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Diplomacy & Defense Think Tank News

UN@75: Weder versammelt noch vereint

SWP - Mon, 09/11/2020 - 00:00

Vor einem Jahr rief die Generalversammlung der Vereinten Nationen (UN) eine »Decade of Action« für die 2030-Agenda und die Ziele für nachhaltige Entwicklung aus. Der Ausbruch der Covid-19-Pandemie zwang die UN, ihre Planungen für 2020 anzupassen. UN-Generalsekretär António Guterres reagierte bereits im März mit einem Bericht, der die 2030-Agenda zur »Roadmap« aus der Pandemie erklärte. Konflikte unter den UN-Mitgliedstaaten behinderten hingegen zunächst eine rasche Reaktion der General­versammlung und des Sicherheitsrats. Seit Mitte März wird überwiegend in digitalen Formaten gearbeitet, das galt selbst für die Eröffnung der 75. Generalversammlung durch die Staats- und Regierungschefs. Welche Leistungsfähigkeit beweist die Welt­organisation im Jahr der Pandemie, insbesondere mit Blick auf das im Kontext der 2030-Agenda entwickelte neue Leitmotiv »Build Back Better«?

Kirghizistan : coup d’État masqué en « Révolution d’octobre »

IRIS - Fri, 06/11/2020 - 18:15

« Révolution d’octobre », telle est l’appellation un peu ironique du bizarre coup d’État qui, du 5 au 15 octobre 2020, au prix d’un mort seulement, a bouleversé à Bichkek le gouvernement de la République kirghize. À un pouvoir mafieux discret, hésitant et mou, succède, cette fois-ci, un pouvoir mafieux avéré d’« autorités » plus jeunes et déterminées qui, si elles parviennent à s’entendre, pourraient avoir la capacité et les moyens de remettre le Kirghizistan sur pied.

Tout va se jouer dans les trois mois qui viennent. On saura alors l’orientation choisie par la camarilla de 3 trois ou quatre personnages dorénavant aux gouvernes : sera-ce la dictature pure et dure d’un seul ou bien la direction collective d’oligarques cachant plus ou moins une réalité dictatoriale ? Le peuple kirghiz, révulsé par l’anarchie et la cupidité de la classe politique traditionnelle, laissera-t-il faire -avant de se révolter à nouveau- ou, au contraire, pourra-t-il profiter des prochaines échéances électorales pour aménager l’institution honnête, pragmatique, moins compliquée que l’opinion souhaite ?

Nous commencerons par décrire à grands traits la nouvelle équipe en place, les liens qui l’unissent et sa relation avec le peuple.

Dans la mesure où la situation actuelle les révèle, nous essaierons de donner un aperçu des forces neutres ou hostiles au gouvernement : l’islam en forte progression, plutôt neutre, et, sommairement, l’opposition dite démocratique des partis et de la rue, et les mouvements de jeunes (qui se sont appuyés sur les réseaux sociaux, etc.[1])

Nous finirons en mentionnant les influences externes qui pourraient être les arbitres de la situation, surtout si cette dernière s’envenime : la Russie, par son poids militaire, administratif, énergétique et logistique, la Chine – présente aux frontières – par son influence économique et commerciale et, malgré leur éloignement, les États-Unis qui devraient intervenir par leur action financière, politique et les réseaux sociaux. Mention sera aussi faite de l’entourage centrasiatique qu’il convient d’étendre en y incluant aussi bien l’Afghanistan que le Xinjiang.

Nous insisterons, en conclusion, sur l’importance pour le Kirghizistan d’un retour à la stabilité. Ce retour est si vital que le pouvoir en place devra, peut-être, lui sacrifier ce qu’il reste de démocratie et d’indépendance d’esprit dans le pays.

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Le nouveau pouvoir et la mise au pas du crime organisé et de l’appareil d’État

Selon la terminologie kirghize, la nouvelle direction correspond à un pouvoir « noir », souterrain, officieux qui a, soudain, fait surface et assujetti le pouvoir « rouge », officiel, des « organes » répressifs ex-soviétiques, à savoir la milice, la sécurité d’État, le procurateur, l’armée, l’administration des prisons.

Le chef nominal de la mafia kirghize, l’autorité suprême, est Kamtchybek Kolbayev, un vor v zakone[2], « voleur dans la loi », en russe, une sorte de bandit d’honneur reconnu par ses pairs en 2008 à Moscou. Il est âgé de 46 ans. Sa richesse considérable est fondée surtout sur le trafic de drogues transitant, via l’Asie centrale, par la « route du nord » d’Afghanistan à la Russie. « Kamtchy », comme disent familièrement les Kirghizes avec crainte, certes, mais aussi une sorte d’affection mêlée de fierté, est un genre de « Robin des bois » national recherché par toutes les polices et mis à prix par le FBI en tant que baron de la drogue. Il ne semble pas avoir d’ambition politique et n’est cité ici que pour son prestige et son influence cachée sur l’exécutif politique kirghiz. Comme on le verra, il vient d’être arrêté par le nouveau pouvoir probablement désireux de se dédouaner de sa réputation mafieuse, mais aussi d’avoir dans son jeu, en le détenant, un atout face aux États-Unis[3].

La principale caractéristique de l’actuel coup d’État est qu’il découle d’une conjuration montée par des « autorités mafieuses » de renom que l’on retrouve parfois dans la mouvance de Kolbayev. Le stratège de l’affaire ne serait autre que Raïmbek Matraïmov. Cet ancien vice-directeur des douanes kirghizes a monté un détournement massif à la frontière chinoise de conteneurs importés et non dédouanés. Ils lui auraient rapporté la bagatelle de 700 millions de dollars[4] qui auraient servi à toutes sortes de placements répréhensibles ou non. C’est ce personnage inventif qui, cet été, selon une rumeur persistante[5], aurait écrit le scénario du coup d’État menant en dix jours – du 5 au 15 octobre – Sadyr Djaparov, chef du parti Mekentchil, de la prison d’État où il croupissait au faîte de la république kyrgyze puisqu’il en devient, le 16 octobre, Président ad intérim. Arrêté lui aussi, le 20 octobre dernier, Matraïmov, que sa richesse et ses relations rendent visiblement inaccessible à la justice, a dû rembourser la somme de 25 millions de dollars à l’État pour voir sa peine de prison immédiatement et sans jugement commuée en une simple assignation à résidence le soir même ! Le côté théâtral des deux arrestations amène à croire qu’elles étaient des « coups montés » pour améliorer la réputation des conjurés.

