Jean-Claude Juncker est en passe de réussir un joli coup : sa proposition d’une répartition automatique entre les États membres des demandeurs d’asile affluant sur le territoire de l’Union va sans doute voir le jour. Même si les gouvernements, français en particulier, se sont étranglés en la découvrant, le 13 mai, personne n’a osé la rejeter en bloc, en dehors de la Hongrie de Viktor Orban. Certes, chacun veut rediscuter de la « clef de répartition », mais l’idée d’une « relocalisation obligatoire » est bel et bien actée, comme on le note avec satisfaction dans l’entourage du président de la Commission.
Cela n’était pas gagné d’avance : lors du conseil européen du 23 avril, si les chefs d’État et de gouvernement ont demandé une « répartition d’urgence » des demandeurs d’asile entre les pays, c’était seulement sur une « base volontaire » et non obligatoire… « C’est courageux de la part de la Commission de faire une telle proposition, dont on n’est pas certain qu’elle soit immédiatement approuvée par les États membres », a d’ailleurs salué Thomas de Maizière, le ministre allemand de l’Intérieur, dont le pays fournit le plus gros effort en matière d’accueil des réfugiés.
Verser des larmes à chaque naufrage en Méditerranée et laisser l’Italie et la Grèce se débrouiller seules, en croisant les doigts pour que ces dizaines de milliers de réfugiés ne viennent pas chez eux, tel était l’attitude des pays européens jusque-là. C’est avec ce « benign neglect » (douce négligence) qu’a voulu rompre Juncker en proposant que chaque État assume une partie du traitement des demandes d’asile en cas d’afflux brutal, ce qui est le cas actuellement. Il ne s’agit pas de les obliger à accorder l’asile, ce qui reste encore une prérogative nationale, mais de les contraindre à examiner un certain nombre de demandes après un premier tri rapide effectué dans les pays d’arrivée destinés à écarter les migrants économiques. Un mécanisme d’urgence qui ne s’appliquerait, comme l’a précisé le 27 mai la Commission, qu’à deux nationalités, les Syriens et les Erythréens, soit 40.000 personnes en tout (26 000 transférés d’Italie et 14 000 de Grèce) à répartir dans un espace comptant 500 millions de personnes.
Ce « minimum de solidarité », pour citer Dimitris Avramopoulos, le commissaire chargé de l’immigration, se ferait selon une « clef de répartition » calculée selon trois critères : PIB (40 %), population (40 %), taux de chômage (10 %) et nombre de demandes d’asile déjà enregistrées (10 %). Ainsi, l’Allemagne devrait accueillir 21,91 % des 40.000 demandeurs d’asile syriens et érythréens, soit 8763 personnes, la France 16,88 %, soit 6752 personnes, l’Espagne, 10,72 %, soit 4288 personnes, la Pologne 6,65 %, soit 3310, etc. Les demandeurs qui n’obtiendraient pas l’asile devront être reconduits à la frontière.
C’est sur le calcul de cette clef que se focalise désormais la discussion et non sur son caractère obligatoire : « la France et l’Allemagne sont disposées à examiner la proposition de la Commission », mais « selon une clef de répartition agréée et équitable », ont ainsi affirmé lundi soir les ministres de l’Intérieur allemand et français, Thomas de Maizière et Bernard Cazeneuve. Pour les deux gouvernements, il faut « mieux prendre en compte les efforts déjà effectués », « cinq États membres se partageant 75 % des demandeurs d’asile : la France et l’Allemagne, la Suède, l’Italie et la Hongrie ». Une ligne qui est aussi celle de pays comme la Belgique ou de l’Espagne. Le Portugal, lui (qui devrait accueillir 704 personnes), veut que l’on tienne davantage compte du taux de chômage.
