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Union européenne

Communiqué de presse - Migration et droits de l'homme: débat avec M. Guterres et Mme Mogherini - Sous-commission "droits de l'homme" - Commission des affaires étrangères - Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

Des mesures pour faire face aux crises de la migration et des réfugiés ainsi que la situation dans les pays de transit en Méditerranée ont été débattues lors d'une audience conjointe organisée par les commissions des affaires étrangères, des affaires intérieures et des droits de l'homme mardi matin. Les députés ont exprimé leur déception à l'issue de la réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures de lundi et ont exhorté l'UE à assumer ses responsabilités.
Sous-commission "droits de l'homme"
Commission des affaires étrangères
Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

Source : © Union européenne, 2015 - PE
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Communiqué de presse - Migration et droits de l'homme: débat avec M. Guterres et Mme Mogherini - Sous-commission "droits de l'homme" - Commission des affaires étrangères - Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

Parlement européen (Nouvelles) - mar, 15/09/2015 - 14:21
Des mesures pour faire face aux crises de la migration et des réfugiés ainsi que la situation dans les pays de transit en Méditerranée ont été débattues lors d'une audience conjointe organisée par les commissions des affaires étrangères, des affaires intérieures et des droits de l'homme mardi matin. Les députés ont exprimé leur déception à l'issue de la réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures de lundi et ont exhorté l'UE à assumer ses responsabilités.
Sous-commission "droits de l'homme"
Commission des affaires étrangères
Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

Source : © Union européenne, 2015 - PE
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Vidéo d'une réunion d'une commission - Mardi 15 septembre 2015 - 09:14 - Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures - Sous-commission "Droits de l'homme" - Commission des affaires étrangères

Durée de la vidéo : 240'
Vous pouvez télécharger manuellement cette vidéo au format WMV (2.7Gb)

Clause de non-responsabilité : L'interprétation des débats facilite la communication mais ne constitue en aucun cas un enregistrement authentifié des débats. Seuls le discours original ou la traduction écrite révisée du discours original peuvent être considérés authentiques.
Source : © Union européenne, 2015 - PE
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Migrants: les néo-nazis allemands réapparaissent à Munich europe-RFI

RFI (Europe) - mar, 15/09/2015 - 13:39
Ces derniers jours, on ne les avait pas entendus à Munich : les néo-nazis et leurs propos xénophobes. Face à l’immense élan de solidarité de la population envers les dizaines de milliers de réfugiés arrivés dans la ville, ils s’étaient tus. Mais dès que la décision de Berlin de contrôler à nouveau les frontières allemandes a été connue, ils sont réapparus dans le paysage urbain.
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[Revue de presse] Pas de position commune sur les réfugiés en Europe : vers la réinstauration des frontières nationales ?

Toute l'Europe - mar, 15/09/2015 - 10:34
L'incapacité des ministres européens de l'Intérieur à s'accorder sur une politique commune concernant l'accueil et la relocalisation des réfugiés fait la Une de l'ensemble de la presse française. Dans l'attente d'un accord ambitieux et contraignant, seules l'intervention militaire en Méditerranée et la création de hotspots en Italie et en Grèce ont été décidées.
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Communiqué de presse - Crise des réfugiés: les ministres de l'UE ont à nouveau échoué, selon M. Moraes - Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

Parlement européen (Nouvelles) - mar, 15/09/2015 - 10:25
"Les États membres ne sont à nouveau pas parvenus à prendre des décisions difficiles et à faire preuve de compassion face à la crise des réfugiés", a déclaré M. Moraes, président de la commission du Parlement européen responsable des migrations et de l'asile. "Nous allons manquer de temps - la réunion du 8 octobre représente la dernière chance de l'UE pour se mettre d'accord sur une réponse organisée à la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde guerre mondiale en Europe", a-t-il ajouté.
Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

Source : © Union européenne, 2015 - PE
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101/2015 : 15 septembre 2015 - Arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-67/14

Cour de Justice de l'UE (Nouvelles) - mar, 15/09/2015 - 09:53
Alimanovic
DISC
Un État membre peut exclure de certaines prestations sociales, à caractère non contributif, des citoyens de l’Union qui s’y rendent pour trouver du travail

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Face aux réfugiés : réussir ensemble ou échouer individuellement ?

EU-Logos Blog - lun, 14/09/2015 - 21:35

« Nous pouvons réussir ensemble et uni ou nous pouvons échouer chacun à notre façon, dans notre propre pays, dans nos propres îles ». Une mort pour réveiller les consciences ?

 

Le Premier Vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, affirmait fermement dans un communiqué de presse du vendredi 4 septembre : « On est face à un défi mondial qui exige une solidarité de tous les États membres ».

À la une de la presse européenne s’est récemment trouvée une image , forte qui est devenue le symbole du drame migratoire. C’était le corps sans vie d’un petit enfant de trois ans trouvé sur les plages turques. Son nom était Aylan Kurdi. Il était l’un des nombreux enfants syriens à fuir la guerre civile de leurs pays d’origine pour rejoindre l’Europe. Malheureusement, l’embarcation sur laquelle se trouvait Aylan et sa famille, et au moins une douzaine d’autres personnes, coula au large de l’île de Kos.

 

Réagissant à cette image, le Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), Anthony Lake, a appelé jeudi 3 septembre les États européens à ne pas perdre de vue le caractère profondément humain de la crise actuelle.

 

106 000 enfants réfugiés en Europe.

Un quart de ceux qui cherchent refuge en Europe sont des enfants : parmi eux environ 2 millions d’enfants syriens ont fui leur pays. Dans les six premiers mois de cette année, ce sont 106.000 enfants qui ont demandé l’asile. C’est ce que signale l’Unicef sur la situation des migrants et des réfugiés enfants en Europe.

Dans un communiqué de presse rendu public à New York, M. Lake a déploré : « alors que la crise des réfugiés et migrants en Europe s’aggrave, ces images choquantes ne seront pas les dernières à circuler à travers le monde sur les réseaux sociaux, sur nos écrans de télévision et à la une de nos journaux ».

 

Les États membres se sont dits scandalisés devant cette énième tragédie. Mais le monde ne doit pas seulement être choqué. Le choc doit se traduire en action. Car ces enfants n’ont pas

choisi de vivre ce calvaire qui est hors de leur contrôle. Ils ont besoin de protection. Ils ont le droit à la protection.

 

Cette image s’est voulue un acte d’accusation face à une Europe tellement hypocrite qu’elle pleure devant des morts qui sont d’autant plus injustes qu’elles sont qu’évitables.

Depuis la publication de l’Agenda sur les Migration par la Commission européenne, 4 mois sont passés. Mais on est encore au point de départ. Parmi les mesures à adopter pour répondre à cette crise, figuraient les répartitions des quotas de migrants en Italie et Grèce. Des progrès concrets n’ont pas encore été réalisés. Nous sommes encore dans l’attente des résultats du Conseil du 14 septembre. Pire même, l’Union européenne accuse, sur certains points, un retour en arrière par rapport au point de départ.

Les gouvernements d’Europe de l’Est se sont déclarés hostiles aux quotas pour répartir les migrants. Cet été, la Hongrie a construit une clôture de 175 kilomètres le long de sa frontière avec la Serbie afin d’empêcher, sans grand succès, l’entrée des migrants. En République Tchèque 216 migrants, dont 61 enfants, ont été marqués au dos de leurs mains pour être identifiés. La réponse donnée par la porte-parole du ministère tchèque de l’Intérieur, Lucie Novakova, était que ce marquage avait été introduit en raison du grand nombre d’enfants parmi les réfugiés. «Notre objectif est d’empêcher que des enfants ne se perdent», a-t-elle encore dit, comme s’ils étaient des animaux ! Et elle a assuré, comme pour justifier son comportement : «Ils ont accepté le marquage, ils n’ont pas de problème avec cela, ils savent que c’est dans leur intérêt». Mais assure Zuzana Candigliota, avocate de la Ligue tchèque des droits de l’Homme, «aucune loi ne permet de marquer les gens de cette manière».

Mais de quelle Europe parle-t-on ? Où sont les valeurs de démocratie et de solidarité sur lesquelles l’Union est fondée ?

 

A la question qui lui était posée par un journaliste (Le Monde) de comment juger ces pays d’Europe, Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères français, a répondu : « Quand je vois un certain nombre de Pays d’Europe qui n’acceptent pas les contingents (de répartition des réfugiés), je trouve ça scandaleux ».

 

En effet, tout ceci est un paradoxe pour ces Etats d’Europe de l’Est qui, alors qu’ils ont depuis la fin du XIXème siècle toujours été des terres d’émigration, se disent aujourd’hui hostiles à l’accueil des réfugiés.

 

Il convient de rappeler un peu l’histoire. Lorsque en octobre 1956, après la fin de la Révolution de Budapest, près de 200.000 Hongrois ont fuit en Autiche et en Yougoslavie dans l’espoir d’avoir une vie meilleure, la réponse des Pays européens fut beaucoup plus solidaire qu’aujourd’hui. Un plan de réinstallation fut mis en place et en février 1957 117.000 personnes se trouvant en Autriche furent réparties vers plusieurs pays d’Europe, grâce à une politique de « quotas » d’accueil, rappelle le Haut-Commissaire aux réfugiés, Antonio Guterres ».

Il eut été bon, que le Premier ministre Hongrois, Viktor Orban, avant le sommet du vendredi 4 septembre 2015 à Prague, se rappelât la solidarité que les États européens montrèrent accueillant leurs réfugiés. Mais le groupe de Visegrad réaffirma finalement son refus des quotas automatiques de réfugiés.

« Quoi que je puisse faire, je serais attaqué, et je pense qu’il y a une réalité là-dessous. Si je protège mes frontières, ça devient un problème, si je ne protège pas mes frontières, c’est aussi un problème. Alors aujourd’hui, on ne sait plus quoi faire pour ne pas être attaqué, » a déclaré Viktor Orban face à la presse, à fin de la réunion des chefs de gouvernement des quatre pays d’Europe centrale.

 

« Peut-être faudra-t-il cette photo pour que l’Europe ouvre les yeux ? »

Apparemment cet acte provocateur a suscité de nombreuses réactions et poussé les politiques à prendre des engagements.

 

La France et l’Allemagne ont lancé ce jeudi 3 septembre une initiative sur des « quotas contraignants » pour l’accueil des migrants. « J’ai parlé ce matin au président français. La position franco-allemande que nous allons transmettre aux institutions européennes est que ceux qui ont besoin de protection (…) en bénéficient et que nous avons besoin de quotas contraignants au sein de l’Union européenne pour se partager les devoirs ; c’est le principe de solidarité. » a expliqué la chancelière A. Merkel.

 

A Paris, François Hollande, a parlé d’un « mécanise permanent et obligatoire » en se référant aux quotas. Un mécanisme qui sera « soumis » le 14 septembre à un conseil des ministres européens de l’intérieur, avant un sommet européen.

L’accord franco-allemand vise aussi à assurer le retour des migrants irréguliers dans leurs pays d’origine et à aider les pays d’origine et de transit.

Aussi le premier ministre Cameron, qui a été critiqué de toutes parts pour son manque d’implication dans la crise, a-t-il cédé à la pression politique intense et annoncé vendredi 4 septembre que la Grande-Bretagne réinstallerait des milliers d’autres réfugiés dans les camps qui bordent le pays ravagé par la guerre.

 

Devant la presse, l’actuelle Haute Représentante de l’Union pour les affaires extérieures, Federica Mogherini, a ajouté avec un peu de colère…. « J’en ai un petit peu marre du fait qu’on demande aux hommes/femmes politiques de donner une réaction émotionnelle. Oui. Nous devons réagir. Mais de manière cohérente et rationnelle. Il ne faut pas simplement être choqué, mais ensuite être responsable, et prendre les décisions qui découlent de ce sentiment. (…) Notre travail (à nous Politiques) n’est pas d’exprimer de la tristesse, ou d’exprimer une minute de silence mais de faire des propositions, d’améliorer le contexte pour prendre des décisions, et ensuite de veiller à ce que ces décisions soient traduites dans les faits. Et ce rapidement ! »

Elle a ensuite lancé un appel à davantage de conscience européenne. « Cette crise sans précédent, nous ne pourrons pas y faire face par le biais d’une approche isolée des États membres, par une politique intérieure ou extérieure uniquement, il faut que l’Europe agisse vite dans la solidarité et la responsabilité. Chacun commence à comprendre qu’on ne peut plus s’offrir le luxe de pouvoir reporter les décisions à plus tard.»

 

En se référant à une certaine partie de l’Europe qui, face à ce problème, a montré sa volonté de rester de côté, Frans Timmermans a répondu que cela était impossible ! C’est sur cette base que le Président de la Commission Européenne, Jean-Claude Juncker, a présenté le 9 septembre, à Strasbourg, un nouvel ensemble de mesures pour agir en urgence dans la crise des migrants.

 

 

Cristina De Martino

 

Pour en savoir plus :

 

– . Appel de l’UNICEF

http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=35490

-. Support du Royaume Uni aux réfugiés http://www.theguardian.com/uk-news/2015/sep/05/uk-councils-call-for-more-money-to-support-extra-refugees

-. Appel de Federica Mogherini du 03/09/2015

http://www.bruxelles2.eu/2015/09/03/pleurer-cest-bien-agir-cest-mieux-mogherini-dit-halte-aux-larmes-de-crocodile/

-. Histoire de la Hongrie sur l’immigration et asile

http://www.bruxelles2.eu/2015/09/04/des-refugies-de-hongrie-accueillis-en-masse-quand-les-europeens-etaient-un-peu-plus-solidaires/

-. Discours du Premier ministre Hongrie (vidéo ) 04/09/2015

 http://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/video-quoique-je-puisse-faire-je-serais-attaque-declare-le-premier-ministre-hongrois_1070067.html

      -. Interview Laurent Fabius (vidéo) 30/08/2015

http://www.europe1.fr/politique/migrants-fabius-denonce-lattitude-scandaleuse-de-certains-pays-europeens-2507293

-. Discours du Vice-Président Frans Timmermans du 04/09/2015

http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5595_en.htm

 


Classé dans:Actualités, CITOYENNETE EUROPEENNE, DIGNITE HUMAINE, DROITS FONDAMENTAUX
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Etat de l’Union 2015 : encore un Président pour qui le changement, c’est maintenant !

EU-Logos Blog - lun, 14/09/2015 - 19:26

Etat de l’Union 2015 : encore un Président pour qui le changement, c’est maintenant !

« C’est le moment (…) de l’honnêteté. C’est le moment de parler franchement des grands problèmes de l’Union européenne. Parce que notre Union européenne ne va pas bien. Il n’y a pas assez d’Europe dans cette Union. Et il n’y a pas assez d’Union dans cette Europe ».

Par un discours d’européen convaincu, le Président de la Commission européenne a présenté l’état de l’Union européenne ce mercredi 9 septembre lors de la plénière du Parlement européen de Strasbourg. Evoquant 5 thèmes principaux, Jean-Claude Juncker a réaffirmé son souhait de voir une Europe davantage unie et solidaire face aux difficultés.

Rappelant le fondement sur lequel repose ce fameux « discours sur l’état de l’Union », à savoir l’accord-cadre régissant les relations entre le Parlement européen et la Commission, le Président de la Commission européenne a déclaré qu’il était de son devoir de dresser d’une part le bilan de l’année en cours, et d’évoquer d’autre part les priorités pour les années à venir.

  1. Juncker a en outre déclaré , conformément à l’accord-cadre, avoir transmis au Président du Parlement, Martin Schulz, et au Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel (présidence actuelle du Conseil), une lettre (cf. Pour en savoir plus)présentant « les nombreuses actions que la Commission [entendait] prendre, par voie législative ou autre, d’ici à la fin de 2016 ». Un programme législatif qu’il qualifie « d’ambitieux, ciblé et dense », requérant une coopération « étroite et efficace » entre la Commission, le Parlement et le Conseil.

Par une brève introduction, Jean-Claude Juncker a réaffirmé sa volonté de faire de la Commission, une institution « très politique », estimant que l’Europe ne pourra faire face aux « immenses défis » auxquels elle est actuellement confrontée que par « une perspective très politique ». Pour le Président de la Commission européenne, seul un changement de ce qui ne va pas dans l’Union permettra à l’Union de pouvoir trouver une solution aux problèmes qui l’assaillent, en son sein comme à l’extérieur.

« L’Europe, (…) une terre de refuge et d’asile », qui « représente l’espoir, un havre de stabilité », et qui est « de loin le continent au monde le plus prospère et le plus stable »

Pour le Président de la Commission européenne, la « priorité absolue, aujourd’hui est et doit être de répondre à la crise des réfugiés ».

Face aux arrivées massives de personnes depuis le début de l’année 2015, Jean-Claude Juncker estime que « l’heure est à une action audacieuse, déterminée et concertée de l’Union européenne, de ses institutions et de ses Etats membres ».

Ce n’est que par une action commune, menée de concert par tous ceux qui la composent et qui font d’elle ce qu’elle est que l’Union européenne trouvera une solution pour chaque personne qui gagnera son territoire. Selon le Président Juncker, il n’est pas normal que l’Europe, qui continent par essence est diversifié et dont l’histoire est marquée par les migrations, se refuse à être une terre d’accueil pour les milliers de personnes qui risquent leur vie au quotidien afin de rejoindre les rivages européens.

Provenant principalement de Syrie, de Lybie et d’Erythrée, ces personnes fuient respectivement la guerre, l’Etat islamique et la dictature. Or, Jean-Claude Juncker l’a rappelé dans son discours : « notre histoire commune est marquée par ces millions d’Européens qui ont fui les persécutions religieuses ou politiques, la guerre, la dictature ou l’oppression ». Qu’il s’agisse des Juifs et des Roms lors de la seconde guerre mondiale, des républicains espagnols, des révolutionnaires hongrois, des milliers de personnes provenant de l’ex-Yougoslavies, toutes ont fuit leurs terres et ont trouvé refuge sur d’autres. Les républicains espagnols, dans le sud de la France ; les révolutionnaires hongrois en Autriche etc.

Pour le Président de la Commission, la question de l’accueil des personnes arrivant chaque jour aux frontières de l’Europe est avant tout « une question d’humanité et de dignité humaine ». Mais cela va plus loin selon lui, car c’est aussi une question de respect par rapport à l’Histoire européenne, une histoire forgée dans les migrations, quelles qu’en soient les causes (persécutions religieuses ou politiques, guerres, dictatures, oppressions). Jean-Claude Juncker y voit un devoir de souvenir des européens, un devoir de se souvenir ; « nous souvenir que l’Europe est un continent où presque chacun a un jour été réfugié ».