Le nouveau président Sadyr Djaparov est un personnage marquant par son énergie et sa jeunesse relative (52 ans). Il est natif en 1968 du village de Ken-Souou dans la région nord-est de l’Issyk-Koul et a reçu une formation de base de professeur d’éducation physique. Il s’enrichit à la tête d’une compagnie gazière et, en 2005, partisan de Bakiyev, devient député. En 2012, il est emprisonné pour avoir suscité des troubles en faveur de la nationalisation de la mine de Koumtor. Il est libéré au bout de quelques mois, mais ayant récidivé et pris en otage en 2013 le gouverneur de Karakol[6], il se réfugie à Chypre où il devient une sorte de représentant officieux du clan Bakiev. Il est arrêté à nouveau, le 25 mars 2017, à l’aéroport de Manas à son retour de Chypre : on lui reproche probablement son engagement bakiévien. Il est alors accusé de l’enlèvement du gouverneur en 2013. Djaparov nie ce fait et, le 4 avril 2017, proteste contre sa détention préventive en se mutilant au coude et à la main gauche. Il est condamné très sévèrement, le 2 août 2017, à 11 ans et 6 mois de privation de liberté et de détention dans une prison à régime sévère.

La mutilation, les malheurs familiaux[7] de Sadyr Djaparov et, malgré tout, le refus obstiné de l’administration d’alléger son régime carcéral sont montés en épingle auprès de la population où Sadyr devient populaire. Toujours incarcéré, il adhère au parti nationaliste Mekentchil, qu’il fusionne alors au parti Ata-Jourt de son ami Tachiyev, en perte de vitesse depuis 2010. Le 6 octobre 2020, il est libéré par le même Kamtchybek Tachiyev, qui, dirigeant « la révolution d’octobre », l’aide à devenir Premier ministre puis à « subtiliser », dès le 16, à Djeenbekov la Présidence par intérim de la République. Son existence, jusque-là, ne l’a pas incorporé à la mafia, mais lui a appris à la connaître et, par relations, à savoir l’utiliser.

La popularité de ce réputé mafieux repose aussi sur le fait qu’au Kirghizistan la mafia, plus qu’ailleurs, « materne », notamment par les liens claniques et tribaux, le peuple. Un grand mafieux – ce fut notamment le cas de « Ryspek » – vor v zakonie sous Bakiev – est toujours un recours, avec son système et ses moyens, pour tous ceux de sa tribu, de son clan et, bien sûr, pour ses amis.

Le grand apport de la mafia à Djaparov, par l’intermédiaire de Tachiev son vieil ami, peut-être indéfectible, a consisté en sa libération de prison, le 6 octobre par une escorte mafieuse, la mise à la disposition, du 5 au 16, d’une foule de partisans (500-1000 ?) souvent utilisée ; enfin, l’accompagnement de Sabyr par Kamtchybek quand il s’est agi d’extorquer la présidence à Djeenbekov. En retour, le nouveau président a installé Tachiev à la tête des services spéciaux kirghizes.

Kamtchybek Tachiyev, deuxième personnage après Djaparov de la camarilla au pouvoir, est né en 1968 à Barpy, village du sud près de Djalalabad. Avec une formation juridique et d’ingénieur-chimiste, il devient député en 2005, comme Djaparov qui est de deux mois son cadet. Il fait fortune en vendant du kérosène aux bases aériennes étrangères[8]. Ses liens avec Djaparov datent probablement de cette époque. En 2007, il est nommé ministre des Situations d’urgence et quitte ce poste en 2009. Il dirige le parti nationaliste Ata-Jourt depuis 2010. Il serait en relation avec Kolbayev, l’autre « Kamtchy », proche en « affaires ».

En reconnaissance de ses services éminents, Djaparov le nomme, le 7 octobre 2020, au poste-clé de président du Comité d’État de la sécurité populaire (GKNB c’est-à-dire le KGB kyrgyz), une affectation très inattendue étant donné le passé du personnage…

L’amitié entre Djaparov et Tachiyev survivra-t-elle au pouvoir ? Une rivalité entre eux nuirait à leur avenir. Pour l’instant, l’un et l’autre se contentent de nier leurs relations compromettantes du passé ou leurs comportements parfois répréhensibles. Ils donnent le change. Ainsi, à peine arrivé au GKNB, Tachiyev a-t-il lancé (à certains de ses anciens collègues comme aussi aux fonctionnaires locaux…) un tonitruant : « Respectés bandits, rendez-vous ! », non suivi d’effet, bien sûr. Par ailleurs, pour obtenir la bienveillance des milieux internationaux, le binôme au pouvoir comme on l’a vu, s’est dépêché de faire arrêter les mafieux notoires à sa merci, même s’ils figuraient parmi ses amis : Raïmbek Matraïmov et son frère Tilekbek, maire de Kara-Sou[9] et surtout Kamtchy Kolbayev[10]. Ce dernier a été officiellement arrêté le 22 octobre pour une durée de 48h. Mais, les États-Unis, en renouvelant leur proposition d’un million de dollars pour des renseignements sur les trafics de « Kamtchy », espèrent qu’il sera gardé sous les verrous afin de mener une enquête sur ses activités.

Deux semaines après la mise en place du nouveau pouvoir, on observe donc, à son égard, des réponses plutôt favorables venant des chefs d’État ou des ambassadeurs. La réponse russe va dans ce sens, quoique, de sa part, l’arrêt de tout financement ne semble pas encore avoir été levé. Le processus d’acceptation du gouvernement nationaliste dans l’arène internationale est en cours. Mais cela va-t-il durer ? Des dissensions au sommet « pour le partage du gâteau » seraient fatales…

État des lieux et influences en présence

L’état des lieux au Kirghizistan est catastrophique. D’après les résultats des neuf premiers mois de 2020, le commerce avec la Chine, premier partenaire économique, aurait baissé de moitié ; la chute de l’activité économique avoisinerait les 6 % ; les transferts d’argent des émigrés vers la mère patrie[11] ont diminué de 8% ; le cours du dollar ne cesse de grimper. Le déficit du budget (15 milliards de soms) serait l’un des plus élevés que le Kirghizistan ait connu… Par ailleurs, les conséquences des désordres qui ont concerné les principaux centres de production (la mine de Koumtor, par exemple) se font encore sentir. Enfin, les installations intérieures de la Maison-Blanche (le centre névralgique du gouvernement) ont été quasi détruites et l’administration se remet très lentement de cette atteinte. À part cela, les grands services de l’État (armée, transports, communications, santé) fonctionnent à peu près et obéissent, pour l’instant, aux nouveaux dirigeants.

Les influences en présence en mesure d’intervenir sont surtout religieuses, voire ethnico-politiques.