La Commission se dit prête à « discuter avec les États membres des modalités de mise en œuvre des mécanismes pour assurer une juste distribution des demandeurs d’asile dans l’Union européenne », a-t-elle fait savoir aujourd’hui. En particulier, elle est prête à tenir compte des « visas humanitaires » accordés par l’Allemagne à 90.000 Syriens à la demande de l’ONU…
En dépit de l’urgence, il est douteux que les États membres parviennent à se mettre d’accord avant le mois de juillet. Mais, la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark étant en dehors de la politique commune d’immigration, il ne fait guère de doute qu’elle sera finalement adoptée à la majorité qualifiée du Conseil des ministres de l’Union. Pour l’instant, même si les pays d’Europe centrale et orientale ne sont pas chauds, seule Budapest a annoncé son intention de voter contre au nom de la défense de sa souveraineté. Alors même qu’elle profiterait d’un tel système : alors que le nombre de demandes d’asile est passé entre 2012 et 2014 de 2155 à 42 775, elle ne devrait en accueillir, selon la Commission, que 827, le reste des demandeurs étant réparti entre les autres États. Les voies du souverainisme sont impénétrables…
En revanche, la répartition des 20.000 réfugiés syriens bénéficiant déjà d’une protection internationale, mais se trouvant hors de l’Union se ferait sur une base volontaire, puisqu’il n’existe aucun article dans les traités européens permettant de contraindre un pays à accorder le séjour à un étranger, même réfugié statutaire. En clair, les égoïsmes nationaux vont pouvoir se donner libre cour…
Le 28 avril, huit prisonniers ont été fusillées par les autorités indonésiennes qui les ont condamnés pour trafic de drogue. Sauf Zainal Abidin, les autres condamnés à mort n’étaient pas indonésiens, trois d’entre eux étaient nigérians, deux australiens, et un du Ghana et du Brésil. Les prisonniers ont été exécutés sur l’île de Nusakambangan ( vallée de la mort ) malgré les pressions de la communauté internationale qui ont été ignorées par le président Joko Widodo. Les prisonniers ont été autorisés à choisir si avoir les yeux bandés ou pas, si être assis ou à genoux. Puis, chacun a eu trois minutes pour prier et enfin un médecin a mis une croix noire sur la poitrine de chaque condamné. Ensuite, ils ont été fusillés par un peloton d’exécution composé de douze hommes.
L’Australie avait mis en œuvre une vigoureuse campagne pour sauver les deux compatriotes dans le couloir de la mort depuis près d’une décennie. Le ministre des Affaires étrangères, Julie Bishop, avait demandé une suspension dans l’attente de savoir l’issue d’une enquête de corruption sur les deux juges qui présidaient le cas. Mais le président Joko Widodo a rejeté la demande. Après la sentence de mort, l’Australie a rappelé son ambassadeur en Indonésie et, en fait, le premier ministre, Tony Abbott, a déclaré que la relation entre Australie et Indonésie est très important mais elle a souffert à la suite de l’exécution des prisonniers. L’Australie n’avait jamais pris une telle mesure quand un de ses ressortissants a été mis à mort par un pays étranger, et n’avais jamais retiré son ambassadeur en Indonésie.
Actuellement, un citoyen français, Serge Atlaoui, risque la peine de mort en Indonésie. Serge a été incarcéré depuis dix ans et il affirme qu’il n’a fait qu’installer des machines industrielles dans ce qu’il croyait être une usine d’acrylique, et qui abritait en réalité une fabrique clandestine d’ectasy. Après que la Cour suprême indonésienne a rejeté sa demande finale de clémence, la diplomatie française est intervenu avec force en soulignant que l’exécution serait « préjudiciable aux relations bilatérales » et dénonçant « de graves lacunes dans le système de justice indonésienne » au cours du processus. Selon François Hollande cette exécution « serait dommageable pour l’Indonésie, dommageable pour les relations que nous voulons avoir avec elle ».
