(crédit : Eunavfor)
(B2) La marine colombienne est désormais à pied d’oeuvre dans l’Océan indien engagée dans l’opération européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalanta. Le navire de guerre de la marine colombienne ‘7 de Agosto‘ (47) est ainsi arrivé le 8 août dernier dans le port de Djibouti.
Une première pour la marine colombienne
C’est une première pour la marine colombienne, ainsi que nous l’avions annoncé (Lire : La marine colombienne en renfort dans l’Océan indien ?). Et c’est même la première fois qu’un navire d’Amérique latine est engagé aux côtés des Européens dans une mission de la PeSDC (*). Cette participation colombienne tient beaucoup cependant à l’Espagne qui a « parrainé » cette participation en vertu d’un accord de collaboration entre les deux marines.
L’engagement de l’Espagne
L’Armada espagnole entend faire de cette participation à l’opération européenne « un succès et servir d’expérience et de modèle pour l’intégration future d’autres marines », précise un communiqué du ministère de la Défense à Madrid. Avant d’être engagé, le ‘7 do agosto‘ a ainsi passé une « visite d’inspection » au Centre pour l’évaluation de la baie de Cadix (EVADIZ) du 14 et 17 juillet dernier. Inspection qui a permis d’évaluer l’interopérabilité et les capacités du navire (et de son équipage) « à mener des opérations de sécurité maritime intégrés dans une force multinationale », à l’aide d’exercices au port et en mer.
Une équipe de liaison à bord
Placé sous le commandement du Captain Darwin Alberto Alonso Torres, l’équipage ‘7 de Agosto‘ se compose de 65 personnes. Une équipe de liaison espagnole (composée d’un officier, un sous-officier et un première classe), restera à bord du navire jusqu’à l’achèvement du déploiement dans l’océan Indien, pour permettre la coordination, jour par jour avec le navire amiral de l’opération, le Galicia (L-51). Ce navire de patrouille en haute mer, de type OPV-80, a été fabriqué par les chantiers navals allemands Fassmer qui équipe également les marines argentine et chilienne (télécharger sa fiche technique). Long de 80,6 mètres et large de 13 mètres, il dispose deux canons (20mm et 40mm), 3 bateaux hors-bords et un hangar permettant d’abriter un hélicoptère Augusta Bell 412.
(NGV)
(*) Ce n’est cependant pas la première participation d’un pays d’Amérique latine à une mission PeSDC. Quelques officiers chiliens ont ainsi servi dans l’opération de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine (EUFOR Althea). Mais cette participation était assez symbolique.
(B2) Dimanche (9 août), quatre véhicules blindés de la mission d’observation de l’OSCE en Ukraine garés à l’extérieur du logement des observateurs à Donetsk ont pris feu. Les observateurs s’en sont rendus compte vers 2h25 du matin. Plusieurs explosions sont survenues : en fait, l’explosion des pneus des véhicules blindés selon l’OSCE. Au final, trois véhicules de l’organisation ont été complètement détruits, un véhicule lourdement endommagé et trois autres véhicules partiellement endommagés. Aucun observateur n’a été blessé. Incident ‘criminel’ selon l’OSCE.
(BRUXELLES2) Les mails de l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton – publiés par le Département d’Etat US – sont une vraie mine d’or pour celui qui enquête sur la géopolitique moderne. C’est la série d’été de B2…
Sur la période de la crise en Libye en 2011, ces échanges électroniques révèlent (ou confirment plutôt) que la division de la Libye en deux entités distinctes non seulement était envisagée mais potentiellement souhaitée par certains acteurs clés du conflit, notamment français et britanniques, voire égyptiens.
Diviser pour mieux régner ?
Nous sommes le 8 avril 2011 — l’opération des alliés, surtout Français et Britanniques est entamée depuis à peine un mois et semble s’enliser (lire : Un mois après le début de la campagne libyenne, quel bilan ? Pourquoi çà traine ?). Un haut fonctionnaire du Conseil National de Transition (CNT) de Libye avertit la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton « Français, Anglais et d’autres pays européens seraient pleinement satisfaits avec une situation d’impasse qui laisserait la Libye divisée en deux entités rivales ». La méfiance semble de mise dans les rangs du CNT. Un haut fonctionnaire militaire informe ainsi les services américains de ses doutes, « ni les Français, ni les Britanniques ne fournissent suffisamment d’aides pour contrer les forces de Kadhafi ». Suspicieux, les leaders de l’opposition envisagent même à cette époque « d’engager des firmes privées pour fournir entrainement au combat et pour organiser leurs forces ».
La frustration de Nicolas Sarkozy
Dès le début de l’intervention armée (opération Harmattan pour les Français, Ellamy pour les Britanniques), une source européenne informe les Américains que « le commandement militaire français anticipe l’effondrement total de la structure militaire libyenne pour la semaine suivante ». Mais à partir de mars 2011, il devient très difficile d’obtenir des informations provenant du terrain. Ce qui d’après les informations américaines a eu le don d’agacer l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, de plus en plus « frustré » par cette situation. Une source bien informée souligne que le président français « exerce une pression afin que France émerge de cette crise comme le principal allié extérieur quel que soit le gouvernement qui prendra le pouvoir » en Libye (NB: le 18 mars, Sarkozy est un des premiers a reconnaitre publiquement le CNT comme l’autorité légitime).
Le flegme britannique
Plus pragmatiques, les Britanniques eux ne fondent pas leurs objectifs sur un prétendu prestige qui découlerait de la « protection des populations civiles ». Celle-ci n’est qu’un moyen pour la défense des intérêts du Royaume en Libye.
Informée par des hauts fonctionnaires militaires du Conseil National de Transition de Libye, Hilary Clinton apprend dès mars 2011 l’état des tractations des services de renseignements franco-britannique. Sur le terrain, « en dépit de l’intervention de l’OTAN contre les forces de Kadhafi, le gouvernement britannique utilise ses services de renseignement dans le but de dicter le comportement à la fois du CNT et Kadhafi » affirment des hauts gradés du CNT.
Les tractations britanniques auprès de Saif Al-Islam Kadhafi mettent en évidence la planification des relations futures si ce dernier succède à son père à l’issue du conflit qui embrase le pays en 2011. Ces mêmes sources informent les Américains que « les services diplomatiques et de renseignement maintiennent des contacts avec les membres du gouvernement de Kadhafi ». La fuite au Royaume-Uni du ministre libyen des Affaires étrangères, Moussa Koussa n’est pas un hasard…
(Johanna Bouquet)
(BRUXELLES2) L’annulation du contrat de livraison aux Russes des deux navires porte-hélicoptères de type BPC Mistral — le Vladivostok et le Sébatospol — peut apparaitre très défavorable aux Français. 1,2 milliard d’euros d’indemnités, deux navires sur les bras à revendre… l’addition peut paraitre lourde, à première vue. Il faut cependant se garder d’une analyse à courte vue….
Premièrement, l’industrie française a pu gagner d’autres contrats, notamment avec la Pologne, grâce à cette annulation. Il n’est pas évident que le gouvernement polonais aurait pu signé un contrat avec un industriel européen (mais à forte tonalité française) pour les hélicoptères qui vendait de l’autre côté des armes aux Russes. Autrement plus rentable à terme que le contrat russe. (lire sur le club : La Pologne répartit ses premiers contrats entre Européens et Américains).
