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Diplomacy & Crisis News

Entre géopolitique, terrorisme et renseignements : la difficile traque des djihadistes

Géopolitique des conflits (Blog) - Wed, 04/02/2015 - 00:13
Prévenir les attentats est une tâche complexe et ingrate. Complexe car la rivalité stratégique entre terroristes et services de sécurité induit par nature des éléments extrêmement difficiles à contrôler : actions discrétionnaires, réseaux clandestins, modes de communications codés, parcours géographiques obscurs, … Lire la suite →

As long as it takes – Islamic state and Iran’s intervention

Géopolitique des conflits (Blog) - Wed, 04/02/2015 - 00:08
France 24 English Debate – anchored by François Picard, with Nathalie Goulet, French Senator and Member of the Foreign Affairs Committee, Janine di Giovanni, Newsweek Middle East editor, and Borzou Daragahi, Financial Times Middle East correspondent, France 24 English, 3rd of … Lire la suite →

Jerusalem Unrest & Jordan Diplomacy

Géopolitique des conflits (Blog) - Tue, 03/02/2015 - 23:32
TV Interview by journalists François Picard & Annette Young, France 24 English, 5th of November, 2014 Watch the interview

S-Y. Laurent, Atlas du renseignement. Géopolitique du pouvoir





S-Y. Laurent, Atlas du renseignement. Géopolitique du pouvoir, Presses de Sciences Po, Paris, 2014
Le renseignement est d’actualité, son étude se développe en France, et Sébastien Laurent en est l’un des animateurs les plus actifs. Cet atlas a une double vocation pédagogique et analytique. Pédagogique naturellement puisque les nombreuses cartes présentées ici clarifient, exposent, synthétisent aussi bien des « moments » clefs des relations internationales (les covert action de la CIA, l’époque des cellules Stay behind, le réseau Condor en Amérique latine…), que des structures (Echelon, les clubs européens…), des crises (Pearl Harbor, le Kippour, le 11 septembre…), ou même de nouvelles perspectives (l’avenir du renseignement en sources ouvertes, le réseau…). Analytique aussi car les textes en disent autant que les graphiques ici, revenant sur des évolutions historiques, décryptant des épisodes aujourd’hui négligés (les expulsions des diplomates soviétiques dans les années de guerre froide, la vision socialiste du renseignement à l’heure du Pacte de Varsovie, la logique Schengen…). Plus qu’un seul exercice cartographique – réussi, et toujours fascinant pour les amateurs d’atlas – ce travail constitue une étape importante dans le « rattrapage » français sur les intelligences studies.

P. Blanc, J-P. Chagnollaud, Violence et politique au Moyen-Orient



P. Blanc, J-P. Chagnollaud, Violence et politique au Moyen-Orient, Presses de Sciences Po, Paris, 2014  
Retrouvez les autres notes de lectures dans la Lettre de l'IRSEM n°8-2014
 
Pourquoi la violence politique au Moyen-Orient ? Hélas, les facteurs explicatifs ne manquent pas et les deux auteurs de cet ouvrage nous en dressent une liste. L’histoire coloniale d’abord, a engendré la violence territoriale (de la part du colonisateur) et sa réaction chez le colonisé, ou chez les nouvelles entités ainsi créées, notamment autour de l’enjeu Israël-Palestine. La trajectoire des idéologies, ensuite – sionisme, nationalisme arabe, islamisme – n’a rien fait pour désamorcer cet engrenage. Nationalismes et communautarismes ont fait à leur tour de la question identitaire un multiplicateur de violence, violence que les systèmes autoritaires ont encore exacerbée selon plusieurs modalités (violence physique, économique, exclusive aussi par le système de l’asabiyya – les violences faites aux femmes sont comprises dans cette catégorie). Enfin, le (mauvais) traitement de la région par le système international, ses instances et les détenteurs de son droit, n’ont pas permis – pour dire le moins – de compenser ces dynamiques. Au final, l’instabilité aujourd’hui paroxystique de cet ensemble régional (que l’année 2014 a encore démontré avec la double guerre civile irakienne et syrienne, la crise de gaza, les crispations autoritaires égyptiennes, entre autres) s’explique d’abord par une « désertion du politique », dont le prix à payer est désormais élevé.

