Le ministre de la Défense, Antoni Macierewicz, fait feu de tout bois (crédit : MOD Pologne)
(B2) Le gouvernement polonais du PiS avait déjà montré dans le passé qu’il prenait un certain aise avec les règles démocratiques – sur le tribunal constitutionnel notamment –. Il vient de confirmer, ce lundi (8 mai), que ce n’était pas un épiphénomène. Les honneurs étaient à peine rendus aux victimes de la seconde guerre mondiale que le ministère de la Défense, dirigé par Antoni Macierewicz, sortait un communiqué, des plus menaçants, dignes des heures les plus sombres de la Pologne.
Menace de poursuite contre l’opposition
Le porte-parole du ministère ne menaçait pas moins les députés de la plate-forme civique (PO), le principal parti d’opposition, de poursuites pour dénonciation calomnieuse, s’ils maintenaient leur plainte au procureur général dans l’affaire plus que trouble de l’affaire Berczyński, du nom du conseilleur spécial du ministre de la défense, Antoni Macierowicz, chargé plus particulièrement du dossier hélicoptères « Caracal » (lire : L’affaire Berczyński, l’homme qui se vantait d’avoir tué le Caracal, prend une tournure politique et judiciaire). Les députés de la PO ont porté plainte devant le procureur général pour violation du secret défense… plainte sinon fondée, au moins justifiable vu le contexte (1).
De bien curieuses méthodes
A priori… si la plainte est infondée, il suffit au procureur polonais de la rejeter, ou au ministère de la Défense, de justifier que tout a été fait dans les règles. Menacer des plaignants, qui plus est des représentants démocratiquement élus, de contre-poursuites pour, juste, l’exercice du droit à porter plainte, est pour le moins pas très démocratique. Ce n’est pas sans rappeler certaines méthodes d’intimidation du gouvernement communiste…
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) depuis la révélation de l’affaire, Berczyński a fui aux Etats-Unis, ce qui n’est pas vraiment un indice de conscience tout à fait tranquille.
François Hollande recevant le dirigeant ukrainien, Petro Porochenko (crédit : Elysée / Archives B2 octobre 2015)
(B2) La « véritable » élection qui va décider de l’avenir de la France n’est peut-être pas vraiment le second tour des présidentielles de ce dimanche. Elle se déroulera les 11 et 18 juin, lors des législatives.
Un paradoxe
Alors que la présidence de la République est normalement le lieu majeur du pouvoir français, ce n’est plus automatiquement l’élection décisive. Toute la difficulté pour Emmanuel Macron (comme cela aurait été pour Marine Le Pen) sera alors de réunir une majorité suffisante derrière son programme. Un président sans majorité, même avec d’importants pouvoirs, voit son pouvoir réduit de façon drastique aux questions de défense (il reste le chef des Armées) et de présence internationale.
Quatre hypothèses de majorité
Plusieurs hypothèses peuvent se profiler :
Le retour du Parlement
Dans trois de ces quatre hypothèses, le parlement français retrouve un rôle certain qu’il avait perdu ces dernières années, le parti au pouvoir se confondant avec la personne du président de la République et du Premier ministre. La majorité ayant alors un rôle essentiel, soutenir le gouvernement, avec une marge de manœuvre assez limitée aux grognements habituels d’une majorité bousculée par un exécutif. La Ve république pourrait alors évoluer d’un régime présidentiel à un régime parlementaire.
Un test de solidité des partis traditionnels
Les législatives pourraient être aussi le véritable test de solidité, ou non, de l’affaiblissement des partis de gouvernement (Les Républicains et Parti socialiste). Pour Les Républicains (droite), on peut parier que l’épisode « Fillon » effacé, le parti va retrouver une certaine unité pour partir à la bataille sinon totalement uni, du moins réuni. Chacune des composantes du parti (Fillon, Sarkozy, Juppé, etc.) ayant plus qu’intérêt à trouver dans les législatives l’excutoire à la victoire qui leur a fait défaut aux présidentielles. Dans un pays, aux tréfonds conservateurs, Les Républicains, pourraient alors imposer l’un des leurs au poste de Premier ministre (François Baroin ?) ou, à défaut, constituer une minorité suffisamment forte pour constituer un allié de poids à Macron ou une opposition de poids.
Pour les socialistes, l’épreuve de force est beaucoup plus vitale. Il faudra que les Socialistes ralliés, ouvertement ou intellectuellement, à Macron, tels Le Drian, quittent définitivement le parti dont ils étaient un des piliers majeurs. C’est un cas de non retour. Et cela pourrait signifier, réellement, l’implosion du parti d’Épinay.