Deuxièmement, on l’oublie assez souvent, ce contrat a permis de donner aux chantiers de St-Nazaire un sacré souffle. A la fin des années 2000, début 2010, les ex-chantiers de l’Atlantique n’étaient pas au mieux. La construction de navires civils (grands paquebots) faisait alors défaut. Les effectifs avaient fondu d’année en année, n’employant plus qu’un peu plus de 2000 personnes début 2010, avec un nouveau plan social de 200 personnes à l’oeuvre. La commande anticipée en 2009 d’un troisième BPC, le Dixmude, avait donné un premier souffle d’air aux chantiers que la fabrication des deux BPC Russes avait complété, lui permettant ainsi de traverser une passe difficile. Le marché des BPC russes représentait – expliquait alors l’Elysée — « 5 millions d’heures de travail et 1.000 emplois maintenus pour quatre ans » pour les chantiers STX et l’industriel français DCNS (1). D’une certaine façon, l’annulation de la commande des navires ressemble d’un point de vue économique à une aide publique d’Etat, même si elle n’en revêt pas le format. Aide qui n’a pas besoin de passer sous les fourches caudines de la Commission européenne.
Troisièmement, en rompant ce contrat, Paris met une croix définitive sur la seconde partie du contrat. Celle-ci consistait à transférer une partie du savoir-faire aux chantiers maritimes russes de St Petersburg pour leur permettre de fabriquer deux répliques des navires type Mistral. En signant ce contrat, en 2011, contesté aussi par certains milieux militaro-industriels, Moscou espérait gagner en technologie et rattraper une partie du retard qu’ont acquis les chantiers navals russes. Les Russes avaient renoncé en 2012 à cette option autrement plus risquée à la fois pour l’industrie française maritime et pour l’équilibre géopolitique que la livraison des deux navires Vladivostok et Sebastopol.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer la possibilité, éventuelle, de revente du navire qui pourrait réduire d’autant la facture.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(1) Jamais avare d’emphase, Nicolas Sarzkoy, arrondissait aux chiffres supérieurs : 6 millions d’heures et 1200 emplois selon le président de la République.
Lire aussi :
(B2) Une réunion exceptionnelle du Conseil de l’Atlantique Nord (NAC) en format ambassadeurs aura lieu mardi (28 juillet), après la demande de la Turquie de tenir des consultations au titre de l’article 4, a confirmé dans un communiqué de presse le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.
La Turquie a, en effet, demandé la tenue de consultations, après les attentats de ces derniers jours, et pour informer les Alliés des mesures qu’elle a décidé de prendre. Les pays membres de l’OTAN « suivent de très près l’évolution de la situation et expriment leur solidarité avec la Turquie » indique le communiqué.
NB : Selon l’article 4, tout Allié peut demander des consultations chaque fois que, de l’avis de l’un d’eux, son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité est menacée. Cet article a été déclenché à plusieurs reprises, essentiellement par la Turquie : en 2003 sur le conflit irakien, et à deux reprises, en 2012, au début du conflit syrien notamment après la destruction d’un avion turc au large de la Syrie. La Pologne avait également saisi l’Alliance en mars 2014, pour donner l’alerte sur l’action de la Russie en Ukraine.
L’attaque de Suruc sème la fin d’un certain angélisme turc sur l’Etat islamique ?
Tout commence lundi (20 juillet) quand une attaque suicide fait 32 tués à Suruç, alors que des étudiants kurdes sont rassemblés au centre culturel pour participer à la reconstruction de Kobané de l’autre côté de la frontière en Syrie. Le gouvernement turc dénonce une attaque terroriste et met en cause l’organisation de l’Etat islamique (Daech / ISIL). Une mise en cause assez tardive. Le pouvoir turc ayant souvent eu une attitude compliquée avec cette organisation.
Mercredi (22 juillet), deux policiers turcs sont retrouvés morts, tués d’une balle dans la tête, à Ceylanpinar, ville frontalière avec la Syrie. Meurtre revendiqué par le PKK (parti des travailleurs du Kurdistan).
Réplique aérienne contre l’Etat islamique… et le PKK
Vendredi (24 juillet), la Turquie autorise l’armée américaine à utiliser ses bases pour mener des raids aériens vers la Syrie et l’Irak — concession tardive à l’offensive alliée contre ISIL. Elle lance également sa propre offensive aérienne contre l’Etat islamique en Syrie, et en profite pour frapper également les bases du PKK au nord en Irak. Le mouvement kurde réagit en indiquant que le cessez-le-feu en vigueur depuis 2013 est rompu. « Les conditions ne sont plus en place pour observer un cessez-le-feu » précise un communiqué du PKK. Près de 600 personnes sont arrêtées dans toute la Turquie.
Samedi (25 juillet), trois policiers et un civil sont blessés par des tirs « d’hommes armés non identifiés » dans le quartier Okmeydani d’Istanbul. Deux gendarmes turcs ont été tués et 4 autres blessés après que leur voiture ait été pris pour cible dans la région de Diyarbakır. Un poste de police est attaqué dans le quartier Bağlar de Diyarbakır sans victimes cette fois, etc.
Les raids aériens ont continué tout le week-end. Tous les congés des unités des armées turques ont été annulés, indique le quotidien Hürriyet, dimanche (26 juillet).
(NGV)
Crédit : White House / Amanda Lucidon
(B2) Dans une longue interview à la BBC, vendredi (24 juillet), le président américain Barack Obama a demandé aux Britanniques de rester dans l’Union européenne. « Avoir le Royaume-Uni dans l’Union européenne nous donne une plus grande confiance quant à la solidité de l’Union transatlantique et fait partie de la pierre angulaire des institutions construites après la Seconde Guerre mondiale pour faire un monde plus sûr et plus prospère. Nous voulons nous assurer que Royaume-Uni continue à avoir cette influence. Parce que nous croyons que les valeurs que nous partageons sont les bonnes, pas seulement pour nous-mêmes, mais pour l’Europe et le monde dans son ensemble. »
(B2) La disparition samedi (18 juillet) de cinq Tchèques et de leur chauffeur dans l’est du Liban est « de nature criminelle », a affirmé mercredi le ministre libanais de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, lors de sa visite à Paris. Les cinq personnes seraient deux journalistes, un avocat, un traducteur et un cinquième « dont le statut n’a pas été identifié mais qui serait, selon une source bien informée, une personnalité sécuritaire haut placée visitant le Liban pour la première fois sous le couvert de l’anonymat », selon le quotidien L’Orient le Jour.
Le quotidien de Beyrouth indique que « selon des informations non confirmées », cet enlèvement pourrait être lié « à l’affaire Ali Taan Fayad, un Libanais placé en détention provisoire en République Tchèque depuis 2014 à la demande des États-Unis ». Les cinq personnes auraient disparu dans le village de Kefraya, dans la vallée de la Békaa. Elément troublant : leurs passeports, sacs de voyage et caméras auraient été retrouvés dans le taxi (de type Kia) du frère de Fayad, Mounir Saëb Taan. Ali Taan Fayad a la nationalité ukrainienne et aurait occupé le poste de conseiller de l’ancien ministre ukrainien de la Défense pour le Proche-Orient, sous Viktor Ianoukovitch.
Une réunion de crise a eu lieu à Prague vendredi (24 juillet), selon l’agence Radio Prague. Le ministre des Affaires étrangères Lubomír Zaorálek a indiqué que l’hypothèse de l’enlèvement, reste « une piste parmi d’autres ».
(B2) L’actualité se réduit. B2 passe en rythme estival. Nous continuerons de suivre les évolutions des principales crises qui ne manquent pas tant au plan intérieur de l’UE (la crise grecque, l’arrivée de réfugiés ou migrants), qu’à ses frontières (Libye, Ukraine, Syrie…) ou un peu plus loin (Burundi, Centrafrique, Mali, Nigeria…), sans compter celles qui n’ont pas éclaté.