P. Buhler, La puissance au XXIe siècle




P. Buhler, La puissance au XXIe siècle, Biblis, Editions du CNRS, 2014
Retrouvez les autres notes de lectures dans la Lettre de l'IRSEM n°8-2014
La réédition augmentée et en poche de ce travail désormais classique de Pierre Buhler (première édition en 2011) vient utilement mettre à jour sa réflexion sur la puissance, notamment à la lumière des événements ukrainiens, mais aussi moyen-orientaux. Diplomate de carrière doté d’une expérience d’enseignement de quatre années à Sciences Po, l’auteur excelle là où on l’attendait (notamment sur la conception russe de la puissance, sur la situation ukrainienne et centre-européenne, sur la puissance américaine, sur l’Asie – autant de champs qu’il a pratiqués amplement), mais également là où on l’attendait moins, à savoir sur la partie plus académique de sa réflexion (dont on pouvait imaginer qu’elle exigeait un investissement en temps moins accessible à un acteur qu’à un universitaire). Les quelque 600 pages de Pierre Buhler offrent en effet en toile de fond, au-delà de l’analyse du concept de puissance,  une véritable introduction aux relations internationales qui mobilise les auteurs clefs et les commente avec pertinence. Sur le concept de puissance lui-même, la mise en abîme historique (chapitre 1), les passages sur la relation de la puissance au droit et, partant, à la légitimité (chapitre 3), à la géographie, à la démographie ou à l’économie, sont particulièrement éclairants. P. Buhler plaide notamment, chiffres alarmants à l’appui, pour un plus grand investissement français et européen en faveur de la R&D, éléments incontournables de la puissance de demain. Sans parti pris théorique, il adopte néanmoins (p.330-331) l’une des définitions les plus modernes et convaincantes de la puissance, à savoir celle de Susan Strange (The Retreat of the State, 1996), comme : « la capacité d’une personne ou d’un groupe de personnes d’influer sur un résultat de telle manière que ses préférences l’emportent sur celles des autres ». A méditer.