Quant au Front National, son objectif sera désormais de constituer un groupe à l’Assemblée nationale, lui permettant d’avoir au chapitre et d’être l’aiguillon de service d’un gouvernement qui sera toujours tenté d’intervenir en réaction.
L’Europe de la défense, vecteur commun des partis de gouvernement
Dans toutes ces hypothèses, une quasi certitude. Les trois partis de gouvernement (Les républicains, Parti Socialiste, En Marche) partagent, au-delà de leurs différences, une même sensibilité : la défense constitue une priorité majeure. Et sur l’Europe de la défense, leurs propos se rejoignent tous, les différences se calculant au millimètre. Tous sont pour un renforcement des ambitions européennes en la matière, d’avoir une Europe puissance plutôt qu’une molle réunion d’intérêts, un financement et des actions communes… Cela tombe bien car c’est exactement le sentiment qui prédomine à Bruxelles tant au sein de la Commission européenne (JC. Juncker, F. Mogherini, etc.), qui prépare une série de propositions en ce sens, qu’au sein du Parlement européen.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(B2) Les différentes missions et opérations de la PSDC sont ce samedi (6 mai) présentes dans l’enceinte du service diplomatique européen (SEAE), au Rond-point Schuman, de 10h à 18h.
NB : l’illustration ci-contre provient du site du SEAE mais seule la version anglais de l’affiche est disponible. La communication du service diplomatique européen ne se faisant qu’en anglais.
Verrait-on des casques bleus, sans cartes, sans crayon et sans véhicule… ? Pourtant c’est ce que font actuellement les Européens avec les forces africaines, former… sans équiper (crédit : DICOD / EMA – casques bleus de la Finul au Liban)
(B2) S’exprimant à Malte, lors de l’assemblée parlementaire sur la politique de défense européenne, le député français (socialiste) Joaquim Pueyo n’a pas mâché ses mots sur l’action de l’Union européenne au Sahel. Un sujet qu’il connait bien pour avoir été à Bamako l’année dernière « afin d’évaluer les missions EUTM Mali et EUCAP Sahel Mali » dont l’objectif est la formation de l’armée et des forces de sécurité intérieure maliennes.
Un contexte juridique qui interpelle
« Même si l’implication de leur personnel doit être saluée, ces deux missions et en particulier EUTM Mali s’exercent dans un contexte juridique qui doit nous interpeller. L’UE ne peut juridiquement financer les dépenses militaires. Elle forme les soldats maliens mais ne peut leur fournir les armes et munitions nécessaires à leur entraînement » a expliqué le député de l’Orne.
Une formation sans équipement
« Pire encore, une fois formés, ceux-ci rejoignent une armée malienne sans équipement, l’État malien n’ayant pas les moyens de les acheter. Le Mali mais aussi le Tchad ou le Niger, veulent des armes, des munitions, mais aussi des moyens de transmission, des véhicules blindés, des équipements de vision nocturne, etc. afin de combattre, avec les forces françaises de l’opération Barkhane, les groupes terroristes qui les menacent et nous menacent. Et l’Europe est incapable de les leur fournir. »
L’Europe incapable même de payer des trousses de premier secours !
« Sans aller jusqu’à fournir des armes et des munitions, il me semble nécessaire que l’Union finance certaines dépenses ayant un objet militaire. Pour ne prendre qu’un exemple édifiant, les trousses de premiers secours fournies aux militaires maliens dans le cadre d’EUTM Mali ont dû être payées par… le Luxembourg ! » explique le député.
Une initiative CBSD en deçà des enjeux
Une problématique que l’on connait bien au niveau de l’Union européenne. C’est tout le sens de l’initiative, dénommée CBSD (1), proposée en juillet 2016, et actuellement en discussion devant le Parlement européen. Elle vise à permettre le financement d’un minimum d’équipement (non létal) pour les forces armées. Mais cette initiative se heurte encore à quelques résistances, assez surréalistes parfois, comme l’ont prouvé les derniers débats au Parlement européen (lire : Pas de confusion, la CBSD n’est pas soumise aux critères « DAC »). Et, selon le député Pueyo, elle est insuffisante. « L’initiative CBSD est une première réponse mais elle n’est pas encore actée. Elle restera malheureusement en deçà des enjeux et des demandes de nos partenaires africains. »
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Capacity building in support of security and development. Un acronyme anglais intraduisible en français courant. J’offre un café à celui qui m’offre une traduction en français compréhensible dans le sens commun !
