemagne étaient en danger, il y eut une conférence internationale, à Evian, qui n’a malheureusement pas donné grand-chose. Mais le monde en a tiré la leçon. Il faut aujourd’hui, et c’est le rôle de l’Europe, ou de la France, prendre l’initiative de convoquer une conférence internationale afin que chaque région du monde prenne ses responsabilités et que les Etats qui sont intervenus dans la région depuis quinze ans soient engagés dans la gestion de la crise humanitaire. L’Australie donne l’exemple du cynisme le plus absolu. Elle a soutenu militairement la guerre en Irak en 2003 et elle accueille 4 400 réfugiés en 2014 soit 2% des demandes d’asile en Allemagne. Il y a quelque chose à repenser. Je ne suis pas contre toute intervention militaire : si les Etats-Unis et la France étaient intervenus en Syrie durant l’été 2013, on aurait prévenu une partie de la crise humanitaire, comme l’intervention française au Mali a probablement permis d’en contenir une autre. Mais il faudrait que ces interventions se doublent de responsabilités humanitaires, en tout cas quand elles sont illégales. Il est temps de poser la question comme cela.
L’Europe doit-elle se mobiliser encore plus pour sauver des vies, affréter plus de navires de surveillance ?
L’Europe n’a pas l’obligation légale de sauver des vies. Mais elle le fait : l’an dernier, la demande d’asile dans l’UE a atteint un record. 625 000 personnes, soit 191 000 personnes (+ 44%) de plus en un an, + 60% en Allemagne mais - 5% en France. Alors oui, il faut affréter plus, mais sur ces bateaux, il faut aussi rassurer les migrants. Cela signifie ne pas y mettre que des douaniers et des policiers. Il faut aussi des personnels du Haut Commissariat aux réfugiés, de la Croix-Rouge, des ONG, comme c’est le cas dans les centres de rétention, dont le but n’est pas de refouler ces demandeurs d’asile.
Faut-il prendre de nouvelles mesures contre les passeurs ?
Il faut que les pressions s’exercent sur les pays ou les zones d’où viennent les passeurs. Il faut donner la priorité à une ferme coopération. Conditionner notre aide à une action conjointe contre les passeurs. Mais en Libye, on ne peut plus faire pression sur personne. Il n’y a plus d’Etat.
Si on rouvrait davantage nos frontières aux étudiants et travailleurs, n’y aurait-il pas moins de drames en mer ?
Nos frontières ne sont pas fermées ! Si nous ouvrions plus nos portes à l’immigration légale - je le souhaite -, ce ne serait jamais assez par rapport à la crise. Il y a des millions de gens qui ont besoin de protection, ouvrir un peu plus ne changerait pas la donne. Il faut que la France, au nom de l’Europe, saisisse l’ONU et demande d’urgence la réunion d’une conférence internationale sur l’asile.
N.B.: article paru aujourd’hui dans Libération.
Mardi, le site d’information américain Politico va lancer, à Bruxelles, sa première filiale à l’étranger. Tout un symbole : «si les États-Unis font de l’innovation, c’est l’Union européenne qui dicte les règles du jeu», nous explique Matthew Kaminski, le patron du site européen (politico.eu). L’actualité vient démontrer la pertinence de cette analyse : en décidant, hier, de s’attaquer au géant californien Google, la Commission, qui veille au respect des règles de concurrence dans l’Union, s’aventure sur un terrain que les autorités américaines chargées de la concurrence ont désormais déserté : comme l’a révélé le Wall Street Journal, le mois dernier, la Federal Trade Commission (FTC) a établi, en 2013, que le moteur de recherche se livrait à des pratiques anticoncurrentielles. Mais elle a préféré classer l’affaire sans suite…
Ce n’est pas la première fois que les champions américains sont confrontés à une Union devenue beaucoup plus sourcilleuse en matière de concurrence que Washington. Microsoft, l’un des GAFAM américains (Google, Amazon, Facebook, Appel, Microsoft) qui domine le monde numérique, en a fait l’expérience : l’entreprise a été confrontée à une série d’enquêtes de la Commission pour pratiques anticoncurrentielles, entre 2003 et 2013, ce qui lui a coûté une série d’amendes d’un montant total de plus de 2 milliards d’euros. Dans un domaine proche, Intel, le fabricant américain de processeurs, a aussi connu les foudres de l’Union en 2009 avec une amende de plus d’un milliard d’euros pour abus de position dominante. Mais tous les secteurs de l’activité économique sont concernés : en 2001, la Commission a ainsi mis son veto à la fusion de deux entreprises américaines, pourtant approuvée par les autorités locales, General Electric et Honeywell (moteurs d’avions d’affaires et avionique). En 1997, Boeing a dû passer sous ses fourches caudines pour obtenir in extremis un feu vert à sa fusion avec McDonnell-Douglass. Deux cas emblématiques, puisqu’il s’agissait de préserver l’avenir d’Airbus. On pourrait multiplier les exemples de la puissance, souvent méconnue, de l’Union dans le domaine de la concurrence, une puissance que les entreprises du monde entier, et pas seulement américaines, ont appris à redouter.
