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Updated: 1 month 2 weeks ago

Remettre d’aplomb l’accord sur le nucléaire iranien. Pas facile. Six ans ont passé. La méfiance s’est installée (Enrique Mora)

Tue, 11/05/2021 - 14:22

(B2) Pourquoi les pourparlers de Vienne sur le nucléaire iranien sont si complexes ? Comment Iran et USA se sont éloignés aussi vite ? Pourquoi est-ce important pour les Européens ? Un des principaux acteurs du processus s’explique. Un point de vue rare, à lire avec attention, pour bien comprendre tous les enjeux de cette négociation

Dans un article publié fin avril dans Politica Exterior, revue espagnole spécialisée sur les questions diplomatiques, le directeur politique du service diplomatique européen (SEAE), Enrique Mora, décrit toute la complexité de négocier un nouvel accord là où il n’y a normalement … « rien à négocier. Tant les engagements nucléaires que les sanctions à lever sont expressément inclus dans le JCPOA. ». Le tout face aux hostilités et réticences qui existent non seulement à Téhéran et à Washington, mais aussi dans les capitales arabes. « Cette méfiance marque le format des négociations, l’impossibilité pour la partie iranienne de rencontrer physiquement la délégation américaine ».

Autre notion à prendre en compte : le temps écoulé depuis la signature de l’accord (en 2015) et les changements géopolitiques depuis. « Il est complexe de gérer une négociation dans laquelle le texte a été approuvé par les parties [et qui] maintenant, étant le même dans son sens littéral, génère des perceptions différentes. »

Une négociation sur le fil du rasoir

Deux négociations en une

En fait, il n’y a pas une négociation, mais bien « deux processus parallèles » en cours à Vienne. La première est assez « formelle », au sein de la Commission mixte, qui rassemble les six participants à l’accord (France, Allemagne, Royaume-Uni, Chine, Russie et l’Iran), plus l’Union européenne qui assure à la fois la présidence et la coordination de la réunion. C’est, en effet, le Haut représentant de l’UE, Josep Borrell, qui a été désigné comme le coordinateur de la commission. Le second processus, beaucoup plus informel, se déroule entre l’Iran et les États-Unis, par intermédiaire interposé.

Iran et USA discutent par l’intermédiaire de l’UE

C’est ce qu’on appelle « des négociations de proximité dans le jargon diplomatique », une modalité dans laquelle les parties n’ont « pas de réunions en face à face en raison de limitations politiques », mais sont dans le même espace physique. En l’espèce, ils sont « tout près », à quelques dizaines de mètres de distance, dans deux hôtels situés sur le Kärntner Ring viennois, discutant par l’intermédiaire du coordinateur de l’UE qui joue « ici le rôle de facilitateur ».

Enjeu : rétablir l’équilibre délicat d’origine

L’objectif des deux processus est le même : faire du JCPOA un accord « opérationnel et efficace ». Pour ce faire, « il est nécessaire de rétablir l’équilibre délicat sur lequel il a été fondé à l’origine : la garantie que le programme nucléaire iranien est exclusivement à des fins civiles, d’une part, et la levée des sanctions imposées par la communauté internationale, de l’autre ». Ces sanctions ont été adoptées lorsque la suspicion d’un programme militaire s’est avérée « plus que fondée ».

Les effets dévastateurs sur l’accord de la politique ‘Trump’

La politique de pression maximale a échoué

« L’équilibre s’est effondré lorsque l’administration de Donald Trump a abandonné l’accord, a réimposé les sanctions précédemment levées et en a ajouté beaucoup d’autres dans le cadre de la soi-disant ‘politique de pression maximale‘ ». Une politique qui « a échoué dans son objectif de ramener l’Iran à la table de négociations et de forcer la République islamique à accepter ce que l’administration américaine précédente considérait comme un accord plus favorable ».

L’effet négatif des sanctions extraterritoriales

Les effets sur l’économie iranienne ont été « dévastateurs ». De pair avec la nature « extraterritoriale » des sanctions américaines, elles ont conduit au « retrait de pratiquement tous les acteurs économiques internationaux et à une sécheresse prolongée des investissements ou des relations commerciales ». Malgré cela, la République islamique a « continué de respecter l’accord pendant un peu plus d’un an ». Un point souvent peu mis en avant dans les négociations.

Le dérapage nucléaire iranien

L’Iran a « finalement » commencé à prendre des décisions nucléaires qui « s’écartaient clairement » du JCPOA. Ces derniers mois, ces décisions ont été accélérées avec des décisions d’une « gravité incontestable », comme l’enrichissement à 60% ou la production d’uranium métal. Toutes ces décisions, et celles en cours, sont intégrées dans les pourparlers de Vienne en tant que « questions à résoudre ». « Ce n’est pas le moindre des problèmes que l’objectif des pourparlers évolue à mesure que l’Iran adopte de nouvelles mesures. Le but bouge pendant que le jeu est joué. »

Les principaux obstacles, politiques, de la discussion

Une série « d’obstacles » émaillent la discussion. « Dans les deux capitales, l’accord a probablement plus de détracteurs que de partisans. » Les raisons sont diverses.

Le prisme américain d’Israël et du Golfe

Aux États-Unis, à « l’hostilité historique » envers la République islamique, s’ajoute un courant de pensée « fortement influent au Congrès, plus soucieux d’adapter la politique américaine aux intérêts de son allié le plus important dans la région que d’analyser l’intérêt national américain au Moyen-Orient ». L’administration Trump a été le « paradigme de ce courant de pensée, subordonnant les relations entre les États-Unis et les pays arabes aux intérêts légitimes d’Israël ».

Le patriotisme nationaliste en Iran

En Iran, derrière l’enjeu nucléaire se reflète, une « tendance fondamentale depuis quelques années » : le remplacement de l’idéologie islamique, « beaucoup moins attrayante pour les générations suivantes par un nationalisme qui a toujours eu un impact énorme sur l’opinion publique iranienne ». De ce point de vue, « toute limitation du programme nucléaire , que personne ne prétend publiquement être militaire, » est considérée comme une « ingérence inacceptable ». « Le soi-disant ‘exemple nord-coréen’ n’échappe pas non plus à cette perception. » Cette situation de « désaffection » se traduit, « avec une force perceptible à chaque minute de la négociation, par la peur « d’aller trop loin » dans les propositions, que ce soit en termes de levée des sanctions ou de retour aux engagements nucléaires. »

Une méfiance extraordinaire entre Téhéran et Washington

Le « deuxième obstacle » est « l’extraordinaire méfiance » entre les États-Unis et l’Iran, qui « remonte à des décennies, et que l’administration Trump a considérablement aiguisée ». Cette méfiance « marque le format des négociations, l’impossibilité pour la partie iranienne de rencontrer physiquement la délégation américaine sur ordre exprès du guide suprême, et donc les pourparlers de proximité. » Mais cela pourrait aussi « marquer les résultats possible ».

L’hostilité arabe et israélienne

Troisième obstacle : « l’extraordinaire hostilité » à l’accord d’une « bonne partie des pays arabes et, bien entendu, d’Israël ». « Mais là aussi, quelque chose est en train de changer. Un bon exemple en est les déclarations de Rayd Krimly, directeur de l’analyse et des prévisions au ministère saoudien des Affaires étrangères, qui place désormais la restauration de l’accord comme une première étape et non comme quelque chose de négatif, rejetable, politique officielle du royaume jusqu’à là ». Même du côté israélien, il « existe des mouvements de personnalités prestigieuses qui ont occupé des rôles importants dans la politique étrangère et de sécurité israélienne ».

Une négociation à haut risque politique pour chacun

Participer aux pourparlers demande à chaque gouvernement « d’investir un capital politique considérable » pour les mener à bien. A cela, il faut ajouter la « parfaite asymétrie » des situations politiques. On a un président (Joe Biden) qui « débute » à Washington et un président (Hassan Rohani) qui « arrive en fin de mandat » à Téhéran.

Négocier sur quoi ?

Un élément marquant de cette négociation, est que normalement « il n’y a rien à négocier ». Tant les engagements nucléaires que les sanctions à lever sont « expressément inclus dans le JCPOA. Certaines discussions pour revenir à l’accord devraient se limiter à la prise de procès-verbaux du retour à l’accord. Et pourtant, ce n’est pas si simple. » 

L’effet ‘usure’ du temps

La difficulté vient, « du temps écoulé » depuis la signature de l’accord (six ans !), « des expériences des parties, très négatives dans le cas iranien, et des perceptions que le temps a suscitées dans un contexte de profonde méfiance ». Sans parler « du changement géopolitique depuis janvier 2015 », qui se traduit également par « des attitudes différentes des autres participants » à l’accord. Il est « complexe de gérer une négociation dans laquelle le texte a été approuvé par les parties et maintenant, étant le même dans son sens littéral, il génère des perceptions différentes ».

Le retrait non prévu d’un partenaire

La première chose que le temps a apportée, était « quelque chose à laquelle, apparemment, personne ne s’attendait : le retrait de l’une des parties ». Inattendu. La preuve : à « aucun moment, il n’a été proposé d’introduire des dispositions à cet égard dans l’accord, ce qui est courant dans d’autres instruments internationaux ». Au-delà des effets immédiats sur l’accord, ce retrait a des conséquences politiques sur la négociation du retour. « Ce qui exigeait auparavant un changement de régime, maintenant un simple changement de gouvernement suffit. »

La polarisation américaine

Cette « polarisation » aux États-Unis, qui se traduit par « des virages brusques, parfois à 180 degrés, de la politique étrangère », a eu des effets « dévastateurs » pour le JCPOA. La partie iranienne cherche aujourd’hui à « avoir la garantie que cela ne se reproduira plus, qu’il n’y aura pas d’autre retraits à l’avenir, ou du moins qu’il y aura des garanties pendant plusieurs années pour les acteurs économiques ». Obtenir une telle garantie est « hautement improbable ». Difficile d’empêcher en effet « le jeu démocratique de l’alternance » en vigueur aux États-Unis.