(B2) L’armée américaine a relocalisé à Poznan, en Pologne, une centaine d’hommes, afin de mettre en place un QG tactique « de niveau de division », pour l’opération Atlantic Resolve. Il assurera ainsi le commandement des 6000 militaires redéployés dans les différents pays d’Europe de l’Est, de l’Estonie à la Bulgarie. Cet « élément de commandement de la mission » (MCE), mis en place en février 2015 à Baumholder (Allemagne). Cette relocalisation en Pologne va permettre « de projeter rapidement des forces de combat sur le théâtre européen à l’appui des alliés et partenaires de l’OTAN et d’augmenter la capacité de dissuasion [comme] de se défendre contre toute menace » indique l’armée américaine. Les Américains ont déployé 2017 en Europe une équipe de brigade blindée déployée par rotation en Europe, une brigade d’aviation de chasse et une force logistique d’appui.
(NGV)
En détail : le site US de l’opération Atlantic Resolve
Ursula von der Leyen s’exprimant à la presse, entourée (à sa gauche) du général Volker Wieker, et (à sa droite) du général Jörg Vollmer (© LH / B2)
(B2 à Illkirch) La ministre de la Défense allemande, Ursula von der Leyen, est arrivée en tout début d’après-midi au quartier Leclerc, à Illkirch-Graffenstaden (sud de Strasbourg) pour une mise au point sur les valeurs de l’armée allemande.
C’est ici que le militaire allemand Franco A, soupçonné de vouloir commettre un attentat, était affecté, au 291e bataillon de chasseurs de la brigade franco-allemande (BFA) (lire : Mélange des genres. Un militaire allemand de la BFA soupçonné de préparer un attentat raciste). Une visite décidée la veille dans l’urgence (annulant au passage un voyage prévu aux États-Unis) afin de renforcer le message de la ministre, soumise à forte critiques sur la scène nationale, notamment auprès des forces armées. Récit…
Un message fort : des défaillances internes à résoudre
Accompagnée de l’inspecteur général Volker Wieker (le chef d’état-major de l’armée allemande) et de l’inspecteur général Jörg Vollmer (patron de l’armée de terre), Ursula von der Leyen a voulu faire passer un message clair. Si « la grande majorité des soldats [allemands] ont tout le respect » de la ministre, « il est important de creuser plus profondément si quelque chose a mal tourné ». « Nous sommes au début d’un long processus. » Il y a « encore beaucoup à venir, mais ça vaut le coup » assure la ministre. Et elle compte s’y mettre rapidement.
Des faiblesses dans la direction de l’armée
Dès demain, jeudi 4 mai, elle rencontrera à Berlin une centaine de hauts gradés de l’armée allemande pour évoquer « la formation, au vu des récents scandales et leurs conséquences ». A Illkirch, Von der Leyen a annoncé également une révision du Code de discipline militaire. La ministre a aussi confirmé les propos tenus dans une interview au quotidien Bild, où elle dénonçait des « faiblesses de direction » dans l’armée et un « esprit de corps mal placé » conduisant à minimiser les dérives.
Opération de com’ politique
Un des dessins du « bunkers », la salle de détente des sous-officiers allemands, au quartier Leclerc, à Illkirch. (© LH / B2)
Von der Leyen est venue, en personne, pour se faire une idée de l’avancement de l’enquête qu’elle a elle-même ordonné la semaine passée. Mais la visite était aussi (et surtout) une opération de com’ pour redorer le blason de la ministre, mise en mal dans ce début de campagne électorale (en Allemagne).
Une revue de paquetage… dans le détail
Arrivée vers 14h, la ministre n’est restée dans la base que quelques heures. Pourtant, le tour a été minutieux. Et la presse tenue à bonne distance de la ministre pour éviter toute question intempestive. Après une première rencontre avec les hauts gradés allemands, elle a tenu à rencontrer plusieurs soldats. Elle a également visité le lieu de travail de Franco A. ainsi que les différentes zones de vie des soldats allemands.
Des décors glorifiant le passé nazi
Dans sa chambre, les enquêteurs ont trouvé une arme décorée d’une croix-gammée, un poster de soldats du IIIe Reich et divers documents à la gloire des nazis. Dans le « bunker », le salon de loisirs des sous-officiers, auquel B2 a eu accès, les murs sont décorés de dessins de soldats rappelant ceux de la Wehrmacht… Un détail que la ministre a d’ailleurs critiqué vertement : « La Wehrmacht n’a rien en commun avec la Bundeswehr. »
Les Français absents
Côté français, le service a été réduit au minimum. Seul le général Nicolas Casanova, chef de la 2ème Brigade blindée (2e BB), a reçu la ministre à son arrivée à l’aéroport de Eintzeim et au quartier Leclerc. Mais il l’a fait surtout en « sa qualité de gouverneur militaire de Strasbourg ». D’ailleurs, la visite de la ministre n’a pas été annoncée par les responsables de presse français. Les médias français se comptaient à peine sur les doigts d’une main. En revanche, côté allemand, une bonne dizaine de télévisions et une quinzaine de journalistes dont certains arrivés dans l’avion de la ministre étaient présents.