Rappelant le contexte de la création de la Convention de Genève en 1951 relative au statut des réfugiés, le Président de la Commission européenne réaffirme le caractère fondamental du droit d’asile en déclarant que « nous, Européens, devrions savoir, et ne jamais oublier, la raison pour laquelle il est si important d’accueillir les réfugiés ».

Pour Jean-Claude Juncker, la question de venir en aide aux réfugiés n’est alors qu’une question de volonté, dans une Europe riche d’une Histoire marquée par les migrations, où chacun a probablement été au moins un jour étranger, car l’Union européenne a les moyens d’accueillir ces personnes.

« Agir pour gérer la crise des réfugiés » : telle semble être la ligne de conduite à suivre pour les prochaines semaines et les prochains mois. Bien conscient que « l’Europe ne peut accueillir toute la misère du monde », le Président de la Commission explique que la crise ne s’arrangera pas réellement tant que perdureront les situations telles que la guerre syrienne et la terreur libyenne. Pointant du doigt le renvoi des responsabilités, Jean-Claude Juncker estime que ce « jeu de reproches mutuels » est le reflet du fait que les politiques « sont dépassés par des événements imprévus ». Lorsque les Etats membres s’accusent mutuellement « de ne pas en faire assez ou de mal faire », lorsque Bruxelles est montrée du doigt par les capitales nationales, cela crée non pas une action commune de l’Union telle que nous serions en droit de l’attendre, mais dévoile une incapacité de l’Union et de ses Etats membres à prendre leurs responsabilités et à agir.

Rappelant ce qui existe déjà en la matière au sein de l’Union, comme le système européen commun d’asile, les normes communes pour le traitement des demandes d’asile, ou encore les critères communs pour déterminer si une personne a droit à une protection internationale, Jean-Claude Juncker relève l’insuffisance, voire l’absence, d’application de ces critères en pratique. Or, « tous les Etats membres doivent appliquer la législation européenne. Cela doit aller de soi dans une Union fondée sur l’Etat de droit ». Des normes communes en matière d’asile, bien que nécessaire, ne suffiront pas si elles ne s’accompagnent pas d’une application réelle et concrète sur le terrain.

Pour le Président de la Commission, le programme européen global en matière de migration présenté par la Commission en mai dernier a sans doute constitué le point de départ d’une nouvelle action. Depuis, la présence en mer de l’Union a triplé, nombres de vies ont pu être sauvées. La participation conjointe des Etats membres et pays associés aux opérations conjointes coordonnées par Frontex en Italie, en Grèce et en Hongrie ; la mise à disposition de moyens matériels (102 officiers, 31 navires, 3 hélicoptères, 4 avions etc.) sont pour lui « une première mesure de ce qu’est la solidarité européenne en action ».

Incitant cependant à davantage d’action, le Président de la Commission européenne développe. Outre ces mesures de sauvetage en mer, des opérations visant au démantèlement de réseaux de passeurs et de traite des êtres humains ont permis de stabiliser le nombre de migrants empruntant la voie de la Méditerranée centrale. Des efforts restent néanmoins à faire pour stabiliser « de la même manière, le passage par les Balkans ».

Ces actions ne sont pas les seules menées par l’Union. Des fonds ont été mobilisés par la Commission et les Etats membres en faveur des réfugiés syriens, visant la Syrie mais aussi les pays voisins les ayant accueillis (Liban, Jordanie, Irak, Turquie, Egypte). L’Union s’est de plus engagée à permettre à plus de 22 000 personnes originaires de pays non européens de s’installer sur son territoire l’année prochaine.

Pour le Président de la Commission, « là où l’Europe n’est pas à la hauteur, c’est sur notre solidarité collective à l’égard des réfugiés arrivés sur notre territoire ». Les quelques Etats membres (Italie, Grèce, Hongrie) qui actuellement font face aux arrivées plus que massives de migrants ne peuvent « être abandonnés à leur sort et gérer seuls ce défi ». Il a d’ailleurs tenu à préciser, qu’outre la proposition de relocalisation de 40 000 personnes présentée en mai dernier, la Commission européenne proposait aujourd’hui de relocaliser 120 000 personnes se trouvant actuellement en Grèce, en Italie et en Hongrie.

Accentuant son propos sur la nécessité d’une « action immédiate », le Président de la Commission recommande de ne pas reproduire les erreurs du passé qui étaient d’opérer des distinctions selon les religions des individus (juifs, chrétiens, musulmans).

« Il n’y a pas de religion, pas de croyance, pas de philosophie quand il s’agit de réfugiés ».

L’Union européenne devrait :

– « Etablir une distinction plus nette entre les personnes qui ont clairement besoin d’une protection internationale (…) et celles qui quittent leur pays pour d’autres raisons et qui ne peuvent donc pas prétendre à l’asile ».

– Dresser une « liste commune de l’UE des pays d’origine sûrs » afin de permettre aux Etats membres d’accélérer leurs procédures d’asile pour les ressortissants des pays « présumés sûrs ». C’est du moins ce que propose la Commission européenne, selon laquelle la présomption devrait s’appliquer aux pays satisfaisant aux critères de Copenhague pour l’adhésion à l’Union (sur décision unanime du Conseil européen) et aux pays candidats potentiels des Balkans occidentaux.

– Revoir le système de Dublin qui exige un traitement des demandes d’asile par le premier pays d’entrée.

– Disposer d’un mécanisme de relocalisation permanent (là encore, il s’agit d’une proposition de la Commission).

– Inciter les Etats membres à revoir leurs politiques d’intégration et d’inclusion des réfugiés, en harmonisant davantage les politiques d’asile. Sur ce point, le Président de la Commission s’est d’ailleurs dit « fortement favorable à autoriser les demandeurs d’asile à travailler et gagner de l’argent pendant que leur demande est à l’étude ».

– Renforcer les efforts conjoints de protection des frontières extérieures. Jean-Claude Juncker a ici réaffirmé la volonté de la Commission de faire évoluer Frontex vers « un système européen de garde-frontières et de garde-côtes qui soit pleinement opérationnel », un projet qui bien évidemment aura un certain coût financier mais qui représente selon la Commission de « l’argent bien investi ».

– Ouvrir des canaux légaux de migration, ce qui est également à l’étude, la Commission estimant que cela pourrait, par une meilleure gestion de la migration, avoir pour conséquence de « rendre moins attrayante l’activité illégale des trafiquants d’êtres humains ». Pour M. Juncker, il devient capital que les européens se rendent à l’évidence : l’Union européenne est un continent vieillissant, en déclin démographique, et qui va avoir besoin de talents. « La migration doit peu à peu cesser d’être un problème pour devenir une opportunité bien gérée ».

– Lancer une « offensive diplomatique européenne en réponse aux crises syrienne et libyenne » afin de ramener « la paix et la stabilité » dans ces pays, et mettre à disposition un « Fonds d’affectation spéciale d’urgence » (initialement de 1.8 milliard d’euros) pour « résoudre les crises qui frappent les régions du Sahel et du lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord ».

Porteur d’objectifs ambitieux, le programme ainsi présenté par M. Juncker ne sera bénéfique que si l’Europe reste unie et agit de manière unie.

« Ce n’est qu’une fois au bord du précipice que nous sommes parvenus à prendre conscience de toute l’ampleur de l’enjeu et à assumer nos responsabilités ».

Poursuivant son discours avec la « question grecque », Jean-Claude Juncker entend aborder les enseignements tirés de la crise grecque. Résumant la situation par un « nous nous sommes collectivement approchés du gouffre », le Président de la Commission européenne accuse l’Union dans son ensemble, institutions et Etats membres compris, d’avoir malmenées les négociations lancées avec la Grèce, entraînant ainsi une perte de temps et de confiance. Les paroles lancées à tout va « qu’il est difficile d’effacer », le fait pour certains d’avoir voulu « imposer leur point de vue sans aucune considération pour celui des autres » ne sont qu’un échantillon de ce que les Européens ont pu voir ces derniers mois.

En dépit de l’accord trouvé avec la Grèce, des engagements, et de la confiance qui – bien que demeurant fragile – « commence à être restaurée », le Président de la Commission ne se dit pas pour autant « fier de tous les aspects des résultats obtenus ». Saluant le travail « sans relâche » de la Commission européenne, il s’est dit bien conscient du fait que beaucoup d’hommes politiques grecs n’aient pas apprécié l’insistance de la Commission sur la nécessité pour la Grèce de mener des réformes (système de retraite, régime fiscal notamment), ou que d’autres responsables politiques européens n’aient pas compris le souci de la Commission de continuer les négociations avec ce pays. Pour Jean-Claude Juncker, le traité sur l’Union européenne dispose que « l’appartenance à l’euro est irrévocable ». A partir de là, les institutions européennes, dont la Commission, ont un « mandat clair et [le] devoir de tout mettre en œuvre pour préserver l’intégrité de la zone euro ». Et il en sera ainsi « tant que les Etats membres n’auront pas modifié les traités ».

Pour celui qui voulait redonner à la Commission un rôle éminemment politique, la crise grecque fut l’occasion de mener des discussions « très politiques », « en gardant l’équité sociale à l’esprit ». Bien que le compromis trouvé avec la Grèce ne soit pas parfait, il constitue néanmoins un pas en avant. Celui-ci ne sera pourtant bénéfique que s’il est réellement mené à bien, ce qui supposera l’implication concrète des politiques grecs. Pour M. Juncker, il doit s’agir d’« un nouveau départ, pour la Grèce comme pour l’ensemble de la zone euro ». Une zone euro qui s’est parallèlement trouvée affaiblie du fait justement de la tournure des négociations. Le rétablissement de la confiance est alors plus que nécessaire si les Européens veulent sortir de cette crise. La Commission entend rester aux côtés de la Grèce, afin de veiller et d’appuyer la mise en œuvre des dispositions adoptées le 19 août dernier par les 19 Etats membres de la zone euro, dont la Grèce.

« La crise n’est pas encore derrière nous. Elle a simplement marqué une pause ».

Le Président de la Commission européenne veut noter l’ensemble des progrès réalisés (amélioration des chiffres du chômage, accroissement du PIB, etc.) mais doit se rendre à l’évidence: ces progrès ne suffisent pas. « La crise a creusé de très grands écarts à l’intérieur de la zone euro comme de l’UE dans son ensemble ». Altération du potentiel de croissance, montée des inégalités, l’Union accuse le coût d’une crise qui a « nourri des doutes quant au progrès social, à la valeur du changement et aux mérites d’une appartenance à un destin commun ». Productivité, création d’emplois et équité sociale devraient selon lui permettre à l’Union européenne de se redresser.

Un Président qui se veut réaliste, qui note les faiblesses de l’Union, les chocs et traumatismes récemment subis, mais pour qui l’Union ne doit pas s’avouer vaincue. Pour Jean-Claude Juncker, il reste un potentiel à l’Union, un potentiel qui – s’il est bien exploité – lui permettra de redorer son blason et de reprendre sa position de « référence » à l’égard des autres pays du monde. M. Juncker réaffirme que l’Union doit d’abord se reconstruire elle-même, retrouver la confiance perdue et la solidarité qui ont fait sa construction. « Nous n’avons pas encore convaincu les citoyens de l’Europe et le reste du monde que notre Union n’est pas vouée à seulement survivre, mais qu’elle peut aussi s’épanouir et prospérer ». Il semble qu’il reste encore du pain sur la planche à la Commission européenne avant de parvenir à cet objectif ambitieux, mais Jean-Claude Juncker se veut optimiste.

Un Président qui souhaite également affirmer le rôle et la position du Parlement européen, « cœur de la démocratie au niveau de l’Union, tout comme les parlements nationaux sont le cœur de la démocratie au niveau national ».

Un Président qui :

– Prône un système commun de protection de l’épargne bancaire des citoyens européens,

– Insiste sur le « besoin d’une représentation plus forte de l’euro [deuxième monnaie du monde] sur la scène mondiale »,

– Souhaiterait un système de surveillance économique et budgétaire « plus efficace et plus démocratique »,

– Envisage de rendre « nos politiques fiscales plus justes »,

– Vise la création d’un « marché du travail équitable et véritablement paneuropéen »

Un Président pour qui finalement la solution serait de « grandir et de placer nos intérêts communs avant nos intérêts nationaux » ; « l’intérêt de l’ensemble est plus que la somme des parties ».

Un Président qui requière des actions concrètes plutôt que des paroles « creuses » et sans effet.

« L’UE se porte mieux avec le Royaume-Uni et (…) le Royaume-Uni se porte mieux en étant dans l’UE » :

Rappelant le référendum qui devrait avoir lieu avant la fin de l’année 2017, afin de savoir si ce pays restera ou non dans l’Union européenne, le Président de la Commission entend cependant s’efforcer de tout mettre en œuvre pour trouver un « accord équitable » avec le Royaume-Uni.

« Lorsque l’Europe agit unie, elle peut changer le monde »

Concernant la situation ukrainienne, Jean-Claude Juncker estime que l’Union européenne, caractérisée par sa force qu’elle tire de son unité et de sa capacité à agir ensemble, a « vraiment quelque chose à offrir ». Arguant de l’engagement du Président ukrainien à se battre pour la paix, M. Juncker incite l’Union à lui octroyer son soutien.

Par ailleurs, « l’UE doit montrer à la Russie que la confrontation a un coût, mais elle doit aussi lui montrer qu’elle est prête à s’engager ». Pour Jean-Claude Juncker, Moscou doit comprendre que « la sécurité et les frontières des Etats membres de l’Union européenne sont inviolables ». Bien qu’il considère les sanctions imposées à la Russie comme un « moyen puissant en réponse à l’agression et la violation du droit international », qui ne pourront être levées qu’à la condition que les accords de Minsk soient – enfin – respectés, le Président de la Commission engage l’Union européenne à « continuer à chercher des solutions ».

« La nature ne tardera pas à nous présenter la facture »

Abordant le sujet de la lutte contre les changements climatiques, M. Juncker se veut terre à terre. Insistant sur le rôle « de premier plan » joué par l’Europe, Jean-Claude Juncker a rappelé les engagements pris par l’Union et la priorité de l’Europe qui réside dans l’adoption d’« un accord mondial sur le climat qui soit ambitieux, solide et contraignant ». Le défi consiste ici dans le besoin d’avoir un « régime international pour combattre les changements climatiques ». En effet, à quoi serviraient les engagements européens de réduire d’au moins 40% les émissions d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990, si tous les pays du globe ne s’engageaient pas de la même manière à, si ce n’est réduire, au moins limiter leurs émissions ? Pour M. Juncker, quelle que soit la solution qui sera trouvée en décembre à Paris, la lutte contre les changements climatiques n’aura d’effet que « sur le terrain et dans les villes où la plupart des européens vivent, travaillent et consomment environ 80% de l’énergie produite en Europe ».

En dépit du fait que tous les problèmes actuels auxquels l’Union doit faire face n’aient pu être soulevés, s’il est une chose à retenir de ce discours, c’est bien la nécessité pour l’Union européenne d’être une « Union » ; une Union qui se traduise par des institutions et des Etats membres qui agissent ensemble, en prenant leurs responsabilités et en faisant preuve de solidarité, en tenant à cœur l’intérêt des citoyens européens. Pour Judith Sunderland, directrice adjointe de la télévision Europe et Asie centrale à Human Rights Watch, « L’Europe a fait preuve (…) d’un manque affligeant de volonté politique et d’humanité face à cette crise de réfugiés et de migrants ». Les dirigeants de l’UE devraient selon elle avoir pour priorité celle de « protéger des vies et de faire en sorte que les migrants soient traités humainement ».

« Lorsque, dans quelques générations, les gens liront dans les manuels d’histoire européenne les passages concernant la période que nous traversons, puissent-ils lire (…) qu’ensemble, nous avons fait l’histoire européenne. Une histoire que nos petits-enfants raconteront avec fierté », achève le Président Juncker. Le message :solidarité et courage ! Répondant à la première question posée en salle de presse pendant la conférence de presse par le journaliste du Soir : le discours a été très long, en peu de mot quel est le message que le président Juncker a voulu faire passer ?Réponse : solidarité et courage

Aurélie DELFOSSE

Pour en savoir plus :

Discours de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, sur « l’état de l’Union en 2015 : le moment de l’honnêteté, de l’unité et de la solidarité », prononcé à Strasbourg, le 9 septembre 2015 (FR) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_fr.htm (EN) http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-15-5614_en.htm

Human Rights Watch, « UE : Cinq mesures pour faire face à la crise des réfugiés. Des moyens concrets pour sauver des vies et protéger les personnes », 4 septembre 2015.https://www.hrw.org/fr/news/2015/09/04/ue-cinq-mesures-pour-faire-face-la-crise-des-refugies

-. Site sur l’Etat de l’Union en 2015 (EN) http://ec.europa.eu/priorities/soteu/ (FR) http://ec.europa.eu/priorities/soteu/index_fr.htm

 

 

 


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Catégories: Union européenne

Droits fondamentaux : ne pas respecter les droits fondamentaux, c’est nuire à soi-même ! L’Europe complice par son silence et son inaction !

EU-Logos Blog - lun, 14/09/2015 - 18:26

« Les droits fondamentaux s’appliquent à tous sur ce continent, dans cette Union européenne ; et le fait de ne pas respecter les droits fondamentaux d’un seul individu nous nuit à tous. L’Europe n’est rien si elle ne protège pas ses minorités ; l’Europe n’est rien si elle n’ouvre pas ses yeux face à ce qui est faible ; l’Europe n’est rien si nous fermons nos portes aux personnes qui fuient la persécution et la guerre ailleurs. Nous nuirons non seulement aux intérêts de ces personnes, mais nous nuirons à nos propres valeurs. Nous nous nuirons à nous-mêmes, nous détruirons nos propres âmes si c’est là l’attitude que nous choisirons ». (Frans Timmermans)

A l’occasion du débat portant sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) qui avait lieu le 7 septembre dernier au Parlement européen (Plénière, Strasbourg), le Premier Vice-président de la Commission Frans Timmermans a pleinement assumé son rôle de garant de la protection des droits fondamentaux.