L’acquisition d’un savoir-faire nucléaire ineffaçable

Si Téhéran a toujours été soucieux de souligner que toutes des décisions « contraires à l’accord nucléaire », étaient « réversibles » — avec l’argument ‘nous pouvons arrêter d’enrichir de l’uranium à tout moment et revenir à la limite fixée dans l’accord’ —, ses avancées scientifiques, elles, semblent peu réversibles. « Quiconque connaît la thermodynamique connaît l’irréversibilité existentielle inhérente à tout processus projeté dans le temps ». « Je crains qu’il n’y ait pas d’exception ici. Pour ne citer qu’un exemple, les connaissances acquises par les scientifiques iraniens sont irréversibles. Ils en ont donné une bonne preuve dans la vitesse et en fait, ils ont renoncé à l’accord en seulement trois mois. »

Une leçon pour l’Union européenne

Dans cette négociation, l’Union européenne accomplit deux choses à la fois. Elle coordonne les négociations multilatérales et facilite les négociations bilatérales (entre USA et Iran), et elle défend son intérêt pour la non-prolifération et la stabilité au Moyen-Orient. « Il existe peu de précédents à cette dualité. C’est un élément à ajouter au débat en cours sur la pertinence de l’UE dans un environnement géopolitique différent, beaucoup plus complexe. » « C’est une leçon pour l’Union européenne »

Propos d’Enrique Mora – traduits et mis en évidence pour plus de lisibilité par NGV – titres et intertitres sont de la rédaction.

Repris avec l’autorisation de l’auteur et de Politica Exterior

Lire aussi : Le café de Vienne meilleur pour l’esprit diplomatique ?

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Categories: Défense

Dernières nouvelles des missions et opérations de maintien de la paix de l’UE – PSDC (avril 2021)

Sun, 09/05/2021 - 12:05

(B2) La formation des forces de police et des forces armées fait partie de l’ADN des missions de l’UE. Ce mois-ci encore, quelques actions notables en Irak, Libye, en Somalie. Ce que l’on connaît moins ce sont les actions menées en direction de la population, comme en Bosnie-Herzégovine ou en Ukraine…

Mariupol (Ukraine). Rapprocher la police de la population 

La mission de conseil aux forces de sécurité intérieure ukrainiennes (EUAM Ukraine) a participé à l’aménagement du premier « Open Police Hub » de la ville de Mariupol, la deuxième plus grande ville de la région de Donetsk. L’objectif est de faciliter le dialogue entre la police et la société civile et participer à rétablir la confiance du public dans la police. Le chef d’EUAM Ukraine, le Finlandais Antti Hartikainen, était dans la région pour lancer ce projet. Détails ici

(crédit : EUAM Ukraine/B2)

Bagdad (Irak). Ajuster la réaction en cas de manifestations

Alors que les manifestations sont récurrentes en Irak, « l’équilibre entre le droit de manifester pacifiquement, les impératifs de sécurité publique et le maintien de la loi et de l’ordre est essentiel au processus démocratique », rappelle la mission de l’UE de conseil à la sécurité intérieure (EUAM Iraq). Elle a pour cela organisé un atelier sur le maintien de l’ordre en cas de manifestation, avec les premiers concernés (ministère, commandement des forces de l’ordre, etc.). Détails ici

(crédit : EUAM Irak)

Libye. Entrainer à réagir aux risques terroristes

Des officiers de police libyens ont participé à un cours d’expertise d’explosifs dispensé par les policiers italiens, avec le soutien de la mission de l’UE d’assistance frontalière à la Libye (EUBAM Libya). Ce cours fait partie des formations antiterroristes dispensées aux partenaires libyens. Détails ici

(crédit : EUBAM Libya)

Somalie. Formations communes entre police et militaire, plus qu’un symbole

La police somalienne et l’armée nationale (SNA) ont fait formation commune, pendant six semaines, à la détection et à la destruction des engins explosifs improvisés. Une première, se félicitent les missions de l’UE de soutien aux forces de sécurité intérieure (EUCAP Somalia) et aux forces militaires (EUTM Somalia), en soutien de cette initiative. « Le cours, axé sur la coopération entre l’armée et la police, devrait permettre à la SNA et aux unités Darwish de la police somalienne d’acquérir des connaissances supplémentaires pour travailler ensemble lors de manœuvres dans les zones récupérées par Al Shabab ». Détails ici 

(crédit : EUCAP Somalia)

Niger. Deuxième compagnie mobile de contrôle de frontières terrestres, fluviales et lacustres

La nouvelle compagnie mobile de contrôle des frontières (CMCF) devient opérationnelle en mai. C’est la deuxième mise en place par l’Etat nigérien, avec le soutien de la mission UE de soutien aux forces de sécurité intérieure (EUCAP Sahel Niger), et le soutien financier de l’Allemagne et des Pays-Bas. La CMCF compte environ 250 femmes et hommes, répartis en cinq sous-unités. Détails ici

(crédit : EUCAP Sahel Niger/Andre Spangenberg)

Bosnie-Herzégovine. Covid-19 oblige, la prévention contre les mines se fait en ligne

L’opération de stabilisation en Bosnie-Herzégovine (EUFOR Althea) s’est associée au centre d’action contre les mines de Bosnie-Herzégovine (BH MAC) et aux forces armées de Bosnie-Herzégovine (AFBiH) pour une campagne virtuelle de sensibilisation aux dangers des mines. C’est la parade imaginée face à l’impossibilité pour les équipes d’observation de liaison d’EUFOR de se rendre dans les écoles, les associations et les clubs comme les années passées, pour sensibiliser les jeunes et moins jeunes aux risques liés aux restes explosifs de guerre et apprendre à réagir au cas où… L’avantage, c’est que tout le monde peut en profiter. Détails ici et vidéo

Kosovo. Apporter des réponses aux pères, mères, frères et soeurs de disparus

(crédit : EULEX Kosovo) 

Le 27 avril marquait la Journée nationale des personnes disparues au Kosovo. L’occasion de mettre l’accent sur le laborieux travail de recherche et d’identification des 1639 personnes encore portées disparues, l’une des activités phares de la mission « État de droit » de l’UE au Kosovo (EULEX). Détails ici. À relire, le reportage de B2, dans les cimetières de Mitrovica.

Méditerranée. Une conférence au long cours

Pour l’opération de contrôle de l’embargo sur les armes vers la Libye (EUNAVFOR Med Irini), c’est l’heure de la réflexion. Principal enjeu du SHADE MED (Shared Awareness and De-confliction in the Mediterranean), la conférence annuelle destinée à partager la connaissance et la déconfliction en mer Méditerranée. Deux premiers débats en ligne ont eu lieu au mois d’avril. L’un (le 19 avril) sur ‘la politique européenne en Libye’, le deuxième (le 28 avril), sur les ‘nouveaux défis géopolitiques dans une Méditerranée en évolution’. D’autres dates sont programmées jusqu’en juin. Détails et vidéos ici

(crédit : EUNAVFOR med Irini/B2)

Océan indien. Des nouvelles maritimes à partager

L’opération de lutte contre la piraterie maritime au large de la Somalie (EUNAVFOR Atalanta) publie son premier périodique (2 pages), qu’elle espère « utile et informatif ». Il s’adresse à toute la communauté maritime. Le numéro mars-avril est téléchargeable ici et pour s’abonner c’est .

(crédit : EUNAVFOR Atalanta/B2)

Koulikoro et Bamako (Mali). Josep Borrell sur le terrain 

Retour en quelques images sur la visite du camp de Koulikoro de l’EUTM Mali (détails ici) et du QG de l’EUCAP Sahel Mali (détails ici) par le Haut représentant de l’UE, le 24 avril, à l’occasion d’un déplacement au Mali, en Mauritanie et au Tchad. 

(crédit : EUCAP Sahel Mali – EC – Michele Catani)

(informations recueillies par Emmanuelle Stroesser)

NB : Pour tout connaitre ou réviser, n’hésitez pas à vous procurer notre ouvrage sur la PSDC

Lire aussi sur le B2 Pro (parus en avril) :

Et sur le blog : 

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Categories: Défense

Mozambique. Il faut agir ! Les Européens vont former les forces spéciales (João Gomes Cravinho)

Fri, 07/05/2021 - 22:55
Le ministre portugais de la Défense Joao Cravinho (© NGV / B2)

(B2 – exclusif) Les ministres de la défense de l’UE ont donné jeudi le feu vert à la planification d’une mission de formation militaire au Mozambique. Le ministre portugais João Gomes Cravinho nous explique les tenants et aboutissants de cette nouvelle mission de la PSDC qui devrait être mise sur pied en 2021

La question du Mozambique figurait à l’agenda de la réunion des ministres de la Défense jeudi (6 mai), parmi d’autres points d’actualité comme le Sahel ou la Libye…

Le Haut représentant a parlé d’un sentiment d’urgence disant que les Européens devaient s’engager. Vous partagez ce point de vue ?

— Il faut agir oui. Dans la région du Cabo Delgado [au Nord du Mozambique], nous voyons à la fois des dynamiques locales particulières et des dynamiques internationales, liées à ce qui se passe en Somalie ou au Sahel. C’est toujours comme çà quand il y a des incursions terroristes : on a des raisons internationales et une alliance locale…

Si on n’agit pas, il y aurait un risque alors ?

— C’est vraiment un risque tout comme à plusieurs endroits du Sahel. Depuis un an, la ville de Mocímboa da Praia [dans le Nord près de la Tanzanie] est déjà non pas gouvernée, mais contrôlée par les groupes terroristes. Et ce pourrait être de pire en pire. Nous risquons d’avoir un territoire entièrement contrôlé par des groupes terroristes. C’est vraiment inacceptable. On ne peut pas tolérer que des portions de territoire échappent ainsi à la souveraineté du gouvernement.

Vous avez l’impression que vos collègues ministres ont bien saisi cet enjeu ?

— Tout le monde l’a bien compris.Beaucoup de ministres – trois-quart au moins de ceux qui sont intervenus — y ont fait référence lors de leurs interventions. Nous devons mettre en place une mission de formation de l’Union européenne. Elle sera dédiée aux forces spéciales. Ce qui est un peu différent des autres missions de formation de l’UE, au Sahel ou en Somalie par exemple.

Les pays vont-ils joindre le geste à la parole, et s’engager ?

— C’est encore très tôt pour dire qui sera là. Il y a des procédures internes dans chaque pays. Certains ont dit : c »est important, mais c’est difficile de participer pour l’instant ; car nous avons d’autres priorités et avons déjà fait la planification pour nos militaires cette année. Mais d’autres ont dit : ‘vous pouvez comptez sur nous ! soit pour une contribution symbolique, soit pour une contribution plus significative. C’est ce qui m’a conforté. Il y a une dynamique suffisamment forte qui est engagée. (1)

Ce sera suffisant ?