L’influence religieuse se limite à celle de la religion musulmane d’obédience sunnite qui néanmoins, à elle seule, est considérable. Elle a pris, certes, beaucoup d’importance, mais, au sud comme au nord, n’est pas intervenue politiquement au cours des derniers événements. Elle aurait pu, pourtant, au moins faire mine de prendre la défense de Djeenbekov qui, tout au long de son mandat, a affiché ses préférences pour l’islam[12].

L’islam sunnite rigoureux, qui n’était que superficiel dans un peuple voué au chamanisme et au soufisme, a connu une très forte progression ces vingt dernières années. Avec l’appui financier généreux et constant de l’Arabie saoudite et des Émirats du Golfe, le Kirghizistan s’est littéralement couvert de mosquées, grandes et petites. À la chute de l’Union soviétique, quatre-vingt-dix lieux de culte musulmans subsistaient… En 2016, dans un petit pays de 6 millions d’habitants ils étaient 2 540, flambant neufs, et doivent bien, aujourd’hui, avoisiner les 3 000.[13]

Cela s’est accompagné de la formation, souvent très lacunaire, mais en progrès, de milliers de mollahs. La réislamisation est menée par le salafisme prédicateur du Djamaat al-Tabligh, dont les équipes de volontaires (30 000 dont 3 000 femmes[14]) parcourent villes, banlieues et localités et renseignent sur elles. Le salafisme conspirateur du Hizb ut-Tahrir, organisation interdite, regrouperait plus de 15 000 militants clandestins dans la communauté des croyants kirghizes. Quant au salafisme djihadiste (al-Qaïda, Daech, etc.) particulièrement surveillé par la sécurité d’État, il n’est encore qu’embryonnaire, mais disposerait, par endroits, d’éléments armés.

Tout ceci, sous la coupe théologique et administrative théorique du muftiat de Bichkek, constitue un ensemble assez considérable. Pourtant, visiblement, peut-être à cause de la soudaineté des événements ou de leurs bons renseignements, rien n’a bougé chez les musulmans kirghizes. Ceci donne l’avantage à l’islam local de sortir de l’épreuve de ce coup d’État indemne et non déconsidéré. Si l’islam jouait réellement la carte électorale, il pourrait gagner, du moins au sud : il dispose de personnalités charismatiques, gardées en réserve, pouvant l’emporter si elles se font connaître. Sachant que plus de la moitié des Kirghizes surtout au sud, mais même dans certaines provinces nordistes, pourraient répondre aux injonctions islamiques, cela donne un certain poids national à l’influence de la religion musulmane.

Cette force, très surveillée par les « organes » (police, milice, armée, sécurité d’État) qui, dans la continuité de tradition soviétique, maintiennent un contrôle assez rigoureux de la religion, ne s’est mobilisée que très modérément. Le recours par ailleurs aux escortes des chefs mafieux professant l’islam ne peut pas être considéré comme un soutien musulman : ces escortes sont en effet disponibles pour n’importe qui contre argent comptant[15]. Au cours des événements d’octobre, elles ont immédiatement été mobilisées pour le coup d’État mafieux à Bichkek où elles ont renforcé, notamment, les hommes de main et partisans de Tachiyev, mais aussi d’Atambayev, le fils du pays. Ces éléments sont très rapidement intervenus par des tirs de semonce contre les escortes d’autres partis et politiciens, suscitant la fuite des opposants (Omurbek Babanov, Sapar Isakov) ou leur réincarcération (Almazbek Atambayev). Leur efficacité s’est traduite, lors de cette pseudo-révolution (non encore terminée, il est vrai), par la mort d’un seul manifestant contre une centaine au cours de la deuxième. Une alliance entre les musulmans et les autorités de la mafia, qui affichent leur sympathie islamique et payent la « zakat » (l’impôt musulman), serait « payante » dans tous les sens du terme, mais serait-elle possible ? Pas encore, au moins pour l’instant, par suite de la pression exercée par l’environnement centrasiatique aussi bien qu’international du pays.

Les responsables musulmans kirghizes sont bien conscients du fait qu’une révolte islamique, même limitée, déclencherait une intervention immédiate de l’OTSC[16], notamment de sa Force d’intervention rapide à partir de la base de Kant, immédiatement renforcée en cas d’alerte. Cette intervention aurait l’appui sans réserve de la Chine quelque peu harcelée dans le Xinjiang voisin par les musulmans ouïghours. Forts de ce constat, les notables de l’islam font profil bas, accompagnent les événements sans les susciter.

En ce qui concerne les problèmes ethniques du pays kirghize et leur influence, notons schématiquement les faits suivants :

– malgré tous les déséquilibres et secousses, le Kirghizstan ne paraît pas encore mûr pour une partition entre le sud, plus musulman, plus agricole, plus pauvre et le nord plus industrialisé et « occidentalisé » – à la russe il est vrai… Le réseau routier, grâce au financement des Nouvelles Routes de la soie par les Chinois, va bientôt doubler les liens, très insuffisants jusqu’ici, entre le Nord et le Sud séparés cruellement par les monts Célestes. L’unité nationale s’en portera mieux.

– la minorité ouzbèke du Sud, (presque la moitié de la population urbaine) particulièrement malmenée au cours des pogroms et révolutions de 1990 et 2010 prend traditionnellement parti pour le Nord et continuera à le faire : il ne peut en aller autrement. Après les premiers désordres entre Ouzbeks et Kirghizes, c’est un élément de restabilisation.

– l’encouragement au commerce des « Nouvelles routes de la soie » devrait surtout profiter au Sud, stratégiquement mieux placé, et lui permettre de rattraper son retard économique et social par rapport au Nord. Tout ceci, bien sûr, si la paix règne.

Bien entendu, aussi bien l’entourage centre-asiatique qu’international du Kirghizistan est extrêmement attentif à ce qui s’y passe.

La trêve actuelle scrutée par la Russie, la Chine et les États-Unis

La Russie et la Chine agissent de concert – ce qui est rare dans l’histoire de la région – afin de calmer le jeu. Elles refusent l’une et l’autre de prendre parti pour tel ou tel camp[17] tout en influençant en sous-main et en favorisant tout dirigeant et tout groupe politique qui parviendra à instaurer une certaine stabilité, même sous une férule dictatoriale.