Les premiers jours de juillet ont apporté une certaine éclaircie dans le panorama international avec un début d’unité nationale en Libye, un accord conjoint entre les grandes puissances et l’Iran sur le nucléaire, un accord entre opposition et gouvernement en Macédoine (Fyrom), et l’octroi d’une autonomie constitutionnelle aux régions de l’Est de l’Ukraine (condition des accords de Minsk)… Mais tout n’est pas réglé loin de là : le conflit syrien continue de faire son lot de victimes quotidiennes, idem pour la guerre que mène Boko Haram au Nigeria et dans les pays voisins. L’Europe est elle-même assez mal en point : les deux dernières discussions – sur l’accueil des migrants et l’aide à la Grèce – ont montré une Europe chétive, repliée sur elle-même, qui peine à surmonter ses antagonismes et ses rancoeurs. Ce n’est pas très bon…
B2 ne quitte pas tout à fait le bord… nous allons faire une petite série d’été en compagnie d’Hillary, et de différents points de vue sur l’Union européenne….
(Nicolas Gros-Verheyde)
(BRUXELLES2 – exclusif) Il y a quelques jours, le ministre belge de la Défense, Steven Vandeput, accordé à B2 un entretien, en tête à tête. Une interview complète où le ministre aborde les menaces qui pèsent sur l’Europe et les changements que cela implique, les modalités de la coopération européenne et la restructuration de la défense belge. En ce jour de fête nationale pour la Belgique, ses propos sont particulièrement intéressants sur ce dernier point. Extraits…
Interview intégrale publiée sur B2 Le Club (l’édition Pro de B2)
La Belgique est engagée dans une réforme de sa défense, quel est votre état d’esprit ?
Je veux introduire dans la Défense un esprit de n’avoir que ce qui est vraiment nécessaire. C’est ce qu’on a fait à Malbork. Le « host support » des Polonais est excellent ; il n’y avait pas donc besoin d’avoir tout le personnel déployé, notamment les officiers de liaison qui n’étaient pas strictement nécessaires. On a donc diminué le nombre de personnes qui était là. C’est plus économique. Et cela ne change rien au bon déroulement de la mission.
Ces économies ne suffisent cependant pas. Le budget belge de la Défense a diminué ces derniers temps. Il est à l’os disent de nombreux experts et des militaires… Que peut-on faire ?
Il faut faire des choix. Dans les trente années passés, on a toujours diminué le budget, jusqu’à un niveau où il est aujourd’hui difficile de répondre à tout. Les militaires belges sont réputés par leurs partenaires : flexibles, innovatifs, créatifs, réussissant à faire plus avec moins d’argent, Mais il y a des limites. Vouloir faire plus avec moins d’argent, c’est fini. Il faut réinvestir dans la défense. Nous en avons convenu au niveau de l’Otan comme européen. Mon premier objectif est donc d’arriver – comme on l’a prévu dans le plan de gouvernement – à un budget en équilibre. Et quand l’économie va repartir, je crois qu’il faudra faire des choix. La sécurité, qui est une des tâches principales d’une société, devra faire partie de ce choix.
Concrètement cela veut dire quoi. L’armée belge va-t-elle pouvoir continuer à tout faire, une marine, une aviation, une armée de terre ? Ne faudrait-il pas introduire une spécialisation ?
Certains pourraient effectivement se dire : a-t-on besoin d’une composante navale ? Mais c’est oublier l’importance du secteur maritime pour la Belgique et pour notre économie ; 90% de ce qui arrive passe par la mer. Ne plus avoir de navires chasseurs de mines, c’est dépendre de nos partenaires quand on aura une mine dans l’estuaire de l’Escaut. C’est assez difficile de l’imaginer. Pour notre économie, nous devons donc préserver certains moyens nécessaires, qu’on ne sait (peut) pas déléguer. Il y a donc des limites à la spécialisation. J’ai consulté 12 sages, de gauche à droite, le spectre total de la société. Chacun le dit, avec des nuances. Mais tout le monde le reconnaît, on est à la limite, on est à l’os. Nous devrons à la rentrée prendre une décision sur le budget du futur et les capacités où il faut investir. Nous devons être présents dans les 4-5 dimensions actuelles : terre, air, mer, cyber et intelligence. On ne peut pas oublier aucune de ces dimensions. Il faut tout simplement bien choisir là où on investit.
L’armée européenne n’est donc pas possible ?
Je ne crois pas qu’on va avoir dans les 20 ans une armée européenne. Si on veut mettre tout le monde ensemble pour décider, alors on ne se déploiera jamais. Il n’y pas actuellement le pouvoir politique pour le faire. On partage beaucoup d’intérêts au niveau européen mais pas tout l’intérêt. Même avec nos plus proches voisins, on peut partager beaucoup mais pas tout. Car il y a des intérêts typiquement belges et des intérêts typiquement néerlandais. Nous travaillons ensemble, avons une même plateforme de navires, faisons en commun la préparation, la formation, l’entraînement, etc. Mais la décision de déployer un navire reste la nôtre. Aller plus loin ne me semble pas possible. Ou bien il faut mettre ensemble les décisions politiques. Et ce n’est pas pour demain… Pour EUNAVFOR Med, ainsi, je vais proposer que la Belgique envoie la frégate Leopold I. C’est une décision belge. Mais les Pays-Bas prendront une autre décision. Les équipages peuvent être déployés ensemble si les 2 pays le décident, voire de façon imbriquée. Lors de l’opération Atalanta (contre la piraterie), par exemple, un hélicoptère néerlandais était sur notre frégate. Et on a échangé des équipes de VPD. Nous utilisons des paracommandos et forces spéciales là où les Néerlandais ont des fusiliers marins. C’était intéressant de comparer les différentes méthodes de travail.
(Nicolas Gros-Verheyde)
A suivre sur B2 Le Club (l’édition Pro de B2)
(B2) « Pour la première fois depuis plusieurs mois », les observateurs de l’OSCE ont observé, samedi (18 juillet) des bombardements dans le centre-ville de Donetsk et dans les quartiers résidentiels autour de la ville, contrôlée par le gouvernement Avdiivka. La violence a fait plusieurs morts — dont au moins 1 civil, confirmé par les observateurs. D’après les observateurs internationaux, les échanges sont le fait tant des forces du gouvernement ukrainien que des rebelles. Au point d’observation du Centre commun de contrôle et de coordination (CMCD), à la gare centrale de Donetsk ferroviaire (à 8 km au nord-ouest du centre-ville de Donetsk), la mission d’observation a ainsi pu entendre samedi (18 juillet) 112 explosions provenant d’échanges de tirs (sortants et entrants) de mortier (120 mm) et de tirs antiaériens – sortants et entrants – témoignant de la reprise de combats. Le jour suivant, dimanche (19 juillet), l’OSCE a pu observer « 24 explosions » à l’aéroport et autour de l’aéroport – une zone tenue par les rebelles de la république populaire de Donetsk.
(B2) Dans une ‘lettre à Jacques Delors’, publiée par le journal du Dimanche (JDD), ce dimanche (19 juillet), le président français, François Hollande, appelle à approfondir la Zone Euro. « Ce qui nous menace, ce n’est pas l’excès d’Europe mais son insuffisance » explique le président français. Il propose une avant-garde, de doter la Zone Euro d’un budget et d’un parlement. Une nécessité, selon lui, pour l’Europe au plan intérieur comme au plan extérieur.
Une avant-garde pour l’Euro
« Partager une monnaie, c’est bien plus que vouloir une convergence. C’est un choix que 19 pays ont fait parce que c’était leur intérêt. Nul gouvernement d’ailleurs depuis quinze ans n’a pris la responsabilité d’en sortir. Ce choix appelle une organisation renforcée et avec les pays qui en décideront, une avant-garde. La France y est prête ».
Accélérer le tempo, approfondir l’Europe
L’élargissement de l’Europe ne pouvait se faire sans avoir « un approfondissement avec des intégrations différenciées », disait Jacques Delors. Cet approfondissement n’a pas vraiment été opéré depuis que l’Europe est passée de 15 à 28.