Débattant sur un « rapport Ferrara » considéré par la plupart comme complet et bien mené, les députés du Parlement européen ont saisi l’occasion d’aborder les droits, libertés et valeurs qui, s’ils sont différents n’en sont pas moins liés. Ont ainsi été évoqués entre autres le droit à la vie, le droit à la famille, la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté des médias, la protection des personnes handicapées, la protection des réfugiés et des migrants, les droits des personnes LGBTI ; la lutte contre les violences faites aux femmes, la corruption, le blanchiment, le terrorisme et bien d’autres encore. C’est dire tout l’intérêt de ce rapport sur lequel les médias, pour la plupart, ont fait silence

Présentant son rapport, Laura Ferrara (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe, EFD), membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) au Parlement européen, a introduit cet important débat par une référence au corps du petit Aylan Kurdi, trouvé sans vie sur les plages de la Turquie, précisant qu’il s’agissait là du « symbole d’un droit nié, d’un droit qu’on a nié : le droit à la vie ».

Ce débat de plus de deux heures a permis de faire ressortir de manière évidente que les droits fondamentaux étaient violés en premier lieu au sein même de l’Union européenne. Dés lors comment peut-elle faire la leçon aux autres ? Selon la Rapporteure en charge du dossier, c’est aux européens eux-mêmes d’être « les contrôleurs et les garants de ces droits et de ces valeurs qui font notre Communauté et qui légitiment l’existence de l’Union ». Constatant que rien n’était réellement fait « pour les arrêter ou les prévenir », Laura Ferrara s’est voulue virulente : « nous sommes hypocrites et nous sommes enfin par notre silence, complices ».

Le rapport traduit une volonté de parvenir à « un plus grand contrôle et une meilleure interactions avec les citoyens ». L’idée de ce rapport serait en effet d’assurer un suivi personnalisé de la situation des droits fondamentaux au sein de chaque Etat membre de l’Union européenne, c’est-à-dire pays par pays. Mais la demande d’un rapport pays par pays demandé avec insistance par le député Louis Michel n’ a pas une fois de plus été suivi. De la sorte, les institutions européennes seraient mieux à même de voir quels sont les droits violés, où le sont-ils, par qui le sont-ils. Une telle perception de la situation permettrait à ces dernières de « déclencher les interventions nécessaires pour protéger les droits fondamentaux ». Face aux inquiétudes visiblement soulevées par ce rapport, Laura Ferrara a tenu à préciser qu’il ne s’agirait pas là d’une « inquisition », ni même « d’aller au-delà du principe de subsidiarité ». En vertu de ce principe, il appartient à l’échelon le plus approprié d’agir (niveau européen, national ou local) ; étant entendu que l’Union européenne ne pourra intervenir que si elle est en mesure d’agir plus efficacement que les Etats membres (Pour en savoir plus : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:ai0017).

Pour l’eurodéputée italienne qui prône « une plus grande transparence », il s’agit simplement « de murir et de développer une conscience commune ». Et la Rapporteure d’achever sa présentation par un fameux « soyons courageux et construisons une Europe de droits, maintenant ».

Prenant le relai, le garant de la Charte des droits fondamentaux, Frans Timmermans, a montré le soutien de la Commission européenne à « l’appel » lancé par le Parlement européen « à tous les Etats membres, à toutes les institutions européennes pour protéger les droits fondamentaux ».

Regrettant le fait qu’aucun accord n’ait encore été trouvé concernant la directive sur l’égalité de traitement, M. Timmermans a rappelé qu’il s’agissait pourtant d’« une question centrale en Europe ».

Pour le Premier Vice-président de la Commission, il ne faut pas non plus négliger les questions relatives à la discrimination, « à la montée de l’intolérance et de la haine que l’on constate dans nos sociétés au quotidien ». Un phénomène qui serait, selon lui, « certainement lié à la crise migratoire », une crise à la fois économique, politique et morale.

Encourageant la lutte contre les préjugés, le racisme et la xénophobie, M. Timmermans a rappelé qu’un premier colloque de la Commission sur les droits fondamentaux serait organisé en Octobre et porterait sur les crimes liés à la haine, notamment la discrimination, l’antisémitisme et la xénophobie ; des « phénomènes distincts mais qui sont également liés ». Le traitement des données personnelles figurait lui aussi au cœur des préoccupations lors de ce débat. Peu importe les fins auxquelles elles sont utilisées, en particulier dans le domaine pénal, leur traitement doit respecter la Charte des droits fondamentaux, et doit être nécessaire et proportionnel. Le Vice-président de la Commission a notamment « justifié » leur utilisation dans les procédures pénales, expliquant qu’afin de « pouvoir protéger l’ordre public, il serait parfois nécessaire de procéder à certaines vérifications de données de personnes qui ne sont pas directement liées à des activités criminelles ».

Face à un rapport Ferrara qui préconise l’instauration de nouveaux mécanismes pour la protection des droits fondamentaux, Frans Timmermans estime plus judicieux de s’en tenir à « veiller à la poursuite de la mise en œuvre des instruments que nous avons déjà », évoquant le passage en revue « de toutes les mesures politiques, législatives pertinentes pour garantir la compatibilité avec la Charte des droits fondamentaux » ou encore l’adoption du paquet « mieux légiférer » qui représenterait selon lui « une étape supplémentaire sur cette voie ».

Il s’agirait au final de « prendre en considération les droits fondamentaux de manière systématique dans l’évaluation de toutes les initiatives politiques pertinentes ».

A l’instar des nombreux débats soulevés au cours des derniers mois quant à la crise migratoire, la question d’une responsabilité politique partagée par toutes les institutions refait surface. Le Commissaire Timmermans a de fait resitué la position de la Commission européenne qui, en tant que gardienne des traités, se doit de faire respecter la Charte des droits fondamentaux par les Etats membres. Dans l’hypothèse d’une violation d’un droit fondamental par l’un des Etats membres, la Commission européenne pourrait intervenir en engageant une procédure d’infraction. En 2014, ce sont ainsi 11 procédures d’infractions qui ont été lancées par la Commission à l’encontre d’Etats membres. Approuvant la Cour européenne de justice qui demande un renforcement des règles régissant l’Etat de droit en Europe, M. Timmermans considère qu’ « il faut absolument respecter à 100% l’Etat de droit », ce qui s’avère « fondamental » y compris pour la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne. Il est essentiel que la possibilité d’avoir un recours en justice puisse être garantie, sans quoi les droits fondamentaux « resteront lettre morte ».

Par ailleurs, le Premier Vice-président de la Commission a réaffirmé l’engagement de l’institution qu’il représente « pour ce qui est de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention des droits de l’homme », ce qui permettra de « renforcer nos valeurs fondamentales, l’efficacité de la législation européenne mais également de garantir la cohésion de ce qui se fait en Europe ». Un Premier Vice-président qui se veut donc particulièrement optimiste sur cette – future – adhésion, et sur le fait de régler les problèmes juridiques présentés par la Cour de justice européenne dans son avis de décembre 2014 (avis 2/13, 18 décembre 2014).(cf. article de Nea say –eulogos)

Rappelant que « la promotion et le respect des droits de l’homme se situent sur le devant de la scène », Frans Timmermans a fermement soutenu la position de Laura Ferrara sur la question de la migration. « Notre réaction à la crise doit également passer par la protection des droits fondamentaux », en particulier parce qu’il s’agit de « réfugiés qui risquent leur vie, s’en remettent à des trafiquants sans pitié ; mais [qui] ont également le droit d’être traités avec dignité, [indépendamment du lieu où ils se trouvent, ou des conditions dans lesquelles ils sont obligés de vivre] ».

Sauver des vies, traiter plus rapidement les demandes d’asile, pouvoir être plus efficaces, et le faire « en totale conformité avec les droits de l’homme », voilà donc un programme bien ambitieux que l’Union européenne aura à cœur de mettre en œuvre dans les mois à venir. Car, si pour certains l’heure est encore aux débats et aux négociations, pour beaucoup d’autres, le temps est largement venu de passer à l’action et de prendre des mesures réelles et concrètes.

« Nous ne devrions jamais oublier que l’asile est un droit à être protégé ». Il est ressorti de l’intervention de M. Timmermans que la priorité revenait à « l’application correcte et complète de la situation en matière de migration et d’asile, conformément aux deux principes de responsabilité et de solidarité ». Une telle politique devra :

  • mettre en place une « politique de retour efficace », qui respecte « les droits des différents migrants »,
  • « offrir la protection mais également une réception humaine à tous ceux qui le méritent, qui y ont droit »,
  • « réduire ainsi les incitations à l’adresse de personnes qui n’ont pas droit à ce statut et qui se lancent quand même dans un tel voyage »

Pour Frans Timmermans, « inutile d’avoir peur d’être envahis ». La situation actuelle témoigne de la crainte qu’un « traitement humain de ces migrants » ne débouche sur un afflux particulièrement importants de nouveaux arrivants. Une « peur d’être inondé » qui pour le premier Vice-président de la Commission européenne n’a pas lieu d’être. De telles craintes pourraient pourtant amener, si elles ne sont pas maîtrisées, à se « braquer » face aux arrivées massives de migrants en incitant les européens à se refermer sur eux-mêmes. Or, et M. Timmermans s’est montré très clair sur ce point : « Il ne faut certainement pas revoir à la baisse les valeurs fondamentales, les sacrifier sur l’autel de telles craintes. Il faut veiller à ce que les personnes qui fuient de telles persécutions aient vraiment leur place dans notre société ».

Pour lui, « la promotion de nos valeurs communes, la démocratie, les droits fondamentaux, mais aussi l’Etat de droit » impliquent une responsabilité partagée de tous les Etats membres, de toutes les institutions, de tous les organes de l’Union. « Ce sont des valeurs qui doivent continuer à être des réalités pour chaque citoyen européen, mais également pour toute autre personne qui se situe sur le territoire européen ». Il est donc « fondamental » que toutes les institutions, tous les organes et tous les Etats de l’Union européenne coopèrent « afin de donner corps à cette réalité ». Une coopération qui s’applique, et M. Timmermans l’a souligné, à la Commission et au Parlement européen.

« Les droits de l’homme sont le fondement éthique universel qui permet d’établir les règles de la dignité humaine » (Ramón Jauregui Atondo, commission AFCO)

La situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne recouvre des domaines très variés mais qui sont, pour Frans Timmermans, au fond très liés. Trop souvent, l’Union européenne se targue de constituer un exemple, d’être une « référence » pour le reste du monde. Or, en examinant la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne, l’on s’aperçoit très vite que lesdits droits, qu’elle garantit et protège pourtant, sont en premier lieu violés en son sein même. Pour la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen (AFCO), l’Union européenne doit être capable de se surveiller elle-même, c’est-à-dire de regarder ce qu’il se passe en son sein, avant même de vouloir se montrer « exemplaire » ou de constituer « une référence » pour les autres. A l’instar de ses prédécesseurs dans ce débat, l’eurodéputé socialiste espagnol a en effet rappelé que malheureusement beaucoup d’Etats membres ne respectaient pas toujours les droits de l’homme… Les droits économiques et sociaux devraient voir leur protection renforcée, et l’Union devrait adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme. C’est en tout cas ce qu’il ressort de l’intervention du porte-parole de la commission AFCO au Parlement.

« La protection des droits des femmes est un élément très important des droits humains ». Daniela Aiuto (Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe), représentant la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM), a évoqué les nombreuses formes de discriminations, les violences sexuelles, physiques et psychologiques que subissent les femmes, qu’elles se situent en Europe ou ailleurs. Une fois encore la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union est remise en question. Pour Daniela Aiuto, l’internet et les nouvelles technologies ne sont sans doute pas pour rien dans l’existence de telles violences…

Revendiquant une égalité de traitement entre les hommes et les femmes, l’eurodéputée italienne a achevé son discours en déclarant que « des mesures [devraient être] prises pour renforcer la prévention, garantir la protection et punir ceux qui commettent des délits ».

Marina Albiol Guzmán (Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique, GUE/NGL) invoque même un « droit des femmes à ne pas être assassinées, violées, menacées, frappées du simple fait d’être femmes ». Et l’eurodéputée d’appuyer son propos en citant le rapport Ferrara, selon lequel « 33% des femmes européennes ont subi des violences physiques ou sexuelles » ; et en révélant l’assassinat en Espagne de 17 femmes cet été, dont 8 mineures, et de 59 femmes en 2014. Pour elle, bien qu’il s’agisse là « d’un terrorisme machiste », il existe en Europe du terrorisme « de premier degré et de deuxième degré », et les femmes entrent dans cette seconde catégorie. Or, « la Troïka n’applique aucune menace en cas de violences de ce genre ».

« L’Union européenne, reconnue dans le monde, devrait continuer à être reconnue comme étant le plus grand espace de citoyenneté, de garantie des valeurs fondamentales qui sont les nôtres ».

Pour la commission des pétitions, représentée par Soledad Cabezon Ruiz (Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, S&D), l’Union européenne a le devoir de :

– Continuer à garantir l’application de la législation européenne,

– Garantir la bonne application de ses valeurs dans chacun des Etats membres.

« Tous les citoyens européens, tous ceux qui vivent en Europe ont le droit de voir leurs droits fondamentaux défendus ».

Pour Elissavet Vozemberg (Groupe du Parti populaire européen, PPE), peu importe le parti politique, tout le monde est d’accord là-dessus. Certes, les points de vue divergent nécessairement mais au fond, l’ensemble des partis politiques du Parlement européen poursuivent le même objectif.

Soulignant l’accord qui semblerait exister entre les différents partis sur le fait de « reconnaître que les institutions européennes [devraient] mettre en place un régime, un système européen global qui incite les Etats membres à s’appuyer sur les normes internationales et garantir une véritable égalité de traitement pour les minorités linguistiques ou ethniques », Csaba Sógor (PPE), incite à s’attaquer à « tous les obstacles, les obstacles administratifs qui freinent la diversité ».

Concernant les nouveaux mécanismes proposés par le rapport Ferrara, là encore les points de vue divergent. Si certains les estiment nécessaires, d’autres jugent que les mécanismes dont l’Union dispose actuellement sont parfaitement adéquats et suffisants (par ex, Elissavet Vozemberg).

Péter Niedermüller (S&D) considère « insuffisants » les instruments et les mécanismes existants et demande « la mise en place d’un nouveau mécanisme qui se déclencherait automatiquement en cas de violation des droits et des valeurs fondamentales pour éviter que ne se matérialisent ces violations systématiques dans les Etats membres ».

« Nos valeurs fondamentales européennes sont violées devant nous, sous nos yeux ». Pour l’eurodéputé hongrois, les partis démocratiques doivent protéger ces valeurs. A défaut, « cela [pourrait avoir] des conséquences graves » sur les efforts réalisés et la construction européenne.

Dans le même sens, Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D), « un véritable mécanisme de préservation des droits fondamentaux » serait nécessaire, « avec une surveillance continue de la situation de ces droits fondamentaux dans chaque pays et avec des rapports spécifiques par pays qui seraient publiés régulièrement ».

De même, alors que certains prônent une action préventive en matière de protection des droits fondamentaux, d’autres considèrent la voie répressive comme un remède davantage efficace aux violations des droits de l’homme par les Etats membres. Pour M. Timmermans par exemple, « à chaque fois qu’il y a une violation, il faut qu’une action immédiate s’ensuive ».

« Nous devons protéger et renforcer tout ce qui peut être fait pour lutter contre le terrorisme et la criminalité en Europe ».

La protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne doit avant tout passer par le respect de ses propres valeurs. C’est en garantissant et en assurant, d’abord en son sein, une protection efficace des droits fondamentaux qu’elle reconnaît que l’Union européenne sera ensuite mieux à même de se positionner en tant que « référence » pour le reste du monde. Or, il existe encore de nombreuses discriminations qui ont lieu tous les jours sur le sol de l’Union européenne. Les minorités, les Roms, les femmes, les personnes qui cherchent et demandent l’asile sont les premières visées par ces violations.

« L’UE s’est basée sur le respect de la dignité, de la liberté, de la démocratie, de l’égalité et du respect des droits humains. Ces valeurs découlent des traditions constitutionnelles communes à tous les Etats membres ».

Péter Niedermüller insiste : « préserver ces valeurs est d’une importance cruciale pour le bon fonctionnement de l’Union européenne car elles garantissent que les Etats membres respectent leurs obligations juridiques internationales. C’est à la source de la confiance qu’ils ont entre eux les uns par rapport aux autres et dans les institutions européennes ».

Pour Louis Michel (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe, ADLE), ce sont les interprétations différentes de ces droits qui sont en cause. Une interprétation uniformisée permettrait une mise en œuvre uniformisée de ces droits. Or, actuellement, les droits fondamentaux ne sont pas appliqués de la même manière au sein de tous les Etats membres de l’Union. La mauvaise foi des Etats membres, ou plutôt des autorités en place, en est le plus souvent la cause. En effet, il est parfois plus confortable pour les autorités en place d’appliquer les droits fondamentaux d’une manière qui leur est favorable et qui correspond à leur législation, plutôt que d’avoir à modifier ce qui est d’ores et déjà mis en place…

« L’homme est universel. Il est partout le même avec ses souffrances, avec ses joies, avec son génie, avec son talent »

Lorsqu’on lui demande s’il est « en faveur d’une mesure aussi radicale que l’ouverture totale des frontières aux migrants » (Kazimierz Michal Ujazdowski, Groupe des Conservateurs et Réformistes européens, CRE, « carton bleu »), M. Michel répond que c’est là le syndrome de la « désinformation ».

Le migrant économique ne doit pas être confondu avec les réfugiés humanitaires « qui sont des demandeurs d’asile qui quittent leur pays parce qu’ils veulent fuir la violence, la peur, la tyrannie, le despotisme ». Pour lui, la solution est simple et toute trouvée : si le migrant ne répond pas aux lois européennes ou à celles établies par les Etats membres, alors il ne peut pas rester sur le territoire de l’Union.

Marie-Christine Vergiat (GUE/NGL) va plus loin en affirmant que « l’Union européenne vit une crise de valeurs ».

« Que sont les valeurs dites universelles si celles-ci sont appliquées avec des géométries variables selon les Etats et les catégories de population ? »

A l’instar de ses prédécesseurs au débat, Mme Vergiat relève que l’Union et ses Etats membres accusent un certain recul sur l’existence de sanctions ou d’outils qui permettraient de régler les problèmes de violations des droits fondamentaux. Par un discours percutant, l’eurodéputée attire l’attention sur les nombreuses atteintes aux libertés publiques sur le motif de la sécurité avec par exemple « les fichages généralisés de pans entiers de la population » ou l’utilisation de « bouc-émissaires, migrants et arabo-musulmans notamment ».