Guerres hybrides et processus décisionnels incertains



Editorial de la Lettre de l'IRSEM n°8-2014
Le débat sur les guerres dites hybrides, relancé en 2014 par l’action russe dans l’est de l’Ukraine, n’est pas nouveau pour la littérature de relations internationales ou de war studies. Mais le plus frappant aujourd’hui est sans doute l’interconnexion entre ce « brouillard de la guerre », et le brouillard des processus décisionnels étatiques qui y participent. Une mise en abîme en trois temps confond aujourd’hui l’observateur : 1- les acteurs et logiques des situations de conflit contemporaines sont multiples, 2- elles échappent aux Etats qui croyaient pouvoir les instrumentaliser, d’autant que 3- ces Etats eux-mêmes n’ont pas de processus décisionnel clairement identifiable, au moins depuis l’extérieur.
Dans son ouvrage classique New and old Wars (Cambridge, 2012, 3d ed.), Mary Kaldor insiste sur les contradictions des conflits nouveaux : intégration ou exclusion des sociétés dans la globalisation, homogénéisation et diversification des pratiques, universalisation etlocalisme des revendications, coexistent en effet dans des situations héritées de la fin de la guerre froide. Les objectifs de ces conflits sont désormais politiques, identitaires et symboliques, plutôt que territoriaux ou idéologiques comme dans le passé. Ces guerres sont menées suivant des techniques héritées à la fois de la guérilla et de la contre-insurrection, ce qui fait leur complexité : c’est le contrôle politique d’un territoire et de sa population qui fait foi, plutôt que sa possession ; c’est la multiplicité des acteurs (paramilitaires, seigneurs de guerre, gangs, forces de police, mercenaires et fraction détachées d’armées régulières) qui prime, plutôt que la qualité organisationnelle d’une seule force officielle ; enfin c’est l’interconnexion de l’économie de guerre avec la société mondiale qui s’impose, y compris dans ses aspects informels (flux financiers issus des diasporas, « prélèvements » sur l’aide humanitaire, soutien de gouvernements voisins, mais aussi trafics d’armes, de produits ou d’êtres humains, drogue…).
Franck Hoffman (Conflict in the XXIst Century: The Rise of Hybrid Wars, 2011) a également théorisé ce concept de guerre hybride, insistant davantage sur la rencontre entre ses dimensions publique et privées, étatiques et non étatiques, formelles et informelles. Qu’on invoque encore le « degenerate warfare » (Martin Shaw), les « vestiges » de la guerre (John Mueller) ou la guerre « post-moderne » (Chris Hables Gray), le phénomène est connu, et la phase 1 de notre problème (multiplication des acteurs et des logiques dans les conflits) est donc plutôt bien identifiée, sinon résolue, par la littérature consacrée. 
Mais une question essentielle demeure : ces logiques concurrentes que l’on peut observer, ces acteurs multiples qui interagissent, sont-ils mis en musique par des stratégies cohérentes ? C’est bien la question du pilote dans l’avion, du deus ex machina, de la manipulation ou au contraire de l’autonomisation de cette diversité, qui est posée. Pour être plus clair encore : la Russie de Vladimir Poutine a-t-elle une chance de maîtriser les acteurs et processus aujourd’hui déchaînés en Ukraine ? L’Iran domptera-t-il éternellement le levier Hezbollah, ou d’autres encore, au Proche-Orient ? Le Pakistan peut-il impunément instrumentaliser les Talibans et les confiner au seul théâtre afghan ? Ce dernier exemple augure déjà d’une réponse sceptique.Là encore, les travaux sur les processus décisionnels comparés en matière d’action extérieure sont assez étoffés pour que l’on sache, depuis longtemps, que les multiples obstacles à une maîtrise parfaite de dynamiques aussi piégées rendent l’affaire quasiment impossible. Il y a toute chance qu’entre les biais de perception des décideurs (R. Jervis, Perceptions and misperceptions in international Politics, 1976), les affres bureaucratiques (compétition entre acteurs, conseillers, ministères, bureaux…) ou les perversités des modes opérationnels choisis (du leader solitaire qui perd de sa lucidité, au groupthink qui dégage des propositions consensuelles mais politiquement impraticables – voir A. Mintz, K. DeRouen, Understanding foreign policy decision making, 2010), l’Etat qui tenterait de manipuler le conflit hybride finisse par s’y perdre, et par faire sombrer la stabilité régionale voire internationale dans l’illusion de ses calculs.
Il se trouve, qui plus est, que les acteurs étatiques soupçonnés aujourd’hui de se livrer à un tel aventurisme sont souvent les plus opaques et les plus rétifs au décryptage. Laissons de côté l’étrange Corée du Nord, pour ne retenir que les trois acteurs déjà mentionnés (Iran, Pakistan ou même Russie). Sur ce dernier cas, les analyses actuelles des plus fins connaisseurs du sujet infirment largement le mythe d’un Poutine joueur d’échec implacable aux multiples coups d’avance, pour privilégier la double piste d’un cercle décisionnel de plus en plus restreint (on retrouverait alors le schéma de l’isolement et de la perte de lucidité dans la crispation autoritaire), et de tensions entre plusieurs types d’acteurs (acteurs économiques, de la sécurité au sens large – ou siloviki, les différents cercles proches du Kremlin…). Ce serait alors le risque de perte de contrôle plutôt que celui du « génie du mal », qui rendrait les guerres hybrides – celle d’Ukraine en l’occurrence – plus dangereuses encore (sur le cas russe, voir entre autres les articles réguliers de Jeffrey Mankoff ou Andrei Tsygankov, respectivement auteurs de Russian Foreign Policy: The Return of Great Power Politics, 2011, et Russia's Foreign Policy: Change and Continuity in National Identity, 2013).
Retenons de ces différents travaux l’hypothèse suivante : les guerres dites hybrides sont en partie incontrôlables du fait que la complexité des facteurs qui président à la conflictualité aujourd’hui n’est pas maîtrisable par ceux qui gardent pourtant l’illusion de la maîtriser, tentant de jouer sur des subtilités stratégiques ou sociologiques qui finiront en réalité par s’autonomiser. Dès lors, préviennent plusieurs auteurs, sanctionner la puissance d’Etat soupçonnée de nourrir ces processus n’est pas la seule clef de réponse aux guerres hybrides. Une autre clef consisterait selon eux à consacrer des efforts importants à consolider les sociétés victimes de ce type de guerre précisément sans tenir compte du fauteur de trouble. Il est difficile d’admettre telle quelle cette piste, sans voir immédiatement les risques qu’elle comporte à l’épreuve des faits. Mais les réflexions qu’elle provoque, et le sérieux des recherches empiriques qui y ont conduit, méritent incontestablement d’être pris en compte.
Frédéric Charillon, directeur de l’IRSEM