Les deux puissances ont, certes, envoyé leurs ambassadeurs respectifs prendre contact avec le nouveau ministre des Affaires étrangères. Mais le Kremlin, en sus, a prévu, en accord avec le nouveau pouvoir, d’élargir et renforcer en effectifs sa base aérienne de Kant pour parer à l’irruption de toute force politique ou sociale hostile. L’OTSC, rappelle-t-il, comporte en son sein une force de réaction rapide pour lutter à la fois contre la désintégration territoriale d’un État et le djihadisme. La Chine a de son côté confirmé sa lutte contre le terrorisme et les séparatismes dans le cadre de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Notons que Djaparov, qui essaye d’amadouer la Russie, a prévu de faire, comme il se doit, sa première visite officielle à Moscou.

La Fédération russe reste aujourd’hui encore le premier partenaire militaire du Kirghizistan, disposant non seulement de la base aérienne de Kant, mais aussi d’autres installations aux quatre coins du territoire kirghize[18]. Moscou dispose par ailleurs d’un certain moyen de pression sur les organes sécuritaires du pays, par les liens entre le GKNB et le système d’écoutes russe SORM. Toutefois, la crise actuelle n’en a pas moins montré de façon cruelle les limites de l’influence russe sur place, avec l’impossibilité de profiter du chaos ambiant pour imposer l’ancien ministre kirghize de l’Intérieur, Omurbek Souvanaliyev, favorable à Moscou, à la tête du pays et en même temps du GKNB. Le « milieu » local a ainsi eu raison des pressions moscovites.

La Chine devient de son côté le premier partenaire économique du Kirghizistan. Pékin a su utiliser à son profit la division régionale kirghize par l’ouverture de deux routes, l’une passant par Torougart au Nord et l’autre par Irkechtam au Sud. La Chine rénove sur place l’ancien réseau routier soviétique, vétuste, et crée actuellement, à travers les monts Célestes, un deuxième axe autoroutier reliant le Nord au Sud, de Bichkek à Och, à travers le col de Kazarman et Djalalabad. En 2022 ou 2023, quand l’autoroute sera terminée, le Sud sera bien mieux accessible en hiver et le pays gagnera en unité… mais il sera du même coup plus accessible aux armées chinoises !

Du point de vue militaire, si les gardes-frontières chinois profitent de la situation pour faire au Kirghizistan ce qu’ils font déjà au Tadjikistan, à savoir pénétrer sur le territoire kirghize sur une profondeur de 50 kilomètres, installer des postes d’observation et même une petite base, cela serait très mal perçu par une population et une armée sinophobes. Les Chinois le savent et, à l’inverse des Russes, bien mieux accueillis par le peuple kirghize, n’interviendront pas de sitôt.

Les États-Unis, en quittant à contrecœur leur base de Manas sous une forte pression du président Atambayev, ont pris leurs distances par rapport au Kirghizistan. Ils n’en restent pas moins actifs sur le plan diplomatique, humanitaire et culturel[19], car ils continuent à voir dans le pays kirghize un pivot d’importance stratégique majeure dans la région : une sorte de balcon leur permettant d’observer à équidistance les questions russe, chinoise, afghane et même iranienne. Ils profitent aujourd’hui, pour exercer une influence, de différents éléments dont ils ne disposaient pas ou moins naguère :

  • Le développement à Bichkek en particulier, mais aussi dans des recoins de la montagne de petites communautés protestantes russo-kirghizes (souvent baptistes), qui servent de relais assez efficace à l’influence américaine.
  • Les ONG américaines bien financées et très présentes dans l’information, l’éducation, l’action humanitaire et dont l’activité en sous-main ou avérée est de plus en plus réelle en cas d’événements.
  • Les réseaux sociaux qui ont l’avantage de drainer l’influence et l’action de la jeunesse[20] étudiante ou désœuvrée, très présente en cas de crise.

Les ONG anglo-saxonnes et les réseaux sociaux influencent ainsi aujourd’hui fortement cette jeunesse, faisant et défaisant les « révolutions ». La jeunesse urbaine est désormais ouverte au monde et voit autrement l’avenir du pays que les anciens au pouvoir. Cette jeunesse s’investit dans la politique. Mais, partout, dans la rue, au Parlement et désormais dans les partis, elle conteste, dans un vent de fronde décomplexée, le verrouillage des accès aux fonctions dirigeantes par les anciens et entend dorénavant s’imposer.

Les Américains, pour l’instant, vont se focaliser sur le personnage de Kamtchy Kolbayev, dont l’emprisonnement au Kirghizistan donne l’occasion d’une enquête et, probablement, d’un règlement de compte… Djaparov et Tachiyev peuvent-ils revenir sur ce cadeau en libérant Kolbayev comme ils semblent le lui avoir promis ? Cela paraît difficile… Si néanmoins la libération intervient, le nouveau pouvoir aura mauvaise réputation et ne pourra plus s’attendre qu’à l’hostilité des États-Unis.

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La soi-disant « révolution d’octobre » a mis en lumière le nombre important de partis politiques enregistrés (46 officiellement !). La plupart ne sont qu’une faible force d’appoint de voix pour un personnage dont l’aura ne repose que sur sa tribu. Toutefois, plus occidentalisé et russisé, le Nord du pays regroupe des partis à base idéologique, disposant de sections dans l’ensemble du pays (PS-Ata-Meken, PSDK, PSK, Ak-Choumkar, Respoublika…). Si certains de leurs chefs, compromis avec l’ancien système sont en fuite ou en prison, leur absence n’empêche pas leurs partis de fonctionner, la jeunesse partant à l’assaut des places vacantes. Une nouvelle génération politique mieux formée, plus expérimentée, plus ouverte à la globalisation, également plus éloignée des querelles tribales et des coups tordus des anciens, émerge ainsi. Elle pourrait représenter un sérieux espoir pour la stabilité du pays, le jour où les portes du pouvoir lui seraient enfin ouvertes.

À brève échéance, les élections présidentielles (prévues pour le 10 janvier 2021) et législatives (malgré leur report sine die au printemps 2021) renouvelleront la donne politique sur place. Elles n’apporteront pas de sitôt de changement à la situation de corruption, de concussion et de défiance régionale et tribale qui gangrène le pays, mais pourraient le stabiliser, en redonnant une légitimité perdue au suffrage universel et à la vie politique. Si la nouvelle direction triche et ne permet pas cela, ce sera pour elle, à plus ou moins long terme, la menace de l’échec.

Dans l’immédiat, le gouvernement devra avant tout se focaliser sur la situation préoccupante de la population kirghize face au Covid-19. Les événements révolutionnaires n’ont fait qu’aggraver l’impact de la pandémie[21] tout en affaiblissant encore la qualité des soins donnés dans les hôpitaux. Sadyr Djaparov sera aussi jugé sur la façon dont il abordera ce problème crucial.