— Ce que nous prévoyons, c’est une petite mission, plus petite que celles que nous avons déjà sur le terrain, au Mali ou en Somalie. Elle devrait tourner autour d’une centaine à 120 militaires. Le Portugal s’est déjà engagé à fournir la moitié des effectifs. Ce ne devrait donc pas être trop difficile, je pense, de trouver une cinquantaine ou une soixantaine d’autres parmi les Européens. [Mais] avant, nous avons toute une série de questions à résoudre. Le service européen pour l’action extérieure envoie une mission technique ce mois de mai au Mozambique justement pour identifier le ‘comment faire’ et ‘où exactement’.

Le Mozambique ne veut-il pas plutôt des équipements que des formateurs ?

— Le gouvernement mozambicain veut former ses troupes. Bien sûr, on ne peut pas faire de la formation sans aussi équiper. Nous avons l’expérience au Mali out en Centrafrique : former des forces désarmées, cela ne sert à rien. Ce serait même absurde. Il faut avoir des forces armées. Nous avons maintenant la facilité européenne de paix. Un nouvel instrument. Cela change vraiment la donne. Nous ne sommes pas inquiets sur cet aspect là. Il y aura des solutions. L’équipement viendra en son temps.

La mission ne sera donc pas cependant rapidement sur le terrain ? On parle du deuxième semestre. Ce sera avant fin 2021 ?

— Le processus de planification est un processus technique, mais aussi politique (avec le Mozambique). Le ministre mozambicain de la défense es à Lisbonne pour trois jours à partir de lundi. Nous allons certainement en discuter. Pour répondre concrètement à votre question, la mission européenne serons sûrement sur le terrain avant la fin de l’année. Et j’espère bien avant.

Plusieurs pays ont présenté lors de cette réunion un non paper avec l’idée d’une force d’entrée en premier dans un territoire hostile ? Vous l’avez signé. Pourquoi ?

— Il faut avoir la possibilité d’utiliser l’instrument militaire très rapidement.Il faut avoir la possibilité d’utiliser l’instrument militaire très rapidement. Par exemple, ce qu’on envisage pour le Mozambique, cela prend six mois. Et on peut le faire car le Portugal commence déjà de façon bilatérale, par avance. S’il y a une urgence, une crise immédiate, on ne peut pas attendre six mois. Cela nous demande une capacité plus ou moins permanente, par rotation, pour intervenir si jamais on a besoin, dans un espace de quelques semaines.

Cette force pourrait intervenir sur quelle menace ?

— Nous n’avons pas de menace immédiate aujourd’hui. Mais je ne sais pas si, demain, nous ne pourrions pas avoir notre 11 septembre qui obligerait à une intervention immédiate. Il faut être préparé à toute hypothèse. Dans la discussion que nous avons eu sur les menaces [en novembre dans le cadre de la boussole stratégique], on voit bien émerger cette conscience collective que le monde est de plus en dangereux pour l’Europe. Cette force est une façon de s’y préparer. Cela permet aussi de changer la façon dont on est compris à l’extérieur en tant qu’acteur géopolitique.

Cela signifie la fin des battlegroups qui n’ont pas vraiment été très efficaces ?

— Oui. Je ne pense pas qu’il y ait une vision très positive de l’expérience des battlegroups. La chose positive, c’est qu’on apprend de nos expériences. On doit évoluer, avoir une version beaucoup plus agile, beaucoup plus utilisable, et à court terme. Mais nous sommes encore dans une phase très précoce des discussions. Plus va on entrer dans le concret, plus cela sera compliqué. Sur le plan théorique, c’est toujours plus facile de trouver un consensus…

(Propos recueillis par Nicolas Gros-Verheyde et Aurélie Pugnet)

NB : Trois – quatre pays déjà volontaires pour le Mozambique. Selon certains sources européennes qui l’ont confié à B2, trois ou quatre pays seraient déjà partants : l’Italie, la Grèce et la Roumanie et (peut-être) la Suède. La France pourrait être aussi de la partie. La décision est dans les mains d’Emmanuel Macron. Elle pourrait être réglée dans un entretien de ‘Chef à Chef’, comme souvent, en marge d’un sommet (peut-être ce soir à Porto). De façon concrète, l’étude d’un concept de gestion de crises (CMC) a été enclenchée, première étape de la planification militaire. Lire : Mission EUTM au Mozambique : Josep Borrell accélère le tempo. La planification commence

A suivre : L’Europe doit penser géopolitique, apprendre à se reconnaitre comme un acteur géostratégique (João Gomes Cravinho)

Entretien réalisé en tête à tête en français, à Bruxelles, vendredi 7 mai, dans les locaux de la représentation permanente du Portugal auprès de l’UEPl

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Categories: Défense

Des Portugais dans Takuba. Quelques officiers aujourd’hui, davantage d’ici fin 2021

Fri, 07/05/2021 - 17:20

(B2) Deux officiers portugais sont arrivés à Menaka, au QG de la task-force Takuba, depuis une semaine

(crédit : Forces armées portugaises – Archives B2)

Le reste du détachement portugais ne devrait cependant pas arriver avant la fin de l’année dans cette force européenne déployée dans la zone des trois frontières. Ce détachement devrait compter entre une quinzaine et une vingtaine de membres des forces spéciales, selon nos informations.

Un délai qui n’est pas dû à un manque de volonté de Lisbonne. Au contraire. Mais qui s’explique par des raisons « juridiques » (1). « La Constitution portugaise est très ferme sur le déploiement de militaires dans d’autres pays », nous a confié le ministre portugais de la Défense, João Gomes Cravinho, dans un entretien exclusif à B2 ce vendredi (7 mai)*.

« Cela exige de signer un SOFA », un accord de statut de forces, « avec chacun des pays : le Mali, Niger, Burkina Faso. C’est ce qui nous empêche aujourd’hui d’être sur place. »

(Nicolas Gros-Verheyde)

* Entretien réalisé en tête-à-tête ce vendredi (7 mai) à Bruxelles en français

(1) une situation qui découle de l’histoire. La fin de la dictature de Salazar en lors de la révolution des Oeillers ne date que de 1974. Et la décolonisation portugaise a été marquée par le sang et la douleur, particulièrement en Angola et Mozambique. D’où une limitation stricte de l’emploi des forces armées hors du territoire national.

À suivre : la mission de l’UE au Mozambique : une situation d’urgence

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Categories: Défense

Afghanistan, on remballe !

Wed, 05/05/2021 - 23:55

(B2) Les Alliés accélèrent le retrait de leurs troupes en Afghanistan. Suite à l’une des plus longues opérations de l’OTAN, la tâche s’annonce herculéenne et sensible

(crédit : OTAN)

Le départ est acté pour les Américains

Prévu à l’origine avant le 1er mai — cela figurait dans l’accord signé entre les USA et les Taliban sous l’ère Trump — le retrait avait été suspendu le temps que la nouvelle administration américaine démocrate de Joe Biden se prononce. Deux mois après son arrivée à la Maison Blanche, la sentence est tombée : les Américains se retirent. Et tout doit être terminé au plus tard le 11 septembre 2021. Date symbolique : vingt ans après les attentats du World Trade Center à New York et sur le Pentagone. Ceux-là même qui avaient déclenché l’intervention en Afghanistan.

Les Allemands suivent

Les alliés vont, eux aussi, organiser leur départ. Le retrait du contingent allemand (deuxième plus gros contingent, fort d’environ 1100 soldats) devrait être achevé d’ici le 4 juillet, a annoncé la ministre de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer, devant les membres de la commission Défense à Berlin (le 21.04). Selon notre confrère de Augengeradeaus, la date a été communiquée par le QG américain de la mission Resolute Support, pour correspondre à la fête nationale américaine.

… comme les Belges ou Suédois

Côté belge, le retrait des 72 militaires basés à Mazar-e-Sharif « sera achevé pour l’été », a indiqué mi-avril (19.04) Ludivine Dedonder, la ministre belge de la Défense. Trois jours plus tard (22.04), le chef des opérations conjointes suédoises, Michael Claesson annonçait que « le personnel militaire suédois quittera l’Afghanistan au plus tard en septembre, en étroite collaboration avec l’Allemagne et l’OTAN », sans plus de précisions. Sachant que le contingent suédois se résume à 16 personnes, principalement du personnel d’état-major, basé sur le Camp de Marmal, à l’extérieur de Mazar-e Sharif.

La logistique, ce qui sépare l’ordre du désordre

Mais le déménagement s’annonce intense. L’exemple le plus frappant est celui de l’Allemagne. Berlin doit rapatrier l’équivalent de 800 conteneurs de matériels, comme l’indique la Bundeswehr. Le transport aérien sera assuré par les plus gros avions cargo au monde : les Antonov An-124. Dans le cadre du programme SALIS (Strategic Airlift International Solution) de l’OTAN. Côté suédois, leur contribution ne comprend pas de systèmes d’équipement lourds et, donc, aucun moyen de transport spécial n’est nécessaire pour rapatrier le personnel.

Un départ sous tension

Un retrait sans vagues ne pourra donc se faire sans une logistique bien huilée. Dans cette optique, 170 spécialistes allemands de la log’ sont déployés dans le camp de Mazar-e-Sharif. L’objectif est de ne pas trop laisser traîner sur place pour éviter des attentats ou attaques (l’été y étant souvent propice). Des forces de sécurité allemandes et néerlandaises doivent justement assurer la protection de ce retrait contre d’éventuelles attaques. Un peloton de mortiers de la Bundeswehr a été déployé fin avril, avec 80 autres fantassins de la composante terrestre néerlandaise, eux aussi équipés de mortiers. Les forces de la Bundeswehr auront à leur disposition des véhicules protégés avec leurs systèmes d’armes associés et des drones Heron1 et Aladin.

Restitution des terrains

Les bâtiments et les ensembles, avec les infrastructures construites par les troupes de l’OTAN vont être remis à l’administration afghane. Le matériel non militaire qui coûte trop cher à renvoyer (mobilier, fournitures de bureau, etc..) sera, lui, vendu localement ou donné. Lors des négociations de remise, il a été convenu que le terrain de Marmal (base adjacente à l’aéroport de Mazar-E-Sharif) seraient remis « en l’état ».