« On surf sur les peurs pour faire adopter des législations de plus en plus régressives pendant que les inégalités sociales et la pauvreté prennent des proportions dramatiques. Alors oui, le respect de l’autre, quelles que soient ses différences et ses choix socioculturels (…), le vivre ensemble sont des fondamentaux sans lesquels rien n’est possible ».

« Une autre Europe est possible, surtout en matière de droits pour les réfugiés » ajoute Ulrike Lunacek (Groupe des Verts/Alliance libre européenne, ALE). « Ce continent doit être un continent qui tend la main aux réfugiés notamment s’ils viennent de zones marquées par la guerre comme la Syrie. On n’a pas ici à les expulser ou à revoir leurs droits à la baisse ».

« La Commission et le Parlement européen, ensemble, pourront faire bouger le Conseil ». Pour Mme Lunacek, comme pour beaucoup d’autres de ses collègues, la directive relative à l’égalité de traitement constitue l’une des priorités « les plus prioritaires » du moment. Celle qui aurait dû être adoptée depuis longtemps est toujours sur la table. Et pourtant, elle est à la base de ce qui pourrait constituer des solutions aux nombreuses violations des droits fondamentaux que l’on peut aujourd’hui constater, comme la xénophobie, les haines à l’encontre des sexes, des races etc. Des solutions toutes trouvées donc pour Ulrike Lunacek qui considère que s’agissant des réfugiés fuyant la misère, il conviendrait de faire « quelque chose pour que les gens n’aient plus à partir ». Concernant ceux qui fuient les catastrophes naturelles « que nous avons provoqué avec d’autres », il faudrait selon l’eurodéputée s’interroger sur la question de savoir si ces gens n’ont pas, de fait, un « droit à venir chez nous, ne serait-ce que pour survivre ? ».

« Il est pour moi inacceptable d’apprendre que le secrétaire d’état hongrois a dit à la radio autrichienne que les musulmans n’étaient pas les bienvenus en Hongrie parce que la Hongrie n’avait pas l’habitude de ces gens là. Est-ce que vous diriez la même chose pour les femmes, qu’on n’accepte pas les femmes dans les Conseils d’administration parce que les hommes ne sont pas habitués à cela. Ce genre de réaction ne devrait pas exister dans notre Europe ».

Partageant l’« idée d’une surveillance approfondie pour la situation de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits fondamentaux dans tous les Etats membres », Caterina Chinnici (S&D) considère que l’Union européenne se situe dans une « phase historique » au cours de laquelle elle doit « faire face à une crise humanitaire sans précédent ». Pour l’eurodéputée et magistrate italienne, les principes fondamentaux de l’Union inscrits dans la Charte des droits fondamentaux « nous imposent de garantir un traitement et un accueil digne pour tous les migrants, indépendamment de leur statut de réfugié, demandeur d’asile ou d’exilé et ils attirent notre attention vis-à-vis des personnes les plus vulnérables, [les enfants, en référence au petit Aylan Kurdi, retrouvé mort sur une plage turque] ».

L’eurodéputée portugaise Ana Gomes (S&D) incite l’Union européenne à assumer sa responsabilité dans la crise migratoire, une crise qu’elle considère comme« européenne » en raison du fait que « par action ou omission mais aussi en raison de certaines idéologies néolibérales, anti européennes ; en fin de compte, nous finissons par contribuer à ce que des personnes s’exilent de leur pays ». Or, « dans cette crise, ce sont les valeurs européennes, européistes qui font défaut ». Pour Peter Van Dalen (CRE), « une action européenne conjointe » est nécessaire mais ne pourra cependant exister si elle ne s’accompagne pas dans le même temps d’« un ensemble général de mesures avec des ports sûrs, avec des camps bien équipés, des accords sur des pays sûrs et le retour vers ces pays sûrs, et finalement la lutte – dure – contre les trafiquants ».

Gerard Batten (EFD) remet ensuite sur la table l’indépendance anglaise quant aux questions européennes, préférant réaffirmer l’attachement du Royaume-Uni aux droits fondamentaux qui sont les siens et qui sont protégés et garantis par ses propres instruments (Magna Carta, Habea Corpus, Common law, Bill of Rights). Pour lui, l’Union européenne, par la création de son propre système de droit pénal, est la première fautive en matière de violation des droits fondamentaux. De fait, « les droits fondamentaux des britanniques sont remis en question (…) par le droit européen » alors que le système existe au Royaume-Uni depuis des siècles. L’eurodéputé dénonce le mandat d’arrêt européen, par lequel un citoyen britannique peut être arrêté sur le fondement de « vagues accusations », « sans preuve tangible » et sans que les tribunaux britanniques ne puissent empêcher cela. Pour M. Batten, cela constitue une violation du Bill of Righs et « si les britanniques veulent protéger leurs propres droits fondamentaux, ils doivent quitter l’Union européenne ».

Une vision, toutefois respectable, qui se heurte néanmoins à l’idéologie européenne qui réside dans l’existence d’une volonté commune d’avancer ensemble, de se soutenir les uns les autres en cas de difficulté, de promouvoir des valeurs et des droits, de les garantir par tous les moyens, d’abord en interne, au niveau des Etats membres, comme l’exige le principe de subsidiarité, et si la solution peut s’avérer meilleure ou simplement plus efficace, au niveau européen. L’on peut alors s’interroger sur l’échelon auquel doit se faire cette protection ? Chaque Etat membre doit-il assurer sa propre protection de ses propres droits fondamentaux ? Ou bien l’Union européenne doit-elle avoir un mécanisme permettant de garantir ces droits et valeurs à un échelon plus élevé, de manière à assurer une protection uniformisée des droits fondamentaux qu’elle garantie ?

Pour Cecilia Wikström (ADLE), lorsque les droits et les libertés des citoyens européens sont menacés, y compris au sein même des Etats membres, « les institutions européennes devraient pouvoir intervenir ». Arguant de la « crédibilité » de l’Union, Mme Wikström plaide pour l’instauration d’un « contrôle permanent qui s’appliquerait à tous ». Car en effet, Kati Piri (S&D) s’interroge : « comment pouvons-nous faire de la politique vers l’extérieur si notre propre maison n’est pas en ordre ? » ; est-ce « qu’au sein de l’Union européenne, nous partageons les mêmes valeurs ? »

Tout semble mélangé, mal compris par les citoyens. Vicky Maeijer (Groupe Europe des Nations et des Libertés, ENF) illustre d’ailleurs parfaitement cela en disant que « l’Union européen ne protège pas les droits fondamentaux des citoyens européens et sûrement pas ceux des milliers de migrants illégaux qu’on laisse entrer avec des terroristes (…) sous le manteau de la solidarité ». Derrière les prétextes de la solidarité ou de la sécurité, entre autres, se cachent en réalité de nombreuses discriminations et violations de droits fondamentaux(….) pour elle « on laisse s’islamiser le continent », la migration semble en effet mal comprise… Le problème, estime Kazimierz Michał Ujazdowski, CRE, c’est de parler d’islamisme alors que le problème n’est pas l’islam en lui-même mais « l’islamisme radical ».

Selon Mme Maeijer, la faute revient à l’élite européenne qui crée une « sorte de contre-pouvoir qui limite nos droits et nos normes ». A l’instar de son collègue Gerard Batten, Vicky Maeijer considère que l’Union européenne n’est pas utile pour protéger les droits fondamentaux des citoyens européens, mais qu’au contraire, elle représente plutôt « un véritable danger ».

Invoquant « le droit du cœur » comme « un droit de l’homme », Krisztina Morvai (Non-Inscrits) va plus loin : « nous souhaitons pouvoir vivre comme nous le souhaitons : comme des hongrois, en Hongrie ».

Nationalisme versus Européanisme ? Ce débat du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne aura révélé certaines positions … Et là, Monica Macovei (PPE) s’interroge : que faisons-nous, « nous en tant qu’êtres humains (…) pour protéger nos droits fondamentaux ? ». Mettant en cause le « manque de réaction dans de nombreux pays européens face à la violation des droits », Mme Macovei revendique la liberté d’expression, le travail des journalistes, le droit d’être informé, de contrôler ce que fait le gouvernement et au besoin, de s’y opposer. « Il est très facile de démettre un gouvernement simplement en descendant dans la rue ».

« Comme l’Union ne va pas parfaitement bien, même chose pour les droits fondamentaux ». Josef Weidenholzer (S&D) résume la situation en évoquant la coïncidence consistant à traiter au cours d’une même session de l’état de l’Union en même tant que la situation des droits fondamentaux. La surveillance de masse et ses répercussions sur les libertés individuelles sont à nouveau mises en cause. Elles ne sont pas les seules cependant. M. Weidenholzer évoque en outre la crise économique qui continue d’avoir des conséquences néfastes sur les droits de l’homme… Pour l’eurodéputé socialiste, « la faiblesse [est] due au fait que nous n’avons pas de bons instruments pour appliquer ces droits de l’homme ». L’Union devrait instituer un mécanisme qui exécute et mette en œuvre les droits fondamentaux, qui, « indépendamment de la politique au quotidien, mette le doigt sur là où ces droits sont violés ».

Revenant sur la question des migrants, Beatrix Von Storch (CRE) propose de venir en aide à ces « centaines de milliers de personnes » en transformant le Parlement européen en « grand centre d’asile » : « ici, on a tous une salle de bain, on a un lit, il y a une grande cantine, il y a également beaucoup de lieux, de salles qu’on pourrait utiliser pour pouvoir enseigner. Nous avons beaucoup d’infrastructures, nous avons aussi la possibilité d’économiser beaucoup d’argent en cessant les allers-retours vers Strasbourg (…). Ce serait bien mieux que de parler, nous pourrions enfin agir ». Une idée à laquelle James Carver (EFD) a semblé adhérer, indiquant que ces allers-retours constituaient « des sommes folles, un gâchis ». Prônant une action rapide et concrète, Beatrix Von Storch démontre qu’une utilisation « intelligente » du bâtiment européen « ne prendrait pas beaucoup de temps, les pièces sont là, les gens pourraient s’installer immédiatement, sans délai ».

Poursuivant en ce sens, Martina Anderson (GUE/NGL) évoque une « crise des réfugiés qui n’en finit plus » et la nécessité d’avoir une « approche pleine d’humanité », alors que « l’Europe forteresse est déshumanisante ». Mettre fin au Règlement de Dublin et « encourager les Etats membres à prendre des mesures progressives et humaines face à cette crise humanitaire urgente » contribueraient à une telle approche. Pour Kristina Winberg (EFD), la solution pourrait résider dans « l’institution de nouvelles voies qui permettraient à ces migrants de se rendre sur le territoire de l’Union européenne sans entrave », une solution qui selon elle « n’est pas tenable », eu égard la réaction européenne face à l’arrivée massive de migrants. David Coburn (EFD), tout comme Kristina Winberg, estime qu’il serait plus judicieux que des pays tels que l’Arabie Saoudite et les Etats du Golfe, « qui ont la même langue, (…) la même culture, (…) le même mode de vie », ouvrent eux-mêmes leurs frontières. Et Mme Winberg de déclarer que « chacun doit pouvoir assumer ses responsabilités ».

Certes, mais que se passe-t-il lorsque les uns et les autres se renvoient la balle de la responsabilité ? Pour certains, l’Union européenne est responsable parce qu’elle a les moyens d’accueillir ces personnes si elle le souhaite réellement, pour d’autres ce sont les Etats d’origine qui sont responsables, en ce sens que leurs actions/inactions incitent leurs nationaux à partir pour d’autres contrées, en abandonnant parfois toute une vie derrière eux.

Le discours qu’a entre autres tenu Mme Winberg ce 7 septembre semble relativement étonnant face à certaines interventions comme celle de Janusz Korwin-Mikke (Non-Inscrits) pour qui « le droit le plus fondamental des êtres humains, c’est d’être traités comme des êtres humains et pas comme du bétail ».

Rappelant le traitement des juifs dans les années 40, M. Korwin-Mikke estime que les réfugiés sont ici « traités comme du bétail ». Son opinion, qui va certes très loin (« le socialisme tue, souvenez-vous-en »), ouvre néanmoins le débat sur le traitement actuel des réfugiés et la façon des politiques et de « l’élite européenne » d’avoir des discours incessants et de se renvoyer les questions de responsabilités.

Tout le monde est responsable de ce que l’on appelle « la crise migratoire » ou encore « la crise des réfugiés », mais au final personne n’est réellement responsable.

Il serait peut être bon de rappeler qu’il s’agit de milliers de personnes dont le sort est décidé chaque jour par des politiques qui manquent d’uniformisation, et dont les droits fondamentaux sont, à défaut d’être respectés comme ils le devraient sur le sol européenne, continuellement violés.

Julia Reda (Verts/ALE) relève que le rapport Ferrara « met l’accent sur les différences qu’il y a entre les promesses que font les législations et la réalité ». Outre le fait que la vie privée devrait être respectée (ce que ne permet pas la surveillance généralisée, réalisée au nom de la sécurité publique), Julia Reda estime que les citoyens européens devraient pouvoir « se prononcer contre l’injustice, participer au processus politique », des droits qu’elle considère vitaux pour la démocratie.

Lorenzo Fontana (ENF) pointe l’hypocrisie du Parlement et des institutions européennes qui souhaitent protéger les droits fondamentaux des minorités alors qu’elles ne sont, selon lui, pas capables de les garantir aux « citoyens qui veulent vivre en toute tranquillité sur leur territoire ». L’on en revient à la nécessité pour l’Union de régler la problématique des droits fondamentaux d’abord en son sein, avant même de songer à agir sur le plan extérieur.

« L’Union européenne s’est penchée sur les droits fondamentaux sans les respecter ».

Or, la question des responsabilités intervient nécessairement. Rappelant le cas du Président Obama, à qui le prix Nobel a été accordé, Lorenzo Fontana explique pourtant qu’ « il est quand même un peu responsable de ce qu’il s’est passé en Syrie ».

Et c’est la même chose pour la situation avec l’Arabie Saoudite ; le fait que ce pays soit loin d’être le meilleur en termes de garantie des droits fondamentaux n’empêche pas l’Union de faire affaire avec lui. N’est-ce pas là le symbole même de l’hypocrisie de l’Union européenne ?

Pour Helga Stevens (CRE), le rapport Ferrara évoque beaucoup de choses, mais le manque de temps empêche d’entrer dans les détails. Selon l’eurodéputée belge, les personnes porteuses de handicap devraient bénéficier d’une égalité de traitement, en ce sens qu’elles devraient pouvoir accéder de manière égale aux différends fonds, aux différents projets de l’UE. Se voulant plus concrète que nombre de ses collègues, Mme Stevens évoque notamment des « mesures [permettant] de couvrir les coûts, la participation de personnes muettes à des ateliers, mais également un soutien personnel pour des aveugles ou des personnes à mobilité réduite ». Helga Stevens est elle-même sourde et muette.

Le non-respect par la Norvège du droit de l’enfant à avoir deux parents biologiques est ensuite évoqué par Tomáš Zdechovský (PPE) ; de même que la question des droits des hommes, notamment s’agissant du harcèlement, et des droits des victimes de crimes et de délits. Josu Juaristi Abaunz (GUE/NGL), met l’accent sur le fait que « les droits civils et politiques, individuels et collectifs, ne sont pas respectés dans toute l’Union européenne ». Pour Ruža Tomašić (CRE), la responsabilité de ces violations revient à « certaines autorités en Europe [qui] font en sorte que les droits humains de certaines personnes soient systématiquement violés ». Ainsi, Milan Zver (PPE) et Patricija Šulin (PPE) pointe du doigt la Slovénie qui « malheureusement est devenue le champion européen dans la violation des droits de l’homme ». Milan Zver appuie d’ailleurs son propos par des chiffres explicites selon lesquels il y aurait 148 violations de droits de l’homme par million de personnes en Slovénie, alors qu’en Allemagne, ce chiffre n’atteint « que » 2 violations par million. Patricija Šulin poursuit en affirmant que « les droits fondamentaux sont également violés par certaines Cours des Etats membres. La Cour de justice européenne a montré que la Slovénie [était] n°1 s’agissant des violations par habitant ».

Ouvrant davantage le débat, Udo Voigt (Non-inscrits) s’étonne que ce rapport ne traite pas de « la discrimination par suite de poursuites politiques dans les pays de l’Union européenne, notamment en Autriche, en Grèce et en République fédérale d’Allemagne ». Arguant des interdictions de rassemblement, des interdictions de siéger dans les hôtels, ou encore du fait que chaque année, « 12 000 procédures [soient] entamées contre des patriotes », l’eurodéputé allemand accuse Frans Timmermans de ne pas être impartial. Un eurodéputé pour qui « les droits fondamentaux sont indivisibles et [dont] tout le monde doit [pouvoir] bénéficier ».

Abordant une approche « différente » de celle de ses collègues, Maite Pagazaurtundùa Ruiz (ADLE), relève le poids du rapport de Laura Ferrara, au sens propre du terme ; un rapport de 30 grammes. « 30 grammes [qui] nous définissent, nous obligent à agir face à ceux qui sont victimes des agressions, de la haine, de persécutions, des victimes d’abus de tous types et aussi (…) des réfugiés qui fuient la guerre ». Pour l’eurodéputée espagnole, « ces 30 grammes, c’est beaucoup ou c’est peu, parce qu’ils constituent toutes les valeurs de l’Union européenne ».

Laura Agea (EFD) arrive alors avec un discours volontariste, déclarant « les droits fondamentaux, il faut les exiger. Nous sommes en mesure de pouvoir le faire. Nous sommes responsables. Nous devons exiger le respect des droits pour ceux qui n’ont pas voix au chapitre pour les demander car c’est ce qui nous incombe à nous, 751 députés de ce Parlement, c’est à nous de le faire ». Incitant ses collègues à « faire preuve de courage », elle considère qu’il y a là une opportunité, celle de « donner une occasion de vie à ceux qui n’ont pas l’occasion de le faire ».

« Les droits fondamentaux devraient nous unir et pas nous diviser » poursuit Carlos Coelho (PPE), « chacun d’entre nous devrait travailler tous les jours pour défendre ces droits, pour promouvoir le respect de ces droits sur tout le continent européen ». Reprochant au Parlement européen d’ « utiliser les droits fondamentaux comme une arme politique », l’eurodéputé portugais invite à « considérer les droits fondamentaux comme un élément de l’intégration de l’Union européenne, un élément unificateur ».