(Leonor Hubaut)
(B2) L’affaire fait grand bruit en Allemagne (et bizarrement assez peu en France). Un officier allemand, du 291e bataillon de chasseurs (Jägerbataillon 291) – qui fait partie de la brigade franco-allemande –, basé à Illkirch (près de Strasbourg) (1), est soupçonné d’avoir voulu préparer un attentat.
Soldat le jour, réfugié la nuit
Agé de 28 ans, le lieutenant Franco A menait une double vie. Le jour, il était soldat. La nuit et durant ses périodes de permission, il était David Benjamin (!), chrétien de Syrie, réfugié en Allemagne, vivant dans un foyer de migrants en Hesse… Son statut de demandeur d’asile avait été reconnu en janvier 2016. Une prouesse relativement extraordinaire puisque d’après la presse allemande, il ne parle pas un mot d’arabe. Lors des démarches pour bénéficier du droit d’asile, pour éviter de parler allemand, il a parlé en Français. Une langue apprise en France, à l’école de Saint Cyr, où il a étudié (cf. ci-dessous).
Une enquête menée en Autriche, en Allemagne et en France
Durant de longs mois, Franco A. a mené sa double vie sans attirer les soupçons. Ce n’est que début février (le 3), qu’il a été repéré par la police… autrichienne. Il tentait de récupérer une arme à feu chargée, de calibre 7,65 mm, cachée quelques jours plus tôt dans les canalisations des toilettes de l’aéroport de Wien-Schwechat (Autriche). Arme pour laquelle il ne disposait d’aucun port d’arme. Arrêté pour contrôle, il a ensuite été relâché mais placé sous surveillance. Le parquet allemand a alors pris le relais, menant une enquête sur le soupçon d’action violente subversive. L’enquête — impliquant les polices de trois pays (Allemagne, Autriche, France) – a abouti à des perquisitions dans 16 habitations au total dans les trois pays puis à deux arrestations. Franco A a été arrêté, mercredi dernier (26 avril) à Hammelburg (Bavière) où il suivait une instruction militaire, en même temps, qu’un étudiant de 24 ans à Offenbach am Main accusé d’être impliqué.
Un mémoire soutenant des thèses racistes soutenus à Saint Cyr
Les enquêteurs ont d’ailleurs (re)découvert le projet de son mémoire de maitrise, soutenu à Saint Cyr en 2014. Un texte qui — selon le centre des sciences de l’histoire militaire et sociale de la Bundeswehr (ZMSBw) – n’est manifestement pas un travail de qualification académique mais procède d’un nationaliste radical, un appel au racisme, que l’auteur tente de soutenir dans un effort pseudo-scientifique ».
Un réseau d’extrême droite au sein de l’armée ?
Selon notre collègue Thomas Wiegold, de Augengeradeaus, l’enquête en cours semble révéler qu’il ne s’agit pas d’une dérive individuelle. Jusqu’à cinq soldats seraient impliqués et identifiées. Des armes (des Glock G36) auraient été découverts lors de l’enquête, avec des croix gammées.
Une ministre sous le feu des critiques
La ministre Von Der Leyen, qui avait réussi jusqu’ici un parcours sans faute, est sous le feu des critiques. Elle a voulu, à son tour, porté l’estocade mettant en cause l’état-major de l’armée allemande. Sur la ZDF, elle a tenu des propos très durs. « La Bundeswehr un problème d’attitude. Et elle a évidemment une faiblesse de direction à différents niveaux » – mêlant les affaires de harcèlement, de dégradation sexuelle. Ce jeudi (4 mai), les différents responsables militaires sont d’ailleurs convoqués à Berlin – selon mon collègue Thomas Wiegold – pour discuter des conséquences des incidents accumulés par la Bundeswehr depuis plusieurs mois. En attendant, la ministre a décidé d’annuler une visite prévue aux États-Unis et de faire une visite officielle en France, à Illkirch, sur les lieux même où le jeune sous-officier travaillait…
(Nicolas Gros-Verheyde)
A suivre : le reportage de ma collègue Leonor Hubaut qui suit la ministre Von Der Leyen à Illkirch
(1) C’est la seule unité allemande stationnée sur le territoire français. De façon étrange, ce fait n’a été que très peu commenté. Alors que l’individu a suivi une partie de sa scolarité en France, avec des écrits pour le moins peu républicains, résidait en France, les autorités françaises se murent dans une discrétion quasi-totale, laissant la ministre allemande se dépatouiller avec ses ressortissants.