L’épineuse question des interprètes

La grande inquiétude se situe du côté des interprètes, qui craignent d’être pris pour cible par les Taliban, dès le départ des troupes. Côté américain, un programme spécial existe déjà : le programme de visa d’immigrant spécial (SIV), leur permettant de rejoindre les États-Unis. Pour les 300 afghans qui travaillent pour l’armée allemande en Afghanistan, le gouvernement « offre à chaque membre du personnel local en danger et à sa famille l’admission en Allemagne ».

(Jean-Stanislas Bareth, st.)

  1. le conteneur est la base théorique pour calculer l’espace de transport d’un matériel, il ne s’agit pas réellement de conteneurs)

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Categories: Défense

Conférence sur l’avenir de l’Union : une impasse sur l’élargissement ?

Sat, 01/05/2021 - 10:38

(B2) Il est étonnant que cette question ne figure pas – explicitement – parmi les neuf grands sujets de débat proposés aux citoyens européens à l’occasion de la Conférence sur l’avenir de l’Union. Une opinion de Jean-Guy Giraud *

Une Union à 36

En effet, le sujet de l’évolution des frontières de l’UE d’ici 2030/2035 n’a rien de théorique : six nouveaux États sont actuellement candidats (le “reste” des États balkaniques) et trois autres pourraient le devenir (ceux du partenariat oriental : Ukraine, Biélorussie et Moldavie). L’Union du “futur » pourrait ainsi passer de 27 à 36 États membres avec toutes les conséquences potentielles sur le plan politique, économique, budgétaire, institutionnel, sociétal … 

Un échec de l’élargissement précédent

L’expérience du grand élargissement vers l’Est de 2004-2007 a montré que, presque vingt ans après, l’adhésion des douze nouveaux États pose des problèmes que l’UE n’est toujours pas parvenue à surmonter.  À un point tel que l’on a pu parler d’un double ‘échec de l’élargissement’ : une intégration difficile de ces États dans le modèle/système européens et un affaiblissement de l’unité et de la solidarité au sein de cet ensemble. L’opinion publique, bien consciente de cette situation, en est largement perturbée et s’interroge sur la possibilité d’y remédier. La perspective d’un nouvel élargissement à un tel “paquet” d’États – encore moins bien préparés à l’adhésion que ceux du “paquet” précédent – ne fait qu’accroitre ces craintes et amener l’opinion à se détacher/désolidariser d’un projet européen dont elle ne distingue plus les tenants et les aboutissants. 

Une affaire trop délicate pour être débattue ?

Dès lors, comment les organisateurs de la Conférence ont-ils pu faire l’impasse sur cette question? Comment peut-on passer sous silence la question des futures frontières de l’Europe et de la viabilité d’une UE36  s’étendant de Lisbonne à Kiev ? Sans doute a-t-on estimé, en haut lieu, que l’affaire était trop délicate – et peut-être trop polémique – pour être exposée sur la place publique. Qu’un impératif catégorique de nature géopolitique l’emportait sur toute autre considération – fut-ce au prix d’une dénaturation du projet européen poursuivi jusqu’ici. Que la résistance aux hégémonies russe et turque, la stabilisation politique et démocratique régionale, le développement du marché intérieur, etc .. imposaient, coûte que coûte, une poursuite du processus – de la “stratégie” – d’élargissement.  

Cette argumentation a tout son poids et peut être défendue – à condition de démontrer qu’elle ne met pas en péril la notion même d’Europe unie et que les réformes nécessaires pour maintenir cette unité soient précisées et programmées. On le voit : un beau sujet de débat qu’il serait dommage, voire irresponsable, de passer sous silence lors d’une grande Conférence publique sur l’ ”avenir de  l’Union”. 

(Jean-Guy Giraud)

*Ancien administrateur du Parlement européen, secrétaire général de la Cour de Justice et directeur du Bureau du Parlement européen en France, Jean-Guy Giraud a aussi été le président de l’Union des Fédéralistes européens-France. Il édite le site des amis du traité de Lisbonne

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Un Finlandais membre d’EUCAP Somalia décède du Covid-19

Fri, 30/04/2021 - 18:13

(B2) Un membre de la mission de l’UE de renforcement auprès des forces de sécurité intérieure somaliennes est décédé à l’hôpital de Nairobi le 21 mars. Il avait contracté le virus COVID-19 durant ses fonctions en Somalie, indique la mission EUCAP Somalia dans un communiqué diffusé le 6 avril.

Il était un expert en gestion civile des crises détaché par le Centre de gestion des crises (CMC) Finlande auprès d’EUCAP Somalie, dans le cadre du soutien au développement du secteur de la sécurité. Son nom n’a pas été révélé par souci de préserver l’intimité familiale.

C’est le 63e mort que l’Union a à déplorer dans le cadre de sa politique extérieure et de sécurité commune depuis ses débuts selon la base Memoriam de B2.

(NGV)

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A Ankara, le ‘sofagate’, miroir tendu aux faiblesses européennes

Tue, 27/04/2021 - 17:58

Une femme « blessée » , la place des femmes « fragilisée »… Tout comme l’image de l’Union européenne, tétanisée à l’idée de bousculer l’ordre diplomatique et mal à l’aise dans la défense de ses valeurs. Décidément, la visite à Ankara de la présidente de la Commission européenne et du président du Conseil européen se digère avec difficultés. Les parlementaires européens s’en sont encore fait l’écho ce lundi 26 avril

Charles Michel et Ursula von der Leyen (sur la photo) étaient présents devant le Parlement européen qui débattait sur le Sofagate (crédit : Parlement européen)

Le mauvais choix de Michel

« Le président Michel n’aurait jamais laissé Juncker (l’ancien président de la Commission européenne) sur le canapé comme il l’a fait avec la présidente von der Leyen. C’est arrivé parce que c’est une femme. Le Sofagate est un cas clair de discrimination envers une femme ». La sentence de l’Espagnol Ernest Urtasun (Verts/Catalogne en commun) résume l’opinion de nombreux députés européens, intervenus hier (lundi 26.04).

Promis juré c’est du passé

Quelques minutes plus tôt, au pupitre au bas de l’hémicycle, à quelques mètres d’Ursula von der Leyen assise à la place dévolue de la présidente de la Commission, Charles Michel veut visiblement faire oeuvre de contrition, mais d’un « incident » qu’il continue de qualifier de « protocolaire ». « Je mesure que les images ont pu donner le sentiment à beaucoup de femmes d’être offensées ». Il se défend de toute attaque sexiste et veut « réaffirmer » son « engagement total complet absolu » à « soutenir les femmes, l’égalité des genres ». À l’avenir, il veut même croire que « les instructions données (aux) équipes protocolaires et diplomatiques » suffiront à éviter qu’un telle « situation ne se reproduise plus ». Il promet aussi des directives européennes pour faire avancer la cause des femmes, sur l’égalité salariale notamment. Aucun eurodéputé ne reprend la balle au bond, comme si le jeu avait déjà tourné court.

Mais pas pour Ursula von der Leyen, une femme blessée

La présidente de la Commission européenne, elle, fend l’armure. Elle se livre. Elle s’est sentie « blessée, seule, en tant que femme et européenne ». Ses mots sont pesés. Le ton clair. Elle entend encore une fois marquer le coup de ce qu’elle vécu. Elle en fait un combat féminin : «  je suis la première femme au poste de présidente de la Commission européenne, c’est de cette façon que je souhaitais être traitée il y a deux semaines (lors de la visite à Ankara NDLR), mais cela n’a pas été le cas ». Elle insiste et balaye tous les arguments protocolaires exposés depuis : « il n’y a pas de justification dans les traités, c’est arrivé parce que je suis une femme. » L’issue ne passe donc que par une évolution des mentalités. Visiblement, Ursula von der Leyen entend se servir de sa position pour cela. Et vis-à-vis de la Turquie, elle veut faire du « respect des droits des femmes » l’un des préalables « à la reprise du dialogue  ». 

Le (mauvais) exemple européen

Charles Michel a d’autant plus « déçu » que personne n’attendait finalement du président turc qu’il agisse autrement. De même que peu sont surpris de la décision d’Ankara de se retirer de la convention d’Istanbul, ce cadre juridique, le premier du genre, mis en place pour lutter contre la violence à l’égard des femmes. Symbole pour symbole, l’annonce turque coïncidait avec la célébration du 10e anniversaire. Mais là encore, comme l’a invité Ursula von der Leyen, l’UE doit « balayer devant (sa) porte ». Car, plus inquiétant, « certains États membres considèrent aussi la possibilité de quitter la convention d’Istanbul, ce n’est pas acceptable ».  Elle prévient, elle veut aussi placer chacun devant ses propres responsabilités. Mais elle manque l’opportunité de nommément les citer…

Le symbole d’un vide ?

Le Parlement soutient et relance. « Il est juste d’attaquer la Turquie pour son retrait de la Convention d’Istanbul, mais n’oubliez pas que seuls 21 États des 27 membres de l’UE l’ont ratifiée, ce qui sape la crédibilité européenne. L’UE doit être cohérente en interne pour être crédible à l’extérieur » tance l’Italien Fabio Massimo Castaldo (Non inscrits/Mouvement 5 étoiles). C’est le message partagé avec d’autres parlementaires. Comme un appel à l’humilité. Et à redresser le port de tête. La visite à Ankara est contestée sur la forme comme sur le fond.

Les eurodéputés critiquent ce « message de la faiblesse », qui a fait passer le fonds de la visite à Ankara à l’arrière plan de l’actualité.  « On voulait envoyer un message de la force, mais c’est celui de la faiblesse qui est passé » fustige le leader de la droite populaire (PPE), l’Allemand Manfred Weber (CSU). Les flèches sont cinglantes. Comme celle de la leader des écologistes, l’Allemande Ska Keller : « le Conseil continue de travailler sur un mandat pour la modernisation l’union douanière avec la Turquie ! Sans engagements sur les droits humains ! On aide Erdogan là où il est le plus faible, l’économie ! ». Elle attaque là où cela fait mal : « nous n’aurions jamais du lui demander de s’occuper des réfugiés, c’est un désastre géopolitique auquel on doit mettre fin au lieu de le poursuivre ».  

Prochaine épreuve : recouvrer de la crédibilité

La formule de la présidente de la sous-commission Sécurité et défense (SEDE), Nathalie Loiseau (Renaissance/Renew), résume le ton de ces échanges, entre les parlementaires et l’exécutif européen : « L’Europe doit un peu moins se demander où elle s’assoit et un peu plus comment elle reste debout pour se faire respecter, à Ankara comme à Moscou ».