« La démocratie qui ne repose pas sur les droits de l’homme n’est pas une démocratie » enchaîne Soraya Post (S&D).

Therese Comodini Cachia (PPE) accuse le « manque de fibre morale et de prise de responsabilité politique évident ». Pour l’eurodéputée maltaise, « les citoyens européens attendent des institutions de l’UE qu’elles les protègent mais en lieu et place de cela, les EM de l’Union, les chefs de file, les chefs d’Etats et de gouvernements suivent une ligne qui va à l’encontre des principes de la redevabilité, de la transparence, de la justice et de la solidarité ».

Face au rapport réalisé par Laura Ferrara, le Groupe du parti populaire européen a, au cours du débat, souhaité faire entendre que ledit rapport n’était pas aussi complet que leur propre proposition de « résolution alternative », qu’il estime plus complète et plus avenante. Pour Louis Michel, c’est « une véritable gifle » à ce qui est défendu au sein du Parlement, puisque ladite résolution n’aborde ni la question des sans-abris, ni celle d’une « condamnation des programmes de détention et de torture de la CIA sur le territoire européen ». Pour Kateřina Konečná (GUE/NGL), en revanche, il comblerait les lacunes du rapport Ferrara, qui n’évoque pas selon elle « la montée de l’esclavage moderne dans l’Union européenne ». L’eurodéputée Tchèque a ainsi déploré le fait que 3 000 vietnamiens soient encore à l’heure actuelle au Royaume-Uni « forcés de travailler pour des fabricants de drogues ».

Le débat touchant à sa fin, Fabio Massimo Castaldo (EFD), a invité le Parlement à envoyer un message clair :

« Toute forme d’intolérance, involontaire ou volontaire, tout aveuglement, toute indifférence est intolérable ».

« Les véritables valeurs européennes sont celles que l’on ne peut déposer sur un compte courant parce qu’elles n’ont pas de prix ».

Représentant la Commission européenne, Frans Timmermans a entendu réagir sur deux points en particulier.

  • S’agissant de la primauté du droit,

Elle constitue selon lui « la base sur laquelle repose les droits fondamentaux ». Citant Socrate qui disait « si vous acceptez la primauté du droit, vous ne pouvez pas sélectionner les lois qui s’appliquent à vous et celles qui ne s’appliquent pas », Frans Timmermans poursuit en affirmant que « le droit, la primauté du droit s’applique à tous les citoyens en Europe, quelque soit leur nationalité ou leur statut » dès lors qu’ils vivent dans un pays de l’Union.

Reprenant la « brillante idée » de Winston Churchill, M. Timmermans invite à instituer une « organisation des droits fondamentaux de la primauté du droit qui aille au-delà des Etats membres, qui pourrait être organisée au niveau européen, et ensuite imposer ses décisions aux Etats membres s’ils ne respectent pas les principes inscrits dans l’Etat de droit ».

« Les Etats membres ont accepté d’être ligotés au mât de leur navire pour éviter de commettre des erreurs et si nous devions commettre des erreurs, nos pairs nous retiendront et nous remettront sur le droit chemin ». Et le Vice-président de la Commission d’adresser au Parlement un fameux : « Peut-être devriez-vous lire un peu plus au lieu de crier et vous comprendrez que c’était là une très sage décision ».

« Toute nation qui a confiance en elle acceptera que ses pairs vérifient son respect des droits de l’homme et de la primauté du droit. Si nous avons confiance en nous-mêmes, nous n’avons rien à craindre ».

  • S’agissant de la diversité,

Le Vice-président de la Commission se fait un devoir de rappeler que « par nature, l’Europe est une communauté diverse ; un continent diversifié ». Arguant du fait que « tout au long de notre histoire, nous avons été forts lorsque nous avons célébré notre diversité », Frans Timmermans poursuit : « Nous sommes forts lorsque nous accueillons des minorités, nous sommes forts lorsque nous ouvrons la porte à ceux qui cherchent protection parce qu’ils fuient la persécution et la guerre et nous sommes faibles lorsque nous essayons de nous agripper à notre propre culture, lorsque nous percevons celui qui vient d’ailleurs comme une menace à notre culture, lorsque nous pensons que 500 millions d’entre nous seront submergés par quelques milliers. C’est un signe de faiblesse et de manque de confiance en soi. C’est le signe que l’on n’a pas confiance en notre culture et histoire européenne ».

Et Laura Ferrara, Rapporteure en charge du dossier, de conclure : « Les positions sont très diverses mais je pense qu’une chose a émergé clairement pour tous les députés, au-delà des couleurs politiques, les droits fondamentaux revêtent une grande importance, c’est évident ».

Un débat animé donc, qui fit ressortit les couleurs politiques, les voix et opinions de chacun. Ce débat du 7 septembre précédait le vote qui a eu lieu le lendemain, au cours duquel le rapport Ferrara fut adopté, par 369 voix pour, 291 voix contre et 58 abstentions.

Il ressort de cet important débat que l’Union, ses Etats membres et ses institutions auront prochainement à cœur de se pencher sur « le dilemme de Copenhague » qui permet de vérifier qu’un Etat souhaitant adhérer à l’Union respecte effectivement les critères posés par l’article 2 du traité sur l’Union européenne (droits fondamentaux, Etat de droit etc.) mais qui reste silencieux quant à leur respect une fois cette adhésion réalisée. Sylvia-Yvonne Kaufmann (S&D) l’a d’ailleurs dit clairement. Des « exigences très élevées » sont posées s’agissant de l’adhésion d’un Etat à l’Union : « aucun Etat ne peut devenir membre si en termes de démocratie, d’Etat de droit et de préservation des droits fondamentaux, ça n’est pas reconnu, et tant que ces valeurs ne sont pas mises en œuvre ». Or, l’eurodéputée a tout de même jugé bon d’ajouter : l’Union « est une communauté de valeurs », ce qui implique de s’assurer de la « préservation de ces valeurs », y compris une fois cette adhésion réalisée. La surveillance de la bonne application des droits fondamentaux « a posteriori » permettrait, le rapport Ferrara l’a démontré, d’assurer une meilleure garantie de ces droits au sein de l’Union européenne.

Les eurodéputés ont de fait trouvé un accord sur l’instauration d’un nouveau mécanisme de surveillance et de contrôle qui dissuade les Etats membres de violer, de manière directe ou indirecte (notamment lorsqu’ils ferment les yeux sur les violations qui peuvent avoir lieu sur leur territoire) ces droits fondamentaux. La résolution parlementaire adoptée le 8 septembre dispose ainsi que tous les Etats membres devront « faire l’objet d’une évaluation continue afin de vérifier s’ils défendent toujours les valeurs fondamentales de l’Union européenne que sont le respect des droits fondamentaux, des institutions démocratiques et de l’état de droit ». En outre, la résolution établit clairement la nécessité « de mettre en œuvre un mécanisme correctif graduel afin de combler le vide entre le dialogue politique et l’option radicale de l’article 7 du traité UE et d’apporter une réponse au « dilemme de Copenhague » dans le cadre des traités en vigueur ».

Les droits des migrants et des réfugiés figure dans la ligne de mire du Parlement. Ils constituent l’une de ses priorités, sinon LA priorité, la plus urgente. Les nombreux autres droits fondamentaux ne sont cependant pas en reste. Les libertés d’expression, d’opinion, la lutte contre les discriminations, les droits des minorités et des personnes vulnérables, la démocratie, l’Etat de droit, entres autres, restent les fondements sans lesquels l’Union n’existerait pas et méritent, à ce titre, une protection réelle et efficace.

Pour en savoir plus :

– Débat du Parlement européen du 7 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne

http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20150907&detailBy=date

– Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne (2013-2014) (2014/2254(INI))(FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0286+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR

– Eu-logos, 16 avril 2015, « la situation des droits de l’homme dans l’Union européenne (2013-2014) : le rapport Ferrara présenté à la commission des libertés publiques du Parlement européen (30-31 mars 2015).

http://europe-liberte-securite-justice.org/2015/04/16/la-situation-des-droits-de-lhomme-dans-lunion-europeenne-2013-2014-le-rapport-ferrara-presente-a-la-commission-des-libertes-publiques-du-parlement-europeen-30-31-mars-2015/

 


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Press release - Budgets Committee approves €16.3 million in disaster aid for Bulgaria and Greece - Committee on Budgets

Parlement européen (Nouvelles) - lun, 14/09/2015 - 18:17
Bulgaria and Greece should get €16.3 million in EU aid to help repair damage done to public and private infrastructure by exceptionally severe weather conditions early in 2015, said the Budgets Committee on Monday. This European Solidarity Fund aid still needs to be approved by Parliament as a whole in October.
Committee on Budgets

Source : © European Union, 2015 - EP
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Article - Indications géographiques non-agricoles : plus de garanties pour le consommateur - Commission des affaires juridiques

Parlement européen (Nouvelles) - lun, 14/09/2015 - 15:26
Citrons de Menton, Reblochon... Plus de 3000 indications géographiques sont enregistrées dans l'Union européenne, permettant au producteur de faire valoir ses produits et offrant au consommateur des garanties en matière de qualité. La commission des affaires juridiques votera mardi un rapport pour étendre cette protection aux produits non-agricoles. Virginie Rozière, députée démocrate socialiste française et rapporteur, nous en dit plus sur l'importance d'une régulation à l'échelle européenne.
Commission des affaires juridiques

Source : © Union européenne, 2015 - PE
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Toute l'Europe sur France Bleu 107.1 : "les jeunes Européens et l'engagement politique"

Toute l'Europe - lun, 14/09/2015 - 12:17
En direct de la Fête de l'Humanité, Toute l'Europe s’interroge sur l’engagement politique des jeunes Européens. Avec Malo Mofakhami, président d'Animafac et ancien président du Parlement européen des Jeunes Anne Sabourin, coordinatrice du Forum Européen des Alternatives, membre PCF du Parti de la gauche européenne, et Bérénice JOND membre du Conseil d’administration du Forum européen de la jeunesse.
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Article - Cette semaine au Parlement : fiscalité, immigration, émissions d'engins mobiles

Parlement européen (Nouvelles) - lun, 14/09/2015 - 12:13
Général : Les députés se réuniront mercredi en session plénière. Ils débattront notamment des politiques migratoires, de la crise des marchés agricoles et du développement. Le Président de la Commission Jean-Claude Juncker sera au Parlement jeudi pour évoquer avec les députés les politiques fiscales des entreprises multinationales. Pierre Moscovici, Commissaire aux affaires économiques et monétaires, et Margrethe Vestager, Commissaire à la concurrence, seront également présents.

Source : © Union européenne, 2015 - PE
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L’accord de non-prolifération ferait-il oublier les droits fondamentaux en IRAN ? Les députés européens partagés entre satisfaction et inquiétudes.

EU-Logos Blog - lun, 14/09/2015 - 11:54

 

Le 14 juillet dernier, après 12 ans de négociations diplomatiques sur fond de sanctions économiques, la Russie, les États-Unis, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et la Chine (les « 5+1 ») signaient un compromis de non-prolifération du nucléaire iranien en échange de la levée progressive des sanctions imposée par l’ONU, les États-Unis et l’Europe, essentiellement dans les secteurs de la finance, de l’énergie et du transport. Cependant, l’embargo sur les armes reste maintenu. Cet « accord de Vienne » a été débattu lors de l’assemblée plénière du Parlement européen à Strasbourg ce jeudi 10 septembre. Les commissions Affaires étrangères (AFET) et Sécurité et défense (SEDE), mais aussi Droits de l’Homme (DROI) et Liberté civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) étaient particulièrement représentées pour échanger avec la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, sur les raisons de fond qui ont amené l’Union européenne à se poser en « facilitateur des négociations », et sur les conséquences que cet accord entraîne sur la conduite de la politique extérieure de l’Union.

 

Les dessous géopolitiques de l’accord de non-prolifération iranien

La Haute représentante a commencé par souligner que l’accord constituait avant tout « une victoire pour la diplomatie, le multilatéralisme, et pour l’Union européenne », une victoire qui avait redonnée « confiance » dans la capacité des négociations diplomatiques à offrir des solutions fortes et durables. Une considération reprise par la députée Cornelia Ernst (Allemagne, GUE/NGL) pour qui l’accord de Vienne prouve « qu’un dialogue à long terme vaut la peine ».

L’attachement de l’Union européenne à des mécanismes pacifiques de résolution des tensions est à mettre en relation directe avec l’exigence de paix comme valeur fondatrice de l’Union. Le multilatéralisme, c’est-à-dire la coopération de trois États au moins dans le but d’instaurer des règles communes, notamment au sein d’organisations internationales comme l’ONU, est un de ces mécanismes pacifiques de résolution des conflits. La préférence accordée par l’Union au multilatéralisme s’explique en grande partie par sa confiance dans la « force du droit ».

Comme l’a souligné Mme Mogherini, la phase de mise en oeuvre de l’accord va constituer la « phase critique ». Celui-ci prévoit en effet une levée progressive des sanctions sur 15 ans : dans le cas où l’Iran ne respecterait pas l’accord, la levée des sanctions serait interrompue. De plus, l’accord de Vienne a été imaginé de telle manière que le ralentissement du programme nucléaire iranien oblige le pays à enrichir de l’uranium pendant un an avant de pouvoir à nouveau créer une bombe nucléaire. Ce qui doit laisser le temps nécessaire à l’Occident pour réagir.

 

Mme Mogherini a été chaleureusement félicitée par une large majorité des députés présents pour avoir réussi à aboutir avec son équipe à cet accord. Ainsi, le député Cristian Dan Preda (Roumanie, PPE) s’est réjoui de l’existence d’un mécanisme multilatéral de suivi de la mise en oeuvre de l’accord par l’Iran. Cependant, le député Bas Belder (Pays-Bas, ECR) a soulevé la question de la mise en place d’un comité international d’experts en supplément. Un tel comité avait déjà été mis en place le 3 avril 1991 après l’adoption de la Résolution 687 du Conseil de Sécurité de l’ONU le 29 novembre 1990, consécutivement à la deuxième Guerre du Golfe (1990-1991). La

mission de l‘United Nations Special Commission (UNSCOM) était de veiller au démantèlement des armes de destruction massive irakiennes et d’inspecter les installations nucléaires, chimiques et biologiques afin de s’assurer du respect par le gouvernement en place du Traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

 

Cette sorte de « double contrôle » des capacités nucléaires iraniennes est jugée nécessaire par Bas Belder (Pays-Bas, ECR) au vue du peu d’empressement qu’a eu l’Iran à respecter les accords nucléaires passés. Le pays avait en effet signé le Protocole additionnel du Traité de non-prolifération (TNP) le 18 décembre 2003, qui a pour but de renforcer considérablement les capacités de surveillance de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA). Par la suite, les négociations entre le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Iran semblaient prometteuses pour amener Téhéran à une suspension définitive de son programme d’enrichissement d’uranium. Cependant, fin septembre 2005, l’Iran décidait de reprendre ce programme en violation de l’accord TNP. C’est la raison pour laquelle le 4 février 2006, l’AEIA transféra le dossier iranien au Conseil de Sécurité des Nations-Unies qui adopta des sanctions à l’encontre de l’Iran. Les États-Unis, l’Europe et leurs alliés adoptèrent de leur côté des mesures de rétorsion encore plus contraignantes à partir de 2010.

Mais Barack Obama, arrivé au pouvoir en 2009, a progressivement changé la rhétorique diplomatique de son pays : la non-prolifération du nucléaire au Moyen-Orient est désormais pour les États-Unis un moyen de lutter contre le terrorisme. Les négociations entre l’Iran et les « 5+1 » ont donc repris en décembre 2010 pour aboutir en novembre 2013 à un accord de gel des sanctions internationales contre une limitation de son programme nucléaire par Téhéran. Les États-Unis comptent désormais sur l’Iran pour être un des « gendarmes du Moyen-Orient » à leur solde et ne plus avoir à intervenir directement dans la région.

 

Les mesures coercitives adoptées à partir de 2006 ont gravement affecté la situation économique en Iran. Elles ont notamment abouti à une diminution drastique des exportations d’hydrocarbures, qui représentent pourtant 90% des ressources de l’État. Ces difficultés économiques expliquent en grande partie les efforts consentis par Téhéran en 2015 à limiter plus encore le développement de son programme nucléaire pour les 15 années à venir, en échange de la levée définitive de ces sanctions, et non de leur gel comme dans le cadre de l’accord de 2013. Certains observateurs jugent toutefois l’Iran nettement en position de force étant donné que dans l’accord de 2013 comme dans celui de juillet 2015, il n’est pas imposé au pays de renoncer définitivement à son programme nucléaire, seulement d’en cesser le développement pour 15 ans.

 

Dans le cadre de la mise en oeuvre de cet accord, le député Charles Tannock (Royaume-Uni, ECR) s’est inquiété du délai de 24 jours laissé à l’Iran pour se préparer à une inspection de ses installations nucléaires, délai qui pourrait lui permettre de cacher les indices quant à l’existence d’un programme militaire de recherche nucléaire toujours en cours. Il a cependant reconnu que « les alternatives militaires étaient irréalistes et représentaient un risque d’escalade supplémentaire dans une région déjà déstabilisée » avant d’ajouter : « cet accord ne doit pas pour autant nous aveugler. Il ne doit pas nous empêcher de critiquer l’Iran ». Des propos qui ont été repris en substance par Gérard Deprez (Belgique, ADLE) pour qui un « risque calculé » sur un accord de non-prolifération nucléaire est préférable à un « risque d’escalade guerrière » mais ne constitue en rien un « label d’honorabilité » du régime iranien actuel. Ces députés ont notamment dénoncé les violations répétées et avérées des droits fondamentaux et des droits des minorités, et le soutien du régime iranien aux « terroristes ».

En effet, l’Iran de l’Ayatollah Khomeyni, guide spirituel de la révolution islamique chiite de 1979, soutient le Hezbollah au Liban et le PKK au Kurdistan. Le Hezbollah est un mouvement politique

chiite disposant d’une branche armée et considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Union européenne (depuis le 22 juillet 2013) ainsi que par les six pays du Golfe Persique (Arabie Saoudite, Bahreïn, Koweït, Emirats Arabes Unis, Oman, Qatar). L’Iran soutient également le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation armée qui s’oppose militairement à la Turquie depuis 1984. À l’origine, le PKK souhaitait obtenir l’indépendance des territoires dans le sud-est du pays à majorité kurde. Il réclame désormais l’autonomie du Kurdistan au sein d’un système fédéral et l’amnistie pour les rebelles. Il est considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la Turquie et l’Union européenne (par décision du Conseil du 15 juillet 2008). Téhéran soutient les kurdes en tant que peuple d’origine perse, bien que 80% environ des kurdes soient de confession sunnite.