Des règles de concurrence d’origine américainesIronie de l’histoire : les règles de concurrence européennes qui figurent dans le traité créant la Communauté économique du charbon et de l’acier (CECA) de 1951 et qui ont été reprises telles que dans le traité de Rome de 1957 ont été écrites par un jeune professeur de droit de Harvard, Robert Bowie, l’un des meilleurs spécialistes de l’époque. En effet, le contrôle du marché est né outre-Atlantique dès le XIXe siècle, et non en Europe : les Américains ont toujours considéré, contrairement au vieux continent, que le marché n’avait pas toujours raison et qu’il fallait le réguler afin de lutter contre les monopoles ou les oligopoles et les ententes qui étaient quasiment la règle en Europe avant la Seconde Guerre mondiale. Plus prosaïquement, il s’agissait de briser définitivement les Konzerns de la Ruhr, ces cartels qui avaient fait la puissance militaire de l’Allemagne d’avant-guerre. Faute de tradition juridique européenne dans le domaine de la concurrence «libre et non faussée», il a fallu faire appel aux juristes américains. Les articles des traités européens sur le sujet qui donnent du fil à retordre aux géants américains ont «été rédigés par Bowie avec un soin méticuleux. C’était une innovation fondamentale en Europe, et l’importante législation antitrust qui règne sur le marché commun trouve son origine dans ces quelques lignes pour lesquelles je ne regrette pas de m’être battu quatre mois durant», raconte ainsi Jean Monnet, l’un des pères de l’Europe, dans ses Mémoires. Des règles de décartellisation que l’Allemagne n’a acceptée que parce que le chancelier Konrad Adenauer a mis tout son poids dans la balance.
La Commission défend l’économie européenneIl est amusant d’entendre aujourd’hui Barack Obama, le président américain, prendre la défense de Google, dont il est très proche, comme il l’a fait à la mi-février, en estimant que les règles européennes de concurrence sont «parfois» «davantage dictées par des intérêts commerciaux», puisque «les fournisseurs de services (européens) qui, comme vous le savez, ne peuvent pas lutter contre les nôtres, essaient seulement d’empêcher nos entreprises d’opérer là-bas.» : «nous avons possédé Internet. Nos entreprises l’ont créé, l’ont étendu, l’ont perfectionné, de telle manière qu’ils [les Européens] ne peuvent pas lutter». Autrement dit, la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles serait un moyen de priver les entreprises américaines des fruits de leur succès… Une analyse pour le moins curieuse pour le président d’un pays qui n’a pas hésité à démanteler l’opérateur téléphonique ATT en 1984.
En réalité, comme l’a expliqué hier la commissaire européenne à la concurrence, la libérale danoise Margrethe Vestager, «l’objectif de la Commission est d’appliquer les règles européennes (...) de manière à ce que les entreprises opérant en Europe ne privent pas artificiellement les consommateurs européens d’un choix aussi large que possible ou n’entravent pas l’innovation». Car aujourd’hui, on en est là. Le Parlement européen, aussi inquiet que la plupart des États membres, l’Allemagne et la France au premier chef, devant la puissance incontrôlée des géants américains du numérique, souhaite même, dans une résolution votée en décembre, que la Commission ordonne un démantèlement de Google. On n’en est pas là, mais cela donne la mesure de la bataille de Titan que Bruxelles vient d’engager. Chacun a conscience que les menaces ne sont pas seulement économiques, le numérique étant désormais l’un des principaux moteurs de la croissance occidentale, mais concerne aussi les libertés individuelles, comme l’a révélé l’affaire Snowden. Autrement dit, en imposant ses règles du jeu aux GAFAM, l’Union préservera son avenir économique et protégera son État de droit.
NB: version longue de mon article paru dans Libération du 16 avril
On the 16 March 2015 the Council has launched the EU's military advisory mission in the Central African Republic (EUMAM RCA), which it established on 19 January 2015. It sets out to support the Central African authorities in preparing areform of the security sectorwith respect to the armed forces of the Central African Republic (FACA).
The EU High Representative for Foreign Affairs and Security Policy, Federica Mogherini, said: "The EU continues its comprehensive support for stability and security in the Central African Republic. EU experts will now support preparations for security sector reform. This will help the Central Africa Republic turn the corner after this security crisis."
In close cooperation with the United Nations Multidimensional Integrated Stabilization Mission in the Central African Republic (MINUSCA), this mission will play a critical role in strengthening the security sector. Concurrently, EUMAM RCA will advise the military authorities of the Central African Republic (CAR) on thereforms necessary to transform the CAR armed forcesinto a professional, democratically controlled and ethnically representative army. EUMAM RCA will also support the MINUSCA in achieving its mandate in the area of security sector reform and the vetting process.
EUMAM RCA is located in the country's capital Bangui. Brigadier General Dominique Laugel from France has been appointed EU Mission Commander for a team of up to 60 staff. The common costs of the operation are estimated at €7.9 million for 12 months.
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