(Emmanuelle Stroesser)

Lire aussi : La stratégie du sofa. De la puissance et de la brutalité

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Un porte-conteneur attaqué par les pirates au large de Sao Tomé (v2)

Sat, 24/04/2021 - 20:20

(B2) Deux attaques viennent de se dérouler coup sur coup dans le Golfe de Guinée frappant des navires marchands

Vendredi (23 avril), à 9h UTC, un porte-conteneurs battant pavillon chypriote, le Contship New, qui faisait route depuis Port Owendo au Gabon vers Lomé, au Togo, a été attaqué à environ 130 miles nautiques de Neves au nord-ouest de l’île de Sao Tomé (1°27 Nord et 4°38 Est).

Le skiff avec des pirates à bord avait, heureusement, été repéré en approche. L’alarme a donc été déclenchée. Et tout l’équipage a pu regagner la ‘citadelle’, mise en place au fond du navire. Les pirates sont monté à bord. Mais « ils sont repartis au bout de quelques heures car ils ne pouvaient accéder à aucun équipage » indique une source maritime.

La frégate de la marine italienne Nave Rizzo qui au moment de l’événement était en patrouille à environ 350 milles de distance, s’est rapprochée à haute vitesse. Elle a escorté le navire vers sa destination au Togo, indique la marine italienne. Dans les eaux territoriales togolaises, le porte-conteneurs a ensuite été assisté par les autorités locales jusqu’à l’amarrage dans le port.

Quelques heures plus tard, samedi (24 avril), à 2h23 UTC, un autre attaque a eu lieu dans la même zone (1°52 Nord et 3°17 Est). Le navire a été sécurisé « pris en charge et escorté » assure-t-on au QG Golfe de Guinée à Brest (MDAT-GOG).

(NGV).

Mis à jour avec les précisions sur les circonstances de l’attaque et l’intervention du navire de la marine italienne. Changement du titre.

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Une attaque pirates stoppée au large du Nigéria par la marine italienne

Fri, 23/04/2021 - 12:51

(B2) L’hélicoptère du navire italien, le Nave Rizzo, déployé dans le Golfe de Guinée, a stoppé une attaque de pirates au large des côtes nigérianes, mercredi (21 avril), vient de faire connaitre la marine italienne.

Le matériel à bord (échelle) comme l’équipement (moteurs) et l’absence de filets de pêche ne permet pas vraiment de doutes quant à l’objectif de ce « bateau de pêche » : il ne s’intéresse pas vraiment aux poissons (crédit : marine militaire)

Alerté, son hélicoptère de bord du Nave Rizzo, une frégate de type FREEM (F-595), a décollé faisant fuir un bateau rapide (doté de deux gros moteurs) avec neuf pirates à bord et du matériel adapté à l’embarquement (une grande échelle notamment bien utile pour l’abordage). « Tous les navires marchands en transit et les autorités locales ont été alertés du danger » indique le QG de la marine à Rome.

Le Nave Rizzo participe aux présences maritimes coordonnées, mises en place par l’Union européenne dans le Golfe de Guinée. Le porte-hélicoptères français (Dixmude) et un navire portugais sont présents actuellement dans la zone

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Trois soldats suédois de Takuba blessés par IED au Mali

Fri, 23/04/2021 - 10:45

(B2) Les faits se sont produit mercredi (21 avril) en soirée près de Menaka au Mali. Un engin explosif improvisé (IED) placé en bord de route a éclaté au passage d’une patrouille suédoise partie prenante de la task-force européenne Tabuka.

Les Suédois ont mis à disposition de Takuba une quick reaction force avec des hélicoptères Blackhawk (Archives B2 – Crédit : Försvarsmakten)

Légèrement blessés

L’explosion a fait trois blessés légers annonce le ministère suédois de la défense dans un communiqué. Leur état n’inspire pas inquiétude. « Deux des soldats ont repris leurs fonctions » rapidement. Le troisième est resté un temps « sous surveillance médicale » à l’hôpital. « Il est maintenant de retour dans son unité ».

Le Premier ministre Stefan Löfven a adressé un message de « prompt rétablissement » . « L’automne dernier, j’ai rencontré certains de ceux qui servent actuellement au Mali. Je suis fier des efforts des Forces armées à l’échelle nationale et internationale – ses femmes et ses hommes méritent le plus grand respect de notre pays » a-t-il indiqué via twitter.

La Suède est aujourd’hui le pays qui fournit à Takuba son plus gros détachement étranger (lire : Takuba. Les Suédois sur place au Mali).

(NGV)

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Deux navires britanniques en Mer Noire en mai. Le reste du groupe aéronaval en Méditerranée

Wed, 21/04/2021 - 17:18

(B2) Le Royaume-Uni va déployer le mois prochain deux navires en Mer noire . Une façon de montrer à l’Ukraine sa solidarité… et aux Russes la fermeté de la Royal Navy

Le HMS Defender (crédit : Royal Navy)

Un destroyer de type 45 doté de missiles anti-aériens et une frégate anti-sous-marine de type 23, en mer Noire, révèle le Sunday Times. Une zone ‘chaude’ car située à proximité de la Crimée, surveillée le lait comme le feu par les forces navales russes.

Ces navires seront extraits du groupe aéronaval formé autour du porte-avions HMS Queen Elizabeth (UK Carrier Group). Les deux navires pourraient donc être le HMS Defender ou le HMS Diamond, et le HMS Kent ou HMS Richmond, selon nos informations. Le porte-avions restera, lui, en Méditerranée. La Convention de Montreux de 1936 (son article 18 plus précisément) limite en effet le tonnage total des navires de guerre des puissances non riveraines de la mer noire. Mais les avions de chasse F-35 et des hélicoptères Merlin, qui se trouvent à son bord, se tiendront « prêts à soutenir ces navires en cas de menace » indiquent nos confrères britanniques.

Cette annonce britannique survient quelques jours après l’annulation par Joe Biden du déploiement de deux navires américains en mer Noire. Ce qui permettrait aux alliés de maintenir la pression sur la Russie. Ce déploiement vise à montrer la solidarité avec l’Ukraine et les alliés britanniques de l’OTAN dans la région. « Le Royaume-Uni et nos alliés internationaux sont inébranlables dans leur soutien à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine », a indiqué un porte-parole du ministère de la Défense au quotidien britannique.

Après ce déploiement en Mer noire, le UK Carrier Group (cf. schéma ci-dessus) ira voguer vers des contrées tout aussi chaudes, à tout point de vues. Sa destination est en effet la mer de Chine. Précisons qu’un navire néerlandais sera du voyage (mais pas de l’escapade en mer Noire) — le HMS Evertsen — ainsi que un navire américain — le USS The Sullivans (DDG 68) qui vient de partir de sa base de Mayport (Floride), de la côte sud-est, selon la marine américaine.

(NGV avec Jean-Stanislas Bareth, st.)

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Le jour où le Fonds européen de défense s’est fait couper d’un milliard

Tue, 20/04/2021 - 22:10

(B2) La scène se passe dans un des bureaux du Conseil européen, à l’étage du président, avant le sommet de juillet 2020. Le cabinet du Président est en conseil de guerre pour préparer la réunion qu’on espère ultime des chefs d’État et de gouvernement pour trancher le budget européen des sept prochaines années. Il faut couper quelques milliards. Mais où ?

(flux : LCP – CheckProd – sélection B2)

Le chef de cabinet du président, Frédéric Bernard (FB) mène le débat :

  • FB : … « Il nous faut 2 milliards pour le premier pilier et 500 millions pour la liste des cadeaux. Il nous faut couper. Où ? Digital Europe
  • — hum. « Il y aussi Erasmus qui a beaucoup augmenté ».
  • — « Mais c’est une autre vache sacrée. Qu’est-ce qui serait le moins douloureux ? »
  • FB : « Pour être sincère je regarde le Fonds européen de défense et la mobilité militaire ».
  • — « Mais les Français ne vont pas être contents ? »
    FB : « Je peux demander aux Français. Que préférez-vous ? La PAC [politique agricole commune] ou la Défense ?
    Allez on retire un milliard au Fonds européen de défense. Proposons cela au Président
    . »

Et voilà !

Le Fonds européen de défense aura 1 milliard d’euros de moins. La mobilité militaire également. C’était la partie la plus facile à couper. Une conclusion évidente pour les négociateurs. C’est mon avis également. Entre Erasmus, la politique agricole commune et la défense, il n’y a pas photo, on coupera dans la défense, d’autant que la Commission européenne n’a pas vraiment fait de ce sujet une ligne rouge, ni la France. Tout cela se retrouve dans cet excellent documentaire produit par Check Prod‘ et diffusé sur LCP, et la RTBF.

(Nicolas Gros-Verheyde)

A partir de la 28e minute pour le Fonds défense. Mais vous pouvez tout regarder… Cela vaut le détour !

Une conclusion assez évidente

Nous savions tous, et depuis le début, que la proposition de la Commission européenne avait été calibrée de façon à pouvoir subir quelques coupes. Et, dans une négociation en général, c’est le budget le plus discret ou la coupe qui fait le moins de dégât dans l’opinion publique qui subit la perte notable. Ces deux équations ont donc conduit à cette solution assez facile : taper (un peu) dans la défense. En sachant au final que, la plus grande difficulté pour l’Union européenne n’était pas d’avoir un budget de défense européenne un peu bridé, mais en partant d’un budget à quasi zéro (ce qui était le cas dans la précédente période budgétaire) de justifier à la fois de la pertinence d’avoir une ligne budgétaire consacrée à la défense et de son utilité pour l’objectif visé : l’autonomie stratégique (lire aussi : Un Fonds européen de défense, calé à sept milliards. Ambition ratée ou réussie ?). Rendez-vous dans trois ou quatre ans.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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Combien de militaires Russes sont présents en Crimée et aux frontières ukrainiennes ? (v2)

Mon, 19/04/2021 - 20:30

(B2) Les chiffres varient selon les sources et le périmètre considéré. Et il est bien difficile de saisir quels sont exactement les forces russes aux frontières ukrainiennes. Mais les mouvements sont suffisamment nombreux pour inquiéter. La moindre étincelle peut faire déraper la situation

Compétitions du génie russe sur le terrain d’entraînement de Borodinovsky (crédit : MOD Russie – district Sud – Archives B2)

De façon ambivalente, on confond parfois le ‘stock’ des militaires russes déjà présents en Crimée ou aux frontières, avec ceux qui viennent d’arriver pour des manœuvres, exercices, préparations ou relèves… selon l’opinion

150.000 militaires russes selon les Ukrainiens…

Le ministre ukrainien de la défense Andreii Taran a cité le nombre de 110.000 hommes concentrés le long des frontières ukrainiennes dans le Nord-Est [près des régions de Luhansk et Donetsk] et de 42.000 hommes à la frontière de la Crimée lors de son audition devant le Parlement européen (lire : Les Russes se massent aux frontières. En Crimée des armements nucléaires dénonce Andrii Taran). Un chiffre en nette augmentation par rapport au chiffre précédemment donné par un porte-parole du président ukrainien qui mentionnait, à la mi-avril, un chiffre de 80.000 au total, environ 40.000 dans l’Est de l’Ukraine et 40.000 en Crimée (lire sur NBC).