L’Iran soutient également les régimes chiites de Bachar al-Assad en Syrie depuis 2000 et de Nouri al-Maliki en Irak depuis 2006. Cette coopération permet à l’Iran de briser le « cordon sanitaire » sunnite établi par les occidentaux depuis que l’existence d’un programme de développement nucléaire en Iran est soupçonnée. Ces soutiens politiques, matériels et financiers correspondent également aux ambitions de l’Iran de devenir une puissance régionale et un « gendarme » totalement indépendant de l’influence occidentale. Pour cela, le pays a besoin d’une stature internationale. L’accord de Vienne et une coopération régionale Iran-UE pourraient lui offrir une telle position.

 

Un accord de non-prolifération pour relancer le dialogue au Moyen-Orient

L’accord de Vienne « offre désormais de nouvelles possibilités de coopération régionale au Moyen-Orient » et l’Union compte sur cet accord « pour tenter de trouver des solutions de sortie de crise en Syrie, au Yémen, au Liban et en Irak ». C’est ce qui fait de l’accord de Vienne une « victoire autant pour l’Union européenne que pour la communauté internationale » (Mme Mogherini). Une opinion partagée par Francisco José Millán Mon (Espagne, PPE) : « le champ d’application de l’accord va au-delà des questions de sécurité » et doit permettre la mise en place d’un « nouveau climat de coopération entre l’Iran et la communauté internationale ».

 

La Haute Représentante a insisté sur le fait que l’établissement d’une plus grande confiance régionale pourrait déstabiliser l’organisation Daesh, même si « une coalition internationale incluant les États-Unis, la Russie et l’Iran » sera sans doute nécessaire pour mettre à bas le régime comme l’a fait remarquer Nikolay Barekov (Bulgarie, ECR). Pour le député Nicola Caputo (Italie, S&D), l’Union européenne doit désormais favoriser le dialogue entre les communautés sunnite et chiite si elle veut une chance de résoudre le conflit en profondeur. Dans un cas comme dans l’autre, l’accord de Vienne doit pousser l’Iran à aider au règlement de conflits régionaux dont il est l’un des acteurs les plus féroces.

 

« Il est encore trop tôt pour se réjouir » a résumé Knut Fleckenstein (Allemagne, S&D), mais l’accord représente certainement une « source d’espoir pour une détente entre l’Iran et l’Occident », ainsi qu’au sein de la région du Moyen-Orient. Cet accord doit également permettre « d’espérer un avenir meilleur pour les iraniens ». L’accord de Vienne doit réaffirmer l’Union européenne comme un « acteur mondial de la coopération et de la paix » dans le monde (Victor Boştinaru, Roumanie, S&D). Mais si l’accord donne une « occasion à l’Europe de se placer en arbitre de la sécurité internationale, elle donne aussi à l’Union européenne de plus grandes responsabilités » (James Carver, Royaume-Uni, EFD).

De manière concrète, Richard Howitt (Royaume-Uni, S&D) a avancé l’idée que l’Union européenne devait profiter de cet accord pour combattre le trafic de stupéfiants dans la région. Une coopération Iran-UE pourrait également permettre de « diversifier les sources d’approvisionnement

énergétique » de l’Union comme l’a rappelé Nikolay Barekov (Bulgarie, ECR). Certains États comme l’Italie et la Grèce s’avèrent en effet particulièrement intéressés par la relance du projet Nabucco, gazoduc reliant l’Iran et les pays du Caucase du Sud à l’Europe centrale. Soutenu par l’Union européenne (UE), ce gazoduc devait permettre, dès 2017, de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique de l’Europe, notamment d’un pays comme la Hongrie, qui dépend à 80 % du gaz russe. Les derniers événements en Ukraine n‘ont fait que renforcer encore la nécessité d’une telle diversification des sources d’approvisionnement énergétique.

 

Sauf qu’à l’heure actuelle, comme l’a fait remarquer Ioan Mircea Paşcu (Roumanie, S&D), l’Union européenne ignore encore « dans quelle mesure l’influence de l’Iran dans la région va s’étendre ou se restreindre suite au gain de respectabilité issu de l’accord de Vienne : l’Iran sera-t-il plus coopératif ou plus affirmatif ? ». L’Union va devoir faire « attention à ce que cette nouvelle coopération [entre l’Iran et l’UE et entre l’Iran et la communauté internationale] ne soit pas perçue comme une menace dans la région ». Ce qui semble loin d’être gagné. Ainsi, le député Jan Zahradil (République tchèque, ECR) a insisté sur « l’accueil méfiant » qui a déjà été réservé à l’accord par « les États du Proche-Orient et du Moyen-Orient ».

Cette méfiance remonte à la révolution iranienne de 1979 qui fût autant l’aboutissement d’un mouvement nationaliste contre l’ingérence des puissances étrangères (Russie, Royaume-Uni puis États-Unis) que le début de la volonté de l’Iran de se positionner comme puissance régionale et « gendarme » du Moyen-Orient. La révolution de 1979 a également signifié le basculement du pays vers un régime théocratique chiite, branche de l’Islam alors minoritaire dans la région mais dont l’Iran soutient depuis massivement la diffusion. Enfin, du point de vue historique les pays frontaliers de l’Iran craignent la résurgence de la puissance perse dont cet État s’est fait le dépositaire. Pour Eugen Freund (Autriche, S&D), l’Union européenne doit donc désormais réfléchir à « comment impliquer l’Iran dans la résolution des crises dans la région » malgré cette crainte des autres États d’une influence renforcée de Téhéran suite à l’accord de Vienne. Un des objectifs de la stabilisation de la situation au Moyen-Orient est évidemment de « réduire l’afflux de réfugiés » en Europe comme l’a fait remarquer Afzal Khan (Royaume-Uni, S&D).

 

Une absence de référence aux droits fondamentaux qui contrarie fortement les eurodéputés

L’absence de clause faisant référence au respect des droits fondamentaux dans l’accord de Vienne est un des principaux reproches qui ont pu être adressés par les députés à Mme Mogherini et à son équipe. Les députés ont ainsi été nombreux à rappeler les 2 000 exécutions de nature politique qui ont été recensées par Amnesty international en 2014, et les 700 exécutions ayant déjà eu lieu depuis janvier 2015. « L’Iran est une théocratie dure envers son opposition » et les exécutions politiques y sont monnaie courante a résumé Jan Zahradil (République tchèque, ECR). Et Jaromir Štětina (République tchèque, PPE) de rappeler que selon la loi en vigueur en Iran, les petites filles peuvent être mariées de force dès 9 ans.

 

De même, un reproche particulièrement acerbe a été adressé à Mme Mogherini de la part du député Juan Carlos Girauta Vidal (Espagne, ADLE) quant à l’absence totale de référence faite aux droits fondamentaux dans la conférence de presse que la Haute Représentante de l’Union a donné à Téhéran le 28 juillet suite à la conclusion de l’accord de Vienne. Pourtant, s’il est vrai que Mme Mogherini n’a pas fait mention des droits fondamentaux durant son intervention, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a pour sa part déclaré que « des discussions à haut

niveau se tiendront entre l’Iran et l’Union européenne sur différentes questions, dont … les droits de l’Homme ».

 

La députée Ruža Tomašić (Croatie, ECR) a déploré que « l’attention sélective » dont l’Union européenne a fait preuve lors des négociations de l’accord de non-prolifération soit « incohérente » avec les valeurs fondamentales de l’Union et avec sa politique globale de protection des droits fondamentaux : « on cautionne les violences en Iran en échange de l’absence de l’arme nucléaire ». Un marchandage considéré par la majorité des députés comme indigne de l’Europe. « Rappelez-vous que danser, rire, c’est interdit en Iran » a résumé prosaïquement la députée Maite Pagazaurtundúa Ruiz (Espagne, ADLE).

 

 

Lauriane Lizé-Galabbé

 

 

Pour en savoir plus

 

     -. Pour avoir accès au document complet de l’accord signé par le Service Européen d’Action extérieur (EN)

http://eeas.europa.eu/iran/index_en.htm

 

     -. Pour une explication détaillée du contenu de l’accord de non-prolifération signé avec l’Iran le 25 août 2015 :

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2015/07/14/un-accord-sur-le-nucleaire-iranien-a-ete-trouve_4682310_3218.html

     -. Pour en savoir plus sur l’accord et la position des États-Unis

https://www.wsws.org/fr/articles/2015/jul2015/iran-j16.shtml

 

     -. Pour en savoir plus sur la violation des droits fondamentaux et la peine de mort en Iran

http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Forte-hausse-des-executions-en-Iran-pres-de-700-condamnes-mis-mort-depuis-le-debut-de-annee-15709

 


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[Revue de presse] L'Allemagne réintroduit des contrôles à ses frontières à la veille d'un Conseil de l'UE extraordinaire consacré à la crise migratoire

Toute l'Europe - lun, 14/09/2015 - 10:34
"Quotas, frontières, Schengen… : l’Europe cherche une réponse commune à la crise" résume Le Monde ce matin. La fin de la semaine aura été marquée par la forte prise de position commune des gouvernements allemands et français quant à la gestion de la crise des migrants, en préparation du Conseil extraordinaire réunissant les ministres européens de l'Intérieur et de la justice aujourd'hui à Bruxelles. L'Allemagne, submergée, a annoncé hier rétablir ses contrôles aux frontières dans l'attente d'une réponse de l'Union, tandis que les Etats d'Europe centrale maintiennent leur opposition à une répartition des réfugiés par quotas.
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Les ombres obscures de la technologie : adoption par le Parlement européen d’ une résolution sur les incidences des systèmes d’intrusion et de surveillance sur les droits de l’homme dans les pays tiers.

EU-Logos Blog - dim, 13/09/2015 - 16:36

Le Parlement Européen, réuni en séance plénière, vient de discuter et d’adopter une résolution en matière de droits de l’homme et technologies par rapport aux pays tiers. Le rapport, qui a fait l’objet des travaux de la sous-commission DROI (droits de l’homme) du Parlement, avait été adopté en commission AFET (affaires étrangères) le 26 mai dernier et déposé en plénière au début du mois de juin.

Dans notre société mondialisée, qui est de plus en plus tournée vers la technologie, il devient très important de porter toute son attention sur les menaces potentielles découlant de l’usage des instruments avancés d’information et de communication, surtout dans les pays qui ne jouissent pas de véritables régimes démocratiques. Le Parlement européen, en reconnaissant le rôle global que l’Union européenne joue dans la promotion et la défense des droits de l’homme, met directement en cause les institutions pour qu’elles adoptent des mesures concrètes. Mesures qui permettent d’évaluer les impacts des nouvelles technologies sur les libertés et les droits fondamentaux dans les pays tiers et d’empêcher ainsi toute forme de connivence que l’Union, les États Membres et les entreprises européennes peuvent exercer plus ou moins directement, en contribuant aux violations.

La technologie avancée et l’accès à l’internet ouvert contribuent à l’amélioration et à la diffusion de l’accès aux informations, à la promotion des libertés d’expression et d’association, ainsi qu’à la documentation et à la dénonciation des abus des droits fondamentaux. Toutefois, ces systèmes, en permettant aussi le traçage des individus, la censure, la collecte massive des données personnelles et le piratage des dispositifs électroniques, peuvent aussi facilement devenir des armes dangereuses.

L’usage de la technologie et des services d’information avancés, par les groupes criminels ou les pirates informatiques, créent des dangers concrets pour les citoyens, les journalistes et les diplomates européens qui doivent être protégés par des systèmes, qui sont produits et commercialisés par des entreprises européennes. Les violations proviennent aussi par des auteurs qui ont toute légitimité , tels que les services de renseignement, qui parfois échappent au contrôle démocratique et abusent des leurs pouvoirs. Le Parlement, dans le texte de la résolution, a fait notamment référence au cas de l’Agence de sécurité nationale de États-Unis (NSA), dont les activités de surveillance des communications ont interféré avec le droit à la vie privée et la liberté d’expression. Activités qui ont été conduites avec la complicité de certains États membres aussi. Une question qui a “gravement dé-crédibilisé la politique de l’Union en matière de droits de l’homme et ébranlé la confiance des avantages des TIC à l’échelle mondiale”.

De plus, ces systèmes de nouvelle technologie constituent aussi des moyens utiles pour limiter les droits et les libertés des défenseurs des droits de l’homme. La députée Marietje Schaake (ADLE), rapporteur du projet de résolution, pendant le débat en plénière du 7 septembre a déclaré que: “les activistes des pays comme le Mexique, l’Azerbaïdjan, la Colombie, l’Égypte, la Turquie, l’Iran et la Russie, devraient être protégés par les politiques de l’Union européenne et pas endommagés avec l’aide de la technologie produite en Europe”.

Une des questions les plus importantes c’est le contexte où ces technologies sont utilisées. À cet égard, telles sont les paroles du rapporteur: “Il existe des systèmes qui, lorsqu’ils sont utilisés en Europe avec une surveillance appropriée et des garanties, peuvent poursuivre des fins légitimes, mais qui n’en auraient jamais dans des pays comme la Syrie, le Soudan ou la Russie”. Le contrôle judiciaire et démocratique est un des éléments fondamentaux pour réglementer l’usage des technologies, les pouvoirs des services de renseignement et le développement des systèmes de cybersécurité, de lutte contre le terrorisme et de surveillance.

“Vous pouvez imaginer ce que ces systèmes signifient pour les journalistes de pays où la liberté et la sécurité de la presse ne sont pas garanties, pour les figures de l’opposition, les défenseurs des droits de l’homme, les activistes. Je pense qu’il est essentiel que l’Union européenne montre l’exemple et que nous faisons en sorte que les technologies provenant de l’Union européenne ne contribuent pas à la violation de droits de l’homme”, a affirmé encore le rapporteur pendant une interview au début du mois de septembre dernier. Les nouvelles technologies donc, peuvent être conçues comme des armes à double tranchant: elles apportent autant de bénéfices que de menaces.

Il faut donc, que des mesures de contrôle et de réglementation soient mises en place.

 

La résolution

Le Parlement européen rappelle à l’ensemble des acteurs européens, tels que les institutions, les agences européennes, les États membres et le secteur privé, qu’ils sont tous tenus de respecter les obligations découlant de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En conséquence, il demande l’élaboration de critères spécifiques pour empêcher que tout soutien financier et technique de l’Union, ayant comme finalité le développement et l’exportation de nouvelles technologies dans des pays tiers, puisse aussi contribuer indirectement aux violations de droits de l’homme, par la censure, la surveillance de masse, l’interception, le repérage et le suivi des activités des citoyens. L’évaluation de l’incidence des normes européennes en matière de TIC et la formulation de recommandations pour améliorer le système, devront être assignées à un groupe d’experts indépendants, que la Commission est invitée à désigner.

La Commission et le Conseil, sont aussi appelés à adopter une cohérence majeure entre action extérieure et politiques intérieures de l’Union. Donc, à “promouvoir les libertés numériques et le libre accès à l’internet sans aucune forme de censure”, ainsi que la neutralité d’internet, le contrôle démocratique des services de renseignement, le respect de la vie privée et la protection des données dans toutes les relations, aussi bien politiques que commerciales, avec les pays tiers. Ceci, à travers l’inclusion des clauses précises dans les accordes conclus et l’élaboration d’évaluations à propos de la situation de chaque pays, notamment pendant les négociations des nouvelles adhésions.

Le Parlement “s’oppose à ce que des technologies de surveillance et des outils de censure européens soient vendus et mis à disposition de régimes autoritaires qui n’appliquent pas l’état de droit”. La responsabilité ne doit pas seulement être attribuée aux institutions européennes et nationales, mais aussi bien aux entreprises privées qui, jouent aussi un rôle actif. “À quel prix est-on disposé à vendre notre conscience? À quel prix les entreprises sont-elles disposées à vendre leur conscience?” a demandé le député Stanislav Polčàk (PPE) à la plénière du Parlement, pendant le débat.

Le texte, à ce propos, énonce la nécessité d’une définition précise des “principes de responsabilité sociale des entreprises”, ainsi que de mesures contraignantes et d’une transparence majeure dans les relations que les entreprises (notamment ceux qui fournissent des services d’internet et de téléphonie mobile) entretiennent avec les autorités publiques, en demandant la rédaction de rapports annuels pour les documenter. De plus, le texte avance la possibilité pour la Commission d’exclure publiquement des appels d’offre les entreprises (européennes et “internationales mais actives sur le territoire de l’Union”) qui, à travers la vente des instruments a double usage, coopèrent activement avec de régimes qui ne respectent pas les droits et les libertés fondamentaux, comme la liberté d’expression et la liberté de presse.

Le rapporteur a rappelé au début du débat: “La crédibilité de la politique étrangère de l’Union européenne est directement minée, au moment où une entreprise italienne obtient injustement une licence pour vendre au Soudan ou en Russie, ou encore, quand une entreprise française vend des clés numériques pour ouvrir toute porte. Même celles que l’on croit protégées et verrouillées par des clés de sécurité, ou d’autres moyens.”

La résolution appelle à l’élaborer des limitations, des réglementations et des sanctions précises, ainsi qu’à l’utilisation des clauses “attrappe-tout” et des systèmes de contrôle efficaces, pour l’exportation de technologies, de dispositifs et des logiciels de surveillance des réseaux, de répression et de collecte d’informations, qui sont potentiellement dommageables et sont destinés aux pays tiers. Tout ça, ne doit pas entraver ni la recherche, en particulier en matière scientifique et en matière de sécurité informatique, ni l’accès à l’information et l’échange des données.

Le texte souligne aussi la nécessité de mesures plus précises à propos de la commercialisation des failles “zero days” des systèmes informatiques, afin d’éviter qu’ils ne soient pas utilisés en violation des droits fondamentaux: il y a des entreprises qui travaillent intentionnellement à la recherche de ces failles et qui les vendent aux gouvernements et aux services de renseignement du monde entier.