Situation intérieure, initiatives vers l’étranger, covid-19, le nouveau président ad intérim va devoir révéler toute son envergure… s’il en a une – comme c’est probable – et si on le laisse courir sa chance !

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[1] Les associations de jeunes et les réseaux sociaux ont été actifs au cours de la révolution d’octobre pendant laquelle ils ont pris le parti des révoltés. Ils ont ainsi donné l’impression que non seulement la jeunesse, mais aussi les classes moyennes, avaient choisi le parti des insurgés.

[2] Organisation semi-clandestine de criminels née dans les camps staliniens et caractéristiques de l’espace russophone. Elle vise à réguler quelque peu les rapports entre grands mafieux.

[3] Cf ci-après note 11.

[4]  Cet article en russe de radio Azattyk révèle toutes les circonstances du trafic de marchandises chinoises, effectué à partir du Xinjiang par un clan ouïghour en liaison avec Raymbek Matraïmov qui empoche dans l’affaire au moins 700 millions de dollars. Il a généré par l’intermédiaire d’un autre clan semi-ouïghour installé à Och, puis Istanbul, des placements immobiliers et autres aux Émirats, en Europe, aux États-Unis, etc.

[5] D’après une rumeur « familiale » en milieu bichkékois proche du gouvernement.

[6] Il était alors déjà accompagné par son ami Tachiev. Le coup de Kumtor préfigure pour les deux compagnons celui de Bichkek, mais ce dernier a réussi…

[7] Il perd successivement son père, son fils aîné et sa mère pendant sa détention en 2017-19.

[8] Kant pour les Russes, Manas pour les Américains.

[9] L’un des plus grands bazars d’Asie centrale.

[10] Notons que Kolbayev est comme Djaparov originaire de la région au nord-est de l’Issyk-Koul. Au Kirghizistan un tel fait rapproche beaucoup les gens.

[11] Rien qu’en Russie, les Kirghizes sont 1 500 000, soit un quart de la population kirghize.

[12]Le Président Djeenbakov s’est rendu en pèlerinage à La Mecque. Deux de ses frères étaient ambassadeurs en Arabie saoudite et en Égypte et toute la famille misait sur l’islam après avoir misé sur le communisme….

[13] René Cagnat, Le désert et la source : Djihad et contre-djihad en Asie centrale, Ed. du Cerf, Paris, 2019, p. 198.

[14] Les otynes, dans le sud kyrgyz, sont traditionnellement des femmes dévouées à l’enseignement du Coran.

[15] Cf. le rôle trouble de la famille Bakiyev durant l’été 2010 dans la région d’Och et le sud kirghyi, https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/080710/au-sud-kirghiz-les-liaisons-dangereuses

[16] Organisation du traité de sécurité collective créée en 2002 et regroupant, autour de la Russie : l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan.

[17] La Chine se montre plus intéressée par cette neutralité, répétant inlassablement à chaque révolution que ses créances restent toujours dues, quel que soit le nouveau personnel politique arrivant au pouvoir à Bichkek. Elle signale aussi à chaque soulèvement les dangers encourus par ses nationaux et son commerce, soulignant ainsi la sinophobie ambiante.

[18] À la base aérienne de Kant, située à 30 km de Bichkek, créée en 2003, s’ajoutent des installations datant de l’héritage soviétique, comme une base d’essai d’armes anti-sous-marines de la marine russe à Pristan-Prjevalsk au bord du Lac Issyk-Koul, un centre de communications de la marine « Marevo » (station Prométhée) à Tchaldovar, près de Kara-Balta, et une station sismique à Mailouou-Souou, près du Ferghana kirghiz.

[19] Bichkek possède la seule université américaine de toute l’Asie centrale : elle est active et réputée.

[20] Rappelons que les moins de 25 ans représentent près de la moitié de la population.

[21] Elle atteint actuellement un pic maximum.

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Today, Professor Simon Chadwick from emlyon business school and Paul Widdop, from the Manchester Metropolitan University, interview Simon Anholt, an independent policy advisor who has worked to help develop and implement strategies for enhanced economic, political and cultural engagement with other countries.

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CDI - Rédacteur(trice) en chef, blog de l’Institut Montaigne

Institut Montaigne - Fri, 06/11/2020 - 14:25

Nature : CDI à temps plein
Lieu : Paris / en télétravail dans le contexte sanitaire 

Rattaché(e) à la direction du marketing et de la communication de l’Institut Montaigne, le/la rédacteur-trice en chef du blog sera responsable de l’alimentation du blog (en français) en contenus éditoriaux. À ce titre, il (ou elle) veillera au respect de la ligne éditoriale de l’Institut…

La cultura en el “poder suave”: una revisión metodológica del Índice Elcano de Presencia Global

Real Instituto Elcano - Fri, 06/11/2020 - 12:17
Ángel Badillo Matos. DT 21/2020 - 6/11/2020

El documento discute el interés de recoger algunos otros indicadores para la construcción de la variable Cultura dentro del Índice Elcano de Presencia Global, en especial el comercio internacional de bienes culturales.

Élections américaines : Xi Jinping a gagné

IRIS - Fri, 06/11/2020 - 09:46

En ce 6 novembre, nous n’avons toujours pas de résultats définitifs du suffrage présidentiel américain. Joe Biden se rapproche encore plus de la victoire, et Donald Trump s’enfonce dans la dénonciation de supposées fraudes en contestant les résultats. Ce qui est certain désormais, c’est que c’est la Chine de Xi Jinping qui sort victorieuse de ce scrutin. L’analyse de Pascal Boniface.

Disaster Diplomacy Will Not Reconcile Turkey and Greece

SWP - Fri, 06/11/2020 - 00:20

The magnitude 7.0 earthquake that struck Turkey’s Aegean coast on 30 October killed more than one hundred people and injured almost one thousand. Rescue efforts ended on 4 November with a “miracle”: A four-year-old girl still alive after 91 hours under rubble. Some political analysts and Western partners now expect a miraculous warming of relations between Turkey and Greece. That is not going to happen. There is simply no positive trend in the relationship that disaster-related diplomatic goodwill could build on.

Although Ankara and Athens are at loggerheads in the eastern Mediterranean after Turkey stepped up oil and gas exploration in disputed waters, Greek Prime Minister Kyriakos Mitsotakis placed a rare call to Turkish President Recep Tayyip Erdoğan to offer his condolences. Both later tweeted their messages of solidarity. Washington also hailed the “earthquake diplomacy” and said it was ready to assist its NATO allies. “It’s great to see both countries putting their differences aside to help each other during a time of need. The United States also stands ready to assist,” said National Security Advisor Robert O’Brien. State Department spokeswoman Morgan Ortagus offered US condolences for the loss of life and said the United States was “heartened” by cooperation between the Turkish and Greek foreign ministers.