« Avec Jacques Delors, l’Europe s’est élargie, mais il nous avait mis en garde en proposant un approfondissement avec des intégrations différenciées. Écoutons-le. Les circonstances nous conduisent à accélérer. La zone euro a su cette semaine réaffirmer sa cohésion avec la Grèce. »
Un budget et un parlement pour la Zone Euro
« La qualité de la relation franco-allemande y a été pour beaucoup. L’esprit européen a prévalu. Mais nous ne pouvons en rester là. J’ai proposé de reprendre l’idée de Jacques Delors du gouvernement de la zone euro et d’y ajouter un budget spécifique ainsi qu’un Parlement pour en assurer le contrôle démocratique. »
A l’intérieur, une dynamique de conviction des peuples
Cet approfondissement de la Zone Euro obéit à une nécessité intérieure. L’affaire grecque montre qu’on est au bout d’un dispositif qui a montré ses preuves durant des années (la gouvernance européenne par une élite avancée) mais doit arriver à se transformer aujourd’hui pour convaincre les peuples ».
« L’Union ne peut se réduire à des règles, des mécanismes ou des disciplines. Elle doit convaincre les peuples que, si elle a été capable de préserver la paix, elle est aujourd’hui la meilleure invention pour protéger les valeurs et les principes qui fondent notre culture commune, ce que l’on appelle notre mode de vie et qui est aussi notre modèle social. »
L’Europe attendue au plan extérieur
Cette réponse européenne est nécessaire car l’Europe est attendue à l’extérieur. Et elle doit se transformer en une puissance capable d’agir.
« Face à la globalisation et aux puissances émergentes, comme devant les risques liés aux instabilités à nos frontières, aux coups de force, aux guerres, au terrorisme, aux catastrophes climatiques et à ce qu’ils engendrent avec les déplacements de population (…) L’Europe est attendue pour porter les technologies de demain, promouvoir un modèle industriel, réussir la transition énergétique et écologique, investir dans la connaissance, réduire les disparités territoriales, assurer la solidarité à l’intérieur par des investissements et à l’extérieur par des actions de développement. Bref, être capable d’être une puissance au service de l’équilibre du monde. »
Commentaire : on retrouve ainsi les fondamentaux français d’une Europe « puissance », avec un gouvernement économique de la Zone Euro. Mais à part quelques grandes idées, rien de très précis. Or, un gouvernement de la Zone Euro, avec un budget et un parlement, c’est un système pré-fédéral, qui peut entrer en conflit, avec la volonté de plusieurs pays de garder la haute main sur toutes les affaires importantes. On peut voir ainsi se dessiner — s’il est réalisé — une confrontation à l’échelle européenne, entre certains pays – comme le Royaume-Uni – qui veulent négocier un allègement de leurs obligations et d’autres qui veulent renforcer le coeur de l’Europe. Cette confrontation sera-t-elle le prélude à un grand ‘deal’ européen (un peu moins d’Europe pour les uns, un peu plus pour les autres) ?
(B2) L’association Eurodéfense – France a publié, sous la signature de plusieurs anciens hauts responsables militaires, à la mi-juin, un appel à rédiger un « Livre Blanc de la Défense » en donnant des pistes sur le contenu de ce document comme les perspectives d’exploitation. Cet appel mérite d’être relayé alors que s’engage un débat qui devrait aboutir en juin prochain sur une nouvelle Stratégie européenne de sécurité (juin 2016).
« Les récentes évolutions du contexte de sécurité mondial fragilisent dangereusement le système de défense actuel des pays européens. L’augmentation des conflits et des menaces aux frontières de l’Europe, conjuguée à une baisse régulière et risquée des budgets de défense des pays européens depuis plus de 20 ans et à un désengagement inéluctable des Etats-Unis, en est principalement responsable. Cette situation incertaine incite à une mutualisation des forces et des capacités au sein de l’Union Européenne, mais force est de constater que la volonté politique des Etats a fait défaut jusqu’ici. (…)
La réalisation d’un Livre Blanc européen pour la sécurité et la défense marquerait une prise de conscience des insuffisances et des lacunes du dispositif de défense actuel de l’Europe. A l’abri de la puissance américaine dans l’Otan, les capacités d’action militaires individuelles de la plupart des Etats européens sont devenues marginales. Quant à leurs capacités d’action commune dans l’UE, celles-ci demeurent ridiculement faibles en regard de l’enjeu économique et patrimonial que représente l’Europe, conséquence notoire du déclin relatif de ses nations et de dépenses de défense insuffisantes, engagées de façon non coordonnée. Pourtant les Etats européens doivent faire face à des menaces et des risques largement communs, même si leurs priorités peuvent différer. Le retrait américain les met pourtant dans l’obligation de reprendre la responsabilité de leur défense, ce qu’ils ne peuvent assumer qu’en analysant ensemble leurs besoins et en mutualisant leurs efforts. C’est en jouant de l’addition de leurs capacités et de leurs complémentarités qu’ils pourront atteindre la masse critique nécessaire, devenue un critère central de la puissance dans un monde globalisé.
Un certain nombre d’obstacles doivent cependant être surmontés pour y parvenir. L’absence d’une véritable Politique étrangère commune vient au premier rang mais pourrait être partiellement comblée par un approfondissement des convergences entre Etats, dossier par dossier, dans le cadre d’une nouvelle analyse stratégique au niveau européen (d’ailleurs envisagée par la nouvelle Haute Représentante). Il faudra ensuite vaincre les réticences et les craintes des responsables nationaux, inquiets de devoir modifier leurs priorités pour ne pas étaler leurs divergences, de se trouver contraints par des positions agréées au niveau européen et de devoir justifier des options qui pourraient être vues par leurs concitoyens comme des abandons de souveraineté. L’hétérogénéité des cultures politiques et militaires des Etats européens et de leur conception de la puissance ne doit pas être sous-estimée, mais pourrait toutefois se réduire dans une analyse considérant l’UE comme une entité globale dont chaque Etat serait partie. Une telle analyse réveillerait sans doute le débat sur l’objectif recherché par la construction européenne et ses limites, mais aurait l’intérêt de clarifier la vision de nos concitoyens, notamment face aux fausses alternatives nationalistes. Quant à l’argument d’un affaiblissement de l’Otan résultant du renforcement des capacités européennes, celui-ci paraît totalement spécieux au moment où notre partenaire américain réclame un rééquilibrage du partage du fardeau de la sécurité européenne.
Des opportunités pour agir ?
En contrepoint, le nouveau paysage des menaces et des risques tout autour de l’UE et notamment dans son voisinage, offre des opportunités à saisir en faveur d’une approche européenne de la défense.
La prise en compte de ces risques de façon globale dans leur diversité et en fonction de leur dangerosité à l’échelle européenne permettrait de fixer des priorités, de mieux répartir les efforts entre les Etats, de jouer sur leurs complémentarités et donc d’améliorer le rapport coût/efficacité de la défense européenne. Le problème actuel des flux migratoires incontrôlés en Méditerranée donne une bonne illustration de ce besoin d’apporter des solutions au niveau européen.
Une telle approche favoriserait aussi la définition d’un meilleur partage des rôles entre Européens et Américains dans la défense de l’Europe mais aussi pour la défense de nos valeurs et la protection de nos intérêts communs au niveau mondial.
Elle permettrait d’identifier les capacités stratégiques que les Etats européens ne pourront acquérir individuellement dans l’avenir, mais indispensables à leur indépendance et leur liberté d’action (moyens spatiaux, transport stratégique, systèmes d’armes majeurs du futur…)
Quel contenu ?
Un livre blanc européen devrait exprimer la volonté politique des Etats de l’UE, en accord avec leurs opinions publiques, de penser et d’organiser leur défense au niveau européen, sans que cela débouche obligatoirement sur un système de défense européen totalement intégré, (armée européenne).