Les députés demandent la dé-pénalisation et un usage plus diffusé et responsable des systèmes de cryptage: autorisation de cryptage pour tous et mise en place des conditions et des normes nécessaires à son autorisation et à son utilisation, pour rendre les contenus des communications difficilement accessibles aux pouvoirs publics, aux criminels et aux services de renseignement. Le texte souligne notamment les communications qui se déroulent entre le Service européen pour l’action extérieure et les défenseurs des droits de l’homme, afin de protéger ces derniers et d’empêcher que les informations soient surveillées par des tiers. La dé-pénalisation constitue un aspect particulièrement important, étant donné que beaucoup d’États considèrent des hautes standards de protection de la vie privée et des communications comme de véritables atteintes au principe de la sécurité. Dans un des articles publiés le 9 Septembre, EDRi rapporte que “les communications cryptées ont longtemps été un élément important de la sécurité numérique, utilisé par exemple, non seulement par des sociétés comme Amazon ou PayPal, mais aussi par les défenseurs des droits humains, des avocats et des citoyens qui veulent préserver leur vie privée et leur sécurité”. Toutefois: “Pour certains gouvernements, l’utilisation d’une technologie neutre est en train de devenir une nouvelle raison de croire que les gens ont quelque chose à cacher et qu’ils sont en train de commettre un crime”.

Les défenseurs des droits de l’homme, comme les journalistes, les lanceurs d’alerte et tous ceux qui “s’efforcent d’améliorer les normes de la protection de la vie privée en matière de TIC” doivent bénéficier de protection et de soutien concret par l’Union européenne, qui est invitée à la création d’un fonds spécifique dans le domaine des droits fondamentaux et des nouvelles technologies. Ces acteurs, en plus, devraient être dotés des instruments nécessaires et être formés afin de protéger eux-mêmes leurs informations et leurs communications.

Les députés ont aussi insisté sur l’importance de l’utilisation des TIC comme des moyens utiles pour aider la résolution des conflits. Le texte propose l’établissement de nouveaux systèmes dans les zones de conflit, en soulignant l’importance des technologies à structure maillée qui se révèlent plus adaptables, fiables et résistantes et qui peuvent constituer des instruments très efficaces là même où les réseaux internet ne sont pas disponibles ou complètement libres.

Enfin, même la question des menaces terroristes a été bien présente au sein du débat et a été inclue dans le texte de la résolution. Le groupe du PPE avait soulevé la question, pendant la discussion des amendements du texte en commission DROI. Le député Grzyb, après avoir souligné que les droits fondamentaux restent des éléments fondamentaux à la base des politiques de la lutte contre le terrorisme, a lancé une affirmation en faveur de la garantie de sécurité: “Il y a des valeurs importantes qui sont liés aux droits de l’homme et qui, selon notre groupe, ne peuvent pas limiter nos possibilités de lutte contre le terrorisme”. Le texte final, à cet égard, énonce le principe d’équilibre entre sécurité et libertés numériques qui doivent se renforcer réciproquement: la “sécurité nationale ne saurait en aucun cas justifier des programmes de surveillance non ciblés, secrets ou de masse”. Les mesures et les systèmes de sécurité pour la lutte contre le terrorisme doivent respecter l’état de droit et il faut forcement empêcher qu’ils constituent des prétextes injustifiés pour la violation des droits, notamment du droit à la vie privée et de la protection des données personnelles.

Les réactions des groupes parlementaires

“Cette thématique me rappelle Alfred Nobel qui inventa la dynamite en croyant qu’elle aurait été utilisée pour des buts pacifiques, même si en effet elle a été utilisée pour faire la guerre” a affirmé Ivan Jakovčić, député du groupe ADLE, qui a exprimé sa satisfaction pour le travail du rapporteur et a invité la Commission à se mettre en route pour travailler sur le thème.

Un avis positif est parvenu même par les groupes S&D et Verts. Le socialiste Nicola Caputo a apprécié aussi bien la demande d’une “participation plus inclusive et responsable de toutes les parties impliquées: les gouvernements, la société civile, les sujets privés et les utilisateurs finales”, proposition qui a été avancée par la résolution. Les verts, tout en définissant le rapport comme excellent, ont dénoncé surtout le rôle des entreprises privées: “On devrait être prêt à reconnaître que la complicité des entreprises européennes ont gravement endommagé notre réputation, en causant de graves violations des droits de l’homme en Iran, Uzbekistan, Biélorussie et dans autres pays. Je me réfère en particulier aux fournisseurs de télécom”, a affirmé Heidi Hautala (Verts/ALE).

Une réaction négative, au sein du débat, est parvenue seulement par le député Jonathan Arnott (EFDD, extrême droite) qui a accusé le Parlement de vouloir imposer les valeurs occidentales sur les pays tiers en les présentant comme une condition préalable aux relations commerciales. “Tout ça, non seulement est inacceptable, mais aussi d’une telle arrogance. Nous supposons que nous connaissons mieux que les pays en développement les lois qu’ils doivent et peuvent avoir et nous leur disons ce qu’ils doivent et peuvent faire. Ceci signifie piétiner leur souveraineté, je ne peux pas soutenir un rapport qui s’exprime en ces termes.”

Stanislav Polčàk, député du PPE, a souligné l’importance de la résolution et du fait qu’il faudrait ouvrir un débat sur la matière: “il y a beaucoup de droits universels qu’on doit rappeler et qui sont d’une importance telle qu’ils vont au-delà des considérations d’emploi ou de PIB”. Toutefois, le vote final du groupe sur la résolution a été négatif.

La résolution finalement, a été approuvé par 371 voix favorables, 293 voix contre et 43 abstentions, mardi 8 septembre. Le plein soutien a été garanti par les votes des groupes ADLE, S&D et Verts/ALE.

 

La Commission

Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission a exprimé tout son soutien à la résolution, qui touche de nombreuses questions déjà inclues dans la stratégie du marché numérique unique, publiée par la Commission le 6 Mai dernier. “La Commission accepte bien volontiers la requête de renforcer son action pour consolider la liberté, la gouvernance d’internet, la sécurité du commerce et de l’usage d’internet”. Le commissaire, pendant son discours, a fait référence à ce que la Commission a déjà mise en place: deux nouveaux projets viennent d’être lancés dans le cadre du centre européen pour la liberté de presse et des medias et des mesures d’interdiction d’exportation de logiciels d’intrusion et des technologies pour le monitorage d’internet et des télécommunications sont souvent appliquées. De plus, en annonçant que la Commission est déjà au travail avec le SEAE pour améliorer les évaluations des impacts et les systèmes de contrôle, il a fait aussi référence au principe de responsabilité partagée: “secteur privé, société civile, gouvernements, organisations internationales et individus; on est tous responsables.”

 

Paola Tavola

 

 

Pour en savoir plus

   -. Marietje Schaake : la technologie européenne ne devrait pas contribuer à violer les droits de l’Homme http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20150828STO90932/html/Marietje-Schaake-EU-technology-should-not-be-used-to-violate-human-rights

 

     -. Droits de l’homme et technologies dans les pays tiers, Marietje Schaake http://www.europarl.europa.eu/plenary/fr/debate-details.html?date=20150907&detailBy=date

     – . Résolution du Parlement européen du 8 septembre 2015 concernant les droits de l’homme et la technologie: incidences des systèmes d’intrusion et de surveillance sur les droits de l’homme dans les pays tiers (2014/2232(INI)) (FR) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0288+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR (EN) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2015-0288+0+DOC+XML+V0//EN

       -. Résolution du Parlement européen du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de la NSA, les organismes de surveillance dans divers États membres et les incidences sur les droits fondamentaux des citoyens européens et sur la coopération transatlantique en matière de justice et d’affaires intérieures (2013/2188(INI)) http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2014-0230+0+DOC+XML+V0//FR

      -. Journalists detained in Turkey for using encryption https://edri.org/

Communication de la Commission au parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions: Stratégie pour un marché unique numérique en Europe http://ec.europa.eu/priorities/digital-single-market/docs/dsm-communication_fr.pdf

     -. Centre européen pour la liberté de presse et des medias http://www.ecpmf.eu/

     -. Articles de Nea say- Eulogos sur les lanceurs d’alerte, la NSA et l’espionnage de masse http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3598&nea=159&lang=fra&arch=0&term=0

 http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3598&nea=159&lang=fra&arch=0&term=0

http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&idnl=3598&nea=159&lang=fra&arch=0&term=0

 

 

 

 


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Comment réformer la Politique Européenne de Voisinage ? Un débat entre la société civile et les institutions en vue de la proposition de la Commission Européenne

EU-Logos Blog - dim, 13/09/2015 - 15:29

La Politique Européenne de Voisinage, l’une des plus importantes politiques structurelles de l’Union Européenne, n’a pas réussi à atteindre les objectifs qui avaient été fixés il y a onze ans, lors de son lancement. Dans le cadre d’une consultation publique lancée en mars par la Haute Représentante/Vice-Présidente de la Commission Mogherini et le Commissaire Hahn et visant à réexaminer cette politique, la Commission a pu recueillir un nombre considérable de contributions soumises par la société civile et les organisations non gouvernementales. Voici un résumé des questions principales qui animent le débat, en vue de la proposition de la Commission prévue pour le 18 novembre.

La Politique Européenne de Voisinage a été lancée par l’Union Européenne en 2004, suite à une communication de la Commission Européenne, dans un contexte profondément marqué par l’élargissement massif de l’Union survenu entre 2004 et 2007. L’idée principale derrière cette politique était de poursuivre les mêmes objectives que la politique d’élargissement, sans pourtant s’engager à donner une perspective d’adhésion aux pays concernés. Ainsi, les objectifs déclarés de la PEV étaient de « créer un espace de prospérité et de bon voisinage – un ‘cercle d’amis’ – caractérisé par des relations étroites et pacifiques fondées sur la coopération », de « créer un espace de stabilité et de prospérité partagée avec ses voisins » et d’« éviter la formation de nouvelles lignes de démarcation » entre l’Europe élargie et ses voisins. Ces objectifs devaient été réalisés à travers l’offre faite par l’Union Européenne de nouvelles perspectives d’intégration économique à des pays « partageant les valeurs et objectifs fondamentaux de l’UE », en contrepartie de « la mise en oeuvre effective des réformes politiques, économiques et institutionnelles, notamment dans l’alignement de leur législation sur l’acquis »
Du point de vue théorique, la Politique Européenne de Voisinage a été analysée à travers la théorie de la Politique Etrangère Structurelle élaborée par Stephan Keukeleire et Tom Delreux, c’est-à-dire comme une politique visant à influencer les structures dans des Etat tiers de manière durable, voire permanente. En effet, l’approche de la PEV vise à aller plus loin que celui de la politique étrangère traditionnelle dans son soutien à la transformation structurelle des partenaires dans les domaines de la démocratie, de l’Etat de droit et de l’économie de marché.
Sous cet angle, l’impact de cette politique sur les structures des voisins de l’Union a été négligeable – malgré la création de deux dimensions multilatérales complémentaires et la révision partielle effectuée en 2011 suite au Printemps arabe – et la PEV apparaît en 2015 confrontée à un nombre important de défis (pour une analyse des défauts de la PEV, voir « Vers une révision de la Politique Européenne de Voisinage », http://wp.me/py8lk-2Ku). Comme souligné par Stefan Lehne, « there is hardly any other external policy of the EU with a larger gap between its stated objectives and the actual outcome ». En bref, non seulement la PEV a mis en évidence un échec du pouvoir structurel de l’Union, mais cette dernière est de plus en plus confronté à des pouvoirs structurels concurrents dans son voisinage.

A lumière de ces échecs, le Commissaire chargé de la politique de voisinage et des négociations d’élargissement Johannes Hahn et la Haute Représentante/Vice-Présidente de la Commission Federica Mogherini ont publié, le 4 mars 2015, un document de consultation sur l’avenir de la PEV, visant à ouvrir un débat public autour d’une « réforme fondamentale » de cette politique. La consultation est restée ouverte pendant quatre mois et a permis à tout citoyen, association, ONG, think tank, université et autorité publique de fournir un avis argumenté sur comment réformer cette politique. A la fin du mois de juin, la Commission avait reçu des centaines de contributions. Ce processus culminera en l’automne, lorsque la Commission et la Haute Représentante, après avoir pris en compte les contributions reçues, présenteront leur proposition de réforme de la PEV. Cet article vise à analyser de façon comparative les points de vue exprimés par des institutions européennes et nationales, par certaines importantes contributions soumises par des instituts de recherche, ainsi que par la contribution rédigée par le groupe de travail organisé par l’Université Saint-Louis, auquel EU-Logos Athéna a participé. Cette analyse portera sur certaines questions identifiée par l’auteur comme étant des questions clés dans la réforme de cette politique, à savoir :
1) le maintien ou non d’un cadre unitaire pour la politique de voisinage ;
2) l’étendue géographique de la nouvelle politique ;
3) sa relation avec la politique d’élargissement et la question de savoir si la perspective d’adhésion devrait être donnée aux pays voisins ;
4) la relation de la nouvelle PEV avec la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) et la Politique de Sécurité et de Défense Communes (PSDC) ;
5) la pertinence des instruments actuels (accords d’associations, accords de libre-échange complets et approfondi, conditionnalité);
6) l’engagement des voisins des voisins.

Les points de vue des institutions européennes et nationales

Tout d’abord, en s’interrogeant sur l’opportunité de maintenir la PEV en tant que telle, le document de consultation publié en mars par la Commission et la Haute Représentante liste la différenciation parmi les axes prioritaires de réforme de la politique. De son côté, un rapport de la Commission Affaires Etrangères (AFET) du Parlement Européen, rédigé par Eduard Kukan (PPE, Slovaquie), insiste sur la nécessité de garder un cadre général car « l’objectif initial de créer un espace de prospérité et de bon voisinage fondé sur les valeurs et principes fondateurs de l’Union, au moyen d’une transformation structurelle en profondeur dans les pays voisins, garde toute sa pertinence ».
Le thème de la portée géographique de la nouvelle politique n’a pas fait l’objet de déclarations des institutions, sauf sous forme d’interrogation sur comment celle-ci devrait être repensée. L’Assemblée Nationale française, de son côté, recommande « que soit maintenue l’unicité de la stratégie de voisinage » pour les deux flancs Est et Sud, « mais que cette politique repose sur la différenciation » non seulement entre les deux zones géographiques mais aussi à l’intérieur de chacune. Dans la même veine, selon le Senat italien, le cadre unique devrait être maintenu.
Concernant la relation entre la politique de voisinage et l’élargissement, toutes les ambiguïtés sur la question sont maintenues. Le rapport du Parlement Européen, en reconnaissant que la PEV et la politique d’élargissement sont des politiques distinctes, rappelle néanmoins que les pays européens peuvent, aux termes de l’article 49 TUE, demander leur adhésion lorsqu’ils en remplissent les conditions. Toutefois, une étude réalisée par la Commission AFET invite clairement à donner à certains pays du Partenariat Oriental une perspective d’adhésion. La déclaration du Sommet de Riga, de son côté, ne fait que « reconnaître » les aspirations européennes des partenaires orientaux. Il est intéressant de noter, enfin, que le document de consultation ne mentionne pas la question.
Ce manque de clarté est fortement critiqué par l’Assemblé Nationale française, qui dénonce « l’ambiguïté rédhibitoire » dont souffre la PEV « en ne se distinguant pas clairement de la politique d’élargissement » et l’organisation actuelle de la Commission mêlant les deux politiques dans un même portefeuille. Pour cette raison, l’Assemblé recommande que « la distinction entre partenariat et élargissement soit clairement établie ».
En matière de rapport avec la PESC/PSDC, les visions institutionnelles sont unanimes. Le document de consultation affirme que « la PEV doit être étroitement intégrée dans une politique étrangère générale de l’UE ». De même, le rapport du Parlement Européen plaide pour qu’une « vision politique claire sous-tende les aspects techniques de la PEV » et pour une meilleure coordination entre les activités de la PEV et celles de la PESC/PSDC. Enfin, le Conseil appelle à assurer la cohérence de la PEV avec les volets sécurité et politique étrangère de l’action de l’UE.
Au niveau des Etats membres, le Senat italien prône une politique de voisinage clairement intégrée dans la PESC/PSDC et un rôle plus important pour la Haute Représentante et le Service Européen pour l’Action Extérieure dans la nouvelle politique. L’Assemblée Nationale française, elle, affirme que la gestion bureaucratique, sans vision politique, de la PEV a « une partie de responsabilité dans le déclenchement de la crise politique en Ukraine » et appelle à une intégration du volet sécuritaire et politique dans la nouvelle PEV, ainsi qu’un rôle accru pour la Haute Représentante.
Quant aux instruments, le document de consultation affirme que la PEV devrait se doter d’une « panoplie plus flexible d’instruments », et notamment : rationaliser les plans d’action, adapter le « more for more » au nouveau contexte, réfléchir à comment structurer les relations avec ces pays qui sont à présent de facto exclus de la PEV, et rendre les structures de la PEV « plus collaboratives » afin de promouvoir l’appropriation commune de cette politique. Le rapport du Parlement Européen, lui, souligne la nécessité d’imposer (sic) des conditions, car « l’UE ne peut pas transiger sur ses valeurs fondamentales ». Au cours des débats parlementaires qui ont eu lieu pendant les derniers mois, certains députés (en provenance notamment de la gauche radicale), ont, contrairement au rapport cité, critiqué l’approche euro-centrée, basée sur les incitants, de cette politique, qui ne favorise pas une relation de partenariat. Les députés socialistes, de leur côté, ont appelé au maintien d’un principe « more for more » lié aux valeurs de l’Union (pour plus d’information sur le débat parlementaire concernant la révision de la PEV, voir « La révision de la PEV à l’examen du Parlement Européen », http://wp.me/py8lk-2Mg).
Au niveau national, le Senat italien a adopté une approche très critique vers les instruments actuels. En effet, les sénateurs soulignent que « les Accords d’Association et les Accords de Libre Echange Complet et Approfondi ne peuvent pas être la seule manière de développer des relations de voisinage » et qu’il est nécessaire d’envisager de nouvelles formes de dialogue, qui soient moins contraignantes. En outre, ils insistent, les plans d’actions, les stratégies par pays et les rapports de suivi annuels sont devenus de plus en plus « encombrants », et le modèle du « more for more » devrait être assoupli.
Enfin, le document de consultation reconnaît que « bon nombre de défis que l’UE et ses voisins doivent relever ensemble ne peuvent pas l’être sans une prise en compte des voisins de ces voisins ».
De même, le Parlement insiste sur la nécessité de tenir compte des voisins des voisins. En même temps, pourtant, une étude de la Commission AFET souligne que des initiatives politiques inclusives visant à engager la Russie dans des formes nouvelles de coopération avec les partenaires orientaux et l’UE « sont simplement impossibles » dans les circonstances actuelles.
L’Assemblée Nationale française recommande que l’UE « approfondisse ses liens avec les voisins des voisins », et notamment la Russie, les pays du Golfe, d’Afrique Subsaharienne et d’Asie Centrale, et « qu’elle prenne également en considération les formes d’intégration régionale telles que l’Union Economique Eurasiatique ». Le Senat italien, enfin, souligne que le dialogue doit inclure, concernant le voisinage Sud, les pays d’origine des migrants (notamment dans le Sahel ou le Corne de l’Afrique). Quant au voisinage Est, souligne le Senat, il apparaît « crucial d’établir un dialogue plus étroit et systématique avec la Russie ». Selon la Chambre, en effet, cela n’a pas toujours été le cas, comme le témoigne l’exemple de l’Accord d’Association avec l’Ukraine, « conclu sans prendre en considération les préoccupations légitimes de la Fédération Russe ».