… à moitié confirmé au niveau européen

Un chiffre repris par le Haut représentant Josep Borrell, ce lundi 19 avril après la réunion des ministres des Affaires étrangères. « Il y a plus de 150.000 militaires russes déployés avec tout type de matériel » à la frontière ukrainienne et en Crimée. « Il s’agit du déploiement le plus massif auquel nous ayons jamais assisté. Cette situation est très inquiétante. On n’est pas à l’abri d’un incident à tout moment », a déclaré le chef de la diplomatie européenne à l’issue de la réunion des ministres des Affaires étrangères. « Le risque d’une nouvelle escalade est évident. » NB : ce chiffre a ensuite été démenti et corrigé à la baisse dans le transcript publié en fin de journée. Le chiffre mentionné finalement est celui de 100.000 hommes.

Un peu moindre pour les Américains

Les Américains sont plus modérés. « Selon les informations obtenues auprès des sources disponibles, la Russie a maintenant plus de soldats stationnés à la frontière ukrainienne qu’à tout moment depuis 2014. La Russie a déplacé de 15.000 à 25.000 soldats en Crimée ou plus près des frontières ukrainiennes. Ce nombre comprend l’infanterie, les bataillons de chars, les hélicoptères et les moyens de défense aérienne. » indiquait ainsi le chargé d’affaires US à l’OSCE ((l’organisation de sécurité et de coopération en Europe)) mercredi (14 avril). Pour la seule Crimée, sur la base « des déclarations de la Russie ou de sources ouvertes », ils situent le chiffre à « plus de 17.000 soldats sont massés en Crimée ». Au total, la Russie aurait ainsi avec les effectifs présents dans l’ancienne péninsule ukrainienne, « environ 31.500 soldats (lire : Les bruits de bottes aux frontières ukrainiennes inquiètent les Alliés et les USA).

Moderato cantabile

Du côté français, à l’Élysée, on ne veut/peut pas confirmer le chiffre ukrainien. « Il y a beaucoup de soldats russes. Trop. » Ce qui est de fait un démenti plutôt sec au chiffre ukrainien. De plus, on relativise cette augmentation : « cela correspond à des cycles d’entrainement des forces russes » poursuit notre interlocuteur juste avant le sommet avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky à Paris vendredi (16 avril). « La situation est très évolutive. Il y a des mouvements » complète un diplomate européen. « Un jour c’est comme cela, l’autre c’est autrement. » Mais ce qui est sûr, « c’est qu’il y a une présence importante à la frontière. Trop importante. Nous suivons la situation avec beaucoup de vigilance. » Car, parfois un conflit peut naitre d’une étincelle « de causes plus ou moins établies, d’un mouvement mal compris. On a retenu les leçons de l’histoire. »

Un exercice militaire qui doit se terminer

Cette accumulation de troupes était peut-être un « exercice militaire au début. Mais dans ce cas, on a un mécanisme au sein de l’OSCE peut être utilisé [NDLR : le document de Vienne], en invitant des observateurs, etc. » Toutes mesures qui permettent de faire baisser la température. Et « si c’est un exercice militaire, il doit se finir le plus tôt possible », a indiqué le ministre finlandais des Affaires étrangères Pekka Haavisto répondant à B2 après la réunion des Affaires étrangères.

(Nicolas Gros-Verheyde, avec Leonor Hubaut et Aurélie Pugnet)

A suivre : les indicateurs du conflit (violations du cessez-le-feu) et mon analyse sur la position russe.

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Le ‘Loup’ Pjetёr Shala inculpé

Fri, 16/04/2021 - 17:24

(B2) Arrêté le 16 mars dernier par les autorités belges, Pjetёr Shala (surnommé « Le Loup ») a été transféré jeudi (15 avril) au centre de détention des Chambres spécialisées du Kosovo à La Haye.

L’acte d’accusation porte sur sa responsabilité de « crimes de guerre, de détention arbitraire, de traitement cruel, de torture et de meurtre commis dans le contexte d’un conflit armé non international au Kosovo et en relation avec celui-ci », au printemps 1999, à l’encontre de personnes détenues dans l’usine métallurgique de Kukёs (Albanie), indique le communiqué des Chambres Spécialisées du Kosovo. Un site utilisé comme prison clandestine par l’Armée de libération du Kosovo (UCK)

NB : Cette juridiction internationale a été créée sous l’impulsion de l’Union européenne, pour juger certains crimes de guerre particulièrement graves, impliquant notamment des responsables gouvernementaux, à la suite du rapport ‘Marty’ du Conseil de l’Europe.

(AP)

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La frégate belge Leopold Ier dans Emasoh

Mon, 12/04/2021 - 23:55

(B2) La frégate belge a rejoint « cette semaine » la mission de surveillance dans le détroit d’Ormuz (EMASOH) assure le QG d’Agenor ce lundi (12 avril) via un tweet. Le Léopold Ier (F-930) va permettr de « réassurer » les navires marchands qui croisent au large de l’Iran. La mission, lancée à l’initiative de la France, compte aujourd’hui un seul navire — la frégate de type La Fayette Guépratte (F-714) — et un avion de patrouille maritime, de type Atlantique 2. Ce alors que les tensions avec l’Iran sont toujours bien présentes.

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Les inspections de navires continuent au large de la Libye. Le Premier maitre l’Her et le Berlin à l’action

Sun, 11/04/2021 - 07:05

(B2) Deux navires ont été, coup sur coup, inspectés, dans les premiers jours d’avril au large de la Libye. L’un par le Premier maitre L’Her, l’autre par le Berlin. Tous deux engagés dans l’opération européenne de contrôle de l’embargo de l’ONU sur les armes (EUNAVFOR Med Irini)

L’équipe de visite lituanienne monte à bord du Queen Sara

La première inspection a été faite par le navire de soutien allemand Berlin (A1411) vendredi (2 avril). Le Queen Sara, un cargo battant pavillon du Sierra Leone, venant de Turquie et à destination du port libyen de Khoms (entre Tripoli et Misrata). Il était anciennement nommé Perelik. Mais ce ne sont pas des marins allemands qui sont montés à bord. C’est l’équipe de visite lituanienne du bord qui a embarqué. Une première pour les Lituaniens comme pour le Berlin (dans le cadre de l’opération Irini). « Aucun matériel interdit n’a été trouvé » et l’équipage du navire marchand a « toujours été coopératif lors de l’inspection » indique-t-on au QG de l’opération européenne à Rome.

Le Queen Sara et le Berlin (crédit : Bundeswehr / EUNAVFOR Med Irini)

L’équipe française monte à bord du Medkon Izmir

Le lendemain, samedi (3 avril) à l’aube, c’est au tour des Français d’intervenir. Le patrouilleur de haute Mer) Premier Maître (PM) l’Her effectue une opération de visite sur le Medkon Izmir, un porte-conteneurs appartenant à la compagnie turque Medkon Lines, qui navigue entre la Turquie et la Libye. Le navire, battant pavillon panaméen, a accepté la visite « après plusieurs minutes d’interrogation par radio » indique la marine nationale française.

Les fusiliers marins montent à bord du porte-conteneurs (crédit : Marine nationale / EUNAVFOR Med Irini)

Première étape : vérifier les documents du navire

C’est ce qu’on appelle une « inspection coopérative ». L’équipe de visite française — composée de marins du patrouilleur ainsi que des fusiliers marins de l’équipe de défense et d’interdiction maritime embarquée (EDIM) — monte à bord. La visite commence par « sécuriser le navire et son équipage » (la procédure), puis l’enquête de pavillon et le « contrôle des documents » du navire. Une fois ces formalités réalisées, l’équipe entame alors la fouille des locaux et des conteneurs transportés.

Une fouille assez longue

Il faut environ cinq heures pour effectuer le contrôle des conteneurs, en « raison du volume de la cargaison transportée ». Les 292 conteneurs que transporte le navire ne sont pas fouillés. Seuls 32 conteneurs le sont — ceux qui « étaient accessibles —, soit 11% de la cargaison totale. « L’accès aux conteneurs est la principale difficulté de ce type d’opération en raison de la hauteur des piles de conteneurs, de l’espace restreint, et de leur agencement » précise la marine française.

La fouille des conteneurs prend cinq bonnes heures (crédit : Marine nationale / EUNAVFOR Med Irini)

Rien de suspect

Au final, « aucune matière suspecte » n’a été trouvée indique le QG d’opération d’Irini à Rome qui précise : « Toutes les précautions recommandées contre le COVID-19 ont été observées ». C’est la onzième inspection du genre. Le patrouilleur de haute mer français, présent dans l’opération depuis le 12 février doit terminer sa mission le 28 avril.