J-F. Morin sur La politique étrangère



J-F. Morin, La politique étrangère. théories, méthodes et références, Armand Colin, Coll. U., 2013
La politique étrangère n’est pas à proprement parler la même chose que la politique de défense, on en conviendra. L’ouvrage de Jean-François Morin (professeur de relations internationales à l’Université Libre de bruxelles) part d’un cadre suffisamment large cependant, pour intéresser différentes politiques publiques. Récapitulant avec pédagogie (c’est bien l’objet de cette collection) ce qui fait les objectifs, les ressources, ce qui identifie les instruments ou les résultats de la politique étrangère, revenant sur les différents niveaux d’analyse (agent, structure, processus décisionnel, niveaux d’action, rétro-action), cet ouvrage s’inscrit dans la ligné de la foreign policy Analysis (FPA), dont elle présente les évolutions, les chapelles, les échecs aussi, opposant les approches par la rationalité, la culture, les acteurs sociaux, les institutions, la bureaucratie, le poids des décideurs.
A comparer avec d’autres manuels anglo-saxons récents (comme le Hadfield, Smith & Dunne, foreign policy. Theories, Actors, Cases, Oxford University Press, 2012 – 2e édition), celui-ci se signale notamment par une bibliographie riche, mais originale puisqu’elle privilégie les articles d’études de cas plutôt que les ouvrages de synthèse. Notons également l’excellente conclusion qui appelle à une politique étrangère comparée ainsi qu’à une ouverture de la FPA sur les acteurs non étatiques, rend hommage aux auteurs non américains (Carlsnaes en Suède, Jorgensen au Danemark, Ch. Hill au Royaume-Uni, Thomas Risse en Allemagne, Kal Holsti au Canada, Alex Mintz en Israël, Douglas van Belle en Nouvelle Zélande…), ainsi qu’aux comparativistes (Kaarbo, jenkins-Smith, Larsen, Oppermann, Balabanova….). Notons enfin l’insertion des approches de l’action extérieure dans la science politique plus généraliste, au prisme par exemple du féminisme, des modèles cybernétiques ou bien sûr du constructivisme. Comment, pourquoi et par qui des décisions sont-elles prises, qui engagent l’Etat et la société sur la scène mondiale ?  On trouvera dans cet ouvrage un large menu permettant de répondre à cette question toujours cruciale.