Il devrait traiter en particulier de:
Avec des besoins, des ambitions et des capacités réévalués au niveau européen, il devrait montrer comment l’UE se prépare à prendre en compte le désengagement partiel des Etats-Unis et à redéfinir un partenariat transatlantique adapté aux réalités du 21ème siècle.
Les besoins capacitaires devraient être exprimés par finalité : anticipation, prévention, protection, intervention, dissuasion, en référence à l’autonomie stratégique recherchée.
Ouvrage court et pédagogique, il devrait être complété par des stratégies de mise en œuvre détaillées dans les domaines de la sécurité intérieure, de la sécurité extérieure, par régions du monde avec des priorités.
Un tel livre blanc devrait servir d’instrument de cohérence et d’optimisation au niveau européen, en étant un cadre de référence pour les livres blancs nationaux. Il ne devrait pas être un document technique, mais avoir une vocation pédagogique, être de portée générale et accessible au grand public.
Elément constitutif de l’approche globale de sa défense par l’UE, il permettrait la définition de stratégies régionales (par ex. Sahel, Corne de l’Afrique) et thématiques (par ex. stratégie de sécurité maritime, de cyberdéfense, énergétique ou le lien entre la PSDC et la politique de voisinage), l’organisation (commandement et contrôle), la réalisation des budgets nécessaires (par ex. PESC et Athéna), le corpus doctrinal, le plan de développement des capacités (CDP), en lien avec la sauvegarde d’une base industrielle et technologique et les engagements opérationnels envisagés. Le Livre blanc européen pourrait également établir le niveau de relation et de coordination souhaitable avec les grandes organisations telles que l’ONU, l’OSCE, l’OTAN ou l’Union africaine
Dans le climat actuel d’euroscepticisme, l’élaboration d’un Livre Blanc Européen pourrait être un exercice à vocation pédagogique salutaire permettant de faire prendre conscience à nos concitoyens, des défis sécuritaires posés aux pays membres de l’UE mais aussi de proposer des solutions possibles au niveau européen. Son but principal serait de clarifier les conditions permettant de renforcer concrètement la sécurité de tous les Etats et de leurs citoyens en développant leurs solidarités.
Général de corps d’armée (2s) Jean-Paul Perruche ; Ingénieur général de l’armement (2s) Patrick Bellouard ; Pierre Lépinoy ; Général de division (2s) Maurice de Langlois ; Béatrice Guillaumin ; Général de brigade(2s) Patrice Mompeyssin.
Télécharger la proposition détaillée d’Eurodéfense (pdf)
(BRUXELLES2) Deux Canadairs de la Base aérienne de la sécurité civile de Marignane (près de Marseille), ainsi qu’un avion de reconnaissance Beechcraft, décolleront demain vers la Grèce. Ils arrivent en renfort face aux feux de forêt qui ravagent le pays. Athènes a, en effet, décrété la mobilisation de l’ensemble des forces de sécurité civile du pays et appelé à la rescousse ses homologues européens (via la mécanisme européen de protection civile).
« Il s’agit d’un effort important, alors que, sur le territoire français, la saison des feux de forêts mobilise déjà fortement les forces de sécurité civile » a tenu à souligner le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, dans un communiqué.
La Grèce fait face depuis ce matin à une multitude d’incendies avivés par les températures élevées et des vents très violents, qui frappent notamment les régions de la Laconie (sud du Péloponnèse), le centre du pays, l’Argolide, et jusqu’à la périphérie d’Athènes, conduisant à l’évacuation de certaines localités.
(NGV)
(B2) L’OTAN prépare un important exercice maritime au large des côtes italiennes, espagnoles et portugaises à l’automne, du 3 octobre au 6 novembre. Dénommé Trident Juncture 2015, cet exercice « est ">le plus grand exercice mené par l’Alliance depuis 2002 » annonce le QG de Brunssum aux Pays-Bas qui pilote son organisation. ">Il rassemblera 36.000 militaires et civils de plus de 30 pays alliés, et partenaires, dans l’océan Atlantique et la mer Méditerranée. L’Union européenne et l’Union africaine participeront également à l’exercice comme des agences humanitaires ou des ONG, annonce l’Alliance atlantique. Cet exercice sera divisé en deux parties : l ">‘exercice de poste de commandement (CPX) pour la formation du personnel au niveau opérationnel stratégique ">évaluation et de certification (3 au 16 octobre), qui comprendra les participants de la ">Union européenne (UE) et de l’Union africaine (UA) ; un e ">xercice en direct (LIVEX) pour les troupes au niveau de l’engagement tactique (21 octobre – 6 ">novembre). <p>">Cet exercice a aussi comme comme objectif de certifier le personnel du siège de la Force interarmées à Brunssum pour diriger la Force de réaction de l’OTAN, si elle est activée, tout au long de 2016. « C’est un élément clé de l’effort global de l’OTAN pour s’adapter aux nouveaux défis de sécurité — a assuré le général Hans Lothar Domröse, le commandant de la Force interarmées à Brunssum — Trident Juncture 2015 a été conçu pour assurer que nos concepts et procédures de travail permettent de faire face à une véritable crise ».
Le Werra en mer (crédit : SEAE / Eunavfor Med)
(B2) Le navire de soutien allemand, Werra (A-514) engagé dans l’opération européenne de lutte contre les trafiquants en Méditerranée (EUNAVFOR Med) est intervenu ce mercredi au secours de deux navires en difficulté au nord de la Libye.
233 personnes récupérées
">En début de matinée, le Centre italien de coordination de sauvetage maritime (IMRCC) a sonné l’alerte, demandant aux navires les plus proches d’intervenir sur deux bateaux possibles en détresse dans les eaux internationales, au nord de la côte libyenne.
">Le navire allemand « Werra», qui était sur la zone, « a localisé deux petits canots, chargés de migrants qui naviguent dans des conditions difficiles » précise un communiqué du Service diplomatique européen. «
">233 migrants ont pu être récupérés à bord ». Le navire se dirige vers le port de Catane, défini comme port de débarquement par l’IMRCC.
Cette intervention est la première du genre pour une des unités d’EUNAVFOR Med. Même si leur mission n’est pas dédiée au secours en mer, les navires européen ont l’obligation « conformément à la loi internationale (…) de prêter assistance aux personnes en détresse en mer, sans égard à leur nationalité, le statut et les circonstances » précise le SEAE. Le Werra, comme les autres unités EUNAVFOR MED sont d’ailleurs « prêts et équipés pour effectuer les tâches connexes, secouru les migrants ».
">
(NGV)
Fed. Mogherini et Laurent Fabius en conciliabules le 10 juillet à Vienne (crédit : SEAE)
(B2) L’accord arraché à Vienne entre la communauté internationale et l’Iran au terme d’une négociation acharnée de 21 mois, le 14 juillet 2015 est un succès pour la diplomatie européenne. Il faut le souligner en ces temps où il est courant de « basher » l’Europe. C’est un succès sur le fond comme sur la forme.
Les lettres de noblesse de la diplomatie européenne
La diplomatie européenne a, le 14 juillet, à Vienne, au Palais Coburg, gagné ses lettres de noblesse. Dans cette négociation – contrairement à ce qui s’était produit pour la Grèce peu de jours avant qui a révélé tous les égoïsmes et les vilenies de chacun – chacun des partenaires est sorti de la négociation en ayant le sentiment d’avoir gagné pour ses propres intérêts et également un peu pour l’humanité. C’est une négociation (heureusement) historique là où l’accord avec la Grèce a été un accord (honteusement) historique.