Les points de vue des académiques et des experts

Parmi les contributions des experts analysées, certaines comme celle de Hrant Kostanyan (Centre for European Policy Studies, CEPS) prônent le maintien d’un cadre unitaire pour la Politique Européenne de Voisinage – dans sa vision, scinder la politique de voisinage signifierait compromettre le consensus parmi les Etats membres. Michel Foucher et Gilles Lepesant (Fondation Robert Schuman), eux, affirment que « plus que le cadre global de la Politique Européenne de Voisinage […] c’est le niveau intermédiaire (Partenariat Oriental et Union pour la Méditerranée) qui s’apparente à un instrument bureaucratique superflu ». Cette vision n’est pas partagée par Iskra Kirova et Sabine Freizer (Open Society Foundations) et par Grzegorz Gromadzki et Bastian Stendhardt (Friedrich Ebert Stiftung – Batory Foundation) qui recommandent le maintien du Partenariat Oriental. Au contraire, Michael Leigh (German Marshall Fund) invite à laisser tomber l’étiquette PEV et à mettre en place des stratégies individuelles pour chaque pays ou région (« There is a strong case for dropping the ENP branding altogether »).
Dans la même veine, Stefan Lehne (Carnegie Europe) plaide pour l’engagement des voisins selon une « géométrie variable » en fonction des domaines traités et pour la mise en place de politiques de voisinage multiples. En effet, explique-t-il, engager le voisinage dans son entièreté n’a pas de sens en raison de son hétérogénéité. De son côté, Eneko Landaburu (Notre Europe) considère que la différenciation s’impose « au risque de remettre en cause […] peut être même le concept d’une politique de voisinage en tant que telle ». Pourtant, il conclut, « plutôt que s’engager dans un débat sémantique, conceptuel et théorique, il conviendrait mieux d’examiner à la fin de l’exercice de ‘refondation’ ce qu’il reste d’éléments communs à tous les pays concernés. Sur cette base nous pourrons évaluer si le maintien d’une seule politique, englobant les voisins du sud et de l’est, a encore un sens ».
D’autres institutions, comme l’Institut IEMed et l’European Council on Foreign Relations (ECFR) prônent deux politiques séparées pour l’Est et le Sud. Cette diversité se reflète aussi dans l’étendue géographique souhaitée pour cette politique. En effet, certains contributeurs soutiennent que celle-ci devrait inclure également des régions telles que l’Asie Centrale, le Moyen Orient, les pays du Golfe, le Sahel et la Corne de l’Afrique.
Une question épineuse dans le débat c’est l’opportunité de donner une perspective d’adhésion aux pays voisins. Ainsi, pour certains experts (comme Eka Tkeshelashvili du GMF, Pasquale De Micco du think tank du Parlement Européen, ou G. Gromadzki et B. Stendhardt) l’Union devrait accorder une telle perspective à la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine une fois que les Accords d’Association en vigueur auront été mis en oeuvre. Tobias Schumacher (Egmont), lui, souligne l’importance de donner à ces pays un objectif ultime – qui n’est pas nécessairement celui de l’adhésion.
Concernant la relation de la nouvelle PEV avec la PESC et la PSDC, plusieurs auteurs (E. Landaburu, Senén Florensa de l’Institut IEMed, Nick Witney et Susi Dennison de l’ECFR) plaident pour que le réexamen de la PEV soit fait en liaison avec celui de la Stratégie Européenne de Sécurité. En effet, selon ces experts, c’est important que la PEV ait une approche plus politique et moins bureaucratique, et que la dichotomie actuelle entre les relations extérieures de l’UE et sa politique étrangère soit éliminée pour faire en sorte que la PEV soit une partie intégrante de la PESC.
Quant à la pertinence des instruments actuels, les contributions analysées présentent une variété de visions. Si d’un côté certains auteurs sont favorables au maintien d’une conditionnalité positive (E. Tkeshelashvili, S. Florensa) et négative (G. Gromadzki et B. Stendhardt, Suzana Carp et T. Schumacher de l’Institut Egmont), basée sur l’adhésion aux normes européennes (Alina Inayeh et Joerg Forbrig du GMF) et sur les critères de Copenhague, d’autres avertissent que la conditionnalité ne devrait pas avoir pour effet de bloquer de plus étroites relations (E. Landaburu). Pour M. Leigh, de son côté, le modèle entier de la politique d’élargissement, ainsi que les instruments des Accords de Libre Echange Complet et Approfondi, ne sont pas appropriés pour la PEV. En outre, souligne-t-il, les réformes en matière de droits de l’homme, Etat de droit et démocratie ne devraient pas être des conditions préalables pour travailler avec les voisins sur des sujets d’intérêt mutuel. M. Lehne, lui, affirme que l’UE devrait accepter qu’il existe des situations où les intérêts à la fois de l’UE et du pays partenaire requièrent un engagement plus fort quel que soit le niveau de réformes.
Enfin, la nécessité d’engager les voisins des voisins dans la nouvelle politique fait un large consensus parmi les experts, avec de rares exceptions. Concernant la Russie, une étude réalisée par P. De Micco pour le Parlement Européen souligne que, quelle que soit la forme de la nouvelle politique, des négociations commerciales entre l’UE et la Russie seront nécessaires et que l’UE se doit de répondre aux préoccupations de la Russie. De même, d’autres auteurs mentionnent la nécessité d’ouvrir des discussions techniques avec l’Union Economique Eurasiatique (H. Kostanyan) et plus généralement d’impliquer Moscou dans un dialogue sur le voisinage commun (M. Leigh, S. Lehne, M. Foucher et G. Lepesant). Plus précisément, soulignent M. Foucher et G. Lepesant, il faut « convaincre les élites russes que la politique de voisinage ne participe en aucun cas d’une logique de containment » – à cet égard, il est intéressant de noter qu’une étude de la Commission AFET parle de la politique de sanctions de l’UE vis-à-vis de la Russie comme d’un outil de containment de cette dernière. Pour E. Tkeshelashvili, l’implication d’un acteur ayant des intérêts géopolitiques concurrents aurait pour effet de lui donner un pouvoir de veto sur cette politique de l’UE.
En général, l’importance d’engager les autres voisins des voisins est amplement reconnue par les experts. A cet égard, S. Lehne mentionne la Turquie, la Russie, l’Arabie Saoudite et le Qatar, mais aussi d’autres importants acteurs tels que les Etats-Unis et la Chine. M. Leigh, lui, parle de la Turquie, de l’Asie Centrale des pays du Golfe et des Etats-Unis.

La contribution du groupe de travail de l’Université Saint-Louis

Pendant les derniers mois, EU-Logos Athéna a eu la possibilité de donner son apport à travers sa participation à un groupe de travail organisé par l’Institut d’Etudes Européennes de l’Université Saint-Louis, regroupant des experts de très haut profile tels que René Leray, Pierre Mirel, Olivier Kempf, Georges Estievenart et Jacques Keller-Noellet. La contribution remise par le groupe de travail a été énormément enrichie par les points de vue de ces experts, qui ont introduit dans le débat des idées parfois divergentes.
En général, deux options ont été identifiées pour le réexamen de la PEV : une réforme du cadre actuel ou une refonte plus radicale. Dans le premier cas, le cadre unitaire et le champ géographique seraient maintenus inchangés, et la réforme porterait plutôt sur les instruments de cette politique – par exemple, pendant les discussions Pierre Mirel mettait en évidence que le modèle accords d’association/DFCTA n’est pas le modèle adéquat pour tous les voisins – et sur l’engagement des voisins des voisins.
Dans le deuxième cas, vers lequel la plupart des contributeurs semblent orientés, le champ du voisinage devrait être élargi à « tous les pays/acteurs politiques situés sur le pourtour de l’UE dont le comportement peut affecter, directement ou indirectement, ses intérêts essentiels et sa sécurité ». Par ailleurs, dans ce cas la politique de voisinage devrait être reconduite dans le champ de la politique étrangère au sens large, pour « devenir une partie intégrante de la ‘grande stratégie’ de l’UE », tout en gardant sa spécificité. En effet, « qu’on le veuille ou non, les pays voisins restent d’abord et avant tout des pays étrangers à l’Union », et « il n’y a pas de différence de nature entre la politique de voisinage et la politique étrangère mais une différence d’intensité ».
Une telle conception de la politique de voisinage aurait d’importantes répercussions au plan pratique, à savoir la nécessité d’envisager un portage au niveau du Conseil Européen et une « refonte du dispositif actuel sous l’égide de la politique étrangère et de la politique de sécurité/défense, en parallèle avec la relance de cette dernière ». Ces deux conceptions différentes reflètent les diversités apparues pendant les débats du groupe de travail : si d’un côté pour certains il faudrait une véritable refonte (Georges Estievenart, René Leray) visant à clarifier les objectifs et à compléter cette politique, pour d’autres l’UE ne pourrait faire mieux que de la réformer (Pierre Mirel).
Enfin, la question d’une éventuelle perspective d’adhésion pour les voisins a fait l’objet de discussions animées au cours des réunions du groupe de travail, les points de vue des participants étant très différents. En effet, certains considéraient que l’élargissement ne serait pas la bonne solution ni pour l’UE ni pour l’Ukraine (Christine Dugoin-Clément et Dmytro Ostroushko), tandis que d’autres estimaient que l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie devraient être intégrées dans une perspective d’élargissement (Georges Estievenart). En raison de ces divergences, la contribution finale se limite à plaider pour que les ambiguïtés qui affectent à présent la PEV soient éliminées.
En conclusion, la consultation publique ouverte par la Commission et la Haute Représentante a donné lieu, surtout parmi les experts, à un débat animé et riche de points de vue différents. Il reste à voir ce que la Commission va en tirer lors de la présentation de sa propre proposition pour une nouvelle politique de voisinage, proposition attendue pour le 18 novembre 2015.

Giulia Bonacquisti

 

Pour en savoir plus :

– Accès aux contributions soumises sur le site web de la consultation (EN) : http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/index_en.htm

– Document de consultation sur la PEV
(FR) : http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/consultation_french.pdf
(EN) : http://ec.europa.eu/enlargement/neighbourhood/consultation/consultation.pdf

– Conseil de l’Union Européenne, Conclusions sur le réexamen de la Politique Européenne de Voisinage
(FR) : http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/04/20-council-conclusions-review-european-neighbourhood-policy/
(EN) : http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2015/04/20-council-conclusions-review-european-neighbourhood-policy/

– Joint Declaration of the Eastern Partnership Summit (Riga, 21-22 May 2015), (EN): http://www.consilium.europa.eu/en/meetings/international-summit/2015/05/21-22/

– Parlement Européen, Direction générale des politiques externes de l’Union, Commission Affaires Etrangères (2015), “The Eastern Partnership after five years: time for deep rethinking”, (EN): http://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2015/536438/EXPO_STU(2015)536438_EN.pdf

– Parlement Européen (2015), “Projet de Rapport sur la révision de la Politique Européenne de Voisinage”, (2015/2002(INI))
(FR) : http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/afet/pr/1053/1053316/1053316fr.pdf
(EN): http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/afet/pr/1053/1053316/1053316en.pdf


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Juncker: «accueillir les réfugiés, un devoir européen»

Coulisses de Bruxelles - sam, 12/09/2015 - 10:59

L’Union européenne affronte, depuis le début de l’année, une crise qu’elle redoutait depuis longtemps, celle d’un afflux brutal et massif d’étrangers impossible à endiguer. Ce sont, en effet, 500.000 personnes qui ont franchi ses frontières extérieures en huit mois, un chiffre sans précédent depuis les années 50. Si une très grande majorité a vocation à obtenir le statut de réfugié, puisque ces personnes fuient des zones de guerre (Syrie, Irak, Afghanistan) ou de persécutions (Érythrée), d’autres sont simplement à la recherche d’une vie meilleure. Face à ce défi, et après les premières réactions désordonnées, très souvent égoïstes, car marquées par les agendas politiques nationaux, les Européens semblent désormais décidés à y répondre ensemble, écartant tout repli sur le « réduit national » comme l’y incitent les partis europhobes et eurosceptiques. « Il n’y aura pas de remise en cause de Schengen » supprimant les frontières intérieures, a ainsi martelé, hier devant le Parlement européen réuni à Strasbourg, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, lors de son discours annuel sur « l’état de l’Union ». Il a, au passage, relativisé la vague actuelle : elle ne représente que 0,11 % de la population de l’UE, alors que les réfugiés représentent 25 % de celle du Liban qui, avec la Turquie, la Jordanie et l’Égypte, accueillent 98 % des réfugiés syriens.

L’Union de 2015 est, quoi qu’il en soit, autrement mieux armée que la Communauté économique européenne des années 80 pour répondre à cette crise humanitaire. En 1989, lors de la chute du mur de Berlin, suivi par l’effondrement du communisme, les Douze de l’époque ont bien cru qu’ils allaient devoir affronter une déferlante venue de l’est. Les flots d’Allemands de la RDA fuyant vers l’ouest par la brèche ouverte par le régime communiste hongrois de l’époque avaient marqué les esprits. Pierre Joxe, à l’époque ministre de l’Intérieur de François Mitterrand, n’hésitait pas à dresser à ses visiteurs un tableau apocalyptique de hordes affamées de démocratie et de richesse qui ne manqueraient pas de s’installer dans nos contrées. Il ne s’est en réalité rien passé, mais cette peur a poussé les Européens à partager leur souveraineté en matière d’asile et d’immigration afin de faire front ensemble. Personne n’imaginait alors qu’un pays pourrait affronter seul une vague migratoire d’importance. Et pourtant, à l’époque, les frontières intérieures existaient bel et bien (elles ne seront supprimées qu’à la mi-1995)…

C’est à la lumière de cette grande peur que le système de Schengen a été imaginé : contrôle en profondeur de part et d’autre des frontières, renforcement des frontières extérieures, création d’une série de fichiers informatiques (Système d’information Schengen, Eurodac pour les empreintes des demandeurs d’asile, etc.), mise en commun des visas, harmonisation des contrôles, convention de Dublin sur le pays responsable du traitement d’une demande d’asile, etc. Les Européens ne se sont pas arrêté là et ont continué, depuis 1997 et le traité d’Amsterdam, à transférer leurs compétences en matière d’asile et d’immigration au niveau européen : aujourd’hui, l’arsenal législatif adopté depuis 15 ans est quasiment complet. On est donc loin de la caricature qui est faite de l’espace Schengen et plus généralement de la politique de l’Union en matière d’asile et d’immigration : Pierre Joxe et ses successeurs, loin d’avoir désarmé en matière de contrôle des étrangers, ont fait l’exact contraire. Derrière la symbolique suppression des contrôles aux frontières intérieures se cache en réalité un maillage du territoire européen qui tient davantage de la fameuse « forteresse » que craignait et dénonçait la gauche dans les années 80 que de l’espace de libre circulation ouvert à tout vent…

Il sera donc difficile d’aller beaucoup plus loin. « Nous pouvons construire des murs, nous pouvons ériger des clôtures », s’est exclamé hier Jean-Claude Juncker : « Mais imaginez un instant que ce soit vous qui vous trouviez dans cette situation, votre enfant dans les bras, et tout votre univers qui s’écroule. Il n’y a pas de prix que vous ne seriez prêt à payer, pas de mur, de mer ou de frontières que vous ne seriez prêt à franchir pour fuir la guerre ou la barbarie ». Des murs qui seraient contraires au droit d’asile, l’une des valeurs fondamentales d’une Europe « où presque chacun a un jour été réfugié », comme l’a rappelé Juncker : « notre histoire commune est marquée par ces millions d’Européens qui ont fui les persécutions religieuses ou politiques, la guerre, la dictature ou l’oppression ». Autrement dit, l’Union a un devoir d’accueil comme l’a démontré de façon magistrale la chancelière Angela Merkel, qui a vécu de l’autre côté du rideau de fer, en ouvrant ses frontières. Juncker a donc appelé hier les États à « la solidarité collective à l’égard des réfugiés » afin de « gérer » une crise humanitaire que nul ne peut endiguer par des mesures répressives.

Reprenant sa proposition de mai dernier sur la répartition, selon une clef obligatoire, du traitement des demandes d’asile entre les pays européens (sauf la Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark qui ne participent pas à la politique d’asile et d’immigration) rejetée en juin dernier par une majorité d’États, dont la France, Juncker a proposé de l’amplifier vu l’aggravation de la crise : ce ne sont plus 40.000 dossiers dont il faudra soulager l’Italie, la Grèce et la Hongrie, mais 160.000 (sur deux ans), dont 24.000 pour la France. Paris, entrainé par Berlin, s’est rallié à ce mécanisme, comme l’a annoncé lundi François Hollande lors de sa conférence de presse. Les pays d’Europe de l’Est, terres d’émigration et non d’immigration, y demeurent rétifs, mais comme l’a souligné Juncker, « demain », « les réfugiés pourraient tout aussi bien venir d’Ukraine »

Au-delà de la crise humanitaire actuelle, l’Union doit aussi réfléchir à sa politique d’immigration, sauf à se résoudre à voir périr en Méditerranée des centaines de migrants économiques tout aussi respectables que les réfugiés. Jean-Claude Juncker a appelé les Etats à ouvrir « des canaux légaux de migration », car cela permettra de « mieux gérer la migration » et « de rendre moins attrayante l’activité illégale des trafiquants d’êtres humains ». « La migration doit cesser d’être un problème pour devenir une ressource bien gérée », sur les modèles américain, canadien ou australien. Les États oseront-ils affronter leurs opinions publiques sur ce point nettement moins consensuel ?

N.B.: version longue de l’article paru dans Libération du 10 septembre

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