T.M. Nichols et V. Narang sur la dissuasion nucléaire



 
Th. M. Nichols, No use. Nuclear Weapons and U.S. national Security, University of Pennsylvania Press, 2014V. Narang, Nuclear Strategy in the Modern Era. Regional Powers and international Conflict, Princeton University Press, 2014
Retrouvez les autres notes de lecture dans la Lettre de l'IRSEM n°7-2014
Deux ouvrages universitaires américains viennent alimenter utilement la réflexion stratégique sur la dissuasion contemporaine, renouvelant considérablement l’exercice. Appliqué explicitement au cas américain, le travail de Thomas M. Nichols,  (Professeur au Naval War College de Newport) rappelle à quel point toute réflexion sur l’arme nucléaire doit repartir des leçons de la guerre froide, qui l’a vue naître. Revenant sur le sensde la dissuasion entre1950 et 1990, l’ouvrage s’interroge ensuite que sa signification dans un monde bipolaire, sur leur réappropriation par des Etats qui ne sont plus des superpuissances, et sur l’intérêt d’une dissuasion minimale. Les questions que soulève la dissuasion, on le sait, sont nombreuses : la première tient à l’incertitude absolue de ce qu’il restera des doctrines à l’épreuve de la réalité, et donc à la crédibilité du concept même de dissuasion, avant même d’entrer dans ses aléas techniques. Le processus décisionnel du feu nucléaire, ses flous (le rapport entre autorités civiles et militaire) et ses risques (un accident est-il possible ?), le coût réel de la bombe, la possibilité effective de frapper les populations civiles de gouvernements non démocratiques qui auraient déclenché les hostilités (ou bien d’imaginer d’autres scénarios, d’autres ciblages), la répartition des vecteurs (triade air-terre-sous-marins), les interrogations sur la dissuasion élargie aux alliés (qui rend l’auteur plus que sceptique), sur l’efficacité d’une défense anti-missiles (idem), constituent autant d’inconnues qui exigent de repenser la dissuasion. Nichols plaide ici pour une place plus grande faite à la riposte conventionnelle face aux Rogue States, mais pour le maintien d’une assurance vie nucléaire minimale, en dépit de son coût. Il contribue, en tout cas, au débat américain sur la question, toujours vivace.Vipin Narang (politiste au MIT), s’intéresse exclusivement aux puissances qu’il qualifie de régionales, c'est-à-dire qui ne sont pas les deux superpuissances de l’ère bipolaire : Pakistan, Inde, Chine, France, Israël et afrique du Sud (1979-91). La Corée du Nord et l’Iran sont exclus de l’analyse, faute de sources et de certitudes. L’intérêt principal de son analyse tient dans la typologie des doctrines qu’il propose, distinguant trois postures possibles : a) la posture « catalytique », où le recours à l’arme nucléaire est brandi essentiellement pour déclencher la protection d’un allié plus important (Israël et l'Afrique du Sud, cherchant à s’assurer de la protection américaine) ; b) la posture de « représailles assurées », pour les Etats qui excluent le first use, mais promettent la riposte nucléaire à quiconque les agressera nucléairement (Inde, Chine) ; c) la posture d’ « escalade asymétrique », de la part des Etats qui, à partir d’un territoire géographiquement plus vulnérable, assurent le feu nucléaire à quiconque mettrait en danger leur existence, même avec des moyens conventionnels (France, Pakistan). Comment ces doctrines ont-elles été retenues, comment ont-elles évolué avec les changements internationaux ? (La France, par exemple, aurait pu,  la fin de la guerre froide, passer à une posture catalytique, plutôt que de maintenir l’escalade asymétrique devenue, avec la fin de l’Union soviétique, tous azimuts). Plus que dans la contingence technologique, l’auteur cherche la clef de cette énigme dans l’optimum rationnel à trouver entre décideurs civils et militaires. Il ressort de ces ouvrages des points qui, avec d’autres travaux (notamment le Dissuasion nucléaire au XXIe siècle de Thérèse Delpech, 2013), commencent à faire consensus : a) il y a nécessité de repenser la dissuasion à l’heure de la prolifération ; b) un monde sans armes nucléaires n’est pas pour demain, mais une perspective de dissuasion minimale est plaidable ; c) la folie de l'hypothèse nucléaire ne doit à aucun prix être banalisée, la possession de la bombe par des régimes aux processus décisionnels incertains pose un risque supplémentaire à cet égard, mais les grandes puissances, du temps de la guerre froide, ont parfois été légères, elles aussi, dans leur maniement de cette menace ultime.  ; d) la dissuasion ne fonctionne pas contre tout le monde ni contre tout type d’agression ; e) la dissuasion élargie (aux alliés ou voisin) est moins que jamais crédible.D’utiles contributions à un agenda de recherche qui, en France, doit être redynamisé.