1. La philosophie européenne : la négociation
L’élément le plus visible est la présence de Federica Mogherini, la Haute représentante de l’UE, annonçant : « il y a un accord ! ». Mais ce n’est pas le plus important. C’est la philosophie européenne de la négociation et de la double approche qui l’a emporté sur une position de l’isolement et de la frappe militaire, qui ont été un moment l’option envisagée, sérieusement, de l’autre côté de l’Atlantique comme dans certains pays du Moyen-Orient (Israël notamment mais pas seulement). L’Europe a toujours milité pour avoir un dialogue avec l’Iran. Ce dialogue a subi des hauts (en 2003-2004 et 2013-2015) et des bas (entre les deux !) et n’a pas toujours été facile. Mais il a réussi à aboutir, avec une lenteur certaine, mais une efficacité sans doute supérieure au cycle intervention-réaction-vide sécuritaire qui a marqué l’intervention internationale dans un pays voisin, l’Irak.
2. La double approche
Un dialogue qui n’était pas empreint de naïveté cependant. L’autre élément clé de la position européenne est en effet la double approche : négociation d’un côté, sanctions de l’autre. L’Union européenne a non seulement transposé les sanctions prises au plan international par le Conseil de sécurité de l’ONU, elle a imposé – de concert avec les Américains – des sanctions autonomes. Sanctions qui se sont renforcées à partir de 2010-2012 et ont produit un effet notable sur l’économie iranienne et le pouvoir iranien. Cette double approche a payé d’une certaine manière.
3. Le juste milieu au plan international
L’Europe a assuré son positionnement d’intermédiaire entre les principaux partenaires internationaux – Russes et Chinois d’un côté, Américains de l’autre -, en essayant de trouver le juste milieu entre une certaine proximité (géographique) avec l’Iran et le respect des autres équilibres dans la région (Arabie Saoudite, Israël, Turquie). Le format trouvé E3/UE + 3 (ou P5+1 dans la dénomination anglo-saxonne) est celui qui a permis l’accord. Le rôle de la diplomatie européenne a été de garder la cohésion de cet attelage improbable, au travers des crises. Malgré les tensions sur l’Irak en 2003 ou sur l’Ukraine en 2014, cet attelage ne s’est jamais rompu. Et si des nuances se sont exprimées – nuances notables – elles n’ont jamais été jusqu’à la fissure ou la cassure de ce fond. Ce format – et cette position intermédiaire de l’Europe – mériterait d’être repris et aménagé pour d’autres crises actuelles (Syrie, Yemen). Car c’est un format gagnant.
4. Un alliage communautaire – intergouvernemental résistant
Au passage, on peut souligner aux esthètes de la ‘chose’ européenne que l’équipe de négociation européenne était elle-aussi au ‘juste milieu’. Ni tout à fait intergouvernementale, ni tout à fait communautaire. Là aussi, c’est le bon alliage. Il ne peut pas y avoir de position forte au plan international sans la présence au sein d’une délégation européenne des ‘grands pays’ – car ils ont un siège permanent au Conseil de sécurité … et ont l’arme nucléaire (France, Royaume-Uni) ou car ils occupent une position clé au plan économique sur le sujet (Allemagne dans ce cas, mais ce pourrait être un autre pays dans d’autres hypothèses). Mais il ne peut y avoir de permanence, de force de la négociation, sans une équipe dédiée à cela, neutre des intérêts nationaux en jeu, en la personne du Haut représentant de l’UE et des diplomates européens. C’est cette combinaison qui a été gagnante permettant à certains pays (la France en l’occurence) de pousser le ‘bouchon’ un peu plus loin dans l’exigence vis-à-vis des Iraniens tout en restant dans le cadre commun.
5. Le rôle notable de 3 hauts représentants
Au final, c’est la personne même du Haut représentant de l’UE qui a assuré le lien, le liant, la persistance de l’esprit de dialogue, même aux pires moments entre les Iraniens, et entre les différents membres du E3+3. Chacun avec son caractère, son entregent, ses défauts (et ses qualités) a assuré la persistance durant ces 12 années de négociation avec l’Iran de cette double approche européenne, sans vraiment dévier de la trajectoire. Cela aussi est notable à remarquer : l’Europe n’a pas dévié de sa doctrine. Javier Solana d’abord, toujours disponible par téléphone pour ses interlocuteurs iraniens ; Cathy Ashton ensuite qui avait su gagner la confiance et l’estime de plusieurs des négociateurs autour de la table, notamment le Russe Sergueï Lavrov peu enclin aux élans amicaux, et Federica Mogherini ensuite qui a su conclure la négociation jusqu’à la note finale des signatures sur cet accord commun. Il y a, là eu, un tiercé gagnant que le négociateur iranien, Mohammad Javad Zarif – qui était présent en 2004 lors du premier accord avec les Européens aux côtés de Hassan Rohani, aujourd’hui président de la république iranienne – a tenu à rappeler.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Sur l’accord et les négociations avec l’Iran, lire aussi sur le Club
(B2) Même si tous les regards en Europe sont tournés vers la Grèce, il faut garder l’esprit alerte sur ce qui se passe dans les environs, notamment en Ukraine où un nouveau front intérieur pourrait s’ouvrir. La tension entre les membres de Prawy Sektor, un groupe paramilitaire d’extrême-droite (voire néo-nazis pour certains), et les forces gouvernementales de Kiev a éclaté.
Une fusillade à Mukachevo
Deux personnes (de Prawy Sektor) auraient été tuées au moins lors d’une fusillade qui a éclaté samedi (11 juillet) dans un café de Mukachevo, ville de Transcarpatie à l’ouest de l’Ukraine, non loin des frontières hongroise et slovaque. Une fusillade les a opposé à la police et aux gardes-corps de Mikhailo Lanyo, député et ancien du parti des régions. Plusieurs blessés ont également été amenés à l’hôpital – civils, policiers – dont au moins un dans un état critique, selon le rapport publié par les observateurs de l’OSCE cette nuit. Les militants de Prawy Sektor se seraient ensuite réfugiés dans la forêt. Les autorités entendent désarmer ces mouvements divers qui pourraient apparaître comme une menace pour la sécurité.
Une remise au pas des mouvements « autonomes » ?
Certains représentants du mouvement paramilitaire, estimant qu’ils sont victimes d’une volonté du gouvernement d’éliminer les bataillons de volontaires, ont indiqué qu’ils allaient retirer leurs combattants – notamment du 5e bataillon – des zones de guerre, selon le KyevPost, qui mentionne également l’implication des paramilitaires dans la contrebande de cigarettes. Ils ont été manifesté, bruyamment, à Kiev, devant le palais présidentiel
(NGV)
Le rapport des observateurs de l’OSCE (12.7)
On 12 July, the SMM dispatched a patrol of the Ivano-Frankivsk-based team to monitor events in the wake of an armed incident that reportedly occurred the previous day in Mukachevo (Zakarpattia region, 605km south-west of Kyiv). According to media reports, at least two people were killed – reportedly members of the Right Sector (Pravyi Sektor) – and several others were wounded in a shootout at a café allegedly owned by a member of parliament (Verkhovna Rada).
On its way to Mukachevo, the SMM observed heightened security measures, including several police checkpoints. At one such checkpoint, north of Mukachevo, about 2km from the alleged incident scene, the SMM saw the Security Service of Ukraine (SBU) arriving, with ten armoured vans and two minibuses. At the time, the scene itself was made inaccessible by law enforcement for security reasons.
The SMM met together with the Mukachevo mayor, deputy mayor, and a police spokesperson. According to the interlocutors, a task force from Kyiv, comprised of the SBU, the National Guard and the Prosecutor General’s Office, was in charge of the on-going post-incident operation. According to them, other Right Sector members involved in the incident had hidden in a forest. At 18:02, near Stryi (120km north-east of Mukachevo), the SMM saw a Ukrainian Armed Forces convoy moving towards Mukachevo, comprised of 11 APCs, two trucks loaded with soldiers and one fuel truck.