The reason these developments attracted such attention is the belief in that disaster diplomacy set the neighbours countries on course for an improvement in relations in August/September 1999, after consecutive earthquakes hit Turkey and then Greece. The period is still remembered as a positive episode on which Ankara and Athens could model approaches to their current strife.

What Happened in 1999?

If we are to derive the correct lessons on causal links between disaster response and warming relations, we must first examine the historical precedent. A couple of years after the earthquakes the then Greek Defence Minister Akis Tsochatzopoulos said that the tremors served as “a catalyst for bringing the two neighbouring peoples closer”. He was right to refer to the disaster diplomacy as a catalyst rather than an instigator: the events merely expedited a trend that was already established.

In 1996, just three years before the quakes, Ankara and Athens came to the brink of war over the tiny Aegean islets of Kardak/Imia. But within the next couple of years Ankara’s political agenda shifted dramatically. Now it was dominated by the country’s leading domestic and foreign policy priority, the militant Kurdistan Workers Party (PKK) leader Abdullah Öcalan’s presence in Syria. After sustained military pressure from Turkey and the United States, Syria decided to expel the PKK leader. But Greek politicians and officials were instrumental in persuading Öcalan to leave Syria, initially to Cyprus and then on Europe using a fake Cypriot passport. Several months later, Athens again played a central role in Öcalan’s capture after leaving the Greek embassy in Nairobi, Kenya.

By 1999, Turkey was also moving closer to embracing European Union membership and was accepted as a candidate for full membership by the end of the year. Against that background, the rapproachment between Ankara and Athens was welcomed even by leaders of the hardline Nationalist Action Party (MHP). Giving his blessing to the friendship İsmail Köse of the MHP cited Greek participation in revolts against Ottoman rule, Greece’s assistance against the PKK and the fraternity that followed the earthquakes.

Athens was keen to utilise improved relations with Ankara to establish security in the Balkans. Turkey possessed political leverage over the Albanian groups that waged an insurgency in the Preševo Valley and the Republic of Macedonia between 1999 to 2001. The efforts to coordinate efforts in the Balkans ultimately produced little in the way of results and Greece went its own way to consolidate its leadership in the region.

Unfortunately, the idea that earthquake diplomacy could launch a new era was mistaken. After political mistakes on both sides Turkey gradually abandoned its EU membership agenda to pursue a more independent and interventionist foreign policy. Good relations with Greece now took second place to other interests, such as power projection in the Aegean.

What Is Different Today?

Today there is no positive trend in relations – quite the opposite. Rivalry over energy resources between Greece, Cyprus and Turkey has drawn in regional and global actors including France, Egypt and Israel. Turkey has pursued “gunboat diplomacy”, using the Turkish Navy to protect its seismic research vessels. After the failure of Greece and France to unite the European Council behind sanctions on Turkey, Ankara was emboldened to send the Oruç Reis, the research vessel at the centre of the row, back into disputed waters in the Mediterranean.

Only a couple of days after the warm phone conversation between the Turkish and Greek leaders, Turkey issued a new naval warning extending the mission of the Oruc Reis. This time around there is no positive trend on which “disaster diplomacy” could build. And with Turkey feeling politically and militarily secure against the PKK, there is no Kurdish card for Greece to play either.

Turkish-French Culture War over Islamist Radicalism and Islamophobia May Unite Europe against Turkey

SWP - Fri, 06/11/2020 - 00:10

France and Turkey are embroiled in geopolitical conflicts across three continents. Now terrorist attacks by Islamist extremists on French soil have sparked a culture war between Paris and Ankara. Turkish President Recep Tayyip Erdoğan has accused French President Emmanuel Macron of Islamophobia and called for a boycott of French products. On the surface, this appears to be a much less significant crisis than the hard geopolitical conflicts between the two states.

In Libya, Paris opposes Ankara’s military intervention on the side of the UN-backed government in Tripoli, which tilted the balance against the Benghazi-based forces of General Chalifa Haftar. In the most noticeable incident, Turkish naval forces targeted a French frigate with their fire control radar to prevent the French vessel controlling a cargo ship suspected of smuggling arms to Libya. In the eastern Mediterranean, France is one of the leading European voices criticising Turkish oil and gas exploration in disputed waters. In Syria, France has opposed Turkey’s targeting of Kurdish-led rebels, who President Macron recently called France’s “partners against Islamic jihadism”. Finally, as one of the co-chairs of the OSCE Minsk Group, France – which has a sizeable Armenian minority – has been working to counter Ankara’s diplomatic campaign against Armenia in the context of the war over Nagorno Karabakh.

So far, the political damage to Ankara caused by these crises has been limited. Paris has been unable to unite its European and Western partners behind a coordinated action against Ankara. European countries do not see eye to eye with France on these issues, and are unequally affected by the issues.

This Crisis Could Be More Consequential

President Erdoğan appears not to realise the gravity of the crisis. This latest episode of cultural and symbolic disagreements could prove more consequential for Turkey than the hard geopolitical conflicts, for three reasons. Firstly, the dispute over Islam has direct and tangible effects on French domestic politics. The French far right, which is currently close to Macron in the polls, benefits from any tension with the country’s Muslim minority. Paris regards Erdoğan’s remarks as serious interference in France’s internal political affairs.

Secondly, Erdoğan’s campaign ostensibly singles out France but actually targets other European countries too. The tension over Muslim minorities is not just a French problem. It affects pretty much every Western European country – disproportionately to the actual size their Muslim populations. So whipping up this issue direct impacts domestic politics in all these states and is likely to assist the far right. French Interior Minister Gérald Darmanin’s announcements of a crackdown that will affect Islamic NGOs as well as those suspected of preparing violent attacks is designed to prevent a shift to the far right. It is unclear whether this strategy will work.

Thirdly, there is a very significant security dimension to this crisis. Erdoğan’s amplification of Muslim indignation could create a political atmosphere that encurages violent extremists to carry out attacks. In terms of urban terrorist attacks, the security dimension is relevant to pretty much all Western European countries from Spain to Sweden, Germany and the United Kingdom. The latest attack in Austria, which was claimed by the Islamic State group, testifies to the immediacy of the threat. Such attacks also create conditions for a backlash from far-right terrorists in various European countries.