Difficulté à dissuader, maintien de la dissuasion



Difficulté à dissuader, maintien de la dissuasion Editorial de la Lettre de l'IRSEM n°7-2014



Il n’aura échappé à personne que peu d’acteurs, de nos jours, se sentent dissuadés sur la scène internationale. Ni l’acteur religieux Daech dans son entreprise irakienne et syrienne, ni l’acteur étatique russe en Ukraine, ni le régime de Damas dans son escalade violente depuis 2011, ni les criminels, pirates, hackers, ou autres, dans la poursuite de leurs activités. Tous, pourtant, ont reçu, sous des formes différentes, des avertissements solennels et promesses de punition de la part d’autorités dotées de moyens importants. Même sur le terrain traditionnel du rapport de force stratégique impliquant des Etats puissants, la dissuasion ne fait plus recette : Milocevic avait défié l’OTAN dans les années 1990, le Hezbollah en 2006 puis le Hamas à l’été 2014 en ont fait autant à l’égard d’Israël, la Corée du Nord multiplie les provocations (depuis sa posture nucléaire jusqu’à l’attaque d’une corvette sud-coréenne en 2010), l’Iran maintient son jeu complexe entre dossier nucléaire et équilibres proche-orientaux. Des relations de rivalité dangereuses, ailleurs, laissent libre court à l’aventurisme (Japonais et Chinois en mer, Indiens et Pakistanais au Cachemire…). En d’autres termes, le mécanisme consistant à persuader un acteur tiers qu’il lui serait trop coûteux d’agir contre les intérêts de ceux qui l’ont mis en garde, semble opérer de moins en moins. Les sciences sociales proposent de nombreuses explications possibles à ce phénomène : la perception (juste ou fausse) d’une faiblesse chez l’autre, dont on pense qu’il ne réagira pas avec force ; le calcul (juste ou erroné) que la prise de risque apportera quoi qu’il arrive un gain politique interne ou externe, même en cas de réaction internationale forte, d’autant que les menaces explicites des uns pourront être compensées par les soutiens discrets des autres ; la conviction chez un acteur donné que le fait de braver les mécanismes de dissuasion permettra de bousculer les contraintes systémiques en altérant la crédibilité de celles-ci. Mais au final, nous sommes bien entrés dans un monde où le fort peine à dissuader le faible, où la puissance n’effraie plus la nuisance, où les géants ont moins peur de se heurter entre eux.Cette difficulté croissante à dissuader doit-elle nous conduire à enterrer ce que nous appelons « la dissuasion », c'est-à-dire la possession d’armes nucléaires comme instruments ultimes ? telle n’est pas la réponse apportée par de nombreuses études de relations internationales publiées aujourd’hui dans le monde sur ce sujet. Celles-ci distinguent clairement, de façon qui peut certes dérouter, le fait de dissuader (au sens d’empêcher un tiers d’agir) du fait de posséder la dissuasion (au sens d’être doté de l’arme nucléaire). Et la plupart des auteurs concluent à la nécessité, pour les puissances déjà dotées, de maintenir et d’adapter cet attribut, plutôt que d’y renoncer. Pour résumer grossièrement ce débat : il est admis que les armes nucléaires sont de peu d’utilité face à un certain nombre de défis actuels, mais elles n’ont pas été faites pour cela, et leurs fonctions initiales restent valides, surtout si l’on parvient, en progressant vers des seuils minimaux, à diminuer les risques d’accident qu’elles comportent.Les principales limites de la dissuasion nucléaire sont connues et largement commentées : a) on imagine mal, en démocratie, qu’elle puisse s’appliquer face à des acteurs inférieurs, face à des actes terroristes, face à des agressions meurtrières mais non nucléaires, a fortiori si l’origine de celles-ci comporte un doute, et si la riposte implique d’anéantir des civils pour faire payer des acteurs déviants (Th. M. Nichols, No use. Nuclear Weapons and U.S. national