(Nicolas Gros-Verheyde)

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La stratégie du sofa. De la puissance et de la brutalité

Sat, 10/04/2021 - 13:05

(B2) La relégation d’Ursula von der Leyen sur un sofa lors de sa visite à Ankara à Recep Tayyip Erdogan, alors que Charles Michel avait droit à un fauteuil, fait jaser. Les commentaires fusent, souvent irrationnels. Essayons d’y voir clair…

Charles Michel, Recep Tayyip Erdoğan sur les fauteuils – Ursula von der Leyen et Mevlüt Çavuşoğlu, ministre turc des Affaires étrangères, à Ankara le 6 avril 2021 (crédit : Commission européenne)

Petit rappel des faits

Les dirigeants européens (Charles Michel et Ursula von Leyen) étaient à Ankara mardi (6 avril) pour transmettre à Receip Erdogan le message des 27, prêts à reprendre le dialogue avec la Turquie sous certaines conditions (lire : La Turquie mise à l’épreuve avant des étapes positives. Rendez-vous en juin (Sommet)). Trois heures de rencontres intensives, qui débouchent sur une communication a minima (lire : Petite étape pour la désescalade avec la Turquie. Rencontre au sommet à Ankara). L’essentiel est cependant vite effacé, en fin de soirée, par une video qui fait le buzz. Les deux Européens et le dirigeant turc entrent dans une salle. Les deux hommes s’installent sur les deux fauteuils, flanqués de part et d’autre des drapeaux européen et turc. Un honneur. Certains visiteurs n’ont droit qu’à deux drapeaux turcs (cf. encadré). Ursula von der Leyen reste, elle, debout, et ne cache pas sa surprise en se rendant compte qu’elle est reléguée à une place secondaire. On l’entend dire « hum », sans qu’aucun des interlocuteurs masculins ne réagissent. Dans l’image suivante, elle est assisse sur un canapé, en retrait, face au ministre turc des Affaires étrangères.

Scandale dans la bulle européenne… « Un affront fait à la présidente de la Commission européenne » titrent plusieurs journaux (dans la foulée de dépêches AFP). Les commentaires fusent dans les médias sociaux et dans les tribunes des journaux. La faute est rejetée successivement sur le dirigeant turc, accusé d’avoir humilié la femme (dans la foulée de la dénonciation de la convention d’Istanbul). Puis c’est le président du Conseil européen, Charles Michel, qui est pris pour cible, traité d’odieux machiste. « Deux hommes et un couffin: scandale macho à Ankara » titre le quotidien belge Le Soir. On est dans une phase de défoulement collectif plus. Il faut raison garder, et revenir à un certain sens des réalités.

Le protocole tout un art

En préalable, il faut dire que le protocole est un art, une science. C’est un « vrai métier », nous confie un diplomate rompu à cet exercice. Le tempo d’une visite, la place de chacun sont calculés au millimètre. Tout est prévu — les trajets, les véhicules, la lumière, l’éclairage, la salle, la disposition des sièges, leur taille… « Une simple montée de marche doit être minutée ». Il en est de même de la durée de la poignée de main et de sa vigueur, qui sont le témoignage d’une grande ou petite amitié.

Des missions préparatoires

Avant tout déplacement d’une autorité nationale (ou européenne), il y a normalement une mission préparatoire. Même la visite dans un pays le plus amical nécessite cette préparation. Elle peut prendre deux jours. Plus le pays est lointain, ou inamical, plus cela nécessite des préparatifs et de missions préparatoires. Fixer ces détails « prend des jours et des jours de négociation ».

Un vrai rapport de force

Le protocole local va fixer certaines conditions. Et le protocole de la puissance invitée les discuter ou exiger d’autres. C’est un « vrai rapport de force ». Celui qui a le plus intérêt à la visite va devoir céder, celui qui est le plus fort peut imposer certaines formalités. Chacun des détails va ainsi être discuté. Les négociations peuvent être parfois « très dures ». Certains pays, qui ont une tradition millénaire ou impériale, ont le protocole chevillé à la peau. Le Japon (où la durée de la montée des marches est mesurée) ou la Chine par exemple, mais aussi la Turquie. La simple visite du palais de Topkapı, à Istanbul où les sultans recevaient ainsi les ambassadeurs, est « mégaprotocolisée ». Le cheminement, le contournement de la fontaine, le rythme de marche, les arrêts, etc, tout est pensé.

Le protocole a-t-il été respecté ?

Qui devait s’asseoir à côté d’Erdogan ?

Dans la luminosité turque, une seule personne s’assoit généralement à côté du ‘monarque’. Et encore. Parfois il n’y en a aucun (cf. encadré). En toute logique, il est normal que le président du Conseil européen qui représente les Chefs d’État et de gouvernement de l’UE s’assoit d’égal à égal avec son hôte turc. Et non la présidente de la Commission européenne qui n’est ‘que’ chef de l’exécutif européen.

Pouvait-il y avoir deux personnes de part et d’autre d’Erdogan ?

Cela aurait été délicat. Cela voulait dire que celui-ci était encadré par l’Europe. Un symbole trop négatif pour la Turquie, inexact par rapport à la réalité institutionnelle et protocolaire. Et loin de la discussion d’égal à égal recherchée… Ajoutons aussi que les Européens ne semblent pas avoir demandé cette égalité.

Pourquoi Charles Michel et pas Ursula von der Leyen ?

Ce n’est donc pas une question de sexisme comme certains l’ont dit. C’est juste la règle de préséance, interne à l’Europe. En matière de relations extérieures, c’est le président du Conseil européen qui assure ce rôle. « Le président du Conseil européen assure, à son niveau et en sa qualité, la représentation extérieure de l’Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des attributions du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » indique l’article 15 du Traité. Et Charles Michel tient plus que tout à assumer ce rôle. NB : dans les réunions du G20, où les deux personnages sont présents, le président du Conseil européen a ainsi la préséance.

La présidente de la Commission n’a-t-elle pas de rôle extérieur ?

Si mais pas directement. C’est la Commission européenne dans son entier qui a reçu cette compétence. « À l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas prévus par les traités, [la Commission] assure la représentation extérieure de l’Union ». Le/a président/e de la Commission n’a, d’après le traité, qu’un rôle d’orientation et d’organisation de l’exécutif européen. Il/Elle « définit les orientations dans le cadre desquelles la Commission exerce sa mission; décide de l’organisation interne de la Commission afin d’assurer la cohérence, l’efficacité et la collégialité de son action ; nomme des vice-présidents » (dixit l’article 17 du Traité).

Pourquoi la présidente de la Commission européenne n’est qu’au second rang ?

Même si du côté de la Commission européenne, on défend que les deux personnalités ont le même rang protocolaire. Ce n’est pas la réalité institutionnelle. En termes hiérarchiques, le président de la Commission procède (est élu) d’une décision du Conseil européen et du Parlement européen. Et non l’inverse. C’est en gros un Premier ministre. Dans un système dual, avec un Président (chargé des relations extérieurs) et un chef de l’exécutif, il est logique que celui-ci soit relégué au second rang. Dans les réunions du Conseil européen, par exemple, au fil des ans, la place du président de la Commission européenne a varié. Mais il n’a été au centre de l’image, toujours en 3e ou 4e position, voire à l’extrême (lors des réunions internationales).

Photo de famille au sommet de mars 2011. Au centre le président du Conseil européen (Van Rompuy), le président de la Commission est en 4e position à droite (crédit : Consilium)

La faute à qui ? Quelle leçon en tirer pour le futur ?

Si on doit chercher un fautif, il n’est pas à chercher à Ankara… mais à Bruxelles.

Erdogan a-t-il voulu humilier l’Europe ? Erdogan ne supporte pas les remontrances sur le respect des droits de l’Homme. Il estime qu’en ayant fait le ‘job’ sur la migration, l’Europe a une dette envers lui. En attaquant l’Europe par son point faible, la pluralité de ses institutions, leur complexité, le Turc a peut-être voulu marquer un point, enfoncer un coin dans une structure européenne dont il connait tous les recoins. Mais ce n’était peut-être pas lui le fautif… ou le seul.

Erdogan a-t-il voulu humilier la femme ? Le dirigeant turc a de gros défauts certainement. Mais il a un certain sens politique. Quand Angela Merkel a été reçue par Erdogan, elle trônait à ses côtés sur le siège où était Charles Michel. On notera la petite touche du bouquet de fleurs et le drapeau allemand derrière la Chancelière.

Angela Merkel et R.T. Erdogan à Ankara – crédit : président turque

Idem pour la Britannique Theresa May en janvier 2017. Mais sans bouquet de fleurs, ni le drapeau britannique. Il y a deux drapeaux turcs derrière les deux dignitaires. L’ambiance semble plus fraiche…

Theresa May et R.T. Erdogan – janvier 2017 – crédit : Présidence turque

Qui a organisé la visite ? Apparemment c’est le service du protocole du Conseil qui a géré la visite. C’est lui qui a fixé certains détails avec la présidence turque. Et, naturellement, il a privilégié son chef (Charles Michel) et la logique institutionnelle. Il n’y avait pas d’équipe du protocole de la Commission européenne. Ursula von der Leyen ayant décidé de ne pas envoyer en raison de la pandémie. Après coup, on cherche bien sûr à réparer les dégâts. « Si la pièce avait été visitée, nous aurions suggéré à nos hôtes que, par courtoisie, le divan soit remplacé par deux fauteuils pour la présidente de la Commission » explique ainsi le service du protocole du Conseil.

Pouvait-on réagir sur le moment ? Délicat. Ce genre de choses se prépare en amont. Bousculer le protocole établi, c’est risquer l’incident diplomatique. Or, les dirigeants européens comme turc, étaient sur un chemin d’équilibriste, en train d’essayer de reconstruire une relation compliquée, abîmée par plusieurs incidents passés. Sur le plateau de la chaine belge d’infos en continu LN24, Charles Michel explique que toute réaction de sa part aurait pu créer un « incident bien plus grave » au vu de l’importance cruciale de cette réunion avec le président turc. Même son de cloche, un peu plus amer cependant à la Commission « La présidente von der Leyen a été surprise. Elle a décidé de passer outre et de donner la priorité à la substance sur le protocole » souligne le porte-parole de la Commission Eric Mamer. « Mais cela n’implique pas qu’elle n’accorde pas d’importance à l’incident. »

Comment jauger le ‘Hum’ de Ursula von der Leyen ? Face à ce type de situation, il peut être vu comme la juste réponse. Même si on ne sait pas si le ‘Hem’ était destiné au dirigeant turc ou à l’Européen ou aux deux. On peut aussi le voir comme un signe d’une impréparation totale, un certain manque de savoir-vivre géopolitique. Découvrir au dernier moment qu’on n’a pas de siège est aussi assez confondant. D’ordinaire, ce type de visite est répété ou expliqué par le protocole au président. Ou alors c’est vouloir l’incident. Et étaler au grand jour, devant un hôte étranger, des divisions internes est plutôt négatif. Cela pourrait apparaitre comme un signe de fragilité supplémentaire. (2)

Qui est en cause ? Dans cette histoire, ce n’est donc pas vraiment Erdogan qui est en cause, mais les Européens. Et leur absence de coordination rédhibitoire. Certes Charles Michel, avec son entregent pour les rencontres internationales, bouscule quelque peu le fragile équilibre européen. On l’avait vu parcourant le monde méditerranéen à son arrivée. On l’a vu en Géorgie récemment. Où malgré tous ses efforts, il s’est heurté à un os. Le Tintin européen perd des plumes à chaque rencontre internationale. Entre Ursula et Charles, d’ailleurs le torchon brûle. Et, depuis l’incident, ils ne se sont plus parlés. Le fait aussi que l’ambassadeur de l’UE à Ankara ait été peu associé

Un problème très européen ? Il y a une compétition entre les différents responsables européens qui n’arrivent pas à délimiter clairement leurs fonctions, veulent tous être sur la photo, être ‘calife à la place du calife’, comme le dirait Iznogoud (1). Ce jeu, assez puéril, est difficile à comprendre au sein de l’Europe, et encore plus difficile à saisir à l’extérieur. Les dirigeants européens auraient intérêt à régler leurs problèmes internes et accepter une hiérarchie commune, claire, simple, plutôt qu’étaler au grand jour leurs divisions et querelles internes.