L’Union Européenne a vivement réagi après la décision du president Joko Widodo, elle est totalement opposée à la peine de mort. « Nous reconnaissons que l’Indonésie doit affronter un problème de drogue, mais l’expérience dans d’autres pays montre que la peine capitale n’est pas la bonne réponse » a dit Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne en ajoutant « l’UE est prête à réfléchir aux moyens de soutenir les efforts de l’Indonésie dans la lutte contre la drogue ».
Mais la peine capitale n’est pas seulement un problème de l’Indonésie, en fait, Amnesty International rapporte que 58 Etats appliquent encore la peine de mort dans leur législation, alors que 139 ne l’appliquent pas, en droit ou dans la pratique. Selon l’ONG, les exécutions ont baissé du 22% entre 2013 et 2014. L’Iran est le pays qui exécute le plus, 1972 condamné entre 2009 et 2014, 289 dans le 2014. Ensuite on a l’Irak, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis. Des pays comme la Chine et la Corée du Nord considèrent le chiffre concernant la peine capitale comme secret d’Etat mais, selon les estimations, ils sont les pays qui exécutent le plus.
Pour appartenir à l’Union Européenne, un des prérequis est l’interdiction de la peine de mort dans la législation des Etats. Mais, le 28 avril, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a affirmé que « la question de la peine de mort doit être remise à l’ordre du jour en Hongrie », selon Orban les sanctions existantes pour des crimes graves comme le meurtre sont « trop faibles ». Ce qui a attiré de nombreuses protestations.
Le 30 avril le président de la Commission Jean-Claude Junker a déclaré » nous n’avons pas besoin de discuter des choses évidentes. La Charte des droits fondamentaux de l’UE l’interdit et M.Orban devrait immédiatement clarifier que ce n’est pas son intention. Si c’est son intention, alors il y aura une bataille ». Une porte-parole de la Commission a laissé entendre que la Hongrie risque de perdre son droit de vote, si la procédure de l’article 7 venait à être mise en œuvre.
Après quelques heures, le chef de cabinet du Orbán, Janos Lazar, a déclaré que Budapest « n’a pas de plans » pour mettre en vigueur les condamnations à mort. Dans un appel téléphonique avec le président du Parlement européen, Martin Schulz, Lazar, Orban a expliqué que «il y a un débat en Hongrie sur la peine de mort », mais « pas l’intention de l’introduire dans le pays ».
Chiara Rossi
Pour en savoir plus:
-. Dossier des articles de Nea say de Eulogos sur la peine de mort http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3539&nea=157&lang=fra&arch=0&term=0
«Si la Commission estime qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Si l’État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne» (art. 258 TFUE).
Le 28 mai la Commission européenne a publié les décisions mensuelles principales relatives les procédures d’infractions contre les États membres. Ce mois-ci la gardienne des traités a adopté 127 décisions, dont 27 avis motivés et 4 saisines de la Cour de justice de l’Union Européenne. Les infractions touchent immanquablement l’environnement et l’emploi alors que l’Espagne et la Pologne sont les plus nommées dans les avis motivés.
Tout d’abord,les mauvaises nouvelles touchent les affaires intérieures. Un avis motivé a concerné la Pologne invitée par la Commission européenne à garantir l’échange obligatoire d’informations conformément au règlement en matière de sécurité des documents. Le 20 mai 2012 la Pologne a été destinataire d’une lettre de mise en demeure concernant la mise en place de point de contact unique afin de respecter les normes relatives aux éléments de sécurité à la communication efficace entre les États membres. Cependant la mise en place de ces points de contact est obligatoire pour permettre un échange des informations afin d’accéder aux images d’empreintes digitales stockées sur la puce des passeports et des titres de séjours.
Un avis motivé a concerné également les droits d’auteur et la stratégie numérique. La Commission a demandé à la Belgique, Chypre, Luxembourg, Pologne, Roumanie et Slovénie de mettre en œuvre la directive de l’UE sur les œuvres orphelines, c’est-à-dire des règles communes sur la numérisation et l’affichage en ligne des matériaux qui sont protégés par le droit d’auteur mais dont les auteurs ou les autres détenteurs ne sont pas connus : «les œuvres orphelines contenues dans les collections des bibliothèques européennes pourraient rester inexploitées si aucun cadre juridique n’est créé pour rendre leur numérisation et leur affichage en ligne possible légalement».