The direct and indirect effects of an atmosphere that encourages Islamist extremism are thus felt more homogenously across Europe. Several European governments and the European Parliament have already publicly backed Paris in its “war of words” with Ankara. The more Erdogan succeeds in promoting his anti-France agenda the more he might provoke a stronger backlash from the EU. Despite there being no link between Erdoğan and the attacks in France, the Turkish President occupies centre stage in the French debate in France. When news about the Nice attack broke, French broadcasters and commentators were very quick to discuss it in connection with his earlier remarks about France.

Unity around the issue of Islam in Europe and unequivocal support for France against Turkey have already been manifested in expressions of support by European leaders and most recently a statement by the European External Action Service. If the efforts to coordinate European statements and action force Turkey to back down, the experience could be applied in other disputes with Turkey. Erdogan is not known for giving in to pressure from Europe, but it is highly likely that Ankara will abandon its campaign against France in the face of a coordinated response. If this crisis helps to unite Europe to counter Turkey, it will be a first in the recent decades and could create a significant precedent. It might even lead to Europe finally finding leverage against Turkey if it considers taking concrete diplomatic and economic action against Ankara.

Preparing for the Crises after COVID-19

SWP - Fri, 06/11/2020 - 00:00

Political decision-makers are regularly confronted with a large number of hypothetical crises. State and society expect them to make appropriate provisions to tackle these scenarios simultaneously. However, adequate preparation for all conceivable incidents in the future far exceeds the available resources. Decision-makers must therefore deter­mine which of these imaginary crises should take priority. Factors such as the public visibility and likelihood of an expected crisis and the damage it is anticipated to cause play an important role in this decision. Also at play are analogy-based reason­ing and political intuition. COVID-19 illustrates that these future heuristics entail significant decision-making risks. Despite many warnings about the consequences the spread of infectious diseases could have globally, hardly any state was adequately pre­pared. Taking credible predictions through systematic foresight into account would help decision-makers to set priorities for prevention that would be easier to explain and justify.

Creatives Join IPI MENA in Advocating the Arts for Building Youth Resilience

European Peace Institute / News - Thu, 05/11/2020 - 21:47
Event Video: 

In a webinar hosted by IPI MENA on November 5th entitled “Building Youth Resilience,” young authors, filmmakers, and artists called for greater awareness of the benefits of using the arts to build peace and resilience among the Arab youth.

IPI MENA’s Director Nejib Friji and Policy Analyst, Dalya Al Alawi underlined the importance of this at a time when sentiments of hate, violence, and despair are heightened. Ms. Al Alawi highlighted the possibility of youth as being agents of peace and that schools could act as focal points to promote the culture of peace.

Reem Saleh, the Associate Director of External Relations for the Arts Center, NYU Abu Dhabi spoke about the barriers youth are facing in contributing to culture in Arab social spaces and emphasized that culture should be more tailored and aimed at the Arab youth population to foster more participation.

Tanya Shamil, an 18-year old Omani artist and filmmaker, shared the tools she used to create and disseminate her work, which helped her engage more and learn from her community and beyond.

Sara Ghannoum, the author of the “Tom Alien” series, spoke about the healing properties of reading and playing, which helps children express themselves and in turn contributes to their mental and physical wellbeing.

The two youngest panelists, Adam Kadia, author of Hakeem the Adventurer and The 17SDGs, and Yara Khazindar, a young poet, praised the platform for being a great example of how the arts can be a useful tool in building long-lasting resilience among youth.

The event concluded in a collective acknowledgment that youth are agents of peace and builders of resilience, no matter what tool they chose to accomplish this.

Tensions en Éthiopie : triste scénario, mais ô combien prévisible

IRIS - Thu, 05/11/2020 - 18:53

 

Dans la nuit du 3 au 4 novembre dernier, une base militaire fédérale éthiopienne de la région du Tegray a été attaquée, aggravant les tensions entre la région et le pouvoir central. Avec cet évènement et la déclaration de l’état d’urgence au Tegray, l’Éthiopie semble aujourd’hui au bord de la guerre civile. Le point sur la situation avec le Dr Patrick Ferras, président de l’association Stratégies africaines, enseignant à IRIS Sup’, qui vient de rentrer d’un séjour de deux mois en Éthiopie.

Quelles sont les causes des évènements violents qui viennent de se dérouler en Éthiopie, à la fois dans la région du Tegray, mais aussi dans celle d’Oromi ? Ces évènements étaient-ils prévisibles ?

Les récents événements dans différentes régions d’Éthiopie montrent que la situation sécuritaire se détériore et que le gouvernement central ne maîtrise plus ses régions-États. À la crise sécuritaire se rajoute une situation économique difficile qui n’est pas uniquement liée à la pandémie de Covid-19. Sur le plan politique, les élections ont été repoussées sans que l’on sache quand aura lieu ce rendez-vous important. Les Tegréens reprochent à ce gouvernement de ne pas avoir voulu les organiser et ils estiment que le gouvernement est non légitime. Ils ont notamment organisé leurs élections, ce qui a été sanctionné par Addis Abeba considérant cela comme une provocation.

Depuis plusieurs semaines, les tensions sont donc importantes entre les deux « camps » et la dégradation de la situation était prévisible.

Assistons-nous à une rupture entre la région du Tegray et le centre du pays ?

La rupture est actée. Le 4 novembre 2020, le Premier ministre, Abiy Ahmed, a accusé les Tegréens d’avoir attaqué une caserne de l’armée en région-État du Tegray et il estime que la ligne rouge a été franchie. Il a assigné aux Forces de défense nationale éthiopiennes (FDNE) la mission de « sauver le pays et la région de la spirale de l’instabilité ».

La situation sera très compliquée, car on peine à voir la mission réelle des FDNE dans une région très homogène où l’armée nationale risque de se retrouver en terrain ennemi. De plus, les Tegréens sont nombreux dans l’armée éthiopienne et s’il y avait des combats, il n’est pas sûr que les soldats oromo, amhara ou autres tirent sur d’autres Éthiopiens. Des risques de désertions ne sont pas à exclure.

L’escalade des tensions est-elle aujourd’hui évitable ? Des médiateurs peuvent-ils intervenir pour éviter que la situation dégénère davantage ?

Il faudra une action volontaire des deux camps pour que les tensions diminuent et que le dialogue soit ouvert. Mais, il appartient au Premier ministre de faire le premier pas. L’unité du pays ne peut se faire sans les Tegréens. Il n’est pas inutile de rappeler que l’Éthiopie ne sortit de l’ère Mengistu que grâce aux combats menés par les Tegréens (et les Érythréens) pendant 17 ans. Les élections doivent aussi se tenir rapidement malgré la pandémie de Covid-19.