The SMM spoke with the Mukachevo hospital director and two of his deputies, who said a man with a gunshot wound in his head, admitted to hospital on 11 July, was still in a critical state. According to them, on the same day five wounded civilians and five police had been admitted to hospital. On 12 July, they added, police had brought to hospital one dead body, and the SBU had brought two seriously wounded persons. They said three civilians and three police admitted the previous day had been discharged today. The SMM will continue to monitor the situation.
Un superbe instantané au sein de l’Eurogroupe ce 12 juillet (crédit / Conseil de l’UE)
(BRUXELLES2) Les ministres des Finances de la Zone Euro sont en train de faire un (très) mauvais sort à l’Europe politique, au poids de l’Europe dans le monde et à l’idée européenne, tout simplement. Disputes de chiffonniers, rodomontades devant les médias, populisme de bas aloi, démocratie réduite au plus strict minimum… Et l’ego, le psycho, pour ne pas dire l’égoïsme et le ressentiment qui prennent le pas sur la politique et la raison. Tout est là pour montrer au monde ce que l’Europe peut avoir de pire et non ce qu’elle peut avoir de meilleur. Aujourd’hui un ‘vrai’ Européen a mal au coeur devant ce spectacle de bas étage.
Quelle Europe dans le monde demain
Je plains demain les diplomates européens, la Haute représentante de l’UE ou Donald Tusk, le président du Conseil européen, et même chacun des pays européens quand ils iront demain parcourir le monde pour expliquer aux Burundais comment faire une élection, aux Maliens comment construire un Etat, aux Népalais comment rebâtir une économie basée sur le tourisme, en insistant à chaque fois sur la nécessité de bâtir un Etat, de respecter le vote démocratique, de travailler ensemble au plan régional ou de faire la paix… La parole européenne risque d’être plutôt décrédibilisée.
Un processus de décision totalement « adémocratique »
Au plan européen, nous révélons, en effet, totalement incapables de faire ce que nous prônons à l’extérieur. Les discussions au sein de l’Eurogroupe sont atterrantes et aberrantes. Elles sont tout sauf transparentes et démocratiques. Dans quel pays laisserait-on, en effet, un ministre des Finances décider seul, avec quelques conseillers, de l’avenir du pays ? Voire de faire des déclarations intempestives sur les relations politiques avec un autre pays ? Une décision sur la Grèce, et encore plus sur le Grexit, ne peut évidemment pas se prendre sous le seul angle financier. C’est une décision purement politique. Avec ce type de raisonnement, jamais les pays baltes ou la Slovaquie ne seraient rentrés dans l’Union européenne.
Une incapacité de faire ensemble ?
Ces négociations donnent une image pitoyable de l’Europe non seulement pour ses citoyens mais aussi pour le reste du monde. Qu’est-ce que l’Europe aujourd’hui ? Une communauté de valeurs et de principes ? Une union de peuples et d’Etats ? On en semble loin… L’Europe est-elle devenue une boutique avec un étalage mal assorti, où certains participants veulent bien les bénéfices mais pas les pertes ? Sur tous les dossiers récents, la solidarité européenne peine aujourd’hui à s’exprimer. Quand il y a un risque, terroriste, au Mali ? Pas grand monde ne veut vraiment s’exposer. Quand il y a des migrants et réfugiés en nombre qui arrivent sur plusieurs plages en Europe, une large minorité d’Etats refuse d’assumer une part du fardeau ? Avec des arguments qui frisent le nationalisme voire le racisme (et pas uniquement en Hongrie souvent montrée du doigt)… Quand la Grèce est dans l’incapacité de régler ses dettes, on semble vouloir la laisser se débrouiller ? … L’Europe est-elle devenue la somme de ces égoïsmes. A-t-on parcouru tout ce chemin depuis des années, avec des hauts et des bas, pour en arriver là, ?
Redressez-vous ?
Non ! L’Europe n’a pas été conçue comme une SARL – une société à responsabilité limitée. C’est une Union personnelle, entre des peuples et des Etats. Et ces peuples et ces Etats ont des visions et des niveaux de développement différents. Le rôle des responsables politiques n’est pas de flatter les idées les plus viles qui sommeillent en chacun de nous, mais de remuer le meilleur, de titiller l’excellence… Les gouvernement baltes, slovaques ou finlandais qui font actuellement de la surenchère à qui sera le plus cinglant envers les Grecs, feraient bien de faire attention. A force de refuser la solidarité, ils risquent de se retrouver un jour sous le marteau de l’enclume. Dans 5 ou 10 ans, qui sait … (*) Et, ce jour-là certains souvenirs remonteront à la surface. La solidarité ne fonctionne pas à sens unique… Et il n’est jamais bon d’humilier un Etat ou un peuple…
(Nicolas Gros-Verheyde)
(*) Sans attendre jusqu’à là, le renouvellement des sanctions sur la Russie en janvier prochain comme la discussion des fonds structurels lors de la mid-term review qui commencera prochainement pourrait donner lieu à de sérieux retours de manivelles
Le Godetia en mer Méditerranée (crédit : armée belge)
(B2) Le Godetia, navire de soutien logistique belge, qui participait à l’opération de sauvetage en mer Méditerranée, rentre à son port d’attache, Zeebruges, ce dimanche (12 juillet). Depuis fin mai, il participait aux renforts pour l’opération Triton. Il a ainsi recueilli à bord un total de 1 617 réfugiés, remis par la suite aux autorités italiennes. Après la pause d’été, le Godetia devrait participer à la NRF martiime (NATO Response Force), « comme navire de soutien logistique pour l’escadre permanente de lutte contre les mines de l’OTAN, composée de six chasseurs de mines », précise l’état-major belge.
Pierre Moscovici avec JC Juncker (crédit : CE)
(B2) A quelques heures d’une réunion décisive des ministres des finances et des Chefs d’Etat et de gouvernement de la Zone Euro, Pierre Moscovici, le commissaire européen chargé de l’Economie et des Affaires financières, a bien voulu répondre à nos questions. Au-delà d’un réel engagement européen, et d’une volonté d’aboutir à un accord avec les Grecs et l’ensemble de la Zone Euro, on sent aussi comment la confiance a pu être ébranlée par la négociation des derniers mois…
Jusqu’où l’Europe doit-elle aller pour maintenir la Grèce dans la zone euro ?
La situation est partagée. Il existe indéniablement chez beaucoup de chefs d’Etats et de gouvernement, chez la plupart des ministres des Finances, qui ont été confrontés à la situation avec plus d’une dizaine d’Eurogroupes depuis l’élection de Alexis Tsipras, une lassitude, parfois une irritation, en tous les cas, un manque de confiance qui doit, maintenant, être comblé. Il est certain qu’il faut tenir compte de cette donnée qui n’est pas que psychologique. De l’autre côté, il y a un sentiment de responsabilité partagée, un attachement à la zone Euro. Et la Zone Euro, c’est 19 membres, pas 18. Tout le monde est conscient de cette responsabilité. Pour arriver à réconcilier ces deux dimensions, il n’y a qu’une voie, c’est de dépasser les irritations, de surmonter, la lassitude, de transformer la responsabilité en volonté.
On sent beaucoup de pathos dans ce dossier, c’est la Grèce historique, la Grèce de Platon tout de même qui est là face à nous ?
C’est vrai. La Grèce n’est pas insignifiante dans l’histoire européenne. Elle ne l’est pas dans la démocratie, dans la philosophie, dans la poésie, la littérature, elle ne l’est pas à travers son histoire dramatique. C’est un des cœurs de la civilisation européenne. C’est sûr qu’il y a une dimension affective, sentimentale, culturelle, majeure, qui explique que tout le monde y passe autant de temps. Mais, au final, ce n’est pas quand même pas la psychologie qui l’emporte, c’est l’action et ce sont les actes. Il ne s’agit pas de savoir si on fait un accord avec Platon ou Homère, mais de savoir si la Grèce aujourd’hui est capable de réformer son économie pour se mettre à niveau de ce qu’implique l’appartenance à la Zone Euro.