Ces États membres n’ont pas encore notifié à la Commission les mesures de transposition de la directive en droit national, dont le délai était le 29 octobre 2014. Si les États membres ne notifient pas la transposition dans deux mois, la Commission peut décider de saisir la Cour de justice.
En ce qui concerne les droits des travailleurs, l’Estonie a été épinglée devant la Cour de justice pour ne pas garantir une protection efficace contre les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs dans le secteur universitaire, donc elle ne se conforme pas à la directive sur le travail à durée déterminée. La législation estonienne limite à cinq ans la durée des contrats de travail a durée déterminée et après les contrats sont requalifiés à temps indéterminée, mais cette limite ne s’applique pas dans le secteur universitaire puisque les relations de travail s’interrompent pendant la fermeture estivale.
L’Espagne, par contre, est rappelé à l’ordre,dans deux avis motivés concernant le manque de transposition des dispositions concernant la même directive sur le temps de travail. Le premier avis concerne les travailleurs de nuit qui ne doivent pas travailler plus de huit heures par jour, en outre dans la législation nationale, il n’est pas prévu que en cas de problème de santé, un travailleur de nuit puisse passer à un travail de jour. Le deuxième avis concerne la disposition de la directive qui prévoit que tout travailleur doivent bénéficier d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines ;de toute façon on attend sans doute le prochain rendez-vous mensuel.
Annalisa Salvati
Pour en savoir plus :
-.Procédures d’infractions du mois de mai 2015: principales décisions http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-5053_fr.htm
-.Le travail de la Commission européenne sur les procédures d’infractions http://ec.europa.eu/atwork/applying-eu-law/infringements-proceedings/index_fr.htm
-. Dernier mise à jour des communiqués de presse relatifs aux infractions http://ec.europa.eu/taxation_customs/common/infringements/infringement_cases/index_fr.htm
Le Bureau européen d'appui en matière d'asile a signalé une hausse du nombre de demandeurs d'asile ukrainien. Ce phénomène a débuté en mars 2014, au moment de l'invasion de la Crimée, et continue.
Exclusif. Le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl, a transmis le 2 juin à Bruxelles une proposition de réforme des mécanismes d'arbitrages, pour créer une cour européenne en matière de règlement des différends.
Dans le débat sur les réformes de l'UE, la Commission et le Royaume-Uni s'accordent sur de nombreux points, dont la division des pouvoirs entre l'UE et les États membres, a affirmé le chef du cabinet du président Juncker. Un article d'EurActiv Allemagne.
Zoé Konstantopoulou, présidente du parlement grec, la Vouli, s'exprime sur les négociations avec les créanciers et la victoire de Syriza.
La seconde Gay Pride de l'histoire de l'Ukraine, prévue samedi 6 juin, risque d'être annulée. A moins que la police ne s'engage à protéger les manifestants.
Vytenis Andriukaitis, le commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire, a pris avec véhémence la défense de la Commission, accusée de retarder la législation sur les perturbateurs endocriniens.
L’eurodéputé danois Morten Messerschmidt accuse la commissaire Margrethe Vestager de violer les règles sur l’indépendance des commissaires en soutenant publiquement son parti, le parti social libéral danois, lors de la campagne électorale. L’eurodéputé a déposé une plainte auprès du président de la Commission, Jean-Claude Juncker.
L’UE a ouvert une enquête sur l’industrie des panneaux solaires chinoise, a déclaré la Commission le 29 mai. Les industries chinoises sont accusées d’éviter des taxes en exportant leurs produits via Taïwan ou la Malaisie. Une autre enquête liée au verre utilisé dans les panneaux solaires chinois a été lancée en décembre dernier.