La crise en Éthiopie est un problème interne au pays et il n’y aura pas de médiation possible de l’Union africaine ni de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (organisation régionale qui couvre les États de la Corne de l’Afrique). Deux États regarderont avec attention les événements : l’Égypte qui compte sur un assouplissement des positions éthiopiennes sur le Grand barrage de la renaissance et l’Érythrée toujours heureuse de voir le poids des Tegréens diminuer dans la région.

Trump restera actif et nuisible

IRIS - Thu, 05/11/2020 - 18:11

En ce jeudi 5 novembre, la victoire de Joe Biden aux élections présidentielles américaines ne semble plus guère faire de doute. La nuit dernière, il a d’ailleurs tenu un discours de réconciliation, discours traditionnel pour un vainqueur d’une élection présidentielle, aux États-Unis ou ailleurs. Il s’agissait pour lui d’affirmer qu’il sera le président de tous les Américains et pas seulement de ceux qui ont voté pour lui. Un discours que Donald Trump n’avait pas tenu ni lors de son élection ni par la suite. Preuve que pendant quatre ans, il s’est uniquement adressé à ses électeurs.

Dans le cas de ce scrutin très serré, Trump risque de ne pas du tout apprécier sa défaite et de ne pas faciliter la tâche du vainqueur, comme il est normalement d’usage dans une démocratie. Hillary Clinton, qui avait pourtant obtenu 3 millions de votes de plus que Donald Trump en 2016, avait malgré tout reconnu sa défaite. Mieux encore, en 2000, Al Gore avait accepté sa défaite alors que lui aussi avait récolté plus de voix que George Bush, qui avait obtenu la victoire grâce à une décision de la Cour Suprême qui avait suspendu le décompte des votes dans l’État clé de Floride, alors dirigé par son frère.

Contester la défaite n’est pas dans la tradition des démocraties, aux États-Unis ou ailleurs. Trump va certainement rompre avec cette tradition en contestant les résultats le plan juridique. On a vu cette nuit que certains bureaux de vote avaient été entourés par des hommes en armes par des gens en armes qui souhaitaient interrompre le décompte des votes. Ce ne sont pas des scènes dignes d’une démocratie. Il y aura des recours judiciaires, ce qui est plus admissible au regard du droit. En tout cas, l’actuel locataire de la Maison-Blanche va vouloir présenter sa défaite comme une victoire volée due à la tricherie du camp démocrate. Il va donc tenter de saboter le travail de réconciliation de Joe Biden au cours de son mandat.

Donald Trump va intégrer le club assez peu fréquenté des présidents américains qui n’ont fait qu’un seul mandat. Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’y eut que Jimmy Carter, battu en 1980 par Reagan – Jimmy Carter s’est ensuite consacré à des missions humanitaires et à sa fondation qui œuvre pour la paix, on n’imagine guère Trump en faire autant – et George Bush père qui avait été battu après un unique mandat par Bill Clinton, et qui a eu sa revanche avec l’élection de son fils en 2000. Que va faire Donald Trump par la suite ? Il ne se contentera pas de s’occuper de ses affaires personnelles. Son tempérament le poussera certainement à développer une capacité de nuisance maximale pour gâcher le mandat de celui qui l’a vaincu. On sait déjà qu’il avait une dent personnelle contre Obama, rancœur qui l’avait d’ailleurs en partie amené à se présenter. Il va certainement en être de même à l’égard de Biden. Trump ne risque pas de prendre sa retraite et il voudra certainement encore peser sur la politique américaine. Il a tout de même été le choix de 68 millions d’électeurs lors de ce scrutin, ce qui reste un score très impressionnant. Il a environ 90 millions d’abonnés sur Twitter et a par ailleurs emmagasiné, au cours des deux campagnes, des informations et données sur son électorat qui ne pourront que lui être utiles par la suite. Il est même question qu’il crée une chaîne de télévision, milieu dans lequel il a prospéré avant de se lancer en politique.  Et retour en télévision motivé là aussi par la rancœur qu’il entretient à l’égard de Fox News, chaîne pourtant ultra conservatrice, qu’il estime ne pas l’avoir suffisamment soutenu dans cette campagne. Il pourrait ainsi créer une chaîne de télévision qui viendrait évidemment nourrir les débats. Trump fera également tout pour peser sur la prochaine élection et sur le candidat qui portera, en 2024, les couleurs du parti républicain.

Revenons-en à l’issue de l’élection, le Sénat risque de rester à majorité républicaine et même si Joe Biden, qui a occupé un poste de sénateur pendant 38 ans et qui connaît par cœur les rouages de l’institution, pourra y disposer d’appui, il devra également faire face à une large opposition républicaine. Donald Trump va donc tout faire pour que Joe Biden puisse le moins possible réaliser son objectif de réconcilier l’Amérique avec elle-même, lui qui laisse une société fracturée, très profondément divisée. Mais il est peu probable dans tous les cas que Biden parvienne à le faire puisque pour cela il faut une volonté de réconciliation du vainqueur qui n’existait pas en 2016 et une acceptation de la réconciliation par le vaincu, qui n’existe pas plus en 2020.

[Sondage] - Les Français inquiets face à la crise économique du Covid-19

Institut Montaigne - Thu, 05/11/2020 - 16:11

Tous les mois, l'Institut Elabe interroge les Français pour Les Echos, l'Institut Montaigne et Radio Classique, ce mois-ci les Français, la crise économique et les inquiétudes sociales.

Très partagés il y a un mois, 2 Français sur 3 priorisent maintenant la lutte contre l’épidémie à la relance économique

Pour 66 % (+16 points en un mois) des Français, le…

Trump ou la tentation du coup d'État

Institut Montaigne - Thu, 05/11/2020 - 16:02

En déclarant sa propre victoire, alors que le dépouillement des votes est encore loin d'être terminé, le président sortant, Donald Trump, n'a pas seulement enfreint le processus électoral, il a ébranlé la démocratie américaine tout entière.

"Le Coup d'État permanent". C'était le titre d'un essai polémique écrit par François Mitterrand en 1964, pour dénoncer la pratique du pouvoir par le général de Gaulle.…

« L’humain qui vient », colloque du 5 et 6 novembre (visioconférence)

Fondapol / Général - Thu, 05/11/2020 - 15:36

Qu’appelons-nous aujourd’hui l’« humain » ? Le colloque L’humain qui vient, s’est tenu les 5 et 6 novembre en visioconférence, avec la participation de Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique et Elisabeth de Castex, membre du Conseil scientifique de la Fondation et responsable du blog Anthropotechnie. Le Groupe de recherche L’humain qui vient, […]

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