Vous pensez justement que la Grèce est capable de faire encore un plan de réformes ?
Oui. Je pense qu’ils sont capables de le faire. J’ai senti cette semaine pour la première fois, se nouer un débat, au niveau nécessaire. Ils ont cette capacité, il faut qu’ils en aient aussi la volonté, la responsabilité. Mais ce qui compte, ce n’est pas le ton, ce sont les actes. Ce n’est pas le style, ce sont les positions. Il arrive un moment où on doit passer à l’acte, où on doit délivrer, comme disent les anglo-saxons. Ce moment est arrivé. C’est l’heure de vérité…
On est au moment critique alors ?
C’est vrai. Nous sommes dans la dernière ligne droite. C’est la négociation de la dernière chance. Ce week-end est un week-end décisif, je ne dirai pas historique car ce n’est pas la fin de l’histoire. Dans l’hypothèse positive, on n’en aura pas, en effet, terminé avec ce dossier. Et on commencera à négocier un programme d’assistance.
Sur quelle base va-t-on négocier ?
La première demande du programme d’assistance financière est arrivée hier matin (mercredi) avec des promesses de réforme qui ont été plutôt bien accueillies, notamment sur la partie fiscale, la TVA, et les retraites. Mais nous attendons maintenant comme base d’un accord possible, des propositions concrètes, complètes, tangibles, précises de Alexis Tsipras. C’est surtout cette base là que se nouera, ou non, cette négociation de la dernière chance, d’ici dimanche
Comment pouvez-vous en 24 heures analyser que le plan est crédible ?
Nous avons déjà toutes les données et connaissons tous les paramètres. Les cinq derniers mois n’ont pas été inutiles. Nous allons regarder si le programme qui nous est fourni est, d’abord, sérieux sur le plan économique ; ensuite, financièrement soutenable, en prenant en compte les données économiques et financières du pays qui ne se sont pas améliorées ces derniers temps.
Pourquoi ne pas reprendre le plan proposé auparavant ?
On ne peut pas faire un copier-coller. La situation d’incertitude a eu un impact massif sur l’économie grecque qui est maintenant en récession. Les données financières se sont détériorées. La fermeture des banques n’a pas aidé. Les données financières se sont détériorées. Nous devons évaluer le sérieux économique, la soutenabilité financière, la cohérence d’ensemble.
La restructuration de la dette n’est-elle pas une clé de la négociation ? Je crois que vous n’aimez pas ce mot de « restructuration », parlons de soutenabilité de la dette alors ?
Cette question devra être traitée le moment venu. Mais en son temps. Aujourd’hui, le processus est clair. Il y a sur la table, une demande de programme d’assistance financière. Et il y a des remboursements qui doivent être faits, à hauteur de 4,22 milliards pour le 20 juillet. Ce qui doit être décidé ce week-end, c’est si premièrement, des ressources financières sont dégagées pour permettre à la Grèce de procéder à ce remboursement alors que Grèce n’a pas ses ressources Deuxièmement, si les négociations s’engagent pour un nouveau programme, Et pour çà il faut une autorisation de certains parlements, à commencer par le parlement allemand, le Bundestag. Dans ce contexte, on pourra alors parler de la dette dans un cadre qu’il convient de définir. Enfin, la condition de tout, ce qui déclenche le financement et les négociations : ce sont les réformes.
L’Etat grec est-il à la hauteur ?
Le vrai problème, dans cette affaire depuis l’origine, c’est que la Grèce n’a ni une économie ni un Etat qui soit à la hauteur qui implique l’appartenance à la Zone Euro. Si nous demandons des réformes, ce n’est pas pour infliger plus d’austérité au peuple grec. Il n’y en aura pas. C’est pour que ce pays fasse enfin des réformes pour lui permettre d’avoir une économie moderne, de se mettre à niveau de ses partenaires, de retrouver le chemin de la croissance, de l’emploi et de la justice sociale.
Qu’est-ce qui convaincra tout le monde ?
La qualité des réformes et la capacité du gouvernement grec à les mettre en œuvre. Il est important d’avoir une liste d’actions prioritaires, avec des réformes qui soient votées dans les prochaines semaines voire les prochains jours. C’est un critère. La réforme fiscale et de la réforme des retraites notamment. Il faut enclencher un cycle de réformes.
Mais le peuple grec souffre de ces réformes sans cesse ?
Je suis conscient des sacrifices que cela demande au peuple grec. C’est pour lui que nous agissons. Tout le monde sait la souffrance qu’il a endurer : la perte de 25% de PIB, les 50% de jeunes au chômage, les 30% de Grecs sous le seuil de pauvreté. C’est la raison pour lequel il est nécessaire aussi d’envisager un plan d’aide humanitaire. La Commission européenne y est bien sûr prête.
On pourrait se dire après tout, allez les Grecs hors de la Zone Euro, non ?
Non. Le Grexit serait un échec collectif. Nous ne devons pas nous y résigner. Nous devons faire notre devoir, agir en responsabilité, faire preuve de solidarité à l’égard de la Grèce mais, en même temps, faire preuve d’exigence, non pas une exigence idéologique mais une exigence pour le bien de la Grèce et des Grecs.
Le Grexit n’est donc pas une solution ?
Ce n’est pas une solution que souhaite la Commission européenne. La Commission ne veut pas du Grexit. Depuis des mois, depuis des années, la Commission est mobilisée pour l’intégrité, l’irréversibilité de la Zone euro. Et la Zone Euro, c’est à 19 ! Le Grexit serait un échec collectif, majeur. Nous ne devons pas nous y résigner.
Pourtant, vous travaillez bien sur un scénario de sortie ?
Nous ne sommes pas en train de travailler de manière équivalente sur les différents scénarios. En même temps, la responsabilité de la Commission est de se préparer à toutes les situations. Si d’autres éventualités que celle que nous souhaitons – un bon accord – surviennent, on saura faire face.
Y-aurait un risque de contagion ?
La Zone euro est solide, elle a tous les pare-feux nécessaires pour se prémunir d’un choc. Nous sommes prêts à toutes les éventualités. Mais, encore une fois, ce n’est pas là dessus que nous travaillons. Ce n’est pas ce que nous souhaitons.
Au-delà des conséquences économiques pour la Grèce, le Grexit serait un aveu d’échec politique pour l’Europe également ?
C’est le projet politique de l’Euro qui serait entamé. L’Euro est une monnaie unique. Cela suppose l’intégrité — tout le monde y est — et l’irréversibilité — tout le monde y reste —. Un Euro dont on pourrait partir deviendrait une simple zone de taux de change fixe. Et l’histoire monétaire a prouvé que les zones de taux de change fixe ne survivent pas dans la durée. Etant attaché à l’idée de l’Euro, je suis attaché à l’irréversibilité de l’Euro. Cela ne veut pas dire qu’il faut le souhaiter à tout prix. On en connait le prix, les conditions. Les conditions, ce sont que les réformes proposées par le gouvernement Tsipras soient crédibles et les engagements à mettre en œuvre soient solides.
… Et un sacré encouragement à tous ceux qui veulent la fin de l’Euro, et aux extrêmes ?
Je crois que spontanément, intuitivement, les Européens sont attachés à l’Euro. Car ils savent que c’est un élément de stabilité, de force, d’ancrage tout à fait essentiel. On ne doit pas jouer avec çà. Les populistes jouent avec ce sentiment. Nous ne devons pas leur céder. C’est vrai que çà fait aussi des paramètres dont on doit tenir compte, dans tous les pays européens. Il ne faut jamais céder au populisme, jamais.
Nicolas Gros-Verheyde
version longue de l’interview de P. Moscovici publiée ce matin dans Ouest-France et Sud-Ouest