La leçon à tirer ? Rendre visite à un dirigeant autoritaire comme l’est Erdogan (ou comme l’est aussi Poutine) est prendre un risque. Un risque certain. L’Europe n’est plus aujourd’hui perçue comme un animal chétif, un être gentillet à qui on doit des égards. Elle peut être perçue aussi de manière hostile. Les dirigeants européens ne doivent pas être naïfs. Même très bien préparés, ils vont dans l’entonnoir. Un hôte, qui ne respecte pas automatiquement toutes les règles communes, va vouloir utiliser cette visite à son profit. La visite à Moscou de Josep Borrell l’avait prouvé (lire : Le voyage à Moscou de Josep Borrell : légitime, nécessaire, utile ?). Le risque d’être piégé n’est pas de 2 ou 3%. Il est de 100% ! L’Europe est, en effet, confrontée à un « double phénomène » analyse pour B2 un diplomate expérimenté : les institutions européennes « sont davantage exposées que par leur passé » (elles sont plus présentes et on leur en demande plus). Et il y a « une brutalisation des rapports de force internationaux ». Cette « brutalité du jeu géopolitique », l’Europe doit mieux la préparer et la gérer à l’avenir. « Tout doit être encore plus verrouillé ».

(Nicolas Gros-Verheyde, avec Leonor Hubaut)

  1. cf. Iznogoud par René Goscinny.
  2. NB : On aurait préféré non pas un ‘hum’, marque d’un ego un peu déplacé, mais un signe sur la situation défavorable des droits de l’Homme ou de la Femme en Turquie (même de façon subliminale comme une touche de couleur violette).

Retour dans le passé des rencontres turco-européennes

Y-a-t-il un précédent avec une telle hiérarchie ?

Oui Parfaitement. Quand Erdogan reçoit Charles Michel et Josep Borrell en mars 2020. Charles Michel est aux côtés du chef d’État. Et le Haut représentant de l’UE chargé des Affaires étrangères, Josep Borrell est relégué sur le canapé. Il n’en fait pas une chimère et s’affiche tout sourire devant. Il est vrai que les rôles étaient plus clairs, l’un étant le représentant des chefs d’État et de gouvernement, l’autre étant le chef de la diplomatie européenne.

Josep Borrell, Charles Michel, Recep Tayyip Erdogan le 6 mars 2020 (crédit : Commission européenne)

Autre exemple. Quand Erdogan reçoit en octobre 2015, en pleine crise migratoire, le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans (chargé des Droits fondamentaux alors), est assis à la droite du président turc, les autres commissaires (J. Hahn chargé du Voisinage, D. Avramapoulos chargé de l’Immigration… sont relégués sur le sofa. A la gauche du président turc, siège son ministre des Affaires étrangères, Feridun Sinirlioğlu. La Turquie joue ainsi à deux contre un. Et il n’y a pas de problème hommes – femmes. On est certes face à un niveau de représentation moindre : un simple vice-président de la Commission.

Beril Dedeoğlu, Turkish Minister for EU Affairs, Feridun Sinirlioğlu, Turkish Minister for Foreign Affairs ad interim, Recep Tayyip Erdoğan, Frans Timmermans, Johannes Hahn, Dimitris Avramopoulos and Hansjörg Haber (from the 3rd, seated, from right to left)

Y-a-t-il des précédents inverses ? Oui Lors d’une précédente rencontre, en mai 2017, les deux représentants européens, à l’époque Jean-Claude Juncker (Commission européenne) et Donald Tusk (Conseil européen) étaient assis côte-à-côte avec le président Erdogan. Cet exemple est souvent mis en avant par la Commission européenne. Mais… on est alors à Bruxelles. C’est une grosse différence ! La visite est alors organisée par l’Union européenne. Sur la photo, on note bien d’ailleurs qui est au centre : Donald Tusk, le président du Conseil européen, en tant que puissance invitante. A sa droite le président turc, R.T. Erdogan, l’air plutôt bougon, et à sa gauche, le président Juncker (de façon symétrique au président turc, fauteuils légèrement en biais).

Erdogan, Tusk, Juncker

Autre exemple, toujours avec les mêmes protagonistes à Antalya cette fois. Mais on était dans un autre cadre qu’une visite bilatérale. C’était en marge du G20, à Antalya, où la Turquie était puissante invitante. Et, surtout, on était en novembre 2015, avant le coup d’état militaire qui a durci à la fois le régime et les relations avec l’Union européenne.

Donald Tusk (Conseil européen), R.T. Erdogan (Tuquie), Jean-Claude Juncker (Commission européenne) – crédit : Conseil UE / Archives B2

De l’évolution des relations entre la Turquie et l’OTAN

Pour illustrer de l’importance des sièges, on peut prendre un autre exemple. On se rappelle de la rencontre entre le secrétaire général de l’OTAN et du président turc, dans les locaux de l’OTAN à Bruxelles, en mars 2020. Sur la photo officielle, Jens Stoltenberg est ramené à la place des conseillers, sur un petit fauteuil tout serré. Alors que le président turc trône au milieu, entre deux drapeaux turc. Aucun drapeau de l’OTAN n’est présent, alors que c’est souvent la règle dans l’enceinte de l’Alliance.

Jens Stoltenberg et le président turc Recep Tayyip Erdoğan à Bruxelles en mars 2020 (crédit : OTAN)

La différence est très notable avec la rencontre des mêmes, en septembre 2016, à Ankara, au lendemain du coup d’état militaire. Le président turc est toujours au centre, entre deux drapeaux turcs. Mais le secrétaire général est juste à côté de lui, dans une position quelque peu inféodée. Chacun a les jambes croisées, en signe de détente. Cette différence de position n’est pas innocente, à quatre ans de distance. Elle traduit un abaissement des relations.

Jens Stoltenberg et le président tuc Recep Tayyip Erdogan à Ankara (crédit : OTAN)

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Des Danois dans Takuba en 2022

Thu, 08/04/2021 - 15:03

(B2) Le gouvernement danois vient de le confirmer. Le Royaume de la Petite Sirène participera bien à la task-force initiée par la France au Mali. Les Danois pourraient, en quelque sorte, relayer les Suédois

Les soldats danois en formation au Kenya (crédit : Armée de terre danoise – Archives B2)

Le gouvernement danois a confirmé, ce jeudi (8 avril), être d’accord pour envoyer une contribution militaire à la Task Force Takuba. Le Conseil de la politique étrangère l’a approuvé. Cette décision devra encore être approuvée au Folketing (le parlement danois). Le contingent danois, fort de 105 personnes (au maximum), sera composé de forces spéciales, d’une unité chirurgicale et d’officiers d’état-major. Leur rôle : « conseiller, soutenir et accompagner les forces de défense et de sécurité maliennes et leur permettre de faire face à la menace des groupes terroristes dans la zone frontalière entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso » selon la définition qu’en a donnée la ministre de la Défense Trine Bramsen.

Lutter contre le terrorisme : une question vitale

« La menace du terrorisme de l’État islamique et d’Al-Qaïda reste grave. Ils veulent créer une oasis en Afrique de l’Ouest pour leur régime extrémiste de violence et de mort. Ce serait une grave menace pour la sécurité. Cela ne doit pas arriver » a souligné le ministre des Affaires étrangères Jeppe Kofod dans un communiqué. NB : le Danemark va mettre aussi un avion de transport de type C-130 à disposition de la MINUSMA, la mission de l’ONU au Mali.

Un pays en première ligne

On peut remarquer que le Danemark est un des pays les plus engagés aux côtés des initiatives soutenues par la France, que ce soit dans le détroit d’Ormuz, au sein de la mission EMASOH, ou dans le Golfe de Guinée contre la piraterie. Les Danois sont aussi des habitués des rudes combats. Engagés de façon longue dans l’opération de stabilisation de l’OTAN en Afghanistan, c’est le pays qui, proportionnellement à sa population, a subi le plus de pertes (43 morts pour une population d’un peu moins de 6 millions d’habitants).

(Nicolas Gros-Verheyde)

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La task-force Takuba en quelques mots

Wed, 07/04/2021 - 06:15

(B2) Déclarée pleinement opérationnelle fin mars, la task-force Takuba est pour l’instant installée sur deux lieux essentiellement

L’essentiel de la task-force Takuba est basé à Ménaka. Se trouvent :

  • le quartier général de la force avec des officiers de huit pays (France, Estonie, Tchéquie, Suède, Italie, Belgique, Pays-Bas, Portugal) ;
  • le 2e task-group franco-tchèque avec l’ULRI malienne n°2 ;
  • la force de réaction rapide (véhicules, hommes, hélicoptères) suédoise ;
  • la force de protection armée par les Français ;
  • et l’antenne chirurgicale et de réanimation suédoise.

A Gao, se trouve le premier task-group franco estonien avec l’ULRI malienne n°4.

Enfin à Niamey, est basé un C-130 suédois, chargé de l’évacuation médicale stratégique, ou des transports.

La task-force takuba est commandée par un général français, le général de brigade Philippe Landicheff, issue des forces aériennes (il était anciennement à Bordeaux).

(NGV)

Lire aussi : Force Takuba : qui participe, observe ou simplement soutient ? (v3)

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