Security, University of Pennsylvania Press, 2014) ; b) la dissuasion élargie, c'est-à-dire la protection des uns par les arsenaux d’un autre, éventuellement au prix du suicide de ce dernier, est moins crédible aujourd’hui encore qu’à l’époque où le général de Gaulle doutait fortement que les Etats-Unis puissent engager le feu nucléaire contre l’URSS uniquement pour sauver l'Europe (Th. Delpech, La dissuasion nucléaire au XXIe siècle. Comment aborder une nouvelle ère de piraterie stratégique, Odile Jacob, 2014) ; c) les débats sur les défenses anti-missiles, en dépit des lacunes de ces dernières, ont pour effet de brouiller le débat, et de rendre la dissuasion nucléaire plus impopulaire encore dans certains cercles intellectuels ; d) le fossé, en matière d’arme nucléaire, est tel entre les débats théoriques ou doctrinaux, et la réalité du processus décisionnel confronté à l’épreuve des faits, que ces débats sur la dissuasion apparaissent bien chimériques et vains (y compris déjà, à l’époque, pour Raymond Aron) ; e) surtout, on observe que des puissances nucléaires ont été tenues en échec militairement par des acteurs inférieurs, et qu’elles ont préféré gérer cet échec plutôt que d’avoir recours à leur arsenal nucléaire, dont l’usage n’aurait d’ailleurs pas nécessairement réglé leur problème. Mais les fonctions de la dissuasion nucléaire sont d’une toute autre nature. 1- La première d’entre elle est de garantir la survie d’une entité qui viendrait à être définitivement menacée, et non d’aider simplement cette entité à faire triompher ses intérêts ou ses projets sur des théâtres extérieurs. C’est pour cette raison que les Etats-Unis ont finalement renoncé, après 1945, à l’usage du nucléaire dans la guerre de Corée (1950-53), ou que l’URSS de Khrouchtchev a finalement reculé à Cuba (1962). Que la doctrine choisie implique l’usage en premier ou non, qu’il s’agisse d’obliger un allié à intervenir ou de se défendre soi-même (V. Narang, Nuclear Strategy in the Modern Era. Regional Powers and international Conflict, Princeton University Press, 2014), la dissuasion est bien une question de survie et non de compétition. 2- Par ailleurs, et au-delà de sa dimension militaire, elle constitue un attribut politique reconnu qui confère à ses possesseurs l’appartenance à un club fermé dont les membres font l’objet d’un traitement particulier. Sortir de ce club est possible (afrique du Sud, Kazakhstan, Ukraine, Belarus), renoncer à y entrer aussi (Argentine, Brésil, Suède…), mais au prix d’un renoncement à ce statut (B. Pelopidas, Renoncer à l'arme nucléaire, la séduction de l'impossible ?, Presses de Sciences Po, à paraître). De la même manière, renoncer à la dissuasion demeure hasardeux sur le plan de la sécurité, tant que d’autres acteurs la maintiennent pour eux-mêmes et que d’autres cherchent à l’acquérir. A partir de ces éléments, beaucoup d’auteurs se gardent de parier à court terme sur un monde sans dissuasion, et suggèrent un abaissement des seuils accompagné de mesures de vérification, plutôt que des renoncements unilatéraux. Ils prônent, en d’autres termes, une gouvernance maîtrisée du nucléaire (qui reste à imaginer) plutôt que son abandon chaotique. Dissuader est de plus en plus incertain, mais posséder la dissuasion est une toute autre affaire, et sur ces deux enjeux, une réflexion nouvelle est impérative.
Frédéric Charillon

Israel-Palestinian territories: Can there be an end to the historic conflict?

Géopolitique des conflits (Blog) - Fri, 31/10/2014 - 16:28
Participant au débat de France 24 English – Débat animé par Stuart Norval, avec l’ancien Haut-Représentant de l’Union européenne au Quartet pour le Proche Orient, le journaliste de Yedioth Ahronoth Gil Mihaely et le président d’Obervers in Palestine Madjid Messaoudene, … Lire la suite →

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